Chapitre II.
L'établissement du principe de la
responsabilité de
l'État par la Cour de justice des
Communautés
européennes.
30.- Le mécanisme de sanction des faits de violation
du droit communautaire par des États membres a été
développé en pratique, à travers de l'engagement de la
responsabilité de l'État par voie de jurisprudences
communautaires (Section Ière). La Cour de justice, en même temps,
a précisé les conditions de mise en oeuvre de cette
responsabilité dans divers arrêts (Section II).
Section Ière.
L'établissement progressif de la
responsabilité des États
membres par voie des jurisprudences communautaires.
31.- La Cour de justice des Communautés
européennes a reconnu implicitement très tôt le principe
général de la responsabilité des États membres par
voie jurisprudentielle. Cependant, la référence à
l'engagement de la responsabilité de l'État restait toujours dans
le régime national avant l'arrêt révolutionnaire de
Francovich (A). A partir de cet arrêt, le développement
postérieur (B) continue de consolider et de préciser la
portée et les conditions de ce principe.
A. Avant l'arrêt Francovich, la responsabilité
de l'État reste dans le régime national.
32.- Le principe de la responsabilité de l'État
en cas de violation du droit communautaire n'est pas une idée nouvelle.
En effet, dès les années 60, la jurisprudence de la Cour de
justice des Communautés européennes a exprimé des
affirmations concernant l'obligation de réparation. Dans son arrêt
Humblet c/ État Belge, la Cour a considéré que,
si elle « constate dans un arrêt qu'un acte législatif ou
administratif émanant des autorités d'un État membre est
contraire au droit communautaire, cet État est obligé, en vertu
de l'article 86 du traité CECA, aussi bien de rapporter l'acte dont il
s'agit que de réparer les effets illicites qu'il a pu produire
»34.
33.- Pendant trente ans après l'affaire Hum
blet, la jurisprudence concernant ce problème est très
nombreuse. La Cour de justice des Communautés européennes a
néanmoins toujours restreint l'obligation de l'État membre de
réparer les préjudices causés aux particuliers sur les
dispositions et les conditions prévues par le droit national. Par
exemple, dans son arrêt Russo quant à la
méconnaissance de la portée d'un règlement communautaire,
la Cour de justice des Communautés européennes a
déclaré que « dans le cas où un tel préjudice
aurait été causé par le fait d'une violation du droit
communautaire, il incomberait à l'État d'en assumer, à
l'égard de la personne lésée, les conséquences dans
le cadre des dispositions du droit national relatives à la
responsabilité de l'État »35.
34.- La responsabilité pour les violations du droit
communautaire ne trouvait son fondement que dans le droit national,
jusqu'à la révolution de l'arrêt Francovich du 19
novembre 1991.
34 CJCE, 16 décembre 1960, Humblet c/ État
belge, aff. 6/60, Rec., p. 1125, n° 7.
35 CJCE, 22 janvier 1976, Russo c/ AIMA, aff. 60175,
Rec., p. 45, n° 9.
|