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Les prérogatives de l'administration fiscale lors du contrôle

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par Amor HADJ TAHAR
Université de Sfax - Faculté de Droit de Sfax Tunisie - Mastère en Droit Public et du Commerce International 2007
  

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République Tunisienne ÇáÌãåæÑíÉ ÇáÊæäÓíÉ

Ministère de l'enseignement supérieur æÒÇÑÉ ÇáÊÚáíã ÇáÚÇáí

De la recherche scientifique et de technologie æÇáÈÍË ÇáÚáãí æÇáÊßäæáæÌíÇ

Université de Sfax ÌÇãÚÉ ÕÇÞÓ

Faculté de Droit de Sfax ßáíÉ ÇáÍÞæÞ ÈÕÇÞÓ

LES PREROGATIVES DE L'ADMINISTRATION FISCALE LORS DU CONTRÔLE

MEMOIRE

Pour l'obtention du Mastère en Droit Public et du Commerce International

Présenté et soutenu par

Amor HADJ TAHAR

Sous la Direction de Monsieur le Professeur

Néji BACCOUCHE

Jury :

Président :

Monsieur Mohamed SAYARI

Suffragants :

Monsieur Néji BACCOUCHE

Monsieur Sami KRAIEM

Année universitaire 2007 - 2008

 

La Faculté n'entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans ce mémoire. Ces opinions doivent être considérées comme propres à leur auteur.

« Chacun doute le mieux de ce qu'il connaît aussi le mieux. Non point, comme le spectateur veut dire, parce qu'il a éprouvé la faiblesse des preuves ; au contraire, parce qu'il en a éprouvé la force. Qui a fait peut défaire. Jusqu'au détail ; il est d'expérience que la preuve est essayée par un doute plein et fort. S'il craint de douter, la preuve reste faible. Euclide est un homme qui a su douter, contre l'évidence. Et la géométrie non euclidienne a dessiné l'autre d'un trait encore plus ferme. Je doute encore sur ce doute-là; ainsi naissent les idées, et renaissent ». Philonet ALAIN, Eléments de philosophie, Du doute, Folio essais, 2003, p. 259.

A la mémoire de mon père,

A la mémoire de ma mère,

A la mémoire de mon beau frère,

A mes deux soeurs et mes cinq frères et leurs enfants,

A ma femme Houda pour les encouragements et tous les sacrifices qu'elle a consentis pour permettre à ce travail de voir le jour,

A toute ma famille,

A mes amis et tous mes professeurs.

REMERCIEMENTS

Je tiens à exprimer ma profonde reconnaissance et ma gratitude à Monsieur le Professeur Néji BACCOUCHE pour son aide et sa présence constante dans l'encadrement de cette recherche. Ses nombreux conseils techniques, méthodologiques et bibliographiques ont été un encouragement permanent à la poursuite et au développement de ce mémoire.

Je remercie aussi Monsieur le Professeur Bernard PLAGNET qui m'a régulièrement prodigué ses précieux conseils.

Je remercie vivement Monsieur Sami KRAIEM pour le temps qu'il a consacré à mon travail : il m'a notamment permis une meilleure approche du sujet et m'a grandement aidé pour l'analyse de chaque partie.

Je remercie également Monsieur Hassine AMARA, conseiller au tribunal Administratif pour le temps qu'il a bien voulu m'accorder, pour les documents très riches qu'il m'a transmis ainsi que pour m'avoir fait part des fruits de sa réflexion.

Je remercie aussi les membres du jury pour l'honneur qu'ils me font de participer à la soutenance de ce mémoire.

J'adresse aussi mes remerciements aux responsables et agents de la Faculté de Droit de Sfax qui m'ont apporté un concours appréciable pour l'accomplissement de ce travail.

Je tiens enfin à exprimer ma reconnaissance et mes remerciements à tous ceux qui, d'une manière ou d'une autre, m'ont facilité l'élaboration de ce travail.

PRINCIPALES ABREVIATIONS

A.J.D.A

Al.

Art.

Art. préc.

B.D.C.F

B.F

C.A

C.C

CDPF

C.E

C.G.I

Ch. 

Chron.

Coll.

Comm.

Concl.

C.P.C.C

Cons.

D.

D.G.I

D.C.P.R

Déb.

R.D.F

Doct.

D.P

Ed.

Fasc.

Gaz. Pal.

Infra.

I.R

I.S

J.C-P.F

J.O.R.T

J.O.R.F

L.G.D.J

LPF

Litec.

Obs.

Op.cit

P.

P.U.F

R.D.P

R.F.F.P

R.F.D.A

R .J.F

R.S.F

R.T.D

R.T.F

Rapp.

Actualité juridique de droit administratif

Alinéa

Article

Article précité

Bulletin des conclusions fiscales

Bulletin fiscal Francis Lefèvre

Cour Administrative

Cour de cassation

Code des droits et procédures fiscaux

Conseil d'Etat français

Code général des impôts

Chambre

Chronique

Collection

Commentaire

Conclusions

Code de procédure civile et commerciale

Constitution

Dalloz

Direction Générale des Impôts

Direction de la Comptabilité Publique et du recouvrement

Débats

Revue de Droit fiscal

Doctrine

Dalloz périodique

Edition

Fascicule

Gazette du Palais

Ci-dessous

Impôt sur le revenu

Impôt sur les sociétés

Jurisclasseur procédures fiscales

Journal Officiel de la République tunisienne

Journal Officiel de la République Française

Librairie générale de droit et de jurisprudence

Livre des procédures fiscales

Librairie technique

Numéro

Observations

Ouvrage cité

Page

Presse universitaire de France

Revue de droit public

Revue française de finances publiques

Revue française de droit administratif

Revue de jurisprudence fiscale

Revue de science financière

Revue tunisienne de Droit

Revue tunisienne de Fiscalité

Rapport

Rec.

Rev.

Rev.adm

Suiv.

Sect.

Supra.

T.

T.A

T.G.I

Th.

T.V.A

V.

Vol.

Recueil

Revue

Revue administrative

Suivant

Section de contentieux

Suivant

Tome

Tribunal administratif

Tribunal de grande instance

Thèse

Taxe sur la valeur ajoutée

Voir

Volume

SOMMAIRE

Introduction

10

 
 

PREMIERE PARTIE : DIVERSITE DES PREROGATIVES DE L'ADMINISTRATION FISCALE

21

 
 

CHAPITRE I : MULTIPLICITE DES TECHNIQUES DE CONTRÔLE FISCAL

23

 
 

Section I : Multiplicité des moyens d'investigation

25

 
 

Section II : Dualité des formes du contrôle

49

 
 

CHAPITRE II : EXTENSION DU POUVOIR DE LA TAXATION D'OFFICE

58

 
 

Section I : Extension du champ d'application de la taxation d'office

59

 
 

Section II : Les effets de la taxation d'office

69

 
 

CHAPITRE III : PREROGATIVES REPRESSIVES DE L'ADMINISTRATION FISCALE

74

 
 

Section I : Les sanctions tendant à suppléer le défaut de déclaration

76

 
 

Section II : Les sanctions tendant à suppléer le défaut de paiement

79

Section III : L'exercice de l'action publique

83

DEUXIEME PARTIE : RATIONALISATION LIMITEE DES PREROGATIVES DE L'ADMINISTRATION FISCALE 89

 
 
 

CHAPITRE I : FORMALISME LIMITE A LA CHARGE DE L'ADMINISTRATION

91

 
 

Section I : Formalisme limité durant la procédure de contrôle

93

 
 

Section II : Formalisme limité à l'issue de la procédure de contrôle

107

 
 

CHAPITRE II : CONTRÔLE JURIDICTIONNEL LIMITE

115

 
 

Section I : Portée limitée de la démarche juridictionnelle

117

 
 

Section II : Timidité du juge de l'excès de pouvoir

134

 
 

Conclusion Générale

139

INTRODUCTION

Face aux systèmes fiscaux contemporains caractérisés par l'inflation de la législation fiscale d'une part et de l'ampleur de la fraude d'autre part, les prérogatives de l'administration fiscale sont devenues de plus en plus nécessaires pour faire respecter le devoir fiscal. Mais si on doit admettre qu'il est naturel d'attribuer à l'administration fiscale des prérogatives importantes pour collecter les fonds indispensables à la vie collective et pour juguler la fraude, encore faut-il que le contribuable soit, à l'instar du droit comparé, rigoureusement protégé contre l'arbitraire éventuel de l'administration et de ses agents.

En Tunisie, tout comme dans d'autres pays, l'administration fiscale doit faire face à des exigences contradictoires : l'effectivité du système d'imposition qui satisfait aux divers objectifs économiques et la justice fiscale qui répond au besoin d'une justice sociale, ainsi que le recouvrement des impôts, indispensables pour couvrir les dépenses publiques et les garanties du contribuable, conditions fondamentales d'un pays moderne et démocratique1(*).

Dire que l'administration fiscale est dotée d'un ensemble de prérogatives dont l'objet consiste à faire respecter le devoir fiscal, nécessite de définir ces prérogatives (I), de s'intéresser à l'identification de l'administration fiscale (II) et de déterminer l'importance de ces prérogatives (III).

I. Définition des prérogatives 

Les prérogatives de l'administration fiscale lors du contrôle peuvent être défini comme « l'ensemble des compétences et attributions de l'administration fiscale pour vérifier soit l'exactitude et la sincérité des déclarations, soit le caractère régulier d'une situation fiscale en l'absence de déclaration. Sa réalisation suppose que l'administration soit à même de recueillir les éléments d'information et d'opérer les constations matérielles qui lui permettent de déceler l'irrégularité et essentiellement d'en apporter la preuve »2(*) , d'où l'importance de savoir comment l'administration exerce ses prérogatives qui sont nécessaires pour la lutte contre la fraude et le maintien du devoir fiscal, tout en respectant les droits du contribuable qui sont devenus de plus en plus une exigence primordiale dans l'État de droit3(*) auquel la constitution tunisienne proclame, depuis 2002, son attachement4(*).

Le terme « prérogative » peut être défini comme étant «  un avantage, privilège attaché à une fonction »5(*).Ce concept doit être distingué d'autres notions voisines telles que la « compétence » qui désigne une «  aptitude reconnue légalement à une autorité publique de faire tel ou tel acte dans des conditions déterminées »6(*). La prérogative doit être également distinguée du « pouvoir » qui se définit comme étant « la capacité dévolue à une autorité ou à une personne d'utiliser les moyens propres à exercer la compétence qui lui est attribuée soit par la Loi, soit par un mandat dit aussi "procuration" »7(*).

Juridiquement, les prérogatives8(*) sont les procédés par lesquels l'administration remplit ses missions. En effet, pour accomplir ses missions, l'administration a besoin de moyens à la fois matériels (domaine public), financiers (finances publiques) et humains (fonction publique). Son activité s'exprime par le truchement d'actes : actes de droit privé ou actes administratifs, actes contractuels ou l'emploi de prérogatives de puissance publique.

La naissance du terme « prérogative » remonte au treizième siècle. En Angleterre, « Le texte dans lequel apparaît, semble-t-il pour la première fois, le mot « prérogative » date des années 1255-1290. Bien qu'anonyme, il ne faut pas sous-estimer l'importance de ce document intitulé « Praerogativa regis »9(*). La prérogative y est définie comme « privilegium regis ». Les privilèges féodaux du roi sont énumérés mais ils ne représenteront par la suite que les points secondaires de la prérogative...En 1267, le statut de Marlborough reconnaît les droits de prérogative du roi, mais durant tout le XIVe siècle, la prérogative sera réduite à la défensive »10(*).

Après la rupture avec la monarchie absolue et la naissance de l'État moderne11(*), le concept  «  prérogative » est devenu lié à la notion de « prérogatives de puissance publique ».

Qu'elle soit d'un usage fréquent dans le lexique juridique, cette notion demeure relativement difficile à définir de manière univoque. Ce paradoxe confirme l'affirmation selon laquelle, « en droit, comme ailleurs, il arrive de connaître sans comprendre »12(*). Il existe certes un certain nombre d'études juridiques se rapportant aux « prérogatives de puissance publique ». Mais, rares sont les études qui abordent prérogatives de puissance publique, en tant qu'objet d'analyse et de raisonnement. Ainsi, la notion de « prérogatives de puissance publique » fait partie des notions juridiques connues, mais qui demeurent équivoques et polysémiques. Elle renvoie, selon les contextes, à l'idée de compétence ou de pouvoir. Elle permet, par ailleurs, d'identifier la personne qui en est titulaire.

La distinction entre « prérogative » et « compétence » n'est pas aussi évidente que l'on peut penser. En effet, « Si l'on peut regretter la confusion terminologique ... entretenue par le droit positif,... les « prérogatives de puissance publique » peuvent d'abord s'analyser comme des compétences que l'ordre juridique interne reconnaît expressément à certaines personnes ou autorités publiques à raison des fonctions d'intérêt général qu'elles assument. Afin de réaliser les fins qui leurs sont imparties, celles-ci doivent bénéficier d'un faisceau de prérogatives ou de droits qui leurs confèrent une certaine supériorité, puissance ou immunité dans leurs rapports juridiques avec les autres sujets de droit. Aussi, ces droits ou prérogatives apparaissent, plus précisément, comme des pouvoirs, savoir des adjuvants ou attributs, nécessaires à l'efficacité de l'État afin qu'il réalise les fonctions d'intérêt général dont il est chargé »13(*).

L'État est dirigé par une administration et administré par des gouvernants élus et des fonctionnaires gouvernants. Pour assurer la sécurité de son territoire, la sécurité de ses citoyens ainsi que l'application des lois et règlements, l'administration ou l'État représenté par l'administration, a des prérogatives de puissance publique, des moyens de contrainte que les particuliers n'ont pas dans leurs rapports sociaux. Ces prérogatives ou privilèges de la puissance publique sont les divers moyens d'action ou de protection. Ces fonctions principales : fonction normative de soumission de la société à un ordre juridique, et fonction de prestation aux divers ayants droit impliquent que l'État puisse disposer de prérogatives exorbitantes du droit commun dans le but de satisfaire à l'intérêt général. Ces prérogatives sont nécessaires pour appuyer la puissance publique dans l'exercice de ses fonctions, en particulier d'assurer des services publics.

Ainsi présentées, les prérogatives de l'administration fiscale sont à la fois une exigence juridique et politique et une exigence économique dans la mesure où elles sont indispensables pour assurer l'égalité de tous devant l'impôt et pour garantir l'accomplissement du devoir fiscal14(*).

II. Identification de l'administration fiscale 

L'État se compose de plusieurs administrations et chaque administration est dotée d'un ensemble de prérogatives pour exercer ses fonctions qui ont pour objectif de servir l'intérêt général des citoyens. L'administration fiscale est l'une des administrations de l'État, elle dispose d'un ensemble de prérogatives qui désigne la faculté d'agir ou de contraindre légitimement le contribuable fraudeur pour faire respecter le devoir fiscal.

« L'administration fiscale est l'ensemble des organes par lesquels sont assis, contrôlés et recouvrés les divers impôts »15(*).

L'organisation de l'administration fiscale tunisienne remonte au décret n°91-556 du 23 avril 1991 portant organisation du ministère des finances16(*). L'article premier de ce décret dispose que : « Le ministère des finances comprend, outre le cabinet, le secrétariat général et le contrôle générale des finances :

- Le bureau central de l'organisation, des méthodes, de l'informatique et de la coordination régionale,

- La cellule de la conjoncture économique, des études et du suivi des réformes financières,

- la direction des affaires juridiques,

- Une administration centrale,

- Les services extérieurs ».

Aux termes de l'article12 (nouveau) du décret n°91-556 du 23 avril 1991 portant organisation du ministère des finances, tel que modifié par le décret n°2007-1198 du 14 mai 2007, «  l'administration centrale du ministère des finances comprend pour l'essentiel :

- La direction générale des douanes,

- La direction générale des études et de la législation fiscales,

- La direction générale des impôts,

- La direction générale des avantages fiscaux et financiers,

- La direction générale de la comptabilité publique et du recouvrement».

L'étude des prérogatives de l'administration fiscale lors du contrôle sera consacrée aux prérogatives de la direction générale des douanes, et de la direction générale des impôts.

Ce choix s'explique par l'importance des prérogatives reconnues à ces directions qui représentent l'administration fiscale. En effet, les prérogatives les plus importantes de l'administration fiscale restent celles d'investiguer, de vérifier, de taxer d'office et de sanctionner, ces prérogatives s'exercent par les directions citées lors du contrôle fiscal.

III. L'importance des prérogatives de l'administration fiscale 

On peut se demander dans quelle mesure  l'évasion fiscale et la fraude ne sont pas dues en grande partie au rapport de force qui prime dans les relations entre l'administration fiscale et le contribuable ? 

Certes, la fraude fiscale et les difficultés de recouvrement de l'impôt auxquelles est confrontée l'administration fiscale tunisienne ne sont pas uniquement dues à l'inefficacité des procédures fiscales actuelles, même si celles-ci constituent une raison essentielle. Les raisons sont multiples : la faiblesse du sens du devoir fiscal des citoyens, dans laquelle les agents des services fiscaux tunisiens voient généralement la cause de la fraude, la compétence des agents de l'administration fiscale, les moyens en matériel et en personnel inadaptés, la transparence de l'utilisation des impôts et la satisfaction du contribuable vis-à-vis de la prestation des services publics qui doivent être assurés par les pouvoirs publics.

La fraude fiscale est une réalité en Tunisie comme dans les autres pays. Elle menace les entrées budgétaires de l'État, mais aussi elle met en cause l'application correcte et efficace de la loi fiscale qui assure, au moins en théorie, une certaine justice fiscale et les conditions de libre concurrence. En conséquence, la fraude fiscale doit être efficacement combattue.

Il est donc indispensable que l'administration fiscale possède des prérogatives pour faire respecter les règles fiscales en cas de défaillance du contribuable, et surtout, pour pouvoir lutter, d'une manière efficace, contre les manoeuvres frauduleuses. Il est également important que les prérogatives de l'administration fiscale ne soient pas exercées au détriment des droits et garanties du contribuable.

L'utilité de mener un combat contre la fraude ne doit pas permettre à l'administration fiscale de s'octroyer elle-même des pouvoirs vis-à-vis du contribuable ; la nécessité de lui accorder des prérogatives ne veut pas dire non plus que leur emploi ne devra pas être contrôlé. Bien au contraire, il faut rationaliser ses prérogatives et les soumettre au contrôle car tout pouvoir arbitraire et sans contrôle est un pouvoir à l'encontre de l'esprit démocratique17(*).

Partant de ces données complexes, une question problématique se pose pour notre recherche : la nécessité des prérogatives d'une administration fiscale, en mutation continue, pour faire respecter le devoir fiscal a-t-elle tenu compte de l'exigence de respect des droits du contribuable sans pour autant permettre à ce dernier de frauder le fisc ?

On tentera de répondre à cette problématique en étudiant dans une première partie la diversité des prérogatives de l'administration fiscale et dans une deuxième partie la rationalité limitée des prérogatives de l'administration fiscale.

Première partie : Diversité des prérogatives de l'administration fiscale

Le système fiscal tunisien est un système déclaratif dans lequel « le paiement de l'impôt et la contribution aux charges publiques, sur la base de l'équité, constituent un devoir pour chaque personne »18(*).

Le système déclaratif suppose la collaboration loyale du contribuable et du fisc. Malheureusement cette collaboration volontaire fait souvent défaut. Il faut alors attribuer à l'administration fiscale des prérogatives de contrôle et de sanction, qui sont nécessaires pour assurer, par une assiette régulière, l'égalité devant l'impôt. « Le rendement de l'impôt et l'égalité devant l'impôt dépendent ainsi des pouvoirs du fisc ; sans ces pouvoirs, comment pourrait-on faire disparaître, ou tout au moins atténuer, la fraude à l'impôt qui fausse toute l'application des lois fiscales ? »19(*)

Dans l'objectif de mettre fin à cette fraude pour assurer à la fois le rendement et l'égalité de l'impôt, le législateur a dû multiplier les prérogatives de l'administration fiscale. Cela se manifeste à travers la multiplicité des techniques de contrôle (chapitre I), l'extension du pouvoir de la taxation d'office (chapitre II), et les prérogatives répressives que peut infliger l'administration fiscale (chapitre III).

Chapitre I : Multiplicité des techniques de

* 1 Ahmed ABA EL DARDA HASSANY, La justice fiscale dans les rapports entre l'administration fiscale et les contribuables étude de droit égyptien et de droit français, Thèse pour obtenir le grade de Docteur de l'Université de LilleII, discipline Droit public (fiscalité), le 06 juillet 2006, p. 3.

* 2 Claude GOUR, Joël MOLINIER, Gérard TOURNIE, Procédure fiscale, PUF 1982, p. 42.

* 3 L'État de droit est l'État dans lequel les pouvoirs publics sont soumis de manière effective au respect de la légalité par voie de contrôle juridictionnel, Petit Larousse illustré, 1996. Voir aussi Jacques CHEVALIER, L'État de droit, Montchrestien, E.J.A, 1992.

* 4 L'article 5 de la constitution de la République tunisienne dispose dans son alinéa 2 que : « La République tunisienne a pour fondements les principes de l'État de droit et du pluralisme et oeuvre pour la dignité de l'Homme et le développement de sa personnalité ».

* 5 Le Robert, dictionnaire pratique de la langue française, Ed., France loisirs, Paris, 2006, p. 1338.

* 6 Le nouveau Petit Robert de Paul ROBERT , dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française, 20ème édition, Paris, 2007, p.420.

* 7 Dictionnaire du droit privé de serge BRAUDO, http://www.dictionnaire-juridique.com/definition/pouvoir.php.

* 8 Ces prérogatives sont, pour reprendre une distinction du professeur Renés CHAPUS, Droit administratif général, T., I, 15ème éd., p. 469 et s. : - des prérogatives d'action : édiction d'actes unilatéraux, pouvoir de modification ou de réalisation unilatérale, etc. - ou des prérogatives de protection : monopoles légaux, intangibilité des ouvrages publics, imprescriptibilité du domaine public, insaisissabilité des biens et deniers publics, prescription quadriennale relative aux dettes des personnes publiques, etc.

* 9 Voir Frederic William MAITLAND, « The praerogativa Regis », The English historical review, avril 1891, p. 367-372. Cité par Christine COMBE, « Le pouvoir de dispense du roi : la prérogative dans l'Angleterre des XIIIe - XVIIe Siècles », Revue française de théorie, de philosophie et de culture juridique, n°25, 1997, p. 48-49.

* 10 Christine COMBE, « Le pouvoir de dispense du roi : la prérogative dans l'Angleterre des XIIIe - XVIIe Siècles », op. cit., p. 49.

* 11 Depuis le Moyen-Âge, l'État a acquis sa légitimité et élargi progressivement son champ d'action. Il s'est détaché peu à peu de la personne du Souverain pour devenir une abstraction recouvrant un ensemble d'institutions (politiques, juridiques, administratives, militaires ...) qui ont pour fonction d'organiser la société sur un territoire donné. Ce détachement supposait la distinction entre la propriété personnelle du souverain et le bien commun qui définit l'existence d'un espace public et marque la naissance de l'État moderne.

l'État moderne est aussi un État qui se dissocie du religieux, c'est-à-dire qui se sécularise en cherchant ailleurs qu'au ciel sa légitimité. Les philosophes anglais et français des 17ème et 18ème siècles fonderont cette légitimité sur le consentement d'hommes désormais considérés comme détenteurs de droits qui instituent leur liberté et (progressivement) leur égalité. C'est l'idée d'un contrat social entre la population qui accepte de se soumettre à l'autorité de l'État et donc d'abdiquer une part de sa liberté afin d'assurer le bien commun. En échange de cette soumission, l'État a la mission d'assurer la sécurité intérieure et la défense aux frontières et de faire respecter les droits reconnus par la loi. C'est ce que l'on appelle « l'État de droit ».

Pour qu'un État soit démocratique et respecte les libertés des personnes, il convient donc que la loi que l'État fait respecter soit l'expression de la volonté du plus grand nombre. C'est dans un tel État que l'individu devient citoyen, c'est-à-dire apte à concevoir que l'intérêt général dépasse son intérêt personnel.

Sur le long terme (à l'échelle des siècles) on observe un renforcement progressif des prérogatives de l'État et de son aptitude à s'imposer à tous.

N'exerçant d'abord que ses droits régaliens (légiférer, juger, battre monnaie, décider de la guerre et de la paix...), l'Etat s'est fait peu à peu l'organisateur de la vie économique et sociale : il fixe les règles du jeu économique, organise les relations et la protection sociale, prend en charge l'éducation des enfants et les services publics. On reconnaît désormais de nouveaux devoirs à l'État qui parallèlement quitte le seul terrain du public pour s'immiscer dans la sphère des relations privées. (Cette évolution connaîtra, au 20ème siècle de terribles dérives avec l'avènement de ce que l'on appelle depuis H. Arendt les États totalitaires, fasciste, nazi et stalinien qui prétendront contrôler la totalité de la vie et façonner un homme nouveau). Voir Mény DIDIER, Quel modèle économique pour demain ?, Table ronde : Un État fort ?,Colloque du 1er octobre 2005,

http://www.planeteradicale.org/contenu/docs/31/colloque%20%C3%A9conomique%20Dijon%201er%20oct%2005%201%C3%A8re%20table%20ronde.doc.

* 12 Herbert Lionel Adolphus HART, L'importance des définitions en droit, Le positivisme juridique, Ed., L.G.D.J., 1992, p. 90 et s.

* 13 Arnaud RACLET, Droit communautaire des affaires et prérogatives de puissance publique nationales, Thèse pour obtenir le grade de l'Université PANTHEON-ASSAS (Paris II), discipline : Droit communautaire, le 21 septembre 2000, p. 16.

* 14 Néji BACCOUCHE, « De la nécessité du contrôle fiscal », R.T.F, Faculté de Droit de Sfax, n°1, 2004, p. 13.

* 15 Pierre BELTRAME, La fiscalité en France, hachette, 4ème édition, octobre 1995, p. 131.

* 16 Voir décret n°91-556 du 23 avril 1991 portant organisation du ministère des finances, J.O.R.T, n° 30, 03 mai 1991, tel que modifié et complété par le décret n°92-950 du 18 mai 1992, J.O.R.T, n° 34 , 29 mai 1992, et le décret n°95-522 du 22 mars 1995, J.O.R.T, n°29, 11 avril 1995, et le décret n°2000-326 du 7 février 2000, J.O.R.T, n°14, 18 avril 2000.

* 17 Ahmed ABA EL DARDA HASSANY, La justice fiscale dans les rapports entre l'administration fiscale et les contribuables étude de droit égyptien et de droit français, op. cit., p. 13.

* 18 Article 16 de la constitution de la République tunisienne.

* 19 Louis TROTABAS et Jean-Marie COTTERET, Droit fiscal, Dalloz 1990, 6ème édition, p. 41.

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry