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L'intégration républicaine à  l'épreuve du lien communautaire: l'exemple des migrants Chinois

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par Romain Hem-Reun
Institut régional du travail social Paris Parmentier - Diplôme d'état d'assistant de service social 2011
  

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Table des matières

I. Introduction 1

II. Démarche Méthodologique 7

A. J'immigre donc je suis 8

1. Qui émigre et pourquoi ? Trois origines principales des migrants chinois 9

a) Wenzhou : une immigration historique organisée 9

b) Chaozhou : les « boat people » des années 1970 9

c) Dongbei : une immigration précaire et isolée 10

2. Typologie des parcours migratoires : 3 types 12

a) La voie directe 12

b) La voie parachute 13

c) La voie « Pa Shan » 13

3. La relation parents/enfants dans le projet migratoire 14

a) Le confucianisme et la piété filiale 15

b) La nécessité du lien filial 16

c) Aspirations individualistes 17

d) La position des jeunes migrants 17

4. Condition de vie en France 18

a) La langue, facteur de vulnérabilité 18

b) Quand la communauté rend vulnérable 22

B. Le processus d'intégration des migrants chinois : une collaboration entre l'espace communautaire et l'espace républicain 26

1. Point de vue psychologiques et sociologiques sur la migration 26

a) Le point de vue de la psychologie 26

b) Le point de vue de la sociologie 27

2. L'intégration ? Quelle intégration ? 30

a) Le modèle d'intégration républicain 30

b) Le modèle d'intégration républicain en débat 31

c) Le processus d'acculturation 32

3. Organisation des institutions et des associations 33

a) Comment s'organise l'Etat pour l'intégration des migrants chinois ? 33

b) Le travail des associations 39

III. Problématique 45

IV. Outils de vérification 46

V. Conclusion 47

L'intégration républicaine à l'épreuve du lien communautaire :

L'exemple des migrants chinois

I. Introduction

La thématique de départ a connu une certaine évolution au fil des lectures, des entretiens et de la consultation des diverses sources documentaires que j'ai eu l'occasion d'examiner pour affiner mon choix de réflexion. Ce choix s'est tout d'abord porté sur la notion de « communautarisme ». Ce thème suscite mon intérêt car il semble cristalliser les principales peurs de nos sociétés occidentales. A 32 ans, je fais partie de ce que l'on appelle la «  Génération Mitterrand ». J'ai en effet grandi dans les années 80 et 90. Une période de notre histoire où les identités communautaires se sont particulièrement affirmées. Les premiers germes de la crise économique, apparaissent à cette période et tendent à crisper les identités culturelles vers un repli sur soi. Ainsi nous voyons poindre des associations antiracistes telles que «  SOS Racisme » ou le «  Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples » en 1983 et 1984 suite à la première manifestation nationale antiraciste qu'on a appelée «  la marche des beurs ». J'ai donc été imprégné, durant mon enfance, d'une culture prônant la tolérance face à l'intolérance. Parallèlement à ces valeurs, un autre mouvement crée en 1972 connait une forte croissance, le Front National. C'est en effet en 1982 que ce parti nationaliste aux valeurs fondées sur la «  préférence nationale », fait une percée aux élections cantonales de Dreux surprenant le monde politique. Cette ville a été le terreau d'un débat idéologique qui n'a fait que se développer depuis. Ayant vécu dans cette ville durant 15 ans, je pense que ces questionnements identitaires m'ont accompagné tout au long de mon parcours jusqu'aujourd'hui.

Depuis le début de ces années 80, la question de l'intégration des personnes migrantes est une problématique récurrente. Les communautés ont affirmé leur lutte pour une reconnaissance au sein de la République (revendication du droit de vote aux étrangers, création de mouvements antiracistes). En 2010, le débat est toujours d'actualité, notamment avec la résurgence soudaine de «  la question Roms » et le débat ouvert par le ministre de l'immigration fin 2009 sur l'identité nationale ou la possibilité de déchoir la nationalité française d'une personne naturalisée depuis moins de 10 ans. Sur la scène politique et sociale, si la discussion est âpre, c'est qu'elle représente une évolution d'une question sociale qui touche aux bases de l'idéologie républicaine française et de son universalisme. C'est aussi parce qu'elle touche aux passions identitaires et à la reconnaissance, ou non reconnaissance, des origines diverses de la population vivant sur le territoire français. La question de l'intégration des personnes migrantes est donc une question sociale importante voire essentielle pour une cohésion sociale nationale.

Dans ce travail, je souhaite questionner le travail social communautaire qui apparaît comme un élément clé du processus d'intégration des personnes migrantes. C'est en effet à travers le prisme des actions associatives communautaires que ma recherche prendra sens.

Il apparaît important lorsque l'on choisit de travailler une thématique, ici le fait communautaire, d'en définir les contours et explorer ce qu'il recouvre. Ainsi, je ne peux faire l'économie d'une définition qui accompagnera ce mémoire de recherche jusqu'à son terme et qui représente le pendant de l'intégration, le communautarisme. En essayant de clarifier ce terme obscur, je m'aperçus que sa définition n'était, dans mon esprit, pas aussi limpide et allant de soi qu'elle en avait l'air. Le terme est en effet teinté d'une certaine opacité, restant pour la conscience collective un mot générique péjorativement connoté. Je découvris au cours de mes recherches que ce terme, bien que massivement utilisé par les médias d'informations, ne s'est vu attribué une place dans le «  petit Robert » qu'en 2004, et que 2 ans auparavant il était encore absent de tous dictionnaires de langue française. Aussi, selon une recherche menée par le sociologue Fabrice Dhume1(*), ce mot est quasiment absent du discours journalistique sur la période 1983-1994 (le terme faisant l'objet de 2 dépêches AFP par an en moyenne), tandis que sur la période 2002-2005, la moyenne d'utilisation du terme explose (218 dépêches AFP par an en moyenne). Pour Pierre-André Taguieff  le terme communautarisme « désigne, avec une intention critique, toute forme d'ethnocentrisme ou de sociocentrisme, toute autocentration de groupe, impliquant une autovalorisation et une tendance à la fermeture sur soi, dans un contexte culturel dit « postmoderne » où l'« ouverture » , et plus particulièrement l'« ouverture à l'autre » , est fortement valorisée2(*) » . Le communautarisme est alors présenté comme un contre-modèle d'intégration, une figure symétriquement opposé au modèle républicain d'intégration.

La définition du communautarisme prend son sens au regard de la population sur laquelle j'ai choisi de focaliser mes recherches ainsi que des idées reçues que l'inconscient collectif lui porte. J'ai en effet décidé d'étudier le rapport à l'intégration de la population chinoise. Jusqu'à une période récente, l'immigration chinoise ne posait pas de problème à la société française qui l'observait comme discrète et économiquement bien intégrée. On la considère parfois comme une communauté étrangère « idéale » car perçue comme calme et autorégulée. De nos jours, la communauté d'origine chinoise en France peut être évaluée à 600 000 ou 700 000 personnes dont 60% en Ile-de-France d'après Pierre Picquart, docteur en géopolitique et auteur d'une thèse sur les chinois de Paris.

En 1997, le Troisième Collectif des sans-papiers a surpris et rendu visible une immigration chinoise illégale dont l'ampleur était insoupçonnée. Les pouvoirs publics ont constaté une nette augmentation de la population chinoise dans les services sociaux (Caisses d'Allocations Familiales, hôpitaux etc.). Jusqu'alors, cette population en recherche d'aide était généralement prise en charge par la communauté. Celle-ci a vu une diminution de sa capacité d'intégration communautaire due à une importante augmentation du nombre de migrants et à la diversification de leurs origines. Les ressources internes à la communauté ne semblent plus suffisantes pour résoudre l'ensemble des problèmes de ses membres et de plus en plus de personnes se tournent vers l'extérieur, c'est-à-dire vers la société française. Si cette volonté de briser le cercle communautaire peut-être considéré comme un signe d'ouverture quelque peu contraint par l'absence de ressources communautaires suffisantes, elle représente aussi un parcours d'obstacles culturels et linguistiques énormes et très vite décourageant. En effet, la maîtrise de la langue et des codes culturels de la société d'accueil conditionnent la sociabilité des migrants. Les adultes rencontrent de grandes difficultés d'apprentissage et finissent souvent par y renoncer. En l'absence de compréhension linguistique, ils font appel à des médiateurs appartenant à la communauté chinoise qui servent d'intermédiaires entre les individus et la société française. La communauté reste une ressource vitale pour ces migrants qui vont y puiser les éléments pour assurer leur survie et leur installation dans le nouveau pays.

Au centre du réseau communauté-migrant-société le mouvement associatif chinois et franco-chinois joue un rôle de plus en plus important. Il existe en France un réseau d'action sociale communautaire. Ce réseau est constitué d'associations communautaires dont le but est d'aider, accompagner les personnes ressortissantes de la même communauté. Ainsi, ce tissu associatif, partenaire de fait des institutions étatiques, constitue un réseau de médiation interculturelle entre les personnes migrantes et la société d'accueil. Ces associations entrent en lien avec les services de l'Etat afin de collaborer en vue d'assurer le parcours d'intégration de ces personnes. Elles créent des ponts culturels entre chinois et français qui permettent une compréhension mutuelle des cultures favorisant le processus d'intégration dans une volonté de mixité culturelle.

Durant cette phase préparatoire au mémoire de recherche, j'ai eu l'occasion lors de mon deuxième stage en polyvalence de secteur ainsi que par le biais d'un entretien avec le président d'une association chinoise oeuvrant entre autre pour l'intégration des jeunes chinois en France, de faire quelques constats pratiques coïncidant avec les constats théoriques cités plus haut. J'ai en effet eu l'occasion d'accompagner une famille chinoise au sein d'un service social polyvalent. Cette famille composée d'une mère de famille, d'une petite fille de 10 ans et d'un bébé était déjà venu au service l'année passée où elle avait été reçue pour une demande immédiate de bons alimentaires et d'un suivi de dossier DALO (Droit Au Logement Opposable). J'ai effectué deux entretiens avec cette famille. Ces entretiens se sont révélés d'une certaine complexité car la mère ne parlait pas du tout le français. Sa fille de 10 ans faisait office de traductrice. Lorsque celle-ci ne pouvait plus traduire car ne comprenant pas les démarches à suivre pour le suivi DALO, la mère me tendit son téléphone afin que je discute avec un homme chinois comprenant le français et visiblement personne ressource quant aux démarches administratives.

L'entretien que j'ai effectué avec le président de l'association communautaire chinoise a également confirmé les constats théoriques développés ci-dessus. Alors que je préparais mon matériel, un usager de l'association est entré et a tendu un billet de 50 euros au président en parlant un dialecte chinois. Plus tard, alors que je l'interrogeais sur l'importance de la communauté il revint sur ce fait et me dit qu'il s'agissait de l'argent d'une quête pour une dame malade qui devait se faire soigner en Chine. L'information avait été relayée via le forum du site web de l'association. Durant l'entretien plusieurs personnes sont venues ainsi donner de l'argent liquide sans facturation pour cette dame.

Ces deux expériences singulières viennent confirmer l'importance du réseau communautaire dans la vie quotidienne des migrants chinois. Elles mettent également l'accent sur l'aspect primordial de l'apprentissage de la langue française, facteur d'intégration et obligatoire depuis 2005 puisqu'imposé dans le Contrat d'Accueil et d'Intégration (CAI) aux arrivants réguliers ou aux personnes clandestines candidates à un titre de séjour.

Le terme intégration, noeud de cette recherche, est également à définir. Le concept est difficile à définir. Du latin integrarer qui signifie renouveler, rendre entier, la notion d'intégration traduit une certaine adéquation à un ensemble.

Pour les sociologues ce sont toujours des rapports entre individus et la société dont il est question : le « faire société », le « vivre ensemble ». Au sens psychosocial, l'intégration désigne le processus d'intériorisation qui permet à un individu de réagir conformément aux normes et valeurs qui régissent le groupe. Le Haut Conseil à l'Intégration crée en 1990, définit officiellement en 1991 cette notion :

«  il s'agit de susciter la participation active à la société nationale d'éléments variés et différents, tout en acceptant la subsistance de spécificités culturelles, sociales et morales et en tenant pour vrai que l'ensemble s'enrichit de cette variété, de cette complexité » .

Cette citation insiste sur l'idée d'un processus. L'intégration n'est pas un état, mais une histoire, on peut parler de «  parcours d'intégration ».

Le modèle français d'intégration se fonde sur l'indifférenciation entre les hommes, c'est en ce sens qu'il est universaliste. Garder des liens avec sa culture d'origine est un droit. Mais une condition est nécessaire : il faut que ces liens s'établissent ou se maintiennent dans le respect des règles de la vie sociale, des lois de la République. Selon le dictionnaire critique d'action sociale, « l'intégration ne peut se faire sans transformation identitaire, perçue comme la condition même de la réussite du processus d'intégration ».

Autre concept à définir avant d'entamer la phase exploratoire de cette recherche, celui de communauté. Selon Ferdinand Tönnies (1855-1936), auteur de « Communauté et société », la solidité de la communauté serait due à la force du lien social, scellée par la tradition. Il distingue la société de la communauté. La société serait fragilisée par l'individualisation et la tendance à la désagrégation du lien social qui ne pourrait se maintenir qu'artificiellement sous la pression de l'Etat. Le lien de l'individu à la communauté d'origine se caractérise par un sentiment d'appartenance et d'une prise de conscience de la dimension collective de soi. Le sentiment d'appartenance est également le fait de prendre conscience d'être membre d'un groupe et de sa propre identité qui se différencie de ce groupe. Cet attachement est constitutif de l'identité même de la personne. L'intégration dans le cas des personnes migrantes ayant pour ressource et stratégie de survie le lien communautaire serait donc un passage de la communauté à la société en passant par une transformation identitaire.

Cette transformation identitaire fait partie du processus d'acculturation « destructeur de solide tradition (...) mais aussi créateur de réalités inédites3(*) »

Cette question d'intégration des migrants, la relation presque exclusive qu'ils entretiennent avec le réseau communautaire interroge le modèle d'intégration républicain qui renvoie en France et selon le Dictionnaire critique d'action sociale à une assimilation culturelle. Or les stratégies identitaires des migrants visent à concilier la défense de leur patrimoine culturel avec le besoin d'emprunter divers éléments à la culture d'accueil pour vivre au quotidien et pour s'intégrer dans la société.

Aux vus de la présentation de ces différents constats théoriques et pratiques sur l'intégration de la population migrante chinoise, des relations étroites qu'elle entretient comme un système historique de stratégie de survie avec la communauté ainsi que du rôle des associations communautaires chinoises et franco-chinoises dans le processus d'intégration, une question de départ se dégage : Comment l'action sociale peut-elle accompagner les migrants chinois dans leur processus d'intégration alors que leur stratégie de survie les ont positionné dans un repli identitaire communautaire.

Ce mémoire de recherche s'articulera autour de deux parties. La première partie traitera de l'expérience de la migration chinoise. Cette partie descriptive tentera une description partielle et générale de la population qui fait le choix de s'expatrier. Qui ? Pourquoi ? Comment ? Nous verrons également dans cette partie les conséquences sur la vie de ces personnes, les nouvelles conditions de vie, le choc culturel provoqué, le point de vue psychologique ainsi que sociologique de la migration. Enfin, toujours dans cette première partie nous verrons les stratégies élaborées pour vivre au sein d'une société étrangère, comment la communauté pallie au grand écart culturel vécu, mais comment elle peut aussi devenir un obstacle pour ces personnes.

La deuxième partie s'attachera au processus d'intégration des migrants chinois. Nous verrons comment les associations communautaires chinoises et franco-chinoises agissent pour favoriser l'intégration des migrants, ce que les institutions étatiques ont mis en place également et comment dans une dynamique partenariale les associations communautaires et les institutions de la République oeuvrent ensemble pour limiter l'exclusion des migrants chinois et favoriser leur inclusion dans l'espace sociétal.

* 1 Dhume Fabrice, « Communautarisme, l'imaginaire nationaliste », revue VEI-Diversité, N°150, sept 2007

* 2 Taguieff Pierre-André, « La République enlisée. Pluralisme, Communautarisme et Citoyenneté », Paris, édition des Syrtes, 2005

* 3 Giraud M., « Vocabulaire historique et critique des relations inter-ethniques » Pluriel Recherches Cahier n°3, 1995

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault