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La lutte contre le terrorisme en droit international

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par JEAN-PAUL SIKELI
Université d'Abidjan-Cocody - DEA droit public 2006
  

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Paragraphe 2 : Quelques confusions dans la qualification de certains actes criminels

La réflexion sur la construction juridique de l'incrimination du terrorisme a une finalité : garantir l'indispensable jugement, trouver le moyen juridique d'engager des poursuites pénales contre les auteurs des actes de terrorisme, leurs complices, leurs organisateurs. Or, on le sait désormais, le droit international, tergiverse, balbutie et bégaie devant l'impérieuse nécessité de proposer une définition générale satisfaisante du terrorisme. Ce vacuum juris n'empêche pas pour autant la qualification juridique d'actes criminels. Et, il n'est pas rare de constater qu'au moment de la détermination de la sanction applicable, l'extrême gravité de certains actes criminels5(*)7 conduise à opérer des confusions entre, d'une part, terrorisme et crime contre l'humanité (A), et d'autre part, entre terrorisme et crime de guerre (B).

A- Terrorisme et crime contre l'humanité

La notion de crime contre l'humanité relève d'une rare complexité comme en témoignent les divergentes de vues au sein de la doctrine. Celle-ci a connu une évolution notable en droit international, depuis sa consécration au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, pour poursuivre tous les crimes commis en application du plan d'attaque du gouvernement du IIIème Reich contre des individus appartement à certains groupes raciaux, ethniques etc. Cette évolution s'est traduite par un assouplissement progressif de la notion5(*)8 qui facilite aujourd'hui le rapprochement avec la notion voisine du terrorisme. Cet assouplissement est particulièrement visible à l'article 7 du Statut de la Cour pénale internationale adopté le 17 juillet 1998, qui définit le crime contre l'humanité comme : « (...) l'un des actes ci-après commis dans le cadre d'une attaque généralisée ou systématique lancée contre une population civile et en connaissance de cette attaque (...) ». L'article poursuit : « Par attaque lancée contre une population civile, on entend le comportement qui consiste en la commission multiple d'actes visés au paragraphe 1 à l'encontre d'une population civile quelconque, en application ou dans la poursuite d'un Etat ou d'une organisation ayant pour but une telle attaque ». L'analyse de cette disposition appelle quelques développements ; pour être constitué, l'élément matériel du crime contre l'humanité doit répondre à deux conditions cumulatives : d'une part, les actes énumérés doivent être commis de « façon  systématique ou sur une grande échelle » (conditions alternatives). D'autre part, ces actes doivent être perpétrés à l'instigation ou sous la direction d'un « Etat ou d'une structure organisée » (conditions alternatives). Il faut entendre par le terme façon systématique, le fait que les actes doivent s'inscrire dans un plan ou une politique préconçue5(*)9. Cela se traduirait par la commission répétée et continu d'actes inhumains6(*)0. Ce critère n'est pas exclusif du crime contre l'humanité et ne permet pas de faire le détachement des deux notions, dans la mesure où le recours au terrorisme peut bien répondre à une politique préconçue. Le caractère continu et répété fait généralement partie de la logique du terrorisme, comme l'illustrent très bien les situations en Palestine, en Espagne, en Algérie6(*)1... En outre, l'acte de terrorisme peut répondre à l'exigence d'une multiplicité de victimes comme en témoigne d'ailleurs la tragédie du 11 septembre 2001, avec l'effondrement des tours jumelles du World Trade Center qui a coûté la vie, on s'en souvient, à 2973 victimes de toutes nationalités confondues, au point même où ces attentats avaient fait l'objet de qualificatifs divers, épouvantables pour certains, effroyables pour d'autres. En ce qui concerne l'autre condition, celle qui met en évidence, l'entité instigatrice de ces actes criminels, il ne s'agit plus exclusivement de l'implication d'un Etat6(*)2.

On considère désormais qu'à l'instar de l'Etat, toute autre structure organisée peut planifier la perpétration de crimes contre l'humanité6(*)3. Il suffit simplement que les auteurs soient pourvus d'un pouvoir de fait ou organisés en bandes ou en groupes criminels. Or de toute évidence, le terrorisme est presque toujours imputable à un groupe ou une organisation plus ou moins structurés6(*)4 qui revendiquent le plus souvent leurs actions terroristes. Ainsi qu'on vient de le voir, le critère matériel ne permet pas à lui seul de distinguer le crime contre l'humanité du terrorisme. C'est d'ailleurs ce chevauchement de qualifications qui a poussé certains juristes de renom à l'instar de Yann JUROVICS à qualifier les évènements du 11 septembre de crimes contre l'humanité6(*)5, lesquels en porteraient effectivement les stigmates, en présenteraient les symptômes6(*)6. En revanche, cette argumentation apparaît insuffisante pour d'autres auteurs dont William A. SCHABAS et Clémentine OLIVIER6(*)7 qui rappellent à dessein, et à toutes fins utiles les termes de l'article 22 (2) du Statut de Rome selon lesquels : « La définition d'un crime est d'interprétation stricte et ne peut être étendue par analogie (...) ». Pour eux, s'il est vrai que des actes susceptibles de terroriser les populations civiles et ayant des objectifs politiques peuvent également, dans certains cas précis, constituer des crimes contre l'humanité, des crimes génocides, des crimes de guerre, ces notions se recoupant de toute évidence, il n'en demeure pas moins que ces crimes graves gardent chacun toute leur singularité. Ce qui explique d'ailleurs qu'ils aient fait l'objet d'une catégorisation spécifique dans le Statut de la CPI et non de confusion. L'un des arguments de poids qu'on avance généralement au soutien du détachement entre le terrorisme et les autres crimes graves en général, et tout particulièrement du crime contre l'humanité, puisque c'est de lui qu'il s'agit ici, serait son absence très remarquée du Statut de la CPI6(*)8. De ce fait, qualifier le terrorisme en tant que tel de crime contre l'humanité serait sans conteste néfaste pour cette catégorie de crimes dont la consistance doit être préservée. Faire entrer tous les actes terroristes, d'une grande diversité et de degrés et gravité variables, dans la catégorie des crimes contre l'humanité supposerait d'opérer une mutation décisive et irréversible de la notion de crime contre l'humanité qui reviendrait à la dénaturer. Le professeur Brigitte STERN a prévenu que « (...) l'ambiguïté même du terme   humanité invite à toutes les dérives et le crime contre l'humanité risque fort d'être instrumentalisé pour remplir tous les vides répressifs auxquels la communauté internationale doit faire face »6(*)9. Il ne faudrait pas aborder la notion de crime contre l'humanité comme une notion « fourre-tout », permettant d'appréhender tous les actes répréhensibles non incriminés ailleurs. Le terme   contre l'humanité ne signifie pas « horrible » ou « hautement condamnable » mais recouvre un sens technique très précis7(*)0. A bien y regarder, le détachement des deux notions n'apparaît en réalité évident qu'en considération de l'élément moral. Par exemple, la qualité des victimes pourrait constituer un élément déterminant dans l'entreprise de sépécifcation des différents crimes. En effet, outre la notion de « population civile », la qualification de crime contre l'humanité nécessiterait l'appartenance de la victime à un groupe racial, national, ethnique ou politique7(*)1. Pour le Professeur GRYNFOGEL, «  (...) la part prise par la qualité de la victime, dans l'élément moral, est essentielle. Si le criminel cherche à l'atteindre, c'est parce qu'elle appartient- et uniquement parce qu'elle appartient- à telle race, à telle religion ou à telle ethnie réputée inférieures et /ou nuisible »7(*)2. Dans ces conditions, le terrorisme ne saurait répondre à la qualification de crime contre l'humanité, dans la mesure où en général, ce crime frappe indistinctement, sans discrimination. Il s'agirait ci d'une violence aléatoire qui ne s'embarrasse pas de mobile discriminatoire.

Les développements antérieurs nous autorisent à refermer cette page, sans toutefois oublier de paraphraser Jean-Christophe MARTIN, pour qui le terrorisme et le crime contre l'humanité répondent à des politiques de terreur différentes, ce qui empêche le télescopage des deux concepts7(*)3.

* 57 Dont les épouvantables attaques du 11 septembre 2001.

* 58 Par exemple, la connexité avec le crime de guerre n'est plus une exigence constitutive du crime contre l'humanité et la planification du crime n'est plus exclusive d'un gouvernement, mais peut être celui d'un groupe quelconque. Pour d'autres détails, voir William A. SCHABAS et Clémentine OLIVIER, « Terrorisme : crime contre l'humanité ? » in SOS, ATTENTATS, Terrorisme, victimes et responsabilité pénale internationale,Calman-Lévy, Paris, 2003, p. 379 et s. Voir également Marco SASSOLI et Antoine A. Bouvier, Un Droit dans la guerre ? Volume 1, CICR, Genève 2003, pp. 307 et 308. Et René DEGNI SEGUI, Le tribunal pénal international, Cours de DEA, droit public, Université de Cocody, 2006-2007.

* 59 Cf. Rapport de la CDI sur les travaux de sa 48ème session, A/51/10, 1996, pp. 114-117

60 Voir Jean Christophe MARTIN, op.cit. p. 225

61 Pour aller plus loin, voir Bruce HOFFMAN, La mécanique terroriste, op.cit

62 Il en était ainsi de la jurisprudence du Tribunal de Nuremberg de 1945. William A. SCHABAS et Clémentine OLIVIER expliquent à ce sujet que, dans le cadre du jugement des criminels sous le IIIème Reich, la conception traditionnelle était que, en fait, « non seulement une politique devait exister mais qu'elle devait être celle d' un Etat, comme dans le cas de l'Allemane Nazie ». Mais, bien que cela ait pu être le cas durant la Seconde Guerre mondiale, (...) ce n'est plus le cas aujourd'hui. Voir op.cit, p. 383

* 63 On constate que, ni le statut des TPIY et TPIR ni celui de la CPI ne posent comme condition que le crime contre l'humanité soit perpétré ou encouragé par les autorités étatiques. L'article 5 du Statut du TPIY et l'article 3 du TPIR gardent le silence sur cette question. Au surplus, la CDI précise que « c'est l'instigation ou la direction soit d'un gouvernement ou d'une organisation, ou d'un groupe quelconque, qui donne à l'acte sa dimension et en fait un crime contre l'humanité... » (Voir rapport précité).

64 On citera comme exemples d'organisations terroristes contemporaines l'ETA en Espagne (Euzkadi Ta Azkatasma qui se traduit par « le pays Basque et sa liberté »), le HAMAS en Palestine, le HEZBOLLAH au Liban, et la nébuleuse internationale terroriste Al Qaida de Oussama BEN LADEN.

65 Il faut préciser que cet auteur ne conclut pas à une généralisation des actes terroristes comme crimes contre l'humanité. Bien au contraire, pour lui, « la qualification de crime contre l'humanité pourrait s'avérer pertinente s'agissant des seuls actes commis sur le territoire américain ». Poursuit-il, cette qualification repose cependant sur des considérations de faits établis sans beaucoup de recul et constitue, par ailleurs, une solution dont la validité reste

confinée au seul cas d'espèce, la question de la qualification générale du terrorisme n'étant en rien résolue. Voir

Yann JUROVICS, « Les controverses sur la question de qualification du terrorisme », in Karine BANNELIER et al. Le droit international face au terrorisme. Après le 11 septembre, op.cit., p.101.

66 William A. SCHABAS et clémentine OLIVIER reconnaissent pour leur part que les attentats du 11 septembre 2001 ont été « généralisés » et « systématiques » et que les victimes étaient « civiles », sans toutefois se plier à la qualification de crimes contre l'humanité proposée par certains auteurs. Op. cit. pp. 379 et s.

67 Ibid. p. 387

* 68 L'Acte final de la Conférence de Rome, adopté en même temps que le Statut, regrette qu'il n'ait pu être possible de s'accorder sur une définition du terrorisme, mais prévoit que la situation pourrait changer lors de la révision du Statut sept ans après son entrée en vigueur. (Voir UN. Doc. A/CONF. 183/10)

69 Voir préface de l'ouvrage de Yann JUROVICS, Réflexions sur la spécificité du crime contre l'humanité,

LGDJ, Paris, 2002, p.7

* 70 Yann JUROVICS, « Les controverses sur la question de qualification du terrorisme », loc. cit., p. 101

71 Le critère de discrimination en tant que dol spécial du crime contre l'humanité ne fait pas l'unanimité au sein de la doctrine, mais est porté par un fort courant de pensée. Voir Mario BETTATI, « Le crime contre l'humanité » in H. ASCENSIO et al. Dir., Droit international pénal, p. 303. Toutefois, le Statut de Nuremberg par exemple ne contient pas de critère de discrimination.

72 C. GRYNFOGEL, « crimes contre l'humanité », Juris-Classeur, Droit pénal, Fasc. 20, 1998, p. 19 cité par Jean-Christophe MARTIN, op.cit., p. 258

* 73 Jean-Christophe MARTIN, ibid. p. 258

* 74 La terminologie usitée par le droit international est celle de conflit armé. Les Conventions de Genève de 1949 et les textes subséquents préfèrent le terme de conflit armé à celui de guerre .

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote