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La réalisation judiciaire du principe de l'impartialité du juge béninois

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par Ulrich DJIVOH
Université d'Abomey-Calavi - DEA en droits de la personne humaine et démocratie 2009
  

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Section 2 : Le juge des enfants : juge d'instruction et de jugement

Les règles régissant la justice des mineurs, constituent un véritable obstacle à la recherche de décisions impartiales de justice. Cette partialité des décisions du juge des enfants reste soluble dans les arcanes d'une véritable négation au principe de séparation des fonctions d'instruction et de jugement. Mais il n'en demeure pas moins que cette partialité sacrifiée (paragraphe 1) ne doit pas faire perdre de vue une tentative de résolution de la problématique liée à la réforme de la juridiction pour mineurs (paragraphe 2)

. Paragraphe 1 : Une impartialité sacrifiée

La loi elle-même donne compétence au juge des enfants pour instruire et pour juger des infractions commises par les mineurs. Ce sacrifice légalement consenti (A), semble en plus obtenir les voix d'une jurisprudence favorable à la partialité (B).

A) Un sacrifice légalement consenti

L'ordonnance n°69-23 P. R. /M.J.L. du 10 juillet 1969, relative au jugement des infractions commises par les mineurs de dix-huit ans, en vigueur au Bénin s'est largement inspirée de l'ordonnance n°45-175 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante en France.

Aux termes des dispositions combinées des articles 6 et 8 de ladite ordonnance, le juge des enfants est chargé de présider le tribunal pour enfants et ce dernier, sauf dispositions spéciales prévues par ledit texte, procède à l'instruction. Le juge pour enfants comme il vient d'être remarqué, chargé de l'instruction reçoit l'onction légale aux termes des dispositions de l'article 17 de l'ordonnance précitée, pour présider le tribunal correctionnel pour mineurs. L'affirmation d'un tel cumul semble plus explicite à la lecture des dispositions de l'article 29 de l'ordonnance qui dispose que le tribunal pour enfants statuant en matière criminelle est « présidé par le président du tribunal de première instance assisté de deux juges dont l'un est obligatoirement un juge pour enfants, de préférence celui ayant procédé à l'instruction, et de deux assesseurs... » .

Il semble incontestable que le juge qui instruit, présente de véritables risques pour la prise d'une décision impartiale au stade du jugement de la cause qui lui est soumise. Le juge des enfants de part ses prérogatives semble faire office d'une justice arbitraire. Il enquête auditionne, prend des mesures relatives à la liberté du mineur, instruit à charge ou à décharge. Il prend des ordonnances relatives à la clôture de son information puis va rendre officielle les pré-jugements qu'il s'est forgé au cours de l'instruction, grâce à une juridiction de jugement qu'il préside.

Le juge des enfants chargé d'informer se forge inévitablement et de manière anticipée une position sur les suites du procès. Puisque ce même juge doit statuer sur la culpabilité, la probabilité est forte que la décision de jugement soit conforme à son pré-jugement. C'est dans ce sens qu'abonde Fabrice DEFFERRARD, lorsqu'il affirme que la spécificité du rôle joué par le juge des enfants porte en lui, un risque objectif de pré-jugement161(*) .

Une partie de la doctrine notamment celle inspirée par Michel HUYETTE, semble admettre et reconnaître une telle partialité162(*).En effet, l'objectif de resocialisation du mineur, attendue du cumul des fonctions, et tend argué par la doctrine, semble s'accompagner de la partialité des décisions. « A la partialité du juge, il est répondu par l'intérêt du délinquant. »163(*). Le principe de séparation des fonctions d'instruction et de jugement est bien une garantie de l'impartialité du juge. Mais il semble que le législateur sacrifie l'impartialité sur l'autel de la valeur supérieure qu'est la resocialisation. L'ordonnance du 21 février 1945 avait pour mission de rééduquer et de resocialiser les délinquants. La décision de jugement intervenant dans une affaire impliquant des mineurs doit s'analyser en un moyen d'édification de la personnalité de ces derniers .Dès lors, il semblerait que la loi érige le cumul des fonctions du juge des enfants en une mesure individualisée d'éducation164(*).

La suprématie que semble incarner la resocialisation sur l'impartialité semble trouver en la fonction d'instruction du juge des enfants un autre fondement. En effet, ceux qui défendent la partialité des décisions du juge des enfants, considèrent que sa fonction d'instruction reste cantonnée à la découverte de la personnalité du mineur165(*).

D'une part sa recherche « de l'histoire personnelle et familiale du mineur, par les rencontres qu'il implique, éclaire le juge sur le contexte de l'infraction »166(*). D'autre part, « l'instruction est consacrée à l'examen de la personnalité du mineur ». Ainsi, elle a été laissée au juge des enfants pour avoir une parfaite connaissance de la personnalité de l'auteur de l'infraction.

Mais, il est évident, que quelque soit l'argument fourni, qu'il n'en demeure pas moins que le juge des enfants reste un juge partial. La connaissance profonde de la personnalité du mineur s'accompagne irrémédiablement d'une connaissance au fond de l'affaire. Le pré-jugement étant indéniable, la partialité ne peut être que certaine.

Mais il est à noter qu'à côté de la loi, que la jurisprudence semble aussi s'inviter à ce sacrifice de l'impartialité.

B) Une jurisprudence favorable à la partialité

La jurisprudence notamment celle de la chambre criminelle de la Cour de cassation française a une position qui paraît à première vue dépourvue de sens.

En effet, elle admet le cumul, et considère en sus, ce cumul comme respectant l'exigence d'impartialité. Par un arrêt, elle déclare que,  le droit au procès juste et équitable n'empêche pas que, le même juge spécialisé, prenant en compte l'âge du prévenu et l'intérêt de sa rééducation puisse intervenir à différents stades de la procédure167(*). Vu, le souci d'éducation visé par la législation, elle considère que la dérogation que constitue le cumul, reste compatible avec l'exigence d'impartialité168(*).

 Ainsi, la chambre criminelle affirme que le cumul des fonctions d'instruction et de jugement par le juge des enfants respecte l'exigence d'impartialité du tribunal. La chambre criminelle considère, en outre qu'un risque peut résulter du cumul des fonctions et que « le risque objectif de partialité qui pourrait en résulter est compensé par la présence de deux assesseurs délibérant collégialement en première instance et par la possibilité d'un appel, déféré à une juridiction supérieure composée de magistrats n'ayant pas connu de l'affaire et dont l'un des membres est délégué à la protection de l'enfance »169(*) (nous avons souligné). En parlant de « risque objectif de partialité », la chambre criminelle reconnaît, par là et de manière expresse la partialité avérée du juge pour enfants.

De plus, l'argument qu'a présenté la chambre criminelle pour justifier cette possibilité, n'est pas fondé car la chambre d'accusation semble prôner un droit à la partialité de chaque juge membre de la collégialité. La collégialité n'est pas une garantie d'impartialité et ne peut être conçue que comme une solution pouvant corriger la partialité.

La jurisprudence de la CEDH, bien qu'épousant cette possibilité de cumul des fonctions du juge des enfants, a, à la différence de la chambre criminelle, infléchi le principe de séparation des fonctions du juge des enfants. Elle a retenu que le juge d'instruction peut participer à la formation du jugement lorsque la nature, l'étendue ou la portée des actes accomplis au cours de l'information, ne l'ont pas conduit à se déterminer sur l'innocence ou la culpabilité du suspect170(*).

Cependant, il n'en demeure pas moins que, seule une réforme de la juridiction pour mineurs est à même de résoudre les difficultés liées au manque d'impartialité du juge des enfants.

* 161 DEFFERRARD (F.), La suspicion légitime, Paris, L.G.D.J, 2000, p 284

* 162 HUYETTE (M.), « commentaire de l'arrêt de la chambre criminelle du 7 avril 1993, procureur general près la cour d'appel de Reins », RSC 1994, p 67, cité par JOSSERAND (S), op. cit., p 75

* 163 JOSSERAND (S.), op. cit. p73

* 164 Crim 7 avril 1993, Les grands arrêts de la procédure pénale, Paris, Dalloz, 5è édit., 2006, p5

* 165 JOSSERAND (S.), op. cit. p 72

* 166 JOSSERAND (S.), op. cit. p 73

* 167 Crim ,7 avril 1993, Les grands arrêts de la procédure pénale, Paris, Dalloz, 5è édit., 2006, p5

* 168 JOSSERAND (S), op. cit., p 74

* 169Crim ,7 avril 1993, Les grands arrêts de la procédure pénale, op. cit., p 5

* 170 C.E.D.H. , 24 février 1993, Fey, JCP 1994, I, n° 18, obs. F. SUDRE, cité par DEFFERRARD (F.), La suspicion légitime, Paris, L.G.D.J, 2000, p 284

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand