WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Les études d'impact environnemental dans les projets de développement au Cameroun

( Télécharger le fichier original )
par Eric Jackson FONKOUA
Université de Limoges - Master 2 2006
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

§-1 Le pipeline Tchad-Cameroun

La réalisation d'un tel projet nécessite d'énormes moyens financiers et humains. Un Etat de la trempe du Tchad, comme la plupart des Etats en voie de développement, ne pouvait à lui seul s'engager dans sa réalisation, au risque d'abandonner le projet en cours de route faute de moyens. D'où l'appel à l'aide fait par les autorités tchadiennes, car celles-ci ne bénéficiaient pas de la crédibilité des bailleurs de fonds afin d'obtenir des prêts, vu le contexte socio politique dans lequel se trouve le pays (1) : c'est l'entrée en scène de la Banque mondiale (2) et la mise en oeuvre du projet (3).

1. Contexte sociopolitique et genèse du projet

Peuplé de 7,3 millions d'habitants, le Tchad est l'un des pays les plus pauvres de la planète. Le PNUD, qui calcule l'indicateur de développement humain (IDH) de 174 Etats, le place au 162e rang. Le PIB par habitant est estimé à 230 dollars par an, moins de la moitié de la moyenne de l'Afrique subsaharienne. Le Tchad, dont 80 % de la population vit sous le seuil de pauvreté, connaît une situation d'insécurité alimentaire chronique. Les disponibilités céréalières (production plus importations), 129 kg par habitant et par an, restent très en deçà du seuil de satisfaction des besoins (141 kg). Les carences alimentaires, mais aussi le manque d'accès à l'eau potable137, l'absence de services de santé dignes de ce nom1 38 entraînent une mortalité infantile très élevée139. Alors que l'éducation est un facteur essentiel du développement, près de la moitié des petits tchadiens n'est pas scolarisée140. L'analphabétisme massif des adultes141 ne peut alors que se perpétuer. La dette extérieure, passée de 148 millions de dollars courants en 1977 à 876 millions en 1998 ne fait que s'alourdir et génère un service annuel de plus de 40 millions de dollars, contre 7 millions dix ans plutôt, hypothéquant tout investissement dans les infrastructures sociales. Elle reflète une balance des paiements structurellement déficitaire142, Le Tchad, enfin, comme les autres pays pauvres, subit le recul de l'aide publique au développement. Celle-ci est passée de 296 millions de dollars en 1987 et en 1988 à 171 millions en 1998143. Dans ce contexte catastrophique, la perspective d'une rente pétrolière annuelle moyenne de l'ordre de 60 millions de

137 Les trois quarts de la population n'ont pas accès à l'eau potable contre la moitié en Afrique au Sud du Sahara.

138 On dénombre deux (2) médecins pour 100 000 habitants, contre 75 en moyenne dans les pays en développement.

139 D'après les statistiques réalisées par le PNUD, le taux de mortalité infantile serait de 100 pour 1000.

140 74 % des garçons accèdent à l'enseignement primaire, 36 % pour les filles

141 Il représente 50% en zone urbaine et 90% dans les campagnes.

142 Ce déficit était de plus de 200 millions de dollars par an à la fin des années 90, contre 150 millions à la fin de la décennie précédente

143 C'est une estimation du Comité de développement de l'OCDE.

dollars a de quoi séduire144. Un projet comme celui du pipeline est séduisant car il permettrait d'apporter au Tchad, de nouvelles ressources pour financer son développement.

Après trente ans de tractations, le gouvernement tchadien a pu trouver un consortium américain qui va exploiter son pétrole. Le consortium pétrolier se compose de deux compagnies américaines, Exxon Mobil et Chevron, et d'une compagnie malaisienne, Petronas145.

Pour diriger ce pétrole vers la mer, plusieurs options sont envisagées : acheminement par route, puis par rail à travers le Cameroun, ou alors construction d'un oléoduc de 1070 kilomètres depuis Doba jusqu'à la côte atlantique, où des tankers viendront charger le brut. C'est cette dernière solution que choisit le consortium. Elle évite les ruptures de charge et limite les risques d'accident ou d'attaques durant le transport146.

2. L'intervention de la Banque Mondiale

C'est en 1994 que la Banque mondiale est saisie d'une demande de cofinancement du pipeline. Le consortium a pourtant les moyens d'en assumer le coût. Mais il cherche à se prémunir du risque politique147 en engageant le grand argentier de la planète. La participation de la Banque mondiale est justement de nature à tempérer les incertitudes politiques. Si le Cameroun et le Tchad peuvent emprunter à l'institution de Bretton Woods de quoi financer leur participation dans le projet, ils seront, remboursements obligent, davantage incités à en garantir la bonne exécution. Par ailleurs, ce sont la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI) qui dictent aux deux pays leur politique économique148. En particulier pour le Tchad, en cas de défaillance de l'Etat ou de décision unilatérale149, la Banque, qui détient les cordons de la bourse et des prêts, se trouverait alors en position de force pour faire respecter les termes d'un contrat dans lequel elle s'est engagée.

Le 6 juin 2000, le conseil d'administration de la Banque Mondiale s'est prononcé en faveur du financement du projet d'exploitation du pétrole tchadien, via un pipeline traversant le Cameroun. Cette décision vient au terme de près de quatre années de débats alimentés par une mobilisation massive150.

144 Ce qui donne près de 40 milliards de francs CFA et représente environ la moitié des recettes fiscales du Tchad qui s'élevaient à près de 100 milliards de francs CFA en 1999.

145 Les compagnies pétrolières américaines représentent respectivement 40% et 25%, tandis que celle malaisienne a 35% du financement du projet.

146 Voir le rapport de la mission international de l'enquête de la Fédération Internationale des Droits de l'Homme, n° 295 de juillet 2000.

147 En effet, des guerres civiles, luttes de factions rivales et coups d'Etat se succèdent au Tchad depuis la dictature de François Tombalbaye et ce n'est pas la présence d'Idriss Déby au pouvoir depuis 1990 qui rassurera le consortium. De plus, l'oléoduc prévu devra passer sur le territoire camerounais, et là aussi, un conflit entre les deux voisins n'est pas un risque à exclure totalement.

148 Le Cameroun et le Tchad sont tous deux sous Ajustement Structurel

149 Il s'agit notamment des situations telles que les changements de régime qui pourraient affecter les dispositions du contrat pétrolier.

150 Il s'agit notamment d'ONG de développement et d'organisations de défense des droits de l'Homme, au Tchad, au Cameroun, aux Etats-Unis et en Europe. Cette mobilisation a permis d'améliorer de nombreux aspects de ce dossier, en particulier les conditions d'indemnisation des populations touchées et surtout la protection de l'environnement.

3. La mise en oeuvre du projet151

La mise en oeuvre du projet (a) conformément au DIE a suivi toutes les étapes prévues par la procédure d'EIE même si de temps à autre celle-ci s'est heurtée à certains obstacles (b.)

a) La réalisation du projet

Démarrée en 1992, donc avant la Loi-cadre sur l'Environnement de 1996, l'étude réalisée conformément aux directives de la Banque Mondiale et des conventions internationales pertinentes, s'est achevée en 1999. Elle est réalisée en conformité avec les exigences de la Banque Mondiale et de la Banque Européenne d'Investissement, bailleurs de fonds du projet. Exécutée par une firme internationale, l'étude avait pour objectifs, l'analyse des impacts sur environ 900 km de tracé, traversant plusieurs zones écologiques en relation avec les problèmes de pose de la conduite, d'accessoires, d'infrastructures et d'équipements complémentai res ainsi que la prise en compte de la réalisation des travaux par un consortium d'entreprises étrangères.

Le rapport final, qui comprenait 19 volumes, a été transmis pour validation en 1998. Le processus de validation, qui a duré près d'une année a comporté :

· la consultation publique qui s'est déroulée en trois mois et a permis de recueillir près de 6 000 observations de la part des populations, de la société civile et des ONG. Ces observations étaient relatives principalement à la sécurité, aux risques de pollution, à l'indemnisation des populations, aux peuples indigènes, à l'emploi et aux retombées économiques au niveau national ;

· la consultation des pays des bailleurs de fonds. Les observations étaient déposées auprès de l'ex-MINEF, du Comité de pilotage et du suivi des Pipelines, de la Banque Mondiale et de la Banque Européenne d' I nvestissement.

Les problèmes rencontrés lors de cette phase de l'étude ont eu trait à :

· La juste compensation des biens des populations détruits par le projet, d'abord pour ceux des biens ne figurant pas sur les textes réglementaires du Cameroun et d'autre part l'harmonisation du barème de compensation existant avec les directives de la Banque Mondiale. Ceci a conduit à une compensation additionnelle que le promoteur du projet a pris en charge.

· La perturbation des modes de vie des peuples autochtones d'une part et les retombées socio-économiques du projet pour les populations riveraines du projet d'autre part. L'élaboration d'un plan de développement des peuples autochtones et la priorité accordée à la main-d'oeuvre locale ont été retenus comme solutions à ces préoccupations.

151 Rapport sur la pratique des Etudes d'Impact Environnemental (EIE) au Cameroun, décembre 2004, p.19.

· La perte de la biodiversité compte tenu du nombre et de la variabilité des écosystèmes traversés avec comme compensation, la création de deux parcs nationaux.

Le rapport final amendé avec prise en compte des observations issues de la consultation publique a été approuvé par l'ex-MINEF en juin 1999, rapport qui comportait notamment le Plan de Gestion Environnemental (PGE).

La mise en oeuvre du PGE assurée par le consortium et le promoteur COTCO, a été suivie sur le terrain par plusieurs entités :

· Les administrations nationales concernées, à savoir, l'Environnement, les Mines, le Domaine, la Culture, la Santé, les Travaux publics, le Transport, la Défense nationale sous la coordination du Comité de Pilotage et du Suivi des Pipelines ;

· Les Organisations Non Gouvernementales ;

· Le Groupe International Consultatif mis en place par la Banque Mondiale.

Ce suivi a permis de constater la mise en oeuvre de toutes les mesures d'atténuation et de compensation, et tout particulièrement : la création de deux parcs nationaux en compensation de la réduction de la biodiversité ; la mise sur pied et le financement d'un fonds fiduciaire152 pour l'appui au financement de la gestion des deux parcs nationaux et du plan de développement des peuples autochtones de la région de Kribi / Lolodorf ; l'élaboration et la mise en oeuvre d'un plan de développement du peuple indigène153.

Le plan de suivi évaluation et le monitoring de l'efficacité des mesures d'atténuation ou de compensation ont été également élaborés et les programmes correspondants sont actuellement en cours d'exécution.

b) Les obstacles rencontrés

Des problèmes liés à la mise en oeuvre du PGE ont été relevés. Il s'agit notamment de :

· La maximisation des impacts socio-économiques dans un contexte de pauvreté prononcée des populations riveraines du projet. Ceci a conduit au recrutement en priorité de la main-d'oeuvre locale pour les emplois non qualifiés et à privilégier les locaux, à qualification égale, pour les emplois qualifiés ;

· La disposition finale de la biomasse ligneuse sans valeur commerciale, constituée d'essences non nobles qui, à terme, devraient constituer une source de gaz à effet de serre. Ces essences avec l'accord de l'Administration forestière154, ont été mises gracieusement par le promoteur, à la disposition des populations, sous forme de bois de feux, diminuant ainsi par ailleurs la pression sur les autres ressources ligneuses ;

152 Fondation pour l'Environnement et le Développement au Cameroun en abrégé FEDEC.

153 Il s'agit du peuple pygmée de la région du projet.

154 Depuis la réorganisation du gouvernement du 08 décembre 2004, c'est le Ministère des Forêts et de la Faune qui s'occupe de ces questions.

· La compétition d'accès aux ressources en eau entre les populations et le projet, surtout en ce qui concerne les essais hydrauliques. Le problème a été résolu en limitant le prélèvement pour les essais à 10 % du débit des cours d'eaux d'une part et en fixant le débit seuil d'autre part ;

· L'absence d'analyse des capacités nationales pour la mise en oeuvre du PGE. Ce qui a nécessité la mise en place d'un projet d'accompagnement visant le renforcement des capacités nationales en matière de gestion de l'envi ron nement.

Ce projet, comme celui de la route Bertoua-Garoua Boulaï est l'un des projets qui a suivi tout le processus d'une étude impact environnemental.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères sinon nous allons mourir tous ensemble comme des idiots"   Martin Luther King