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Le pardon et la justice post conflits en Afrique. Etude comparative des dynamiques des acteurs et des institutions du dedans et du dehors (Afrique du Sud, Rwanda)

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par Alain-Roger Edou Mvelle
Université de Yaoundé 2 - DEA 2008
  

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I. Une collaboration dans la pratique

Le Tribunal international pour le Rwanda et les juridictions nationales sont concurremment compétents pour juger les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire du Rwanda et les citoyens rwandais présumés responsables de telles violations commises sur le territoire d'États voisins188(*). C'est en ces termes que l'article 8 du Statut du TPIR est libellé, en son premier alinéa. Cette compétence conjointe est nécessaire dans la mesure où, malgré son bilan relativement positif, le TPIR ne pouvait pas à lui seul juger l'ensemble des génocidaires189(*). Au titre de ce bilan, 70 personnes accusées, 60 arrêtées et transférées, en 2002. Au rang des grandes figures inculpées, Jean Kambanda, Premier Ministre du Gouvernement Rwandais, lors des événements de 1994. En outre 14 ministres de son Gouvernement sont détenus, plusieurs hauts gradés de la gendarmerie, parmi lesquels 3 officiers généraux, des hauts fonctionnaires, des hommes d'affaires, des religieux, etc.

Pour cela, il a fallu la coopération de 19 Etats dont 12 Africains, au rang desquels le Rwanda190(*). La résolution 978 du Conseil de Sécurité constitue le fondement immédiat de cet appui des Etats. Elle a notamment indiqué :

- les autorités nationales compétentes d'arrêter et de mettre en détention, conformément à leur législation nationale et aux normes applicables du droit international, les personnes trouvées sur le territoire contre lesquelles il existe des preuves suffisantes qu'elles se sont rendues coupables d'actes entrant dans la compétence du tribunal international pour le Rwanda ;

- les Etats qui mettent en détention des personnes soupçonnées de crime qui entrent dans la compétence du tribunal international sont tenus d'informer le Secrétaire Général et le Procureur du tribunal international pour le Rwanda de l'identité des personnes détenues, de la nature des crimes dont elles sont soupçonnées, des éléments de preuve réputés constituer des motifs raisonnables et suffisants de détention, de la date à laquelle les intéressés ont été détenus et du lieu de leur détention. Un accès libre aux détenus doit être assuré aux enquêteurs du TPIR.

La coopération entre les deux niveaux de juridictions est exemplifiée, par ailleurs, par des échanges d'expériences. C'est ainsi que des stages de formations ont eu lieu au Rwanda en faveur des magistrats, sur des thématiques telles que la coopération judiciaire internationale. Des visites de ces derniers à Arusha ont également été programmées191(*). En octobre 1999, le Rwanda désigne un représentant auprès du TPIR192(*). A son arrivée à ce poste, il déclara qu'au départ, « les relations entre le gouvernement rwandais et le TPIR avaient été mauvaises...mais le tribunal a accompli des progrès remarquables... »193(*). Cette collaboration a été jugée trop étroite par un collectif d'avocats qui a estimé que la justiciabilité des membres du FPR devant le TPIR ne permettait pas qu'il soit représenté. En réaction, l'organisation réagira par le canal de son porte-parole, en affirmant que le TPIR est garant de son indépendance et que tout Etat au monde, représenté à l'ONU, peut avoir un représentant auprès du TPIR.

Conclusion de chapitre

Il était question de mettre en lumière les interactions des acteurs et institutions dans les sociétés post conflits sous revue. Parvenu au terme de cette entreprise, il est éclairant de noter que ces relations de face-à-face sont décryptables entre les acteurs internes194(*), entre les acteurs internes et les acteurs externes, entre les institutions internes, entre celles-ci et les institutions internationales, entre les acteurs et les instituions du dedans et du dehors. L'étude des interactions a permis de mettre en exergue la variété des rapports. Ceux-ci sont fortement imprimés par les valeurs et l'identité des différentes parties engagées aux plans interne et externe. Aussi peut-on à présent affirmer qu'il y a eu influence réciproque dans ces interactions. Qu'elles soient marquées du sceau de la complémentarité ou de la concurrence, les relations de face-à-face informent à suffisance le dynamisme de la construction des sociétés post conflits en Afrique. Par là, les postulats de l'interactionnisme symbolique sont vérifiés, dans la mesure où les interactions sociales décrites ont été non seulement dynamiques, mais aussi négociées. Mais jusqu'où ces échanges peuvent-ils servir la coexistence pacifique inscrite dans le temps long entre d'anciens groupes ennemis ?

* 188 Pour aller plus loin, lire O. Dubois, « Les juridictions pénales nationales au Rwanda et le Tribunal pénal international pour le Rwanda », RICR, n° 828, 1997, pp. 769 et ss.

* 189 Le premier acte d'accusation émis par ce tribunal date du 8 novembre 1995, notamment contre 8 personnes.

* 190 Les noms des huit personnes arrêtées n'ont pas été révélés. Néanmoins, il est établi qu'ils l'ont été pour avoir participé à des massacres dans quatre sites de la Préfecture de Kibuye entre avril et juin 1994. Deux hommes détenus aujourd'hui en Zambie ont fait l'objet des mandats d'arrêt : Georges Anderson, deuxième vice-président du Comité national des milices Interhamwe, a participé à des massacres dans une école à Kigali et dans une carrière à Nyanza. Il était reproché à Jean-Paul Akayezu d'avoir ordonné des massacres, et commis d'autres actes similaires. Une autre mise en accusation a été faite contre Alfred Musena, détenu en Suisse.

* 191 Philippe Mégret, op.cit ; p. 87.

* 192 Il s'agit de Martin Ngoga.

* 193 Propos rapportés par Joseph Garambe, « Le génocide Rwandais devant la justice internationale », in : http://aircrigeweb.free.fr, consulté le 25 août 2009.

* 194 L'une des illustrations fortes concerne la collaboration entre les « gacacas» et les tribunaux classiques. La catégorisation instituée par la loi organique du 30 août 1996 entraîne un échange entre les deux structures dans la pratique. La catégorie 1 concernait les organisateurs, planificateurs du génocide et des crimes contre l'humanité, les personnes qui ont agi en position d'autorité, les meurtriers de grand renom qui se sont distingués par leur zèle ou leur méchanceté excessive. La catégorie 2 comprenait les auteurs ou complices d'homicides volontaires ou d'atteintes graves contre les personnes ayant entraîné la mort. La catégorie 3 distinguait les personnes coupables d'autres atteintes graves contre les personnes. La catégorie 4 enfin regroupait des personnes ayant commis des infractions contre les propriétés.

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