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La définition de la Politique selon Julien Freund. Une lecture de "Qu'est-ce que la politique?" de Julien Freund

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par Hermann Banda
Institut de philosophie de Mayidi RDC - Graduat en philosophie 2011
  

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II.2. Les moyens en politique

A. Lalande désigne les moyens comme « ce par quoi une fin déterminée se réalise »43(*). De son côté J. Freund voit dans les moyens « des ressources matérielles qui permettent de passer de la conception à l'accomplissement ».44(*) Certes, la réalisation d'un but exige un effort, une exécution, un sacrifice. Dans ce sens, un but ne peut être réalisé de lui-même, parce qu'il est une conception, un désir de qui veut l'atteindre : c'est pourquoi il exige tant d'efforts et de sacrifices de la part du sujet voulant. Cette réalisation exige aussi des moyens qui servent d'intermédiaires entre le désir et l'accomplissement. Si le but est de l'ordre du possible, les moyens appartiennent à l'ordre matériel, du réel; car non seulement ils exigent l'implication du corps, mais aussi l'esprit y prend part. C'est ainsi qu'il est nécessaire de savoir que ce n'est pas à l'aide des données éventuelles que nous sommes en action, plutôt à l'aide des données matérielles et, qu'un but ne se réalise qu'avec le concours d'autres éléments que lui-même. En effet, l'analyse des moyens soulève la problématique de l'altérité. Et celle-ci fait appel aux problématiques de la négativité et de la liberté.

Toutefois, notre travail ne consiste pas à analyser tous ces problèmes, mais nous essayerons de les énumérer pour faciliter la compréhension. Bien qu'un but ne puisse se réaliser qu'avec des moyens, ceux-ci ne trouvent leurs sens que lorsqu'ils sont mis en relation avec un but. Que devient alors un moyen sans but ? C'est ce qui souligne le caractère hypothétique45(*) et conditionnel des moyens. Nous l'explicitons par un fait concret: si vous voulez gagner les élections, battez campagne. On ne peut battre campagne que pour un but. Peut-on battre campagne simplement pour le plaisir de le faire ? La relation entre le but et les moyens est toujours soumise à des changements. Elle n'est pas invariable ni moins synallagmatique, c'est-à-dire, plusieurs moyens peuvent concourir à la réalisation d'un même but. Plusieurs moyens nous aident à parvenir vers un résultat et celui-ci varie selon qu'on applique une catégorie des moyens. En d'autres termes, les conséquences sont variables selon que tel moyen est appliqué par rapport à tel autre. La pensée logique n'a pas souvent son compte dans les choix des moyens ; car il est remarquable que plus d'une imprévision y trace son sillon. Et, un objet sélectionne, de par sa nature, une série des méthodes. L'agir d'un parti démocratique siégeant au parlement sera différent d'un parti révolutionnaire. Donc, la prudence dans l'action par rapport aux moyens est indispensable dans l'agir politique ; bien sûr, mais aussi agir selon l'objectif visé est aussi à prendre en compte ; pour donner à ces moyens une autre mesure, qui n'est nulle autre que celle de l'audace46(*). Un facteur qui vient renforcer le caractère conditionnel des moyens est que la quantité et la qualité des moyens n'est pas une assurance préalable du succès. De même l'ingéniosité, le tempérament, la valeur et les qualités personnelles de l'acteur sont aussi à prendre en compte.

L'action politique n'est pas une application mécanique à partir des données mais une mise en oeuvre intelligente et judicieuse des moyens47(*). Il n'est pas prudent d'omettre l'imprévisibilité de l'adversaire, car un adversaire ne se laisse pas toujours maîtriser. Il développe, en effet, une certaine protection qui peut aller de la répression à l'oppression. A cet effet, non pas seulement la perspicacité de l'acteur politique, ses valeurs personnelles ; mais aussi la méthode est un problème de la mise en oeuvre des moyens. Dans la méthode, il s'agit non seulement d'organiser rationnellement dans une organisation et planification des faits, mais aussi une utilisation moindre des moyens dans une production grande. Mais avant d'aborder la problématique de la méthode, une question semble nous pincer le coeur : Quel est le moyen spécifique du politique ?

II.2.1. Le moyen spécifique du politique

A partir de Machiavel48(*), la force et la ruse sont considérées comme les deux moyens usuels du politique. En effet, dans le prince, l'écrivain de Florence (Machiavel) invite l'acteur politique à agir et en homme et en bête. En bête, l'acteur politique tachera d'être à la fois renard et lion. Car, « s'il n'est que lion, il n'apercevra point les pièges ; s'il n'est que renard, il ne se défendra point contre les loups ; et il a également besoin d'être renard pour connaître les pièges, et lion pour épouvanter les loups »49(*). Ce passage met en lumière les deux moyens dont fait allusion Machiavel, c'est-à-dire, la force et la ruse.

Mais au cours de l'histoire, certains penseurs ont discrédité la force à l'avantage de la ruse voyant dans l'une le moyen de l'inculture et dans l'autre celui de la civilisation50(*). G. Gusdorf, dans son La vertu de force, signale au début de son premier chapitre que « Quant au mot force, s'il est d'un usage plus courant, il jouit pour sa part d'une fort mauvaise réputation. Il rappelle à la fois la contrainte, la brutalité, la terreur dont notre époque ne cesse de faire à nouveau la triste expérience »51(*). Ce qui nous pousse à analyser les deux moyens usuels selon Machiavel afin de trouver le moyen spécifique du politique.

II. 2. 1. 1. La Ruse

Il est assez difficile, selon J. Freund, d'étudier de manière exhaustive ce qu'est la ruse en politique compte tenu de sa présence souvent voilée dans l'action et de son omniprésence dans la presque totalité des actions de l'homme. La ruse est un champ assez vaste, illimité, ambigüe, indéterminable ; car tout semble être ruse. Si tout n'est pas ruse, au moins, toutes les actions semblent avoir un grain de ruse.

La grande difficulté de l'analyse « réside dans son caractère protéiforme : elle se tapit sous toutes les actions et tous les aspects de l'intelligence et de l'activité humaine»52(*). La notion de ruse « semble davantage être un terme générique rassemblant les procédés les plus variés et hétéroclites de cet art subtil qu'un véritable concept correspondant à un phénomène spécifique»53(*). De l'action la plus simple à celle plus complexe : du simple fait de cueillir une mangue d'un arbre, à celui plus complexe d'un travail à l'usine, la ruse intervient d'une manière ou d'une autre. La ruse « semble n'être l'objet d'aucune activité caractéristique, mais constituer une modalité de n'importe qu'elle action, de sorte que l'analyse semble n'avoir d'autre ressource que de procéder par l'élimination afin d'isoler les quelques actes exceptionnels qui échappent à son règne»54(*).

Dans le but de mieux maitriser la diversité qui caractérise la ruse, J. Freund classifie les ruses en différentes catégories :55(*)

· La première catégorie comprend toutes les formes d'action qui sont de pures manoeuvres de la ruse, celle-ci étant le moyen direct du succès, peu importe la manière. Dans cette catégorie, nous pouvons énumérer : les pièges, les stratagèmes, les guets-apens, les subterfuges, les embuscades, les escroqueries, les trahisons, les conjurations, etc.

· La deuxième catégorie inclut les activités ou institutions qui ont pour base la ruse, c'est-à-dire, elles utilisent « légitimement » la ruse dans la suite de certaines règles et formalités. Dans ce groupe, nous pouvons citer : la diplomatie, la stratégie et la tactique, la propagande, la pédagogie, la publicité, et la politesse.

· La troisième et dernière catégorie implique les activités et les attitudes qui sont implicitement des ruses, en ce sens que l'intelligence, même quand elle prétend à l'objectivité, met en oeuvre toutes les ressources de l'ingéniosité, de la finesse, du raisonnement, de la dialectique et de l'éloquence pour persuader les autres, les influencer, les capter, les séduire. Dans cette catégorie, nous pouvons classifier toutes les religions et les courants philosophiques tels que le catholicisme, le protestantisme, le kimbanguisme, positivisme, socialisme, etc.

En politique, chaque pouvoir a besoin de l'adhésion du plus grand nombre à son programme ou à son idéologie. Il utilise la force pour contraindre mais la ruse pour convaincre. Par la ruse, l'acteur politique agit sur l'esprit et le sentiment56(*), pour gagner beaucoup d'adhérant, c'est-à-dire « faire croire »57(*) à tous ce qui n'est pas nécessairement. C'est ainsi que Machiavel dira : « ainsi donc pour revenir aux bonnes qualités énoncées ci-dessus, il n'est pas bien nécessaire qu'un prince les possède toutes, mais il est nécessaire qu'il paraisse les avoir. J'ose même dire que s'il les avait effectivement, et s'il les montrait toujours dans la conduite, elles pourraient lui nuire, au lieu qu'il lui est toujours utile d'en avoir l'apparence. Il lui est toujours bon, par exemple, de paraitre clément, fidèle, humain, religieux, sincère ; il est bon d'être tout cela en réalité ; mais il faut en même temps qu'il soit assez maitre de lui pour pouvoir et savoir au besoin montrer les qualités opposées »58(*). Le paraitre du prince prend alors une grande importance sur l'être du politique. A ce niveau, il semble nécessaire de tourner notre regard vers la force.

* 43 A. LALANDE, o.c., p. 659.

* 44 J. FREUND, o.c., p.63.

* 45 Suivant l'expression de Kant.

* 46 Cfr. J.FREUND,o.c., p.65.

* 47 Cfr. Ib., p.65.

* 48 Homme politique et écrivain né à Florence (Italie) en 1469 et meurt dans la même ville en 1527. Il est l'auteur du Le Prince (1513, publié en 1531), Discours sur les premières décades de Tite-Live (1513-1519), Art de la guerre et autres oeuvres que nous ne citons pas. Il a une conception réaliste de la politique. Le réalisme de ses conceptions exposées dans Le prince fut à l'origine des grandes polémiques.

* 49 Machiavel, le prince. Notes et commentaires de Patrick Drepauey. Préface d'Etienne Balibar, Paris, Nathan, 2008, p. 95.

* 50 Cfr. J. FREUND, o.c., p. 111.

* 51 G. GUSDORF, La vertu de force, Paris, PUF., 1957, p. 1.

* 52 J.FREUND, o.c., p.151.

* 53 Ib.

* 54 Id.

* 55 Ib, p. 152.

* 56 Cfr. V. PARETO, Traité de Sociologie générale, Paris-Lausanne, 1917, éd. II, §21831, p.1483.

* 57 Selon l'expression de Machiavel dans Le prince.

* 58 MACHIAVEL, o.c., p. 96.

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