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La permanence de la qualité d'associé

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par Inès KAMOUN
Faculté de Droit de Sfax - Mastère en droit des affaires 2006
  

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Paragraphe 1 : La position du problème suscité par l'exclusion

purement judiciaire

En Tunisie, l'exclusion judiciaire est expressément prévue par le législateur dans des hypothèses précises376(*). C'est ainsi que l'art. 1263 du C.O.C. dispose, dans son al. 2, que « si l'un des associés est en demeure de faire son apport, les autres associés peuvent faire prononcer son exclusion, ou le contraindre à exécuter son engagement, sans préjudice des dommages, dans les deux cas ». De même, l'art. 1271 du C.O.C. prévoit la possibilité de « poursuivre377(*) l'exclusion » de l'associé concurrent à la société. De son côté, l'art. 1322 du même code dispose que « les créanciers particuliers d'un associé peuvent faire opposition à la prorogation de la société » et que les autres associés « pourront faire prononcer l'exclusion de l'associé qui donne lieu à l'opposition ». L'art. 1327 du C.O.C. prévoit une autre hypothèse d'exclusion judiciaire en disposant que dans le cas où la dissolution de la société a été demandée pour justes motifs sur la base de l'article 1323 du même code et « dans tous les cas où la société est dissoute par la mort, l'absence, l'interdiction ou l'insolvabilité déclarée de l'un des associés ou par la minorité des héritiers, les autres associés peuvent continuer la société entre eux, en faisant prononcer par le tribunal l'exclusion de l'associé qui donne lieu à la dissolution ».

Le problème qui se pose est de savoir si, en dehors de ces cas et en l'absence de toute stipulation conventionnelle, l'exclusion judiciaire est possible. En Tunisie, ce problème pourrait se poser, par exemple, lorsqu'aucune action en dissolution n'a été introduite378(*) ou qu'une telle action a été introduite mais que ses conditions ne sont pas réunies. L'art. 1327 du C.O.C. consacre, en effet, la mesure d'exclusion en tant que substitut à la dissolution. Ladite mesure n'est donc pas autonome379(*). Ainsi, le problème pourrait-il se poser concernant une société par actions. En effet, certaines décisions considèrent, concernant la mésentente entre associés d'une société anonyme, que puisqu'il s'agit d'une société de capitaux, l'intuitus personae y est négligeable et l'idée de confiance entre les associés ne joue pas un rôle déterminant. Par conséquent, l'art. 1323 du C.O.C. devrait être écarté, d'autant plus que les actionnaires peuvent quitter la société en cédant leurs actions. Il ne saurait donc y avoir de dissolution sur ce fondement dans ce type de sociétés380(*). En France, le problème se pose surtout parce que l'art. 1844-7, 5° du Code civil381(*) - qui prévoit la dissolution judiciaire de la société pour justes motifs - ne consacre pas l'exclusion en tant que substitut à la dissolution.

Une position restrictive s'oppose à l'exclusion purement judiciaire. Selon les tenants de cette position, il est interdit au juge de prononcer l'exclusion d'un associé en l'absence d'une autorisation législative ou conventionnelle382(*). Cette position hostile à l'exclusion purement judiciaire repose principalement sur trois arguments. En premier lieu, comme l'a reconnu la Cour de cassation française, l'absence d'une disposition légale constitue un obstacle à l'exclusion purement judiciaire383(*). Dans le même sens, une partie de la doctrine considère que « dans le silence de la loi, il est douteux que le juge puisse imposer à un associé de se retirer de la société »384(*). En deuxième lieu, permettre au juge d'exclure un associé est, pour certains385(*), une atteinte au droit de propriété. Ainsi, la Cour d'appel d'Aix-en-Provence a-t-elle affirmé que l'exclusion judiciaire de l'associé équivaut à une « expropriation pour utilité privée »386(*). En troisième lieu, certains considèrent que l'exclusion purement judiciaire porte atteinte au droit fondamental de rester associé. Selon eux, l'associé a un droit acquis à ne pas être exclu de la société. Il s'agit d'« un droit inhérent à la qualité d'associé »387(*) et paralysant le pouvoir d'intervention du juge dans la vie des sociétés. A cet égard, les tenants de cette position font référence à THALLER qui considère que l'associé a « un droit acquis à ne pas être exclu de la société ». Cette position s'explique par le fait que l'associé est uni contractuellement à la société et que le juge n'a pas le pouvoir de défaire ce lien contractuel.

De prime abord, on pourrait être tenté d'approuver la position hostile à l'exclusion purement judiciaire ; on pourrait soutenir qu'en dehors des cas d'exclusion judiciaire prévus par le législateur et en l'absence de toute clause réglant la question, il faut déduire par une lecture a contrario que le juge ne peut prononcer ladite mesure. Cependant, une telle position n'emporte pas la conviction et la justification de ladite mesure demeure possible.

* 376 Ces hypothèses ont déjà été analysées. V. supra p. 20, 28, 35 et 38.

* 377 La version arabe de l'art. 1271 du C.O.C. est, à cet égard, plus claire :

åÐå ÇáÕíÇÛÉ ÊäÕ Úáì ä áÈÞíÉ ÇáÔÑßÇÁ ÇáÍÞ í " ØáÈ ÅÎÑÇÌå ãä ÇáÔÑßÉ ".

* 378 L'exclusion prévue par l'article 1327 du C.O.C. suppose qu'une action en dissolution de la société pour justes motifs ait été introduite par un associé. V. supra p. 38 et s.

* 379 En revanche, le droit belge consacre la mesure d'exclusion en tant qu'institution indépendante de toute action en dissolution. Il s'agit plus précisément d'un mode autonome de résolution des conflits entre associés. En matière de S.A.R.L., l'art. 334 du Code des sociétés belge dispose, en effet, qu'« un ou plusieurs associés possédant ensemble soit des parts représentant 30 % des voix attachées à l'ensemble des parts existantes, soit des parts dont la valeur nominale ou le pair comptable représente 30 % du capital de la société, peuvent demander en justice, pour de justes motifs, qu'un associé cède au demandeur ses parts ». En matière de S.A., l'art. 636 du même code dispose qu'« un ou plusieurs actionnaires possédant ensemble soit des titres représentant 30 % des voix attachées à l'ensemble des titres existants ou 20 % si la société a émis des titres non représentatifs du capital, soit des actions dont la valeur nominale ou le pair comptable représente 30 % du capital de la société, peuvent demander en justice, pour de justes motifs, qu'un actionnaire cède au demandeur ses actions ». Le droit belge consacre donc l'exclusion pour justes motifs et indépendamment de toute action en dissolution. A cet égard, il est souhaitable que le droit tunisien évolue dans le même sens.

* 380 CA Monastir, arrêt n° 5715 du 27 avril 1994 (inédit), cité par Habib DAHDOUH et Christine LABASTIE-DAHDOUH, op. cit., p. 284.

* 381 L'art. 1844-7, 5° du Code civil français dispose que la société prend fin « par la dissolution anticipée prononcée par le tribunal à la demande d'un associé pour justes motifs, notamment en cas d'inexécution de ses obligations par un associé, ou de mésentente entre associés paralysant le fonctionnement de la société ».

* 382 Alain VIANDIER, La notion d'associé, op. cit., p. 112 et 113. Selon cet auteur, l'exclusion en dehors des cas prévus par la loi est « illicite, qu'elle soit ou non fondée sur une clause statutaire ». Il considère que les clauses d'exclusion sont nulles et qu'« « a fortiori », il n'y a aucune raison pour admettre, en l'absence de clause, ce qui est refusé lorsque l'exclusion est prévue dans les statuts ». Dans le même ordre d'idées, M. Philippe MERLE considère que « l'actionnaire a un droit fondamental, celui de rester associé ». Il ajoute que les actionnaires peuvent se trouver exclus de la société dans certaines hypothèses exceptionnelles prévues par la loi. « En dehors de ces hypothèses, toute mesure qui aboutirait à l'exclusion d'un actionnaire devrait être annulée », Droit commercial, Sociétés commerciales, op. cit., p. 358 et 359.

* 383 Cass. com., 12 mars 1996, J.C.P., éd. E, 1996, Panorama d'actualité, n° 426 et J.C.P., éd. N, 1997, p. 60, note T. BONNEAU ; Rev. soc. 1996, p. 554, note D. Bureau ; D. 1997, II, p. 133, note T. LANGLES ; J.C.P., éd. E, 1996, II, n° 831, note Y. PACLOT ; D. 1996, sommaires commentés, p. 345, note J.-C. HALLOUIN ; RTD civ. 1996, 897, note J. MESTRE. Dans cet arrêt, la Cour de cassation française a considéré « qu'aucune disposition légale ne donne pouvoir à la juridiction saisie d'obliger l'associé qui demande la dissolution de la société à céder ses parts à cette dernière ou à ses associés qui offrent de les racheter ». V., dans le même sens, CA Toulouse, 5 mai 1999, v. annexes.

* 384 Haritini MATSOPOULOU, La dissolution pour mésentente entre associés, Rev. soc. 1998, p. 41, n° 30.

* 385 Alain VIANDIER, La notion d'associé, op. cit., p. 113.

* 386 CA Aix-en-Provence, 26 juin 1984, D. 1985, jurisprudence, p. 372, note J. MESTRE.

* 387 Alain VIANDIER, La notion d'associé, op. cit., p. 111.

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry