WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Le discours religieux en Tunisie: L'exemple de la communauté juive

( Télécharger le fichier original )
par Sadek MTIMET
Faculté de droit et des sciences politiques de Tunis ( Université Al-Manar) - Master en sciences poltiques 2007
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

B - Une diversité ethno-culturelle

Malgré l'existence d'une élite juive dynamique , la Communauté juive était traversée par des contrastes sociaux très marqués à un point qu'un observateur du XIX siècle , remarquant qu'il y a au moins six milles indigents juifs à secourir, concluait que: " la Communauté juive de Tunis n'est qu'un vaste bureau de bienfaisance. Les ressources de l'assistance juive sont fournies par un impôt obligatoire " (4). C'est cette population démunie, laissée à son sort, proie de la misère, de l'ignorance, au conservatisme, à sa mentalité et à ses pratiques superstitieuses dans un espace clos et hermétique, la 'Hâra .

Cette masse nombreuse de pauvres, au bas de l'échelle, donnait à la Hâra son cachet miséreux . Aussi, la déchéance matérielle de la majorité des habitants de la cité constituait un principal obstacle à la renaissance de la Communauté. La caisse de l'assistance, subventionnée par toute la Communauté, assurait quelques subsides pour permettre, dans la fin du XIX siècle, a plusieurs familles de recevoir chaque vendredi soir les secours, aumône légale des juifs .

---------------------------------------------------------------------------------------------------

(1) Ibn Abi Dhief A., Al-Ithaf .Tunis: MTE, 1990, t.6, p.82. (2) Larguèche A., op cit, p.171 (3) Caniage J., Les origines du protectorat en Tunisie , p.423 , cité par Larguèche A., p. 675 (4) Lapie P., Les civilisations tunisiennes : étude de psychologie sociale - Paris: 1898, p.166, cité par Larguèche A., op cit, p.534.

Entre ces deux classes , si contrastées sur les plans économique et ethno-culturelle , se trouvait des couches moyennes assez nombreuses qui se recrutaient essentiellement parmi les Twansa-s, constituées d'artisans et de petits commerçants et qui se répartissaient dans toutes les activités ( orfèvrerie, bijouterie, confection, menuiserie, tissage et cuir ) et se situaient principalement dans des souk-s qui leur étaient réservés comme souk el-Grana mais ils investissaient ensuite l'espace des souk-s musulmans les plus proches de la grande mosquée Zeitouna(1) .

Les couches moyennes avaient développé la pratique de l'usure à petite échelle dans leurs relations d'échanges avec les couches citadines musulmanes, ce qui ne manquera pas de constituer une ligne de faille et un facteur de tension sociale avec les larges couches en difficulté de la société musulmane . Un prêt non-remboursé, au XIX siècle, est passible devant le Tribunal correctionnel et d'emprisonnement .

Souvent, le juif, généralement commercent, familiarisé avec sa clientèle musulmane , vendait à crédit ou procédait carrément à de petits prêts à intérêt . Ce genre de prêt est interdit en principe mais pas pour le juif . Il lui est permis d'après un commandement explicite du Deutéronome ( Dt 23, 20, 21 ) où il est stipulé : " Tu ne demandera d'intérêt à un de tes compatriotes . Tu pourras tirer un intérêt de l'étranger .. dans le pays que tu vas occuper " . Ceci a engendré dans la société profonde, populaire et qui n'avait ni l'éducation ni les conditions pour se faire une image moins négative de l'autre, surtout de confession juive, une attitude de rejet qui se manifestait au gré des circonstances, tantôt violemment tantôt implicitement (2) .

Cette attitude de rejet a engendré un sentiment d'infériorité chez les membres de la Communauté juive tunisienne . Le juif tunisien, conscient de son statut minoritaire et de la précarité de sa condition, même si intérieurement il entretenait la conviction d'une supériorité provenant de l'élection divine, affichait l'image de l'être inférieur. Alors, "l'israélite tunisien devenait rapace, accapareur; il devenait sordidement avare, cachait son or et se montrait misérable . Son jugement se faussait également, et il arrivait presque à penser que tromper ses oppresseurs n'était pas une mauvaise affaire " (3)

(1) Taieb J., Les Juifs de Tunis, Paris : s.d., 1989 , p.416. (2) Larguèche A., Pauvres.., op cit, p.713.

(2) Cazes D., Histoire des Juifs , op cit, p.138

Mais malgré les animosités de part et d'autre, les deux sociétés, juive et musulmane, vivaient dans la différence, attachée chacune à ses " vérités ". Ceci ne préjuge pas qu'il y a des lieux de convergence apparents, des structures mentales semblables et des échanges quotidiens intenses .

Les traits de la personnalité de base du juif populaire ne diffèrent pas pour l'essentiel de ceux du tunisien musulman citadin : il est superstitieux, soumis et docile, doté d'un sens pratique et capable de s'adapter à des contextes différents . Le culte des saints, l'art culinaire, le parler arabe, l'art musical, etc.(1)

La fécondité des rapports judéo-musulmanes n'ont pas pu arrêté les barrières économiques à s'ériger pour présider au processus de détachement de la Communauté juive tunisienne par l'entrée sur scène des puissances européennes et le voeu implicite, parfois explicite, des juifs en Tunisie de l'émancipation du joug politique et culturelle de la société tunisienne traditionnelle . L'élite juive makhzénienne et les grands négociants sont qualifiés d' "introducteurs de la modernité " (2) par les techniques qu'ils ont introduit et par les idées occidentales qu'ils ont taché à répandre, ce qui a, du même coup, altéré la culture judéo-arabe .

L'identité juive en Tunisie était intimement lié à la culture judéo-arabe, ce qui a imprégné la substance de la Communauté d'une manière indissociable. Les membres de la Communauté juive, à travers les institutions religieuses et communautaires, transmettaient cette culture à la suite de son incorporation et contribuaient en même temps à sa transformation et au maintien de ses particularités. Les éléments de cette culture, une fois incorporés, se structuraient en personnalité de base qui confie aux individus une mentalité partagée et caractéristique de cette culture, bref une identité culturelle spécifique.

Toutefois, la Communauté juive en Tunisie, à l'instar de la société mère, n'est pas réductible à une simple identification et elle n'est pas inerte . La dynamique du changement opérée par l'entrée des livournais européens puis de l'établissement du protectorat rendaient la Communauté synthétique du fait de la multiplication des contacts sociaux entre individus et groupes et rendant l'ensemble dynamique, pluriel et interactif. Cette structure communautaire aura une vocation intégratrice des éléments nouveaux .

En liaison avec la dynamique culturelle, l'identité elle-même subit les mêmes assauts.

_____________________________________________________________________________________________

(1) Larguèche A., Pauvres..,op cit, p724 (2) Chérif M.-H ., Pouvoir et société, p.166, cité par Larguèche A., op cit, p.686

L'identité est un processus dialectique intégrateur des contraintes qui autorise l'émergence de particularités individuelles et la conformité de l'individu avec le groupe , donc à l'uniformité sociale(1) . Le dynamisme prévalant à la fin du XIX siècle en Tunisie qui touchait soit l'individu dans son identité , soit le groupe dans sa culture, a eu pour conséquence logique l'altération de la construction identitaire de la Communauté juive .

Section 2 - L'altération de la culture judéo-arabe

L'année 1864 constituait une articulation importante dans l'affirmation du discours religieux juif en Tunisie . Après les acquis de 1857 et de 1861 consacrant l'égalité des juifs , la révolte d'Ali Ben Ghédahom et ses conséquences négatives sur la Communauté juive dans l'ensemble du territoire de la Régence a démontré en réalité l'incapacité et l'échec de l'instance représentative de la Communauté auprès du Makhzen à gérer la crise dans le but de délimiter les dégâts . Le Qâyid Nessim Sciammama ne s'intéressait en réalité qu'à ses propres alliances et à son intérêt personnel . D'ailleurs son implication dans une affaire de corruption le rendait incapable de défendre les intérêts de sa Communauté qu'il représentait auprès du Makhzen . Sa fuite à l'étranger dressa la majorité musulmane contre la minorité juive en guise de représailles parce qu'on lui attribuait la paternité de la mesure du dédoublement du taux de la Mejba (nouvel impôt général) et du détournement des fonds publics ainsi que l'intelligence avec des puissances étrangères par le système des protections (2).

Face à ce vide institutionnel dans la représentation de la Communauté juive auprès du Bey, maladroitement comblé par la désignation du neveu du Qâyid en fuite, une infiltration européenne se manifestait à travers la création d'un comité régional de la section tunisienne de l'Alliance israélite universelle ( A.I.U. ) en 1864 par des juifs français, livournais et autochtones. Les membres fondateurs constituaient le noyau le plus dynamique et le plus influent de l'organisation modernisatrice de l'élite intellectuelle juive moderne installée en Tunisie . Cette catégorie supérieure se distinguait par une nette tendance à l'européanisation de ses moeurs, tant au niveau des modes vestimentaires qu'à leur culture. C'est le début de l'altération de la culture judéo-arabe par l'occidentalisation du discours religieux juif ( § I ) . Juste après l'établissement du protectorat, un nouveau mouvement politique et social, développé en Europe, revendiquait un droit de cité dans la représentativité du discours juif en Tunisie et finira par s'implanter : il préconisait le retour à Sion, ancien nom d'Israël . Par son action, une sionisation du discours juif ( § II ) commença à se développer .

____________________________________________________________________

(1) Vinsonneau G., L'identité culturelle - Paris: Armand Colin, 2002, p.23 (2) Larguèche A., ' Nassim Shammama : un caïd face à lui-même et face aux autres ' in Fellous S., Dir de , op cit , p.147

En fait, ces deux nouveaux discours prétendaient être l'alternative idéale à un discours traditionnelle qui a démontré son inefficacité et son immobilisme .

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote