WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Recherches sur la conformité du droit national au droit communautaire de la CEMAC : Le cas de la Taxe sur la Valeur Ajoutée

( Télécharger le fichier original )
par Dieudonné TONGA
Université de Yaoundé II-Soa - Diplôme d'Etudes Approfondies en Droit Public-option Droit Public Interne 2008
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

CONCLUSION GENERALE

En définitive, à la question de savoir si la législation camerounaise relative à la TVA est conforme à celle communautaire en la matière, la réponse doit être nuancée. L'analyse a en effet révélé l'attitude ambivalente du législateur camerounais. D'une part, ce dernier reprend fidèlement les grands principes qui gouvernent le droit communautaire de la TVA. Certains de ces principes sont afférents à l'imposition. Il en est ainsi du principe de territorialité ; il en est de même du principe de neutralité. D'autres sont relatifs à la perception. Il s'agit respectivement du fait générateur et de l'exigibilité.

Cette fidélité va au-delà de l'esprit du texte communautaire pour toucher sa lettre. Elle donne l'impression d'une transcription, c'est-à-dire, selon Geneviève KOUBI, d' « une introduction des normes communautaires en droit interne sans travail spécifique de reformulation »339(*). A la vérité, le législateur camerounais n'a pas eu d'efforts particuliers à fournir pour la réalisation de cette conformité qui est comme le fruit du hasard. Et pour cause, la TVA a été instituée au Cameroun par la loi de finances 98/99 et est entrée en vigueur le 1er janvier 1999, alors que la Directive CEMAC relative au même impôt existe seulement depuis le 17 décembre 1999. Cette antériorité du texte national sur celui communautaire, permet légitimement de penser que le second aura été inspiré par le premier. Il ne faut pas s'en offusquer outre mesure. Car l'osmose du droit communautaire avec les droits nationaux peut également se réaliser par des mécanismes d'interaction, les droits nationaux inspirant le droit communautaire qui les irradie en retour340(*).

En l'espèce, il n'y a donc pas eu un travail de transposition, c'est-à-dire, d'adaptation de la réglementation ou de la législation internes à la directive CEMAC mais, à l'inverse, une irrigation profonde du droit communautaire par celui national.

D'autre part en revanche, le droit national s'éloigne du communautaire matériel de la TVA et présente des traits d'originalité. Une originalité pour partie compatible avec le droit communautaire, basée sur le respect de l'esprit de ce dernier mais ne se privant pas de modifications de sa lettre. Cela a pu être vérifié notamment en ce qui concerne le droit à déduction des assujettis partiels où le législateur camerounais a prévu, à côté du système du prorata de déduction communautaire, le système des secteurs distincts d'activités. Le même constat est valable en ce qui concerne les modalités de paiement de l'impôt, le droit camerounais complétant celui communautaire en instituant, en plus du système du paiement direct, la formule de la retenue à la source.

Mais il s'agit aussi d'une originalité pour l'autre partie coupable de non-conformité au droit communautaire. Preuve en a été apportée à travers la mention de l'existence d'exonérations autres que celles prévues par la directive TVA, et ce en dépit de l'interdiction formelle du droit communautaire. Il en est de même de la pratique d'un taux de TVA supérieur à la fourchette communautaire, ou encore de la consécration de deux taux de droits d'accises là où le droit communautaire ne permet d'en retenir qu'un à l'intérieur de la fourchette qu'il fixe. Il en est de même enfin de la soumission des opérations connexes au taux de TVA de droit commun, en violation de la directive qui prévoit que ces opérations soient taxées au taux zéro, au même titre que les exportations dont elles sont le nécessaire accessoire.

Au demeurant, ces violations du droit communautaire ne sont pas l'apanage du Cameroun. Le parcours, même furtif, des législations fiscales des autres Etats membres de la CEMAC laisse en effet apparaître une violation presque généralisée341(*) du droit communautaire en matière de TVA. Pour s'en convaincre, il faut s'attarder un moment sur les taux pratiqués par les différents Etats. En rappel, la directive TVA reconnaît aux Etats la faculté d'arrêter librement un taux à l'intérieur d'une fourchette comprise entre 15 et 18 %. Or, il est loisible de constater que la plupart des Etats ne respectent pas cette exigence et arrêtent allègrement, à côté d'un taux général, un taux réduit de TVA. Il en est ainsi du Congo Brazzaville qui pratique un taux général de 18 % et un taux réduit de 8 %342(*). Le même taux général est pratiqué par le Gabon, avec un taux réduit de 10 %343(*). Enfin, la Guinée Equatoriale pratique un taux général de 15 % et un taux réduit de 6 %344(*).

Outre que la directive n'offre pas aux Etats la possibilité de pratiquer plus d'un taux de TVA, les taux réduits retenus par les Etats précités se situent largement en deçà de la fourchette arrêtée dans le cadre du droit communautaire. Ils sont sources de distorsions diverses qui font échec au marché commun.

Les violations du droit communautaire concernent aussi le régime des transports inter CEMAC. Il faut à cet effet rappeler qu'au sens de la directive345(*), les opérations de transport Inter CEMAC sont réputées réalisées dans l'Etat du domicile ou de la résidence habituelle s'il s'agit d'un transporteur individuel, ou du lieu du siège s'il s'agit d'une société. Pour l'application de cette disposition, il est indifférent que le principal de l'opération soit réalisé hors de cet Etat. L'affectation de cette catégorie d'opérations à l'Etat du domicile ou du siège du transporteur a pour but la réalisation de l'imposition de ces dernières dans cet Etat. En effet, toujours selon la directive, « sont soumises à la TVA, toutes les affaires réalisées dans un Etat, non comprises dans la liste des exonérations prévues à l'article 6 »346(*).

Or, certains pays de la sous région, notamment la Guinée Equatoriale, exonèrent purement et simplement cette catégorie d'opérations347(*). Ce qui, ici encore, est source de distorsions. D'autres encore comme le Gabon et le Tchad assimilent ces opérations aux exportations et les taxent au taux zéro348(*).

A l'analyse, cette violation généralisée du droit communautaire est imputable à l'absence d'un système de sanctions en zone CEMAC. Le jurislateur communautaire ne semble pas en effet avoir été particulièrement préoccupé par la mise en place de mesures appelées à garantir l'effet utile du droit qu'il a institué. Ce dernier s'apparente ainsi à un droit mou, dépourvu de toute force et reposant tout entier sur la bonne volonté des Etats qui l'ont formé. Cette bonne volonté, nous l'avons démontré, fait encore cruellement défaut aux Etats de la sous région CEMAC. Ces derniers sont du reste confortés dans leurs carences par le laxisme des instances communautaires. Ainsi, la plupart des Etats membres reconnaissent n'avoir jamais été interpellés par le Secrétariat Exécutif de la CEMAC pour manquement éventuel aux prescriptions du droit communautaire349(*). Non pas que les violations manquent, loin s'en faut. Il y a simplement que le Secrétariat Exécutif ne dispose pas lui-même de moyens efficaces permettant d'assurer la pleine réalisation du droit communautaire.

Il n'en va pas de même en Europe où la construction communautaire est allée de pair avec la mise en place d'un système de sanctions à la fois politiques et juridictionnelles. En particulier, c'est la CJCE qui a développé pour la première fois la théorie de la responsabilité de l'Etat pour violation du droit communautaire350(*) et admis l'exigence de réparation des dommages causés aux tiers par lesdites violations.

Sans doute la réalisation effective du marché commun, objectif ultime de la mise en place de la CEMAC passera-t-elle par la mise en place d'un véritable système de sanctions à l'échelle communautaire. Car, « si la loi peut être impunément violée, elle est inutile et permet seulement le mauvais exemple d'une désobéissance impunie »351(*). En revanche, une mesure a d'autant plus d'effet que l'Etat contre lequel elle est dirigée a à perdre à ne pas s'y conformer ; elle n'a d'intérêt que si l'organisation qui en prend l'initiative est soucieuse, voire capable de la faire respecter352(*).

Il reste entendu qu'il ne suffira pas de mettre en place un système de sanctions. Il faudra encore en assurer l'effectivité et l'efficacité.

* 339 G. KOUBI, « Transposition et/ou transcription des directives communautaires en droit national » op. cit., p. 625.

* 340 Idem, p. 620.

* 341 Seuls le Tchad et la République Centrafricaine se montrent respectueux du droit communautaire en matière de taux de la TVA, les deux pays ne pratiquant qu'un taux unique de 18 %.

* 342 Voir www.congo-site.biz/v1x/invstfisc.php

* 343 Voir article 177 ( nouveau ) de la loi de finances rectificative pour 2004.

* 344 I.R. NGOLLE V, L'harmonisation de la fiscalité indirecte dans l'Union Européenne et dans la Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale : Approche comparative au regard de la TVA, Mémoire de DESS, Université de Paris Dauphine, op. cit., annexe 2.

* 345 Article 9.

* 346 Idem.

* 347 I.R. NGOLLE V, op. cit. annexe 1.

* 348 Idem.

* 349 I.R. NGOLLE V, op. cit. annexe 1.

* 350 CJCE, 19 novembre 1991, Andréa Francovich c/ République italienne, op. cit.

* 351 G. RIPERT, Les forces créatrices du droit, op. cit. p. 319.

* 352 I. PINGEL (sous la direction de), Rapport introductif, In Les sanctions contre les Etats en droit communautaire, op. cit. p. 12.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand