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Justice transitionnelle au Burkina Faso, originalité ou pis-aller?

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par Lamoussa Windpingré Pascal ZOMBRE
Université de Genève - Certificat en droits de l'homme 2006
  

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INTRODUCTION

Le Burkina Faso, ex Haute -Volta est un pays situé au coeur de l'Afrique de l'ouest. D'une superficie de 274000 kilomètres carrés, sa population est estimée à 13 millions d'habitants1(*). On y dénombre une soixantaine d'ethnies vivant dans une parfaite harmonie et usant à merveille de la parenté à plaisanterie2(*). La population bukinabé est reconnue comme étant travailleuse et disciplinée. Les burkinabés vont, à partir des années 60, faire l'expérience de tous les régimes3(*) qui ont marqué le 20ème siècle.

Le Burkina Faso a la réputation d'être un pays politiquement et socialement stable en Afrique occidentale. Cette stabilité a été sérieusement remise en cause par un événement macabre qu'il est convenu d'appeler le drame de Sapouy4(*). En effet, le 13 décembre 1998, Norbert ZONGO, directeur de publication de l'hebdomadaire « L'Indépendant », ainsi que trois de ses compagnons, parmi lesquels son frère, ont été retrouvés carbonisée dans leur véhicule.

Le drame de Sapouy a créé une onde de choc provoquant la rupture de confiance et le déficit de dialogue entre les acteurs politiques et les populations d'une part et d'autre part, entre le gouvernement et l'opposition. Ce crime rallongeait une liste déjà longue de crimes non élucidés qui endeuillaient des familles et dégradaient le climat politique. S'agit-il d'un crime politique ? Des doigts accusateurs pointaient le pouvoir en place. Dans un élan de désapprobation et de colère généralisées, les populations, particulièrement la jeunesse, ont manifesté leur mécontentement sur la quasi totalité du territoire national, à travers des marches de protestation accompagnées de destructions de biens publics et privés. Tout ce qui symbolisait l'Etat et le parti au pouvoir5(*) faisait l'objet d'attaques et de destructions systématiques lors des manifestations de protestation. Les organisations des droits de l'homme ainsi que les partis politiques de l'opposition se sont regroupés en Collectif des Organisations Démocratiques de Masses et des Partis Politiques (CODMPP) pour demander au gouvernement toute la lumière et la justice dans ce qu'ils ont appelé « l'affaire Norbert ZONGO ». D'un commun accord ils vont soumettre au gouvernement une plate-forme revendicative dans laquelle, ils appelaient de tous leurs voeux la création d'une commission d'enquête indépendante.

Désormais, la lutte était récupérée par le collectif qui allait l'endosser pour le compte et au nom des protestataires. Celui-ci allait s'ériger en seul interlocuteur face au gouvernement. Cette situation de violence généralisée ne pouvait perdurer car, il venait non seulement ternir l'image et la réputation du pays, mais affectait sérieusement le fonctionnement des institutions républicaines. De ce fait, le gouvernement ne pouvait rester insensible à une crise aussi majeure qui, en quelque mois, menaçait sérieusement la stabilité politique et sociale du pays.

Pour apaiser la tension, le chef de l'Etat, le 21 mai 1999, montait au créneau et adressait, cinq mois après le drame, un message6(*) d'apaisement à la population ; message dans lequel il reconnaissait que le Burkina Faso traversait une crise majeure qui mettait à rude épreuve la cohésion sociale. En outre, il reconnaissait la légitimité des questionnements auxquels étaient confrontés ses concitoyens et des réponses pertinentes qu'ils étaient en droit d'en attendre. Par ailleurs, il rassurait ses concitoyens par le fait que le gouvernement prendrait toutes les mesures utiles afin que les personnes concernées par le drame puissent répondrent de leurs faits devant la justice.

Enfin, le chef de l'Etat affirmait avoir pris acte des attentes fortes et fondées de ses concitoyens relativement à d'autres crimes impunis, à la réconciliation des coeurs et à la consolidation de la paix sociale dans le pays. A cet effet, le chef de l'Etat burkinabé avait décidé d'instituer le Collège des sages.

L'institution du Collège des Sages était un désaveu implicite de la justice institutionnelle, révélant ainsi son impuissance à faire face à un passif criminel et un passé parsemé d'impunité que la crise de Sapouy avait contribué à révéler. Cette justice en dysharmonie avec son peuple était décriée et mise en accusation.

En effet, les burkinabé ont toujours reproché à leur justice d'être partisane, sévère à l'égard des plus faibles et complaisante à l'endroit des plus forts7(*). Le Mouvement Burkinabé des Droits de l'Homme et des Peuples (MBDHP8(*)) faisait état dans un de ses rapports9(*), d'une justice dont l'indépendance est tributaire de nombreux problèmes politiques, matériels, humains, textuels etc. et justifiait son discrédit par ses errements au cours de l'histoire10(*). En effet, la parenthèse révolutionnaire, dans l'histoire politique du Burkina Faso, a fragilisé à l'extrême l'appareil judiciaire avec l'institution des Tribunaux Populaires de la Révolution (TPR) où magistrats et les Comités de Défense de la Révolution (CDR) siégeaient pour rendre une justice révolutionnaire. En outre, cette période a été marquée par la forte politisation de l'institution avec un bouleversement total de la hiérarchie dans le corps, l'introduction d'une procédure révolutionnaire11(*) et l'apparition d'acteurs politiques magistrats. Toutes choses ayant contribué à créer une méfiance des citoyens vis-à-vis de l'institution. L'avènement de la quatrième République en 1991, où les acteurs politiques du passé, toutes tendances confondues, par un jeu de recomposition inimaginable se sont retrouvés soit au pouvoir, soit dans l'opposition, n'avait pas été d'un grand secours pour l'institution judiciaire dont la situation n'avait pas évoluée pour autant.

* 1 Selon les données de L'INSD, en 1996, la population était estimée à 10.469745 ; aujourd'hui, elle est estimée à environ 13 millions. Les estimations du PNUD prévoient une population de 17.7 millions en 2015.

* 2 Plaisanterie entre ethnies ayant eu, entre autre, des rapports de maître à esclave de par le passé.

* 3 Quatre régimes démocratiques et 6 régimes d'exception.

* 4 Localité située à 100 Km au sud de la capitale, sur l'axe Ouagadougou Léo

* 5 Le congrès pour la démocratie et le progrès (CDP)

* 6 V. Message à la nation de son excellence le président du Faso, Ouagadougou le 21 mai 1999, rapport Générale sur la mise en oeuvre des recommandations de la commission pour la réconciliation nationale, p. 46-47

* 7 V. Réquisitions du commissaire du gouvernement Boniface N Gjiguimdé près le conseil d'Etat, Rentrée judiciaire 2006-2007, Ouagadougou, octobre 2006, p. 2

* 8 Mouvement burkinabé des droits de l'homme et des peuples, principale organisation de défense des droits de l'homme, membre du collectif des organisations démocratiques de masse et des partis politiques (CODMPP)

* 9 V. Rapport sur l'Etat des droits humains au Burkina Faso, période : 1996- 2002, MBDHP 2002, p. 92

* 10 V. Ibidem, p.92

* 11 Suppression des délais de recours et de prescription.

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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery