Une opposition partielle entre sciences et
technique
Pour les économistes J. Blanchet et L. Hottlet,
« l'ancien séjour symbolique de l'homme dans le monde est
impossible » (J. Blanchet et L. Hottlet, 1999, p46). Le monde
apparaît aux auteurs comme désenchanté par la
rationalisation des techniques et l'explicitation apporté par la
science. Sous ce point de vue, il existe une « altérité
profonde et irréductible entre la technique et le
symbolique »(Ibid. p47) , comme si l'objet technique,
conjointement produit avec les sciences, permettait de rationaliser le monde
alentours. L'utilisateur des techniques serait donc plus à même de
rationaliser le monde, de le désenchanter, de le connaître.
Dans un contexte où le développement de
nouvelles techniques semble mené par des préoccupations
socio-économiques, et où le renouvellement perpétuel des
objets ne permet pas leur appropriation, rien ne semble moins sure. Si la
science crée du savoir on peut se demander si la technique crée,
chez certains utilisateurs, de la superstition ou de la rationalisation. La
multiplication des interfaces techniques entre le monde naturel et l'homme ne
permet pas de saisir tout les tenants et les aboutissants des savoirs ayant
permis de les développer.
Le monde technologique nous entoure de plus en plus d'objets
que nous ne saisissons peut être pas. Dans ces conditions il semble
difficile d'affirmer que le monde est désenchanté par les
techniques sans se poser la question de l'appropriation des techniques.
Glisser vers l'appel à l'autorité
La dérive du mot « technique »
vers le terme abusif « technologique » est
révélatrice de la rationalisation scientifique de la technique
que l'on met en avant dans nos sociétés. L'utilisation nouvelle
de ce terme est concomitante à l'ouverture du marché mondial aux
productions industrialo-technico-scientifique (J.P. Séris, 2000). Si la
science est aujourd'hui le symbole de la rationalité croissante de notre
société, elle influence le champ alentour de la technique qui
profite de son aura de légitimité pour se transformer alors en
technologique. Ce mot, issu de l'anglicisme technologic, engage avec
lui tout le complexe technico-scientifique sous la pression du marketing
industriel afin d'ajuster les besoins et les ventes à la nouvelle offre
produite par l'innovation technologique. Ces produits, présentés
comme autant de révolutions techniques incessantes, peuvent
détourner l'utilisateur de leurs fonctionnements et l'orienter vers le
besoin crée.
Mais la technique est autre chose que la science et sa
légitimité est toute autre. Les méthodes scientifiques
veulent permettre la construction de savoirs à travers la science qui
s'impose comme rationalisation du monde. L'objet technique, jouit de cette
image rationnelle et forte, de réflexion humaine, de construction et
d'avancée scientifique. Cette perméabilité dans les champs
de la science et de la technique se fait entre autres au travers du sophisme
d'appel à l'autorité. « L'appel à
l'autorité invoque, à l'appui d'une conclusion, le fait qu'elle
soit partagée par une personne ou une institution qui dispose d'une
position d'autorité. » (Ringuet J.N., 2007). Ici la science ne
joue pas uniquement un rôle d'argumentation de la technique mais peut
imposer une légitimation dans les construits sociaux en dehors de son
domaine d'activité.
Cet appel à l'autorité peut empêcher tout
esprit critique ainsi qu'une certaine autonomie intellectuelle.
|