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Le baccalauréat: Un rite de passage dans une société moderne occidentale comme la France ?

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par Abdou Khadre LO
Université de Caen Basse-Normandie - Maîtrise de Sociologie 2000
  

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B. LA SOCIETE FRANCAISE EST ELLE DERITUALISEE ?

Nous n'inventons rien en soulignant que cette fin de vingtième siècle voit l'écroulement de bien des mythes et croyances collectives ( la dernière de ces grandes croyances pouvant être le communisme). Cet effondrement des croyances collectives se constate tant dans le domaine du religieux que dans celui du politique ou du familial. Les fêtes comme les deuils collectifs à grande échelle s'effacent au profit d'un repli sur l'intime. Notre vie moderne semble obéir implacablement à une loi d'individualisation et de privatisation. C'est de la vie privée qui prend le dessus sur la vie publique dont il s'agit ici.

Nous semblons privilégier la sociabilité primaire sur notre sociabilité secondaire.

Nous sommes plus sensibles à ce qui surgit ici et là, même marginalement, dans les petites communautés ; les faits presque ordinaires, les condensations qui ne durent pas, la « joie par spasmes » et la « douleur par hoquets » des groupes éphémères dont parlait déjà Jules Romain dans un texte de 1911.

A ces considérations anthropo-sociologiques nous ajoutons un constat purement sociologique. En effet, la logique marchande, à son tour, offre à la société contemporaine sa rationalité économique qui aujourd'hui paraît inéluctable.

Le développement accru des sciences et des techniques accompagné de la progression des savoirs et de l'explosion des télécommunications viennent renforcer les croyances en l'efficacité de la rationalité et l'utilitarisme. Un utilitarisme pratique et surtout scientifique. On veut établir la relation de cause à effet, et ce de manière scientifique.

Le médecin moderne a déchu le chaman de Levi-Stauss car le citoyen consommateur accorde sa foi à l'efficacité matérielle plutôt qu'à l'efficacité symbolique. Pourtant ,nous le rappelons, la ritualité est essentiellement affaire de symbolisme.

Le chaman n'est plus efficace, sa potion semble ne plus faire d'effet et surtout trouve moins de demandeurs. Cela parce qu'aujourd'hui, l'homme occidental arrive au monde dans une mise en scène scientifique et rationnelle ou bien pour emprunter la métaphore de Pierre Legendre, « il naît dans un théâtre chirurgical » 1(*).

En même temps cette modernité tant prônée se révèle créatrice de désordres, détruisant les liens sociaux qui se sont historiquement constitués. Et la rationalité, l'efficacité, l'utilitarisme masquent des phénomènes qui parfois surgissent brutalement de façon irrationnelle et explosive. Cette rationalité, qui donc a relégué le religieux dans le domaine du privé, a du mal à contenir quelques spasmes d'irrationalité. Sans insister sur cela, nous voulons pour exemple la prolifération des sectes sataniques ou autres.

Nous sommes ici pleinement dans le domaine du désenchantement du monde, cher à Max Weber.

Autrefois, Bergson a pu parler d'une frénésie industrielle et technicienne où la société risque de se clore sur ses oeuvres. Mais ses oeuvres ne tuent pas la société d'inventer, de rêver mais surtout de croire. Et la grande nouveauté aujourd'hui est que l'individu a quitté les certitudes d'antan, les ordres hiérarchiques figés et la représentation fixe pour des convictions moins figées, beaucoup plus flexibles ( pour rester dans le thème de la modernité ).

En effet, des mythes apparaissent et disparaissent et de nouveaux comportements et des conduites rituelles porteuses de significations sont perceptibles dans la vie de tous les jours des français.

La société française s'est peut-être détachée, dans une grande partie (qui est essentiellement celle des jeunes), de toute divinité transcendante ; elle refuse toute sorte de dépendance irrationnelle à un ou des êtres supérieurs, mais ne s'est pas

départie pour autant de toute forme de ritualité, surtout s'il s'agit de rites profanes.

Les rites profanes étant dépourvus de signification religieuse et échappant aux dimensions du sacré.

Un rite profane peut aussi se définir comme étant un rite qui travaille, selon Claude Rivière1(*), « sur les relations sociales davantage que le rite religieux, lequel est plus rigide et se fonde d'abord sur le rapport à des puissances sacrées ». Dans le rite profane donc, le rapport au mythe initial ( tel qu'il est développé par Durkheim et Mauss) peut être remplacé par un rapport à des valeurs qui énoncent un ordre social plutôt qu'un ordre religieux.

Mais le terme de rite profane ne doit pas être utiliser inconsidérément et dans

un sens peu ou mal défini. Pour qu'il y ait rite nous pensons, comme Rivière, qu'une mise en scène instituée à signification symbolique, renvoyant à des valeurs, ayant l'aspect de communication codée, respectant un ordre précis et donnant lieu à des comportements répétés est nécessaire. En est-il ainsi de la scolarité de l'enfant ? En est-il, surtout, ainsi du passage du baccalauréat ? Nous le verrons un peu plus loin.

Pour en revenir à la question de la déritualisation de la société française, il faut préciser que deux schémas s'opposent. En effet pour parler de rite de passage dans une société moderne comme la France, deux idées toutes aussi réductionniste l'une que l'autre s'offre à nous : soit conforter l'idée selon laquelle, il y a une déperdition des rituels en France ; soit au contraire en voir partout. Nous essaierons, autant que faire se peut, d'éviter ces deux écueils.

II faut d'abord rappeler qu'historiquement, autant que les faits de parenté, les faits portant sur le rite ont été au coeur des analyses des premiers anthropologues, qui cherchaient à retrouver les formes primitives de la famille ou de la religion dans les mondes lointains qu'on découvrait alors systématiquement dans la seconde moitié du vingtième siècle.

En effet, parce pue la société moderne occidentale a spécifié et trié en domaines

distincts et séparés, parce qu'elle a dénoué l'intrication des faits sociaux, les rites étaient conçus comme centraux pour ces sociétés dites lointaines2(*). Ces rites étaient centraux, dans la mesure où ils organisaient la vie individuelle - par des cérémonies telles que la cérémonie d'initiation - et la vie collective par une assignation des formes de pouvoirs qui sont politiques, religieux etc.

C'est donc ce retrait du rite en tant qu'organisateur central de la vie qui a amené certains auteurs à voir dans les sociétés modernes un lieu où les rites profanes ont fortement décliné.

I. Du déclin des rites.

Il faut souligner le fait qu'il semble plus aisé de parler du déclin des rites de passage dans les sociétés modernes occidentales que d'évoquer leur prolifération.

Pour des auteurs tels que Max Gluckman, les rites ( qu'ils soient de passage ou autres) n'existent que dans les sociétés primitives, il n'y en a pas dans les sociétés civilisées contemporaines. Ce qui ressemble au rituel dans ces sociétés, il l'appelle

« cérémonie » parce que les « civilisés contemporains » ne croient pas à l'efficacité magique du rite ni aux forces surnaturelles qu'il vise à apaiser. Gluckman reste de ce fait fidèle à une vieille tradition : la tradition de Taylor pour qui le rituel était à opposer à la rationalité et devait de ce fait disparaître dans la société civilisée, chassée par le progrès de la raison.

Cela nous ramène toujours à une question standard : Avec un processus de

sécularisation toujours plus rapide et un désenchantement du monde qui semble avoir atteint un point culminant, comment penser la ritualité qui est rejetée du coté du magique alors que la modernité a résolument opté pour le rationnel? Les rites semblent avoir épuisé leur sens dans la société techno - scientifique.

Pour parler du déclin des rites de passage dans les sociétés modernes, deux exemples classiques sont souvent donnés par les auteurs : l'exemple du mariage et celui de l'école et ses cérémonies. Deux exemples auxquels nous pouvons ajouter celui du service militaire.

1. Le mariage

II y aurait aujourd'hui une désaffection pour le mariage ou plus exactement pour tout le cérémonial qu'il comprend. Quelle signification cela revêt-il? La cérémonie est aujourd'hui voulue plus simple, moins religieuse. De telles manifestations sont, en effet assimilées, selon Ségalen, aux mariages encore arrangés de la génération précédente. Aujourd'hui à l'apparence sociale on préfère la vérité de l'amour tout en privilégiant l'individu sur le collectif. Ainsi, « en ne se mariant pas, c'est à un engagement public et social que l'on renonce volontairement »1(*)pense la sociologue.

Le mariage n'est donc plus le passage obligé avant la vie de couple. « Le mariage des jeunes fait de moins en moins figure d'établissement ; ce n'est plus une coupure, un rite de passage qui fait accéder à l'âge adulte, surtout lorsqu'il y a eu cohabitation prénuptiale »2(*).

Si nous approuvons Ségalen dans son analyse lorsqu'elle soutient que le mariage perd de sa force par la presque disparition du cérémonial qui l'accompagnait, nous ne la suivons plus lorsqu'elle cesse d'y voir un rite de passage.

En effet, indéniablement, les cérémonies religieuses sont moins marquantes si elles n'ont pas simplement disparu de beaucoup de mariage. Cela semble s'inscrire assez logiquement dans le recul du religieux et du transcendant en général. Mais ne considérer le mariage que sous son angle religieux, cérémoniel, c'est le réduire considérablement. Le mariage a, en effet, la particularité de pouvoir être célébré doublement : religieusement et civilement. Donc il peut être considéré autant comme un rite religieux, sacré qu'un rite profane ou toute signification divine a disparu. Le déclin de la première célébration entraîne t- il la chute de la seconde ? Rien n'est moins sûr.

Par ailleurs lorsqu'elle considère que le mariage des jeunes n'est plus une coupure, un rite de passage surtout lorsqu'il y a eu cohabitation, nous sommes en partie d'accord. En effet, pour ceux qui ne se marient pas parce qu'ils veulent rester en concubinage, le mariage ne constitue évidemment pas un passage obligé. Par contre, pour ceux qui décident de « franchir le pas », de s'unir, le passage est réel et symbolique. Même s'ils ont cohabité auparavant, le fait de s'unir prouve que les époux ne renoncent pas à l'engagement « public et social » dont parle la sociologue. Il y' aura pour eux : un avant et un après le mariage. Il y' aura un changement de statut.

Pour ne pas trop nous focaliser sur ce sujet qui n'est pas celui qui nous mobilise en particulier, nous dirons qu'il y a incontestablement, déclin des mariages ( le nombre de mariage allant en décroissant) mais que l'acte du mariage reste toujours un rite de passage pour ceux qui l'accomplissent. Nous pouvons y noter aisément les trois étapes du rite de passage qui une fois franchies changent leur statut.

Aujourd'hui les mariages se font moins nombreux. Cela signifie que les rites liés au mariage décroissent, donc déclinent ; mais d'autre part, l'efficacité symbolique de cette forme d'union reste intacte pour ceux qui la choisissent.

* 1 Legendre. P, La fabrique de l'homme occidental, Arté-Editions, Mille et une nuit, 1996, p.12.

* 1 Rivière. Cl, Les rites profanes, Paris, Presse Universitaire de France, 1995.

* 2 Nous avons vu plus haut la dichotomie entre sociétés lointaines et sociétés proches.

* 1 Ségalen. M, Rites et rituels contemporains, op. cit., p.23.

* 2 Lorquin. Claire 1993, « albums de bébe », in Ségalen M et Le Wila Béatrix (dir), objets et décors : des créations familiales ? Autrement, 137, mai, pp.182-196.

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