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L'émergence de la responsabilité sociale des entreprises en Afrique : état des lieux, enjeux et perspectives

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par Urbain K. YAMEOGO
IAE Gustave Eiffel - Université Paris 12 (Créteil) - Master 2 professionnel Management de la RSE 2007
  

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IV. Cartographie du tissu économique : un marché hétérogène

a) La cohabitation de l'économie formelle avec l'économie informelle

Le marché économique africain est très particulier en ce sens que l'économie formelle et l'économie informelle y cohabitent officiellement. On note même une prédominance du secteur informel dans la plupart des pays. La Commission mondiale sur la dimension sociale de la mondialisation souligne dans son rapport que : « Dans la plupart des pays en développement, l'économie informelle tient une large place et cette activité économique

parallèle souffre d'un manque de reconnaissance et de protection dans les cadres juridiques ou réglementaires officiels».

Le secteur informel est défini par l'UEMOA (Union Economique et Monétaire Ouest Africaine) comme l'ensemble des unités de production informelles (UPI) dépourvues d'un numéro d'enregistrement administratif et/ou de comptabilité écrite formelle. Il englobe la grande majorité des travailleurs allant des petites entreprises aux activités de survie, incluant non seulement les travailleurs indépendants et les travailleurs familiaux mais aussi la maind'oeuvre salariée sous diverses formes. Les conclusions de l'étude de l'UEMOA4 sur le secteur informel dans les principales agglomérations de sept Etats membres sont très révélatrices de l'hétérogénéité des marchés et des caractéristiques du secteur informel dans l'économie des pays africains qui le distinguent du secteur formel.

Le secteur informel dans les principales agglomérations de sept Etats membres de
l'UEMOA : performances, insertion perspectives

Les UPI exerçant dans des activités marchandes des 7 agglomérations génèrent plus de 2,3 millions d'emplois, confirmant que le secteur informel est de loin le premier pourvoyeur d'emplois en milieu urbain. Les caractéristiques du secteur informel :

- il s'agit massivement de micro-unités (1,53 personnes par UPI)

- la précarité et l'absence de protection sociale : 31% des emplois dépendants sont salariés mais seul 5% des employés bénéficient d'un contrat écrit

- le revenu moyen du secteur informel est supérieur au salaire minimum

- le taux d'enregistrement des UPI dans les différents registres officiels sont très faibles notamment l'enregistrement au fisc (moins de 1% des UPI des 7 capitales)

- la faiblesse ou l'absence de capital dans le processus de production : les principales sources de financement du capital sont l'épargne, le don ou l'héritage (entre 65% et 95% de la valeur du capital). Les autres modes de financement tels que le micro-crédit ou le crédit bancaire restent rares.

Source : UEMOA

4 Les enquêtes auprès des Unités de Production Informelles (UPI) dans les capitales économiques des pays de l'UEMOA ont été réalisées entre la fin 2001 (Bénin) et la mi 2003 (Sénégal).Les activités informelles sont plus tournées vers les secteurs de circulation des biens (45% des UPI exercent dans la branche «commerce»), les deux autres secteurs se partageant également le complément (28% pour les UPI industrielles et 26% pour les UPI de services).

Le secteur formel comprend les petites et moyennes entreprises locales, les grandes entreprises nationales privées, publiques et semi-publiques très structurées et les implantations des multinationales rompues à la gestion moderne. On s'accorde à reconnaître que dans la dernière décennie, et consécutivement aux ajustements structurels des économies africaines, le secteur privé s'est développé de manière prodigieuse5.

b) Une présence relativement variable de multinationales

La présence des multinationales est relativement variable suivant le niveau de développement des pays, des secteurs et des intérêts en termes de ressources et d'opportunités de marchés. Les investissements directs étrangers sont essentiellement orientés vers les secteurs pétroliers et autres industries extractives (mines)6. Les pays qui regorgent de ressources pétrolières et minières sont par conséquent ceux qui recueillent le plus d'investissements directs étrangers et d'implantations d'entreprises multinationales. Les multinationales investissent ainsi les secteurs productifs des mines, du pétrole, de l'énergie mais aussi les secteurs du BTP (Bâtiments et travaux publics), des banques et finances, de l'agroalimentaire, du textile, des télécommunications, etc. Les pays comme l'Afrique du sud, le Nigeria, le Soudan, le Maroc, la Tunisie, le Tchad, la Guinée Equatoriale, la République Démocratique du Congo (RDC), l'Algérie, et la Tunisie accueillent la grande majorité des investissements directs étrangers et des implantations multinationales du continent. Beaucoup d'entre eux, paradoxalement, connaissent des situations de crise, de troubles politiques ou sociaux voire de guerres civiles. Le Groupe de recherche sur les activités minières en Afrique note que « dans certaines circonstances, l'investissement dans certains pays riches en ressources naturelles peut alimenter des conflits et représenter un facteur inhibiteur de développement7.

5 « Cependant là où le secteur privé est fort, il est souvent dominé soit par des minorités ethniques, familiales, asiatiques en Afrique de l'Est et blancs en Afrique du Sud, soit par des filiales de sociétés transnationales ». A.S.

Bhalla (sous la direction de), Mondialisation, croissance et marginalisation, CRDI, 1998

6 Le Fonds Monétaire International définit l'IDE comme des investissements « effectués dans le but d'acquérir un intérêt durable dans une entreprise exerçant ses activités sur le territoire d'une économie autre que celle de l'investisseur, le but de ce dernier étant d'avoir un pouvoir de décision effectif dans la gestion de l'entreprise » Manuel de la balance des paiements, Washington, 4ème éd., 1977, p. 136

7 La gouvernance des activités minières en Afrique : une responsabilité partagée, mémoire présenté par Bonnie Campbell devant le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international, dans le cadre de l'Examen de l'Énoncé de politique internationale du Canada, Novembre 2005 http://www.unites.uqam.ca/grama/pdf/Memoire Enonce politique int Can.pdf

Pendant très longtemps l'Etat a été et demeure dans une certaine mesure un acteur économique de premier plan. Son intervention sur le plan économique et social s'est faite de diverses manières en réponse aux défis du développement. La question qui se pose est celle de la place et du rôle des acteurs économiques privés notamment des entreprises qui ont vu leur influence croître avec la mondialisation : plus d'influence n'appelle-t-elle pas plus de responsabilité ?

B- Réponses politiques et institutionnelles des Etats africains

I- Les sentiers battus des politiques de développement : de l'Etat providence aux CSLP-SNDD-ENPLT

Les réponses des pouvoirs publics africains aux enjeux du développement se sont traduites par la formulation et la mise en oeuvre de politiques et stratégies intégrant plus ou moins les acteurs privés. Nous distinguerons d'une part les réponses formulées au travers de stratégies et de politiques globales et sectorielles et d'autre part les réponses au travers de cadres juridique et institutionnel national et/ou régional.

a. la mission de service public dévolue aux entreprises publiques dans l'Etat providence

Avec les indépendances, les Etats africains ont hérité d'entreprises publiques dans divers secteurs économiques qu'ils ont développées par la suite. En dehors de quelques implantations de multinationales des anciennes métropoles, les pays ne disposaient pas de secteur privé fort. L'Etat devait ainsi assurer des services dans le champ économique à travers notamment les services publics industriels et commerciaux. La présence de l'Etat providence était quasi permanente dans tous les secteurs, soit en tant qu'acteur économique ordinaire, soit en tant que régulateur. La mission de service public et la responsabilité de la gestion et de la gouvernance des activités économiques suggèrent que l'entreprise étatique devait inscrire son activité dans la satisfaction de l'intérêt général et dans le long terme. A ce titre on peut être amené à penser que les entreprises publiques intégraient, dans une certaine mesure, des considérations autres qu'économiques à leurs activités économiques. On ne peut pour autant affirmer péremptoirement qu'elles furent socialement responsables. Certaines problématiques notamment en matière de gouvernance, de bonnes pratiques des affaires, de protection des droits humains ou de l'environnement n'ont pas toujours été la préoccupation des managers

publics. Les difficultés qui ont découlé de mauvaises gestions ont été le justificatif des divers programmes d'ajustement qui ont préconisé un rôle plus important du secteur privé .

b. les programmes d'ajustement structurel (PAS) ou le rite initiatique manqué à la mondialisation

Des années 80 à nos jours, l'Afrique a été le champ de mise en oeuvre de programmes de redressement économique dits d'ajustement structurel (PAS). Préconisés par les institutions financières internationales (IFI) avec comme objectif principal l'amélioration des indicateurs macroéconomiques et des politiques sectorielles, les programmes d'ajustement structurel devaient conduire à cantonner les interventions de l'Etat dans les domaines qui relèveraient de sa compétence exclusive (sécurité, justice, défense, diplomatie) ou qui justifient de la mission de service public. Ils devaient de ce fait favoriser le développement du secteur privé par l'ouverture de l'économie à la concurrence interne et internationale. Ces programmes et réformes économiques se sont soldés, selon certains acteurs, par la détérioration des capacités des gouvernements africains à gérer leurs économies. Pendant ce temps, selon le rapport de la commission mondiale sur la dimension sociale de la mondialisation, le développement du secteur privé n'a pas été suffisant pour compenser la diminution du rôle de l'État.

Des codes fiscaux et d'investissement plus attractifs les uns que les autres dénotent d'une compétition entre Etats pour attirer les investissements étrangers. Et cette compétition tirée vers le bas s'est souvent soldée par des législations peu protectrices des travailleurs et de l'environnement. Les investissements directs étrangers n'ont pas afflué malgré la multiplication des réformes pour assainir le milieu des affaires. Bien au contraire, investir en Afrique est toujours considéré comme très potentiellement risqué : risques liés aux instabilités politiques, à l'imprévisibilité économique et financière, aux risques de corruption et de complicité pour des violations de droits humains et de ce fait, un risque d'atteinte à l'image associé aux investissements. Certains secteurs ont été investis par des multinationales et des PME locales. L'Etat, premier employeur du secteur formel, a été contraint à réduire ses effectifs par des licenciements8 ou par le non recrutement dans les secteurs sociaux. Les secteurs non productifs et peu rentables ont été délaissés, cédant la place à la pauvreté. Ce qui devrait donner sa place à l'Afrique dans le concert de la mondialisation, s'est soldé comme un rite initiatique manqué puisqu'elle a contribué à la marginalisation de l'Afrique.

8 Les plans sociaux sont intervenus dans les entreprises qui ont été privatisées. Dans certains cas un accord entre l'entreprise repreneur et l'Etat protégeait les employés des licenciements pour motif économique à la reprise.

c. ENPLT - CSLP - SNDD : renouveau des politiques publiques ou vision intégrationniste et prospective du développement ?

1. Les Etudes Nationales de Prospectives à Long Terme (ENPLT)

Les études nationales de prospective à long terme, initiées dans le cadre du projet Futurs africains9, constituent une innovation majeure aussi bien dans leur conception, dans leurs objectifs qu'au niveau des acteurs qu'elles entendent impliquer. Elles s'intéressent à la question du développement dans toutes ses dimensions dans un horizon temporel de 25 ans. Les ENPLT s'inscrivent ainsi dans une vision globale, analytique et prospective du développement et accordent une place de choix au rôle du secteur privé et des autres parties prenantes de la société. Si les études nationales de prospective à long terme reconnaissent un rôle important du secteur privé, il n'apparaît nullement dans ces documents les conséquences probables/possibles de l'implication des acteurs privés ayant la volonté de s'inscrire dans une démarche socialement responsable. Cela semble cependant relever plus de la méconnaissance du concept que de l'omission volontaire. Les études nationales de prospective à long terme nous semblent pourtant bien indiquées pour aborder les questions de RSE pour plusieurs raisons :

- elles s'inscrivent dans une vision à long terme et non dans le court terme ;

- elles entendent impliquer tous les acteurs du développement y compris les entreprises et la société civile ;

- elles construisent une vision intégrationniste du développement et des scénarios d'interaction des acteurs avec des hypothèses d'analyse ainsi que les réponses envisageables

- elles entendent servir de base à l'élaboration et à la mise en oeuvre de certains instruments et outils de politique de développement.

L'opérationnalisation des études nationales de prospective à long terme a servi de base pour la planification stratégique des cadres stratégiques de lutte contre la pauvreté en faveur de la réalisation des objectifs du millénaire pour le développement.

9 Futurs africains est un programme qui apporte un appui technique à l'élaboration d'études nationales prospectives de long terme sur des enjeux stratégiques. Etabli au niveau régional par le PNUD en 1992, elle vise à promouvoir l'institutionnalisation d'une approche prospective dans la gestion du développement en Afrique.

2. Les Cadres Stratégiques de Lutte contre la Pauvreté (CSLP) et les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD)

Depuis que le Sommet du Millénaire10 a érigé la question de la pauvreté en enjeu global pour l'humanité et comme premier objectif du millénaire pour le développement les Etats se sont fermement engagé en faveur de la lutte contre la pauvreté, sa réduction et voire son éradication. Il s'en est suivi l'élaboration de Documents stratégiques de réduction de la pauvreté (DSRP) 11 ou de Cadres stratégiques nationaux de lutte contre la pauvreté (CSLP), élaborés avec l'appui d'organismes des Nations Unies, notamment du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), et financés par divers bailleurs de fonds étrangers. Après l'échec de l'ajustement structurel, les institutions financières internationales se sont positionnées dans le financement et l'accompagnement des pouvoirs publics dans la lutte contre la pauvreté pour favoriser l'accès des populations aux biens et services de base. Il s'agit de processus multi-acteurs qui mobilisent l'administration, le secteur public, le secteur privé, ainsi que les organisations de la société civile à divers stades et à divers degrés. Les participants à la consultation, que nous avons effectuée par le biais de questionnaires, nous indiquent que presque tous les pays africains disposent d'un document stratégique de réduction de la pauvreté. Pour certains participants, cela dénote une volonté de fédérer les énergies des acteurs du développement par leur implication dans des processus de consultation et de concertation. Pour d'autres en revanche, les Etats n'ont pas d'autres choix que d'élaborer un cadre stratégique de lutte contre la pauvreté. Ils s'inscrivent ainsi dans une logique de mobilisation de ressources financières à travers diverses aides pour financer des projets.

3. Les Stratégies Nationales de Développement Durable

Si l'on ne devait s'en tenir qu'aux documents existants, on peut affirmer sans se tromper que le développement durable est la chose la mieux partagée en Afrique. Les réponses aux questionnaires adressés à divers acteurs africains révèlent que la plupart des Etats africains disposent de Stratégies Nationales de Développement Durable (SNDD) ou d'un outil

10 Il s'est tenu à New York au siège des Nations Unies du 6 au 8 septembre 2000

11 Le DSRP est établi à travers un processus participatif qui mobilise diverses parties prenantes internes et externes, notamment les bailleurs de fonds et les IFI. Il décrit les politiques, projets et programmes macroéconomiques sur une période de 3 ans ou plus. GOHY Gilles , dans son article Pauvreté : les mots et les faits au Bénin dénonce « leur ton paternaliste, condescendant et au demeurant dogmatique » , La pauvreté, une fatalité ? (ouvrage collectif)

stratégique équivalent. Les pays africains ne sont pas non plus en reste dans la signature voire les ratifications de conventions internationales de protection de l'environnement, des droits humains, et du travail. Cependant, ces SNDD, contrairement aux SNDD européennes, sont très axées sur les problématiques environnementales. Le développement durable est ainsi vu uniquement sous l'angle de la protection de l'environnement, de la biodiversité, de la gestion intégré des ressources naturelles notamment des eaux , la gestion des déchets, les pollutions. C'est ce qui sans doute justifie l'existence dans beaucoup de pays à la fois de SNDD et des Documents stratégiques de lutte contre la pauvreté dont la coordination est loin d'être évidente. Une bonne coordination des politiques passe aussi, à notre avis, par un cadre juridique et institutionnel propice et cohérent avec les objectifs et les défis du développement.

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"Tu supportes des injustices; Consoles-toi, le vrai malheur est d'en faire"   Démocrite