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Impact environnemental du déplacement des populations en situation de conflit armé: Cas des réfugiés dans l'EST de la République Démocratique du Congo

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par Bob CHECHABO BALOKO
Limoges / Faculté de Droit et des Sciences économiques - Master pro (M2) en Droit International et Comparé de l'Environnement 2007
  

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INTRODUCTION

L'une des causes de la dégradation de l'environnement est liée aux guerres. Non seulement elles sont destructrices pour les territoires où se déroulent les conflits armés mais les réfugiés qui partent dans les Etats voisins sont souvent obligés pour survivre de porter atteintes à l'environnement1(*). Telle est justement la situation à l'est de la RDC, qui émerge de près de quinze ans de conflits armés aux conséquences diverses et variées au rang desquelles figure la dégradation de l'environnement. 

De 1994 à 1995, la guerre au Rwanda provoqua un afflux massif des refugiés rwandais vers la partie est de la RDC. En quelques jours en effet, près de deux millions de personnes quittèrent le Rwanda et se réfugièrent au Congo-Kinshasa autour des villes de Bukavu et de Goma2(*). Les réfugiés espéraient que ces villes pourraient satisfaire leurs besoins fondamentaux  notamment en eau, bois à brûler et nourriture, tous ces éléments étant disponibles dans et autour de ces villes situées dans la partie orientale de la RDC3(*). Les abords des aires protégées furent particulièrement peuplés de toutes ces personnes déplacées, avec des besoins humains urgents.

En 1996, une autre guerre dite de libération s'étend sur tout le territoire national de la RDC, entretenue à la fois par des conflits internes et une intervention extérieure. Après une brève accalmie, une deuxième guerre civile a éclaté en août 1998 attirant tant des forces rebelles que des armées des pays voisins. Cette série de guerres ont fait de nombreuses victimes et provoqué d'importantes migrations. Elles ont également détruit les institutions humaines telles que les parcs nationaux, avec entre autres conséquences une déforestation massive, la mort des espèces vulnérables et menacées, le braconnage, la destruction d'infrastructures provoquant ainsi le déclin du tourisme, etc.

Au-delà des enjeux humanitaires évidents, ces conflits armés ont soulevé d'importants et cruciaux enjeux environnementaux. Ces enjeux paraissent de plus en plus évidents quand on songe aux effets immédiats que peuvent engendrer les déplacements massifs de populations ou l'installation des camps de réfugiés. En toutes autres circonstances, les déplacements de populations, d'une ampleur beaucoup plus faible, font l'objet de mille et une précautions sur le plan environnemental et constituent en soi presque un champ entier de spécialisation des EE4(*).

Selon Sara De WEERDT, les guerres au Rwanda et au Congo-Kinshasa, et plus généralement dans la région des Grands lacs africains, ont considérablement augmenté notre capacité à détruire le paysage naturel et à produire les effets dommageables pour notre planète. La destruction du paysage naturel en temps de guerre n'est pas nouvelle, mais l'ampleur de la destruction apportée par les récents conflits est sans précédent5(*).

Les conséquences de ces conflits armés dans l'est de la RDC sont soit directes, en termes de dégradation du milieu naturel pour l'exploitation des ressources, soit indirectes en termes de dégradation du milieu et du contexte social par l'arrivée massive des migrants et refugiés.

Moins délibérés, mais toujours dévastateurs, sont les effets sur l'environnement provenant du déplacement massif des réfugiés. Le PNV, le premier site du « patrimoine de l'humanité des NU » a par exemple été déclaré en danger à cause de la présence des réfugiées qui y ont déchiffré environ 35 km² de forêts pour du bois de chauffage et des abris6(*).

Par ailleurs, ces conflits armés se sont accompagnés d'un effondrement de la gouvernance environnementale ayant engendré à son tour une dégradation accélérée de la biodiversité. En quelques jours, mieux en quelques semaines, a été détruit le long et patient travail de plusieurs années, voire le travail naturel de plusieurs millénaires. Ces destructions ont provoqué des dégradations irréversibles dans les écosystèmes. Il en est ainsi des espèces rares comme les gorilles de montagne, les rhinocéros blancs pour ne citer que ces ressources à la fois biologiques et économiques pour l'industrie touristique, qui ont presque été exterminés. Outre la dégradation des écosystèmes fragiles, il y a lieu de noter également la destruction irrémédiable des ressources ou leur contamination. La surexploitation des ressources naturelles est souvent reliée directement au conflit armé pour des motifs aussi bien de subsistance qu'à des fins commerciales7(*).

La position géographique des parcs, domaines de chasse et de réserves apparentées, a exposé dangereusement la faune et la flore aux incursions des réfugiés et à des pressions qui ont atteint des seuils limites [...].8(*) Les personnes déplacées ainsi que les populations locales se sont installé ou se sont réinstallé dans les pacs nationaux des Virunga, de la Garamba, de Kahuzi-Biega et de la réserve de faune à Okapis, pour assurer leur subsistance grâce à la pêche, au braconnage et pratiquent un abattage intensif des arbres. Ils se sont livrés aux activités de braconnage d'éléphants pour le commerce de l'ivoire, de gibier et d'espèces rares, et ont pillé systématiquement les ressources forestières. Les modes migratoires de nombreuses espèces sauvages ont été considérablement perturbés, ce qui crée des problèmes durables pour ce qui est du repeuplement de certaines zones des parcs ou du maintien de l'équilibre démographique et écologique.

Vu l'étendue des dégâts écologiques résultant des conflits armés sur l'environnement exceptionnel de cette partie orientale du pays, les cinq pacs nationaux ci-dessus et classés patrimoine mondial de l'UNESCO, ont été inscrits progressivement sur la liste du patrimoine mondial en péril9(*).

A ce jour, les effets écologiques à long terme des conflits armés dont la RDC a été le théâtre restent à évaluer, dans la mesure où, comme l'a souligné De WEERDT précédemment citée : « la guerre est susceptible d'avoir des effets plus graves et durables sur les secteurs protégés qui comptent des espèces en voie d'extinction, ainsi que les écosystèmes lents à récupérer »10(*). Mais en regardant l'état de l'environnement après la guerre, on peut apercevoir les cicatrices qui sont dues de manière singulière aux déplacements de populations. Cette situation interpelle non seulement le droit applicable en temps de conflits armés, en l'occurrence le droit international humanitaire, mais aussi et surtout le droit international de l'environnement qui a vocation à appréhender le phénomène de la guerre et ses conséquences sur l'environnement.

Comme on le sait, l'environnement ne peut pas être la préoccupation principale quand des vies humaines sont en danger ou que des valeurs humaines fondamentales doivent être défendues. Cependant, après les conflits, c'est sur l'environnement et ses ressources que devra se fonder la reconstruction. On connaît à ce point l'importance de l'eau, de la biodiversité, de la forêt, des espaces agricoles, etc. Les dommages causés à ces ressources peuvent entrainer, bien après les conflits, des effets néfastes, voire létaux, sur les populations affectées.

Il apparaît dès lors opportun d'aborder cette problématique qui est aux frontières de la science et de l'émotion, mieux au carrefour de tant de disciplines, et de tant d'intérêt et enjeux.

En effet, dans leur fuite et leur installation dans la partie orientale du pays affecté par les différentes guerres qui se sont succédées dans la région, les personnes déplacées, les réfugiés et les populations migrantes ont bien été contraint de détruire l'environnement pour leur survie. Quel est alors l'état des lieux des impacts et conséquences qu'on peut dresser sur ces destructions? Autrement dit, quelle est l'incidence écologique des déplacements de personnes pendant les conflits dans l'est de la RDC ?

Des conventions internationales existent certes, pour tenter de limiter les impacts environnementaux des guerres. Mais ces instruments juridiques internationaux sont-ils efficaces ? Ont-ils été mis en oeuvre à l'occasion de l'implantation des camps et accueil des réfugiés ? A-t-on suffisamment intégrer les considérations environnementales dans les opérations humanitaires ?

Aujourd'hui, dans le cadre de planification des opérations de reconstruction post-conflit et de gouvernance, quelles sont les actions de prospectives qui peuvent être mises en oeuvre pour la restauration de la gouvernance environnementale ? En d'autres termes, quelles sont les mesures à prendre face aux impacts environnementaux liés aux conflits armés dans l'est de la RDC?

Ce sont-là autant de préoccupations que la présente étude se propose d'aborder pour offrir aux différents acteurs du droit international de l'environnement les bases « scientifiques et techniques » permettant une évaluation même préliminaire11(*) de l'impact environnemental de conflits armés en RDC. Il s'agit de faire prendre conscience des impacts et enjeux environnementaux consécutivement aux mouvements et déplacements de populations. Aussi, tout en examinant les impacts des conflits sur la biodiversité de la région, cette étude suggère en même temps des réponses alternatives qui auraient pu diminuer les effets négatifs sur l'environnement.

Considérés du point de vue strictement écologique, les impacts sont décrits comme des déviations de dynamiques naturelles d'évolution aboutissant à des modifications de l'état théorique d'écosystème12(*). Les considérations environnementales sont donc abordées ici sous l'angle des apports possibles de l'EE en tant qu'elle constitue un outil de prévention et un instrument d'aide à la décision. Cette recherche répond pour ainsi dire à un besoin de gestion de l'environnement pour le développement, en mettant en contribution les capacités tant institutionnelles, législatives, réglementaires que matérielles pour ce faire.

La problématique soulevée par notre analyse impose une démarche méthodologique qui se veut à la fois théorique et empirique. En effet, les EE doivent pouvoir s'appuyer sur des données classées par coordonnées géographiques et de renseignements correspondant à des espaces administratifs déterminés. Ce genre d'information étant relativement rare, nous avons dû nous résoudre à une recherche essentiellement documentaire, doublée tout de même de précieuses contributions récoltées durant diverses missions effectuées à l'est de la RDC pour

le compte de l'OKIMO13(*). Plusieurs discussions, réunions et communications orales auxquelles nous avons pris part, nous permettent de pallier non sans précaution aux lacunes résultant de l'absence de pratique de « laboratoire ».

Toutefois, l'on ne pourrait passer sous silence les limites de cette approche liées notamment à la faible qualité et quantité des données existantes dans le pays ; par exemple, certaines estimations et statistiques obtenues auprès d'ONG locales sont à prendre vraiment à la louche. Tous les chiffres sont approximatifs, donc contestables. Ils n'incluent pas un nombre considérable (mais non recensable).

Ainsi conçu, la présente contribution épinglera dans un premier temps l'état de l'environnement dans l'est de la RDC affecté par les conséquences de conflits armés lesquelles ont occasionné des mouvements de populations (Première partie), avant d'indiquer, dans un contexte de reconstruction post-conflit, les enjeux réels d'une évaluation de l'impact environnemental de déplacement des populations migrantes et réfugiés (Seconde partie).

Il s'agira, après cet état des lieux qui sera dressé sur l'état de l'environnement de la partie orientale du Congo-Kinshasa, de projeter des plans et programmes de restauration de la gouvernance environnementale.

PREMIERE PARTIE :

IMPACTS DES CONFLITS ARMES SUR L'ENVIRONNEMENT DANS L'EST DE LA R.D.C.

La guerre qui a sévi dans la partie orientale de la RDC a occasionné des mouvements migratoires incontrôlés de la population. Depuis le génocide au Rwanda, une forte population des réfugiés et déplacés s'est ajoutée à la population autochtone. La pression démographique a été tellement forte que l'environnement global en a subi le coup dans presque tous les écosystèmes.

En effet, les aires protégées ont été utilisées comme sanctuaire suite à cet afflux brusque et massif des réfugiés et déplacés de guerre. Les mouvements de ces populations, contraintes à développer une certaine autonomie, en termes d'exploitation et d'accès aux ressources naturelles, ont eu des effets néfastes sur l'environnement. Suite à de tels mouvements massifs de populations, l'appauvrissement des ressources naturelles d'une région peut subsister pendant plusieurs années après le départ des refugiés ou des personnes déplacées14(*).

Aussi, tenterons-nous de mettre en lumière dans un premier temps les conséquences de la guerre sur l'environnement dans l'est de la RDC, avec un accent particulier porté sur les mouvements de populations (Chapitre premier). Ensuite, nous évoquerons les faiblesses des règles qui ne prennent pas suffisamment en compte tous les problèmes liés aux conséquences de la guerre sur l'environnement (Chapitre second).

* 1 - LAVIEILLE (J-M), Droit international de l'environnement, 2ème éd., Paris, Ellipses, 2004, p.10

* 2 - La prise du pouvoir, en 1994, par le Front patriotique rwandais (FPR), suivie de génocide, a déclenché les mouvements de populations les plus massifs jamais observés dans l'histoire.

* 3 - Ressources Internet : Article portant sur : « Impacts d'une décennie de conflits armés dans le massif des Virunga », téléchargeable à l'adresse  URL www.BSPonline.org/publications

* 4 - Actes de l'atelier sur : «Les impacts et les enjeux environnementaux des conflits armés en RDC », organisé par l'Association Nationale pour l'Evaluation Environnementale, en collaboration avec le Secrétariat sous-régional pour l'évaluation environnementale en Afrique centrale, Kinshasa, RDC, du 26 au 27 octobre 2004, inédit

* 5 - « War and environnement » (La guerre et l'environnement), article paru dans l'édition de janvier/février 2008 du magazine World Watch, pp.1 et s.

* 6- Lire à ce propos le Rapport annuel 2006 de l'ICCN.

* 7 - Selon le Panel des Experts des NU, 85 entreprises impliquées dans des relations d'affaires au Congo-Kinshasa ont violé les normes internationales, y compris les Directives pour les entreprises multinationales de l'OCDE. Mais aucun des gouvernements participant à l'OCDE n'a à ce jour ouvert d'enquête sur la conduite d'une seule des entreprises listées. Au contraire, plusieurs gouvernements ont fait pression sur le Panel pour qu'il retire les noms des compagnies enregistrées dans leur zone de compétences ou qu'il déclare que de tels cas avaient trouvé une solution. Communiqué de presse d'OXFAM International, 27 octobre 2003

* 8 - Voir Livre blanc, Tome 2 sur le « Rapport du ministère des droits humains de la RDC sur les violations massives des droits de l'homme, des règles de base du droit international humanitaire, ainsi que des normes relatives à la protection de l'environnement », Kinshasa, juin 1999, p.19

* 9 - Ressources Internet : « L'intervention de l'UNESCO dans la protection des sites congolais » : http://www.ladocumentationfrançaise.fr/dossiers/conflit-grands-lacs/pillage-ressources-naturelles-rdc; - Voir aussi le Rapport intérimaire sur l'exploitation illégale des ressources naturelles et autres richesses de la RDC, rendu par le Groupe d'Experts mandaté par le Conseil de sécurité de l'ONU, 22 mai 2002. 

* 10 - Ressources Internet : Site de l'association « Notre Planète » à l'adresse URL : http://www.notre-planète.info/actualités/actu_1531.php

* 11 - La RDC par le biais de son gouvernement a interpellé le PNUE, il y a peu, en tant qu'elle constitue l'autorité mondiale principale sur les questions environnementales afin qu'il mette sur pied un comité d'évaluation des dégâts porté à la faune et à la flore de la RDC, comme il l'a fait dans les Balkans (ex-Yougoslavie). Pourquoi cette politique de deux poids deux mesures, s'interrogeait-elle ? Il a été rapporté que le PNUE prévoit d'intervenir au Congo-Kinshasa dès le printemps prochain afin de dresser un inventaire des impacts de la guerre et des conflits armés sur l'environnement (Annonce faite à l'occasion du séminaire de Kinshasa portant sur : «Les impacts des conflits armés en Afrique sur la qualité de vie, la santé humaine et la diversité biologique », organisé par le Consortium pour l'évaluation des conflits armés en RDC, du 26 au 30 mai 2008. 

* 12 - A lire dans : Bulletin écologique, Tome 17, fascicule 4, pp.215 -306

* 13 - Fort des recommandations de stage et de recherche reçues du Responsable pédagogique du Master DICE de l'Université de Limoges, l'Office des Mines d'or de Kilo-Moto-« OKIMO » (Entreprise publique à caractère industriel et commercial du portefeuille de l'Etat congolais) nous a recruté en qualité de Consultant Juridique en charge de la coordination de sa Cellule Juridique pour le renforcement de ses capacités managériale et de sa gouvernance, en perspectives des réformes attendues des Entreprises publiques en RDC. C'est donc dans ce cadre que nous avons pris part à divers travaux d'EIE des projets miniers en cours d'exécution en RDC.

* 14 - « Guerres et environnement », thème du colloque de Paris du 06 mars 2008, organisé par le Sénat français et WWF-France. Ces assises ont connu la participation de plusieurs intervenants dont notamment Silja Halle, chargée de communication du PNUE (Post-conflit and disaster management Baranch). Cette organisation a 18 rapports d'évaluation à son actif sur les conflits aux Balkans, en Afghanistan, au Soudan,...Aucun rapport à ce jour sur la RDC.

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