Section II. Les conditions communautaires de mise en
oeuvre de la responsabilité de l'État.
43.- Après avoir examiné le fondement et
l'histoire de l'établissement du principe communautaire de la
responsabilité de l'État pour les violations du droit
communautaire, nous étudierons les conditions de la mise en oeuvre de ce
principe.
44.- Comme nous avons déjà mentionné
antérieurement, la Cour de justice des Communautés
européennes a déterminé pour la première fois
certaines conditions minimales pour engager la responsabilité de
l'État dans son arrêt Francovich. La première
condition est que la règle du droit communautaire violée doit
avoir pour objet de conférer des droits aux particuliers (A). La
deuxième condition est que la violation de la règle soit
suffisamment caractérisée (B). La troisième est qu'un lien
de causalité direct existe entre la violation de la norme communautaire
et le dommage causé (C).
A. La règle du droit communautaire violée
doit avoir pour objet de conférer des droits aux particuliers.
45.- Dans l'arrêt Francovich, la Cour de
justice des Communautés européennes a estimé que le
résultat prescrit par la directive comportait l'attribution de droits au
profit des particuliers50. Autrement dit, il faut démontrer
l'existence d'une violation d'une règle supérieure de droit
protégeant les particuliers.
46.- Il faut donc distinguer les règles de droit
communautaire conférant des droits aux particuliers de celles
découlant des rapports entre la Communauté et les États
membres. En vertu de cette condition, seules ces premières pouvant
donner lieu à réparation. La question est délicate et
complexe de savoir si la règle violée devait produire l'effet
direct.
47.- M. Simon a estimé que la règle selon
laquelle la norme du droit communautaire violée doit avoir pour objet de
conférer des droits aux particuliers n'est pas une exigence d'effet
direct, puisque précisément la directive en cause dans l'affaire
Francovich était dépourvue d'effet
direct51.
48.- Dans l'affaire Brasserie du pêcheur et
Factortame III, la Cour de justice des Communautés
européennes a considéré que la première condition
« est manifestement remplie en ce qui concerne l'article 30
»52. M. Vandersanden a estimé qu'il ne faudrait pas pour
reconnaître la responsabilité de l'État, se contenter de
l'examen purement objectif de la norme de droit communautaire méconnue,
tenant en ce qu'elle a pour objet de conférer des droits à des
particuliers et - en cas de non-transposition d'une directive - que ces droits
soient suffisamment identifiables53.
49.- Or il est possible d'obtenir réparation de
l'État pour les préjudices causés par sa
méconnaissance d'une disposition dépourvue d'effet direct qui
engendre des droits au profit des particuliers.
50 CJCE, 19novembre 1991, Francovich et Bonifaci, op.
cit., n° 40.
51 D. SIMON, « Droit communautaire et responsabilité
de la puissance publique - Glissements progressifs ou révolution
tranquille? », op. cit., sp. p. 238 et « La
responsabilité de l'État saisie par le droit communautaire
», AJDA, n° 7, 1996, pp. 489-499, sp. p. 492.
52 CJCE, 5mars 1996, Brasserie du pêcheur et Factortame
III, op. cit., n° 54.
53 G. Vandersanden et M. Dony, La responsabilité des
États membres en cas de violation du droit communautaire, op.
cit., p. 35.
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