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L'ordre public pénal et les pouvoirs privés économiques

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par Joseph KAMGA
Université de Nice Sophia Antipolis - Master 2 recherche en droit économique 2008
  

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§ 2 : L'appropriation pénale des manquements graves aux Codes de
conduite privés des pouvoirs privés économiques.

Il s'agit de la réponse du droit pénal à la soft Law. L'intervention pénale dans ce domaine vise à sanctionner les manquements les plus graves aux obligations souscrites dans les Codes de conduites destinés aux partenaires de l'entreprise et à préserver l'éthique minimale au sein d'un système qui s'auto-régule et dont les Codes de conduite constituent une des manifestations du pouvoir. Il est d'actualité que la majorité des pouvoirs privés économiques, du moins celles qui disposent d'une personnalité juridique ou présentent une structure intégrée, ont élaboré un Code de conduite destiné à encadrer les activités de leurs différentes entités dans les différents espaces et contiennent des prescriptions de comportements positifs139. Par exemple, la firme Royal Dutch Shell rend obligatoires les

139 C'est ainsi que l'on trouve des Codes de conduite ou chartes éthique, selon la terminologie employée par l'entreprise, qui ont vocation à réguler les comportements de l'entreprise en tout lieu et à s'appliquer à l'ensemble de ses activités. Voir, M. BRAC, « Codes de bonne conduite : Quand les sociétés jouent à l'apprenti législateur », dans E. CLAUDEL et B. THULLIER (dir.), Le droit mou : une concurrence faite à la loi, Paris, Travaux du CEDCACE, 2004. Disponible à : http://www.glose.org/cedcace.htm, voir aussi, G. FARJAT, « Nouvelles réflexions sur les Codes de conduite privée », dans J. CLAM et G. MARTIN (dir.), Les transformations de la régulation juridique, Paris, L. G. D. J., 1998, p. 15 1-164,

prescriptions énoncées dans son Code de conduite à toutes ses entités140. Les Codes de conduites privés à travers lesquels les entreprises proclament leurs prédispositions à respecter la législation et à mieux faire, en respectant par exemple les droits de l'Homme et l'environnement, pourraient inspirer le juge répressif à prendre les pouvoirs privés économiques aux mots pour réprimer certains manquements graves à leurs engagements et ce, nonobstant le lieu où le délit est commis.

L'appropriation pénale des Codes de conduites des grandes entreprises a pour avantage qu'elle permettrait d'appréhender pénalement les agissements qui échappent à la répression par la stricte application ordinaire des principes directeurs du droit pénal. Par exemple, l'application du principe de la personnalité de la peine ne permet pas de réprimer pénalement le groupe pour les activités de sa filiale située dans un autre pays, à moins qu'il soit prouvé une gestion de fait de la part de la maison-mère. Or, dans les Codes de conduite, les groupes s'engagent à tout faire pour respecter au minimum la règlementation et au mieux promettent de mieux faire. En s'intéressant aux entreprises dont l'activité se déploie ordinairement hors du territoire d'un Etat, les banques par exemple, on se rend compte que certaines ne respectent pas à la lettre leurs engagements. Prenant l'exemple de l'incrimination du blanchiment d'argent, il paraît difficile de contrôler l'origine des fonds déposés dans certaines filiales des banques de grandes renommées situées dans les pays à faible système juridique ou dans certains paradis fiscaux.

S'il est avéré que les groupes respectent la législation dans les pays à systèmes économique et juridique intégrés, les doutes sont permis lorsque les mêmes activités se déploient dans les pays à faibles systèmes juridiques. D'ailleurs, c'est dans ces pays que la plupart des délits environnementaux et de corruption transnationale sont reprochés aux pouvoirs privés économiques. L'appropriation pénale des Codes de conduite aura pour effet de tenir pour pénalement responsable le groupe pour les activités délictueuses commises par ses filiales ou ses sous-traitants intégrés dans la mesure où le Code de conduite, émanation de

140 On peut y lire : « Nos valeurs fondamentales d'honnrteté d'éthique et de respect d'autrui s'appliquent à toutes nos activités et sont le fondement mrme des Principes de conduite de Shell. Toutes les sociétés Shell doivent mener leurs activités dans le respect de ces principes. Nous sommes jugés d'après nos actes et notre réputation sera confirmée si chacun d'entre nous agit dans le respect de la législation et des principes éthiques énoncés dans nos Principes de conduite. Chacun chez Shell doit respecter ces exigences qui s'appliqueront bien str à différentes personnes à différents moments en fonction de leur travail. La violation du Code peut conduire à des mesures disciplinaires. Nous nous engageons à faire tout notre possible pour vous aider à observer le Code ».

la volonté de l'entreprise de se comporter en entreprise responsable interdisent de telles pratiques. Au civil, on se souvient de l'affaire Nike où la multinationale s'était fait condamnée pour non respect de la législation sur le travail des enfants du fait de ses sous-traitants intégrés en Asie du sud-est.

Le juge répressif pourrait s'inspirer de cette jurisprudence civile pour réguler pénalement les grandes entreprises qui manquent à leur promesse de se comporter de manière responsable. Il pourra se fonder sur l'article L.121-1 du Code de la consommation tel que modifié par la Loi n°2008-776 du 4 août 2008 portant modernisation de l'économie. Les articles 121-2 à 121-7 de ce même Code instituent une série de mesures visant à réprimer et sanctionner les pratiques commerciales trompeuses. La cessation de la pratique commerciale trompeuse peut être ordonnée par le juge d'instruction ou par le tribunal saisi des poursuites, soit sur réquisition du ministère public, soit d'office. La pratique commerciale trompeuse est punie d'un emprisonnement de deux ans au plus et d'une amende de 37 500 euros au plus, cette amende pouvant être portée à 50 % des dépenses de la publicité ou de la pratique constituant le délit.

Il est clair que si le juge répressif venait à faire application de ce dispositif pour réprimer les manquements aux prescriptions d'un Code de conduite d'une grande entreprise, les chefs d'entreprise seraient à l'avenir plus respectueux des engagements qui y sont contenus. Par exemple dans les affaires mettant en cause les entreprises ayant souscrit de tels engagements, le fondement de la condamnation à une peine pourrait être l'interprétation combinée de la pratique commerciale trompeuse et de la volonté affichée du défendeur à respecter certaines prescriptions et publiée dans un document qui tient lieu de loi à son encontre. Par exemple, l'article L. 121-1-1 (n° 3) du Code de la consommation réprime le fait « d'affirmer qu'un Code de conduite a reçu l'approbation d'un organisme public ou privé alors que ce n'est pas le cas ». Il s'agit d'une infraction formelle, qui ne suppose aucun résultat. Une telle démarche pourrait être utile en matière de répression de la délinquance environnementale transnationale ou même de corruption d'agents publics étrangers par une filiale d'un groupe.

De même, le juge répressif pourrait utiliser les Codes de conduite comme un instrument pour rechercher les vrais décideurs auxquels il faudrait imputer la responsabilité de l'infraction. Dans le cadre des infractions trouvant leur source dans les activités d'une grande complexité, l'exploitation des Codes de conduite des différents associés de l'entreprise présumée délinquante pourrait permettre de désigner le véritable responsable ; l'entreprise au

profit de laquelle l'infraction est consommée ou à la charge de laquelle elle sera imputée. Par exemple, dans le Code de conduite l'entreprise Royal Dutch Shell, il est écrit à propos des personnes qui doivent appliquer le Code : « Chaque salarié, directeur ou responsable de chaque société détenue entièrement par Shell et de chaque joint-venture contrôlée par Shell doit appliquer le Code de Conduite. Le personnel contractuel doit aussi observer le Code. Les sous-traitants ou les consultants qui nous représentent ou qui travaillent pour notre compte ou en notre nom, par I' externalisation de services, de processus ou de toute activité commerciale, doivent se conformer au Code lorsqu'ils agissent pour notre compte. Les sous- traitants et les consultants indépendants doivent prendre connaissance du Code, puisqu'il s'applique aux relations que notre personnel entretient avec eux Nous appliquons le Code dans toutes les joint-ventures contrôlées par Shell. Lorsque nous participons à une joint- venture qui n'est pas contrôlée par Shell, nous encourageons la coentreprise à adopter des principes et des normes similaires».

Les Codes de conduites s'avèrent donc comme un véritable document pouvant rendre service au juge répressif pour une répression efficace en droit économique caractérisé par l'émergence des nouveaux pouvoirs qui bouleversent la mise en oeuvre des règles pénales en matière économique. L'émission d'un Code de conduite devrait tenir lieu de loi à l'égard de son auteur et permettre au juge de déterminer le contenu de l'obligation à laquelle s'est engagé son souscripteur. Tout manquement à ce contenu et qui heurterait une valeur sociale protégée pourrait inspirer le juge répressif à réguler les pouvoirs privés économiques. Le redéploiement efficace de la mise en oeuvre du droit pénal à l'encontre des pouvoirs privés économiques est dépend aussi de l'appropriation de ces normes d'origine privée.

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