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De la souveraineté permanente de la RDC sur ses richesses et ses ressources naturelles: examen de l'Article 09 de la Constitution du 18/02/2006

( Télécharger le fichier original )
par Guillain Cirhuza Koko
Université catholique de Bukavu - Licence en droit public 2007
  

Disponible en mode multipage

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UNIVERSITE CATHOLIQUE DE BUKAVU U.C.B.

BP 162. BUKAVU/ SUD-KIVU R.D.C.

FACULTE DE DROIT

DE LA SOUVERAINETE PERMANENTE DE LA R.D.C.
SUR SES RICHESSES ET SES RESSOURCES

NATURELLES: EXAmEN DE L'articLE 09 DE La
constitution Du 18/02/2006

Par :

Guillain Alphonse Cirhuza KOKO

Mémoire de fin du 2nd Cycle, présenté en vue de l'obtention du Diplôme de Licence en Droit.

Option : Droit public

Directeur : Séverin MUGANGU MATABARO

Professeur Ordinaire Rapporteur : Arnold NYALUMA

Chef des travaux.

Année académique: 2005-2006

EPIGRAPHE.

``Sentez et voyez combien l`Eternel est bon ! Heureux l`homme qui cherche en lui son refuge.

Craignez le Seigneur, vous ses Saints, car rien ne manque à ceux qui le craignent. Les lionceaux éprouvent la disette et la faim, mais rien ne manque à ceux qui cherchent l`Eternel, à lui gloire et louange !''(Psaume34 :8- 10)

Guillain Alphonse CIRHUZA KOKO.

II

A l`Eternel, Dieu pour sa fidélité ;
Au coeur immaculé de Marie ;
A mes vénérables parents : mon père Alphonse MASUMBUKO
et ma mère Joséphine SARABUYE ;

A tous mes enseignants ;
A mon grand frère, G.Birindwa LUNJA, à mes grandes et petites soeurs ;
A mes nièces, neveux, cousins et cousines ;
A tous mes amis, connaissances ;
A tous les nôtres, présents et à venir ;

Je dédie ce travail

. III.

REMERCIEMENTS.

Ce travail, avouons-le, n`est pas seulement le fruit de notre effort personnel. Il a, à certains égards, bénéficié du concours d`autres personnes. Nous tenons sincèrement à leur exprimer ici notre profonde gratitude.

Il s`agit en premier lieu du Tout Puissant et Bon Dieu, à la fois pour son amour, ses nombreuses bénédictions et sa protection.

Nous citons également, et ce à juste titre, le Professeur Séverin MUGANGU, directeur du présent mémoire, qui malgré ses multiples occupations a daigné accepter de diriger ce travail. Ses pertinentes remarques et suggestions nous ont été très utiles.

Ensuite,nous demeurons très reconnaissants à l`égard de nos vénérables parents : mon Père Alphonse MASUMBUKO MASTAKI et à ma Mère Joséphine SARABUYE, pour tant d`amour, de sacrifices et dévouements consentis par eux, pour faire de nous un Homme averti, digne,instruit, responsable et sage !

Ces mêmes remerciements s`adressent à l'assistant Arnold NYALUMA pour ses précieux conseils et l`attention qu`il a daigné apporté à ce travail.

De tout coeur, nous tenons également à remercier d`une manière très spéciale, monsieur Dieudonné MUNDI et tous les membres de l`AUCAM pour l`appui financier, combien important, tout au long de notre second cycle, à l`UCB.

Nos chaleureux remerciements s`adressent aussi à tous nos enseignants et au personnel de l`U.C.B. Il s`agit des professeurs J.C.MUBALAMA, Moise CIFENDE, Bernard DUBUISSON, Pierre d`ARGENT, Evariste BOSHAB, Gaston KALAMBAY, feu IMBAMBO L., BOMPAKA K., MIDAGU...au chargé des cours Me Thomas LWANGO, Me Idesbld BYABUZE, Wenceslas BUSANE, KADIEBWE, aux assistants J.P. MULUME, Richie RUKEBA, Thierry MUGISHO, J.S.MULENGEZI, sans oublier le chef du personnel BUSHENYULA. Nos sincères remerciements s`adressent également aux abbés J.P.KATWANI, BUKUNGUTA,Paul KADUNDU et la soeur Pascasie R,...

On ne saurait également manquer de remercier nos soeurs Joëlle MASUMBUKO, FAIDA, BINTU, MULANGALA, BINJA, ANUARITE, MUGOLI, ALLIANCE, MARTHE, OLGA, MAMIE, etc.

A nos frères Guillaume BIRINDWA L., Blaise BULONZA, Eloi NAKA, Julien KOKO, Vital AKONKWA, Michael KAMOLE, Rodrigue MATARA et Robert BYAMUNGU

Aux familles NTAMUSHIGO, SARABUYE, MATARA, Deo MUTABESHA, KAJANGU Paul, BISHWEKA,... Nous pensons en outre à tous nos amis :SAFA Christophe et Guillaine MATABARO, à Romain KISIBO N, Blaise MASTAKI,Christophe MAMBOLEO,Da ANNY et GERVAIS, Géry SELE,Willy OMBENI, Paulin POLEPOLE, Patrick EKOFO, Robert KITUMAINI, NGUNZ et Jeff KABERA, Jonas, Joyce K.RAMS, Hubert et JAMS, Crispin C. et NSARAZA, Dr MANNIX et ZARICK, ADE,Justin MASTAKI et NTWALI, ADOLPHE, Tony B., Pacifique, Ernest, Murielle etc. A tous les amis du Léo et du Lions-club.

Enfin à tous nos cousins, amis, collègues et autres connaissances, qui de près ou de loin ont contribués à l`heureuse réalisation du présent travail !

IV.

SIGLES ET ABREVIATUIONS

A.C.P. : Etats d`Afrique Caraïbe et Pacifique.

A.C.T. : Acte Constitutionnel de Transition.

A.G./ONU :Assemblée Générale des Nations Unies.

A.F.D.L. : Alliances des Forces Démocratiques pour la Libération du Congo. A.P.R. : Armée Patriotique Rwandaise.

A.I.E. : Agence Internationale de l`Energie Atomique.

AL. : Alinéa.

A.P.D. : Aide Publique au Développement.

Art. : Article.

ANAPI : Agence National pour la Promotion des Investissements.

A.M.R.: African Mineral Resources.

B.I.T.: Bureau International du Travail.

B.I.R.D. : Banque Internationale pour la reconstruction et le Développement C.A. : Cour d`Appel.

C.N.U.C.E.D. : Conférence des Nations Unies pour le Commerce l`Economie et le Développement.

C.S.J. : Cour Suprême de Justice

C.I.J. : Cour Internationale de Justice.

C.P.J.I. : Cour Permanente de Justice Internationale

C.S.K.:Comité Spécial de Katanga.

Coll.: Collection

C.: Contre

C.C.I.: Chambre de Commerce Internationale.

C.C.C.I.: Compagnie du Congo pour le Commerce et l`Industrie.

C.D.I.: Commission de Droit International

Cf. /cfr: Confer

C.F.L.: Compagnie de Chemins de fer du Congo Supérieur aux grands lacs. Chap.: Chapitre

C.C.C.: Code Civil Congolais.

COBELMINES : Compagnie Belge d`Entreprises Minières.

C.I.R.D.I. : Centre International des Règlements des différends relatifs aux investissements.

C.N.K.I. : Comité National du Katanga.

E.I.C. : Etat Indépendant du Congo.

Elis. : Elisabethville.

E.C.U.P. : Expropriation pour Cause d`Utilité Publique.

Ed./éd. : Edition/édition

Et al. : Et alii(et les autres)etc. :et cetera.

Fac. : Faculté

FORMIRIERE : Société Internationale Forestière et Minière du Congo.

J.I.D.C.C. : Bulletin des Juridictions Indigènes et de Droit Coutumier Congolais. J.O.RDC : Journal Officiel de la RDC.

J.O.Z. : Journal officiel du Zaïre.

Rés. : Résolution.

R.C.D. : Rassemblement Congolais pour la Démocratie.

R.D.C. : République Démocratique du Congo.

O.M.C. : Organisation Mondiale du Commerce.

INTRODUCTION GENERALE

1. Problématique.

L'article 9 de la constitution1 du 18/02/2006 dispose que : « l'État exerce une souveraineté permanente notamment sur le sol, le sous-sol, les eaux et les forêts, les espaces aérien, maritime, lacustre et fluvial, la mer territoriale congolaise, le plateau continental. Les modalités de gestion et de concession sont déterminées par une loi».

De prime abord, nous relevons que cet article consacre le principe de la souveraineté permanente de la R.D.C. sur ses richesses et ses ressources naturelles, qui a été maintes fois proclamé par les résolutions de l'ONU.2 (1803, 1515, 1304, 1314). Ce principe est à la fois une norme impérative qualifiée de jus cogens et un élément fondamental du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Il devient ainsi inscrit dans le droit positif congolais, pour réglementer l'exploitation des ressources naturelles qui est devenue source de conflit en RDC, comme les 2 guerres nous l'ont démontrées. Il s'agit là d'une innovation que comporte le premier alinéa de cet article 9. Car au cours des recherches que nous avons menées dans le cadre de ce travail, en parcourant et en examinant toutes les constitutions 3 que la R.D.C. a déjà connues (constitutions antérieures), il n' y a nulle part où nous avons retrouvé pareille disposition. Mais alors, qu'est-ce que cela peut bien vouloir signifier ? Il s'agit-là d'un ensemble des droits ou des prérogatives reconnus à l'État congolais, d'exercer un contrôle permanent sur les activités économiques se déroulant sur l'ensemble de son territoire.

1 Selon la CEI, il y a eu un taux de participation de 61,97% dont le «oui>> a recueillit 84, 31% des suffrages , contre 15,69 % pour le « non >> et 38,03 %de votes blancs ou nuls.

2Guy FEUER et Hervé CASSAN, Droit International du Développement, 2ème édition, Précis Dalloz, 1991,617pp. 3 Journal Officiel de la R.D.C., Recueil des textes constitutionnels de la R.D.C., Kinshasa, 1999.

Cette disposition trouve sa justification dans le souci du législateur congolais à vouloir protéger4, en tout temps (temps de paix ou temps de guerre), la souveraineté de l'État sur ses richesses et ses ressources naturelles. Son intention n'est autre que d'éviter aux générations à venir de connaître le pire que l'État a connu lors de la guerre de 1998 à 2003.

C'est une base juridique octroyée à la R.D.C. pour lutter contre les atteintes portées sur ses richesses et ses ressources naturelles, en tout temps et de lutter contre les atteintes à sa souveraineté économique, qui découlent des contrats léonins et autres arrangements abusifs et inéquitables, conclus en temps de guerres de rebellions et d'y remédier.

Il est important de préciser que, l'idée générale sur laquelle repose l'ensemble de la théorie dudit principe est que :

- tout État dont les richesses et les ressources naturelles se trouvent entre les mains étrangères doit pouvoir recouvrer l'intégralité des droits normalement attachés à sa souveraineté.

- Par une extension naturelle de cette idée, on ajoute qu'un État souverain, la R.D.C. en l'occurrence, ne peut être contraint de céder contre son gré, à des étrangers les droits qu'il détient normalement sur les richesses situées sur son territoire5.

Sur le plan juridique, ce principe a évolué dans deux directions: son champ d'application n'a cessé de s'étendre pour atteindre non seulement, le droit des espaces terrestres et maritimes, mais aussi le droit des investissements et le droit des sociétés transnationales. Sa valeur juridique a été progressivement admise, bien qu'elle n'ait cessé de donner lieu à des vives controverses entre pays développés et ceux en développement6.

4 Bruno MBIANGU KAKESE, Travaux préparatoires de la constitution de la 3ème République: débats et discussions autour de l'art.9, inédit, Kinshasa, 2005, p.3.

5 Dominique ROSENBERG, La souveraineté permanente des États sur ses richesses et ses ressources naturelles, LGDJ, Paris, 1983, p.123.

6 Guy FEUER et Hervé CASSAN, op. cit., p.216.

Une précision mérite d'être apportée ici, c'est celle de distinguer le titulaire de l'exercice du droit de souveraineté. A l'article sous examen, le législateur parle de l'État. Tandis que les résolutions 626 (VII) 1952 et celle 1803, on rencontre7 indistinctement les expressions droits des peuples, droits des nations ou encore droits des États d'exercer leur souveraineté. L'emploi simultané de ces termes ne résulte cependant pas d'une simple confusion de langage. Il vient de la conception même que l'on se fait du droit de souveraineté, la « summa potestas ».

Nous retenons donc que la souveraineté dont question ici, appartient au peuple qui en confie l'exercice à l'Etat congolais.

Quant à l'épithète « permanente» collée au mot souveraineté, ce n'est même ni par un effet du hasard, ni une invention de la part du législateur congolais, car ce principe a existé depuis 1952 et c'est seulement à partir de la résolution 1314 que cette épithète apparaît et sera utilisée.

Il signifie « inaliénable», qu'on ne peut vendre ou qui ne peut s'interrompre ni en temps de paix ni en temps de guerre. Ce qualificatif marque à la fois l'essence et la portée du droit revendiqué8.

Déclarer cette souveraineté permanente et inaliénable signifie d'une part, qu'aucune aliénation ou concession n'est valable sans le consentement de l'État congolais qui est ici l'État territorial. D'autre part, que cet État, la R.D.C. en l'occurrence a à tout instant, le droit de reprendre le contrôle de richesses et ressources aliénées.

Dans cette perspective, il ne peut y avoir aliénation qu'à titre précaire. C'est-à-dire toujours révocable dès lors que le gouvernement considère qu'elles ne répondent plus aux intérêts du pays, intérêts dont il est à la fois le juge et le gérant9.

7 D. ROSENBERG, op. cit., p .123.

8 Dominique ROSENBERG, op. cit., p.124 a 222.

9 Bruno MBIANGU KAKIESSE, op. cit., p.3.

On touche ici au coeur du problème aux yeux de nombreux gouvernements, dans les pays du Tiers-Monde en général, et à ceux du gouvernement congolais en particulier. La détention par des étrangers du droit de propriété sur des richesses considérées comme nationales constitue une atteinte à la souveraineté de l'État10.

Cela est d'autant plus vrai que la résolution 1803(XVII) insiste avec force sur le fait que :

1. Le droit de souveraineté permanente de peuple et des nations sur leurs richesses et leurs ressources naturelles doit s'exercer dans l'intérêt du développement national et du bien être de la population de l'État intéressé.

2. La prospection, la mise en valeur et la disposition de ces ressources ainsi que l'importation des capitaux étrangers, nécessaires à ces fins devraient être conformes aux règles et conditions que le peuple et les nations considèrent en toute liberté comme nécessaire ou souhaitable pour ce qui est d'autoriser, de limiter ou d'interdire ces activités.

3. Dans le cas ou une autorisation11 sera accordée, les capitaux importés et les revenus qui en proviennent seront régis par les termes de cette autorisation, par la loi nationale en vigueur et par le droit international. Les bénéfices obtenus devront être répartis dans la proportion librement convenue dans chaque cas entre les investisseurs et l'État, étant entendu qu'on veillera à ne pas restreindre pour un motif quelconque, le droit de souveraineté dudit État sur ses richesses et ses ressources naturelles.

4. La nationalisation, l'expropriation ou la réquisition devront se fonder sur des raisons ou des motifs d'utilité publique, de sécurité ou d'intérêt national, reconnu comme primant les simples intérêts particuliers ou privés tant nationaux qu'étrangers. Dans ce cas, le propriétaire recevra une indemnisation adéquate, conformément aux règles en vigueur dans l'État qui prend ces mesures dans l'exercice de sa souveraineté et en conformité au droit international. Dans tous les cas où la question de l'indemnisation donnerait lieu à une controverse, les voies de recours nationales de l'État qui prend lesdites mesures devront être épuisées.

10 Joe VERHOEVEN, Droit International Public, Larcier, Bruxelles 2000.P.1234.

11 Alain PELLET et Eric DAVID, Code du Droit International Public, Larcier, Bruxelles, 2002

Toutes fois, sur accord des États souverains et autres parties intéressées, le différend devrait être soumis à l'arbitrage ou à un règlement judiciaire international.

5. L'exercice libre et profitable de la souveraineté des peuples et des nations sur leurs richesses et ressources naturelles doit être encouragé par le respect mutuel des États, fondés sur leur égalité souveraine.

6. La coopération internationale en vue du développement économique des pays en voie de développement, qu'elle prenne la forme d'investissement des capitaux publics ou privés, d'échanges des marchandises ou services, d'assistance technique ou d'échanges des données scientifiques, doit favoriser le développement national indépendant de ces pays et se fonder sur le respect de leur souveraineté sur leur richesse et leurs ressources naturelles.

7. La violation des droits souverains des peuples et des nations sur leurs richesses et leurs ressources naturelles va à l'encontre de l'esprit et du principe de la charte12 des Nations Unies et gêne le développement de la coopération internationale et le maintien de la paix.

8. Les accords relatifs aux investissements étrangers, librement conclus par les États souverains ou entre des tels États seront respectés de bonne foi ; les États et les Organisations Internationales doivent respecter strictement et consciencieusement la souveraineté des Peuples et des Nations sur leurs richesses et leur ressources naturelles, conformément à la charte et aux principes énoncés dans la présente résolution13.

Cependant, force est de constater que la réalité observée sur le terrain semble pratiquement s'écarter de la théorie ci-haut évoquée.

Faute d'une vulgarisation suffisante et efficace de la constitution, on l'a vu lors du référendum constitutionnel, il existe une controverse d'opinion14 sur la portée et le sens méme de l'article 9 de ladite constitution.

12 Art.2. Charte de l'ONU, Cfr. Eric David et Alain PELLET, op. cit., p 946 et 947. 1194 séances plénières, 14/12/1962.

13 Résolution 1803(XVII) sur la proclamation du principe de la Souveraineté Permanente. Cette Résolution a été adoptée par 87 voix dont la Belgique, contre 2, avec 12 abstentions et 9 non-votants.

14 Remarquons ici que ce qui pose problème pour beaucoup, c'est le changement de l'ancienne formulation à l'alinéa 1er de l'art.9, l'alinéa 2ème est resté inchangé.

Pour les uns, l'article 9 est contraire à la loi du 20/7/73, car il abolit le monopole de l'État congolais sur son sol et son sous-sol, en consacrant ainsi la privatisation15 de la propriété foncière ; pour les autres ils reprochent à l'article 9 d'être une astuce, un lifting juridique par lequel on veut vendre le sol, le sous-sol et autres richesses et ressources naturelles de l'État congolais, aux étrangers (firmes internationales, États puissants, ..) en rendant la R.D.C. un territoire d'exploitation.

Les droits souverains des peuples sont violés, car les revenus tirés des exploitations de ressources naturelles ne profitent ni pour le bien être de la population, ni pour le développement de la RDC.

Au mépris des codes miniers, fonciers, forestiers, ~les groupes rebelles ont pillé et exploité illégalement les ressources naturelles16, qu'elles soient minérales, écologiques, agropastorales, industrielles, financières ou humaines. Ils sont à la base des pratiques mafieuses dont les trafics d'armes, blanchissements d'argents sale, fabrication de la fausse monnaie et criminalisent ainsi l'économie congolaise.

Selon le rapport de la commission LUTUNDULA, il s'est passé au cours de cinq dernières années des transactions et accords commerciaux, économiques et autres sur les concessions minières, forestières et foncières comportant des clauses léonines17, attentatoires à la souveraineté nationale.

Face à un tableau paradoxal ci-haut décrit, un certain nombre de questions se posent avec acuité :

- Quel rapport juridique existe-t-il entre la loi dite BAKAJIKA, l'art.53 de la loi du 20/07/73 et l'article 9 de l'actuelle constitution ?

Autrement dit, la substitution aux concepts « propriété » et « plénitude des droits » de celui de « souveraineté permanente » implique-t-elle une complémentarité, une contradiction ou une équivalence ?

- Quelles sont les modalités d'exercice de la souveraineté permanente et en cas de violation de ce principe, comment établir le mécanisme de responsabilité ?

15 Séverin MUGANGU, La gestion foncière rurale au Zaïre, reformes juridiques et pratiques foncières locales, cas du Bushi : thèse de doctorat, Louvain-la-Neuve, Belgique,1995.

16 http : //www.un.int/drcongo/rapport1.htm considérations du gouvernement sur les rapport du panels.

17 Extrait du rapport publié par la commission LUTUNDULA

Quelle en est la sanction, la procédure ainsi que la juridiction compétente à saisir pour trancher le litige ?

Voilà autant de questions auxquelles nous nous proposons de répondre au cours du présent travail.

2. Hypothèses

La formulation actuelle de l'article 9, al.1er ne contredit ni la loi BAKAJIKA, ni l'article 53 de la loi du 20/07/73, ni méme l'article 34 de l'actuelle constitution, qui consacre le droit à la propriété privée et le réglemente. Elle est la plus complète, la plus exhaustive et appropriée par le fait qu'elle prend en compte tous les compartiments du domaine public foncier, lacustre, fluvial, aérien et maritime. La nature du droit de l'État sort du secteur étroit du droit privé, pour escalader les cimes des prérogatives des puissances publiques.

Le concept de « souveraineté » recadre parfaitement l'étendue et la nature des prérogatives de l'État sur tout son domaine public naturel. En tout cas, mieux que la notion de propriété souvent fustigée pour sa pauvreté, ses lacunes et son absence de prise en compte de la complexité du patrimoine foncier de l'État, qui ne se limite pas qu'au sol et au sous-sol. La propriété est un simple concept de droit privé18, qui ne rend pas compte des aspects propres à l'espace aérien, maritime ou au plateau continental, ~ Ici on ne parle pas techniquement du droit de propriété mais de l'exercice de la souveraineté. Le concept de la «souveraineté permanente» recadre parfaitement l'étendue et la nature des prérogatives de l'Etat sur tout son domaine public naturel, en tout cas, mieux que la notion privatiste de «propriété».

Les modalités d'exercice de la souveraineté permanente par lesquelles la R.D.C. peut recouvrir ses richesses extorquées sont : la nationalisation, la radicalisation, l'expropriation pour cause d'utilité publique,

18 Séverin MUGANGU, op. cit., p.145.

etc. Mais au surplus, comme le principe de la souveraineté permanente relève du jus cogens19, l'État congolais peut attraire en justice tant ses nationaux (près des juridictions internes) que d'autres pays voisins (près la C.I.J.) qui ont violé ce sacré principe et pillés ses ressources naturelles, en vue d'obtenir une réparation adéquate. Et comme il s'est avéré que l'exploitation des ressources naturelles en RDC, est une source de conflit, on songerait également à consolider la paix par la bonne gouvernance, une gestion rationnelle de ses ressources et à une bonne politique de coopération internationale entre la RDC et ses pays voisins qui, sans cesse, convoitent ses richesses.

3. Méthodologie

L'utilisation des méthodes et techniques de recherches répond à une double nécessité, à savoir la collecte et le traitement des données ainsique la rationalisation de procédure, en vue d'atteindre le résultat escompté.

C'est ainsi que dans le cadre du présent travail, nous allons faire usage de la méthode juridique.

La méthode juridique accorde la prépondérance aux textes internationaux et nationaux et son objet normatif dans le cadre de notre investigation. Ainsi, nous avons procédé à une analyse des règles internationales, pour mieux connaître la protection particulière accordée au principe de la souveraineté permanente sur les ressources naturelles, tel que consacré par cette nouvelle constitution.

La méthode exégétique20 nous permettra d'analyser les textes tant nationaux qu'internationaux pour comprendre l'évolution du régime juridique foncier, des espaces aériens, maritimes, conformément au principe de la souveraineté permanente.

19 Car la résolution 1803, à son alinéa 7, on précise qu'il est conforme aux buts et aux principes de la charte des Nations Unies. Ce qui revient à dire que violer le principe de la souveraineté implique directement violation de la charte de l'ONU.

20 Vóonique VILLIEUX et alii., A la découverte de la recherche et des chercheurs, Paris Dalloz, 2001, p.24.

En outre, nous avons fait la recherche sur la législation congolaise afin de vérifier si les normes résultant des textes internationaux de protection des ressources naturelles ont été intégrées dans le droit interne. Il a donc fallu une démarche quelque peu comparative entre deux ordres juridiques.

La technique documentaire nous a permis de consulter avec intérét, d'une part les textes légaux, les traités internationaux relatifs à notre sujet et d'autre part la doctrine : ouvrages, articles, rapports, et documents ayant trait à notre sujet, pour une recherche des faits significatifs.

Enfin nous avons trouvé, grâce à cette technique, la

jurisprudence nationale aussi bien internationale, qui nous a aidé à répondre à certaines questions tranchées par la Cour Internationale de Justice.

La technique d'interview21 pour sa part, nous a permis de recueillir par entretien certaines données auprès des praticiens du droit. Ces personnes nous ont non seulement permis d'avoir accès à certains dossiers en rapport avec notre travail, mais aussi nous ont fait part des positions soutenues par eux, à ce sujet.

4. Choix et intérêt du sujet

L'intérêt qui a guidé notre choix est à la fois certain et indéniable. Il se situe ainsi au triple plan, à savoir : scientifique, pédagogique et social.

- Sur le plan pédagogique, le présent travail est un exercice de combinaison et de rencontre de plusieurs branches du droit dont, le Droit International Public, Relations économiques Internationales, Droit des Organisations Internationales, Droit de Biens, Droit Constitutionnel,

- Sur le plan social22, l'objet du présent travail est d'une importance capitale pour la population du monde entier, celle des pays du Tiers-Monde et

21 Marie Anne COMENDET, Méthode de travail scientifique, Paris, Mont chrestiens, 1998, p.12.

22 François DEPELTEAU, La démarche d'une recherche en sciences humaines, De BOECK, Paris, France, 1998, p.45.

celle de la R.D.C. en particulier. En effet, nous pensons qu'il est utile et impérieux que la population, soucieuse de son bien être sache comment s'effectuent la gestion et la répartition de ses ressources naturelles pour le développement de son État, surtout que c'est elle qui souffre toujours des atrocités des guerres menées ça et là.

Voilà pourquoi nous disons, partant de cela, qu'il intéresse cette population à plus d'un titre. Parce que celle-ci en a été considérablement affectée.

L'apport du présent travail à la science juridique consiste notamment dans l'explication de l'écart entre les notions de propriété et de souveraineté.

Les techniques et principes juridiques de protection des ressources naturelles, les règles de révision de contrats léonins. Ainsi, sa pertinence tient au fait qu'il rejoint le débat houleux sur l'actuelle constitution : la substitution du concept propriété par celui de souveraineté permanente, d'autre part au fait qu'il s'efforce de trouver une explication à l'article sous examen, selon l'esprit de la résolution 1803.

Aussi, ce travail nous semble davantage intéressant dans la mesure où il se propose de donner des solutions pour rendre effective et efficace le respect de l'application du principe de la souveraineté permanente.

Un tel thème ne peut aboutir au résultat escompté que s'il est accompagné d'une méthodologie appropriée, étant entendue qu'il est à cheval entre le Droit International et le Droit interne.

5. Délimitation du sujet

Délimiter un sujet consiste à le situer dans le temps et dans l'espace23. Sur le plan spatial, notre étude ne concernera que la RDC. Mais il

23 François DEPELTEAU, op. cit.p.44.

demeure évident que le principe de souveraineté permanente étant un principe de droit international, il concernera aussi tous les États (en voie de développement et ceux développés).

Sur le plan temporel, nous allons remonter à l'origine de ce principe (résolution 1803 (XVII) 1952), pour comprendre l'essence et la portée de ce principe, ainsi que les multiples violations qui se sont produites dans le monde (affaire du Timor Oriental, du Sahara, RDC contre Uganda). Toutes fois, pour des raisons d'enrichissement du sujet, nous n' hésiterons pas de quitter le cadre spatio-temporel que nous venons de tracer, pour puiser dans le passé, soit sous d'autres espaces des données à méme de rendre plus compréhensible notre travail.

Quant au corps des règles, les principaux textes à analyser, dont nous ferons usage ici sont : la résolution 1803, les codes d'investissements, code forestier, code foncier, maritime, minier, ~

6. Subdivision du travail

Outre l'introduction et la conclusion générale, le présent travail s'articule en deux chapitres.

Le premier chapitre est intitulé clarification conceptuelle et comprend cinq sections : de la souveraineté permanente (section 1ère), distinction entre souveraineté permanente et la plénitude des droits fonciers, miniers et forestiers (section 2ème), distinction entre souveraineté permanente et l'article 53 de la loi du 20/07/1973 (section 3ème), distinction entre souveraineté permanente et domanialité (section 4ème) et distinction entre souveraineté permanente et ses notions voisines (section 5ème). Une conclusion partielle mettra fin à ce premier chapitre.

de la souveraineté permanente (section 2ème) et enfin la violation du principe de la souveraineté permanente (section 3ème).

CHAPITRE Ier : CLARIFICATION CONCEPTUELLE

Le droit, disait Remy CABRILLAC, constitue une science24 dont la rigueur repose sur la précision de langage (...). Un terme juridique employé à la place d'un autre terme du langage courant peut emporter des conséquences aussi fondamentales qu'indésirables. Cette impeccable citation est pleinement justifiée à l'égard de l'article 9, objet du présent travail. Il dispose : « L'État exerce une souveraineté permanente notamment sur le sol, le sous-sol, les eaux et les forêts, sur les espaces aérien, fluvial, lacustre, et maritime congolais ainsi que sur la mer territoriale congolaise et sur le plateau continental. Les modalités de gestion et de concession du domaine de l'Etat visé à l'alinéa précédent sont déterminées par la loi».

Pour procéder à son examen, deux problèmes essentiels vont nous préoccuper tout au long de ce chapitre, d' une part l'analyse de l'alinéa 1er dudit article, (qui pose le principe de la souveraineté permanente..), d'autre part l'analyse du second alinéa, (qui prévoit que les modalité25s de gestion et de concession du domaine public de l'Etat...).

En effet, une analyse minutieuse et combinée de ces deux alinéas révèle ici une inadéquation des termes, voire même une lacune causée par l'emploi des termes « modalités de gestion et de concession du domaine public...» à l'alinéa 2ème, précédé de l'expression « l'Etat exerce une souveraineté permanente... » à l'alinéa 1er. Il semble y avoir dans l'esprit du législateur, une confusion entre les termes souveraineté et propriété ; si bien que l'on ne sait plus déterminer exactement avec l'art.9 de cette nouvelle constitution, si le sol, le sous-sol et les mines demeurent une propriété inaliénable, exclusive et imprescriptible de l'Etat Congolais ou non. C'est là le noeud du problème.

24 Remy CABRILLAC, Dictionnaire du vocabulaire juridique, 2ème édition, Litec, Paris, 2004, p VII, (in avant propos).

25 Guy FEUER et Hervé CASSAN, op. cit. p22.

D'où, pour replacer les mots à leurs juste place, de manière à en avoir une idée précise, claire et nette, il nous paraît mieux indiqué de préciser en 1er lieu le sens et la portée du principe de la souveraineté permanente (section1ère), ensuite confronter cette notion face à la loi BAKAJIKA (section 2ème), à la loi du 20 juillet 1973(section3), mais également avec la notion de suzeraineté et celle de domanialité, (section 4 et 5). Enfin, nous distinguerons ce principe de ses notions voisines, avant de proposer une nouvelle formulation dudit article, dans une conclusion partielle de ce chapitre. Tout ceci dans le but de les clarifier et de savoir si ces notions s'équivalent ou peuvent être employées l'une à la place de l'autre.

Section 1ère : DE LA SOUVERAINETE PERMANENTE

Comme nous l'avons annoncé dès le début de ce travail, l'alinéa 1er de l'article sous examen consacre le principe de la souveraineté permanente des Etats sur leurs ressources naturelles. Ce principe a été proclamé deux fois par les résolutions1803 (V) et la résolution 3281 sur les droits et devoirs économiques des Etats. Il convient donc, dans la présente section, de pouvoir dégager le sens et analyser ce principe à travers son évolution, son contenu (§1), ses caractères (§2), son étendue (§3) ainsi que ses notions voisines. En procédant de la sorte, notre objectif n'est rien d'autre que de savoir le sens que le législateur congolais entend donner à l'article 9.

§ 1. Évolution et contenu du principe

I. Evolution d'ensemble

I.1. Origine

La théorie de la souveraineté permanente des Etats sur leurs richesses et ressources naturelles est d'origine latino-américaine.

C'est le Chili qui, en 1952, a amorcé le débat dans le cadre des Nations Unies. Par la suite, on a vu se développer toute une argumentation touchant aux problèmes politiques, économiques et juridiques relatifs à cette notion.

Dans un premier temps, ce principe a été façonné dans un cadre historique précis, notamment celui de la décolonisation et ayant une finalité bien précise. Les pays du tiers monde ont ensuite cherché à faire admettre la notion par les pays développés en acceptant divers compromis au sein de l'O.N.U. Une commission chargée de l'étude de ce principe fut institué par l'A.G. et abouti à la proclamation de la résolution 1803(XVII).

I.2. Étapes marquant l'évolution du principe.

Dans l'ensemble, cette évolution traduit le souci de « des internationaliser» les compétences économiques de l'État. Souci tactiquement compréhensible : les États en développement comme les Etats socialistes de l'époque cherchent à définir leur place dans les relations internationales, par opposition aux Etats qui dominent aujourd'hui les rapports économiques internationaux. Pour ce faire, il leur paraît opportun de supprimer les limitations, imposées par un Droit International Public d'origine européenne, à leur droit de réglementation interne et à une utilisation discrétionnaire de leurs richesses naturelles. Ils sont parfois rejoints dans cette entreprise par des Etats développés qui y voient le moyen soit de résister plus efficacement à la domination américaine, soit de dégager les règles d'une nouvelle discipline économique spécifique aux relations entre pays développés (exploitation de l'idée de dualité des normes).

Les principales étapes sont marquées par l'adoption des textes

suivants :

- Le 1er texte important est la résolution 626 (VI) de 1952 qui, bien que les Etats "occidentaux" se soient abstenus lors de son adaptation, paraît rétrospectivement bien anodine : elle insiste sur la "nécessité de maintenir le courant des capitaux dans des conditions de sécurité et dans une atmosphère de confiance mutuelle et de coopération entre les États". L'intérêt de cette résolution tient à l'habitude qui s'est prise depuis lors, de réaffirmer régulièrement le principe de la souveraineté sur les ressources nationales. Et donc, dans un 1er temps, les pays du Tiers-monde ont cherché à faire admettre la notion par les pays développés en acceptant divers

compromis, note HERVE Cassan26 dans son ouvrage très célèbre cité précédemment.

- La 2èmeétape, est marquée par l'adoption de la résolution 1803 (XVII) de1962. Elle correspond à une phase de compromis entre les synthèses défendues par les États occidentaux, ceux des pays socialistes et du Tiers Monde, en particulier. Le droit de nationaliser la propriété étrangère y est affirmé clairement, mais son exercice est entouré de certaines restrictions.

- La 3ème phase, quant à elle est ponctuée de durcissements successifs du Tiers Monde et trouve un point d'aboutissement dans la charte de droits et devoirs économiques des États de 1974. En son article 2, §II, il rappelle que "chaque État détient et exerce librement une souveraineté entière et permanente sur toutes ses richesses, ses ressources naturelles et activités économiques y compris la possession, le droit de les utiliser et d'en disposer". L'ONU a adopté en tout plus de 80 résolutions concernant ce principe et a créée une commission chargée de son étude qu'elle a chargée de procéder à une enquête approfondie concernant la situation du droit de souveraineté permanente sur les richesses et les ressources naturelles.

Depuis cette période, la situation est plus complexe. Les pays développés ont accepté l'insertion de ce principe dans le droit positif, mais ils contestent vigoureusement les conséquences externes que certains pays en développement veulent en tirer dans l'exercice de leur politique, notamment en matière de nationalisation.

II. Contenu du concept de « la Souveraineté Permanente »

La constitution de la 3ème République ne fait que consacrer le principe de la Souveraineté Permanente dans le droit positif (interne) congolais, à son art.9 alinéa 1er, mais ne définie, ni le sens ni la portée de ce dernier.

26 Guy FEUER et Hervé CASSAN, op. cit., p. 23.

Il n'existe non plus, aucune loi ou jurisprudence ( ) dans le droit positif congolais qui définisse ce principe. D'où alors, face à ce vide il nous parait nécessaire d`appliquer le réflexe du juriste, ainsi, nous avons recouru à la fois aux travaux préparatoires du parlement, ainsi qu'à la doctrine juridique internationale, pour combler cette lacune, en vue de réaliser une analyse minutieuse de notre travail et en dégager le sens, qui mettra fin à toute controverse autour de cet article. Cela étant, nous analyserons donc tour à tour les titulaires, l'objet et les caractères de cette souveraineté, pour en avoir une idée générale et pertinente.

II.1. Notion de la souveraineté permanente27 selon les travaux préparatoires

Ces travaux ont été réalisés par le sénat et la discussion eut lieu au sein du parlement de transition, les deux chambres réunies. Le Président de cette commission est : Bruno MBIANGU KAKESE.

D'après la commission chargée de l'examen de l'art ; 9 de la constitution, "~"le principe repose sur la sécurisation de la souveraineté de l'État, quelles que soient les circonstances, en temps de paix ou de guerre, l'Etat doit avoir le contrôle politique, économique, financier et social sur toute l'étendue de son territoire.

Cette permanence de sa souveraineté vient à juste titre protéger, verrouiller la souveraineté de l'État. En ce sens où, il (l'État) devrait demander réparation au cas où un préjudice serait constaté pendant une période des troubles et des guerres.

L'esprit de cet article intervient après que l'État central ait été bradé par des seigneurs de guerre qui avaient occupé et divisé le pays en plusieurs structures politico-économico-judiciaire, la volonté manifeste d'instituer un contrôle sur toute l'étendue du pays en vue d'ériger un système de blocage contre les expériences qui ont consacrées une souveraineté à chaque seigneur de guerre28.

II.2. Notion de la souveraineté permanente selon la doctrine

Quant à l'idée générale développée par la doctrine, elle se résume en ceci: tout Etat dont les richesses et les ressources naturelles ont été extorquées ou se trouvent entre des mains étrangères doit pouvoir recouvrer l'intégralité des droits normalement attachés à sa souveraineté. Par une extension naturelle de cette idée, on ajoute qu'un Etat souverain ne peut être contraint contre son gré de céder à des étrangers les droits qu'il détient normalement sur les richesses situées sur son territoire. C'est là l'une des applications principales de ce que le langage idéologique en usage au Tiers-monde et aux Nations Unies a pu appelé " la lutte contre l'impérialisme et le néo-colonialisme".

- Qui est le titulaire du droit de la souveraineté permanente ?

Deux ambiguïtés subsistent ici : le premier est juridique, son bénéfice ne devrait revenir qu'aux Etats. Certains textes, et en particulier la charte de droits et devoirs économiques (rés. 3281 (XXIX) de 1974) semblent bien en réserver l'exercice aux Etats ou aux «pays», mais l'autre ambiguïté, qui est le second nous révèle que des nombreux autres documents considèrent qu'il s'agit-là «d'un élément fondamental du droit de peuple et de nations à disposer d'eux-mêmes»

Par exemple l'art.1er, paragraphe 2 de deux pactes de droits de l'homme de 1988 qui dispose : " pour atteindre leurs fins, tous les peuples peuvent disposer librement de leurs ressources et de leur richesses naturelles.

Il apparaît donc que la souveraineté sur les richesses et les ressources naturelles appartient à l'Etat qui l'exerce au nom du peuple à partir du moment où celui-ci est constitué en Nation ou en Etat. Mais aussi au peuple sous domination coloniale ou soumis au régime d'apartheid ou de discrimination raciale, peuple sous colonie, peuple autochtone. La communauté internationale veille sur leurs, intérêts en attendant leur accession à l'indépendance.

- Ratione materiae, l'objet de la Souveraineté Permanente est très étendue29. Il s'agit notamment :

1° L'objet primordial : les premières résolutions de N.U. visent exclusivement les richesses et ressources naturelles.

2° Depuis 1974 l'A.G. y adjoint les activités économiques.

3°L'expression recouvre aujourd'hui30 tant, les richesses, ressources minérales et agricoles que les activités d'exploration, d'exploitation, de transformation et de commercialisation des richesses étendues sur le territoire où l'Etat exerce sa souveraineté.

4° Les investissements privés étrangers.

5° Les sociétés transnationales.

Il convient de préciser aussi que parmi les droits qui découlent de la souveraineté économique de l'Etat figurent celui de réglementer les investissements étrangers dans les limites de sa juridiction nationale, de réglementer et de surveiller les activités des sociétés transnationales dans les mêmes limites et de nationaliser, d'exproprier ou de transférer la propriété des biens étrangers situés sur son territoire.

En pratique, les investissements étrangers ainsi que l'acquisition d'immeubles sis sur le territoire national sont plus ou moins réglementés suivant les Etats. La loi Néerlandaise, par exemple, ne semble pas limiter l'acquisition par des étrangers d'immeubles situés aux Pays-Bas. Il en va autrement en Suisse.

§ 2. Étendue de l'exercice de cette Souveraineté Permanente

Nous envisageons ici le territoire, espace31 sur lequel s'exerce cette souveraineté et ses limites, car les richesses et ressources naturelles se situent sur ces territoires. C'est pourquoi la constitution, précisément son

29 Dominique ROSENBERG, op. cit. p.128.

30 Guy FEUER et Hervé CASSAN, op. cit., p.78.

31 Jean COMBACAUD, op. cit., p.567.

article 9 précise qu'il s'agit de tout le territoire, c'est-à-dire espace aérien, maritime et terrestre. Où doit --t-elle s'exercer ?

Sur ce point, jurisprudence et doctrine sont toutes unanimes à affirmer que l'Etat exerce (une souveraineté) des pouvoirs souverains à l'égard de toutes choses, toutes situations et de tous les individus se trouvant sur son territoire. C'est ce qu'exprime les termes latins jus imperium et jus dominium (pour illustrer l'idée de deux aspects de la souveraineté).

A titre illustratif, la doctrine canadienne représentée par Claude EMANUELI (professeur à la faculté de Droit de l'université d'Ottawa, dans un rapport général sur la maîtrise du sol32 ; l'a si bien exprimé en ces termes: " le principe de la Souveraineté Permanente sur les ressources naturelles et les activités économiques s'applique aussi bien aux ressources minérales qu'aux ressources agricoles, aux activités d'exploration, d'exploitation, de gestion, de conservation, de transformation et de commercialisation des ressources naturelles". Celles-ci peuvent être comprises dans le territoire terrestre de l'Etat, mais aussi sur son territoire maritime, son plateau continental, sa zone de pêche exclusive ou sa zone économique exclusive.

Jusqu'où l'Etat est censé exercer sa Souveraineté Permanente? Autrement dit, quelles sont ses limites spatiales, car elles ne sauraient être indéfinies ou illimitées, sous réserve des droits des Etats tiers et du patrimoine commun de l'humanité.

La souveraineté territoriale implique que l'Etat dispose de droits souverains et exclusifs sur l'ensemble de son territoire. Or, le territoire de l'Etat est composé de l'espace aérien, maritime et terrestre. Il s'agira avant tout du contrôle effectif que l'Etat exerce sur son territoire terrestre.

I. Espace terrestre (compétences territoriales)

«L'Etat exerce une Souveraineté Permanente sur le sol, le soussol, les foréts,..»

32 Franck MODERNE et alii. La maîtrise du sol, rapport de synthèse, PUF, Paris, 1995, pp. 3 à 69.

Pour des raisons de précision et de concision, nous allons englober ici le sol, sous-sol et les foréts. Les compétences territoriales de l'Etat s'étendent à l'ensemble de son territoire terrestre auquel sont assimilées les eaux douces.

L'Etat exerce des pouvoirs souverains à l'égard de toutes les choses et de tous les individus qui se trouvent sur son territoire terrestre de même qu'à l'égard de toutes les activités qui s'y déroulent. Il dispose notamment d'une souveraineté permanente sur les ressources naturelles présentées à l'intérieur de son territoire et sur les activités économiques qui y ont lieu. Le principe de la souveraineté économique de l'Etat se trouve expressément mentionné à l'art. 2 §1 de la charte des droits et devoirs économiques des Etats (1974). Selon cet article : chaque État détient et exerce librement une souveraineté entière et permanente sur toutes ses richesses, ressources naturelles et activités économiques, y compris la possession et le droit de les utiliser et d'en disposer.

Cependant, il faudra également considérer les autres espaces à l'égard desquels l'État possède des droits souverains.

II. Espace maritime et Espace aérien

Le territoire de l'État en tant qu'espace sur lequel il exerce sa souveraineté est composé des espaces maritime, arien et terrestre.

Compte tenu de notre thème et par souci de nous conformer aux prescrits légaux de l'art. 9, nous envisageons avant tout d'analyser le contrôle effectif que l'État exerce sur son territoire: que sont le sol, le sous-sol, les forêts et les eaux intérieurs, le plateau continental, ainsi que sur toute l'étendue du pays.

§ 3. Caractères de cette souveraineté

La souveraineté permanente présente les caractères suivant: inaliénable, exclusive, imprescriptible, permanente, indivisible, non susceptible d'appropriation privative, insaisissable.

I. Le caractère économique33

La souveraineté permanente est une souveraineté

économique34. En effet, la plénitude des compétences de l'Etat sur son territoire se traduit par sa "souveraineté permanente sur ses ressources naturelles et ses activités économiques». Une double mise au point terminologique s'impose. D'une part, il faut noter que cette expression, comme celle, courante aussi, de "souveraineté économique" est une simple convention de langage, et qu'elle ne prétend pas amorcer une dissociation des différents éléments de la souveraineté étatique. En réalité, la souveraineté ne se divise pas, elle n'est le critère de l'Etat que dans toute sa plénitude: il serait abusif et maladroit de distinguer souveraineté politique, souveraineté économique ou tous les autres aspects de la souveraineté.

La souveraineté économique regroupe tout simplement l'ensemble des compétences économiques des États qui découlent de leur souveraineté. C'est un concept descriptif, au même titre que l'expression " souveraineté territoriale" elle -même.

Mais, d'autre part, c'est précisément pour marquer que ces compétences sont extrêmement larges, peu limitées par le droit international, que celles-ci sont regroupées sous le vocable de "souveraineté". C'est pour renforcer ce caractère presque absolu que les résolutions des Nations unies qualifient la souveraineté économique de permanente, entière et inaliénable". Les États en développement entendent signifier par ces adjectifs que toute renonciation aux droits que l'État tient de sa souveraineté en matière économique est précaire et révocable. Il est vrai que la souveraineté politique est un vain mot si les États ne possèdent pas des moyens concrets de l'exercer.

Dans le monde contemporain, il n'est pas d'indépendance sans maîtrise de l'activité économique. C'est ce qui explique l'accent mis à l'heure

33 Dominique ROSENBERG, op. cit., p.121.

34 Patrick DAILLIER et Alain PELLET, op.cit. p.1035 et s.

actuelle sur la composante économique de la souveraineté, surtout par les États en développement, peu convaincus de pouvoir tirer parti de l' interdépendance économique, ils insistent sur le droit des États de contrôler l'ensemble des activités économiques menées sur leur territoires.

II. Le caractère permanent et inaliénable de cette souveraineté

L'épithète permanente collée au mot souveraineté "apparaît dès la résolution 1314 (XII) et sera régulièrement utilisée à partir de là. Ce qualificatif marque à la fois l'essence et la portée du droit revendiqué. En effet, dire que la souveraineté sur les ressources naturelles est permanente, signifie qu'elle est inaliénable. L'inaliénabilité se trouve proclamée par la résolution 1803 (XVII) et par la plus part de textes ultérieurs. Ce que l'on vise par-dessus tout, ce sont soit les aliénations effectuées par la puissance métropolitaine durant l'ère coloniale et dont les bénéficiaires demandent le maintien au nom de la théorie du respect des droits acquis ; soit celles qui ont été extorquées à des gouvernements faibles au profit des ressortissants d'États économiquement puissants.

III. Le caractère de conformité aux buts et principes des N.U.

Les résolutions prévoient des moyens de sanction permettant de faire respecter les compétences souveraines des États. On citera à ce propos deux dispositions importantes, entre lesquelles se remarque une différence de ton caractéristique de l'évolution de la théorie. En 1962, la résolution 1803(XVII) présente un paragraphe 7 ainsi libellé : "la violation des droits souverains des peuples et des Nations sur leurs richesses et ressources naturelles va à l'encontre de l'esprit et des principes de la charte des N.U. et gène le développement de la coopération Internationale et le maintien de la paix".

Dix ans plus tard, la IIIèmeC.N.U.C.E.D. qualifie de violation flagrante des principes des Nations Unies, toutes mesures de pression politique et économique de nature à porter atteinte au droit de tout le pays, de disposer librement de ses ressources naturelles (Rés. 46 (III). Aussi l'ONU recommande-t-elle à ses membres de s'abstenir de toute pression ou action de

contrainte pendant et à travers le libre exercice par l'État de son droit de souveraineté sur ses ressources naturelles. Il s'agit-là d'un principe important, en lequel il faut voir, comme le précise plusieurs résolutions, une application du principe de non intervention, proclamé par la charte de N.U. et par la déclaration du 24/10/1970 sur les relations amicales et la coopération entre les États. Ce principe est lui-même le corollaire de la souveraineté et de l'égalité.

IV. La souveraineté a le caractère d'un pouvoir illimité et exclusif

La souveraineté est la source de tout pouvoir qu'exercent les organes d'un État dans le droit positif d'un État. Elle a son siège dans tous les citoyens et dans chacun d'eux. La souveraineté n'est pas susceptible d'appropriation privative, aucune partie du peuple, aucun individu ou organe au sein de l'Etat ne peut s'en attribuer le monopole. Seul l'Etat en détient l'exclusivité. Elle a, en outre, un caractère unique et indivisible. La souveraineté est une et indivisible35: elle appartient à la nation toute entière ; aucune section du peuple, aucun individu ne peut s'en attribuer l'exercice".

V. Non susceptible d'appropriation

Elle ne peut devenir pour qui que ce soit, un objet

d'appropriation. L'Etat est le seul titulaire légitime de la souveraineté Il subsiste encore cette conséquence qu'en France aucun organe étatique n'est, à proprement parler souverain : le peuple n'est pas maître de puissance souveraine, car il ne fait qu'élire ses représentants ; le parlement ne l'est pas davantage, bien qu'il soit incontestablement l'organe suprême car il n'est composé que des membres relativement éphémères... mais précisément le but de cette combinaison constitutionnelle est d'empêcher que l'un quelconque des éléments composant cet organe complexe puisse acquérir une maîtrise complète et se rendre à lui seul souverain.

35 Raymond CARRE de MALBERG, Introduction générale à l'étude de État, T.I, Paris, 1945, p. 33.

Section 2ème : DISTINCTION ENTRE SOUVERAINETE PERMANENTE ET LA PLENITUDE DES DROITS FONCIERS, MINIERS ET FORESTIERS

«Celui qui voudra s'en tenir au présent, à l'actuel, ne comprendra pas l'actuel ». Cette remarque de Michelet est pleinement justifiée à l'égard du droit foncier congolais qui est inséparable de son histoire. Telle est la raison pour laquelle on ne saurait distinguer la souveraineté permanente de la loi dite, BAKAJIKA, sans évoquer l'évolution du régime foncier36 congolais : avant l'E.I.C., sous l'E.I.C., pendant la période coloniale et post coloniale.

§ 1. EVOLUTION DU REGIME FONCIER CONGOLAIS.

I. Période du régime foncier coloniale.

Cette évolution du régime foncier congolais sera analysée à travers quatre périodes : 1. Le régime foncier coutumier (avant l'E.I.C.), 2. Sous l'E.I.C., 3. Sous le Congo Belge, 4. Et du Zaïre.

I.1. Le régime foncier de l'Etat Indépendant du Congo

Le professeur S. Mugangu écrit, à propos de l'occupation européenne du sol africain avant 1876, que certaines théories de droit international antérieur au XVIIIe siècle considérait l'Afrique, terre inconnue comme une res nullius. S' y installait qui voulait sans qu'aucun titre juridique soit nécessaire. Les premiers établissements portugais sur les deux faces du continent africain s'étant probablement constitués ainsi37.

Au jour même de la notification aux puissances de la constitution de l'E.I.C., l'administrateur général au Congo prit une ordonnance relative à l'occupation des terres à travers tout le nouveau territoire.

36 Mbemba MULOPO M., « Nouveau Régime foncier Zaïrois et l'expropriation pour cause d'utilité publique »,in Annales de la faculté de Droit, UNIKIN, 1974.

37 Séverin MUGANGU M., op. cit., p. 37.

En effet par cette ordonnance l'administrateur général a voulu marquer d'une part une rupture entre l'ancien et le nouveau régime en ordonnant qu'à partir de la présente proclamation, aucun contrat ni convention passés avec des indigènes pour l'occupation à un titre quelconque des parties du sol « ne sera reconnu par le gouvernement et ne sera protégé par lui ». Les droits ne pouvant naître qu'en se conformant aux règles du nouvel Etat38.

Si l'objet du premier acte fut de cristalliser les droits acquis à l'époque antérieure au 1er juillet 1885, ce méme acte attribue à l'Etat toutes les terres vacantes et interdit leur occupation sans titre. Ainsi, pour le Pr. Kalambay, dans le premier temps l'E.I.C. reconnut trois sortes de terres :

a. les terres occupées par les autochtones et dont le régime fut soumis à la coutume.

b. Les terres en possession de non indigènes. En effet, avant la constitution de l'E.I.C., des non-indignes hollandais, portugais et anglais occupaient le sol en vertu des contrats passés avec des indigènes : ces contrats furent reconnus valables en exécution du décret du 22 août 1885 et ces terres furent enregistrées et soumises à la législation de l' Etat.

c. Tout le reste des terres forma le domaine de l'Etat et une partie constitua le domaine privé. Ce reste c'était les terres vacantes.

Si les non indigènes avaient, à partir de cette ordonnance la faculté de disposer de leur propriété foncière entre vifs ou pour cause de mort et entre eux, ils ne voulaient plus acquérir un quelconque droit réel ni sur les terres appartenant aux communautés traditionnelles, ni sur celles faisant partie du domaine de l'État sans autorisation de celui-ci. Par cette disposition, l'Etat se voulait être à méme de contrôler toute l'occupation du sol sur l'ensemble de son territoire.

Mais les terres occupées par les indigènes furent réduites ; l'Etat s'appropria de toutes les parties de terres qu'ils n'exploitaient pas, dans un

38 Gaston Kalambay, Régime foncier et immobilier, PUZ, Kinshasa, 1989, pp. 5 à 25.

but commercial. Le gouverneur général en exécution du décret du 5 décembre 1892, avait pris un arrêté invitant les commissaires des districts et les chefs d'expéditions à délimiter les droits des indigènes sur les terres occupées par eux (...) c'est à dire délimitées en fait à des portions de terres habitées des droits des indigènes ; « ce n'est pas un usufruit, une propriété mais un droit d'occupation »39.

Dans le droit dont la Belgique a doté son ancienne colonie, le droit consacré à l'amélioration des conditions des vies des autochtones est relativement mince par rapport aux droits économiques (...), le droit colonial n'étant pas un droit de développement40 ; la théorie des biens vacants fut utilisée comme instrument de la politique du gouvernement colonial pour mieux exploiter les ressources du Congo (comme dans tous les autres pays colonisés). Et l'Etat entra en conflit avec les sociétés commerciales dans le premier temps mais la solution de ce conflit fut réalisée au détriment de la population. La non observation des intérêts de chaque groupe fut en fait la cause de la chute de l'E.I.C.

En conclusion, comme nous venons de le voir, on ne peut pas parler de la souveraineté permanente sous l'E.I.C., pour plusieurs raisons, notamment :

1°Ici, le souverain c'est le roi et non l'Etat. L'E.I.C. est une propriété privée, un bien propre du roi, le seul souverain. Il ne devait en rendre les comptes à personne.

2°Les droits souverains de la population prônés par l'art. 9, étaient méprisés, méconnus au profit des intéréts du roi. Cela fut d'ailleurs la cause de la chute de l'E.I.C. : les intéréts de la population n'étaient pas pris en compte.

3°Rien n'était fait pour l'intérêt de la population ou pour le développement du pays; toutes les activités économiques et les revenus tirés de leur contrôle étaient versés dans le compte du roi. Ce qui est pratiquement contraire au principe de la souveraineté permanente, selon l'esprit de la résolution 1803, qui place l'intérêt de la population au premier rang.

39 Gaston KALAMBAY, op. cit., p. 25.

40 Idem, p. 27.

Toutes ces raisons ci-haut évoquées prouvent à suffisance que la notion de souveraineté permanente ne saurait être envisagée ici.

I.2. Le régime foncier du Congo - Belge

Dans le traité de cession du 18 novembre 1907 la Belgique réitère sa volonté de pouvoir respecter les droits acquis parce que « sa majesté le Roi souverain déclare céder à la Belgique la souveraineté des territoires composant l'E.I.C., tous les droits et obligations qui y sont attachés, l'Etat belge déclare accepter cette cession et faire sienne les obligations de l'E.I.C. (...), et s'engage à respecter les conditions au Congo, ainsi que des droits acquis légalement reconnus à des tiers indigènes et non indigènes »41.

Par rapport au principe de la souveraineté permanente, ici non plus on ne saurait l'évoquer pour la simple et belle raison que « souveraineté » est inconciliable à la colonisation. Ajoutons aussi le fait que la cession de la souveraineté de l'E.I.C. s'est effectuée sans consultation populaire, moins encore consentement du peuple congolais, tel que l'exige l'art. 214 de la constitution ; ce qui est également contraire à la charte des Nations Unies, et aux autres résolutions de l'ONU. Sous cette période, trois textes ont régi le domaine foncier du Congo qu'il convient de rappeler dans les lignes qui suivent :

2.1. La charte coloniale (loi) du 18 octobre 1908)

L'article 5 de la charte coloniale assigne au gouvernement (colonial) entre autre mission l'amélioration des conditions matérielles d'existence (...) et le développement de la propriété. Et l'art. 15 de la méme charte traite des règles relatives aux diverses sortes de concessions ; toute la politique coloniale trouvant sa source dans cet article qui constitue le régime provisoire en matière de concession et de cession des biens domaniaux. Lacunaire, entre autres reproches qu'on lui fit, le « rapport annuel » de 1922 préconise une nouvelle modification de l'art. 15 de la charte coloniale de manière à limiter la totalisation.

41 Art. 7 du traité du 18 novembre 1907 relatif à la cession de l'EIC à la Belgique.

Rappelons aussi que cette cession et ces concessions se faisaient selon la volonté du législateur belge plutôt que par celle du peuple congolais.

2.2. Le décret du 20 juillet 1907 sur l'emphytéose et l'usufruit

Ce décret vint organiser ces deux droits réels énumérés à l'art.1eralinéa 2ème du décret du 31 juillet 1912, parce que d'abord bien organisé, l'emphytéose peut suffire dans la plupart des cas à assurer la mise en valeur des terres domaniales incultes ; il ne sera plus nécessaire de recourir toujours et nécessairement au système des grandes concessions en pleine propriété. Ce serait une faute que la colonie continuât de se dépouiller définitivement des terres qui lui appartiennent comme bien sans maître, et ne conservât de son immense domaine qu'une faible portion pour les temps à venir.

Dans le système de l'emphytéose, dont la durée est

essentiellement à trois générations, la colonie retrouvera un jour ses terres avec une valeur considérable et sans y avoir fait aucune mise de fonds42.

Ensuite, (...) « quant à la matière de la superficie, il convient de la régler sans retard, afin d'apporter au principe de la cession consacrée en termes absolus. L'organisation de la superficie sera particulièrement utile dans la colonie pour la concession d'exploitation des foréts et des autres produits naturels du sol ».

2.3. Le décret du 31 mars 1934

Le travail de délimitation des terres indigènes, par son coût et son inutilité fut condamné en 1927. Mais la colonisation exigeait que l' Etat colonie continue à accorder des concessions et cessions avec la garantie à leurs titulaires de ne pas être inquiétés dans l'exercice de leurs droits. Dès lors une procédure nouvelle était nécessaire ; le législateur de 1934 subordonna à une enquête toute demande de cession ou de concession.

42 Rapport du conseil colonial cité par Gaston Kalambay, op. cit. p. 123.

Ce décret du 31 mai 1934 permit par un texte légal de renoncer officiellement à la délimitation systématique des terres indigènes, et indirectement de déterminer les terres vacantes, car l'enquête ne devra désormais s'effectuer qu'en cas de demande de cession ou de concession des terres rurales.

2.4. Les pouvoirs concédants

L'article 15 de la charte coloniale était en principe applicable à tout le domaine privé appartenant à la colonie. Or pendant cette période coloniale, pour le territoire colonial Belge on dénombre quatre pouvoirs concédants :

- le Congo -Belge

- le comité spécial du Katanga (C.S.K.)

- la compagnie de chemins de fer du Congo supérieur aux Grands Lacs africain (CFL).

- Comité national du Kivu (C.N.K.I.).

Chacun de ces pouvoirs concédants avait une zone dans laquelle il avait un droit de céder ou de concéder une portion des terres. Et à ce propos, les terres qui furent concédées n' étaient pas vacantes mais bien occupées par les indigènes. A titre d'exemple, l'administration faussa les enquêtes pour faire entrer les terres dans le domaine du C.N.K.I. Le caractère indigène ou domanial d'une terre établi par un procès verbal dressé par l'administrateur ou méme un agent territorial, lequel ne faisait l'objet d'aucun contrôle.

Mais malgré l'existence des divers pouvoirs concédant, nous pouvons dire que l'article 15 de la charte coloniale a été appliqué sur tout le territoire colonial d'une part et d'autre part les pouvoirs concédant ont disparu à la veille de l'indépendance. Au 30 juin 1960, seul l'Etat congolais était l'unique propriétaire de tout le domaine privé et pouvait en disposer librement.

II. Période du régime foncier post-coloniale

Pour Kalambay, le régime foncier pendant cette période postcoloniale a connu deux phases fortement caractérisées.

En effet, dans la première phase qui se situe dans la première décade de l'indépendance, le régime foncier est dominé par la conception du droit colonial car le législateur de cette période, tout en recherchant l'indépendance économique, a le souci permanent de maintenir ces textes légaux antérieurs à l'indépendance.

La deuxième phase débute avec la décennie connue. En effet, dans la loi fondamentale (décret du 19 juin 1960), on remarque des positions tranchées du législateur ; positons qui aboutissent à la rupture avec l'ancien régime foncier ; laquelle rupture étant consacrée par la loi du 20 juillet 1973.

II.1. La loi BAKAJIKA (1ère décade de l'indépendance)

La constitution du 1er août 1964 invitait le législateur à régler souverainement par la loi nationale le régime juridique des cessions et concessions foncières faites avant le 30 juin 1960.

Et l'ordonnance - loi n° 66/343 du 7 juin 1966 communément appelée loi BAKAJIKA, assurait à la RDC la plénitude de ses droits de propriété sur son domaine et la pleine souveraineté dans la concession des droits fonciers forestiers et miniers sur toute l'étendu de son territoire, (...) tous les textes législatifs antérieurs ayant pour objet l'exploitation, la gestion du sol et du sous-sol congolais et qui sont contraires à l'esprit de l'ordonnance loi précitée étaient abrogées. Dans l'exposé des motifs, il est dit que « la souveraineté de notre pays s'accommode mal des privilèges exorbitants concédés par la législation coloniale » et le Congo doit pouvoir exiger la plénitude de ses droits de propriété, de ses pouvoirs concédant... il doit disposer librement de son patrimoine ».

Cette ordonnance43 prise en vertu de l'article 43 alinéa 3 de la constitution de 1964 annule toutes les cessions et concessions accordées successivement par l'E.I.C., le Congo Belge, le CSK, le CNKI et la CFL.

La loi BAKAJIKA voulait constituer pour l'Etat congolais une loi de régulation de cession ou de concession acquises avant l'indépendance. Mais, à part la remise en question de cessions et de concessions accordées avant le 30 juin 1960 n'a pas porté atteinte à la conception du droit foncier colonial.

II.2. Portée de la loi BAKAJIKA

Cette loi avait 3 articles dont :

L'art.1er stipule : la R.D.C. reprend la pleine et libre disposition de tous ses droits fonciers, forestiers, et miniers concédés ou cédés avant le 30 /06/1960 en propriété ou en participation à des tiers, personnes morales ou physiques. L'art.2ème renchérit : « la R.D.C. procédera souverainement à la répartition des droits d'exploitation ou de gestion de ses ressources naturelles forestières et minières »

L'art.3ème : « tous les textes législatifs ou réglementaires antérieures, ayant pour objet : l'exploitation, la gestion du sol ou du sous sol congolais et qui sont contraires à l'esprit de la présente ordonnance-loi sont abrogés.

Ce point sera consacré à l'étude des concepts de «plénitude des droits fonciers», d'une part, et d'autre part à celui de « de la pleine souveraineté ». Après en avoir explicité la portée, on verra quelle incidence ces deux concepts ont sur les droits cédés ou concédés sur le sol par l'autorité coloniale.

2.1. Explication du concept « plénitude des droits fonciers »

Cette expression se trouve consacrée par l'Ordonnance-Loi n°66- 343 du 7 juin 1966, dite communément Loi BAKAJIKA44. Il dispose en son

43 Gaston KALAMBAY et Ndeshyo RURIHOSE « Enseignement de droit et de développement» in Annales de la Faculté de Droit, UNIKIN, 1976.

article 1er : « La R.D.C. reprend la pleine et libre disposition de tous ses droits fonciers, forestiers et miniers concédés ou cédés avant le 30 juin 1960 en propriété ou en participation à des tiers, personnes morales ou physiques ». En d'autres mots, en perdant la propriété du sol, le propriétaire voit son droit réel de propriété des constructions, se transformer en droit de créance sur l'Etat. Ainsi bien, la loi dite « BAKAJIKA » n'eut-elle pu décider autrement sans porter gravement atteinte au principe général du droit qui prescrit l'enrichissement sans cause.

1.1. Quelle est donc la portée de cette disposition?

Dans la terminologie en usage dans les affaires foncières, le mot cession est l'octroi d'un droit de propriété tandis que la concession se limite à octroyer un droit de jouissance bail, emphytéose, occupation provisoire, superficie, concession gratuite, etc.

Dans une terminologie plus générale le mot concession signifie tout acte par lequel l'Etat consent un droit de jouissance sur son domaine, sans distinguer entre le domaine public et le domaine privé.

Dire que l'Etat reprend la pleine et libre disposition45 de tous ses droits fonciers ~cédés avant le 30 juin, revient à dire qu'il reprendre toutes les propriétés privées reconnues et protégées par les textes législatifs d'avant cette date. En effet, aux termes de l'article 14, Livre II du Code Civil la propriété est le droit de disposer d'une chose d'une manière absolue et exclusive. Le droit de disposition constitue l'essence méme du droit de propriété et les mots « pleine et libre disposition » repris à l'article 1er de l'Ordonnance-Loi n°66-343 eussent aussi bien pu être remplacés par les mots « pleine propriété».

1.2. Limites de la disposition

Une première limitation se pose dans le temps, sont uniquement visés les droits cédés ou concédés avant le 30/06/1960. Il s'ensuit que les droits fonciers valablement cédés ou concédés, après le 30/06/1960, conformément à

44 Du nom de son initiateur, le député national Isaac Gérard BAKAJIKA-KANGOMBE, auteur de la loi qui porte son nom.

45 Gaston KALAMBAY, op.cit., pp.43 à 47.

l'ancienne Loi Fondamentale ou à la constitution, sont couverts par la garantie inscrite à l'article 43 de la constitution : « Les droits de propriété, qu'ils aient été acquis en vertu du droit coutumier ou du droit écrit, sont garantis conformément aux lois nationales. Nul ne peut être privé de ses biens meubles ou immeubles justement acquis en une région quelconque du territoire de la République que pour des motifs d'intérêt général et en vertu d'une loi nationale prévoyant le versement préalable d'une indemnité équitable ainsi que le droit pour l'intéressé de saisir, en cas de contestation, les tribunaux de l'ordre judicaire pour qu'ils se prononcent sur ses droits et fixent le montant de l'indemnité ». Cette loi nationale est pour l'instant le Décret du 24 juillet 1956 sur l'expropriation pour cause d'utilité publique. L'Ordonnance-Loi n°66-343 n'eut donc pu disposer pour une époque se situant après le 30/06/1960, sans aller à l'encontre des garanties constitutionnelles.

Une deuxième limitation résulte de l'objet sur lequel a porté la cession ou la concession, à savoir le sol. L'Etat colonial a cédé ou concédé des terres mais non les constructions, plantations ou autres améliorations quelconques qui y ont été faites. La R.D.C. reprend ce qui a été cédé ou concédé, et non ce que le concessionnaire y a incorporé. (Discussions des théoriciens.)

Pour nous, en reprenant la propriété du sol, la R.D.C. reprend par le fait méme la propriété des constructions, plantations, etc.~qui s'y trouvent, et ce en vertu du principe de l'accession46. Mais cela ne signifie en aucune façon que le propriétaire évincé perd tous droits sur ces constructions. Il se trouve en effet, dans la situation du possesseur de bonne foi, dont le cas est ainsi prévu par l'article 24 du Code Civil II : « Lorsque les constructions ouvrages ou plantations ont été faits par un possesseur47 de bonne foi, avec des matériaux ou des végétaux lui appartenant, le propriétaire du fonds ne peut en exiger la suppression ; il doit rembourser au possesseur, soit la valeur des matériaux ou des végétaux et prix de mains d'oeuvre, soit la plus value qui en est résultée pour le fonds ».

46 Cfr : article 22 du Code Civil congolais, Livre II

47 Gaston KALAMBAY, op.cit. p.44.

2.2. Explication du concept « pleine souveraineté »

S'agissant du concept « pleine souveraineté dans la concession et la cession des droits fonciers, forestiers, et miniers sur toute l'étendue de son territoire » dont il est question ici, c'est l'article 3 de la loi n° 66-343 du 7/06/1966, dite Loi BAKAJIKA qui le consacre, à l'instar du concept précédemment étudié.

Il dispose : « la RDC procédera souverainement à la répartition des droits d'exploitation ou de gestion de ses ressources naturelles, forestière, et minières ».

L'idée que voulait exprimer le législateur de cette loi est de concrétiser le voeu de rompre avec la main mise étrangère dans la gestion du patrimoine foncier, minier et forestier congolais. Il faut mettre fin à l'ingérence de la main étrangère, car il n' y a pas d'indépendance politique sans indépendance économique. Cette fois-ci, ce sont les congolais eux-mêmes et non les étrangers (colonisateur) qui vont décider de la gestion des ressources situées sur le domaine de l'Etat. En effet, il a été démontré plus haut que l'Etat n'était pas maître de son sol, certaines puissances gèrent à leur profit et au détriment de la population, l'essentiel de notre potentiel économique. Le gouvernement colonial, sans l'aval du peuple congolais distribua aux colons, comme bon lui semble, des terres sous formes de concessions et de cessions. Pire encore, ils passèrent un contrat d'exploitation qui devait, suivant les documents officiels consultés, prendre fin en l'an 2300, leur donnant la totale et entière liberté d'administrer ces terres, comme si la RDC était incapable de s'autodéterminer, et donc de se diriger seul, car il est un Etat souverain .

Bref, comme il est dit dans l'exposé des motifs, la souveraineté de notre pays s'accommode mal avec les prérogatives exorbitantes concédées par la législation coloniale aux intérêts étrangers, qui font fi de nos aspirations les plus légitimes. A notre humble avis, la «pleine souveraineté», implique aussi l'indépendance économique qui signifie ainsi, que les grandes décisions qui concernent l'activité économique soient prises au Congo et en fonction des options déterminées par le Gouvernement. C'est pourquoi il faudrait veiller à

une large participation des congolais et du gouvernement à la gestion des activités économiques exercées jusqu' à cette époque-là, par les étrangers. D'où la reprise offensive de droits des congolais sur les richesses de leur sol et sous-sol aux termes de la loi BAKAJIKA, nous parait mieux indiquée pour atteindre ce résultat.

2.3. Incidences de ces deux concepts sur les droits cédés ou concédés par l'autorité coloniale

Les personnes physiques ou morales visées à l'article1er pourront poursuivre leurs activités jusqu'à la notification de la décision par les ministres des terres, mines et énergie et de l'agriculture comme prévu à l'article 4.

L'Ordonnance d'exécution invitait tous les bénéficiaires de cessions ou de concessions à introduire des nouvelles demandes de cessions ou de concessions dans un délai déterminé. Le dossier de la demande devrait contenir les renseignements susceptibles de permettre aux autorités compétentes de juger des conditions présentes d'exploitation48 des concessions ainsi que les objectifs d'avenir des exploitants. Pour la réattribution des concessions à leurs anciens titulaires, les autorités dont il est question ci-haut devaient tenir compte de la mise en valeur suivant que le terrain était situé dans la zone urbaine ou dans la zone rurale soumise à un plan rural d'aménagement.

En résumé, les critères de l'appréciation de la mise en valeur étaient ceux qui étaient prévus par l'article 30 de l'arrêté ministériel du 25/02/1943.

De l'examen du dossier, trois solutions étaient possibles : ou bien la mise en valeur est prévue par les critères d'évaluation ; dans ce cas, il y a réattribution du terrain, ou bien, la mise en valeur est partielle ; dans ce cas, l'Etat reprend la partie non mise en valeur, ou bien la mise en valeur est insuffisante ou nulle, l'Etat reprend tout le terrain. C'est ce qu'aussi semble

48 Gaston KALAMBAY, op.cit.p.47.

nous dire dans ses commentaires, M. HERBOTS : « il semble qu'il ne faut y avoir qu'une faculté : l'Etat n'est pas obligé de redevenir pleinement propriétaire. Il ne fera usage de cette faculté que si le cessionnaire ou le concessionnaire n'a pas usé de son droit dans l'intérêt du pays (ainsi s'il n'a fait que conserver les terres dans un but spéculatif) ou s'il a abandonné son bien ».

. Les textes disent que l'Etat reprend la pleine et libre disposition de

tous ses droits fonciers, forestiers, et miniers concédés ou cédés avant le 30/06/1960. En d'autres termes, l'Etat reprend ce qui a été cédé ou concédé par la Colonie, c'est-à-dire le sol. Quel est, dès lors, le sort des constructions, plantations ou autres améliorations quelconques faites par le cessionnaire ou le concessionnaire ?

Le problème ne se pose pas quand il y a réattribution intégrale du terrain cédé ou concédé. Au contraire, il se pose dans d'autres cas. En reprenant la propriété du sol, en tout ou en partie, l'Etat devient, en vertu du principe de l'accession immobilière, propriétaire de tout ce qui a été incorporé au sol repris et l'Etat a l'obligation dans ce cas d'indemniser le cessionnaire ou le concessionnaire qui doit être considéré comme un possesseur de bonne foi construisant sur un terrain appartenant à autrui.

Si l'on observe la superficie totale des terres cédés et concédés au 31/12/1959 à celle des terres dont la cession ou la concession a été confirmée ou non dans le Moniteur congolais, on constate que la superficie de 1959 est de loin supérieure au total des droits confirmés ou infirmés. Nous pensons avec le professeur Gaston KALAMBAY, que l'inefficacité de l'application de la Loi BAKAJIKA résidait dans le manque de formation des conservateurs des titres fonciers et dans la perte des documents pouvant servir de pièces de contrôle des cessions et des concessions.

On peut en conclure que la loi BAKAJIKA voulait constituer pour l'Etat une loi de régulation de cessions ou de concessions acquises avant l'indépendance par le nouvel Etat. Par cette opération, si la loi BAKAJIKA avait été bien appliquée, elle aurait permis à l'Etat d'effectuer un inventaire

complet des terres cédées et concédés, de connaître leur superficie, leur destination, et de constater, sur base des doubles des certificats d'enregistrements gardés dans les conservations des titres fonciers, celles qui ont été abandonnés et qui, par conséquent, retourneraient à l'Etat. A part la mise en question des cessions et concessions accordées avant le 30/06/1960, la loi BAKAJIKA n'a pas porté atteinte à la conception du droit foncier colonial.

§ 2. Comparaison : Loi BAKAJIKA face à la Souveraineté permanente

La loi BAKAJIKA présente autant de ressemblances que des dissemblances avec le principe de la souveraineté permanente. Il suffit de lire son exposé de motif et d'en comprendre la ratio legis, pour s'en convaincre. Examinons tout d'abord les ressemblances (3.1.) par la suite la dissemblance (3.2.).

I. Ressemblance

La loi BAKAJIKA constitue un mécanisme49 de contrôle du principe de la souveraineté permanente. On serait même amené à affirmer qu'elle est une application du principe de la souveraineté permanente.

Chronologiquement, il n'est pas douteux de dire que les idées tiers-mondistes de ce temps là, qui ont conduit l'ONU à proclamer ce principe aient eu une incidence50 positive sur le législateur de la loi BAKAJIKA.

Voici leurs traits communs:

- Non seulement la ratio legis est la même, mais aussi on y retrouve beaucoup des termes et d'idées de la résolution 1803.

- Pris pour des raisons d'indépendance économique contre la main mise étrangère dans l'économie de du pays, leur contexte d'élaboration paraît être le même : partout c'est la lutte contre l'ingérence étrangère dans l'économie du pays qui est au centre de la philosophie de ces deux textes.

- Mais aussi le contexte est le même partout. En effet, sous la loi BAKAJIKA,
on venait de sortir d'un contexte de guerre, où les richesses du pays sont

49 Guy FEUER et Hervé CASSAN, op. cit., p.238.

50 Résolution 1803 et résolution 3281.

gelées par les étrangers, et la population n'y trouvait pas son compte. Il fallait donc faire en sorte qu'elle puisse jouir de ses richesses. Sous l'art.9 de la constitution, on venait d'un contexte de la guerre d'agression causée par la convoitise des richesses du pays, par les pays puissants en complicité avec les pays voisins, qui ont pillés les richesses et ressources naturelles du pays. Les richesses du pays profitent plus aux étrangers qu'à la population qui croupit dans la misère. Pour ce faire, il faut protéger, en temps de paix comme en temps de guerre, les richesses et ressources du pays contre les agresseurs étrangers, par un mécanisme juridique international et national, qu'est la souveraineté permanente.

- Les deux poursuivent le but d'améliorer les conditions de vie de la population et l'intérêt du développement du pays titulaire de l'exercice de la souveraineté, la R.D.C. en l'occurrence ici.

- La loi BAKAJIKA a procédée à l'annulation des cessions et concessions de ceux qui abusaient de leur propriété au détriment de l'Etat. Elle a donc consistée en une radicalisation, qui est une technique apparentée à la nationalisation51 ; or la nationalisation elle-même est un mécanisme de contrôle institué par le principe de la souveraineté permanente. C'est méme une application directe de ce principe, bref, un mécanisme de contrôle institué par ce principe.

Toutes fois, cette ressemblance n'est pas à exagérer, car il subsistent quelques différences entre ces deux notions que nous allons voir dans les lignes qui suivent.

II. Dissemblance

- L'expression « souveraineté » employée par la loi BAKAJIKA n'est pas collée à l'épithète permanente qu'on retrouve dans la résolution 1803.

- La loi BAKAJIKA n'était pas consacrée par la constitution comme c'est le cas de l'art.9, mais plutôt par une loi ordinaire52. C'est l'Ordonnance-loi du 7 juin 1966.

51 Patrick DAILLIER et Alain PELLET, op. cit., p. 965.

52 C'est le député BAKAJIKA qui l'avait proposée, mais elle fut mal appliquée par un fonctionnaire peu outillé, d'où elle fut abrogée par la loi de 1971. Nous sommes ici à une période vers la rupture du régime colonial.

- Elle ne traite que de la propriété foncière et donc à ce titre elle fait référence à l'espace terrestre, sans faire allusion à l'espace maritime, aérien ou au plateau continental comme c'est le cas avec l'art.9. Il s'agit-là d'une innovation importante apportée par l'art.9 de ladite constitution.

- Par rapport à la précision sur la propriété foncière, le législateur à l'art. 9 est resté silencieux, il ne s'est pas prononcé et son silence est à la base de plusieurs controverses ; tandis que la loi BAKAJIKA est claire et assure à la R.D.C. la plénitude de ses droits de propriété sur son domaine et la pleine souveraineté dans la concession des droits fonciers, forestiers et miniers sur toute l'étendue de son territoire.

Le seul problème que n'a pas résolu la loi BAKAJIKA consiste à ne pas préciser que cette propriété de l'Etat53 sur son sol était inaliénable, exclusive et imprescriptible54. C'est ce qu'a fait la loi de 1971 que nous allons examiner dans le point suivant.

La mauvaise application de cette loi par un personnel non outillé, poussera à son abrogation.

III. La rupture avec le régime colonial sous la loi BAKAJIKA renforcée.

La constitution ci haut évoquée connut plusieurs révisions dont celle du 31 mars 1971, au cours de laquelle l'assemblée nationale adopta une nouvelle disposition à insérer à la constitution et dont l'article 14 bis était libellé comme suit : « le sol et le sous-sol zaïrois ainsi que leur produits naturels appartiennent à l'Etat. Et sur la base de ce nouveau texte constitutionnel, l'Assemblée Nationale vota une loi abrogeant la loi dite BAKAJIKA.

Un comité de rédaction fut institué dont la mission fut de traduire les options nouvelles en texte de droit positif et la proposition des lois de 399 articles fut adoptée le 9 juin 1973, en séance plénière55 du conseil législatif national et fut promulguée le 20 juillet 1973 dont l'article 53 consacra

53 Cfr. Article 53 de la loi du 20/07/73.

54 R. Carré de MALBERG, op. cit., p. 32.

55 Gaston KALAMBAY L, op. cit., p.65.

l'appropriation du sol et du sous-sol zaïrois à l'Etat en stipulant : « le sol est la propriété exclusive, inaliénable.

L'expression « pleine souveraineté » utilisée par la loi BAKAJIKA prouve à suffisance que la R.D.C. entendait déjà exercer sa souveraineté permanente, du moins théoriquement à cette époque ; car la R.D.C. était déjà devenue indépendante. La ratio legis du législateur de cette loi est caractérisée par le souci d'indépendance économique. Comme c'est le cas pour l'art.9 avec le principe de la souveraineté permanente qui y est consacré.

Section 3ème. DE LA SOUVERAINETE PERMANENTE FACE A L'ARTICLE 53 DE LA LOI DU 20/07/1973

La question fondamentale à laquelle nous allons répondre ici, consiste à savoir, si l'article 9, abroge-t-il ou pas l'article 53 de la loi du 20/07/73. S'agit-il d'une avancée ou d'un recul ? Quelle est sa spécificité par rapport à d'autres textes légaux déjà connus ? Voilà décrit l'objet de cette section.

Il est à noter que loi du 20 juillet 1973, marque la rupture définitive avec le régime colonial et est intervenue à un moment où se manifestent les premiers signes du déclin de l'Etat. Le volontarisme de la loi BAKAJIKA et des actes législatifs et réglementaires pris dans le sillage de celleci n'opérera en réalité qu'à l'égard des exploitants étrangers installés par la colonie. Pour sa part, l'art 9 de la constitution est intervenu au moment où la R.D.C. venait de la guerre d'agression qui a balkanisée le pays et occasionnée le pillage de ses richesses et ses ressources naturelles.

Quelle est la nécessité et la raison d'être de ce changement ? Avant d'y arriver, il convient de rappeler que la présente loi a été élaborée conformément aux arts. 14,14 bis et 46 de la constitution, aux directives et aux options fixées par le bureau politique. Ainsi, en attribuant à l'Etat le sol comme sa propriété exclusive, inaliénable et en abolissant définitivement l'appropriation privative du sol et du sous-sol congolais, ce qui est contraire à l'article 34 de l'actuelle constitution, le nouveau régime foncier et immobilier a cessé de poursuivre l'évolution du régime foncier colonial en faisant de l'Etat le seul et unique propriétaire foncier.

Le 1er paragraphe de l'exposé des motifs de la loi foncière nous donne à la fois le cadre constitutionnel et philosophique dans lequel cette loi a été élaborée. Si les arts.14 et 14 bis sont à la base de la loi foncière, il est utile de rappeler que ces deux articles ont été maintenus lors de la révision de la constitution en date du 15/8/1974. En effet, l'art.14bis est devenue dans la

constitution révisée l'art.11 et placé dans les titres 1er traitant « du territoire et de la souveraineté de la République » ; tandis que l'art.14 devenu art.22 est resté dans le titre 2 traitant « des droits fondamentaux et devoirs du citoyens ». Le déplacement de l'art .14 bis du Titre 2 au Titre 1er est plein de signification dans le cadre de la présente analyse, car la R.D.C. a en même temps sur le sol congolais : et les droits souverains territoriaux et les droits de propriétés. L'art.46 de la constitution du 24/7/1967 fixe le domaine de la loi. En effet, l'alinéa 2 de cet article dispose : « la loi fixe les principes fondamentaux du régime de la propriété, des droits et des obligations civiles et commerciales ». Ce rappel permettra de comprendre, d'analyser et d'interpréter l'art.53 de la loi du 20/07/1973, en comparaison avec l'art.9 de la constitution de la 3ème République et d'en tirer les conséquences juridiques qui s'imposent.

Toutefois, il convient d'avouer que cette différence n'est pas aisée à établir, en raison de l'ambiguïté du terme « souveraineté » qui n'implique pas forcément la propriété, et d'autre part ne la prohibe pas.

§ I. ETENDUE DU DROIT DE LA PROPRIETE DE L'ETAT SUR LE SOL

La loi du 20 juillet 1973 répondait (...) au souci de voir le conseil législatif national « terminer l'élaboration de la loi en fixant les modalités du régime foncier et minier » et a été élaboré aussi conformément aux options fixées (par le bureau politique du MPR) et dont l'impact est tel qu'il a paru opportun de mettre d'ores et déjà les dispositions du Code Civil livre II en harmonie avec les options définies par les instances supérieures du Parti. Par ailleurs, le droit de propriété dans son acception générale a été maintenu. Bien qu'il y ait lieu de considérer que son champ d'application ait été réduit56.

Selon les prescrits de l'article 6 de la loi du 20 juillet 1973, « le sol et le sous-sol sont immeubles par nature », lesquels font partie soit du domaine public ou soit du domaine privé de l'Etat. Par voie de conséquence, les immeubles par nature, notamment le sol, appartiennent soit au domaine public, soit au domaine privé de l'Etat. Le droit de propriété de l'Etat congolais

56 Préambule de la loi du 20 juillet 1973.

sur son sol du domaine public lui donne droit à tout ce qu'il produit et s'étend à tout ce qui s'y unit et s'y incorpore soit naturellement, soit artificiellement (sans préjudice aux droits résultant des autorisations de voiries et des permis de stationnement).

De même, le droit de propriété de l'Etat congolais sur le sol du domaine privé lui donne aussi droit à tout ce qu'il produit et s'étend à tout ce qui s'y unit et s'y incorpore soit naturellement, soit artificiellement qu'il n'est pas régulièrement concédé.

En matière foncière, l'appropriation privative du sol a été abolie, le sol étant devenu propriété inaliénable de l'Etat. (Dérogation à l'article 34 de la const.) Et le droit de propriété tel qu' il est défini ne peut plus porter que sur les immeubles par nature. Les autres droits réels ne peuvent plus s'analyser comme des démembrements de la propriété mais des droits ayant leur existence propre sans référence au droit de propriété dont ils étaient des simples accessoires.

Cette option ci-haut évoquée a exigée la suppression de l'article 16 du décret de 1912 qui posait en présomption légale le rapport du principal à l'accessoire entre le sol et les biens incorporés. Cette présomption qui n'était plus que relative après le décret du 28 mars 1949 qui admettait la propriété des immeubles envisagée séparément du sol, doit disparaître dans les nouveaux textes.

Néanmoins, le principe de l'accession relative reste maintenu dans l'article 21, étant entendu que le terme « immobilier » ne concerne que les immeubles par destination à l'exclusion des immeubles par nature ; tant il est vrai que dans la deuxième partie de la loi, il est fait une distinction entre les droits immobiliers qui sont ceux qui portent sur des immeubles autres que les immeubles par nature. Si les règles posées dans le régime immobilier sont sommaires et concernent uniquement les droits immobiliers de l'Etat, c'est pour assurer à la gestion de ces droits, la souplesse nécessaire qu'exige la mutation rapide de la valeur de ces droits essentiellement économique.

Toutefois, les droits immobiliers des particuliers sont entre autre régis par les règles posées dans le régime général des biens. Comme la propriété du sol emporte celle du dessous et du dessus, dans toute la profondeur et la hauteur utiles à son exercice, l'Etat peut aussi s'opposer à ce que sa propriété soit surplombée et a le droit de se faire justice lui-même en démolissant ou en coupant tout ce qui empiète sur son domaine. Il peut aussi faire des fouilles et les fruits lui reviennent.

Mais, le sous-sol (mines auxquels sont assimilés les gisements de pétrole) font l'objet d'un régime spécial distinct de celui du droit foncier et immobilier.

La construction du dogme selon lequel, l'Etat est à méme de bien gérer en bon père de famille les espaces et les ressources pour l'intérêt de tous57 se traduit par l'article 53 de la loi du 20 juillet 1973 qui s'apparente ainsi étroitement au principe de la souveraineté permanente.

Plutôt que de libéraliser ou de privatiser le sol pour que les producteurs puissent investir, l'essentiel est qu'ils disposent des droits reconnus et stables. Cette sécurisation pouvant passer par des multiples formes notamment les concessions foncières qui sont les seuls droits fonciers reconnus aux particuliers dans notre pays. Une politique de privatisation, à la manière de l'article 34, n'a de chance de réussir que dans les contextes spécifiques où l'individualisation des droits a déjà atteint un degré important. D'où la nécessité d'une intervention (volontariste) de l'Etat qui doit construire un cadre juridique et administratif qui lui convient.

§ 2. COMPARAISON

I. De prime abord, nous relevons que l'article 9 consacrant le principe de la souveraineté permanente est plus riche, plus complet et plus exhaustif par rapport à d'autres textes légaux et en l'occurrence l'article 53 avec lequel nous le distinguons ici. C'est que, contrairement à l'art. 53 qui ne traite que du

57 Gaston KALAMBAY, op. cit., pp. 40 et 58.

sol, sous-sol, l'article 9 quant à lui traite à la fois de l'espace terrestre, maritime, aérien, voir le plateau continental. C'est en cela qu'il est plus exhaustif et plus complet. Il est important de noter aussi que, l'article 9 ne supprime pas le monopole de la propriété foncière de l'État Congolais, au contraire il le maintient et le renforce par les différents mécanismes de contrôles institués par le principe de la souveraineté permanente. Et donc, l'article 9 complète l'article 53, mais ne le contredit pas, il maintient l'État comme seul et unique propriétaire du sol, sous sol, mines,...L'article 34 ne trouve pas son application ici, car les particuliers ne peuvent pas détenir le droit de la propriété sur le sol ou le sous-sol, quand bien même le droit à la propriété privée est consacré. L'État lui-même ne peut pas disposer de son droit de propriété dont il est le seul titulaire, car elle et inaliénable.

II. En outre, il convient de préciser que tout propriétaire n'est pas souverain et inversement tout souverain n'est pas propriétaire. Dans le cas de cet article 9, l'État est à la fois propriétaire et souverain. Pour comprendre cela, partons de l'exemple de l'Etat avec son territoire, au sujet de la nature juridique, du lien qui unit l'Etat à son territoire58. De quelle nature est ce droit particulier de l'Etat sur son territoire ? Ayant pour objet une chose, le territoire, on l'appellerait à tort droit de souveraineté (imperium), parce que la souveraineté, qui est autorité ne peut s'exercer que sur des personnes et non sur des choses. L'expression souveraineté territoriale renferme une équivoque59 : toute souveraineté est personnelle ; elle n'est territoriale qu'en tant qu'elle vise les personnes se trouvant sur l'étendue de son territoire. Affectant le territoire méme, le droit de l'Etat ne saurait donc être qu'un droit de domaine (dominium), qui se traduira, par exemple, par le droit d'expropriation pour cause d'utilité publique ou le droit de dévastation aux fins de la défense nationale (théorie dite du territoire objet). Cette sorte de droit réel éminent n'est pourtant pas un droit de propriété. Il ne se confond ni avec le droit de l'Etat sur son domaine privé, ni méme sur le domaine public. D'une part, le droit de l'Etat sur le territoire est à la fois général et limité dans son objet : il frappe le territoire tout entier, alors que la propriété, même publique,

58 Carré de MALBERG, op. cit., T. I, n°2 , p.3.

59 Jean DABIN, Doctrine générale de l'État, n°2, p. 28.

n'atteint que des parcelles déterminées du territoire ; il ne comporte pas plénitude et exclusivité des pouvoirs, qui restent en principe au propriétaire sous-jacent, mais seulement certaines facultés déterminées d'utilisation.

III. Une différence de nature est la troisième à établir ici, entre ces deux concepts :

-Tout d'abord, la propriété est un concept de droit privé et relève des rapports ou du lien juridique entre une personne et un bien ou une chose. La propriété poursuit le but de satisfaire les intérêts privés, égoïstes, plutôt que de satisfaire l'intérêt général. Tandis que la souveraineté est un concept de droit public, un attribut essentiel de l'Etat.

-En outre, la propriété, en tant que droit absolu est susceptible d'appropriation privative, elle peut avoir pour titulaire soit une personne morale, soit une personne physique, selon les prescrits de l'article 34. Ce qui n'est pas le cas pour la souveraineté qui n'est qu'une caractéristique, mieux un attribut de l'Etat et qui ne peut se concevoir que dans l'Etat. Car, nous dit Carré de Malberg, il ne peut y avoir dans un même Etat deux souverains.

-La propriété peut se démembrer, ou être fractionnée pour produire soit l'emphytéose, la superficie, l'usufruit, la copropriété. Pour sa part ,la souveraineté en tant que attribut essentiel de l'Etat, est une et indivisible, LEFUR le dit mieux, en soutenant que l'unité et l'indivisibilité de la souveraineté est liée à l'unité et à l'indivisibilité de l'Etat méme, car diviser la souveraineté revient à diviser l'Etat .

-Un autre élément de différence entre les deux articles en comparaison ici, se révèle dans la philosophie ou l'esprit qui ont animés le législateur dans leur élaboration. La philosophie qui domine ces deux lois, c'est la philosophie de l'indépendance économique de la R.D.C.

En effet, dans les deux cas, c'est le souci profond de mettre fin à l'ingérence de la main étrangère dans l'exploitation et la gestion des richesses et des ressources économiques du pays. Il faut mettre fin à la colonisation sous toutes ses formes et ses aspects, surtout l'aspect économique.

Car, il ne saurait exister d'indépendance politique sans indépendance économique.

Pour la loi du 20/07/1973, en attribuant à l'Etat le sol et le sous-sol, comme sa propriété inaliénable et exclusive, on a aboli par conséquent l'appropriation privative du sol, qui est une exception à l'article 34. Le nouveau régime foncier et immobilier60 a cessé de poursuivre l' évolution du régime foncier colonial qui a plus profité aux étrangers qu'aux congolais. D'ailleurs c'est à cette conclusion que le rédacteur de l'exposé des motifs est arrivé. Nous le citons : « le régime foncier immobilier constitue une rupture définitive et radicale avec le régime légal des terres de l'époque coloniale. Rupture, mais pas refus de s'inspirer de certaines solutions spécifiques pratiquées par le régime colonial, notamment en matière d'emphytéose. Rupture aussi, mais en respectant, dans une mesure compatible avec l'intérêt général, les droits acquis ».

Quant à l'art.9, qui consacre le principe de la souveraineté permanente, l'intention du législateur issu du contexte de guerre d'agression qui a balkanisé le pays, consiste à mettre fin aux pillages et à l'exploitation illégales de ses richesses et ses ressources naturelles et d'éviter la balkanisation du pays en tout temps. Il s'est révélé impérieux, voire nécessaire de doter le pays d' un instrument juridique pouvant lui permettre d'assurer la protection et le contrôle, sur son territoire, de toutes les activités économiques. La convoitise des richesses et ressources naturelles de la R.D.C. par ses neuf pays voisins a toujours été à la base de l'insécurité et du pillage systématique et autres crimes économiques en R.D.C. Il s'agit d'une nouvelle forme de priver à la R.D.C. de son indépendance économique et de le maintenir sous le joug néocolonial, commandité par certains pays occidentaux en complicités avec les pays voisins de la R.D.C. (Rwanda, Uganda et Burundi qui ont systématiquement pillé le pays. Des nombreux crimes économiques ont été commis dans tous les secteurs de la vie de l'Etat au détriment de la population).

IV. D'autres différences se situent au niveau des caractères que les deux concepts présentent. Il découle de l'article 53 de la loi du 20 juillet 1973 ; loi

60 Gaston KALAMBAY, op. cit., p.65.

portant régime général des biens, régime fonciers et immobiliers et régimes de sûretés, que la propriété foncière est à distinguer à la fois de la propriété privée dont est question à l'article 34, et de la propriété immobilière, et semble énumérer tous les caractères dont est revêtue la propriété foncière.

Cette énumération étant incomplète, il nous faudra recourir, tant à la constitution qu'aux travaux préparatoires de la loi du 20 juillet 1973 pour la compléter.

De cette opération, il ressort que le droit de propriété de l'État est un droit universel, absolu, perpétuel et exclusif, portant sur le sol, qui est inaliénable, imprescriptible et intransmissible. Pour sa part, la souveraineté est aussi inaliénable, une et indivisible61, imprescriptible portant sur l'ensemble du territoire et non seulement sur le sol.

Quel est donc le sens des caractères que chacun de ces concepts regorge ?

IV.1. Du droit universel

Par la combinaison de l'article 10 de la constitution révisée et de l'article 53 de la loi du 20 juillet 1973, on peut déduire que le droit de propriété de l'État congolais est universel ; et ce à partir des termes « le sol et le sous-sol zaïrois » et de la place de cet article dans la constitution.

Les droits de l'État s'étendent sur toutes les terres comprises dans les limites des frontières nationales. Toutes les terres sont désormais sans exception soumises à l'État à titre de propriété avec cette conséquence que la notion de terres vacantes ou sans maîtres devient sans aucun objet62.

Dans le rapport du 20 mai, on peut lire que « le sol, le sous-sol et leurs ressources naturelles appartiennent à l'Etat ; il n'existera donc plus des catégories de « terres domaniales » opposées à celles des terres

coutumières, car toute terre vacante est désormais domaniale »63. Par ce caractère toute la terre du pays appartient à l'Etat et à lui tout seul64.

Quant au caractère universel de la souveraineté permanente, on entend que ce droit confère exclusivement à l'Etat seul des pouvoirs souverains d'exercer un contrôle permanent sur tout l'ensemble de son territoire, sans exception. C'est à dire les espaces terrestre, maritime et aérien. Se trouvant placée dans l'universalité nationale, elle ne saurait être localisée, par voie de division ou de fractionnement, dans les nationaux individuellement. Elle est en plus, à cet effet, indivisible.

IV.2. Du droit exclusif

Autant pour le droit de la souveraineté permanente que pour le droit de la propriété inaliénable se caractère se vérifie au profit du seul Etat Congolais.

En effet, l'article 9 qui consacre ce principe en attribue l'exercice exclusif à l'Etat seul65. Aucune partie du peuple, aucun individu ou organe au sein de l'Etat ne peut détenir ce droit concurremment avec l'Etat. Tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'Etat, il n'existe aucun sujet de droit interne ou international qui puisse l'exercer avec lui. Seul l'Etat congolais exerce cette souveraineté.

De méme en déclarant qu'en matière foncière, toute appropriation individuelle du sol est abolie, le législateur consacre l'exclusivité des droits de l'Etat sur le sol et le sous-sol. Ce qui s'oppose à l'art. 34 de la Constitution qui consacre le droit à la propriété privée. Le droit congolais n'admet plus comme sujet des droits à la propriété du sol ni les personnes physiques, ni les personnes morales. L'Etat ne peut partager ses droits à titre de copropriétaire, ni les démembrer.

63 Lwango T., op.cit, inédit, p. 60.

64 Idem, p.63.

65 Raymond CARRE de MALBERG, op. cit., p.176.

La loi, elle même, interdit totalement et à jamais que ce droit soit accessible à toute personne autre que l'Etat. Dans la compréhension actuelle de ce texte, même les personnes morales de droit public, fussent-elles des subdivisions géographiques de l'état ne peuvent pas accéder à la propriété foncière, elles ne peuvent accéder qu'à la concession foncière66. Ceux qui soutiennent qu'une portion de terre de l'Etat sera vendue et donc être partagée avec l'Etat se trouvent désarmés. Voilà donc qu'il devient inutile de continuer avec les polémiques autour de cet article. Car en effet, il ne faut pas confondre l'article 9 de l'article 34. Tout devient clarifié.

IV.3. Du droit absolu

Le droit de la souveraineté permanente est absolu, celui de la propriété inaliénable et exclusive l'est également.

Le caractère absolu du droit de propriété de l'Etat congolais sur le sol et le sous-sol, dont il est le seul titulaire, se dégage de plusieurs dispositions de la loi du 20 juillet 1973.

En effet, en tant que propriétaire foncier, en vertu de l'article 58 de la loi précitée, l'Etat détermine la destination des terres concédées et fait respecter cette destination pendant la durée du droit de jouissance.

L'intervention de l'Etat est prévue d'abord au stade de concession, ensuite pendant la jouissance notamment lorsqu'il s'avère nécessaire d'en vérifier ou d'en restaurer la régularité.

L'intervention au stade de la concession est anormale étant donné qu'il s'agit de concéder des biens dont l'Etat à la charge et la garde. Il en sera ainsi lorsque la non occupation et l'interruption de l'exploitation constitutives de l'abandon sont établies ou lorsque l'intérêt général exige une reprise des terres.

66 Thomas LWANGO, op.cit, inédit, p. 63.

Les droits de jouissance à terme accordés par l'Etat sont renouvelables, cependant le renouvellement n'est pas automatique. Le titulaire du droit (de jouissance) pourrait être astreint à des conditions nouvelles au moment du renouvellement.

Le droit de l'Etat en tant que propriétaire foncier est absolu, emportant pour l'état congolais, le droit de jouir et de disposer du sol et du sous-sol conformément à la loi. Ce droit de propriété étant opposable à tous par la volonté méme du législateur, déroge aux prescrits de l'article 34 de l'actuelle Constitution.

IV.4. De la propriété inaliénable

La souveraineté permanente de la R.D.C. qui est consacrée par l'art. 9 est inaliénable. Tout acte, toute disposition constitutionnelle, qui tendrait à faire acquérir personnellement la souveraineté à un homme ou à une assemblée, serait radicalement nul, et vu comme inconciliable avec le principe que la nation seule est souveraine. Quand encore tous les citoyens seraient à un moment donné unanimes à consentir une transmission ou une délégation de ce genre67, ils demeureraient impuissants à réaliser une telle aliénation. Car, non seulement le droit de la souveraineté permanente n'appartient pas aux citoyens eux-mêmes, et ceux-ci n'ont pas le pouvoir d'en disposer ; mais, à bien dire, il ne réside méme pas dans la collectivité indivisible qu'ils concourent à former, à chacun des moments successifs de la vie nationale. La raison en est que la collectivité nationale, en qui est contenu la souveraineté, n'est pas seulement constituée par la génération présente des citoyens ; elle comprend, d'une façon indéfinie, la succession ininterrompue des générations nationales, présentes et futures. Il en résulte qu'en aucun moment de son histoire, la nation ne peut être enchaînée pour l'avenir ; la génération actuelle ne peut prétendre imposer ses volontés aux générations prochaines. Tout ceci est la condamnation de la doctrine créée par Napoléon, qui prétendrait concilier le césarisme avec la souveraineté nationale, en fondant l'empire sur le plébiscite par lequel les citoyens étaient censés déléguer à l'empereur la souveraineté

67 R. Carré de MALBERG, op. cit., T. I, p.176.

populaire (déclaration des droits du 24/06/1793, art. 28 : « une génération ne peut assujettir à ses lois les générations futures».

Le caractère d'inaliénabilité de la propriété foncière de l'Etat congolais vient surtout de ce que le domaine foncier est collectif parce que, comme l'écrit MALINGREAU « qui dit bien collectif dit bien inaliénable »68.

Subsidiairement, une conception philosophique et métaphysique tente de justifier ce caractère d'inaliénabilité. En effet, pour cette conception, on dit que les collectivités traditionnelles n'ont sur leur domaine que le droit d'usufruit et que leurs ancêtres seuls ont gardé la nue-propriété ; ils ont dans leur patrimoine des morts le droit d'aliéner ; ou parce qu'encore une assemblée réunissant les vivants et les morts à la fois, et la descendance nécessaire pour disposer du domaine collectif est impossible à réunir.

Mais ce caractère vient de ce que le domaine foncier a été déclaré tel par le législateur et ce pour permettre à l'État d'avoir les mains libres dans sa politique économique. Et en attribuant la propriété inaliénable du sol et du sous-sol à l'État, le législateur a en effet supprimé la propriété foncière de droit civil, le dominium et l'imperium étant confondus69.

Le sol est donc hors commerce ; il cesse d'être l'objet de vente, de donation et d'hypothèque ; l'État ne pouvant consentir qu'un droit de

jouissance moyennant un prix qualifié de redevance ou de loyer. C'est pourquoile régime de la propriété foncière déroge à l'article 34 de la Constitution. Par ce
caractère, le sol congolais est donc incessible parce que le mot incessibilité est pratiquement synonyme d'inaliénabilité70.

IV.5. Du droit imprescriptible

Le droit de la souveraineté permanente est imprescriptible, en ce sens que la nation, qui en est seul titulaire, ne peut en être dépouillé par l'effet d'une possession adverse, si prolongée soit-elle. Le principe est que ce

68 Gaston KALAMBAY, op. cit., p. 63.

69 Séverin MUGANGU, op- cit, p. 149.

70 Pierre GUICHO, Jacques BICHOT, Michel LEMARTIN, Dictionnaire de Droit, économie et gestion, 1ère édition, Paris, l'Hermès, 1994, p. 376.

qui est aliénable est prescriptible et les choses inaliénables sont imprescriptibles conformément à l'article 620 du code civil Livre III qui dispose qu' "on ne peut prescrire le domaine des choses qui ne sont point dans le commerce ». Le sol étant hors commerce, personne ne peut donc acquérir un droit sur une portion par usucapion et l'État ne peut perdre son droit sur une portion du sol par prescription extinctive. C'est ici où se situe le véritable point de divergence entre l'article 34 d'une part et de l'autre l'article 9 et l'article 53.

Cette imprescriptibilité est absolue et permanente par la volonté du législateur. Il en découle qu'admettre la prescriptible du droit de propriété de l'Etat sur le sol et le sous-sol, c'est admettre indirectement qu'une personne puisse partager avec l'Etat son droit de propriété foncière ou celui de souveraineté permanente le cas échéant.

L'octroi et la reconnaissance des droits de jouissance par l'Etat congolais sur son sol ne sont donc que des actes de simple tolérance. Ceux-ci avec ceux de pure faculté, note Patrice Jourdain ne peuvent conduire à l'usucapion ; le propriétaire n'a cessé d'exercer son droit, il l'a exercé en donnant son accord et le bénéficiaire a agi conformément à la volonté du titulaire du droit71, l'occupation des terres du domaine de l'Etat par les communautés locales n'est ni constitutive de droit ni constitué en droit, les occupants ne pouvant se vanter de l'usucapion sur ces terres72.

Le droit de propriété de l'Etat sur le sol et le sous-sol est donc perpétuel parce qu'il a vocation de durer autant que son objet et il est exclu que l'Etat n'ait pas exercé son droit pendant un laps de temps qui l'éteindra.

IV.6. Du droit intransmissible

Ce caractère est partagé à la fois par la souveraineté et la propriété inaliénable, exclusive consacrée par la loi du 20/07/1973, qui les distinguent également de l'article 34.

71 Patrice JOURDAIN, Les biens, Paris, Dalloz, 1993, p. 128.

72 Séverin MUGANGU, op. cit., p. 149.

En effet, l'Etat est perpétuel et identique à lui même et par conséquent l'Etat ne peut jamais perdre son aptitude à être titulaire des droits ou perdre son aptitude à posséder un patrimoine et l'attribut d'être souverain. Sinon, il cesse d'être un Etat au sens du droit international et constitutionnel. De ce fait, pour les particuliers, il est exclu d'acquérir soit à titre universel, soit pour un particulier d'être constitué en légataire universel, soit encore d'acquérir à titre particulier des droits de propriété foncière ou d'exercer la souveraineté.

La loi ne fait pas seulement de l'Etat congolais le seul propriétaire foncier à la date du 20 juillet 1973 mais aussi, elle consacre et protège cette situation pour l'avenir et à jamais.

La propriété peut donc être triturée, limitée ou exclue, en fonction des objectifs que les planificateurs veulent atteindre. La propriété ne s'impose pas à eux parce qu'elle est dominée par l'intérêt général et c'est cet intérêt général qui permet de morceler les prérogatives laissées au propriétaire selon les souhaits des planificateurs73.

Il en est de même de la souveraineté, c'est un droit intransmissible dans le sens où c'est un droit propre et essentiellement étatique. En aucun cas, l'Etat ne peut transmettre sa souveraineté à une autre personne ni morale ni physique. Si non il cesserait d'être un « Etat », car il n'est pas d'Etat sans souveraineté et cela tant pour le présent que pour l'avenir, seul l'Etat congolais exercera sa souveraineté et ne saurait en aucun cas la transmettre à qui que ce soit.

Pour l'Etat congolais, les caractères de sa propriété foncière par la nature et l'importance des choses qui en font l'objet, confère au propriétaire certains droits qui ne se trouvent pas dans la propriété classique et qui constituent par suite des attributs spéciaux à ces genres de propriété.

73 Christian MOULY, «Place de la propriété parmi les droits de l'homme », in le Droit de propriété et l'environnement, Paris, Dalloz, 1997, p. 35.

Section 4ème : DISTINCTION ENTRE SOUVERAINETE PERMANENTE ET LA DOMANIALITE

Il est très embarrassant d'être exhaustif à ce propos, car la matière à traiter est vaste. Raison pour laquelle ce travail se limitera à fixer les idées maîtresses sur les points les plus importants qui distinguent la souveraineté permanente de la domanialité.

§ 1. Notion

I. Définition

La domanialité est le caractère des biens composant le domaine de l'Etat et surtout le domaine public74. Il s'agit du caractère à lui conféré par notre système juridique. En analyse juridique, la domanialité vient de la possibilité reconnue à la puissance publique d'avoir un patrimoine. Les biens domaniaux sont justement les biens dont est constitué le patrimoine de l'Etat, en ce compris les entités territoriales et les services publics. De Page les appelle « biens nationaux » pour désigner « la domanialité » entant que construction juridique où le droit fait intervenir sa fiction.

Pour sa part, la souveraineté se définit comme l'autorité supreme dans les limites d'un territoire déterminé. Ainsi, l'exercice de la souveraineté est subordonné à la possession d'un territoire qui en constitue l'assise matérielle.

Le terme « domaine » est d'origine latine et provient de «dominium», l'espace sur lequel s'exercent des droits possessifs exprimant l'idée de maîtrise.

On entend par le domaine de l'Etat75, l'ensemble des biens mobiliers, immobiliers et fonciers détenus, utilisés et consommés par les collectivités administratives. Le domaine de l'Etat qui sera l'objet d'analyse dans le présent titre est le domaine foncier et immobilier. Il couvre tout l'espace du territoire congolais, soit une superficie de 2.345.000Km2, environ 235

74 André de LAUBADERE, Manuel de droit administratif, 10ème éd., Paris, LGDJ, 1976, p.299.

75 Gaston KALAMBAY, Domaine de l'Etat, syllabus, L1droit, 2004-2005, U.C.B., p.3 et suivants.

millions d'hectares, dont 227millions de terres fermes et 8 millions de terres submergées, et ce, depuis 31/12/1971.

II. Aperçu général

Le domaine étant l'ensemble des biens et droits immobiliers et mobiliers appartenant aux personnes publiques, nous pouvons affirmer avec Gérard CORNU que la domanialité est le régime juridique applicable aux biens composant le domaine. Ce terme est également employé dans l'expression : « domanialité publique» et pour qualifier l'ensemble des règles spéciales aux quelles sont soumis les biens composant le domaine public : l'affectation, l'inaliénabilité, l'insaisissabilité, et l'imprescriptibilité, sont des modes d'utilisations que nous examinerons plus loin.

En définitive, on entend par « domanialité publique le régime applicable à certains des biens appartenant aux personnes publiques76, biens constituant leur « domaine public77» et dont le régime juridique exorbitant du droit commun est commandé par le souci de leur assurer une protection particulière à la fois contre les tiers et contre l'administration.

De cette ébauche faite sur la définition et l'aperçu général de la domanialité, il nous semble maintenant nécessaire d'établir une distinction beaucoup plus large entre souveraineté permanente et domanialité.

§ 2. Comparaison

I. Distinction entre Souveraineté permanente et domanialité.

Le premier élément de différence qui distingue la souveraineté de la domanialité réside dans la détermination de la nature juridique ou du lien juridique qui unit l'Etat à son territoire. En effet, l'Etat tire de son titre deux

76 Góard CORNU, Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, PUF, Paris, 2001, p. 306.

77 Sur ce que le régime de la domanialité n'est nullement l'apanage des seules collectivités territoriales (l'Etat, province, communes) et concerne tout autant les biens des services publics décentralisés (régies, Etablissements publics, associations de droit public) même de ceux qui revêtent un caractère commercial et industriel et quelque soit leur forme juridique.

sortes de pouvoir correspondant à la double nature de son territoire, à la fois étendue et chose.

Il est en premier lieu un objet concret, un bien propre à un usage, par l'Etat lui-même ou par des tiers ; de ce point de vue l'Etat a sur lui des pouvoirs de nature « réelle », comme on dit d'un propriétaire qu'il a un droit réel sur son bien ; ce n'est pas à dire que l'Etat soit propriétaire de son territoire, car la propriété est légalement une institution de droit privé interne dérivée et ne peut être créée que par l'Etat lui-même. Il a un dominium, un pouvoir domanial, qui l'habilite à déterminer la condition légale de chaque portion du territoire et à exercer sur lui des pouvoirs purement matériels. C'est là un premier élément de différence.

En second lieu, le territoire est une étendue abstraite, à l'intérieur de laquelle se meuvent des personnes ; l'Etat exerce sur ces personnes un pouvoir d'un tout autre ordre, l'imperium, c'est à dire un pouvoir de les régir ; pouvoir qui n'a rien de « réel » car il n'intéresse pas le territoire en tant que chose, et qui n'a aucun équivalent en droit privé ; à vraie dire il ne s'exerce pas sur le territoire mais plutôt, sur des personnes qui sont à l'intérieur du territoire.

C'est là, la différence essentielle de ces deux concepts que nous allons expliciter davantage, pour en faire ressortir d'autres qui ne ressortent pas facilement. Le pouvoir domanial est une autorité sur le territoire, et le pouvoir « impérial » une autorité à raison du territoire (ratione loci) ; ils entretiennent des rapports étroits et l'analyse ne permet pas toujours de les dissocier.

I.1. Pouvoirs dans le territoire étendue

- Formes et manifestations. : L'Etat a compétence pour régir les personnes et les objets qui sont sur son territoire ou qui y accèdent, et les situations qui sont rattachées spatiale ment à son territoire. On ne s'attardera pas ici à cette affirmation, qu' on a développée au titre de la condition internationale des personnes et des biens ; qu'il suffise ici de rappeler que la « compétence internationale» est l'aptitude, reconnue à l'Etat par le droit international, à régir légalement des personnes, des objets et des situations,

dès lors qu'ils se trouvent sur , ou ont des rapports avec son territoire ; celuici, s'il n'est pas le seul support de l'autorité de l'Etat, est certainement le plus important parce que c'est sur son territoire que l'Etat jouit du pouvoir le plus effectif.

L'autorité de l'Etat sur son territoire s'exerce sous la forme normative ou sous la forme opérationnelle. Son pouvoir normatif consiste à faire des normes juridiques concernant les personnes, biens et situations qui y sont soumis : soit des règles, soit des normes individuelles : les règles en particulier résultent du droit interne, mais aussi des traités que l'État peut conclure avec d'autres, en raison précisément de la compétence qui lui est reconnue pour régir son territoire. Quant à son pouvoir opérationnel, il se manifeste dans des actions matérielles, c'est à dire ne comportant un aspect physique. Il n'importe pas ici de savoir si d'autres personnes que l'État territorial peuvent légalement exercer ces pouvoirs normatifs et opérationnels, mais seulement de constater qu'ils lui sont en tout cas reconnus.

- Degrés. -L'imperium de l'Etat sur son territoire comporte des degrés qui concernent tant sa compétence que l'usage qu'il en fait. D'abord sa compétence elle-méme n'est pas toujours exclusive, puisque d'autres Etats peuvent dans une certaine mesure exercer la leur sur son territoire, chacun pour son compte. Mais surtout les pouvoirs dont dispose l'Etat à l'intérieur de la compétence exclusive qui lui reste reconnue dans un grand nombre de domaines concernant son territoire ne sont pas absolus, soit que l'Etat ait accepté de les limiter conventionnellement dans l'intérêt de certains autres Etats, soit que les limitations coutumières de son pouvoir discrétionnaire aient été dégagées dans l'intérêt de la communauté internationale.

Cela est particulièrement vrai dans les cas des communications internationales : pour autant que des parties de son territoire(espace maritime et aérien territoriaux) sont des supports de moyens de communication, le droit international limite le pouvoir de réglementation de l'Etat ; certes, aucune organisation internationale n'en use à sa place et il garde donc bien une compétence exclusive, mais il ne peut lui-même user de son pouvoir de réglementation que dans les limites résultant des règles internationales et doit

tenir compte de ce que les autres Etats et leurs ressortissants ont un intérêt légitime à utiliser son territoire ; c'est ce qui conduit parfois à parler de « servitudes internationales »constituées sur ces parties de territoire.

De façon générale, l'appartenance d'un espace au territoire de l'Etat, si elle modifie le type de compétence qu'il y exerce, ne lui vaut pas nécessairement un capital de pouvoir important ; au contraire celui-ci ne cesse de s'amenuiser à mesure qu'on s'éloigne des espaces territoriaux « purs » vers les « espaces d'intérêt international », et notamment vers ceux qui se trouvent à la périphérie du territoire étatique.

I.2. Pouvoirs sur le territoire-chose

L'Etat tire de son dominium et de son imperium le pouvoir de déterminer le régime foncier des éléments de son territoire. Il peut soit faire de l'ensemble de l'espace territorial le domaine de l'Etat, soit organiser un régime d'appropriation privée permettant de constituer des situations juridiques de propriétaires au profit des particuliers ; c'est là un choix politique interne auquel le droit international général est indifférent. C'est la raison d'être de l'article 34 de l'actuelle constitution.

2.1. Régime de la propriété privée

Dans les parties du territoire sur lesquelles des droits de propriété sont constitués dans le chef de particuliers, notamment étrangers, ils trouvent leur base dans le droit public interne et, on le sait, l'Etat peut toujours y porter atteinte en vertu de son pouvoir éminent, à moins qu'il se le soit internationalement interdit.

2.2. Régime de la domanialité

Dans les parties qui appartiennent à son domaine, il est loisible à l'Etat, au moins au regard du droit international, de s'en réserver l'exploitation, ou au contraire d'accorder à des particuliers, notamment étrangers, un accès aux ressources qu'elles renferment, des conditions qu'il détermine librement et qu'il peut modifier de même, sous réserve bien sur d'engagements internationaux contraires.

Des formules très variées peuvent être imaginées, notamment pour l'exploitation des ressources vivantes de la mer et des ressources minérales, terrestres et marines, dans la seule limite du principe de « souveraineté permanente de l'État sur ses ressources naturelles ».(supra, section 1ère).

La différence essentielle qui distingue souveraineté et domanialité se situe dans la nature juridique du territoire. Mais comment se définie le territoire ? On appelle « territoire », l'ensemble des espaces sur lesquels un Etat particulier dispose d'un dominium exclusif et dans lesquels il dispose, en principe sur les sujets internes, d'un imperium exclusif ou concurrent, que leur rattachement spatial suffit à fonder. Ces pouvoirs résultent d'un titre légal comportant l'appropriation de l'espace par l'Etat.

En droit international comme en droit interne, en droit public comme en droit privé, tout espace peut être appréhendé de deux manières, comme étendue et comme chose, et se prête respectivement à deux sortes de pouvoirs, personnels et réels. C'est de cette distinction fondamentale qu'on doit partir pour identifier les deux genres entre lesquels se répartit l'espace.

1°L'espace comme étendue :

A ce titre il s'entend comme, un espace lieu d'exercice d'un imperium. La première fonction de la division de l'espace est de : offrir un critère qui permette de déterminer en quels lieux un Etat peut et en quels lieu il ne peut pas déployer sur une personne, un objet, une situation, ..., des pouvoirs dont la base légale se trouve dans sa compétence sur le site de l'être qu'il veut soumettre à ses normes ou à qui il entend les appliquer. Les pouvoirs que les uns et les autres peuvent éventuellement détenir ici ou là sont donc des pouvoirs « personnels », que leurs titulaires exercent non pas sur l'espace lui-même mais dans l'espace , à l'égard des personnes soumises à leurs normes et à leurs opérations d'exécution. Ils se rattachent à l'imperium des Etats, c'est à dire à leur autorité sur les sujets internes soumis à leurs

compétence, et appartiennent par là à une forme de relation légale que le droit privé ignore et qui est propre au droit public, interne et international.

Toujours comme étendue, il s'entend comme un imperium et appropriation de l'espace. Parce qu'ils sont personnels, de tels pouvoirs ne supposent pas nécessairement que l'Etat ait sur l'espace où il les exercent un titre légal « réel », parent de la propriété privée ou de la domanialité publique et comportant une appropriation. A vraie dire, l'espace étendue ne s'y préte pas parce qu'il n'y a rien à s'approprier : l'étendue est abstraite elle n'a pas plus de consistance matérielle que le « ressort » d'un organe administratif ou d'un tribunal, et les mots d' « appropriation territoriale » dans ce premier sens ne sont qu'une métaphore destinée à exprimer la volonté de l'Etat d'exercer, dans les lieux qu'il revendique comme propres, des pouvoirs exclusifs et en général moins étroitement encadrés par le droit international, qui lui sont refusés dans les espaces qui ne lui appartiennent pas. Mais même dans ces derniers, on le sait, l'Etat dispose sur les personnes de pouvoirs fondés sur une compétence extraterritoriale ; c'est bien dire que leur existence, sinon leurs degrés et leurs modalités d'exercice, ne dépend en aucune manière d'un titre d'appropriation.

D'ailleurs, quoique ce soit exceptionnel, la compétence territoriale elle-même peut être reconnue à un Etat dans un espace qui n'est pas proprement le sien et sur lequel il n'a pas de « titre » territorial.

2° L'espace comme chose

Il s'entend comme espace, objet d'un dominium. Mais les espaces peuvent être aussi envisagés dans une perspective, qui nous est jusqu'à présent inconnue parce qu'elle ne concerne pas l'autorité sur les personnes mais la possession des choses. L'étendue abstraite et immatérielle qu'on avait en vue jusqu'à maintenant cède ici la place à un objet concret, fait de matière et sur lequel peuvent être constitués des « pouvoirs réels », ceux qu'exerce un sujet de droit sur une chose, qui en font un bien et qui, contrairement aux précédents, ne sont pas propres au droit public.

Des tels pouvoirs sont reconnus à l'Etat dans l'ordre sous les espèces de la domanialité, statut des choses correspondant dans la sphère publique au statut de propriété dans la sphère privée : pouvoirs domaniaux, ou dominium, qui ne comportent pas de relation personnelle entre leur détenteur et d'autres personnes comme le fait l'imperium, mais seulement un rapport d'appartenance entre une chose et son détenteur, objectivement opposable aux autres personnes. Or des tels pouvoirs sont aussi reconnus à l'Etat dans l'ordre international, mais seulement sur son « territoire », et c'est pourquoi la question de l'appropriation, encore relativement secondaire quand il s'agit de l'espace étendue, passe au premier plan dans le cas de l'espace-chose.

Toujours entendu de l'espace chose, dominium et appropriation de l'espace : - L'espace78 est à la fois une chose et le contenant d'autres choses, les fruits et les produits ; l'une comme les autres peuvent faire l'objet de deux types de statut, d'appropriation ou de non appropriation. S'agissant d'abord de l'espace lui-même, son appropriation par un Etat en fait un élément de son « territoire » et lui confère les pouvoirs domaniaux internationaux qui sont afférents à cette qualité ; en particulier il lui appartiendra d'en user pour déterminer le statut interne, privé ou public des fonds appartenant à son territoire ; mais c'est dans l'exercice de son imperium qu'il fixera les conditions d'accès à ceux de ses fonds qu'il maintiendra dans son domaine et dont il lui appartiendra de déterminer le mode d'exploitation.

Si au contraire l'espace n'est pas incorporé au territoire d'un État, c'est qu'il n'est pas légalement appropriable. En effet, on le verra, aucun de ces espaces n'a plus aujourd'hui le statut de chose sans maître (res nullius), susceptible d'appropriation, mais n'appartenant encore à personne ; tous sont des choses communes (res communes) fermées à la constitution de titres territoriaux mais aptes à être utilisées par tous. Dans ces conditions, l'exercice d'un dominium79 est exclu mais non celui de l'imperium des États qui, dans le cadre de leurs compétences extraterritoriales, définissent les conditions d'accès à l'espace international et à ses ressources.

78 Jean COMBACAUD, Droit International Public, Paris, p.123.

79 Idem. p. 124.

Quant à ces dernières, qui tant qu'elles reposent encore dans l'espace international, sont elles-mêmes des choses sans maîtres (à moins qu'un statut international spécial ne les aient soustraites à une exploitation sous un régime national : cas de la zone internationale du fond des mers), leur statut une fois qu'elles en auront été tirées dépendra lui aussi de l'usage de leur imperium par les États de qui relèvent les personnes dont l'activité en fait des fruits ou des produits.

L'art. 9 de la constitution nous permet de ne pas tergiverser quant à la question de savoir le lieu où doit s'exercer cette souveraineté de l'État. Il précise très clairement que c'est sur le sol, sous sol, espace aérien, maritime et le plateau continental. Or tous ces espaces constituent parfaitement le domaine de l'État. Et donc on comprend par là, que la souveraineté de l `État a une assise territoriale sur laquelle elle doit s'exercer.

A l'article 9 de la loi n° 73 - 021 du 20 juillet 1973 portant régime des biens, régime foncier et immobilier et régime de sûretés, il est stipulé que « les particuliers ont la libre disposition des biens qui leur appartiennent sauf les modifications établies par la loi ». Ce que nous dit aussi l'article 34 de la constitution. Et « les biens qui n'appartiennent pas à des particuliers ne sont administrés et ne peuvent être aliénés que dans les formes et suivant les règles qui leur sont particulières ».

Cet article distingue en effet, les biens appartenant aux particuliers et les biens n'appartenant pas à des particuliers.

Mais la doctrine distingue les biens appartenant aux particuliers et ceux du domaine de l'État80. Les biens domaniaux sont ceux qui appartiennent à la puissance publique81, c'est-à-dire à l'État ou à ses subdivisions.

II. Rapport entre la Souveraineté permanente et le domaine éminent du droit du droit médiéval.

80 Jean COMBACAUD, op. cit., p. 125.

81 Ibidem.

La notion de la souveraineté permanente se ressemble à bien d'égards à celle du domaine éminent82, à tel point que leur distinction n'est pas toujours aisée à établir. On se rappellera que dans l'ancien droit, il était reconnu aux seigneurs un pouvoir auquel le droit de propriété était subordonné et qui s'étendait à l'ensemble des biens fonds situés dans les limites de son territoire. C'est ce qu'on appelle : domaine éminent.

Le domaine éminent du prince pouvait être défini comme le droit dont était investie l'autorité souveraine d'affecter, par priorité, les immeubles l'usage commun, de régler le régime des biens immeubles publics ou privés, d'organiser et de limiter l'usage de ces biens d'intérêt général et enfin de recueillir sous forme d'impôts une partie des fruits que produisent les biens. La notion de domaine éminent englobait dès lors l'ensemble des droits directs que le prince exerçait sur les terres faisant partie de sa seigneurie.

Compte tenu du domaine éminent, la propriété immobilière privée n'existait que dans les limites prévues et selon les modalités déterminées par l'autorité publique de plus, elle ne s'étendait pas au delà des avantages matériels qu'un particulier peut retirer de la propriété exclusive d'un fonds. Elle ne conférait au propriétaire aucun droit de nature politique mais seulement des droits d'ordre économique, c'est ce qui va s'appeler le domaine utile.

Le domaine utile ou domaine de propriété pouvait donc se définir comme le droit privatif d'user et de disposer d'un immeuble ainsi que de recueillir tous les fruits de nature économique qu'il peut produire dans les limites compatibles avec l'exercice du domaine éminent. Bien qu'abolie par la Révolution Française, le régime foncier de l'ancien droit ne paraît plus aujourd'hui étrange. Il est évident cependant, que la reforme a changé.

C'est ici que se révèle plus les points de ressemblances entre la souveraineté permanente et Domaine éminent du droit médiéval. Car,

82 Séverin MUGANGU, Domaine de l'État, urbanisme et aménagement du territoire, syllabus, inédit, L1 Droit, UCB, 1999-2000, p.69

le titulaire du domaine éminent n'est plus le prince mais l'État qui est aussi titulaire de la souveraineté permanente. L'exercice de ce pouvoir ne se concrétise plus de la méme manière, mais il s'agit toujours du méme pouvoir auquel le Domaine de propriété est subordonné. Cette survivance du domaine éminent n'est pas en définitive fondamentalement différent du système mis en place dans les pays où le sol est nationalisé, comme la R.D.C., l'ex-URSS,... Dans ces pays, la propriété privée du sol a disparu. Dans les pays qui n'ont pas nationalisé le sol, les particuliers ne sont titulaires que du domaine utile. Que ce domaine utile résulte d'une concession perpétuelle ou d'un droit de propriété qui n'a plus d'absolue que de nom, cela change peu, nous révèle le professeur MUGANGU S.

§ 3. COMPOSITION

Le domaine de l'État comprend le domaine public et le domaine privé. La distinction de deux domaines est caractérisée par son origine moderne et doctrinale étant donné qu'elle n'existait pas sous l'Ancien Régime français, sous la révolution. L'ancien régime connaissait un régime de la couronne, dont le roi en qualité de souverain était le propriétaire et qui formait un tout unique83.

En ce qui concerne la RDC, l'époque léopoldienne fut caractérisée par une domanialité particulière. Pour le roi, Léopold II, toutes les terres congolaises font partie du domaine et ce domaine royal est une propriété privée. Plusieurs décrets interviendront pour affirmer ce double caractère84.

Le domaine privé comme le domaine publique appartiennent à l'État ou à telle autre collectivité publique mais leur distinction reste fondamentale, constitue la première base de la théorie du domaine et cette distinction se pose sur le caractère de nécessité.

I. LE DOMAINE PUBLIC

83 Séverin MUGANGU, op. cit., p. 70.

84 Thomas LWANGO, Cours de Droit civil des biens, G2 Droit, UCB, 1996 - 1997, inédit.

L'article 10 de la loi précédemment citée souligne que »les biens de l'État qui sont affectés à un usage ou à un service public sont hors commerce, tant qu'ils ne sont pas régulièrement désaffectés ».

Le domaine public renferme la catégorie la plus importante des biens hors commerce ; des biens appartenant à la nation et qui de plus ne pourraient point appartenir à des particuliers. Cet article range dans le domaine public non seulement les biens qui sont affectés à un usage public, mais encore ceux qui sont affectés à un service public et c'est sans distinguer entre les meubles et les immeubles. Cette disposition présente donc un intérét évident lorsqu'elle dispose que les biens du domaine public sont comme tels hors commerce, c'est-à-dire inaliénable et imprescriptible. Ces biens étant en effet employés à un service d'intérêt général.

I.1. Composition

En ce qui concerne le critère de la domanialité publique M.A. FLAMME (85) suggère entre autre :

1. Le domaine public comprend tous les biens qui ne sont pas susceptibles d'appropriation.

2. Le domaine public ne comprend que les biens mis hors commerce par la loi.

L'indisponibilité étant une exception, ainsi pour avoir la qualification des biens publics, les biens doivent être expressément ou moyennant un texte légal mis hors du commerce. Toutefois, la formule de l'arrêt de la cour de cassation française du 2 octobre 1924 est importante pour des raisons à la fois logiques et pratiques parce qu'elle fournit une excellente raison de mise hors commerce méme en l'absence d'un texte.

A travers cette formulation, les éléments suivants sont mis en évidence : - le domaine public suppose une affectation

-cette affectation doit émaner des pouvoirs publics (un simple particulier ne pouvant, en principe, mettre un bien hors commerce).

85 M.A. FLAMME, Droit administratif, T II n° 413-432, Bruxelles, Brûlant, 1989, cité par François Tulkens ; « Le domaine public et la protection de l'environnement » in Quel avenir pour le droit de l'environnement, Bruxelles, BURPRESS, 1995, p. 136.

-Cette affectation consiste à livrer une chose à l'usage du public, à la faire échapper à l'emprise des particuliers. A cet effet, un texte n'est pas nécessaire, la destination de la chose emporte pareille conséquence.

3. Le domaine public se compose des biens consacrés par l'autorité compétente à l'usage du public.

4. Le domaine public comprend les biens affectés à un service public. Toutefois, il est reproché à ce critère d'être à la fois trop large et trop étroit. Large par ce que d'une part il n'y aurait aucun intérêt à rendre imprescriptible, par exemple, les locaux d'un ministère ou d'une maison communale lorsque ceux-ci sont simplement loués par l'Etat, d'autre part, parce que la notion du service public est indéfinie et rend le critère peu maniable et décisive. Trop étroit parce que ce critère tend à éliminer du domaine public les biens affectés à l'usage du public en ne prenant en compte que les biens affectés au service public de l'Etat.

5. Le domaine public comprend tous les biens affectés à l'usage public et a pour l'autorité compétente l'utilité générale86.

Par ailleurs les éléments du domaine public peuvent être classés comme suite :

a. Le domaine public maritime, fluvial et lacustre ; les rivages de la mer appartiennent indiscutablement au domaine public. Et la question se pose en ce qui concerne les eaux territoriales, la mer territoriale et la mer adjacente aux côtes sur laquelle l'Etat riverain peut, du rivage même, employer la force armée et exercer ainsi un pouvoir qui lui est nécessaire pour ce territoire et ses côtes, assurer la sécurité de ses habitants et sauvegarder ses intérêts fluviaux et commerciaux.

- les lits de tout lac et de celui de tout cours d' eau navigable, flottable ou non, font aussi partie du domaine public de l'Etat conformément aux prescrits de la loi du 09 août 1893.

- Les ouvrages d'art accessoires tels les écluses, les barrages et les élévateurs électriques.

- les bords des lacs, rivières, fleuves navigables ou flottables appartiennent à l'Etat.

86 Séverin MUGANGU, Cours de droit civil des biens, syllabus, inédit, G2 Droit, UCB, 1998 - 1999, p. 27.

- les ports publics maritimes et fluviaux, les bateaux des commissaires maritimes et du service hydrographique, ~

b. Les Voies de communication par terre et par air et leurs dépendances - les routes publiques, qui sont classées d'intérêt général.

- les chemins de fer d'intérêt général font partie du domaine public. Non seulement les voies mais toutes les dépenses nécessaires à l' exploitation du chemin de fer, appareil d'aiguillage et de signalisation, quais et places de stationnement, les magasins, les ateliers, les immeubles affectés au logement du personnel dont la présence permanente près de la voie est nécessaire.

- Dans les circonscriptions urbaines, les avenues et les monuments qui les ornent, ~

- Les plaines d' aviation ainsi que les constructions y afférentes ; aérogares, hangars... et les habitations réservées au personnel sont situés sur le terrain d' aviation.

c. Le domaine public militaire : La législation congolaise, en la matière, suit les principes du droit Belge. Et l'article 540 du code civil Belge consacre l` énumération suivante :

- Fossés, remparts, places de guerre et forteresse, l'art. 541 ajoute que les terrains et les fortifications qui n' ont pas été désaffectées continuent à appartenir au domaine public de l'Etat.

- les routes et les chemins de fer stratégiques.

- les immeubles affectés au service de l'armée mais constituant les éléments de défense.

-Les objets mobiliers qui sont nécessairement attachés à la défense nationale (ex : Grenade, fusil, ...).

d. Les installations et bâtiments administratifs : La jurisprudence belge et française n'intègre que les immeubles affectés à l'usage immédiat et direct du public. Néanmoins, il résulte du rapport du conseil colonial qu'en étendant la définition du domaine public aux biens affectés au service public, le législateur a voulu y faire entrer tous les biens employés par l'Etat à une utilité publique, tels les archives de l'administration publique et les bureaux.

Pour le Professeur MUGANGU, la conception du droit congolais est donc large
et aucun doute n'est donc possible pour les bureaux aux différents échelons

de l'administration, les hôpitaux et labos, écoles, prisons, palais de justice, cimetières, postes et parcs.

e. Les mines : Sous l'E.I.C., l'article 1 du décret du 8 juin 1888 disposait que «l' aliénation par l'Etat des terres qui lui appartiennent, et l'enregistrement des terres effectués conformément aux dispositions sur le régime foncier, ne confèrent aux acquéreurs et aux propriétaires de ces terres aucun droit de propriété ni d'exploitation sur les richesses minérales que le sol peut renfermer. Ces richesses minérales demeurent la propriété de l'Etat. La législation minière de 1937 dispose que les mines constituent une propriété distincte de la propriété du sol et appartient à la colonie (l'Etat).

Au Congo, la mine est inaliénable. Il n'y a que la concession qui peut faire l'objet des transactions privées. Et c'est dans la législation actuelle que l'affectation des mines du domaine public est manifeste. La loi dite « BAKAJIKA » disposant que le sol et le sous-sol (mines) sont la propriété exclusive, inaliénable et imprescriptible de l'Etat » (87).

I.2. Protection juridique du domaine public

Nous allons souligner l'inaliénable et l'imprescriptibilité d'une part et la protection pénale d'autre part.

2.1. L'inaliénabilité des biens du domaine public de l'état

Il ressort des dispositions, l'article 10 de la loi dite « foncière » que « les biens de l'Etat qui sont affectés à l'usage ou à un service public sont hors commerce ».

Le régime juridique applicable au domaine public comprend deux principes essentiels parce que : le domaine public est inaliénable, en conséquence imprescriptible et non susceptible d'expropriation pour cause d'utilité publique.

1°. Le domaine public est inaliénable

87 Séverin MUGANGU, op. cit., inédit, p.23.

En effet, les biens du domaine public ne peuvent être vendus, ni échangés. Leur vente serait nulle de plein droit. Le principe «possession vaut titre» n'est pas applicable aux choses mobilières appartenant au domaine public. Même un acquéreur de bonne foi peut être contraint à tout moment de les restituer. A cet effet, méme si l'objet a été acheté dans une vente publique, l'acquéreur devra restituer sans prétendre au remboursement du prix. Ceci apparaît comme une conséquence du fait que « les biens du domaine public appartiennent à l'Etat, ainsi un particulier ne pourrait soit par titre, soit par usucapion acquérir des droits sur eux.

En effet, en attribuant à un particulier le droit d'user de tout ou partie de la route, la destination de cette route ne serait-elle pas mise en péril ? ~ les biens du domaine public ne peuvent non plus être loués» 88.

« Le domaine public ne peut être grevé de servitude, il ne peut non plus être soumis à la servitude de passage. De méme l'incorporation d'un bien dans le domaine public fait tomber toutes les servitudes dont le bien serait affecté et contraire à sa destinée.

Quant à la mitoyenneté, le particulier ne pourra rendre mitoyen le mur continu de l'immeuble domanial, mais l'Etat pourra lui ériger une mitoyenneté. Les biens du domaine public ne peuvent être hypothéqués.

2°. Le domaine public est imprescriptible.

L'article 620 du code civil congolais livre III dispose « on ne peut prescrire le domaine des choses qui ne sont point dans le commerce ».

2.2. Protection pénale du domaine public

La protection pénale du domaine public est assortie des sanctions spéciales, originales ; elle est assurée par une police spéciale, la police de conservation qui prévoit les contraventions de voirie.

1°La police de conservation89

C'est une police spéciale qui renferme l'ensemble de dispositions législatives et régulières destinées à préserver l'intégrité matérielle de certaines dépendances du domaine public et l'usage auquel elles sont affectées.

Il convient de distinguer la police de conservation des mesures administratives destinées à assurer la conservation du domaine public mais ne constituent pas nécessairement des mesures de conservation.

Seules méritent cette qualification celles comportant des sanctions pénales particulièrement prévues par un texte.

L'administration dispose donc, d'un pouvoir de plein droit de conservation qui lui permet d'édicter toutes les mesures réglementaires ou individuelles pour préserver l'intégrité de l'ensemble des biens faisant partie du domaine public.

La police de conservation ne peut s'exercer qu'à l'égard des biens domaniaux qui bénéficient de la protection pénale du régime de la contravention des voiries. En outre, la police de conservation crée des obligations à la charge des autorités administratives chargées de la mettre en oeuvre. Ces autorités sont notamment tenues de faire usage des pouvoirs que leur confèrent les textes pour faire cesser la situation irrégulière qui compromettait l'usage normal du domaine public.

2°La police de la conservation se distingue également de la police d'ordre public. Cette dernière étant définie comme le pouvoir reconnu à certaines autorités administratives de prendre des mesures assorties des sanctions pénales afin d'assurer la sécurité, la tranquillité et la salubrité publique. Cette police s'exerce sur l'ensemble des dépendances du domaine public et a été confiée soit à des autorités de police générale, soit à des autorités de police spéciale.

La distinction entre la police de la conservation et la police d'ordre public apparaît plus nettement au plan des sanctions applicables. Les infractions à la police de conservation constituent les contraventions des voiries alors que les violations de règlement de police d'ordre public sont de

contraventions de police sanctionnées par le code pénal à défaut des dispositions spéciales.

La contravention de voirie est un fait susceptible de compromettre l'intégrité matérielle des biens du domaine public ou de nuire à l'usage auquel ces biens sont destinés. Et elle peut être de grande ou de petite voirie

II. LE DOMAINE PRIVE DE L'ETAT

Celui-ci ne se distingue des propriétés particulières que par la personne du propriétaire et par certaines règles protectrices que l'importance de cette personne impose. Au demeurant, le domaine privé de l'Etat est soumis aux règles générales de la propriété90.

> Composition du domaine privé de l'Etat

Il se compose principalement des biens 91 suivants :

1. Toutes les terres qui ne sont pas affectés à un usage public ou à un service public.

2. Les immeubles, notamment ceux destinés au personnel de l'Etat.

3. Titres et actions représentant les emprunts des pouvoirs publics et les participations dans le capital des sociétés.

4. Les biens sans maître au sens de l'article 12 de la loi du 20 juillet 1973. Le Professeur MUGANGU souligne que le principe de l'article 12 a été repris de l'article 529 du C.C. Belge, en droit belge, les biens sans maître visent exclusivement les immeubles. Il s'agit principalement des immeubles abandonnés, enregistrés aux noms des propriétaires disparus ou d'une personne morale dissoute. Les immeubles en déshérence sont également des biens sans maîtres au sens de l'article 12 de la loi du 20 juillet 1973.

5. Les choses perdues ou abandonnées92, épaves : toute chose perdue ou égarée dont on ne connaît pas le propriétaire. Aucune législation, cependant, n'a encore traité des épaves fluviales ou maritimes ; quant aux choses abandonnées et aux épaves terrestres, l'arrêté ministériel du 16 juin

90 Séverin MUGANGU, op.cit, inédit, pp. 20 à 43.

91 Gaston KALAMABAY, op. cit., p. 62.

92 Séverin MUGANGU., op. cit, p.128.

1926 prévoit la vente aux enchères un an après leur remise à l'administrateur territorial.

6. Les biens acquis par expropriation pour cause d'utilité publique. Ces biens tombent dans le domaine privé avant d'être affectés dans le domaine public.

7. Les biens obtenus au moyen des modes habituels d'acquérir la propriété. La composition du domaine privé n'est pas limitativement définie par la loi « foncière » (loi du 20 juillet 1973), comme celle du domaine public n'est qu'exemplative93.

III. MODES D'ACQUISITION DES BIENS DOMANIAUX

Pour les Etats comme pour les particuliers, point de propriété sans acquisition. Mais les modes d'acquérir les biens nationaux sont nombreux et différent aussi pour la plupart des modes d'acquisition du droit commun. Ces modes sont :

- la nationalisation (qui est prévu aussi par la Résolution 1803);

- l'expropriation pour cause d'utilité publique (ce mode l'est également); - l'acquisition à titre onéreux ;

- la déshérence successorale ;

- les choses perdues et sans maître ;

- confiscations spéciales ;

- aides et dons ;

- biens vacants ;

- l'usucapion.

IV. PARTICULARITE DES BIENS DU DOMAINE

Les biens du domaine public sont hors commerce et tiennent leur statut en raison du fait qu'ils sont affectés à l'usage public ou à un service public et pour cette raison, ils sont inaliénables, incessibles et insaisissables. « En principe, il ne sont pas susceptibles de transmission puisque une personne de droit public est censée ne jamais disparaître ou mourir »94.

93 Thomas LWANGO, Cours de Droit civil des biens, inédit, UCB, G2 Droit, 1996-1997, p. 62.

94 Idem. p. 63.

« Toute fois ils peuvent faire objet d'une concession réglementée par le droit administratif, c'est le cas des autorisations de voirie et des permis de stationnement95 ».

Il y a lieu de mentionner les aisances de voirie et la possibilité laissée au propriétaire riverain de la voie publique de laisser couler les eaux de son toit sur la voie publique.

Ce qui implique que la puissance publique peut accorder des droits « très limités96 » sur le domaine public.

Les biens du domaine privé sont dans le commerce, cessible mais : - ils demeurent insaisissables ;

- leur cession n'est jamais à titre gratuit ;

- cette cession est toujours soumise à des formalités.

> Maintien en vigueur du régime colonial

L'article 2 de la loi fondamentale dispose : « les lois, décrets et ordonnances législatives, leurs mesures d'exécution ainsi que toutes les dispositions réglementaires existantes au 30 juin 1960 restent en vigueur tant qu'ils ne seront expressément abrogés.

Ni le Pouvoir central, ni le Pouvoir Provincial n'ont pris, pendant la période allant du 30 juin 1960 au 1er août 1964, un texte abrogeant les textes coloniaux relatifs aux régimes fonciers.

Le 1er aoüt 1964, la RDC a une nouvelle constitution. Et l'article 43 en son alinéa 4 dispose que « ~une loi nationale réglera souverainement le régime juridique des cessions et des concessions foncières faites avant le 30 juin 1960 » ; lors du colloque du « foncier et minier » tenu à Élisabethville du 10 au 18 novembre 1964, le ministre des terres, mines et énergie du gouvernement central, concluant qu'il ne semblait pas douteux q'une réforme du régime foncier soit souhaitable et que cette réforme constitue une des tâches primordiales du gouvernement central ~ » et imprescriptible de l'Etat ».

95 Séverin MUGANGU, op.cit, inédit, pp. 21 a 29.

96 Séverin MUGANGU, op.cit, inédit, pp. 21 a 29.

Section 5ème : DE LA DISTINCTION ENTRE SUZERAINETE ET

SOUVERAINETE PERMANENTE

 § 1. Notion :

Le suzerain était celui qui, ayant conféré le fief, avait droit à l'aide du vassal. Du reste, le même seigneur pouvait être suzerain pour certains fiefs (ceux qu'il avait conférés), et vassal pour d'autres (ceux qu'il avait reçus).

Ainsi, les rois de France et d'Angleterre ont eu à diverses reprises des liens de vassalité croisés. Ce type de relations, au départ limitées à l'aristocratie guerrière, où le roi, suzerain des suzerains, attribue des fiefs à ses fidèles pour protéger plus efficacement son domaine, s'est étendu à l'ensemble de la société, les serfs, personnes attachées à la terre du seigneur, ayant un rapport de vassal à suzerain avec leur seigneur. La féodalité désigne alors une société caractérisée par la hiérarchie des personnes et des terres, le morcellement des terres et de l'autorité, la domination de la classe combattante.

§ 2. Divergences entre Suzeraineté et souveraineté permanente

La notion de souveraineté permanente, consacrée par l'art.9 et sous analyse ici, diffère à bien d'égards de celle de la suzeraineté, par les traits ci-après :

- L'expression de souveraineté, en tant qu'attribut essentiel et caractéristique de l'Etat ne peut être partagée, divisée ou détenue par aucune autre personne ni morale ni physique, au sein d'un méme Etat. C'est le caractère exclusif de la souveraineté que nous avons évoqué supra97.

- La souveraineté, exprimée par l'expression suzeraineté est susceptible d'appropriation privative, car dans la féodalité, il y avait plusieurs souverains ou suzerains subordonnés tous au roi suzerain des suzerains, qui leur assurait protection. C'est une qualité détenue à la fois par le roi et ses petits sujets ou seigneur, c'est donc un attribut personnel et non étatique, comme c'est le cas

97 Nous allons nous référer à la 1ère section de ce chapitre, sur les caractères de la souveraineté.

dans l'autre hypothèse ; ce qui ne peut en aucun cas se concevoir dans la souveraineté permanente. Seul et uniquement l'Etat, peut être souverain. C'est un attribut essentiel de l'Etat qui permet de le caractériser et de l'identifier des autres sujets de droit.

Toujours dans ce cadre, les suzerains avaient chacun sa terre et rendaient des comptes en payant même des rançons au suzerain des suzerains, roi. Cette pratique est incompatible avec la notion de souveraineté qui est un pouvoir de domination suprême, au dessus de tout autre pouvoir. Le souverain ne peut ni dépendre de qui que ce soit, ni rendre de comptes à personne, sinon qu'il n'est lié que par sa propre volonté98, et donc à sa propre loi.

Section 6ème : SOUVERAINETE PERMANENTE ET SES

NOTIONS VOISINES

Le principe de la souveraineté permanente entretient des rapports étroits avec certains autres principes importants du droit international avec lesquels il faut se garder de faire toute confusion. Il s'agit : du principe de non ingérence99 dans les affaires intérieur d'un Etat, droit des peuples à disposer d'eux mémes (§1) et du patrimoine commun de l'humanité (§2). Dans les lignes qui suivent, nous nous proposons de confronter chacun d'eux avec le principe de la souveraineté permanente. C'est aussi le moment privilégié de distinguer l'article 9 de l'article 34 de la constitution qui consacre le droit à la propriété privée dans cette constitution(§3).

§ 1. Souveraineté permanente et Droit du peuple à disposer de lui-même

La question à résoudre ici, consiste à savoir s'il existe des liens juridiques à établir entre souveraineté économique et droit des peuples ?

En effet, les résolutions relatives à la souveraineté permanente sur les ressources naturelles100 parlent indistinctement du « droit des peuples », des « nations », ou du droit des « Etats », ou encore du « droit des

98 Pierre d'ARGENT, Droit International Public, inédits, Bukavu, G3Droit/UCB, 2003-2004

99 Claude EMMANUELLI et alii. op. cit. p. 68.

100 Dominique ROSENBERG, op. cit. p.330.

pays insuffisamment développés »de disposer librement de leurs richesses naturelles. Ces expressions se rencontrent parfois successivement dans le méme texte (Rés.626 (VII) du 21décembre1952). L'emploi simultané de ces termes ne résulte cependant pas d'une confusion de langage. Il vient de la conception méme que l'on se fait du droit de souveraineté. D'abord comme une application directe du droit de peuples à disposer d'eux-mêmes, ensuite un droit appartenant aux Etats.

I. Une application directe de droit des peuples à disposer d'eux-mêmes

En effet, la souveraineté sur les ressources naturelles est une application directe du droit de peuples à disposer d'eux-mêmes. C'est de ce postulat qu'il faut partir si l'on veut comprendre pourquoi les résolutions désignent souvent les peuples ou les nations comme titulaire de la souveraineté.

On touche ici à un domaine101 dans lequel la susceptibilité des pays en développement est très ombrageuse. Dans son acception classique le droit de peuples à disposer d'eux mémes n'avait pas de portée juridique. Il ne comportait pas non plus de considérations économiques. L'évolution qui s'est produite depuis 1945 a fondamentalement transformé les données du problème. On admet aujourd'hui que ce principe a pénétré dans le droit positif102 et que tout peuple soumis à une domination étrangère peut revendiquer le droit de s'en libérer. Par ailleurs, l'autodétermination a débordée du domaine purement politique dans lequel elle se cantonnait et elle s'étend désormais à toute la sphère de la vie économique.

Cette évolution trouve son fondement dans les articles 1§2 et 55 de la charte des Nations Unies ou le droit de peuple à disposer d'eux mémes se trouve présenter comme un but que doivent viser les Nations Unies. Ce n'est évidemment pas cette formulation103 qui permet de reconnaître un droit au droit d'autodétermination un caractère juridique, mais la pratique subséquente de l'O.N.U. et des Etats membres en matière de décolonisation. Abstraction

101 Dominique ROSENBERG, op. cit., p.331..

102 Ibidem.

103 Ibidem.

faite de quelques situations délicates comme celle qui règne en Afrique Australe, on peut dire qu'à l'heure actuelle presque tous les membres de l'O.N.U. reconnaissent le droit des territoires coloniaux d'accéder à l'indépendance et de parfaire celle-ci. C'est admettre par là le droit à la souveraineté sur les ressources naturelles. Il existe donc un lien direct entre le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes et la souveraineté sur les ressources naturelles. Ce lien apparaît dans des nombreuses résolutions.

Dans la résolution 1314 (XIII) du 12 décembre 1958, il est dit expressément que le droit des peuples et des nations à disposer d'eux-mêmes comprend un droit de souveraineté permanente sur leurs richesses et leurs ressources naturelles. Cette résolution visait les pactes internationaux relatifs aux droits de l'homme, alors en voie d'élaboration. Depuis lors, ces pactes ont été adoptés par l'Assemblée générale (Rés.2200 (XXI) du 16 décembre 1966) et ils sont entrés en vigueur au premier trimestre de 1976. Or, ils contiennent chacun un article 1er qui affirme que tous les peuples ont le droit de disposer d'eux mémes et que pour pouvoir atteindre les fins qui découlent de ce droit, c'est à dire déterminer librement leur statut politique et assurer librement leur développement économique, social et culturel, ils peuvent disposer souverainement de leurs richesses et de leurs ressources naturelles. La résolution 1803(XVII) présente la souveraineté sur les richesses naturelles comme un «élément fondamental » du droit des peuples à disposer d'euxmêmes.

Elle déclare en outre que le « droit de souveraineté des peuples et des nations sur leurs richesses et leurs ressources naturelles doit s'exercer dans l'intérêt du développement national et du bien être de la population104 de l'Etat intéressé » : ainsi au droit des peuples s'ajoute aussi leur intérét. De son coté, la 1ère C.N.U.C.E.D. a affirmé que tout pays a le droit souverain de « de disposer librement de ses ressources naturelles dans l'intérêt du développement économique et du bien être de sa population ». Ces affirmations

104 Guy FEUER. et Hervé CASSAN, Op. Cit. p. 235.

se retrouvent dans les textes ultérieurs, par exemple dans la résolution 2692(XXV).

II. Un droit appartenant aux Etats

L'Assemblée générale et le conseil économique et social ont toujours présenté, en même temps, la souveraineté sur les ressources naturelles comme un droit appartenant aux États (voir par exemple les rés.1515, 3202, 3281).

Il y a donc dualité de formulation et on pourrait alors craindre la confusion ou l'ambiguïté. Mais que la double référence à l'Etat colonisateur, politiquement elle revenait à la population du territoire colonisé. On procédait donc à une affirmation105 de type conservatoire.

On réservait en quelque sorte, contre l'emprise des métropoles et de leurs citoyens, les droits des peuples et des territoires appelés à former un jour des Etats indépendants. C'est ce qui explique que dans les textes plus récents, notamment la déclaration du 1er mai 1974 Rés.3201(S-VI) et la charte des droits et devoirs économiques des Etats, il ne soit plus question que du droit de souveraineté des Etats sur leurs ressources naturelles.

On considère en effet, que la décolonisation est pratiquement achevée et que le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes fait l'objet d'une reconnaissance quasi-universelle.

La construction s'éclaire ainsi d'elle-même. La souveraineté sur les ressources naturelles se fonde sur le droit des peuples à disposer d'euxmémes, comme tous les éléments de l'indépendance nationale. Cette indépendance s'incarne dans la souveraineté de l'Etat autorité juridiquement constituée pour gérer les intérêts de la population106. C'est donc l'Etat qui est

apte à exercer toute action tendant à la conquête ou à la récupération du contrôle sur les richesses de la nation.

§ 2. Souveraineté permanente et patrimoine commun de l'humanité

La prise en charge par le droit de l'idée d'Humanité est plus ancienne qu'on ne le croit ordinairement. Les pays du Tiers monde ont vite compris l'intérêt qu'il y avait pour eux à se saisir de cette notion et à l'orienter dans le sens de leurs objectifs. Pour eux, le patrimoine commun de l'Humanité doit jouer le méme rôle que celui de la souveraineté économique dans l'ordre interne. En effet, la volonté de ces pays est d'empêcher que les pays industrialisés puissent exploiter à leur seul profit des ressources et

richesses dont ils estiment devoir être les premiers. La question à résoudre iciconsiste à savoir s'il existe des liens juridiques à établir entre souveraineté

économique et patrimoine commun de l'humanité. En effet il désigne un ensemble de richesses et de ressources qui appartiennent à l'humanité tout entière. Aucun État, aucun autre sujet de droit international ou national ne peut en revendiquer la propriété. C'est le point de discorde qui a toujours opposé les pays du G8, plus particulièrement les Etats-Unis, des autres pays en voie de développement. Cette réalité se résume dans la proposition classique que la souveraineté appartient au peuple et que c'est l'Etat qui l'exerce au nom de ce dernier.

Si l'on a fait référence à la souveraineté des peuples sur leurs ressources naturelles, notamment dans les premières résolutions, c'est à la fois dans une intention idéologique et parce qu'à l'époque, la décolonisation n'étant pas achevée, des nombreuses populations n'étaient pas encore

organisées en Etats indépendants. On entendait donc marquer que sijuridiquement la souveraineté appartenait encore à ses bénéficiaires. Dans

cette perspective, l'internationalisation positive que permet l'affectation des
ressources et richesses en question à l'Humanité tout entière peut susciter, sur
le plan collectif, les mécanismes de contrôle107 allant dans le même sens que

107 Guy FEUEUR et Hervé CASSAN, op. cit., p. 455.

ceux qu'ils ont institués à titre individuel sur leur propre territoire. Il en est ainsi parce qu'aux yeux des pays en développement, les fins de l'Humanité se confondent avec les revendications du Tiers Monde.

En effet, si le procédé majoritaire ne peut, à l'évidence engendrer des règles obligatoires dans l'ordre international, il peut permettre une identification du plus grand nombre à l'Humanité tout entière. Il résulte de cela que la gestion108 des biens entrant dans le patrimoine commun de l'Humanité s'opèrera selon le principe de répartition équitable.

Cela signifie que l'affectation d'un bien à l'Humanité implique inéluctablement l'octroi d'un traitement différencié et plus favorable aux pays en développement.

Cette notion109, on le sait, a été invoquée dans des nombreuses enceintes internationales à propos de questions telles que la technologie, l'alimentation, la culture. Elle suscite, on le sait aussi, une méfiance de plus en plus grande de la part des pays développés et c'est ce qui explique que sa mise en oeuvre risque d'être fort aléatoire. Il est donc inutile d'y insister davantage. On devra cependant se garder de sous-estimer les effets que pourrait produire une telle notion, si elle devenait d'utilisation courante en droit international du développement.

§ 3. La souveraineté permanente et l'article 34 de la constitution.

La souveraineté est un droit étatique, non susceptible d'appropriation privative et ne peut être attribuée ou exercée que par l'État, avons-nous dit, parlant de la comparaison entre propriété et souveraineté. Nous avons également noté que cet article 9 sous examen ici, ne s'opposait en rien à l'article 53 qui consacre l'exclusivité et l'inaliénabilité de la propriété foncière de l'État congolais. Bien au contraire il le complète. Le fait pour l'Etat congolais d'exercer sa souveraineté permanente n'entame en rien l'exercice, ni la jouissance ou la détention du droit de propriété privée dont l'article 34 en

fixe les modalités. D'où, à notre humble avis, les articles 9 et 34 se complètent plus qu'ils ne se contredisent. Pour bien s'en rendre compte, il suffit d'analyser les libellés de chacun d'eux pour mieux s'en convaincre.

L'article 34 dispose : « La propriété privée est sacrée. L'État garantit le droit à la propriété individuelle ou collective, acquis conformément à la loi ou à la coutume. Il encourage et veille à la sécurité des investissements privés, d'utilité publique et moyennant une juste et préalable indemnité octroyée dans les conditions fixées par la loi. Nul ne peut être saisi en ses biens qu'en vertu d'une décision prise par une autorité judiciaire compétente». Dans ces libellés, il résulte que deux (notions essentielles) droits fondamentaux se trouvent consacrés par le présent article, à savoir :

1°le droit à la propriété privée ou collective et

2°l'expropriation pour cause d'utilité publique.

Cette propriété privée qui est protégée par l'État ne s'applique pas au sol, au sous - sol, mines,... qui sont la propriété inaliénable et exclusive de l'État congolais. L'article 34 de la constitution ne s'applique pas aux biens domaniaux, parce qu'ils sont hors commerce, imprescriptibles et inaliénables. Ils ne peuvent non plus faire objet d'expropriation, dont la notion est évoquée par l'article 34. Comme pour la souveraineté permanente, la propriété foncière aussi est un droit exclusif et propre à l'État Congolais. Il ne se conçoit que dans l'État et ne peut être détenu que par lui.

Pour sa part, le principe de la souveraineté permanente consacré par l'article 9, souligne aussi en son alinéa 4 la protection de ces 2 droits fondamentaux, à savoir le droit à la propriété privée, l'investissement et l'expropriation pour cause d'utilité publique.

Retenons donc que le droit à la propriété privée reste maintenu sous la présente constitution autant que celui de la propriété foncière. Pour des plus amples détails de cette matière, on pourra se référer au chapitre deuxième du présent travail qui traite du contenu de l'article 34.

CONCLUSION PARTIELLE

Sur base de l'analyse que nous venons d'effectuer ci haut, la construction vient de s'éclairer d'elle-même. Il convient donc, au terme de ce 1er chapitre, de donner la portée de chacun de deux alinéas pour comprendre globalement le vrai sens de l'article sous examen. Quelle est donc la place110 réservée à la propriété foncière, sous l'article 9 de l'actuelle constitution? Reste -t-elle maintenue ou pas ? Ou, dirait-on aussi, qu'en est-il de la place accordée à la propriété privée111 avec l'avènement de cette nouvelle constitution ?

Abordant le premier chapitre, intitulé : clarification

conceptuelle112, nous avons constaté que cet article pose le problème de confusion entre les termes propriété et souveraineté. D'où, il a été question de confronter, mieux de distinguer la notion de souveraineté permanente à celle de la plénitude des droits fonciers, miniers et forestiers consacrée par la loi BAKAJIKA (sect. 2ème) ensuite à l'article 53 de la loi du 20/07/1973 consacrant la propriété exclusive, inaliénable et imprescriptible de l'Etat Congolais (sect.3, par après à la domanialité (sect.4ère)et à celle de la suzeraineté (sect. 5ème). Tout ceci dans le but de savoir le sens et la portée de l'art. 9 en examinant les rapports qui existent entre ces notions et voir si elles peuvent s'équivaloir ou s'interpénétrer et dire la méme chose.

Bref, il fallait préalablement résoudre ce problème en le rendant claire, sans ambiguïté, ni confusion, pour faire cesser toutes les polémiques et controverses autour de cet article. C'est pourquoi, nous avons pertinemment démontré que l'expression de souveraineté permanente n'était en rien différente de celle de la propriété exclusive et de ces autres textes légaux évoqués ci haut. Bien au contraire la souveraineté évoquée à l'art.9 les complète, les englobe, car elle est plus large et complet en prenant en compte toute l'étendue, tous les compartiments du territoire congolais (espace terrestre, maritime et aérien).

110 L'article 9 face à l'article 34 de la constitution et les articles 53 et 9 de la loi foncière du 20/7/73.

111 Voir article 34 de la constitution.

112 On a à faire ici à deux concepts clés : souveraineté et propriété. Tout propriétaire n'est pas souverain ou tout souverain n'est pas nécessairement propriétaire.

Dans l'esprit du législateur congolais, en consacrant ce principe dans le droit positif congolais, il entend protéger les générations présentes et à venir contre les atteintes et convoitises des Etats étrangers sur les richesses et ressources naturelles de la R.D.C.

En analysant plus profondément cet article, nous avons constaté qu'il manque un hiatus, servant d'intermédiaire entre le premier et le second alinéa, pour que cet article soit complet. Pour ce faire, nous avons estimé que cet hiatus consisterait à préciser et déterminer la place de la propriété foncière de l'Etat. D'où elle devrait être formulée ainsi : le sol, sous-sol, les mines sont la propriété exclusive, inaliénable et imprescriptible de l'Etat. En répondant de la sorte, nous venons ainsi de confirmer notre première hypothèse.

Comment pouvons-nous justifier les termes « modalités de gestion et de concession du domaine de l'Etat» employés à l'alinéa 2ème ? Premièrement, il nous permet de confirmer que la propriété113 n'est pas supprimée, par l'article 9. Et sur quoi repose cette affirmation ?

En effet, dans la terminologie en usage dans les affaires foncières, le mot cession s'oppose à concession ; la cession est l'octroi d'un droit de propriété tandis que la concession se limite à octroyer un droit de jouissance d'un bien sans en avoir la disposition et donc la propriété. Il peut s'agir d'un bail, d'une emphytéose, d'une occupation provisoire, de la superficie, ou d'une concession gratuite, etc.

En outre, dans une terminologie plus générale le mot concession signifie tout acte par lequel l'Etat consent un droit de jouissance sur son domaine, sans distinguer entre le domaine public et le domaine privé.

Dire que l'Etat reprend la pleine et libre disposition de ses droits fonciers cédés avant le 30/06/1960, revient à reprendre toutes les propriétés

113 Henri De PAGE, op. cit. p. 67.

privées reconnues et protégées par les textes législatifs d'avant cette date. En effet, aux termes de l'article 14, livre 2ème du Code Civil congolais la propriété est le droit de disposer d'une chose d'une manière absolue et exclusive. Le droit de disposition114 constitue l'essence méme du droit de propriété et les mots « pleine et libre disposition » repris à l'article 1er de l'Ordonnance-Loi n°66-343 eussent aussi bien pu être remplacés par les mots « pleine propriété». Et donc le droit à la propriété privée reste d'application et compatible avec la notion de la souveraineté permanente mais bien entendue, exception faite au sol, soussol, mines, forets, bref aux biens du domaine de l'État.

Les particuliers (personnes physique ou morales congolais ou étrangers), avons-nous dits, n'ont droit, qu'à la jouissance d'une concession ordinaire ou perpétuelle selon les cas. Une des spécificités de l'article 9 consiste à reconnaître le droit en faveur de l'État congolais d'exercer un contrôle sur toute l'étendue de son territoire (espace maritime, aérien terrestre...) en tout temps, (en temps de guerre comme en temps de paix) mais aussi de recouvrer toutes les richesses qui lui ont été extorquées ou pillées, au besoin de saisir les juridictions internationales, en cas de violation de sa souveraineté permanente, par tout sujet de droit.

114 Henri De PAGE, op. cit. p.67.

CHAPITRE IIème : REGIME JURIDIQUE, MECANISMES DE CONTROLE ET MODALITES DE MISE EN OEUVRE DU PRINCIPE DE LA SOUVERAINETE PERMANENTE

Nous allons analyser ce chapitre à travers trois sections, d'une part les différents mécanismes de contrôles institués par le principe de la souveraineté permanente(section1ère), d'autre part les différentes modalités115 d'exercice du principe de la souveraineté permanente ainsi que leur régime juridique .Cependant on ne manquera pas d'évoquer les cas de violation de ce principe en nous servant des quelques exemples tirés de la jurisprudence internationale(section3) telles, l'affaire RDC contre UGANDA, l'affaire de l'île de Palma, ~

Section 1ère : MECANISMES DE CONTROLE

Tous les mécanismes116 de contrôles que l'Etat est censé exercer sur son territoire se sont cristallisés autour du principe de la souveraineté permanente. Dans la présente section, notre tache va consister à les examiner tous en portant un accent plus particulier sur la nationalisation et les expropriations. Car, se souviendra-t-on, l'Etat n'a pas sur son territoire un titre de propriété, mais plutôt il devient propriétaire par le mécanisme de nationalisation ou d'expropriation. Telle est la raison pour laquelle on insistera sur ces deux mécanismes.

§ 1. Nationalisation et expropriation.

Ces deux notions ont toutes les mêmes bases juridiques, à savoir l'article 34 et la résolution1803. Nous aborderons tour à tour la nationalisation, l'expropriation pour cause d'utilité publique ensuite on pourra distinguer ces deux notions entre elles et d'avec leurs notions voisines.

115 Rapports annuels PNUD-ONU : évolution des activités économiques mondiales1996, p36-65.

116 Guy FEUER et Hervé CASSAN, op. cit., p. 345.

I. Notion

La nationalisation117 consiste en un transfert, décidé autoritairement, de propriétés privées à l'Etat ou à une collectivité publique pour des raisons d'intérêt public. Pour le professeur MUGANGU S., c'est la manière la plus radicale et à première vue, la plus simple d'acquérir une terre, par l'État.

Trois critères doivent être réunis pour que l'on puisse parler de nationalisation s'ils viennent à manquer, on est en présence d'un phénomène différent :

- En premier lieu, le transfert de propriété doit être décidé automatiquement.

- Mais il existe d'autres modes d'acquisition, par les collectivités publiques, de biens appartenant à des personnes Privées. L'Etat peut recourir à l'achat, soit dans des conditions commerciales normales soit en combinant l'usage de prérogatives118 de puissances publique119 et le recours aux mécanismes du droit privé, mais la cession se fait par contrat et non à la suite d'une décision unilatérale de l'Etat, qui constitue l'un des critères de la nationalisation (méme si le montant de l'indemnité est ensuite négocié, ce qui ne change rien à la nature de l'opération).

- Pour que l'on puisse parler de nationalisation, il faut, en deuxième lieu, que le bénéficiaire du transfert de propriété soit l'Etat ou une autre collectivité publique. Il peut arriver, par ailleurs, que l'Etat oblige un propriétaire étranger à transférer les avoirs qu'il détient sur son territoire à des personnes privées ayant sa nationalité. Une telle décision répond à certains des objectifs poursuivis par les nationalisations des propriétés étrangères, mais non à celui de socialisation de la vie économique. Ce mode de transfert autoritaire des propriétés étrangères a été utilisé par certains pays du Tiers-Monde adhérant aux principes de l'économie capitaliste libérale (Brésil, Corée du Sud, Côte-d'Ivoire, Maroc).

- Enfin, la nationalisation consacrée par la résolution 1803(XVII) est inspirée des motifs politiques, économiques ou sociaux de caractère général et ceci

117 Voir les différents procédés des marchés publics.

118 Guy FEUER et Hervé CASSAN, op. cit., p. 346.

119 Idem, p.347.

permet de la distinguer de la confiscation dont le mobile est punitif : il s'agit alors de sanctionner le propriétaire évincé.

En revanche, la transposition au plan international de la distinction parfois effectuée en droit interne, entre nationalisation et expropriation n'entraîne aucune différence de régime juridique (cfr. art. 2 §2 de la charte des droits et devoirs économiques des Etats).

La nationalisation n'a d'incidence internationale que dans deux hypothèses : si elle porte sur des biens et intérêts appartenant à des propriétaires étrangers et situés sur le territoire de l'Etat qui nationalise, ou elle vise des biens appartenant à des nationaux mais situés en territoire étranger. Dans le premier cas, la compétence territoriale de l'Etat nationalisant se heurte à la compétence personnelle de l'Etat dont le propriétaire a la nationalité ; dans le second, c'est l'inverse qui se produit. Des difficiles problèmes de droit international, tant public que privé surgissent alors (qui ne se posent pas lorsque l'Etat nationalise des biens appartenant à ses nationaux et situés sur son propre territoire), les principes de la plénitude et de l'exclusivité des compétences étatiques trouvent pleinement application,

II. Le droit de nationaliser ou de privatiser

La souveraineté (imperium120) n'implique pas forcement la propriété (dominium121), du moins ne la prohibe-t-elle pas. Corollaire direct du principe de l'exclusivité de la compétence territoriale et élément de la souveraineté permanente sur les ressources naturelles et les activités économiques, le droit de nationaliser les propriétés étrangères situées sur le territoire national ne peut être mis en doute et n'est aujourd'hui nié par personne.

II.1. Controverse sur le droit de nationaliser

Il existe plusieurs controverses juridiques à ce sujet. Le droit des Etats de nationaliser les biens étrangers ne fait l'objet actuellement

120 Dominique ROSENBERG, op. cit. p. 222.

121 Idem, p. 223.

d'aucune contestation. Mais le consensus ne va pas plus loin. Il existe des sérieuses oppositions entre pays développés et pays en développement sur le fondement, les limites et les conditions d'exercice de ce droit.

II.2. Conditions d'exercice du droit de nationaliser

Tout en reconnaissant pleinement le droit de l `État de nationaliser, le droit international subordonne122 la validité de son exercice à trois conditions :

1°- la nationalisation devait répondre à un motif d'intérêt public,

2°- ne pas être discriminatoire,

3°- être accompagnée d'une indemnité.

Sans être abandonnées, les deux premières sont, aujourd'hui, interprétées de manière très large. La résolution 1803(XVII) de l'assemblée générale qui, malgré son ancienneté, est souvent considérée comme traduisant le droit positif du fait des conditions de son adoption, dispose : « la nationalisation, l'expropriation et la réquisition devront se fonder sur des raisons ou des motifs d'utilité publique, de sécurité ou d'intérêt national, reconnus comme primant les simples intérêts des particuliers ou privés, tant nationaux qu'étrangers ».

Bien que certaines sentences123 postérieures aient affirmé que « le droit international ne s'occupe pas des mobiles » (voir sentence Liamco, 12/04/1997, Rev. Arb. 1980, p. 163 et Texaco-Calasiatic, préc. J.D.I. 1977, p.372), cette condition ne paraît pas devoir être répudiée ; cependant elle a perdu toute autonomie et l'intérêt public souverainement apprécié par l'Etat qui nationalise, se confond largement avec les exigences du développement.

Il convient maintenant de distinguer l'expropriation de certaines notions voisines que sont :

· La réquisition,

· la confiscation, la nationalisation,

· l'emprise, voie de fait et l'alignement.

122 Dominique ROSENBERG, op. cit., p.224.

123 Idem, p. 227.

§ 2. Expropriation et ses notions voisines

I. Expropriation et réquisition.

L'article 34 de la nouvelle constitution de la RDC, constitue la base juridique du droit de l'expropriation pour cause d'utilité publique. Tandis que la résolution 1803(XVII) consacre à la fois le droit de nationaliser, d'expropriation et de la réquisition.

La réquisition est une mesure d'exécution forcée qui permet à l'administration d'entrer en possession des biens matériels appartenant à des particuliers, alors que l'expropriation est un acte d'acquisition forcée d'un immeuble par l'administration124. La réquisition peut porter aussi bien sur les immeubles que sur les meubles. Les réquisitions portant sur des immeubles ne peuvent concerner que leur usage et en aucun cas leur propriété. Elles ne peuvent donc être que temporaires, toute réquisition destinée à durer indéfiniment étant irrégulière.

A l'inverse, les réquisitions portant sur des meubles peuvent porter soit sur l'usage du meuble soit sur sa propriété. En d'autres termes, la réquisition peut être un mode de cession forcée des meubles ; elle ne peut être un mode de cession forcée des immeubles. C'est ce qui la distingue de l'expropriation où les solutions sont radicalement livrées, car l'expropriation permet la cession forcée des immeubles et des droits réels immobiliers mais non les biens meubles 125.

En outre, la réquisition étant une atteinte à la propriété privée justifiée par l'intérêt de la nation, elle donne lieu en contrepartie au payement au profit de la victime d'une indemnité juste et égale au manque à gagner126. L'indemnisation de la victime de la réquisition intervient après la réquisition, alors que celle de la victime de l'expropriation intervient après la décision d'expropriation mais avant le transfert de propriété.

124 YUMA BIABA, Cours de Doit administratif, U.C.B., 1995 - 19996, inédit, p. 34.

125 Christian MOULY, Le Droit de propriété et l'environnement, PUF, Paris 1998, p.332.

126 YUMA BIABA, op. cit., p. 35.

Enfin, la différence entre ces deux notions peut se situer aussi au niveau des autorités compétentes. La réquisition civile est de la compétence de l'administrateur du territoire concerné ou bourgmestre de la commune ; la réquisition militaire ou policière relève en temps normal de l'activité civile, cependant, en temps de guerre ou en temps des troubles graves et immédiats, elle relève de l'autorité militaire ou de la police selon le cas notamment en cas de trahison (article 431) et de détournement des deniers (article 441 et 443)127.

II. Expropriation et nationalisation

Ces deux notions comportent aussi bien des ressemblances que des différences, on ne s'étonnera même pas de voir que tous ont les mêmes bases juridiques, que sont l'article 34 de la constitution et la résolution 1803(XVII).

S'agissant des ressemblances, on peut dire que dans les deux

cas :

- on a affaire à un mode de cession forcée des biens qui s'opère dans le respect de la loi,

- il ne peut y avoir cession forcée que lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité128.

Quant à ce qui est des différences, nous pouvons noter que les différences essentielles entre ces deux notions concernent d'une part les biens susceptibles d'être expropriés ou nationalisés et d'autre part, les raisons de ce faire - étant entendu que, dans les deux cas, il s'agit des raisons d'intérêt général ou d'utilité publique. Les nationalisations portent sur des entreprises et, dans la mesure où ces entreprises sont les plus souvent des sociétés par action, ce sont généralement les actions qui sont transférées à la puissance publique, les nationalisations portent donc au premier chef sur les biens

127 NYABIRUNGU Mwene SONGA, Droit pénal génóal zaïrois, 2ème édition. Kinshasa, Droit et Société, DES, cité par Justin MUSHAGALUSA, « L'expropriation pour cause d'utilité publique en droit congolais :application à l'extension du PNKB », Mémoire, UCB, 1998-1999, p. 45.

128 Ibidem

meubles même si, en pratique, la nationalisation des actions emporte indirectement le transfert à la puissance publique des immeubles possédés par les sociétés nationalisées.

Au surplus, ces entreprises nationalisées continuent à exercer leurs activités industrielles et commerciales mais, cette fois-ci, non plus au service d'intérêts privés mais au service de l'intérêt général. En revanche, les expropriations correspondent, non à des cessions forcées de meubles, mais à des cessions forcées qui portent directement sur des immeubles ou sur des droits réels immobiliers. Par ailleurs, une fois l'immeuble cédé, il change le plus souvent radicalement d'affectation129.

Qu'en est-il de l'expropriation, emprise, et voie de fait ?

III. Expropriation, emprise et voie de fait

Cette étude sera subdivisée en quatre points : l'emprise (1°), la voie de fait (2°), la différence entre l'emprise irrégulière et la voie de fait (3°) et le rattachement de ces notions avec l'expropriation (4°).

III.1 Emprise

Par emprise, on entend toute prise de possession par

l'Administration, à titre provisoire ou définitif, d'une propriété immobilière privée130. Il ne s'agit pas seulement d'une atteinte extérieure à la propriété, mais d'une mainmise de l'Administration sur l'immeuble, qui élimine le propriétaire et le prive de l'utilisation de son bien. Celui-ci doit être un immeuble : la possession d'un bien meuble peut donner lieu à la théorie de l'emprise, comme c'est le cas aussi en matière d'expropriation131.

Pour qu'il y ait emprise, il faut que deux conditions soient réunies, il faut d'abord qu'il y ait une véritable dépossession, c'est-à-dire une main mise sur la propriété. Il n'y a donc pas emprise tant que l'Administration reste sur son fonds, ne pénètre pas sur la propriété privée, ne l'atteint que du dehors sans mettre la main sur elle : il faut en second lieu

129 Justin MUSHAGALUSA, op. cit.,p. 45.

130 Jean RIVERO et Jean WALINE, Droit administratif, 16ème éd., Paris, Dalloz, 1996, p.155.

131 Voir Georges VEDEL et Pierre DELVOLE, Le système français de protection des administrés contre l'administration, Paris, Sirey, 1991, p. 255.

que, l'atteinte ait été portée à la propriété immobilière ou à un droit réel fortement protégé, comme c'est le cas, en France, pour les droits du titulaire d'une concession funéraire dans un cimetière communal132. L'emprise ainsi définie peut être soit régulière soit irrégulière.

Elle est régulière lorsqu'elle est effectuée en vertu des pouvoirs attribués par la loi à l'administration, c'est-à-dire lorsque la dépossession immobilière a été prévue par un texte résulte d'une procédure légale. Il en est ainsi par exemple de l'expropriation pour cause d'utilité publique, de l'occupation temporaire, de la réquisition immobilière.

Elle est irrégulière lorsqu'elle est réalisée en violation des textes, c'est-à-dire si elle ne se fonde pas sur un titre légal ; dans ce cas l'indemnisation relève en principe, et méme en l'absence des textes, du juge judiciaire, en sa qualité de « gardien de la propriété ». L'emprise irrégulière est soumise à un régime juridique spécial contenu dans deux points.

1.1. Eléments de l'emprise irrégulière

L'emprise, par elle-même, suppose de la part de

l'Administration, une prise de possession d'un immeuble : un simple trouble de jouissance sans dépossession n'est pas constitutif d'emprise.

-L'emprise est irrégulière dès que le titre qui la fonde est entaché d'une illégalité ; il n'est pas nécessaire que cette illégalité présente la gravité requise dans la théorie de la voie de fait133.

1.2. Conséquences de l'emprise irrégulière

Du point de vue de la compétence, la différence entre l'emprise irrégulière et celle régulière réside dans le fait que le juge judiciaire exerce sans texte, dans le premier cas, la compétence que les textes lui accordent le plus souvent dans le second, c'est-à-dire la fixation de l'indemnité destinée à réparer l'ensemble des conséquences dommageables de la dépossession. Le

132 ONG et alii.., Les grands arrêts la jurisprudence administrative, 10è éd., Paris, Sirey, 1969, p. 401.

133 Jean RIVERO et Jean WALINE, op. cit. p. 156.

juge ne peut pas faire cesser l'emprise par voie d'injonction, mais seulement condamne l'Administration à une indemnité134.

Comme le dit Jean-François LACHAUME135., la voie de fait, institution jurisprudentielle par excellence, est le résultat d'une atteinte particulièrement grave, portée par l'Administration, aux droits fondamentaux des citoyens (libertés publiques essentielles et droit de propriété) et « insusceptible se rattacher à un pouvoir légal » Dans ce cas, l'Administration, dans ses prérogatives, a porté gravement atteinte aux libertés et aux propriétés. Elle est alors considérée, vu le degré de l'irrégularité, comme s'écartant de l'accomplissement de sa fonction. Son agissement n'apparaît plus comme l'exercice irrégulier d'une de ses attributions, mais comme un pur fait matériel, dénué de toute justification juridique. Elle ne peut plus, dès lors, se prévaloir du principe de la séparation et de la compétence administrative : l'acte a perdu tout caractère administratif, il est dénaturé, et c'est au judiciaire qu'il appartient par conséquent d'assurer la protection du particulier136.

Comme le notent Louis TROTABAS et Paul ISOART137, l'illégalité est tellement manifeste qu'elle dénature l'acte, d'où l'expression « voie de fait » opposée à voie de droit. Quant à ses éléments, nous retiendrons trois qui doivent être réunis :

- Une opération matérielle138 : l'existence d'une décision ne suffit pas à constituer une voie de fait ; il faut que l'Administration soit passée à l'exécution, ou tout au moins menace d'y passer ;

- Une atteinte portée par cette opération à la propriété immobilière ou mobilière, ou à une liberté fondamentale ;

- Un vice juridique assez grave pour dénaturer l'opération139 ; une simple illégalité ne suffit pas à lui faire perdre son caractère administratif. En pratique, l'irrégularité soit dans la décision exécutée, soit dans l'opération d'exécution elle-même : la voie de fait résulte soit dans l'exécution d'une

134 Jean RIVERO et Jean WALINE, op. cit. p. 156 et Jean - Michel de FORGES, Droit administratif, Paris, PUF, 1995, p. 142.

135 Idem. p. 156.

136 Ibidem.

137Ibidem.

138 Dominique ROSENBERG, op. cit., p. 129.

139 Guy FEUER et Hervé CASSAN, op. cit., p. 274.

décision manifestement irrégulière, soit de l'exécution manifestement irrégulière d'une décision (cas du recours à l'exécution forcée sans respecter les conditions.140

Il a été admis que, lorsque la voie de fait résulte d'un acte inexistant, le juge administratif saisi, a qualité, au même titre que le juge judiciaire pour constater cette inexistence.141

Notons aussi que son régime contentieux est assez complexe :

- La voie de fait peut être constatée indifféremment par les deux ordres de

juridiction, ce qui s'explique assez bien par la théorie de l'inexistence, au

moins quant il y a lieu d'appliquer cette théorie ;

- En revanche, seule la juridiction de l'ordre judiciaire peut réparer les conséquences dommageables de la voie de fait et y mettre fin.

On considère en effet que, eu égard à la gravité des agissements de l'Administration, c'est un cas où, exceptionnellement, le juge judiciaire peut adresser des injonctions à l'Administration, et particulièrement lui enjoindre d'y mettre fin142.

III.2. Différence entre emprise irrégulière et voie de fait

Si la voie de fait n'existe que lorsque l'opération administrative qui porte atteinte aux droits des individus revét les vices d'une particulière gravité que l'on a indiqués plus haut, l'emprise irrégulière, quant à elle, est réalisée dès lors que le titre en vertu duquel l'Administration a porté atteinte à la propriété immobilière est irrégulière, même si cette irrégularité ne correspond pas au degré de gravité exigé pour la voie de fait ; la conséquence est qu'il peut y avoir, selon le cas, cumul ou non-cumul de l'emprise et de la voie de fait. Le cumul se produit lorsque les conditions de l'emprise et celles de la voie de fait sont simultanément réunies. Par exemple toute voie de fait entraînant une dépossession de la propriété immobilière constitue nécessairement une emprise.

140 Séverin MUGANGU, op. cit., p. 23.

141 T.C., 27 juin 1966, Guignon, A.J., 1966, p. 547, cité par Jean RIVERO ET Jean WALINE, op. cit., p. 155.

142 T.C., 17 JUIN 1948, Manufacture des velours et peluches et Société VELVETIA, Rec. 153 cité par Jean-Michel de FORGES, op. cit., p. 245.

Mais il peut y avoir des cas où emprise et voie de fait ne se cumulent pas. Il y a par exemple voie de fait sans emprise lorsque le droit lésé par la voie de fait est autre que la propriété immobilière. De même il peut y avoir emprise sans voie de fait lorsque, comme dans l'exemple donné plus haut, la prise de possession de la propriété immobilière est simplement entachée de certains vices dont la gravité n' en va pas jusqu'à constituer la voie de fait.

La théorie de l'emprise irrégulière est ainsi très différente de celle de la voie de fait à un triple point de vue :

- Champ d'application : alors que l'emprise ne concerne que la propriété immobilière, la voie de fait, quant à elle, peut consister soit dans une atteinte à toutes sortes de propriété, soit même aux libertés fondamentales.

- Degré de l'illégalité qu'elles requièrent : il s'agit d'une illégalité simple pour l'emprise et d'un vice très grave pour la voie de fait.

- Etendue de la compétence judiciaire : en cas de voie de fait, les tribunaux judiciaires ont une compétence et des pouvoirs plus larges qu'en cas de simple emprise143.

III.3. Rattachement de ces notions avec l'expropriation

On a vu que l'emprise régulière peut être soit une expropriation pour cause d'utilité publique, soit une réquisition résultant d'une procédure légale.

On a constaté aussi que l'expropriation pour cause d'utilité publique comme l'emprise régulière ou irrégulière portent sur la propriété immobilière.

On peut finalement relever, à la suite de Maurice- André FLAMME, qu'il est hélas fréquent que l'autorité publique prenne possession des biens appartenant à des particuliers, jugés nécessaires à des travaux publics, avant méme que l'arrêté royal autorisant l'expropriant intervienne. Il s'agit là, manifestement, d'une « voie de fait » mais la perpétration de celle-ci ne fait pas

143 Jean RIVERO et Jean WALINE, op. cit., p. 174.

obstacle à ce que la procédure d'expropriation soit entamée à posteriori et régularise la situation144.

IV. Expropriation et alignement

La procédure d'alignement n'est pas organisée par le législateur congolais. Nous ferons recours à la doctrine française pour cette étude.

L'alignement est défini en France comme la limite fixée entre la voie publique et les propriétés limitrophes, soit qu'elle résulte de l'état de possession actuel, soit qu'elle ait été prescrite pour l'avenir par l'autorité administrative : soit d'opérer le bornage d'une voie publique existante, soit de pouvoir à son élargissement ou à son redressement145.

Cette délimitation des voies publiques réalisée par l'alignement comporte un régime juridique tout à fait différent de celui qui, en droit civil, régit la délimitation des propriétés privées entre elles et qui porte le nom de bornage. Alors que le bornage résulte d'un accord entre deux propriétaires ou à défaut d'accord d'un jugement (action en bornage) et n'a pour objet que de constater les limites existantes de deux fonds, l'alignement se présente d'une part comme un acte administratif unilatéral et d'autre part, il n'a pas toujours un effet déclaratif de constatation ; il peut avoir aussi un effet attributif de propriété146.

La procédure d'alignement comporte deux opérations, à savoir le plan général d'alignement et l'alignement individuel.

Le plan général d'alignement détermine d'une manière générale les limites d'une voie ou d'un ensemble de voies. C'est ce plan qui entraîne les effets exorbitants du droit commun de la procédure d'alignement.

144 Maurice - André FLAMME, Droit administratif, T. II, Bruxelles, Bruylant, 1989, p. 866.

145 Idem, p. 1087.

146 André de LAUBADERE et al., op. cit., p. 310.

On retiendra aussi que l'Administration peut bien délimiter unilatéralement la voie mais elle ne peut en fixer à son gré les limites : elle doit se borner à constater les limites existantes147.

Comme l'indiquent André de LAUBADERE et les autres, le plan général d'alignement a pour objet de fixer les limites d'ensemble d'une voie ou d'un groupe de voies publiques. C'est un acte administratif unilatéral. L'alignement peut être, selon les mémes auteurs, simplement déclaratif lorsqu'il se borne à constater les limites existantes. Il peut aussi et cela son caractère attributif servir à l'Administration pour élargir une voie148.

§ 3. Réglementation d'investissements privées et étrangers

des sociétés transnationales.

La nécessité de contrôler les investissements privés étrangers ne s'est fait sentir que progressivement dans les pays du Tiers Monde. En RDC, l'article 34 de la constitution consacre cette notion.

Dans l'immédiat après-guerre et plus encore lors de la décolonisation, les pays en développement ont d'abord cherché à attirer des capitaux étrangers en prenant des mesures incitatives. En effet durant cette période, l'idéologie dominante était que le manque de capitaux constituait le frein principal, au développement. C'est qu'à l'époque, l'investissement privé étranger était considéré non seulement comme le meilleur pourvoyeur de capitaux, mais encore comme meilleur véhicule de l'esprit d'entreprise et de la technologie. Les pays en développement étaient donc invités à créer un climat favorable aux investissements étrangers en adoptant des réglementations libérales et en prenant des mesures d'encouragement telles que des exonérations fiscales ou des subventions.

Toutefois, un fort courant s'est dégagé très rapidement au sein méme du Tiers Monde dans le sens d'une méfiance de plus en plus profonde à l'égard du capital privé étranger. On en est cependant arrivé peu à peu à une attitude intermédiaire plus raisonnée, faisant prévaloir une vision réaliste des

147 André de LAUBADERE et al., op. cit. p. 311.

148 Ibidem

rapports économiques internationaux sur les présupposés purement idéologiques. La difficulté de contrôler ces capitaux est cependant plus grande qu'on ne le pense. La raison principale en est que la majeure partie des investissements privés étrangers est le fait des sociétés transnationales. Dans cette perspective, les investissements sont surtout constitués des prêts ou des participations au capital des filiales de la part des sociétés mères situées dans les pays industrialisés. Il y a ainsi un déséquilibre entre la rapidité avec laquelle circulent les capitaux et la lenteur qui caractérise les procédures juridiques de contrôle.

C'est pourquoi nous allons traiter d'une part des investissements privés étrangers d'autres part des investissements des sociétés transnationales. Mais avant d'en arriver là, voyons d'abord comment se définie l'investissement.

I. Notion et définition

Les contrôles que les pays en développement entendent mettre en oeuvre se heurtent à la difficulté qu'il y a aujourd'hui à définir l'investissement privé étranger. Le problème est en effet de savoir s'il consiste uniquement en un apport de capitaux entraînant la maîtrise financière de l'entreprise ou s'il doit comprendre aussi des apports complémentaires tels que la technologie, les conseils en marketing ou et les techniques de gestion. Le choix entre ces deux approches n'est pas sans conséquences sur le plan juridique, comme on le verra plus loin.

La plupart de conventions bilatérales d'investissements contiennent à l'heure actuelle une définition extensive de l'investissement, qui se présente souvent sous une forme énumérative.

On peut en donner l'exemple suivant : « Pour l'application de la présente convention :

1. le terme « investissements » désigne les avoirs149 de toute nature et plus particulièrement, mais non exclusivement : 1.les biens meubles et immeubles

149 Bertin GILLES, L'investissement international, P.U.F., Kinshasa, 1975, p. 67.

ainsi que tous les autres droits réels tels que les hypothèques, privilèges ou cautionnements ;

2. Les actions, titres et obligations dans des sociétés ou participations à la propriété de ces sociétés ;

3. Les créances et droits à toutes prestations en vertu d'un contrat qui ont une valeur financière ou économique ;

4. Les droits d'auteur, les droits de propriété industrielle (tels que brevets d'invention, licences, marques déposées, modèles industriels), les procédés techniques, les noms déposés et la clientèle ;

5. Les concessions industrielles et commerciales accordées par la loi ou en vertu d'un contrat, notamment les concessions : les concessions relatives à la prospection, la culture, l'extraction, ou l'exploitation de richesses naturelles, y compris celles qui se situent dans les zones maritimes relevant de la juridiction de l'une des parties » (Convention France - Srilanka du 10/04/1980).

II. Réglementation nationale

Nous avons déjà vu, dans le chapitre précédent, que l'objet de la souveraineté permanente est très étendu. L'expression recouvre non seulement les ressources et richesses naturelles, les activités économiques, d'exploitation, d'exploration, etc. mais aussi les investissements. Pour preuve, les résolutions 1803(XVII) sur la souveraineté permanente et celle de la charte des droits et devoirs économiques les prévoient expressément. L'alinéa 6 de la résolution 1803(XVII) précise : « ~ qu'elle prenne la forme d'investissements de capitaux publics ou privés, d'échange de marchandises ou de services ...»

L'article 2, paragraphe 2 de la charte des droits et devoirs des États renchérit à son tour en ces termes : « Chaque État a le droit : a)de réglementer les investissements étrangers dans les limites de sa juridiction nationale et d'exercer sur eux son autorité en conformité avec ses lois et règlements et conformément à ses priorités et objectifs nationaux. Aucun État ne sera contraint d'accorder un traitement privilégié à des investissements étrangers».

En R.D.C., c'est la loi n°004-2004 du 21/2/2002 portant code des investissements qui régit cette matière. Depuis le 5/6/2002, il existe un décret n°065/2002 portant statuts, organisation et fonctionnement de l'Agence

nationale pour la promotion des investissements, en sigle « ANAPI». Précisons en outre que dans le cadre de règlement des litiges, c'est la convention du 8/3/1965 pour le règlement de différends relatifs aux investissements entre États et ressortissants d'autres États.

III. Les Réglementations bilatérales

Ces réglementations150 figurent dans des conventions passées entre pays développés exportateurs des capitaux et pays en développement importateurs de capitaux. Elles ont pris différentes formes151, selon l'époque et les pays concernés, dont voici les traits :

- La première catégorie est constituée par les conventions d'établissement au sens classique du terme. Il s'agit là essentiellement des traités d'amitiés, de commerce et de navigation qui réglementent le statut des personnes physiques et morales, leur sécurité et celle de leur biens, l'exercice de leur profession et de leurs affaires, leurs droits de propriété immobilière et mobilière, ainsi que les modes de règlement de différends. Ces traités prévoient également l'assimilation du national de l'État d'origine et du national de l'État d'accueil.

- Entrent dans une 2ème catégorie les « Investment Guaranty Treaties » conclus aujourd'hui par les États-Unis avec la quasi-totalité des pays en développement. Ces traités ont pour objectif essentiel d'élargir le cadre institutionnel du système d'assurance pour les investissements américains. Ils contiennent 3 sortes de dispositions, visant respectivement le droit pour le pays importateur d'examiner le projet d'investissement, la garantie accordée par le gouvernement des États-Unis à un investissement sous réserve de son acceptation par les pays d'accueil et enfin, la reconnaissance au profit de l'État américain du droit de se substituer à son ressortissant dans tous les cas où il serait conduit à indemniser l'investisseur victime d'une mesure de dépossession152. Ce type de traités favorise incontestablement l'État d'origine au détriment du contrôle exercé par l'État d'accueil.

150 Dominique ROSENBERG, op. cit., p. 230.

151 Ibidem.

152 Ibidem.

Pour pallier ses inconvénients, un compromis, mieux un équilibre à été trouvé entre les États d'accueil qui prônent pour leur droit national devant régir ces investissements et les États investisseurs qui prônent pour le droit international. Les obligations ainsi souscrites s'articulent autour du principe du traitement juste, équitable et non discriminatoire, dont le principal corollaire est le libre transfert des produits de l'investissement.

IV. Réglementations régionales

Parmi les réglementations régionales, on retiendra ici deux exemples les plus révélateurs :

- une réglementation édifiée par des pays en développement, celle du Groupe andin ;

- une réglementation négociée entre certains pays développés et certains pays en développement, qui prend place dans la convention de Lomé IV.

V. Réglementation Universelle

Une nécessité de mesures de contrôles internationales à l'échelon universel s'est vite fait sentir .Depuis long temps, il semble que tous les partenaires soient d'accord sur l'utilité d'une régulation universellement acceptée des activités des sociétés transnationales.

Les milieux d'affaires et les syndicats ont marqué leur intérét pour une telle entreprise. Les organisations privées et les sociétés transnationales elles-mémes ont élaborées des directives mettant l'accent sur le devoir des investisseurs de prendre en considération les objectifs de développement des pays hôtes, ainsi que sur les droits des sociétés opérant à l'étranger. Ainsi, le guide de la chambre de commerce Internationale, adoptée en 1972, s'adresse aux investisseurs et aux gouvernements des pays d'origine et des États d'accueil et considère que des règles claires et stables contribueraient à améliorer le climat des investissements. Ce document153 souligne aussi la nécessité pour les États d'accueils de se référer au droit international et demande en contre partie aux sociétés transnationales de

153Dominique ROSENBERG, op. cit., p. 232.

respecter les objectifs économiques et sociaux des pays dans lesquels elles opèrent.

Dans le même esprit154, plusieurs sociétés transnationales ont rédigé des directives, parfois appelées « codes de conduite privés ». Le mouvement syndical, quant à lui, est très actif dans ce domaine depuis les années soixante et milite en faveur d'une réglementation internationale. Dans sa « charte des demandes syndicales tendant au contrôle législatif des sociétés multinationales », adoptée à Mexico en 1975, la C.I.S.L a prôné la conclusion, sous les auspices de l'ONU, d'un traité multilatéral général et la création d'une nouvelle Institution spécialisée chargée de surveiller l'application de ce traité. Les Organisations Internationales ont répondu à cette attente de façon diverse. D'abord en élaborant des réglementations partielles, ensuite en tentant de préparer un code de conduite générale, plus récemment en mettant sur pied une Agence Multilatérale de Garantie des Investissements (A.M.G.I).

§ 4. Les Entreprises conjointes et autres formes d'associations contractuelles

Les pays en développement ont progressivement affiné les contrôles qu'ils exercent sur les activités étrangères se déroulant sur leur territoire, à travers non seulement par la nationalisation155, mais également d'autres mécanismes de contrôles. Pour ce faire, ils ont implicitement opéré une distinction entre la participation au capital, la participation aux organes de direction des sociétés et la participation à la simple gestion d'activités économiques. Dans la pratique, cela a donné naissance à une grande diversité de contrats. Certains de ces contrats ont abouti à la constitution d'entreprises (joints ventures).D'autres ne concernent que les modalités d'association des entreprises privées à la politique de développement de l'État d'accueil.

I. Les contrats d'entreprises conjointes (contrats de joints ventures)

La notion d'entreprise conjointe : Comprise dans la perspective des relations Nord -Sud, l'entreprise conjointe représente une tentative pour organiser sous une forme juridique adéquate la collaboration technique,

154 Dominique ROSENBERG, op. cit., p. 232.

155 Ibidem.

financière ou commerciale entre une entreprise publique ou privée d'un pays en développement. Il s'agit là, en réalité, d'un terme générique pouvant recouvrir des formes juridiques diverses. Mais la formule peut être appliquée à toutes les structures permettant de placer l'investissement étranger sous le contrôle total ou partiel de l'État d'accueil. On comprend donc l'intérêt que ce procédé a pu susciter dans les pays en développement.

II. De la concession à l'Entreprise conjointe

Les entreprises conjointes constituent par rapport au régime de la concession, un progrès considérable dans la recherche par les pays du Tiers Monde d'un contrôle effectif des activités économiques étrangères se déroulant sur leur territoire.

En effet, l'entreprise conjointe se distingue de la concession par deux traits essentiels :

- La différence capitale entre les deux formules est que dans les cas de l'entreprise conjointe, l'Etat détient un titre légal de propriété sur l'entreprise et sa production, alors que dans le cas de la concession156 traditionnelle, c'était la société étrangère qui devenait propriétaire de la totalité de la production au lieu méme de l'exploitation. C'est ce que confirme l'arrêt du 15/02/1973, rendu par la Cour de Syracuse (Italie) à propos des nationalisations de la British Petroleum par la Libye157.

- La détention par l'Etat de la propriété d'une part majoritaire de l'entreprise lui confère non seulement un certain pourcentage de la production, mais également un rôle effectif dans le contrôle de la gestion de l'entreprise. En effet, une participation majoritaire au capital devrait conduire à une position majoritaire dans les organes de direction et de gestion de l'entreprise concernée.

II.1. Intérét de l'entreprise conjointe Elle a 4 avantages, que sont :

156 Guy FEUER. et Hervé CASSAN, op. cit., p. 334

157 Ibidem.

1°. L'intérêt essentiel de l'entreprise conjointe vient de ce qu'elle permet à la fois l'exercice de la souveraineté permanente sur les ressources naturelles et les activités économiques158 ainsi que le maintien sur place de l'investissement étranger. La formule de l'entreprise conjointe est suffisamment malléable pour que l'Etat d'accueil puisse équilibrer comme il l'entend ces deux exigences en fonction de son niveau de développement, de ses besoins en capitaux, et en technologie, de ses priorités nationales, du secteur concerné et des objectifs visés par les sociétés étrangères. Cette souplesse dans le contrôle se vérifie dans tous les éléments de la structure de l'entreprise conjointe, qu'il s'agisse de la détermination des partenaires, des modes de répartition du capital ou de la distribution des pouvoirs de décision et de gestion.

2°. La détermination des partenaires : Il existe des formules extrêmement variées permettant d'associer dans la méme entreprise des partenaires locaux et étrangers :

- en ce qui concerne les partenaires locaux, il peut s'agir tout d'abord des organismes publics de l'Etat d'accueil ou méme de l'Etat lui méme.

- en ce qui concerne les partenaires étrangers, là encore il peut s'agir du gouvernement, des organismes publics institutions financières ou sociétés privées (qui sont ses partenaires naturels), les institutions internationales comme la Banque Mondiale, S.F.I. (25% de participation au capital).

3°. Les modes de répartition du capital :

La manière dont le capital est réparti lors de la constitution d'une entreprise conjointe constitue un autre avantage pour ce dernier. Car, les modalités sont fonction des exigences des cocontractants et des contraintes de la loi nationale de l'Etat d'accueil. On peut en citer 3 modalités :

- participation majoritaire ;

- participation égale ;

- participation minoritaire.

4°. La distribution des pouvoirs de gestion et de décision : en règle générale, la distribution du pouvoir est liée à la répartition du capital. Néanmoins, les contrats159 peuvent prévoir un grand nombre de modalités particulières.

158 Dominique ROSENBERG, op. cit., p.234

159 Ibidem

Tels sont les 4 avantages que présente cette forme. Voyons à présent ses inconvénients (limites).

II.2.Limites du procédé

Quels que soient les avantages évidents de l'entreprise conjointes pour ceux qui y recourent, cette formule juridique ne suffit pas en elle-même à garantir un contrôle absolu des Etats sur leurs activités économiques. Cette formule en effet, comporte plusieurs inconvénients, dont :

- la prise de contrôle effective peut n'être que très lente,

- diverses procédures peuvent entraver le contrôle,

- enfin, le procédé de l'entreprise conjointe peut perpétuer la présence étrangère dans les activités économiques nationales.

III. Régime traditionnel de la concession

Dans le passé, l'exploitation160 des ressources naturelles et principalement les ressources minières s'est faite par voie de concession.

En théorie, ce type de contrat respecte les droits souverains de l'Etat, qui peut manifester ses prérogatives de puissance publique et donc y faire insérer des clauses exorbitantes du droit commun. En pratique, dans les rapports entre sociétés transnationales et pays en développement, il n'en n'a pas été ainsi pour plusieurs raisons qui tenaient d'une part à l'inexistence ou aux lacunes du droit interne, d'autre part à la puissance et au pouvoir des négociations des sociétés transnationales, enfin au fait que les Etats d'origine de ces sociétés appuyaient fortement celle-ci.

§ 4. Autres Contrats d'Association (Diversité des contrats d'association)

Certains pays en développement et plus spécialement les pays producteurs de pétrole, qui sont économiquement en mesure d'exclure totalement le capital étranger, mais qui restent techniquement tributaires des sociétés étrangères, ont imaginé d'autres formules juridiques leur permettant de faire face à cette situation, en plaçant leurs relations avec ces sociétés sur un plan purement contractuel excluant toute propriété étrangère des entreprises qui exploitent leurs ressources naturelles.

160 Guy FEUEUR et Hervé CASSAN, op. cit., p. 332.

Dans la pratique, ces contrats extrêmement fréquents, peuvent prendre des noms divers sans pour autant correspondre à des catégories juridiques différentes :

- contrats de service ;

- contrats d'entreprise ;

- contrats d'exploitation ;

- contrats de « risques » ;

- contrats d'opération161 ;

- contrats de partage de production ;

- contrats de gestion ;

- contrats d'assistance technique ;

- contrats de coopération industrielle ;

- etc.

D'autre part, nombre d'entre eux contiennent des

stipulations162 identiques ou des clauses dont l'originalité ne s'explique que par la spécificité du secteur concerné. Il est toutefois possible de distinguer : Contrat de service, contrat de partage de production et contrat de transfert de technologie.

161 Guy FEUR. et Hervé CASSAN, op. cit., p.300.

162 Dominique ROSENBERG, op. cit., p.236.

Section 2ème. DU REGIME JURIDIQUE ET DES MODALITES D'EXERCICE DE LA SOUVERAINETE PERMANENTE

Il convient, dans la présente section, de passer en revue les différentes législations163 congolaises en vigueur, sur les différents domaines de l'Etat visé à l'alinéa 2 de l'article 9 sous examen, en vue de voir si le régime juridique en place est conforme au principe de la souveraineté permanente ou non.

D'où, il sera question d'analyser le régime juridique du principe de la souveraineté permanente164 à travers : ses modalités d'exercices, (§1er) et les différents régimes juridiques du domaine de l'État (§2).

§ 1. Les modalités d'exercice de la souveraineté permanente des Etats sur leurs ressources naturelles

I. Objectif général

L'objectif général qui commande les modalités d'exercice de la souveraineté sur les ressources naturelles a été énoncé dès les premières résolutions165. La formulation la plus nette apparaît dans la résolution 1803(XVII)qui déclare : « le droit de la souveraineté permanente des peuples et des nations sur leurs ressources naturelles doit s'exercer dans l'intérêt du développement national et du bien de la population de l'Etat intéressé».

Plusieurs résolutions ultérieures166 affinent cet énoncé.

C'est ainsi par exemple, que la résolution 2158 (XXI) rappelle que les ressources naturelles des pays en développement sont à la base de leur développement économique en général et de leur progrès industriel en particulier et que, limitées et épuisables, leur exploitation rationnelle conditionne le développement, tant dans le présent que dans l'avenir. La résolution 2692 (XXV) montre le lien entre les conditions d'exploitation des

163 Gaston KALAMBAY, op. cit., pp. 29 à 112.

164 Cfr. Résolution 1803.

165 Ibidem

166 Dominique ROSENBERG, op. cit., p.246.

ressources naturelles et le financement167 du développement. C'est donc au nom des intéréts de sa population que l'Etat doit ou est supposé agir.

II. L'action de l'Etat

Les résolutions de l'O.N.U. contiennent diverses dispositions relatives aux modalités d'exercice de la souveraineté sur les ressources naturelles. Cette souveraineté appartenant juridiquement à l'Etat, c'est à lui qu'il revient de la mettre en oeuvre : telle est l'idée générale.

Mais les pays développés et les pays en développement se sont opposés sur le point de savoir si le contrôle d'un Etat sur ses activités exercées par les étrangers sur son territoire devait s'effectuer exclusivement selon le droit interne ou s'il devait relever, au moins pour partie, du droit international.

Les premiers textes adoptés par les Nations Unies se montraient favorables à l'intervention du droit international, plus ou moins conjugué à la loi nationale. En 1960, la résolution 1515 (XV) recommande le respect du droit souverain de chaque Etat de disposer de ses richesses et de ses ressources naturelles conformément aux droits et devoirs économiques des Etats en droit international. Ces droits et devoirs168 doivent s'exercer dans les deux sens : les États tiers doivent respecter internationalement la souveraineté de l'État détenteur des ressources en question, mais celui-ci doit respecter les droits des États et des particuliers étrangers selon les règles et standards ordinairement reçus en droit international. La raison profonde d'une telle recommandation est qu'à l'époque on considérait depuis longtemps la résolution 626 (VII), que la souveraineté sur les ressources naturelles ne devait pas gêner les mouvements des capitaux à destination des pays en développement, et ceci tant dans l'intérêt des pays importateurs que dans celui des pays exportateurs.

La résolution 1803 (XVII) présente une construction équilibrée dans laquelle primauté est donnée à la compétence interne pourvu qu'elle ne

167 Ibidem

168 Guy FEUER et Hervé CASSAN, op. cit., p. 206.

s'exerce pas en contradiction avec le droit international. Progressivement, s'est amorcée une réaction tendant à donner une primauté de plus en plus marquée, voire, l'exclusivité, à la compétence nationale. Ici l'évolution de la doctrine des Nations Unies est allée de pair avec celle de la pratique des États de plus en plus enclins à réglementer restrictivement les investissements privés étrangers et à procéder à des nationalisations.

En 1978, la résolution 3171(XXVIII) affirmait avec force que c'est le principe de la compétence exclusive de l'État. L'année suivante, cette solution a été reprise par la charte des droits et devoirs économiques des États. Mais l'opposition absolue des pays industrialisés à voir ainsi évoluer le problème a donné un coup d'arrêt au discours tenu en ces termes par le Tiers Monde dans l'enceinte des Nations Unies. Il est significatif que depuis 1974 aucune résolution soutenant ces thèses n'ait été adoptée par l'Organisation.

III. La coopération internationale

Depuis les premières résolutions, les Nations Unies ne

reconnaissent pas seulement, en matière de richesses et ressources naturelles un droit de contrôle aux États détenteurs. Elles préconisent également la mise sur pied d'une coopération internationale en ce domaine. Cette coopération169 doit s'exercer, d'une part avec les États, d'autre part avec les Organisations internationales.

En ce qui concerne la coopération avec les États, les résolutions insistent à la fois sur la coopération avec les pays développés et sur la coopération entre pays en développement.

Par ailleurs, elles ont prévu l'intervention des Organisations internationales dans le domaine des ressources naturelles. Cette intervention apparaît d'abord sous la forme d'une mission d'étude impartie à l'O.N.U. En application de la résolution 1314 (XII) et de la résolution 1720 (XVI) qui lui fait suite, le secrétariat a préparé de nombreux rapports et documents de travail, et notamment celui qui porte le titre d' « État de la question de la souveraineté

169 Dominique ROSENBERG, op. cit., p,248.

permanente sur les richesses et ressources naturelles », et qui contient des renseignements précieux.

Mais l'O.N.U. a voulu aller au-delà de cette mission et elle a apporter une aide aux États pour la mise en valeur et l'utilisation de leurs
ressources naturelles. La résolution 2158(XXI) prie le secrétaire général de
coordonner les activités du secrétariat avec celles d'autres organes et
programmes des Nations Unies et de prendre toutes mesures utiles pour
faciliter l'intégration de l'exploitation des ressources naturelles des pays en
développement dans des programmes de développement économique accéléré.

§ 2. Régime juridique conforme au principe de la souverainetépermanente

L'État tire de son dominium et de son imperium le pouvoir de déterminer le régime foncier des éléments de son territoire et plus particulièrement les modalités de gestion et de concession de son domaine. C'est là un choix politique interne, qui trouve sa base dans le droit public interne et, on le sait, le droit international général est indifférent quant à ce. Quel est le régime juridique du domaine public sur lequel l'État exerce sa souveraineté permanente ? Telle est la question fondamentale qui mérite d'être posée et à laquelle nous allons tenter de répondre tout au long de ce paragraphe.

I. Le domaine (ou espace) terrestre

«L'État exerce une souveraineté permanente sur sol, sous-sol, les eaux et les forets, ~ »170.

Nous allons examiner ici successivement le régime juridique du sol, sous-sol, les eaux et les forêts. Le domaine terrestre171 comprend :-la voirie ordinaire ou terrestre et les voiries spéciales.

170 Article 9 de la constitution de 18 février 2006.

171 Dominique ROSENBERG, op. cit., p. 248.

I.1. Le régime du sol et du sous-sol

Pour ce qui est de la base juridique, la matière est traitée par la loi du 20/07/1973 qui restera toujours d'application sous cette nouvelle constitution. (Voir le détail de ce régime au premier chapitre du présent travail).

L'Etat demeure le seul propriétaire du sol, sous-sol et des mines y contenus. Un régime de concession perpétuelle172 est accordé aux congolais personnes physiques et la concession ordinaire à l `égard des personnes morales de droit congolais et à l'égard des étrangers.

I.2. Le régime forestier

2.1. Base juridique

Le droit applicable173 aux forêts trouve sa base juridique dans la loi 011-2002 du 29 août 2002 portant code forestier. Elle est accompagnée de règlements d'exécution portant sur la création d'une société forestière174, les conseils consultatifs provinciaux des forêts175 ? La procédure de transaction en matière forestière, le cadastre, la procédure d'établissement d'un plan d'aménagement forestier, l'exploitation forestière et sur la détermination d'essences forestières protégées.

La loi n°011-2002 du 29/08/2002 portant code forestier consacre l'État comme propriétaire en ces:

« Les foréts constituent la propriété de l'État,... »

«Leur exploitation et leur utilisation par les personnes physiques ou morales de droit privé ou de droit public sont régies par les dispositions de la présente loi et ses mesures d'exécution. » (art. 7).

C'est cette loi qui remplace le décret du 11 avril 1948 portant régime forestier au Congo Belge tel que modifié par l'ordonnance loi n°52-413 du 4 octobre 1959.

172 Rapport économique de la RDC, 1999, p.74.

173 Loi 011-2002 portant Code forestier.

174 Ordonnance 81-068 du 16 mai 1981.

175 Arrêté ministériel /MIN/AF .F . E.T./259/2002 du 3octobre 2002.

2.2. Les forêts visés et leur classement

Selon la loi portant code forestier, les forêts sont :

- les terrains recouverts d'une formation végétale à base d'arbres ou d'arbustes aptes à fournir des produits forestiers, abriter la faune sauvage et exercer un effet direct et indirect sur le sol, le climat ou le régime des eaux.

- les terrains qui, supportant précédemment un couvert végétal arboré ou arbustif, ont été coupés à blanc ou incendiés et font l'objet d'opérations de régénération naturelle ou de reboisement.

Par extension, sont assimilées aux forêts, les terres réservées pour être recouvertes d'essences ligneuses soit pour la régénération forestière, soit pour la protection du sol.(article 1er ).

En ce qui concerne leur propriétaire, l'article 7, alinéa 1er dispose que « les forêts constituent la propriété de l'État». L'article 8, alinéa 1er, quant à lui dispose que : « les forêts naturelles ou plantées comprises dans les terres régulièrement concédées en vertu de la législation foncière appartiennent à leurs concessionnaires ». L'article 9, alinéa 1er dispose enfin que « les arbres situés dans un village ou son environnement immédiat ou dans un champ collectif ou individuel sont la propriété collective du village ou celle de la personne à laquelle revient le champ».

Les foréts classées font partie du domaine public de l'État. Ces forêts sont : « les réserves naturelles intégrales ; les foréts situées dans les parcs nationaux ; les jardins botaniques et zoologiques ; les réserves de faune et les domaines de chasse ; les réserves de biosphère ; les forêts récréatives ; les arboreta ; les foréts urbaines ; les secteurs sauvegardés».

La loi ajoute aux forêts classées les périmètres de reboisement appartenant à l'Etat ou à des entités décentralisées (aricle12) et se fixe l'objectif176 que les forêts classées doivent représenter au moins 15 % de la superficie totale du territoire national (article14).

176 Voir article 13 de la loi 011-2002 portant code forestier.

Des foréts seront en outre classées lorsqu'elles sont nécessaires à : « la protection des pentes contre l'érosion ; la protection des sources et des cours d'eau ; la conservation de la diversité biologique ; la conservation des sols ; la salubrité publique et l'amélioration du cadre de vie ; la protection de l'environnement humain ; et en général, toute autre fin jugée utile par l'administration chargée des forêts » (art. 13).

Les foréts protégées font partie du domaine privé de l'Etat et constituent le domaine forestier protégé. Les produits forestiers qui en découlent, sauf ceux provenant de la culture des particuliers, appartiennent à l'État (article 20). Elles sont susceptibles de concession. Les communautés locales peuvent, à leur demande, obtenir une concession sur tout ou partie des forêts protégées parmi les forêts régulièrement possédées en vertu de la coutume. L'attribution est à titre gratuit (article 22).

2.3. Les institutions de gestion et d'administration

Les institutions qui interviennent dans la gestion des forêts sont le ministère ayant dans ses attributions la gestion des forêts(art.24), le cadastre forestier (art. 28), le conseil consultatif national(art.30), et les conseils provinciaux des forêts et les associations et organisations non gouvernementales agréées (art.134).

2.4. Les éléments du régime forestier

L'on peut noter parmi les plus saillants, l'organisation des droits d'usage, l'organisation des mesures de protection ; l'inventaire, l'aménagement et la reconstitution des foréts; l'organisation de la concession forestière ; l'organisation de l'exploitation forestière ; la fiscalité forestière et le régime pénal.

Cependant par souci de ne pas trop s'écarter de notre sujet d'analyse, nous allons singulièrement nous atteler sur l'organisation de la concession forestière.

La concession177 forestière fait l'objet des articles 82 à 85. Elle confère un droit d'exploitation de la superficie de forét concédée. L'obtention de la concession est soumise à deux conditions essentielles à savoir être domiciliée en R.D.C. pour une personne physique ou être constituée conformément à la loi et avoir son siège social en R.D.C. pour les personnes morales d'une part et de l'autre, le dépôt d'un cautionnement dont le but est : « ~ de garantir le paiement de toutes les indemnités si les travaux sont de nature à causer un dommage ou s'il est à craindre que ses ressources ne soient pas suffisantes pour faire face à sa responsabilité » (art.82 fine).

La concession s'attribue par voie d'adjudication et, exceptionnellement, de gré à gré. Une enquête publique est effectuée préalablement à toute, concession dans le but de s'assurer de l'existence ou non des droits des tiers sur la superficie à concéder. L'attribution est constatée dans un contrat. Ce contrat comprend deux parties à savoir d'une part les droits et obligations des parties et de l'autre un cahier des charges fixant les obligations spécifiques incombant au concessionnaire. L'on remarque la volonté claire du législateur d'accorder à la concession forestière un rôle important dans le développement socio-économique des communautés locales.

En effet, il dispose que les clauses générales178 du cahier des charges concernent les conditions techniques relatives à l'exploitation tandis que les clauses particulières concernent, outre les charges financières et les obligations d'installation industrielle, une clause particulière relative à la réalisation d'infrastructures socio-économiques au profit des communautés locales, spécialement : - la construction, l'aménagement des routes ; - la réfection, l'équipement des installations hospitalières et scolaires ; - les facilités en matière de transport des personnes et des biens (article 89, alinéa

3, c.)

Le contrat de concession est signé par le ministre pour le compte de l'État. Il requiert toutefois l'approbation par décret du président de la république lorsque les ou la forêt à concéder dépassent une superficie de totale

177 Voir article 13 de la loi 011-2002 portant code forestier de la RDC

178 Voir les rapports Annuels PNUD-ONU, op. cit, p :36-65.

de 300 000 ha et par une loi lorsque la superficie dépasse 400 000 ha (article 92). La loi édicte des mesures générales de protection des forêts consistant en l'interdiction d'un certain nombre d'activités nuisibles notamment l'exploitation illicite, la surexploitation illicite, la surexploitation, le surpâturage, les incendies, les brûlis, les défrichements et les déboisement abusifs. Les mesures de protection peuvent s'étendre mémes aux zones forestières concédées.

Le code forestier de 2002 assure une véritable actualisation du droit forestier179 tient le plus souvent compte de l'évolution du droit international de l'environnement et des intéréts des particuliers. Il nous semble en revanche qu'il ne met pas en place un régime suffisamment incitatif de la protection de l'environnement.

I.3. Le régime minier

Le décret du 24/09/1937 établit une distinction nette entre la propriété du sol et celle des richesses minérales qu'il renferme. Le sol appartient à son propriétaire tandis que les mines appartiennent à l'État et constituent un domaine public particulier. L'État pouvait donc attribuer les mines à d'autres personnes que le propriétaire du sol. Il a partagé les zones minières à quelques compagnies à chartes qui sont allés à se considérer comme des véritables propriétaires des richesses minières. La constitution du 1er/08/1964 donne le pouvoir au législateur de transférer à l'État certains droits de propriété moyennant une indemnité équitable pour les motifs d'intérêts général.

L'ordonnance-loi n°66-343 du 07/06/1966 appelée

communément « loi BAKAJIKA » affirme que la République reprend la pleine et libre disposition de tous ses droits fonciers, forestiers et miniers concédés ou cédés avant le 30/06/1960 en propriété ou en participation à des tiers personnes morales ou physiques. Et l'article14 bis de la constitution du 31/12/1971 déclare l'État propriétaire du sol et du sous-sol ainsi que de leurs produits naturels ; il n'est plus question de parler des relations entre les titulaires de droit minier et les propriétaires du sol autres que l'État.

179 La loi de 2002 abroge en effet le décret de 1949 sur le régime forestier.

L'ordonnance-loi n°67-231 du 11/05/1967 supprime les monopoles qu'avaient certaines sociétés dans la recherche et l'exploitation des mines et prévoit deux régimes miniers :

1°. Le régime minier de droit commun qui prévoit 3 démarches de l'éventuel titulaire des droits miniers. Il introduit une :

- demande d'autorisation personnelle de prospection,

- demande de permis de recherche et

- demande de permis d'exploitation (5 ans renouvelables trois fois) et de la concession (30 ans renouvelables deux fois).

En plus de ces différents permis, le code minier a créée un permis spécial : le permis d'exploitation artisanale. Ce permis180 a pour but de favoriser l'accession des nationaux à l'exploitation des mines, et de ramener à l'égalité les exploitations clandestines. Ce permis est uniquement réservé aux nationaux et aux coopératives artisanales minières.

2°. Le régime minier conventionnel est une faculté spéciale accordée à l'État de concéder, par convention, le droit exclusif de recherche, le permis d'exploitation et une concession sur une ou plusieurs zones déterminées. La convention lie l'État et une personne morale nécessairement.

En R.D.C., le régime minier actuel s'applique à la prospection, la recherche, l'exploitation, le traitement, le transport et la commercialisation des substances minérales. Les hydrocarbures font l'objet des législations particulières. Le code minier consacrant le libéralisme, le rôle de l'État est essentiellement limité à la promotion et à la régulation du secteur minier. Il peut cependant au travers des organismes spécialisés, se livrer à l'investigation du sol ou du sous-sol dans le seul but d'améliorer la connaissance géologique du pays ou à des fins scientifiques qui ne requièrent pas l'obtention d'un droit minier ou de carrières. Lorsque l'État se livre seul ou en association avec les tiers à une activité minière, les personnes morales publiques ainsi que les organismes spécialisés créées à cet effet sont traités sur un même pied d'égalité que les investisseurs privés s'adonnent à cette méme activité.

180 Voir la convention de Montego Bay.

S'agissant d'autres modalités de gestion et de concessions du domaine de l'État dans ce secteur, la loi n°007 du 11juillet 2002 portant code minier dispose :

- « Les gîtes des substances minérales, y compris les gîtes artificiels, les eaux souterraines et les gîtes géothermique se trouvent sur la surface du sol ou renfermés dans le sous-sol ou dans les cours d'eau du territoire national sont la propriété exclusive, inaliénable et imprescriptible de l'État.

- « Toutefois, les titulaires de droit minier ou de carrières d'exploitation acquièrent la propriété des produits marchands en vertu de leur droit».

- «La propriété des gîtes des substances minérales, y compris les eaux souterraines et les gîtes géométriques, dont question à l'alinéa 1er du présent article, constitue un droit immobilier distinct séparé des droits découlant d'une concession foncière. En aucune manière le concessionnaire foncier ne peut se prévaloir de son titre, pour revendiquer un droit de propriété quelconque sur les gîtes des substances minérales, y compris les eaux souterraines et les gîtes géothermiques que renfermerait sa concession».

II. Le domaine (ou espace) maritime

Le domaine maritime comprend les rivages de la mer, les ports maritimes et leurs aménagements, des phares, des balises et de toutes les installations destinées à faciliter la navigation maritime. Nous allons évoquer successivement le régime juridique fluvial, lacustre, de la mer territoriale et du plateau continental Congolais.

II.1. Le régime juridique fluvial181

Le domaine fluvial comprend l'ensemble des cours d'eau navigable et flottable, et non navigables ni flottables ainsi que les ouvrages publics construits sur les voies navigables, des lacs.

II.2. Le régime juridique lacustre182

Les lacs sont des grandes nappes naturelles d'eau stagnantes qui sont formées d'eau douce. Le fait qu'ils présentent un intérét économique

181 Voir l'Ordonnance Loi du 14/03/1966.

182 Ibidem

pour deux ou plusieurs États implique la nécessité d'une législation efficace pouvant réglementer ce secteur important regorgeant des ressources naturelles.

En RDC, c'est la loi du 14/03/1966, dite Ordonnance Loi 66-96, portant Code de navigation fluviale et lacustre qui est d'application. Cette loi réglemente le transport des personnes et des marchandises, ainsi que l'exploitation des gaz, pétrole et autres ressources naturelles lacustres et fluviales. S'agissant de la chasse, c'est la loi 82-002, du 28/05/1982, portant réglementation de la chasse qui est d'application. Par contre, la péche est régie par le décret du 12/7/1932, portant réglementation des concessions des pêches.

II.3. Le régime juridique de la mer territoriale Congolaise

3.1. Principe de la souveraineté de l'État côtier183

La mer territoriale est constituée par la zone maritime adjacente aux eaux intérieurs (ou, le cas échéant, aux eaux archipélagiques sur laquelle s'étend la souveraineté de l'État. L'article 2 de la Convention de Montego Bay, qui reprend les termes de la convention de Genève sur la mer territoriale (art .1 et 2) précise : « ... cette souveraineté s'étend à l'espace aérien audessus de la mer territoriale, ainsi qu'au fond de cette mer et à son sous-sol». Il en résulte que l'État côtier y exerce des compétences exclusives tant au point de vue économique (péche, exploitation des ressources minérales) qu'en matière de police (navigation, douane, santé publique, protection de l'environnement, sécurité184). En ce sens, la mer territoriale185 s'intègre dans le territoire de l'État.

Cependant, le droit international impose à l'État le respect des droits reconnus aux États tiers, au delà de ceux admis dans les eaux intérieurs. Pour cette raison, des auteurs soutiennent que seuls ces eaux sont assimilables au territoire à l'exclusion de la mer territoriale qu'ils considèrent comme un élément de la haute mer, sur lequel l'État riverain n'exerce pas des droits de souveraineté, mais détient seulement des compétences déterminées

183 Patrick DAILLIER et Alain PELLET, op. cit., p. 1161.

184 C.I.J., arrêt du 27/06/1986, activités militaires au Nicaragua, Rec. de 1986, p.111 et suivant

185 Ibidem

qui lui sont expressément attribués par le droit international. Cette opinion restrictive est entièrement ignorée par le droit positif. Les navires publics étrangers doivent donc interrompre des compétences exercées légitimement en haute mer ou dans la zone économique exclusive à l'égard des navires battant leur propre pavillon ou un pavillon tiers (droit de poursuite : droit d'arraisonnement) lorsque ces navires pénètrent dans la mer territoriale d'un État autre que celui du pavillon du navire poursuivant.

3.2. Droit de passage inoffensif

1°. Principe

La limitation que le droit international coutumier impose à l'État côtier découle du droit de passage inoffensif des navires étrangers dans sa mer territoriale. Déjà codifié par le statut de Barcelone de 1921(art; 2), ce droit est aujourd'hui réglementé par les articles 14 à 23 de la première convention de Genève et les articles 17 à 32 de la convention de Montego Bay. D'après l'article 17 de celle-ci, les navires de tous les États, qu'ils possèdent ou non un littoral maritime, jouissent de ce droit. Aucune discrimination186 n'est faite entre navires d'États et navires privés, navire de commerce et navires de guerre.

Le passage est défini comme étant « le fait de naviguer dans la mer territoriale aux fins de traverser sans entrer dans les eaux intérieurs » ou de se rendre dans celles-ci ou de les quitter (art.18, §1). Il doit, en principe, être « continu et rapide » mais le stoppage et le mouillage constituent des droits pour le navire de passage à condition de qu'ils soient des « incidents ordinaires de navigation » ou soient justifiés par la force majeur ou une situation de détresse ou encore qu'ils aient pour but de porter secours à des personnes, des navires ou des aéronefs en danger (art.18 § 2).

Aux termes des articles 16, § 3, de la Convention de 1958 et 25, § 3, de celle de 1982, l'État côtier peut suspendre le passage inoffensif des navires étrangers, mais cette suspension doit être temporaire et dûment publiée, ne porter que sur des zones déterminées de sa mer territoriale, être

186 Convention de Genève, 1982, art 25, §1.

établie sans discrimination et être « indispensable »pour assurer sa sécurité (la convention de Montego Bay précise : entre autres pour lui permettre de procéder à des exercices d'armes ».

2°. Règles applicables aux différentes catégories de navires

Conformément à une règle coutumière bien établie, « l'État côtier peut prendre, dans sa mer territoriale, les mesures nécessaires pour empécher tout passage qui n'est pas inoffensif 187». Ces mesures sont cependant différentes selon qu'il s'agit des navires marchands ou des navires d'États utilisés à des fins non commerciales.

L'État côtier dispose à l'égard des premiers des pouvoirs plus limités que dans ses eaux intérieurs, mais encore très considérables. Reprenant presque en tous points les règles prévues par celle de Genève (art.19 à 21), la Convention de Montego Bay fait une distinction entre l'exercice des Juridictions pénale et civile.

L'État côtier se trouve beaucoup plus démuni à l'égard des infractions commises par un navire d'État utilisé à des fins non commerciales188 qui bénéficient des immunités de l'État étranger (art. 32) et qu'il ne peut ni arraisonner ni dérouter. Toutefois, reprenant les dispositions de 1958, la Convention de Montego Bay précise que : « si un navire de guerre - la convention le dissociant ici des autres navires d'État, peut être pour restreindre au maximum une dérogation aux pouvoirs habituels du souverain territorial justifiée surtout par le souci de prévenir un incident militaire-ne respecte pas les lois et règlements de l'État côtier relatif au passage dans la mer territoriale et passe outre à la demande qui lui est faite de s'y conformer, l'État côtier peut exiger que ce navire quitte immédiatement la mer territoriale» (Article 30).

D'autre part, la convention précise que l'État du pavillon est responsable des dommages que ces navires peuvent causer à l'État côtier du

187 Alain PELLET et Patrick DAILLIER, op. cit., p. 1163 et 773

188 Ibidem.

fait de l'inobservation des lois et règlements de celui-ci ou du droit international. Ceci n'est qu'une application des règles générales relatives à la responsabilité internationale de l'État du fait du fonctionnement de ses services publics189.

III. Le régime juridique du plateau continental (congolais)

La Convention de Montego Bay dans ses articles 77 à 82 et 85, qui définissent l'équilibre général du régime de Plateau Continental, n'apporte pas d'innovation sensible par rapport à celle de 1958 (art. 2 à 5 et 7).

III.1. Les droits souverains de l'État côtier sur son plateau continental

Les droits de l'État côtier sur son plateau Continental sont « souverains », exclusifs - l'essentiel des ressources naturelles n'étant pas « renouvelables » -, inhérents et fonctionnels. Ils s'exercent sur le plateau luiméme et non pas seulement sur les ressources qu'il contient et « sont exclusifs en ce sens que si l'État côtier n'explore pas le plateau continental ou n'en exploite pas les ressources naturelles, nul ne peut entreprendre des telles activités sans son consentement exprès ».

En particulier, l'État côtier a le droit exclusif d'autoriser ou de réglementer les forages et d'exploiter le sous-sol en creusant les galeries.

Seules les règles concernant la recherche scientifique tempèrent quelque peu cette exclusivité ; elles sont identiques à celles applicables dans la zone économique exclusive. On notera, à ce propos, que l'ordonnance de la C.I.J. du 11 septembre 1976 a rejeté une demande de mesures conservatoires, dans le litige entre Grèce et la Turquie sur le Plateau Continental190 de la mer Égée.

La Cour a estimé que la preuve n'avait pas été apportée d'un préjudice irréparable causé par les missions d'explorations d'un navire océanographique turc.

189 Alain PELLET.et Patrick DAILLIER, op. cit., p. 1163 et 773.

190 Idem, p. 1192.

Le caractère inhérent de ces droits tient au fait qu'ils sont « indépendants de l'occupation effective ou fictive, aussi bien que de toute proclamation de droit expresse191» ils existent donc « ipso facto et ab initio192 » Les droits de l'État côtier sur son plateau continental sont à certains égards différents de ceux lui appartenant dans sa zone économique exclusive ; celle-ci doit faire l'objet d'une proclamation expresse et l'État côtier a l'obligation d'autoriser d'autres États à y exploiter un éventuel « reliquat » de ressources, ce qui n'est pas le cas pour celles du Plateau continental.

Pour étendus qu'ils soient, les droits de l'État côtier n'en sont pas moins fonctionnels. Ils sont limités aux fins de l'exploration du plateau continental et de l'exploitation de ses ressources naturelles193. Celles-ci incluent les : « les ressources minérales et autres ressources non biologiques des fonds marins et de leur sous-sol, ainsi que les organismes vivants qui appartiennent aux espèces sédentaires, c'est à dire les organismes qui, au stade où ils peuvent être pêchés, sont soit immobiles sur le fonds ou audessous du fond, soit incapables de se déplacer autrement qu'en restant constamment en contact avec le fond sous-sol ».

En outre, l'État côtier a le droit exclusif qui n'est pas qualifié de « souverain »-de construire, sur son plateau continental, comme dans sa zone économique exclusive, des îles artificielles, installations et autres ouvrages, et d'établir autour d'eux des « zones de sécurité » d'un rayon de 500m au maximum.

III.2. Limites aux droits de l'État côtier sur son plateau continental

Les limites aux droits de l'État côtier tiennent d'une part aux droits et libertés appartenant aux autres États et, d'autre part, à des exigences - limitées - de solidarité internationale. De plus, si l'État côtier est partie au traité du 11 février 1971 relatif à la dénucléarisation des fonds marins, il lui

191 Conventions de 1958, art. 2 et de 1982, art. 77, §3. Cité par Alain PELLET et Patrick DAILLIER, op.cit., p. 1192.

192 C.I.J., arrêt du 20 février 1969, Plateau Continental de la mer du Nord, Rec.1969, p.22.

193 Convention de 1958, art. 2, § 1 et de 1982, art. 77, § 1).

est interdit de placer ou de laisser placer des armes nucléaires et d'autres armes de destruction massive dans ou sur son plateau continental.

1°. Les droits reconnus à l'État côtier sur son plateau continental ne portent pas atteinte au régime des eaux sur-jacentes en tant que zone économique exclusive ou haute mer, ni à celui de l'espace aérien situé au-dessus de ces eaux. C'est dire que les autres Etats y bénéficient d'une entière liberté de navigation et de survol à laquelle l'exercice de ses propres droits par l'État côtier ne doit pas porter atteinte et qu'il ne peut géner « de manière injustifiable » (art. 5, §1 et 78, §2).

Les exigences de la protection de l'environnement marin ont cependant conduit à autoriser l'État côtier à porter atteinte à ces libertés traditionnelles (v.art.208 de la Convention de Montego Bay).

En outre, traditionnellement, tous les États ont le droit de poser des câbles et des pipelines sous-marins sur le plateau continental (art.4 de la convention de 1958), sous la seule réserve des « mesures raisonnables »que peut prendre l'État côtier pour l'exercice de ses propres droits et la maîtrise de la pollution. L'article 79 de la convention de Montego Bay précise cependant que le tracé de pipelines doit être agrée par lui.

2°. En second lieu, en contre partie de l'extension considérable du plateau continental, et pour atténuer son caractère choquant au regard du concept de patrimoine commun de l'humanité, l'article 82 de la Convention de Montego Bay prévoit de faire exception au principe des droits exclusifs de l'État côtier sur le produit de l'exploitation.

Plus exactement, il s'agit d'une application timide du droit au développement : l'extraction des ressources non biologiques du plateau continental, au delà de 200 milles, donnerait lieu à un renversement, compris selon l'année d'exploitation, entre 1 et 7 % de la valeur ou du volume de la production, à l'autorité internationale des fonds marins. Cette obligation194 ne serait pas imposée à certains pays en développement. Il appartiendrait à l'autorité de répartir ces contributions, en espèces ou en nature « entre les États partis

194Voir la convention de Montego Bay, art.80.

selon des critères de partage équitable, compte tenu des intérêts de besoin des États en développement, en particulier195 des États en développement les moins avancés ou sous littoral».

IV. Le domaine (ou espace) aérien

IV.1. Espace aérien national

1.1. Souveraineté de l'État sous-jacent

L'article 1er de la Convention de Paris196 de 1919 adopte, en termes catégoriques, la solution de la souveraineté que prônaient Von Liszt et Westlake, en opposition à la thèse soutenue par : « Les hautes parties contractantes reconnaissent que chaque puissance a la souveraineté complète et exclusive sur l'espace atmosphérique au-dessus de son territoire ». La convention de Chicago de 1944 reconduit le principe. Les deux conventions ont pris soin de préciser que le territoire de l'État comprend ses « eaux territoriales adjacentes ». Ce qui est confirmé par l'article 2, § 2 de la Convention de Montego Bay de 1982.

1.2. Les règles applicables à la navigation aérienne

Les règles applicables à la navigation aérienne, y compris au

dessus de la mer territoriale, sont cependant tout à fait différentes de celles quirégissent la navigation maritime. En particulier, il n'existe pas des normes

coutumières autorisant de plein droit le survol du territoire de l'Etat, qui pourrait être assimilée au principe du libre passage inoffensif. La seule exception concerne le passage en transit dans certains détroits internationaux, il en résulte que, sauf engagement conventionnel contraire, l'Etat est libre de réglementer et méme d'interdire le survol de son territoire et que tout survol non autorisé constitue une atteinte à la souveraineté territoriale de l'Etat sous-jacent (cfr. Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua). La violation de l'espace aérien national par un aéronef étranger autorise l'Etat survolé à l'intercepter et à exiger l'atterrissage. Toutes fois, à l'égard des aéronefs civils, il ne jouit pas d'un pouvoir illimité de riposte197 ;

195 Ibidem.

196 Convention de Chicago sur l'aviation civile.

197 Ibidem.

celle-ci doit être raisonnable et ne pas mettre en danger la vie des personnes se trouvant à bord.

IV.2. L'espace aérien International

Le régime de la navigation aérienne internationale198 étant établi, il faut veiller à sa correcte application et poursuivre l'effort d'uniformisation des normes et des procédures qu'exigent les besoins de la sécurité et de la technique.

Au niveau International, ces taches ne peuvent être remplies que par une Organisation internationale permanente qu'est l'OACI qui a remplacée la CINA. Le principe d'application ici est la liberté de l'air, mais une liberté contrôlée.

Au niveau national, en RDC, c'est l'ordonnance n°62-32, du 8/10/1955, relative à la navigation aérienne qui est d'application. Quant à l'aviation civile, il existe une ordonnance n°66-194 du 30 /3/1966 qui régit le conseil supérieur de l'aviation civile. Il convient de noter, en outre qu'au niveau des services aériens, deux lois régissent cette matière. Il s'agit de :

1°. L'0rdonnance-loi N°78 -009 du b29/3/78 portant réglementation des conditions générales d'exploitation des services aériens ;

2°. L'arreté-Ministériel 002/CABIMINECI/2001 fixant les tarifs intérieurs du secteur de transport aérien en RDC.

198 O-L 62-321, du 8/10/1955 relative à la navigation aérienne.

Section 3ème. DE LA VIOLATION DU PRINCIPE DE LA

SOUVERAINETE PERMANENTE

Dans la présente section, notre tache consistera à étudier le régime de sanction en cas de violation de la souveraineté permanente, et d'autre part à critiquer l'arrêt rendu par la C.I.J. dans l'affaire des activités armées en R.D.C, opposant celle-ci à l'Uganda. S'agissant du régime de sanction dudit principe, en cas de sa violation, nous allons en premier lieu examiner la nature de l'obligation violée, en présenter le régime de responsabilité, la juridiction compétente, ainsi que la procédure y afférente, et enfin ça sera le genre de sanction applicable. Quant à la critique à apporter, il s'agira de savoir pourquoi le juge n'a-t-il pas condamné l'Uganda sur base de ce principe sous examen, alors que tous les éléments et faits étaient réunis (c'est à dire violations flagrantes des droits souverains des peuples congolais) ?

Les alinéas 4 et 7 de la résolution 1803 traitent de la nature de l'obligation violée et du régime de la violation de la souveraineté permanente, en précisant à la fois le genre d'obligation violée et le tribunal compétent pour trancher le litige.

§ 1. Nature de l'obligation violée (Violation grave d'une obligation découlant des normes impératives)

On se rappellera que, la violation d'une obligation internationale constitue un fait internationalement illicite. Or, tout fait internationalement illicite d'un État ou d'un autre sujet de droit international engage sa responsabilité internationale. Ceci dit, une question mérite cependant d'être posée, celle de savoir où peut-on classer la violation du principe de la souveraineté permanente ?

En effet, tel qu'il avait été adopté en première lecture, le projet de la C.D.I. retenait deux catégories différentes de violations du droit international : le « délit» et le « crime »international dont la définition199 était

199 Joe VERHOEVEN, op. cit., p.865.

donnée dans l'article19, paragraphe 2 : « Le fait illicite qui résulte d'une violation par un État, d'une obligation si essentielle pour la sauvegarde d'intérêts fondamentaux de la communauté internationale, que sa violation est reconnue comme un crime par cette communauté dans son ensemble constitue un crime international». Le 3ème§ de cette disposition fournissait une liste des crimes internationaux : l'agression, le maintien par la force d'une domination coloniale, l'esclavage, le génocide, l'apartheid, l'atteinte grave à l'environnement humain, en particulier. Tous les autres faits internationalement illicites étaient qualifiés de « délits » aux termes du paragraphe 4 de ce méme article19».

On voit clairement que le principe de la souveraineté permanente n'est pas nommément cité par cette liste, sans en connaître la raison. Devant cette lacune, nous estimons pour notre part, qu'il fait partie de la catégorie des règles de «maintien par la force d'une domination coloniale » entendue par là, la colonisation sous toutes ses formes et tous ses aspects ; et surtout l'aspect politique et économique.

Cependant, bien qu'elle eut, à l'origine été adoptée à l'unanimité par la C.D.I., cette distinction a suscitée des vives critiques, tant de la part de la doctrine que de certains États, en particulier les grands occidentaux. Il lui était notamment reproché :

- d'introduire un vocabulaire pénaliste dans les mécanismes de responsabilité « civile »;

- de reposer sur des appréciations entièrement subjectives en l'absence de critères clairs permettant de déterminer l'existence d'un crime ; et

- de ne pas avoir de conséquences pratiques significatives.

En outre, les exemples figurant au 3ème § de l'article 19 ont été jugés non sans raison, discutables, souvent très « daté » et, en tout état de cause, il n'était pas approprié d'inclure, dans un projet de codification une liste d'exemples non limitatives.

A la suite de débats difficiles200 et parfois houleux, tant au sein de la 6ème Commission de l'A.G. (compétente en matière juridique) que de la C.D.I., celle-ci a abandonné toute allusion à d'éventuels degrés d'illicéité dans

200 Alain PELLET et Patrick DAILLIER, op. cit. p. 1163 et 773.

la 1ère partie du projet définitivement adopté en 2001, consacré au « fait internationalement illicite ». En revanche, la distinction réapparaît dans la 2ème partie du projet relative au « contenu de la responsabilité internationale de l'État » dont le chapitre 3 esquisse le régime juridique applicable aux « violations graves d'obligations découlant de normes impératives du droit international », périphrase un peu laborieuse qui se substitue au mot « crime » du projet précédent tout en reprenant pour l'essentiel, les dispositions qui en tiraient les conséquences201 et en ménageant la possibilité d'évolutions futures. Grâce à cette substitution, la connotation abusivement « pénaliste» du projet de 1996 disparaît du second qui ne mentionne pas davantage le « délit », ce qui devrait désarmer une partie des critiques.

Au surplus, les exemples qui figureraient malencontreusement dans l'ancien article 19 sont relégués dans le commentaire de l `article 40 et un effort est fait pour préciser la définition de ces «violations graves ». L'appellation méme de celles-ci renvoie aux « normes impératives du droit international », c'est à dire au jus cogens, dont la définition est maintenant acquise. C'est pourquoi, tous les auteurs sont unanimes et s'accordent à reconnaître que le droit de la souveraineté permanente est un jus cogens, car il fait partie des « normes impératives», et au surplus, sa violation entraîne une violation grave d'obligation découlant des normes impératives. L'alinéa 4 de la résolution 1803 (XVII) l'a si bien exprimé en des termes claires et précis, il dispose : « La violation des droits souverains des peuples et des nations sur leurs richesses et ressources naturelles va à l'encontre de l'esprit et des principes de la charte des Nations Unies et gêne le développement de la coopération internationale et le maintien de la paix ».

Deux éléments doivent donc être réunis : un comportement qui, comme on vient de le signaler, peut être une action, une abstention ou une omission, et sa contrariété avec une règle internationale de caractère coutumier ou conventionnel.

201 Alain PELLET et Patrick DAILLIER, op. cit. p. 1163 et 773.

§ 2. Attribution à un sujet de droit international (qui peut violer le principe de la souveraineté permanente ?)

Avant d'attribuer à un sujet de droit international une quelconque responsabilité, il faudra au préalable assurer la détermination de l'illicéité et la nature de l'obligation violée. Or, il y a violation d'une obligation

internationale par un État, lorsqu'un fait dudit État n'est pas conforme à ce quiest requis de lui, en vertu de cette obligation, qu'elle que soit l'origine ou la nature de celle-ci (article 12 du projet de la C.D.I.)

Le principe de la souveraineté permanente peut être violé tantôt par un État, tantôt par une Organisation Internationale à vocation économique surtout, ou même par une société transnationale. Deux conséquences découlent de cela :

- d' une part, le fait internationalement illicite est attribuable à l'État ;

- d' autre part, le fait internationalement illicite est attribuable à l'Organisation internationale à vocation économique, ou à une société supranationale. Nous avons donc à faire à deux régimes de responsabilité différentes, d'un coté responsabilité des États, de l'autre coté responsabilité des O.I. à vocation économique et des Sociétés transnationales.

I. Attribution à un Etat.

L'attribution à l'État est très largement admise, dès lors que le comportement dénoncé émane de personnes ou d'organes sous son autorité effective. Le droit international confirme, par ce biais, que les habilitations juridiques internes ne sont que des faits pour les autres sujets de droit international. Le fait illicite est toujours attribué à l'État, ou à l'Organisation internationale, au nom duquel agit l'auteur de l'acte202 ou du comportement illicite. Il peut s'agir d'un organe individuel, depuis les gouvernants et les plus hauts fonctionnaires jusqu'à l'agent le plus subalterne. De même, aucune distinction n'est à établir entre les autorités centralisées et les autorités décentralisées, entre celles qui sont spécialement en charge des relations extérieurs de l'État (Chef de l'État, Chef de gouvernement, Ministres des

202 Dominique ROSENBERG, op. cit., p.273.

affaires étrangères et agents diplomatiques), et les autres, non plus qu'en fonction du caractère législatif, exécutif, administratif ou juridictionnel des activités de l'agent.

D'autres faits de l'État peuvent engager la responsabilité de l'Etat et entraînant ipso facto, la violation203 du principe de la souveraineté permanente ; il s'agit de : faits des démembrements de l'État, faits des particuliers et faits d'insurrection.

II. Attribution à une Organisation Internationale

à vocation économique

Dans d'autres cas, la violation du principe de la souveraineté permanente peut être due par le fait d'une ou de plusieurs Organisations internationales. Bon nombre d'entre elles se livrent plus dans l'exploitation et le pillage des matières premières et ressources naturelles. Dans ce cas, comme les États, les Organisations Internationales voient leur responsabilité internationale engagée du fait des comportements illicites, qui leur sont imputables.

Il n'y a là qu'une conséquence nécessaire de leur personnalité juridique. Certains États ne sont pas favorables à cette solution et préfèrent rechercher la responsabilité des États membres. Le régime de cette responsabilité suit, dans ses règles générales, celui de la responsabilité de l'État. La transposition a été d'autant plus naturelle qu'il s'agissait de règles coutumières et que ces règles visaient souvent à protéger les intérêts de particuliers. Sa mise en oeuvre est rendue délicate, dans les faits, par l'absence de procédures de règlement préétablies. Il peut s'agir directement des faits des organes et agents de l'Organisation Internationale agissant dans le cadre de leurs compétences ; ou soit des faits d'organes et d'agents incompétents, soit enfin des faits des États agissant pour le compte des O.I.

§ 3. Circonstances excluant l'illicéité

La notion de circonstance204 excluant l' illicéité correspond à ce que l'on appelle, en droit interne, les causes exonératoires de responsabilité. L'expression «circonstance excluant l'illicéité» paraît cependant plus exacte à deux points de vue. D'une part, elle présente l'avantage d'éviter une confusion entre, d'un coté, la responsabilité et, de l'autre son fait générateur : les circonstances dont il s'agit concernent celui-ci, pas celle-là même si, par ricochet, elles la font disparaître. D'autre part, elle marque bien que c'est l'un des deux éléments constitutifs du fait internationalement illicite205, la violation d'une obligation (constitutive de l'illicéité) qui, seul, se trouve en quelque sorte neutralisé ; l'attribution du comportement à l'État ou à l'organisation internationale intéressés n'en est nullement modifiée.

En outre, il faut bien comprendre que ces circonstances excluent l'illicéité d'un comportement déterminé ; mais elles laissent pleinement subsister l'obligation violée à la charge de l'auteur du manquement: si les circonstances le permettent (et si l'obligation s'y préte), celui-ci devra s'en acquitter à nouveau. Comme le précise l'article 26 du projet de la CDI, aucune circonstance ne saurait exclure « l'illicéité de tout fait de l'État qui n'est pas conforme à une obligation découlant d'une norme impérative du droit international général ».

La liste des circonstances excluant l'illicéité n'est pas facile à établir. La C.D.I. en a retenue six : le consentement de l'Etat victime ; la légitime défense ; les contre-mesures ; la force majeure ; la détresse et l'état de nécessité (article 20 à 26 du projet).

D'autres circonstances sont étrangères206 à la victime et excluent de ce fait toute responsabilité. Il s'agit entre autre de la force majeure. Ainsi, un État qui commet un acte illicite ne saurait invoquer sa souveraineté pour

204 Alain PELLET et Patrick DAILLIER, op. cit. p. 920 et s.

205 Ibidem.

206 Dominique ROSENBERG, op.cit., pp.134 à 178.

s'exonérer de sa responsabilité. Ce serait nier l'existence méme du droit international.

§ 4. Mécanisme général de la responsabilité(Conséquences du fait internationalement illicite)

Sous réserve de l'existence éventuelle d'une responsabilité sans manquement en droit international, la responsabilité peut être définie comme la situation créée par la survenance d'un fait internationalement illicite. Il en résulte une nouvelle relation juridique entre l'État ou l'Organisation Internationale auteur de ce fait et un ou plusieurs autres sujets du droit international. Toute règle de droit international se décompose en une obligation majeure, qui est de la respecter, et une obligation mineure, consistant à corriger les effets de son non-respect. Tel est le contenu même de la responsabilité dans tout système juridique. C'est le méme qui s'applique à l'égard du principe de la souveraineté permanente.

Le mécanisme général de la responsabilité applicable est très clair : pas de responsabilité internationale sans préjudice ou dommage. La responsabilité peut être définie comme la situation créée par la survenance d'un fait internationalement illicite. Ce fait doit produire un préjudice juridique, condition nécessaire de l'existence de la responsabilité. Il en résulte une nouvelle relation juridique entre l'État ou l'Organisation internationale auteur de ce fait et un ou plusieurs autres sujets du droit international. Toute règle de droit international se décompose en une obligation majeure, qui est de la respecter, et une obligation mineure, consistant à corriger les effets de son non-respect. Tel est le contenu207 même de la responsabilité dans tout système juridique qui s'applique également en cas de violation du principe de la souveraineté permanente.

I. Le préjudice

L'article 31, §2, du projet d'articles de la C.D.I. reflète indiscutablement le droit positif quand il définit le préjudice en ces termes : « le

207 Voir le code de la C.D.I.

préjudice comprend tout dommage, tant matériel que moral résultant du fait internationalement illicite de l'État ». Du méme coup se trouve confirmée la synonymie des mots « dommage et préjudice».

En cas de violation de la souveraineté permanente, un État subit plusieurs dommages à la fois liés à ses ressources naturelles ainsi qu'à toutes sortes des richesses dudit État victime. Cependant, ce principe obéit à un régime particulier des violations graves d'obligations découlant de normes impératives du droit international général.

II. Contenu de la responsabilité internationale

II.1. Exécution de l'obligation, cessation et non-répétition

Le fait internationalement illicite dont il est question ici, demeure la violation du principe de la souveraineté permanente. C'est une atteinte à la sécurité des rapports juridiques comme le stipule si bien la résolution 3281 (XXIX) du 12/12/1974 sur la charte des droits et devoirs économiques d'un Etat. Comme tout système juridique, le droit international, malgré son caractère faiblement «exécutoire » (par opposition à « obligatoire », ce qu'il est comme tout ordre juridique) s'efforce d'en limiter les effets perturbateurs. Et d'abord en réaffirmant la persistance de l'obligation violée : « Les conséquences juridiques d'un fait internationalement juridiques208... n'affectent pas le maintien du devoir de l'État responsable d'exécuter l'obligation violée» (art. 29 du projet de la C.D.I.).

Aux termes de l'art. 30 du projet de la C.D.I., l'État responsable du fait internationalement illicite a également « l'obligation :

1°. d'y mettre fin si ce fait continue ;

2°. d'offrir des assurances et des garanties de non répétition appropriées si ces circonstances l'exigent».

La cessation du fait internationalement illicite qui se prolonge ou se répète dans le temps ne soulève pas les mêmes problèmes. Elle est la

208 Dominique ROSENBERG op.cit, p. 278.

première et la plus évidente conséquence de l'obligation générale incombant à l'État ou à l'Organisation internationale responsable d'éliminer les conséquences de son fait internationalement illicite, principe qui guide également le droit applicable en matière de réparation

II.2. L'obligation de réparer.

L'article 31du projet d'articles de la C.D.I. précise que « l'Etat responsable est tenu de réparer intégralement le préjudice causé par le fait internationalement illicite». A coté de l'obligation de réparer, caractéristique de la responsabilité, existe une faculté de réparer à titre gracieux.

II.3. Modalités de la réparation

Comme l'indique clairement le projet de la C.D.I209., « la réparation intégrale du préjudice causé par le fait internationalement illicite prend la forme de restitution, d'indemnisation, et de satisfaction, séparément ou conjointement ».

3.1. Remise des choses en l'état ou restitutio in integrum

L'objectif premier de la réparation est d'effacer toutes les conséquences du fait internationalement illicite210. Il en résulte que, chaque fois que cela est possible, il convient de privilégier la restitutio integrum qui vise à la remise des choses dans l'état antérieur au fait internationalement illicite, par rapport aux autres formes de réparation. Celle-ci constitue donc la modalité de principe de la réparation. En cas de préjudice matériel, quand l'acte juridique a déjà produit des effets irréversibles ou lorsqu'un acte matériel a causé un dommage définitif, la remise des choses en l'état n'est plus concevable et il faut chercher une autre modalité de réparation.

3.2. Réparation par équivalence : indemnisation

209 Patrick Daillier et Alain PELLET, op. cit.p.895

210 Ibidem

Toujours dans l'affaire211 de l'usine de Chorzow, la C.P.J.I. a reconnu que « c'est un principe de droit international que la réparation d'un dommage peut consister en une indemnité».

En effet, si la restitutio in integrum constitue le mode de réparation privilégié, celle-ci se révèle le plus souvent difficile et le paiement d'une indemnité est dans la pratique la modalité de réparation la plus courante. C'est que, comme le dit Grotius212, l'argent est la mesure de la valeur des choses, de fait, l'indemnisation est la forme la plus fréquente de réparation.

3.3. La satisfaction

Dans certains cas, l'indemnisation est inadéquate pour réparer un préjudice purement moral ; la réparation la mieux adaptée est, elle aussi, purement morale : c'est la satisfaction. Il s'agit par exemple des regrets exprimés ou des excuses présentées par l'État responsable, ou encore, dans certains cas, d'actes symboliques comme le salut au drapeau, etc.

§ 5. Mise en oeuvre de la responsabilité

Qui est titulaire du droit d'invoquer la responsabilité, en cas de la violation de la souveraineté permanente ? Dans la très grande majorité des cas, seul l'État lésé, celui qui a subi un préjudice, immédiat ou médiat, est en droit d'invoquer la responsabilité de l'auteur de la violation de la souveraineté permanente.

La Société internationale est marquée par un degré poussé de décentralisation ; contrairement à ce qui se passe dans l'État, il n'y existe pas d'autorité centrale pouvant déclencher des poursuites contre un État ou une Organisation internationale auquel un fait internationalement illicite peut être attribué. Sans doute, les Nations Unies sont-elles dotées de pouvoirs coercitifs qui, en dernière analyse, peuvent être utilisés pour obliger un État à exécuter les obligations qui lui incombent en matière de responsabilité ; et certaines organisations régionales (O.E.A.,Union Africaine) peuvent contribuer à cette

211 Joe VERHOEVEN, op. cit. p.722.

212 Alain PELLET ET Patrick DAILLIER, op. cit., p. 798 et s.

mission213. Mais celle-ci ne s'inscrit pas dans le cadre du droit de la responsabilité : il s'agit de maintenir la paix et la sécurité internationales, même si à cette occasion, la cessation d'un fait internationalement illicite ou la réparation de ses conséquences dommageables peuvent être exigées, notamment par le conseil de sécurité agissant dans le cadre du chapitre VII de la charte. L'article 48 du projet de la C.D.I. va plus loin encore en admettant que « tout État autre qu'un État lésé est en droit d'invoquer la responsabilité d'un autre État si ~ (b) l'obligation violée est due à la communauté. .''.

I.Les modalités d'invocation de la responsabilité

Les procédures de mise en oeuvre214 de la responsabilité internationale d'un État ou d'une organisation internationale, en cas de violation de la souveraineté permanente ne présentent aucune particularité par rapport aux mécanismes usuels des relations entre États. Elles passent en général par le canal des missions diplomatiques des États concernés et le règlement des divergences qui peuvent opposer l'État responsable et celui ou ceux qui invoquent sa responsabilité doivent être résolues par des moyens pacifiques (règlement pacifique de différends dont les négociations diplomatiques sont les plus usuels), si le négociations échouent, le différends peut être soumis à un organe juridictionnel ou arbitral.

II. Règlement pacifique des différends internationaux

Le règlement de différend215 dû à la violation du principe de la souveraineté permanente est complexe et fait intervenir à la fois les deux grandes catégories de modes de règlement de différends, en combinant le critère de la portée juridique de la solution et son fondement, en opportunité ou en droit. Cela parce que tout conflit international est à la fois politique et

juridique, seule la pondération des aspects politiques et juridiques varie. D'oüon a successivement :

II.1. Le règlement non juridictionnel
Il s'agit de :

213 Joe VERHOEVEN, op.cit., p.769.

214 Joe VERHOEVEN, op.cit., p.769.

215 Patrick DAILLIER et Alain PELLET, Op. Cit. p.830-935.

1°. procédés inter étatiques : négociations diplomatiques ; intervention des tiers (bons offices, médiation, enquête internationale, conciliation internationale) ;

2°. règlement non juridictionnel dans le cadre des O.I.

II.2. Le règlement juridictionnel

L'alinéa 4 de la résolution 1803 (XVII )sur la souveraineté permanente prévoit expressément ce mode de règlement en ces termes : «...dans tout cas où la question de l'indemnisation donnerait lieu à une controverse, les voies de recours nationales devront être épuisées ~ Toutes fois, sur accord des États souverains, et autres parties intéressées, le différend devrait être soumis à l'arbitrage ou à un règlement judiciaire international». Voilà donc les deux procédés de règlement prévus par la résolution 1803. Selon le mot d'un délégué à la conférence de la Haye de 1907, l'arbitrage est la confiance, le règlement juridictionnel l'obéissance. Cela étant, le mode de règlement juridictionnel est constitué de deux procédés que sont le recours à l'arbitrage et le règlement par une juridiction permanente. Examinons d'abord l'arbitrage et le règlement judiciaire ensuite.

2.1. Le règlement arbitral

«L'arbitrage international à pour objet les règlements des litiges entre les états par les juges de leurs choix et sur base du respect du droit»216 comme tout acte juridictionnel, la sentence arbitrale est dotée de l'autorité de la chose jugée dont le fondement est à recherché soit dans la souveraineté étatique, soit dans le fait d'être rendue sur base du droit.

Le recours à l'arbitrage217 implique l'engagement de se soumettre de bonne foi à la sentence. La résolution 1803 (XVII) sur la souveraineté permanente, litera 4, reconnaît expressément l'arbitrage comme mode de règlement de litige en ces termes : «...Dans tous les cas où la question de l'indemnisation sera soulevé, le différend devrait être soumis à l'arbitrage ou à un règlement judiciaire international». Rappelons aussi que le recours à l'arbitrage implique

216 Patrick DAILLIER et Alain PELLET, op. cit. p.867 - 885.

217 Voir l'alinéa 4 de la résolution 1803, où l'arbitrage est proposé parmi les modes de règlement de différend institués par cette résolution.

le droit de refuser d'être attrait devant un tiers. Elle implique tout autant le droit de faire exception à ce refus par un engagement conventionnel. Ce consentement à l'arbitrage doit être suffisamment clair et précis pour constituer une véritable obligation juridique internationale. D'où il est tantôt facultatif, tantôt obligatoire.

2.2. Le Règlement par une juridiction permanente

La Cour Internationale de Justice (C.I.J.) constitue l'organe judiciaire principal des Nations Unies. Compte tenue de la nature juridique218 du principe de la souveraineté permanente, qui est un jus cogens, les litiges en cas de sa violation sont portés devant la Cour Internationale de Justice, comme cela est bien prévue par la résolution 1803(XVII) en son litera 4.

On se rappellera aussi que cette même résolution stipule que la violation de ce sacré principe entraîne la violation de la charte de l'O.N.U. et gêne la coopération et le maintien de la paix et de la sécurité internationale. Le conseil de sécurité joue donc à son tour un rôle important en cas de violation de ce sacré principe. C'est à lui que revient la tache de constater que cette violation de la souveraineté permanente constitue ou non un cas de rupture ou de menace contre la paix, de le qualifier et de prendre des mesures qu'il juge nécessaire pour rétablir la paix dans la zone troublée.

III. Cas pratique : Affaire des activités militaires et paramilitaires opposant la RDC à l'Uganda

III.1. Prétention de la partie demanderesse

La R.D.C. soutient que l'exploitation illégale et le pillage de ses ressources naturelles constituent des violations par l'Ouganda, de « la souveraineté et de l'intégrité territoriale de la R.D.C., et plus particulièrement de la souveraineté de la R.D.C. sur ses ressources naturelles ». A cet égard, la R.D.C. se réclame du droit des États sur leurs ressources naturelles et mentionne la résolution 1803(XVII) relative à la souveraineté permanente sur les ressources naturelles adoptée par l'A.G. des Nations Unies le 14/12/19622,

218 Synthèse de l'additif au mémoire N°S/221/1156 du gouvernement sur le pillage en R.D.C.

la déclaration sur l'établissement d'un nouvel ordre économique international contenue dans la résolution 3201(S.VI) adoptée par l'A.G. le 1er mai 1974, et la charte des droits et devoirs économiques des États adoptés par l'A.G. des Nations Unies dans sa résolution 3281(XXIX) du 12/12/1974.

La R.D.C. affirme que l'Ouganda est en tout état de cause responsable des actes de pillage219 et d'exploitation illégale de ses ressources commis par des officiers et soldats des UPDF, qui ont qualité d'organe220 de la République Ougandaise. D'après elle, il importe peu que les membres de l'armée Ougandaise se soient ou non conformés à des ordres officiels de leur gouvernement, ou qu'ils aient agi à titre officiel ou privé.

S'agissant du devoir de vigilance, la R.D.C. prétend que l'obligation de respecter la souveraineté des États sur leurs ressources naturelles implique que tout État prenne les mesures appropriées221 pour que ses forces armées, ses ressortissants ou les groupes qu'il contrôle ne se livrent pas à l'exploitation illégale des ressources sur le territoire d'un autre État. La RDC, affirme que toutes les activités d'exploitation de ressources naturelles menées par des entreprises et ressortissants Ougandais ou des mouvements rebelles soutenus par l'Ouganda constituent des actes d'exploitation illégale de ses ressources naturelles par des membres des forces armées ougandaises, par des entreprises privées et des ressortissants ougandais, ou par les mouvements rebelles congolais qu'il contrôlait et soutenait, manquant ainsi à son devoir de vigilance.

La RDC fait valoir que, en se livrant à l'exploitation illégale et au pillage des ressources naturelles congolaises, l'Ouganda a également violé les obligations qui s'imposaient à lui, en tant que puissance occupante, en vertu du jus in bello222. Selon la RDC, « le détail des règles du droit des conflits armés relatives à l'exploitation des ressources naturelles doit être examiné au regard du principe fondamental de la souveraineté permanente sur les

219 Voir rapport panel

220 Ibidem

221 Rapport des commissions `'porter» et `'panels»

222 Cour Internationale de Justice, Rôle génóal N°16 du 19/12/2005, 100p.publié par www.cij-icj.org

ressources naturelles », lequel, de l'avis de la RDC, reste d'application en toutes circonstances, notamment en temps de conflit armé et d'occupation.

III.2. Prétention de la partie défenderesse

L'Ouganda nie pour sa part d'avoir violé le principe de la

souveraineté permanente du peuple congolais sur ses ressources naturelles. Iisoutient que ce principe « façonné dans un cadre historique précis (notamment
celui de la décolonisation) et ayant une finalité bien précise », ne saurait être
applicable dans le contexte de la présente affaire. L'Ouganda affirme que des
actes individuels commis à titre privé par des membres de ses forces armées et
au mépris d'ordres et d'instructions ne permettent pas de lui imputer une
violation de la souveraineté permanente du peuple congolais sur ses
ressources naturelles.

III.3. Décision de la Cour

La Cour considère qu'elle ne peut retenir l'affirmation du demandeur selon laquelle l'Ouganda aurait violé le principe de la souveraineté permanente (de la RDC) sur ses ressources naturelles. La Cour rappelle que, le principe de la souveraineté permanente sur les ressources naturelles a été énoncé dans les résolutions 1803(XVII) adoptée par l'A.G. des Nations Unies le 14/12/1962, puis a été développé dans la déclaration concernant l'instauration d'un nouvel ordre économique international contenue223 dans la résolution 3201 (S.VI) adoptée par l'A.G. le 1er mai 1974, et la charte des droits et devoirs économiques des États adoptés par l'A.G. des Nations Unies dans sa résolution 3281 (XXIX) du 12/12/1974.

Tout en reconnaissant l'importance224 de ce principe, qui revêt le caractère d'un principe de droit international coutumier, la Cour relève que rien dans ces résolutions de l'A.G. ne laisse entendre qu'elles soient applicables au cas particulier du pillage et de l'exploitation de certaines ressources naturelles par des membres de l'armée d'un État intervenant militairement sur

223Arrêt rendue sur l'Affaire des activités militaires et para militaire être RDC c Uganda, pp. 48 à 57, publié par www.cij-icj.org.

224 Arrêt rendue sur l'Affaire des activités militaires et para militaire être RDC c Uganda, pp. 48 à 57, publié par www.cij-icj.org.

le territoire d'un autre État, ce qui est l'objet du troisième chef de conclusions de la RDC. La Cour n'estime pas que ce principe s'applique à ce type225 de situation.

La Cour conclut qu'elle dispose de suffisamment d'éléments de preuve crédibles pour considérer que l'Ouganda a engagé sa responsabilité internationale à raison des actes de pillages et d'exploitation des ressources naturelles de la RDC commis par des membres des UPDF226 sur le territoire de la RDC, de la violation de son devoir227 de vigilance s'agissant de ces actes et du manquement des obligations lui incombant, en tant que puissance occupante de l'Ituri, en vertu de l'article 43 de du règlement de la Haye de 1907, quant à l'ensemble des actes de pillage et d'exploitation des ressources naturelles commis dans le territoire occupé.

III.4. Bref commentaire sur ce cas

Pour notre part, nous pensons que l'adage `'curria non novit jus» s'applique dans ce cas précis. Le juge ne sait pas appliquer la loi, car il n'a pas tenu compte de l'évolution du principe de la souveraineté permanente pour se rendre compte que son objet s'est étendu.

En effet, il ne s'agit plus seulement d'un principe de la décolonisation, mais bien plus son objet s'est étendu, incluant : 1° un pouvoir de contrôle sur les intérêts économiques étrangers, 2° un pouvoir de réglementer l'investissement, de réglementer et de surveiller les activités des sociétés transnationales dans les limites de sa juridiction nationale l'investissement, 3° un droit de nationaliser, d'exproprier ou de transférer la propriété des biens étrangers, ...

225 Ibidem.

226 Arrêt rendue sur l'Affaire des activités militaires et para militaire être RDC c Uganda, pp. 48 à 57, publié par www.cij-icj.org.

227 Voir le Rapport commission Lutundula, secrétariat général de l'Assemblée Nationale congolaise, Kinshasa.

C O N C L U S I O N G E N E R A L E

Au terme du présent travail, qui a consisté à examiner l'article 9 de la constitution de la 3ème république en R.D.C., il convient de rappeler que dans l'introduction de cette étude, nous articulions notre problématique autour de l'apparente contradiction ou similitude entre, d'un coté l'art.9 et de l'autre coté la loi BAKAJIKA, l'article 53 de la loi du 20/07/73, et l'article 34 de la nouvelle constitution.

Nous avons par ailleurs souligné, la nécessité de connaître les mécanismes juridiques par lesquels l'État peut recourir pour recouvrir les ressources naturelles, qui lui ont été extorquées et pillées, en vue de satisfaire le bien être de la population et le développement du pays. Cet état de choses engendre des récriminations entraînant parfois des conflits228 qui opposent la R.D.C. à ses agresseurs ou à ceux qui pillent ses richesses229, (individus congolais, étrangers et autres États belligérants). D'où en définitive, nous en venions à nous demander si la communauté internationale, ayant perçu ce phénomène avait prévu des mécanismes juridiques propres à rétablir l'équilibre des intérêts antagonistes, en cas de violation de ce principe.

C'est pourquoi, d'entrée de jeu, nous avons estimé que la formulation de l'article 9, où l'on emploi l'expression de souveraineté permanente n'était en rien contraire à l'art. 53 de la loi du 20/7/73 sur la propriété inaliénable et exclusive de l'État, et à ces autres textes légaux évoqués ci haut. Bien au contraire, la souveraineté évoquée à l'art. 9 les complète, les englobe, car elle est plus large et complet, en prenant en compte toute l'étendue, tous les compartiments du territoire congolais (espace terrestre, maritime et aérien). Dans l'esprit du législateur congolais, en consacrant ce principe dans le droit positif congolais, il entend protéger les

228 Mémoire additif du gouvernement congolais adressé au secrétaire général des Nations Unies, sur le pillage et l'exploitation illégale des ressources de la RDC

229 On fait allusion ici à toutes les firmes internationales, aux hommes d'affaires congolais et étrangers, aux pays puissants, ...qui soutiennent et financent la guerre en RDC, en vue de perpétrer les crimes économiques et le pillage des ressources naturelles de la R.D.C. cfr. : Rapports panel

générations présentes et à venir contre les atteintes et convoitises des Etats étrangers sur les richesses et ressources naturelles de la R.D.C.

En outre, les ressources naturelles étant épuisables et un important outil au service du développement économique, une gestion saine et efficace s'avère non seulement nécessaire, mais également impérative pour satisfaire le bien être de la population et le développement du pays, selon l'esprit de la résolution 1803(XVII). A ce propos, les différents mécanismes de contrôles institués par le principe de la souveraineté permanente constituent un levier et un bouclier très efficace pour mettre fin au pillage230 des ressources naturelles de la RDC. Celle-ci devra attraire en justice tous ceux qui ont violés ledit principe et pillés ses ressources naturelles en saisissant la C.I.J. en vue d'obtenir réparation pour tous les préjudices subis.

Le développement de l'Afrique dépend en gros de celui de la RDC. Pour cela on doit favoriser la coopération internationale pour le développement économique dans les pays des grands lacs, en procédant par les investissements, en vue de promouvoir la paix dans cette région231 tant meurtrie par les guerres. Cela étant, notre analyse s'est subdivisée en deux chapitres ; dont le premier a porté sur la clarification conceptuelle et le second, sur le régime juridique, mécanismes de contrôles et modalités d'exercice de la souveraineté permanente.

Abordant le premier chapitre, intitulé : clarification conceptuelle, nous avons constaté que cet article pose le problème de confusion entre les termes propriété et souveraineté. D'où, il a été question de confronter, mieux de distinguer la notion de souveraineté permanente consacrée par l'article 9, à la notion de la plénitude des droits fonciers, miniers, et forestiers face ainsi à la Loi dite BAKAJIKA(sect. 1ère), à celle de la domanialité et de domaine éminent de droit médiéval, à celle de la suzeraineté (sect. 2ème), face à la loi BAKAJIKA (sect. 3ème) et enfin à l'article 53 de la loi du 20/07/1973 consacrant la

230 Cfr Rapport panel des Nations Unies.

231 Nous avons à cet effet recouru aux principes de la vie internationale, dont: la vocation internationale de la RDC, à la politique d'ouverture et au principe de bon voisinage.

propriété exclusive, inaliénable et imprescriptible de l'Etat Congolais (sect. 4ème) et enfin à l'article 34 de la constitution. Tout ceci dans le but de savoir le sens et la portée de l' art.9 en examinant les rapports qui existent entre ces notions et voir si elles peuvent s'équivaloir ou s'interpénétrer et dire la méme chose.

Bref, il fallait préalablement résoudre ce problème sémantique en le rendant claire, sans ambiguïté, ni confusion, pour faire cesser toutes les polémiques et controverses autour de cet article.

Dans l'esprit du législateur congolais, en consacrant ce principe dans le droit positif congolais, il entend protéger les générations présentes et à venir contre les atteintes et convoitises des Etats étrangers sur les richesses et ressources naturelles de la R.D.C. Quelle est donc la place de la propriété foncière sous cette nouvelle constitution ?

En analysant plus profondément cet article, nous avons constaté qu'il y a un hiatus, servant d'intermédiaire entre le 1er et le 2ème alinéa, pour que cet article soit complet. Pour ce faire, nous avons estimé que cet hiatus consisterai à préciser et déterminer la place de la propriété foncière de l'Etat .D'où elle devrait être formulée ainsi : le sol, sous-sol, les mines sont la propriété exclusive, inaliénable et imprescriptible de l'Etat. En distinguant l'article 9 de l'article 34 de la constitution, on a démontré que ces deux articles se recouvrent, mais ne s'opposent pas. Car l'article 9 n'a ni la prétention232 de supprimer la propriété individuelle et collective acquise conformément à la loi ou à la coutume, ni de supprimer le monopole de la propriété foncière de l'Etat. Nous retenons donc, que l'État demeure toujours le seul et unique propriétaire du sol, sous-sol, forét, mines,... En répondant de la sorte, notre première hypothèse se trouve ainsi confirmée à un degré largement fort.

Poursuivant notre analyse, dans le second chapitre, intitulé : du régime juridique et des modalités d'exercice de la souveraineté permanente, il s'est agi de mener un examen minutieux tout d'abord sur les différents

232Dans la résolution 1803, et l'article 34 on retrouve le droit à la propriété privée et l'expropriation pour cause d'utilité publique.

mécanismes de contrôles prévus par ledit principe(section1ère), ensuite les modalités d'exercice et le régime juridique du principe sous examen( section 2ème) et enfin le cas de la violation de ce principe à la fois par les Etats, les Organisation Internationales, les personnes privées et autres sujets, tant du droit interne ou du droit international( section 3ème).

Il y a lieu de préciser que, dans l'étude des mécanismes de contrôles, nous avons mis un accent particulier sur la nationalisation en le distinguant de ses aspects et de ses notions voisines telles que : l'expropriation pour cause d'utilité publique, la radicalisation, la réquisition, l'alignement,~ Ici aussi, nous avons mis en exergue ces notions aux prescrits de l'article 34 de l'actuelle constitution, qui consacre le droit à la propriété privée et collective, sous réserves des prescrits légaux. Contrairement à ce qui se dit, la propriété privée dont il est question à l'art.34 ne s'applique pas au sol, au sous-sol, aux mines qui restent une propriété exclusive, inaliénable de l'État Congolais.

L'article 53 de la loi du 20/07/73 est donc une limite, disons mieux, une exception à l'article 34 de la constitution. Nous avons, par la suite, mentionné d'autres mécanismes de contrôles tels que la réglementation d'investissement233 privé et étranger des sociétés transnationales, ainsi que les Entreprises conjointes, dits autrement « contrats de joints ventures » et autres formes d'associations contractuelles.

S'agissant du régime juridique et des modalités d'exercice de la souveraineté permanente, nous avons démontré, comme l'exige l'alinéa 2ème de la résolution 1803 (XVII), que la souveraineté permanente doit s'exercer dans l'objectif de l'intérêt général, pour le bien être de la population et le développement du pays titulaire de l'exercice de cette souveraineté. D'où alors, il était question que l'action de l'Etat congolais commence par réglementer toutes les activités économiques se déroulant non plus seulement sur l'espace terrestre, mais cette fois-ci, sur l'espace maritime et aérien, voire- même le plateau continental, couvrant l'exclusivité du territoire congolais. Notre deuxième hypothèse se retrouve également confirmée, à cet effet.

233 Loi N°004-2004 du 21/2/2002 portant code des investissements.

En définitive, nous avons abordé la 3ème section qui traite de la violation du principe sous examen, avec comme cas pratique, l'affaire R.D.C. contre Uganda. A ce propos, nous avons pu établir que, eu égard à la nature du principe sous examen, qui est un jus cogens, sa violation constitue une violation d'obligations impératives graves du droit international. Par-là aussi, notre troisième hypothèse se trouve également confirmée.

En relevant les grands constats, nous pouvons dire que les innovations qui résultent de l'article sous examen ici, par rapport à la législation précédente, comportent beaucoup d'aspects novateurs qui sont de nature à assurer aux générations futures une stabilité. Tel est justement le mérite de cet article, le législateur congolais innove en intégrant cette fois l'espace maritime, aérien et terrestre du territoire congolais ainsi que le plateau continental. Pour ce faire, le terme propriété du droit privé ne paraît plus dès lors approprié pour réglementer le lien juridique de l'État et son territoire et appréhender les cimes des prérogatives de l'État sur son domaine public et privé.

Toutefois, il convient de préciser que seul l'État congolais demeure propriétaire du sol, sous sol, et mines comme cela fut le cas naguère avec la loi dite «BAKAJIKA» et la loi du 20/07/1973. Cette notion de propriété dont question ici est radicalement différente de celle de la propriété privée consacrée par l'article 34 de la constitution. C'est méme une exception à l'article 34. Les pouvoirs publics sont seulement chargés de leur gestion administrative ou de leur garde. En aucun cas ils n'en sont le propriétaire. C'est méme la raison pour laquelle nous disons que l'art.09 de ladite constitution ne contredit en rien la conception du monopole de l'État sur son sol, sous sol, mines, etc. prônée par la loi BAKAJIKA et celle du 20/07/73, car l'intention du législateur est de rendre l'État propriétaire foncier maintenant et à jamais.

Malgré la persistance des risques politiques, la RDC, véritable scandale géologique, est très convoitée à la fois par ses pays voisins, des milices des hommes armés, et de l'autre coté par les investisseurs qui

négocient et concluent des marchés de ses ressources minières. Un futur gouvernement234 congolais pourra-t-il redresser la situation, répudier unilatéralement une partie des contrats léonins, mettre fin au pillage et à l'exploitation illégale des ressources naturelles en restaurant la paix et la sécurité entre la R.D.C. et ses voisins sans engager sa responsabilité internationale ? Les pratiques actuelles compromettent déjà cette perspective.

Soulignons en dernière analyse que, cette piste complémentaire à la présente étude, nous a été suggérée par notre étude. Mais nous ne pouvions malheureusement pas l'aborder, notre recherche étant forcément délimitée pour des multiples raisons. Notre voeu demeure que des recherches futures réaffirment l'évolution et la marche inexorable de la science, comblent nos insuffisances et aident le législateur congolais à légiférer toujours dans le sens d'un meilleur équilibre entre la protection des investissements, des ressources naturelles d'un coté et, de l'autre celle de l'intérêt général, c'est à dire une vraie croissance économique et un développement durable pour notre pays, la R.D.C.

234Le défi majeur que ce gouvernement doit relever consistera en premier lieu à arrêter le pillage des ressources naturelles, en passant par la pacification de tout le pays, ensuite revisiter les contrats dits léonins ; le revenu issu de cette opération sera réparti et utilisé pour le bien être de la population et le développement du pays.

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3) Lois

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III. ANALES, ARTICLES, NOTES DE COURS, SYLLABUS, REVUES ET AUTRES PUBLICATIONS

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IV. SUPPORT ELECTRONIQUE

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-www.cij-icj.org -www.hri.ca

-www.unhchr.ch -www.docip.org -www.lepotentiel.com

-www.er.uqam.ca -www.congoforum.be -www.cetim.ch -www.fao.org

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V. DICTIONNAIRES ET ENCYCLOPEDIES

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2. CORNU Gérard, Vocabulaire juridique, Paris, France, 2003.

3. SALMON Jean, Dictionnaire de Droit International Public, Bruyllant /A.U.F. Bruxelles, Belgique, 2001,1198p.

TABLE DES MATIERES

. Épigraphe .................................................................................... I

. Dédicace ...................................................................................... II

. Remerciements ........................................................................... III

. Sigles et abréviations .................................................................. V

INTRODUCTION GENERALE 1

1. Problématique 1

2. Hypothèse 7

3. Méthodologie 8

4. Choix et intérét du sujet ............................................................ 9

5. Délimitation spatio-temporelle 11

6. Subdivision du travail ............................................................. ... 12

Chapitre Ier : CLARIFICATION CONCEPTUELLE 12

Section 1ère. De la souveraineté permanente 13

§1. Évolution et contenu du principe ............................................. 13

I. Evolution d'ensemble ................................................................... 13

I.1. Origine.................................................................................. 13

I.2. Etapes marquant l'évolution du principe 14

II. Contenu du concept de souveraineté permanente ........................ 15

II.1. Notion de la S.P. selon les travaux préparatoires......................... 16

II.2. Notion de S.P. selon la doctrine 17

§ 2. Étendue de l'exercice de la souveraineté 18

I. Espace terrestre 19

II. Espace maritime et espace aérien ................................................ 21

§ 3. Caractères de la souveraineté permanente ................................ 20

I. Caractère économique 21

II. Caractère permanent et inaliénable 22

III. Caractère de conformité aux buts et principes des N.U. ......... 23

IV. Caractère d'un pouvoir illimité et exclusif 23

V. Non susceptible d'appropriation .................................................. 24

Section 2ème. Distinction entre la souveraineté permanente

et la plénitude des droits fonciers, miniers et forestiers ............ §1. Évolution du régime foncier congolais ............... .....................

 

24

24

I. Période du régime foncier colonial ......

 

24

I.1. Régime foncier de l'E.I.C. ................................................... .......

 

24

I.2. Régime foncier du Congo - Belge ............................................. 27

 
 
 

II. Période du régime foncier post-coloniale

30

 
 

II.1. La loi BAKAJIKA .................................................................

 

30

II.2. Portée de la loi BAKAJIKA ...................................................... 31

 
 
 

2.1. Explication du concept «plénitude des droits»...........................

31

 
 

2.2. Explication du concept «pleine souveraineté»

34

 
 

2.3. Incidence de ces deux concepts ..............................................

35

 
 

§ 2. Loi BAKAJIKA face à la S.P. ...................................................

37

 
 

I. Ressemblance ......................................................................

 

37

II. Dissemblance ............................................................................. 38

 
 

III. Rupture avec le régime colonial sous la loi BAKAJIKA renforcée ~

 

39

 

Section 3ème. De la souveraineté permanente face à l'art. 53

de la loi du 20/07/1973

 

41

§1. Etendue du droit de la propriété de l'État sur le sol .................. 42

 
 

§2. Comparaison ......................................................................... 44

 
 
 

Section 4ème. Distinction entre la souveraineté permanente

et la domanialité

 

55

§1. Notion

55

 
 

I. Définition ............

 

55

II. Aperçu général

56

 
 

§2. Comparaison ...........................................................................

 

56

I. Distinction entre souveraineté permanente et domanialité

56

 
 

I.1. Pouvoirs dans le territoire étendue .......................................... 57

 
 

I.2. Pouvoirs sur le territoire - chose ............................................. 59

 
 
 

II. Rapport entre la souveraineté permanente et le domaine éminent du droit médiéval ...................................................... ..............

 

63

§3. Composition ...........................................................................

65

 
 

I. Le domaine public ~.~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ 65

I.1. Composition ~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~. 66

I.2. Protection juridique du domaine public ~~~~~~~~~~~~. 69

II. Domaine privé de l'État ........................................................... 72

III. Modes d'acquisition des biens domaniaux .................................. 73

IV. Particularité des biens domaniaux ............................................. 73

Section 5ème. Distinction entre souveraineté permanente et la

suzeraineté 75

§1. Notion 75

§2. Divergences ............................................................................ 75
Section 6ème. Distinction entre souveraineté permanente et ses notions voisines 76

§1. Souveraineté permanente et droits des peuples à disposer d'eux-mêmes .................................................................. ......... 76

I. Une application du directe du droit des peuples à disposer

d'eux-mêmes ...................................................................... 77

II. Un droit appartenant aux États ................................................... 79

§2. Souveraineté permanente et patrimoine commun de l'humanité 80

§3.La souveraineté permanente et l'art. 34 de la Constitution ;......... 81

CONCLUSION PARTIELLE 83

Chapitre IIème : REGIME JURIDIQUE, MECANISMES DE

CONTRÔLE ET MODALITES DE MISE EN OEUVRE DU

PRINCIPE DE LA SOUVERAINETE PERMANENTE 86

Section 1ère. Mécanismes de contrôle 86

§1. Nationalisation et expropriation ........................... 86

I. Notion 87

II. Le droit de nationaliser ou de privatiser .................................... 88

II.1. Controverse sur le droit de nationaliser 89

II.2. Conditions d'exercice du droit de nationaliser 89

§2. Expropriation et ses notions voisines ....................................... 90

I. Expropriation et réquisition 90

II. Expropriation et nationalisation .................................................. 91

III. Expropriation, emprise et voie de fait ~.~~~~~~~~~~~~ 92

III.1. Emprise ................................................................................. 92

III.2. Différence entre emprise irrégulière et voie de fait ..................... 96

III.3. Rattachement de ces notions avec l'expropriation ..................... 96

IV. Expropriation et alignement ...................................................... 97

§3. Réglementation des investissements privés et étrangers des

sociétés transnationales ................................. ................ .. 98

I. Notion et définition .................................................................. 99

II. Réglementation nationale .......................................................... 100

III. Réglementations bilatérales ...................................................... 102

IV. Réglementations régionales ....................................................... 102

V. Réglementation universelle ...................................................... 102

§4. Entreprises conjointes et autres formes d'associations

contractuelles ...........................................................................

I. Les contrats d'entreprises conjointes (contrats de joints ventures) ... 103

II. De la concession à l'entreprise conjointe ....................................... 103

II.1. Intérét de l'entreprise conjointe ................................................ 104

II.2. Limites du procédé .................................................................. 106

III. Régime traditionnel de la concession .......................................... 106

§4. Autres contrats d'association ....................................................... 107 Section 2ème. Du régime juridique et des modalités d'exercice

de la souveraineté permanente 108

§1. Les modalités d'exercice de la souveraineté permanente des États sur leurs ressources naturelles .................. .......................................... 108

I. Objectif général .......................................... 108

II. L'action de l'État ........................................................................ 109

III. La coopération internationale .............................. ...................... 110

§2. Régime juridique conforme au principe de la souveraineté
permanente........................................................................... 111

I. Domaine (ou espace) terrestre ....................................................... 111

I.1. Le régime du sol et du sous - sol ................................................ 112

I.2. Le régime forestier ..................................................................... 112

I.3. Le régime minier ~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ 116

II. Domaine (ou espace) maritime .~~~~~~~~~~~~~~~~~~ 118

II.1.Régime juridique fluvial 118

II.2. Régime juridique lacustre 118

II.3. Régime juridique de la mer territoriale 119

III. Régime juridique du plateau continental .................................... 122
III.1. Les droits souverains de l'État côtier sur son plateau

continental......................................................................... 122

III.2. Limites aux droits de l'État côtier sur son plateau continental 124

IV. Le domaine (ou espace) aérien 125

IV.1. Espace aérien national 126

IV.2. Espace aérien international ... ............................................. 126
Section 3ème. De la violation du principe de la souveraineté permanente 127

§1. Nature de l'obligation violée ...................................................... 127

§2. Attribution à un sujet de droit international ..................... ....... 130

I. Attribution à un État................................................................. 131

II. Attribution à une Organisation Internationale à vocation

économique................................................................................. 132

§3. Circonstances excluant l'illicéité ....................................... ...... 132

§4. Mécanisme général de la responsabilité ........................ ......... 133

I. Le préjudice ............................................................................... 133

II. Contenu de la responsabilité internationale .............................. 134

II.1. Exécution de l'obligation, cessation et non - répétition ............ 134

II.2. L'obligation de réparer ............................................................. 135

II.3. Modalités de la réparation ...................................................... 135

§5. Mise en oeuvre de la responsabilité 136

I. Les modalités d'invocation de la responsabilité 137

II. Règlement pacifique des différends internationaux ...................... 137

II.1. Le règlement non juridictionnel ............................................. 137

II.2. Le règlement juridictionnel ...................................................... 138

III. Cas pratique : Affaire des activités militaires et paramilitaires

opposant la RDC à l'Uganda ................................................... 139

III.1. Prétention de la partie demanderesse ~~~~~~~~~~~~~ 139

III.2. Prétention de la partie défenderesse ....................................... 140

III.3. Décision de le Cour ............................................................... 141

III.4. Bref commentaire sur ce cas .............................. ............... 142

CONCLUSION GENERALE 143

BIBLIOGRAPHIE 149

TABLE DES MATIERES 147






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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote