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Evaluation de l'impact psychologique de la mise en place d'un système d'assurance qualité (ISO9001) sur les travailleurs d'une PME

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par Eric Trillet
Universtié Catholique de Louvain (UCL) - Licence en sciences du travail 2007
  

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2 Introduction

Je suis particulièrement sensible aux implications induites par la mise en place d'un système d'assurance qualité dans la mesure où j'ai pu exercer durant deux années la fonction de responsable adjoint en assurance qualité dans une PME. Mes études m'ont permis de percevoir les différentes facettes du travail qui ont contribué tant au succès qu'aux difficultés de cette entreprise.

Les travailleurs vivent-ils passivement ce changement pourtant majeur de l'entreprise ? On peut difficilement penser que oui. En effet, ce processus de recherche qualité touche profondément chaque membre de l'entreprise.

L'ISO1(*) peut-il constituer une anecdote structurelle, une modification du paysage que constitue le contexte de travail sans répercussion sur les individus ? Ou au contraire cette surcharge de travail et ce changement (procéduralisation, responsabilisation) s'annoncent-ils comme les prémices d'une transformation fondamentale au sein de l'organisation ?

Le choix de la norme ISO 9001 n'est pas anodin. D'une part, j'ai une certaine connaissance de cette norme en ayant participé à la certification d'une entreprise selon ce référentiel. D'autre part, cette norme apparaît comme la plus contraignante de la série ISO (version 1994) et se trouve également être une obligation pour certaines entreprises afin de rester sur le marché.

Nos hypothèses de départ seront les suivantes :

o Le système de gestion de la qualité répondant à la norme ISO 9001 impose une formalisation du travail ayant un impact psychologique comparable au taylorisme sur les travailleurs.

o Le système de gestion de la qualité répondant à la norme ISO 9001 impose la traçabilité des produits. Cette traçabilité repose sur des enregistrements réalisés par des mesurages à chaque étape de la production. Ce système peut être ressenti par les opérateurs comme un outil d'évaluation de leurs performances individuelles.

Au-delà de cette question « locale » de la certification en entreprise, la question peut être déplacée au rapport à la norme et à l'autorité. L'ambiguïté de la norme ISO 9001 peut en effet s'analyser comme le résultat de la mutation du rapport à la norme sociale.

Mon mémoire s'appuiera dans un premier temps sur une étude théorique de l'organisation et du rapport à la norme. Une seconde étape consistera en une étude pratique basée sur des interviews semi directives de travailleurs soumis à la norme ISO 9001.

3 Première partie : Cadre théorique

3.1 L'organisation

Afin de comprendre l'impact que peut avoir l'application d'une norme telle que l'ISO 9001 sur les travailleurs d'une organisation, il apparaît nécessaire de développer quelque peu le contexte dans lequel se déroulera l'analyse, à savoir, «l'organisation » elle-même et les changements structurels qu'elle va subir.

Le terme organisation est vaste. Dans ce travail nous nous intéresserons en particulier aux PME du secteur marchand, à savoir aux entreprises comptant entre 10 et 250 salariés.

Il aurait été possible de définir plus précisément ce qu'est une PME. Toutefois ceci ne nous apparaît pas relevant dans ce travail et en pratique nous ramènerons donc l'idée de PME à une unité technique d'exploitation de taille réduite.

Nous verrons plus loin dans ce mémoire comment les entreprises ont été sélectionnées (4.1 Méthodologie).

D'une manière générale les organisations peuvent se définir comme « des structures sociales créées par les individus pour accomplir de façon collective certains buts. (Scott, 1987, p9)».2(*)

Ce chapitre brossera les différentes approches des organisations en essayant de positionner la PME dans les différents modèles et d'expliquer l'impact potentiel de la mise en place du référentiel ISO 9001.

3.1.1 Approche rationnelle

L'approche classique de l'organisation repose sur une recherche d'efficacité.

Le modèle le plus représentatif de cette approche est le taylorisme (« l'organisation scientifique du travail ») (F.W. Taylor ~ 1900).

Le taylorisme est un mouvement de rationalisation industrielle initié par F. W. Taylor fin du XIX° siècle aux Etats Unis. Ce mouvement fait de l'organisation et du management des disciplines scientifiques. Son but est d'atteindre l'efficacité économique optimale en augmentant la « productivité débit » des facteurs travail et machine. L'individu y est considéré comme isolé et essentiellement motivé par l'argent.

Le principe repose sur l'observation « scientifique » (analyse minutieuse et chronométrage) de la production afin de décomposer les tâches complexes en opérations simples, descriptibles, impersonnelles. Ces opérations ne nécessitant pas, ou très peu, de connaissances professionnelles sont alors prescrites et leur exécution contrôlée. La division du travail entre conception (bureau des méthodes) et exécution y est radicale.

Cette méthode a permis aux ateliers d'être organisés pour une moindre fatigue des ouvriers. L'efficacité étant corrélative à l'intensité du travail individuel, le salaire était lié au rendement.

Il faut remarquer qu'aujourd'hui le taylorisme n'a pas tout à fait disparu. Comme nous en discuterons plus loin au point 3.3.2 (Le contrôle taylorien), il a dû s'adapter, mais on parle bien de nos jours de post-taylorisme, de néo-taylorisme, ou encore de taylorisme participatif. Aussi faut-il veiller à ne pas assimiler le taylorisme aux excès qu'il a engendré au cours de la crise de la fin des années 30.

Bien que le taylorisme, suivi du fordisme et son travail à la chaîne, n'aient concerné à l'origine que les productions de masse, ces principes peuvent certainement s'appliquer au niveau des PME.

On peut supposer qu'une nuance pourrait être faite en fonction du domaine d'activité. En effet, si cela semble difficilement transposable à une « spin-off » universitaire dans un domaine de hautes technologies, on peut sans difficulté imaginer ce mode d'organisation dans une entreprise dont le processus de production est élémentaire. On peut donc émettre l'hypothèse qu'il existe un lien entre la propension au taylorisme et le niveau de qualification des opérateurs (plus ils sont qualifiés, plus ils sont autonomes).

Si l'approche rationnelle (taylorisme) a été dénoncée pour son manque d'efficacité et le problème « humain » qu'elle engendre, sa prétention scientifique légitimante, rationalisante, reste malgré tout séduisante. Aussi est-il tentant de vouloir faire la comparaison avec les systèmes de management de la qualité tels que l'ISO 9001 qui présente manifestement des points communs :

o une démarche analytique légitimée par une « parole scientifique »,

o un impératif de régulation formelle qui fait place à un contrôle de la part de la ligne hiérarchique,

o une sélection objective des travailleurs.

Cependant le taylorisme et l'ISO 9001 présentent également d'importantes divergences :

o Le but diffère. Le taylorisme vise l'efficience tandis que la norme ISO 9001 vise la maîtrise (constance) de la qualité des produits. La maîtrise des processus passe ainsi du contrôle des individus au contrôle des produits et des processus.

o A l'exception de l'indépendance des auditeurs, la norme ISO 9001 interdit la séparation entre conception et exécution. De plus, même si elle n'est pas prescrite par la norme, les travailleurs sont idéalement invités à participer à l'écriture des procédures. L'ISO 9001 n'obéit pas à une logique d'isolation, de dépossession des travailleurs et laisse place à leur autonomie, leur esprit critique.

o Le système qualité ISO 9001 est un système vivant, évolutif, adaptable. Les opérateurs doivent éviter de suivre des règles inefficaces, mais doivent alors contribuer à leur révision.

o La norme ISO 9001 ne prescrit aucune configuration précise en matière d'autorité.

o L'ISO 9001 ne lie pas la rémunération à la performance.

« En résumé, la norme ISO 90003(*), en regard des principes qu'elle prône, montre une position ambiguë par rapport au taylorisme. Tout en permettant aux utilisateurs de la norme de rompre avec certains principes clefs du taylorisme, il ne peut être conclu, d'autre part, qu'elle exige de façon claire et nette ces ruptures. Elle peut même, par l'effet « pervers » de son obligation de régulation formelle, induire l'application des principes tayloriens ».4(*)

* 1 Notons de suite pour les puristes, que nous parlerons d'ISO dans son « usage populaire » et non littéral. Notre intérêt pour l'ISO porte essentiellement sur son caractère normatif général et non sur son contenu spécifique.

* 2 MAROY C. (2005-2006), « Sociologie des organisations et de l'action organisée », Cours TRAV21.

* 3 ISO 9000 s'entend comme la série des normes ISO 9001, 9002, 9003. Dans la nouvelle version (2000) de l'ISO 9000, les normes ISO 9002 et 9003 ont été abandonnées.

* 4 GOUDREAULT Y. (2001), Thèse de doctorat, Op. Cit., pp324.

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