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Le baccalauréat: Un rite de passage dans une société moderne occidentale comme la France ?

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par Abdou Khadre LO
Université de Caen Basse-Normandie - Maîtrise de Sociologie 2000
  

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2. L'école.

Le déclin de la ritualité se manifesterait aussi au sein de l'école. S'il y a un lieu où la ritualité semble avoir perdu beaucoup de terrain, c'est bien l'école. D'ailleurs lorsque nous avons fait part, aux directions des établissements cités plus haut, de notre projet de mémoire, nous avons noté le plus souvent des réactions de surprise. C'est essentiellement le personnel enseignant qui nous disait que la ritualité avait beaucoup décliné sinon totalement au sein de l'école.

Il est peut être utile de préciser ici la procédure qui nous a permis d'interroger les élèves. Une fois que nous avions trouvé l'accord du proviseur nous permettant de mener notre enquête, il fallait trouver les emplois du temps des différentes classes de terminale ou de première année de BTS. Aussi nous intervenions au début du cours pour exposer brièvement au professeur et aux élèves notre projet. A la suite de cela, nous distribuons de petits formulaires qui servaient à ceux qui voulaient bien nous aider dans notre recherche d'y mentionner leurs coordonnées et leur numéro de téléphone. A la fin du cours nous récupérions les formulaires. Ce qui nous permettait de pouvoir les contacter plus tard pour trouver un horaire d'entretien.

C'est pendant ces séances de prise de contact que certains professeurs nous ont fait part, assez brièvement, de leur sentiment. Il faut souligner que les enseignants étaient assez peu disponibles pour nous accorder des entretiens. Un professeur de philosophie au lycée Jean Fresnel nous disait ainsi : « C'est sûr que s'il y a encore un rite, à l'école, dans les lycées je veux dire, c'est bien le baccalauréat. On est tous là pour ça ». Nous reviendrons sur l'importance de ce « on est tous là pour ça » dans notre chapitre « Efficacité sociale et symbolique du baccalauréat ». Pour le moment qu'en est - il des rites dans l'école ?

Des auteurs comme Maisonneuve notent une tendance considérable à la baisse voire même une disparition (du moins en France) des cérémonies scolaires telles que les remises de prix, les remises de diplômes, les symboles vestimentaires et emblématiques, les cérémonies de promotion et des solennités d'examens. Mais cela signifie - t- il pour autant que toute forme de ritualité a disparu au sein de l'école française ? Rien n'est moins sur.

A partir de ces deux exemples (et de beaucoup d'autres, bien entendu, une tendance pessimiste s'est dégagée chez certains auteurs pour analyser le déclin des rites de passage aujourd'hui. Ainsi le diagnostic est très cinglant et n'accepte d'être mis en doute : « les rites de passage perdent de leur force symbolique et de leur pouvoir de scansion » pour reprendre les termes de Olivier Galland dans sa Sociologie de la jeunesse.

Deux Tentative d'explication de ce déclin sont avancées.

- La première reprend l'idée de G. Balandier 1(*) selon laquelle les sociétés traditionnelles ont un fonctionnement basé sur le principe de hiérarchie. Une hiérarchie des genres : l'homme se trouve au-dessus de la femme, et une hiérarchie des âges, l'enfant obéit à l'adolescent qui lui-même obéit à l'adulte. Le droit d'aînesse et la séniorité ont tous leur pouvoir dans ces sociétés. La hiérarchie est établie et

respectée. Elle fait du père, parce qu'il a engendré, le modèle de supériorité et de l'autorité naturelle. Elle fait du contrôle des femmes l'instrument privilégié des inégalités sociales.

Dans les sociétés modernes par contre, ce principe de séniorité ne semble plus être de mise. Comme le dit le dicton, la valeur n'y attend point le nombre des années. Et le mâle adulte n'y est plus le référent, il n'y a plus le prestige qu'il pouvait avoir autrefois. II semble lui-même être plus animé par le désir de rester jeune et actif que par tout autre statut que confère un âge avancé gage de respect et de considération à priori.

Donc le déclin des rites qui marquent normalement le passage de la jeunesse à l'âge adulte pourrait en partie être lié à la perte de prestige du mâle adulte qui est  moins unanimement respecté qu'autrefois selon O. Galland.

Nous pouvons ajouter à cette explication, qu'on peut qualifier de psychologique, une autre raison : celle de l'émergence et l'imposition de l'individualisme comme valeur suprême. La société moderne est une société où le « Nous » ne prime plus sur le « Je ». On y encourage l'initiative individuelle et le choix personnel. L'homme occidental a une existence subjectivée ; il est reconnu en tant que personne privée pouvant exprimer son individualité avant toute appartenance collective. L'affirmation : « maman c'est ma vie, j'en fais ce que je veux » est, pour nous africain, typique de l'homme moderne occidental.

En plus de toute considération, il faut prendre en compte - comme le suggère Ségalen pour expliquer l'effacement des rites - le fait que le rite nécessite un espace et un temps distincts. Or cette distinction est difficilement repérable dans la société française car « s'est opérée une disjonction des lieus où se font les passages religieux, scolaire, professionnel, sportif ou civique, alors que ces champs sont conjoints dans les sociétés qui ont servi de référent à l'élaboration des théories sur le rituel, qu'il s'agisse des rites religieux ou des rites de passage »1(*).

- La seconde tentative d'explication du déclin des rites de passage est liée encore une fois à la scolarité. En effet l'école est perçue dans cette optique comme un cadre d'uniformisation qui fixe pour tous ceux qui y évoluent, plus ou moins , le même cheminement à suivre, les différentes étapes de la vie. L'école serait aussi quelque part responsable de l'allongement des modes d'accès à l'âge adulte, les jeunes poursuivant des études de plus en plus longues.

Nous contestons ce reproche fait à l'école car nous ne confondons pas accès à la vie active, professionnelle et accès à l'âge adulte. Est-ce que le fait, par exemple, qu'un étudiant en troisième cycle (âgé de 26 ans et non salarié, ) soit toujours à « l'école » fait de lui une personne n'ayant pas accédé à l'âge adulte? Nous répondons évidemment par la négative. Nous pensons qu'il n'est effectivement pas dans le monde des actifs, au sens où l'entend l'INSEE, mais qu'il n'en est pas moins adulte. A moins qu'on assimile, sans mesure, le statut d'adulte à celui d'actif ou d'ancien actif. Nous verrons plus loin que les élèves ont une idée très différente de celle-ci lorsqu'il s'agit d'être adulte. Pour le moment considérons le déclin d'un autre rite de passage très particulier : le service militaire.

* 1 Balandier. G, Anthrop-logique, Puf, Paris, 1974.

* 1 Ségalen. M, Rites et rituels contemporains, op. cit., p.24.

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