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La gouvernance, Etat des lieux et controverses conceptuelles

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par Cheikh NDIAYE
Université du Littoral - Doctorat 2008
  

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1.2. La gouvernance actuelle

La réfection des rapports entre les différents acteurs s'est imposée au sein de l'Etat ou des entreprises suite aux crises de l'Etat moderne et à la fin de la bipolarisation du monde symbolisé par la chute du mur de Berlin. Sans qu'elle soit l'oeuvre d'un tel théoricien ou d'une telle école particulière, la notion de gouvernance réapparaît à l'intérieur d'un courant de pensée hétéroclite au début des années 1990. Elle entend redéfinir les processus classiques de prise de décision en tenant compte de la multipolarité naissante au sein d'un monde en pleine transformation. Cette nouvelle approche qui se fonde sur le partenariat, la pluralité d'acteurs et de pouvoirs multi centrés, rejette l'analyse classique des rapports de pouvoirs conçus sur le mode de la verticalité entre des autorités ordonnancées de manière hiérarchique et les autres acteurs de la vie en société. Elle met en avant plutôt l'analyse en réseaux, au sein desquels une pluralité d'acteurs échangent et interagissent sur le mode de coopération ou de la concurrence. Ainsi, une nouvelle forme procédurale s'impose aux prises de décision mais aussi à l'action publique. Il devenait donc nécessaire de repenser la manière de gouverner et le rapport entre l'Etat et la société5.

La résurgence du concept de gouvernance sur la scène internationale sera le fait de la Banque Mondiale (BM) au tournant des années 1990. Pour la BM, dont la stratégie des années 1980 de libéralisation des pays placés sous ajustements structurels ne procurait que des résultats très mitigés sur le plan économique, mais, par contre, commençait à susciter de plus en plus de critiques de la part des populations et des organisations non gouvernementales (ONG), la notion de gouvernance est apparue comme le moyen de redonner de la légitimité à ses interventions6. La Banque Mondiale parle ainsi, dès 1989, de ?Good governance?. Quand on utilise le mot ?gouvernance?, on ne se réfère donc certainement pas aux définitions très larges données par le Webster's Dictionnary mais plus probablement à cette définition beaucoup plus explicite, malgré les apparences, donnée par la Commission BRANDT sur la «Gouvernance globale», et reprise, ensuite, par Eric BAIL au nom de la Commission Européenne : «La somme des voies et moyens à travers lesquels les individus et les institutions, publiques ou privées, gèrent leurs affaires communes. Il s'agit d'un processus continu grâce auquel les divers intérêts en conflit peuvent être arbitrés et une action coopérative menée à bien. Ceci inclut les institutions formelles et les régimes chargés de

5 La gouvernance favorise ainsi les interactions Etat- société, en offrant un mode de coordination horizontal entre partenaires intéressés par l'enjeu- autorité publique, entreprises, groupes de pressions, experts, mouvements de citoyens, associations de consommateurs- pour rendre l'action publique plus efficace. Elle privilégie l'élaboration non hiérarchisées des politiques publiques, par rapport à la prise de décision verticale, imposée par le haut, propre au gouvernement traditionnel.

6 Bonnie CAMPBELL Gouvernance : un concept apolitique ? Conférence prononcée lors du séminaire d'été du Haut Conseil de la Coopération Internationale, Dourdan le 29 août 2000. Le rapport complet est disponible sur le site du Centre des Etudes Internationales et Mondialisation, de l'Université du Québec à Montréal, http://www.ceim.uqam.ca/textes/gouvernancehcci.htm

mettre en application les décisions, ainsi que les arrangements que les gens ou les institutions ont acceptés ou perçoivent comme étant dans leur intérêt 7 ».

Ce qui est intéressant dans cette définition c'est l'idée de processus interactif : une succession d'étapes à travers lesquelles des acteurs nombreux n'ayant pas les mêmes intérêts et agissant à différentes échelles, mais faisant face à un même problème, vont progressivement construire une représentation commune de cette réalité. Ils vont lui donner un sens, se fixer des objectifs, adopter des solutions puis les mettre en oeuvre collectivement sans que rien - ni cette représentation, ni ces objectifs, ni ce sens, ni cette interaction- ne soit déterminé à l'avance8. La BM, en axant sa propre conception de la gouvernance, ou de la bonne gouvernance, sur l'efficacité, la responsabilisation, la participation et la transparence, cultive ce que Bonnie Campbell appelle « un managérialisme populiste » qui s'articule autour d'une approche technique de la chose publique, et une réduction de l'Etat à la seule fonction de garant d'un régime de droits permettent le plein épanouissement du marché et le respect de la propriété privée.

À partir de 1995, d'autres agences internationales et onusiennes (CNUCED, UNESCO, OCDE, OMC, FMI etc.) vont progressivement recourir elles aussi à ce concept de gouvernance. Pour ces organisations internationales qui souffrent de déficit démocratique, souvent taxées de technocratiques, la gouvernance apparaît comme une source nouvelle de légitimité. Essentiellement pragmatique, le concept de gouvernance renvoie ainsi finalement à une boite à outils? une liste impressionnante et extensible de recettes managériales ou d'instruments supposés apporter des réponses appropriées à la crise des politiques démocratiques traditionnelles, centrées sur l'autorité de l'Etat (tableau 1 page 13). C'est en cela que la théorie des sites symboliques peut apporter d'une rationalité de la gouvernance pragmatique avec la boîte noire qui constituerait le système de gouvernance, la boîte conceptuelle le modèle et la boîte à outils les moyens et instruments9.

L'histoire à succès de ce mot - qui comme on l'a dit ne peut se comprendre qu'en référence au contexte actuel - s'explique sans doute ainsi par le sentiment - on pourrait presque parler de croyance mythique - que nous avons maintenant à notre disposition «une boite de pandore politique», comprenant toutes les formules nécessaires et suffisantes pour permettre de surmonter les contradictions de l'action collective. Un catalogue d'outils «universels» capables de répondre à toutes les situations, même les plus complexes, sans aucune vision idéologique du «bon gouvernement», si ce n'est une vision plutôt abstraite de la démocratie, conçue comme une interaction ouverte et pluraliste entre acteurs. Cependant, c'est cette vision neutre, optimiste, managériale de l'action collective qui est selon Theys, mise fortement en doute par les deux autres termes de «gouvernabilité» et de «gouvernementalité». Cette controverse sur la neutralité sera développée dans les développements suivants.

7 Christophe BAIL, "Environmental Governance: Reducing risks in democratic societies". Introduction paper, EEC, Future Studies Unit, 1996.

8 Pierre CALAME, «Des procédures de gouvernement au processus de gouvernance». Séminaire d'ODENSE, 11 octobre 1996, Commission Economique européenne.

9 Voir l'introduction à la théorie des sites symboliques in Critique de la raison économique de Serge Latouche, Fouad Nohra et Hassan Zaoual, coll. L'Harmattan 1999. Nous allons également nous appuyer sur les paradigmes de la sitologie pour faire un essai de conceptualisation de la « gouvernance située».

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci