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Justice transitionnelle au Burkina Faso, originalité ou pis-aller?

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par Lamoussa Windpingré Pascal ZOMBRE
Université de Genève - Certificat en droits de l'homme 2006
  

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Conclusion

Il y a eu plusieurs transitions au Burkina Faso. La première, qui nous intéresse le moins, est celle située entre la période coloniale et les indépendances. Ensuite, viennent les nombreuses transitions marquées par une alternance entre les différentes Républiques et les coups d'Etat. La dernière transition est celle qui a mis fin au régime dit des capitaines, plus précisément au régime du front populaire dirigé par le capitaine Blaise COMPAORE. Cette transition a donnée naissance à la réouverture démocratique des années 1990. Mais, peut-on réellement parler de transition? Si une transition se limite au changement de régimes politiques, ça en est une. Cependant lorsque ce changement de régime n'est pas accompagné d'un changement des hommes qui sont à la tête de l'appareil d'Etat, on ne peut affirmer avec certitude qu'il y a transition, même si une nouvelle constitution a été adoptée. Malheureusement, la nouvelle constitution burkinabé de la quatrième république66(*) n'a pas tenu compte du fait que le passif en matière de violation massive des droits de l'homme devait être soldé. La transition telle que nous la concevons, comporte ces éléments, mais, elle doit être marquée par une remise en cause de l'histoire sociopolitique du pays en question et une volonté commune de se réconcilier avec le passé, en vue d'aborder l'avenir avec sérénité et tranquillité. Dès lors, il est difficile d'affirmer sans crainte qu'il y a eu transition au Burkina Faso.

En outre, l'ampleur des violations des droits de l'homme y est relative, eu égard au nombre des victimes et à la durée dans l'espace et dans le temps des actes incriminés.

On pourrait affirmer que justice a été faite aux victimes des violences en politique au Burkina Faso, parce la possibilité a été offerte aux victimes de saisir les tribunaux, les mêmes qui ont été écartés dans la recherche de la vérité générale et globale sur les quarante années de l'histoire politique du pays. Des victimes ou leurs familles les ont effectivement saisis. Là encore les différents verdicts qui ont été rendus n'ont pas été satisfaisants pour les requérants et certains67(*) ont saisi la Commission des Droits de l'Homme des Nations Unies. Une fois de plus la justice a été décriée et taxée de partisane.

Par ailleurs, la confession publique du chef de l'Etat burkinabé, l'endossement des crimes commis au nom de l'Etat sur la base des travaux des différentes commissions et la demande de pardon solennelle aux victimes, à leurs familles et à la nation entière, pourraient être considérés, dans une moindre mesure, comme une justice. Toutefois, la justice transitionnelle est une quasi justice qui emprunte imparfaitement les chemins de la justice classique, même si la logique qui anime ces deux institutions est différente, elles parviennent, à n'en pas douter, au même résultat; à savoir la manifestation de la vérité.

Par contre, la célébration de la JNP, avant que la commission justice, vérité et réconciliation n'ait été créée et statuée, telle que l'a recommandé le Collège de Sages et fortement souhaité par certaines familles des victimes, pourrait être interprété comme une tentative insidieuse d'étouffer l'expression de toute vérité. Par ailleurs, le fait même d'admettre, en plus du pardon, les recours aux juridictions, est la manifestation tangible qu'il n'y a point eu de consensus autour de la question de justice. Il y a peut-être intention de justice en laissant aux victimes et à leurs familles la possibilité de se déterminer. Dans ce cas, ce mélange non miscible de pardon et de procès apparaîtrait comme une originalité à la burkinabé. Il s'agit probablement d'un mélange des voies traditionnelle et moderne de résolution des crises sociales. Il devra être homogène, à tout le moins, non explosif.

S'agissant de la JNP, la majorité des familles des victimes y a participé; est-ce à dire qu'il y a renoncement de leur part à la vérité?

Il est à noter que les familles de victimes qui se sont désolidarisées de la JNP sont celles dont l'assassinat des membres, a beaucoup choqué l'opinion par la méthode utilisée. Jamais sous les cieux du Faso, des méthodes aussi barbares n'ont été utilisées pour ôter la vie humaine d'une manière peu discrète et peu honorable pour les bourreaux. On peut détester un être humain; cependant sa dignité commande qu'on continue de le respecter jusqu'au bout. A ce effet, l'assassinat à la grenade du professeur Oumarou Clément OUEDRAOGO, ou l'assassinat et ensuite, l'incinération du journaliste Nobert ZONGO et ces compagnons d'infortune sont cités en exemple.

En tout état de cause, on a l'impression que dans le cas burkinabé, il y a une contradiction et un piège. La contradiction vient de ce que la demande de pardon ait précédé la justice et que la possibilité de justice n'est pas exclue après la demande de pardon. Certes, les victimes devaient faire un choix entre les indemnisations et les recours judiciaires ; néanmoins, certaines victimes ont accepté de pardonner, mais elles ont refusé de se faire indemniser. Lorsque le pardon est accordé, on ne peut après demander justice. C'est comme si le pardon n'avait pas été sincère ; d'où le piège. Le pardon est synonyme d'absolution des fautes. Aussi, généralement en Afrique, après le pardon, l'offensé n'a plus de compte à demander à l'offenseur. Dès lors, le pardon apparaît comme une grâce accordée par la victime au coupable. Voilà pourquoi, la justice, en réhabilitant le premier, en lui rendant justice, le met dans une disposition d'esprit qui lui permet de réhabiliter son bourreau en lui accordant son pardon. Ce sont des raisons pour lesquelles tout le processus de réconciliation nationale apparaît comme un pis-aller face à la soif de justice des burkinabés.

Par ailleurs, la réconciliation a été faite en dehors du cadre constitutionnel68(*) ou institutionnel établit. Dès lors, le recours fréquent à des traditions ancestrales diverses et non codifiées pour résoudre de graves problèmes nés de la modernisation des institutions politiques et de la transformation du processus de désignation des gouvernants, comporte des risques majeurs de créer une irresponsabilité vis-à-vis des risques sociopolitiques et leur banalisation.

Encore faudrait-il, que la tradition soit respectée dans son esprit, même en l'absence de la lettre. D'où l'urgence de codifier des règles minimums d'épurement du passé qui évite les éternels retours à la case départ car, comme l'a si bien dit le chef de l'Etat du Burkina Faso : «l'exemple de nombreux pays africains, et même d'ailleurs, montre à quel point les crises sociales mal résolues, la négation du dialogue, le manque de tolérance et l'absence de clairvoyance des acteurs politiques et sociaux ont conduit, tout simplement, à leur destruction »69(*).

L'implication du Président du Faso Blaise COMPAORE dans la résolution de la récente crise au Togo voisin laisse croire que « la recette burkinabé » en matière de résolution des conflits sociaux nés de la violation des droits de l'homme et en matière de réconciliation nationale semble être une bonne recette ou à tout le moins une recette exportable. En tout état de cause, l'avenir nous en dira plus.

* 66 Constitution du Burkina Faso adoptée par référendum du 02 juin 1991 ayant permis le retour à une vie constitutionnelle normale par l'organisation de l'élection présidentielle au mois de décembre de la même année, où Blaise COMPAORE a été élu à la magistrature suprême.

* 67 Il s'agit entre autre de l'affaire Thomas SANKARA et de l'affaire Norbert ZONGO.

* 68 Conçue dans le cadre du processus interne de reconstruction, la justice transitionnelle possède souvent aujourd'hui un statut constitutionnel.

* 69 In allocution de S.E Monsieur le président du Faso à l'occasion de la JNP, Ouagadougou, mars 2001, p.9

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