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Le concept de développement durable : le cas de l'Afrique subsaharienne

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par Vincent Thierry BOUANGUI
Université de Reims Champagne - Ardenne - Diplôme d'étude approndie 1995
  

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    UFR Droit et Science Politique, Année Universitaire 1994-1995

    LE CONCEPT DE DEVELOPPEMENT DURABLE : LE
    CAS DE L'AFRIQUE SUBSAHARIENNE

    Mémoire de DEA de Droit public
    Option : Droit international et Relations internationales

    Présenté et soutenu publiquement par Vincent Thierry BOUANGUI

    Sous la direction de Monsieur Pierre WEISS,
    Maître de Conférences à l'Université de Reims

    TABLE DES MATIERES

    LISTE DES ABREVIATIONS 1

    INTRODUCTION . 5

    PREMIERE PARTIE: L'EMERGENCE DU CONCEPT DE DEVELOPPEMENT DURABLE 16

    PREMIER CHAPITRE :LES ORIGINES ET SENS DU CONCEPT. 16

    SECTION: I LES ORIGINES DU CONCEPT. 13

    PARAGRAPHE I : LA CONFERENCE DE STOCKHOLM: UNE ORIGINE

    LOINTAINE DU CONCEPT 17

    A -LA PRISE DE CONSCIENCE INTERNATIONALE DES QUESTIONS DE

    L'ENVIRONNEMENT 18

    B -LE PROCESSUS DE MISE EN FORME DU CONCEPT 20

    PARAGRAPHE II: LE RAPPORT BRUNDTLAND: L'ORIGINE RECENTE 22

    A-LE CONTEXTE DU RAPPORT 22

    B-LA SYSTEMATISATION DU CONCEPT DE DEVELOPPEMENT DURABLE. 23

    SECTION II: CONTENU ET IMPLICATIONS DU CONCEPT 27

    PARAGRAPHE I: LE CONTENU DU CONCEPT 27

    A- LE PROBLEME DE LA MULTIPLICITE D'INTERPRETATIONS 28

    B- LES VISEES IDEOLOGIQUES DU CONCEPT DE DEVELOPPEMENT DURABLE 30

    PARAGRAPHE II: LES IMPLICATIONS DU CONCEPT 33

    A- LES MPLICATIONS PRATIQUES 34

    B- LES IMPLICATIONS THEORIQUES 38

    DEUXIEME CHAPITRE: DU DESACCORD A L'ADHESION DE L'AFRIQUE

    SUBSAHARIENNE 41

    SECTION I: LE SPECTRE D'INGERENCE ECOLOGIQUE 42

    PARAGRAPHE.I: L'ATTITUDE DES ETATS OCCIDENTAUX 43

    A-LA "MISE EN ACCUSATION" DE L'AFRIQUE SUBSAHARIENNE 44

    B- SON "ENROLEMENT" PAR L'OCCIDENT 46

    PARAGRAPHE II: LES NOUVELLES ORIENTATIONS DU GROUPE DE LA

    BANQUE MONDIALE 47

    A-RECONNAISSANCE PAR LA BANQUE DES IMPACTS NEGATIFS DE SES PROJETS

    SUR L'ENVIRONNEMENT 48

    B-LA PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT COMME NOUVELLE

    CONDITIONNALITE DES PRETS DE LA BANQUE 50

    SECTION II : L'ADHESION DE L'AFRIQUE SUBSAHARIENNE AU

    DEVELOPPEMENT DURABLE 53

    PARAGRAPHE I:LES REFLEXIONS AFRICAINES SUR L'ENVIRONNEMENT 53

    A-LA CONFERENCE DES MINISTRES AFRICAINS POUR L'ENVIRONNEMENT ET LA

    CONVENTION DE LOME IV 54

    B-LE PROCESSUS D'ELABORATION ET D'EXECUTION DES PLANS NATIONAUX

    D'ACTIONS POUR L'ENVIRONNEMENT (PNAE) 58

    PARAGRAPHE II: LA CONFERENCE DE RIO DE JANEIRO 65

    A- L'ADHESION PAR LA PARTICIPATION 66

    B- LA PORTEE DES CONVENTIONS 67

    CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE 68

    DEUXIEME PARTIE: LE DEVELOPPEMENT DURABLE EN AFRIQUE: UNE MISE EN OEUVRE

    PROBLEMATIQUE 70

    PREMIER CHAPITRE: LES FREINS AU DEVELOPPEMENT DURABLE 72

    SECTION I: LES FREINS ENDOGENES 73

    PARAGRAPHE I : L'OBSESSION DU COURT TERME 73

    A-LA TOTALE DEPENDANCE DES ETATS AFRICAINS AUX RESSOURCES

    NATURELLES 73

    B-PAUVRETE ET ENVIRONNEMENT 75

    PARAGRAPHE II: LA CROISSANCE DEMOGRAPHIQUE ET LES

    PESANTEURS SOCIO-CULTURELLES 79

    A-LA CROISSANCE DEMOGRAPHIQUE VERTIGINEUSE 80

    B-LES PESANTEURS SOCIO-CULTURELLES 84

    PARAGRAPHE III: LA DESERTIFICATION ET LA SECHERESSE 86

    SECTION II: LES FREINS EXOGENES 87

    PARAGRAPHE I: LE POIDS DE LA DETTE ET LES CONSEQUENCES

    IMMEDIATES DES POLITIQUES D'AJUSTEMENT STRUCTUREL 87

    A-LA QUESTION DE LA DETTE AFRICAINE ET L'ENVIRONNEMENT 88

    B-LES EFFETS DES PROGRAMMES D'AJUSTEMENT STRUCTUREL SUR

    L'ENVIRONNEMENT (PAS) 90

    PARAGRAPHE II: LES TRANSFERTS DE TECHNOLOGIES POLLUANTES

    ET L'INCAPACITE D'ACCES DE L'AFRIQUE AUX TECHNOLOGIES PROPRES 93

    A-LA MIGRATION VERS L'AFRIQUE D'INDUSTRIES POLLUANTES 94

    B- L'INACCESSIBILITE DE L'AFRIQUE AUX TECHNOLOGIES NON POLLUANTES 97

    PARAGRAPHE III : L'ACTE FINAL DE L'URUGUAY ET L'ENVIRONNEMENT 100

    CHAPITRE II : LE PLAN D'ACTION DE RIO A L'EPREUVE DE L'AFRIQUE 104

    SECTION I: L'ACTION DU SYSTEME DES NATIONS UNIES SUR LE

    PLAN INSTITUTIONNEL 105

    PARAGRAPHE I : LA CREATION DE LA COMMISSION DU

    DEVELOPPEMEN DURABLE 106

    PARAGRAPHE II: LA CONVENTION INTERNATIONALE SUR LA LUTTE

    CONTRE LA DESERTIFICATION ET LA SECHERESSE 109

    PARAGRAPHE III: LA CONFERENCE MONDIALE SUR LA

    DEMOGRAPHIE ET LE LA CONFERENCE SUR LE DEVELOPPEMENT SOCIAL 112

    A- LA CONFERENCE DU CAIRE 113

    B-LE SOMMET DE COPENHAGUE: PROCESSUS DE LUTTE CONTRE LA PAUVRETE 115

    SECTION II: L'ACTION DU SYSTEME DES NATIONS UNIES, DES ONG ET DES GOUVERNEMENTS SUR LE PLAN PRATIQUE 117
    PARAGRAPHE I : LE FEM, LE PNUD, LE PNUE, LA BANQUE

    MONDIALE ET L'AFRIQUE 118

    PARAGRAPHE II: LES ONG, LES GOUVERNEMENTS ET L'AGENDA 21 124

    CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE .128

    CONCLUSION GENERALE 130

    ANNEXES: 134

    BIBLIOGRAPHIE 139

    Depuis trois décennies, les questions de développement n'ont cessé d'être la préoccupation majeure des Etats africains. Ceux-ci ont fait du droit au développement leur principale revendication au point où ces questions ont le plus souvent entraîné de grandes divisions entre le Nord et le Sud. Les débats au sein de l'Assemblée générale et de la C.N.U.C.E.D sont maintes fois cités en exemple pour illustrer ces antagonismes. Ainsi, lorsqu'on y faisait allusion à ces questions, particulièrement dans les années 70 et 80, il s'érigeait de façon quasi automatique des stratifications d'intérêts du genre "groupe de 77" et le groupement des pays développés.

    Mais à présent, les problèmes de développement et de ses effets sur l'environnement apparaissent très importants et indissociables tant au Nord qu'au Sud*. Ainsi, on assiste à une certaine convergence d'objectifs et de volontés d'agir au point d'inhumer les vieilles querelles d'autrefois. En effet, les atteintes dont est victime notre planète à cette fin de siècle ne laissent indifférents les Etats de tous les horizons. La majorité des Etats sont d'avis que si rien n'est fait nous nous dirigerons vers l'irréversibilité, c'est-à-dire vers une catastrophe écologique. Car de plus en plus les maux dont souffre la terre ne font que se multiplier et prendre de l'ampleur. Dans ce triste catalogue, on a l'habitude de citer la dégradation de la couche d'ozone, les pluies acides, la multiplicité des catastrophes localisées dues à l'action de l'homme sur l'environnement et l'explosion de la pauvreté dans le monde...

    Ce sont à la fois le modèle de développement du Nord, fondé sur la croissance économique et l'industrialisation, et de façon moindre l'utilisation dont les pays en développement font de leurs ressources, qui sont à l'origine de ces distorsions qui se résument en une crise économique, écologique et à la grande disparité entre pays en développement et pays développés.

    Cette mise en cause du développement devait aboutir à une sorte de conjuration magique de ses effets négatifs, qui consiste à lui ajouter de nouveaux qualificatifs. Ainsi a t-on parlé de développement intégré, de développement équilibré, de développement humain, de développement humain durable etc. Le développement durable comme nous le verrons fait partie de cette suite d'innovation conceptuelle visant à faire entrer une part de rêve dans cette dure réalité de la croissance économique(1).

    Mais par le passé, le rapport du Club de Rome (1970), intitulé Halte à la croissance avait déjà stigmatisé les atteintes de l'environnement par la croissance. Ce rapport adressait un précieux avertissement à la communauté internationale en ce qui concerne le danger qu'encourait la planète terre, notamment au sujet de l'épuisement des ressources naturelles non renouvelables. Cependant, les déclarations de certains auteurs tel que le prix Nobel de l'économie, M. Robert SOLOW ont atténué les angoisses et la prise de conscience suscitées par le rapport du Club de Rome. En effet selon Robert SOLOW, "le souci ancien au sujet de l'épuisement des ressources naturelles ne repose plus sur aucune base théorique". Et, à lui de préciser encore que "il est facile de substituer d'autres facteurs aux ressources naturelles. Aussi, n'y a t - il en principe aucun problème. Le monde peut, en effet, continuer sans ressources naturelles, ainsi l'épuisement de celles-ci est tout juste une

    péripétie, non une catastrophe". Toutefois, le rapport a eu un grand effet sur le plan international. La tenue en 1972 de la conférence mondiale sur l'environnement humain à Stockholm sous l'égide des Nations unies est l'un de ses effets immédiats.

    Plusieurs conventions et institutions internationales devaient voir le jour à cette époque. Il en a été ainsi de l'UICN, de la convention sur la prévention de la pollution des mers résultant de l'immersion des déchets et autres matières (29 Déc 1972), de la convention de Washington de 1973 sur la conservation des espèces de faune et de flore menacées d'extinction (CITIES), de la déclaration de Cocoyoc issue du symposium du PNUE/CNUCED (Mexique 1974) etc. Diverses autres institutions devaient être créées au cours de la seconde période: il s'agit du P.N.U.D, et bien d'autres. Cette période était aussi l'occasion du renforcement du droit international de l'environnement avec l'adoption en 1982 de la convention de Montégo Bay et de la convention de Vienne pour la protection de la couche d'ozone (22 Mai 1985).

    Malgré toutes ces stratégies de sauvegarde de l'environnement mondial sur le plan institutionnel particulièrement, la dégradation de la planète n'a cessé d'inquiéter ses citoyens. Car en dehors des phénomènes de déforestation, de désertification et de l'effet de serre, on continue d'assister à plusieurs catastrophes, exemples, l'accident de Tchernobyl de 1986, l'incendie des puits de pétrole au Koweït pendant la guerre du Golfe (1991), la fuite de gaz toxiques à Bhopal en 1984, la marée noire en Alaska en 1989, le recul de la mer d'Aral, et en Octobre dernier l'explosion des pipe-lines dans la Toundra (région de Sibérie, en Russie), qui a causé une pollution dont les conséquences sont encore loin d'être quantifiées.

    Une fois de plus, les Nations unies devaient prendre à bras-le-corps ce problème, en s'investissant dans la promotion de l'environnement. Ainsi a été créée la Commission mondiale pour l'environnement et le développement en application de la résolution 38/161, adoptée par l'Assemblée générale à la fin de 1983, dont mission a été donnée de faire un diagnostic et proposer des mesures correctrices (propositions et recommandations) aux problèmes de l'environnement mondial.

    En 1987, la commission présidée par l'ancien Ministre Norvégien de l'environnement, Madame Gro Harlem BRUNDTLAND a publié un rapport dont le développement durable est le leitmotiv. C'est une recommandation faite à la communauté internationale de trouver des solutions aux problèmes actuels de détérioration de l'environnement mondial, un nouveau modèle de gestion innovatrice aux implications multiples: il vise un renversement d'ordre de priorités en faveur de l'environnement, donc au détriment de la croissance telle qu'elle s'opère actuellement au Nord; ce qui veut dire en d'autres termes que le développement durable suppose l'acceptation d'un certain nombre de sacrifices au niveau économique, du moins à court terme. Mais cela n'a pas empêché la communauté internationale et particulièrement les Etats du Nord de plaider en sa faveur.

    La conférence de Rio de Janeiro sur l'environnement et le développement organisée sous l'égide des Nations unies du 3 au 16 Juin 1992, a été l'occasion de la consécration du développement durable, considéré comme le modèle de développement que la communauté internationale s'est accordée à mettre en oeuvre.

    du développement durable par l'Afrique à l'occasion de cette conférence sera amplement traitée. En effet, menacée par la désertification, la déforestation, la dégradation des sols et le manque d'eau potable, l'Afrique subsaharienne a manifesté son adhésion au développement durable qui s'est présenté à elle à la fois comme une contrainte et comme une opportunité qu'elle ne devait manquer de saisir. Comme une contrainte, dans la mesure où la conférence et les grands donateurs ont depuis changé de logique. Car, au lieu de parler en terme d'aide au développement, ils parlent désormais en terme de soutien aux politiques de développement et environnement. Dans ces conditions, comment ne pas y adhérer lorsque pendant longtemps ces Etats sont restés dépendants de cette aide extérieure qu'ils espèrent tant. Comme une opportunité, en ce sens que pour certains pays d'Afrique c'est l'occasion où jamais faudrait-il profiter du plan d'action de Rio et du FEM pour résoudre les problèmes de l'environnement qui se posent à eux depuis des décennies.

    Cependant, comme toute politique que l'occident propose au monde, le développement durable n'est pas exempt de préoccupations idéologiques en dehors de son intérêt louable de protection de l'environnement mondial qu'il véhicule. Cette teinte idéologique tient à ce que l'occident s'est servi de ce concept et l'impose, pour renverser certaines habitudes. Il est connu de tous qu'en matière d'aide au développement, de la coopération pour le développement notamment, le Sud avait arraché plusieurs victoires aux Nord, donnant ainsi à cette aide un caractère quasi obligatoire, si bien que toutes les questions de développement au sein de l'Assemblée générale des Nations unies et du C.N.U.C.E.D coïncidaient à l'aide au développement.

    Or, en conditionnant l'aide au développement à la mise en oeuvre par les Etats (candidats) des plans environnementaux, l'occident reprend le terrain perdu devant les Pays du Sud aujourd'hui traités avec moins d'égards qu'avant,

    en raison de la fin du règne du clientélisme rendue possible par la réduction des rivalités EST/OUEST. M Michel GAUD* note à ce propos que "la défense de l'environnement, qui par certains aspects semble constituer une religion, est de nature à faciliter singulièrement la tâche d'Etats qui chercheront à maintenir ou accroître leur domination sur le monde, de la même manière que les églises chrétiennes ont porté la main à l'entreprise coloniale(3).

    Les Etats d'Afrique subsaharienne sont foncièrement caractérisés par le sous-développement: 90% de leurs populations vivent au seuil de la pauvreté et 68% de ces Etats sont parmi les P.M.A... Ce sont des pays aux balances de paiement largement déficitaires, plus de 80% des revenus de leurs populations proviennent de l'agriculture. En outre, cette région se distingue par un très fort taux d'endettement dont le remboursement par année est d'environ 5,3 milliards de dollars.

    Nous étudierons l'exécution par l'Afrique subsaharienne de l'impératif de développement durable en essayant de montrer ses chances de succès et les facteurs qui pourraient en constituer l'obstacle. Mais avant tout, qu'est-ce que l'Afrique subsaharienne? Est-ce une réalité sociologique, géopolitique, économique ou simplement géographique? Il s'agit d'une catégorisation d'Etats faite par la banque mondiale et le F.M.I pour consacrer des études spécifiques aux problèmes les concernant et y apporter des solutions globales. Cette catégorisation répond plus à une réalité socio-économique et géographique qu'à des considérations politiques. En effet, l'Afrique subsaharienne est composée de 47 Pays du continent et des îles proches, à l'exclusion de l'Afrique du Nord (Algérie, Jamahiriya arabe libyenne, l'Egypte, le Maroc, et la Tunisie) et de l'Afrique du sud. Elle est donc à tout point de vue et

    * Rédacteur en chef de la revue Afrique contemporaine.

    (3) Environnement, développement et coopération: quelques réflexions, in Afrique contemporaine, Janvier-Mars 1992, n°161, page 264.

    particulièrement à cause de sa précarité, la région au monde qui nécessite une attention particulière, un véritable plan de développement (au sens du rapport du P.N.U.D), c'est-à-dire un développement qui répond aux indicateurs de niveau économique, social, éducatif et des libertés politiques* .

    Or, la voie du développement durable à laquelle s'engage l'Afrique subsaharienne exige d'énormes coûts financiers et sociaux. Si pour les Pays du Nord le développement durable qui implique l'harmonisation du développement et de l'environnement peut être mis en oeuvre avec moins de difficulté, vu le degré de développement déjà atteint, il en va autrement pour les Etats d'Afrique au sud du Sahara. Pour ceux-ci, la mise en oeuvre du développement durable conduit à deux conséquences fâcheuses: à l'autolimitation de l'industrialisation d'une part, et de l'autre, à la subsidiarisation des problèmes de développement économique derrière la nouvelle mode environnementale, plus précisément au transfert de l'aide internationale vers la lutte contre la pollution. Ce qui n'est pas une sinécure pour cette région dont le bilan vient d'être dressé. C'est là tout le problème de l'ambiguïté de l'application du concept en Afrique qui est ainsi posé.

    Par le passé, le principe pour les Etats du tiers-monde était:"nous devons d'abord nous développer ensuite aurons-nous le temps de nous préoccuper de l'environnement". Aujourd'hui, pour des raisons diverses que nous venons d'évoquer et qui seront étayées dans les lignes qui vont suivre, les pays en développement et particulièrement ceux d'Afrique subsaharienne ont choisi de concilier le développement et l'environnement.

    Mais au vu de tout ce que nous venons de dire à propos de cette région, plusieurs questions méritent d'être posées. En effet, quoique louable et

    * PNUD, Rapport sur le développement humain, 1994

    solidaire à la communauté internationale soit l'engagement de l'Afrique subsaharienne pour le développement durable, cette région semble trouver sur son chemin des obstacles à sa mise en oeuvre. L'Afrique peut-elle mettre en oeuvre ce modèle de développement sans succomber davantage? Ne s'embarque t-elle pas comme par le passé (lors des choix idéologiques) dans une nouvelle aventure qui lui causera beaucoup de torts? Ne faut-il pas qu'elle prenne un peu de recul pour analyser de fond en comble ce modèle qui lui est présenté? Les engagements financiers de la communauté internationale à Rio visant à faire face à ce grand changement d'objectifs peuvent-ils réellement servir de gage suffisant pour que l'Afrique subsaharienne parvienne au développement durable? Cette dernière question nous servira de fil conducteur tout au long de notre exposé, car d'elle dépend en grande partie l'aboutissement des engagements de la conférence de Rio.

    Nous avons choisi d'étudier le cas spécifique de l'Afrique subsaharienne pour plusieurs raisons. La première et non la moindre est que l'engagement de l'Afrique sur plusieurs fronts au cours d'une même période nous a permis de nous interroger sur ses chances de succès. En effet, au même moment que l'Afrique subsaharienne se démocratise, elle applique des programmes d'ajustement structurel (imposés) et le développement durable, trois processus onéreux (financièrement et socialement) dans un contexte de crise financière, économique, sociale et monétaire.

    La seconde, complémentaire de la première relève de l'actualité. La situation de l'Afrique est très préoccupante aujourd'hui encore plus qu'hier. Elle s'annonce catastrophique pour demain si les tendances actuelles sont laissées à elles-mêmes ou si seulement des demi-mesures sont mises en oeuvre. Depuis quelque temps, l'on ne cesse de faire état de la marginalisation économique de l'Afrique au sud du sahara. Mettre le continent noir à l'aune du

    développement durable est à notre avis une entreprise qui permettra de mieux en appréhender le sort véritable.

    Dans notre analyse, nous n'aborderons pas la question intéressante des enjeux de la conférence de Rio qui est du reste le dernier "promoteur" du développement durable. Cette question vaut en elle même un thème dont l'analyse dépasse le cadre restreint de notre propos. Toutefois, nous ferons état de quelques aspects de ces enjeux lorsque nous traiterons de la demande faite par l'Afrique à la conférence pour que soit adoptée une convention sur la désertification.

    Par ailleurs, nous examinerons l'émergence du concept - ce qui va de soit -, les différentes étapes au cours desquelles l'Afrique a manifesté son adhésion au développement durable (Ière Partie), puis les obstacles rencontrés par les Etats concernés et par la communauté internationale, en ce qui concerne la mise en oeuvre du plan d'action de Rio de Janeiro (IIème Partie). Cette démarche présente à la fois le mérite d'exposer les mobiles profonds de l'engagement africain et celui de mettre en évidence les chances de succès et les limites des différents P.N.A.E. (Plans nationaux d'actions pour l'environnement) et du plan d'action de Rio, afin qu'à l'avenir toutes difficultés soient palliées et que le développement durable cesse d'être un simple slogan mais devienne une réalité en Afrique.

    Pour ce faire, nous privilégierons principalement deux approches, l'une sociologique et l'autre systémique. La première, pour mieux comprendre le rôle, les pouvoirs et les comportements des acteurs sociaux vis à vis de leurs milieux et de leur utilisation des ressources naturelles. La seconde en revanche nous permettra d'examiner cette région d'Afrique dans son état, c'est-à-dire

    comme un ensemble avec ses variantes, mais un ensemble plus exposé aux forces extérieures qu'il n'en influe.

    PREMIERE PARTIE :
    L'EMERGENCE DU CONCEPT DE DEVELOPPEMENT
    DURABLE

    Comme toutes les théories relevant de la pensée économique, le développement durable a connu tout un long processus avant d'être systématisé et accepté, par la communauté internationale comme le modèle de développement de ce siècle finissant et à venir.

    Trois périodes permettent de retracer de façon précise son émergence. Il y a les années 70 avec la conférence de Stockholm, les années 80 avec le rapport BRUNDTLAND et enfin l'année 1992 qui était l'occasion pour le concept de connaître la grande consécration au travers la conférence de Rio de Janeiro (Ier chapitre).

    Au cours de son émergence, il a connu (et connaît encore dans certaines régions) la résistance du modèle de développement occidental (IIème chapitre).

    PREMIER CHAPITRE :

    LES ORIGINES ET SENS DU CONCEPT.

    Lorsqu'on parle du développement durable l'on a l'habitude de faire uniquement allusion à la conférence de Rio, oubliant que ce concept a une histoire, celle que nous venons de résumer en trois étapes. C'est cette évolution que nous essayerons de retracer dans ce présent chapitre (I). En plus, nous aborderons l'importante question du contenu du concept car, c'est de celui-ci qu'il tire tout son sens et toute sa valeur (II)

    SECTION: I LES ORIGINES DU CONCEPT.

    Le développement durable est à la fois un concept ancien et nouveau. Il est ancien dans la mesure où, déjà du point de vue de ses implications il a été mis en avant mais sans succès. Dans ce sens, nous pouvons nous référer aux travaux de la conférence de Stockholm (conférence mondiale sur l'environnement humain, du 5 au 16 Juin 1972) qui en a élaboré l'ébauche.

    Le caractère nouveau du concept tient en revanche à la nouvelle appellation de ce qui était entendu comme une gestion judicieuse de l'environnement par la croissance, mais aussi aux mécanismes pratiques mis en places pour sa réalisation effective. En effet, la médiatisation fort poussée du concept lui donne un caractère foncièrement nouveau. Ainsi, les travaux de la commission mondiale pour l'environnement et le développement, présidée par Madame Gro Harlem BRUNDTLAND et la conférence de Rio de Juin

    1992 devaient permettre au concept d'avoir une audience beaucoup plus grande. L'on a pu donc dire à cet effet que le rapport BRUNDTLAND a présenté officiellement à l'ensemble des Pays le concept de développement durable.

    PARAGRAPHE I : LA CONFERENCE DE STOCKHOLM: UNE ORIGINE

    LOINTAINE DU CONCEPT.

    Nous allons partir de la conférence de Stockholm parce que du point de vue de l'organisation, de la participation et de la qualité des débats, Stockholm reste le plus grand moment des années 70 en matière de la relation environnement-développement. Ainsi nous n'allons pas nous appesantir sur certains événements tels que la grande réunion de Founex, convoquée en 1971 qui a donné lieu au rapport dit de Founex dont le succès (en matière de recommandations faites) a été emporté par l'euphorie d'après Stockholm.

    Deux traits caractérisent la conférence de Stockholm, il y a d'abord le fait qu'elle est l'expression d'une volonté de la communauté internationale de rompre avec les pratiques du passé, en plus d'elle est née l'idée de trouver un nouveau modèle de développement qui prendrait la relève de celui qui est né avec l'industrialisation.

    A -LA PRISE DE CONSCIENCE INTERNATIONALE DES QUESTIONS DE L'ENVIRONNEMENT

    Au cours des années 70, l'environnement était déjà devenu une question préoccupante des Etats et des citoyens du monde. Une attention particulière était portée sur la conjonction Environnement - Développement - Démographie. Plusieurs penseurs faisaient état à court terme d'une crise de ressources naturelles non renouvelables qui aurait pour vecteurs la croissance élevée, autrement appelée croissance sauvage et l'expansion démographique incontrôlée de la planète. Ce taux de croissance fort élevé de la population de la planète et le développement industriel entraînaient d'importantes pollutions et nuisances, affectant ainsi eaux, airs, sols, flore, faune.

    C'est dans ce contexte que se tînt la conférence de Stockholm qui avait pour objectif, d'harmoniser le développement et l'environnement, afin que celui-ci ne soit plus la victime du premier, et que l'environnement humain en perpétuelle dégradation soit sauvegardé.

    Cette conférence fut malheureusement l'occasion d'une farouche opposition, principalement entre le Nord et le Sud, à propos du modèle de développement qui devait être suivi. A l'époque, en dehors de la petite frange des pays du Nord qui trouvaient en cette harmonisation une sorte de coup d'arrêt à la croissance, la majorité y était résolue. Pour d'autres au Sud, l'important était au contraire de reproduire le modèle de développement du Nord afin de s'enrichir, les problèmes de l'environnement ou sociaux ne devant être pris en compte qu'une fois l'opulence acquise. Telle est encore la position de la Chine. Enfin, selon une troisième voie, le souci de l'environnement n'était pas contradictoire avec le développement - ce que le rapport BRUNDTLAND et la conférence de Rio viennent de faire admettre à

    la communauté internationale- tout dépend selon eux de ce développement et des moyens mis en oeuvre pour le promouvoir. Malgré ces contradictions, les débats ont abouti à l'adoption d'une déclaration en faveur de la protection de l'environnement humain.

    Aujourd'hui, en dehors de ce qu'on qualifie de consensus sur l'environnement, le débat sur le développement durable fait remonter en surface ces antagonismes. En fait, de très près, les principes posés à Stockholm ressemblent à ceux qui régissent le nouveau concept de développement durable. M. Ignacy SACHS* a pu dire à ce propos que « la problématique posée aujourd'hui me rappelle un peu le climat d'avant Stockholm, lorsque l'on se demandait s'il était possible d'harmoniser le développement avec une meilleure gestion de l'environnement"(1) Mais toutefois, il faut dire que ce qui change en réalité, entre le climat actuel et celui de Stockholm, ce n'est pas la problématique qui est restée la même, mais au contraire les rapports de force au sein de la communauté internationale devenus très déséquilibrés qu'ils ne l'étaient auparavant à Stockholm. Lorsque le Nord proposa au Sud le nouveau modèle de gestion économique très favorable à la protection des ressources naturelles, celui-ci à quelques exceptions près n'eut pas de mal à s'y opposer comme nous l'avons notifié plus haut, cette réaction étant permise par l'interdépendance qui régissait les rapports d'alors: le Sud présentait encore un intérêt pour l'occident. Cependant, lorsque s'est posée la question du développement durable, l'occident s'octroyant désormais une certaine hégémonie en la matière, lui a fait accepter au moyen des armes qui sont les

    (1) Débat sur l'environnement, développemente et coopération, présidé par M Edgard PISANI (président de l'institut du monde arabe), Evénément européen, sept 93, P 262.

    (*)Directeur du Centre de recherche sur l'environnement et le développement, à la maison des sciences de l'homme à Paris,directeur d'études à l'EHESS depuis 1968, dirige le centre de recherches sur le brésil contemporain. Ila été consiller spécial auprès de M Maurice Strong, secrétaire général de la CNUCED, participant à toutes les conférence de la CNUCED: de la réunion de Founex à la conférence de Rio.

    siennes (armes économique et financière) la nouvelle gestion de l'environnement.

    Si les suites de la conférence de Stockholm n'ont pas été très satisfaisantes, exception faite aux conventions qui ont pu être signées, elle eut quand même le mérite d'avoir engendré certaines constructions ou paradigmes économiques qui ont abouti à celui du développement durable.

    B -LE PROCESSUS DE MISE EN FORME DU CONCEPT

    Malgré la polémique née du débat Nord/Sud ou plutôt pays industrialisés et ceux appelés par pudeur pays en développement, la conférence s'est quand même accordée sur ce que la protection et l'amélioration de l'environnement humain est une question d'importance majeure et qu'il faille à ce titre veiller à ce que les populations et l'environnement dans le monde ne soient plus affectés par le développement économique.

    Ce fut l'occasion de l'émergence du concept d'écodéveloppement qui se voulait une stratégie du développement fondée sur une gestion judicieuse des ressources locales, et du savoir faire paysan applicable aux zones rurales et au monde entier.

    Si ce concept n'a pu faire fortune ou a connu des difficultés pour sa mise en oeuvre, cela était dû au désaccord qui a précédé son élaboration. Il y avait une sorte d'absence de consensus autour de lui. Mais à présent, le fil des années vient de renverser l'ordonnance des choses. En effet, le développement durable qui est une «version réactualisée» de l'écodéveloppement requiert de plus en plus d'audience.

    Du point de vue de son contenu le développement durable tire ses origines de la conférence de Stockholm. Plusieurs éléments attestent suffisamment ce propos. Pour s'en convaincre, nous allons citer deux principes de la déclaration de la conférence. Le premier dit que: «L'homme a un droit fondamental à la liberté, à l'égalité et à des conditions de vie satisfaisantes, dans un environnement dont la qualité lui permet de vivre dans la dignité et le bien être. Il a le devoir solennel de protéger et d'améliorer l'environnement pour les générations présentes et futures...» Pour le second principe, «Les ressources du globe, y compris l'air, l'eau, la terre, la flore, la faune et particulièrement les échantillons représentatifs des écosystèmes naturels doivent être préservés dans l'intérêt des générations présentes et à venir par une planification ou une gestion attentive selon que de besoin". On retrouve dans ces deux principes le maillon important de la définition du développement durable proposée par le rapport BRUNDTLAND, c'est-à-dire, «un développement qui répond aux besoins des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs".(2) Ceci étant dit, on peut conclure que le développement durable, dans ses implications notamment, est un paradigme ancien qui n'était pas réellement appliqué en raison des intérêts égoïstes des Etats. Nous pouvons retrouver cette déduction dans les propos de M. Ignacy SACHS:"La conceptualisation de l'écodéveloppement a surtout été élaborée au cours des années 71-75, et le rapport Brundtland n'a pas apporté d'idées très neuves".(3) Toutefois, le rapport BRUNDTLAND et la conférence de Rio de Janeiro de Juin 1992 auront le mérite de le faire revivre tout en l'étayant et lui conférant des aspects multidimensionnels qui lui permettent aujourd'hui d'occuper le devant de la scène internationale. On a pu ainsi parler des origines récentes du développement durable.

    (2) Notre avenir à tous, Commission mondiale pour l'environnement et le développement, édition du fleuve, publications du Quebec, 1987, Page 10.

    (3) Le développement reconsidéré : in revue du tiers monde , n°134 , Page 59.

    PARAGRAPHE II: LE RAPPORT BRUNDTLAND: L'ORIGINE RECENTE

    Ce rapport qui est une véritable plaidoirie pour l'harmonisation de l'environnement avec le développement est le produit d'une époque en détresse, celle qui part des années 80. Nous allons consacrer son étude en raison de l'effort de systématisation du concept de développement durable qu'il a eu le mérite de faire.

    A-LE CONTEXTE DU RAPPORT

    Malgré les grandes recommandations faites à Stockholm, et les réalisations qui se sont suivies (création du PNUE, signature de plusieurs conventions de protection de l'environnement), la dégradation de la planète terre n'a cessé d'inquiéter plus d'une personne. A la tendance à l'épuisement des ressources naturelles non renouvelables (objet essentiel de la conférence de Stockholm), se sont ajoutés les problèmes de production et de traitement de déchets industriels, des catastrophes naturelles, de la forte croissance démographique et la pauvreté dans le monde; ce qui a posé à nouveau le problème de modèle de développement fiable à même de préserver l'humanité de tous ces maux. C'est dans ce contexte de pression et de prédictions pessimistes sur l'avenir de l'humanité qu'a été créée en 1983, la commission mondiale pour l'environnement et le développement (CMED), dont la présidence et la vice-présidence étaient confiées respectivement à Mm Gro Harlem BRUNDTLAND* et au Soudanais* Mansour KHALID. Cette commission devait proposer des stratégies environnementales à long terme. Elle devait aussi faire des recommandations en ce qui concerne les moyens de sauvegarder l'environnement grâce à une meilleure coopération entre les

    * Aujourd'hui premier ministre Norvégien.

    *Vice-premier ministre (1976), ministre de l'éducation (75-76), Président du conseil de sécurité de l'ONU...

    Nations en développement et les pays à divers niveaux de développement économique et social, pour atteindre des objectifs communs, tout en prenant en considération les relations entre les peuples, les ressources, l'environnement et le développement.(4)

    Le concept de développement durable (traduction française de sustainable development), fruit des recherches de la CMED, a été présenté par le rapport comme ce modèle qui devait préserver l'environnement humain. L'idée de ce modèle de développement résulte des tentatives visant à souligner l'interdépendance entre la croissance économique et la qualité de la vie, c'est à dire la prise en compte du facteur environnement dans les objectifs économiques. C'est donc la CMED qui pour la première fois a systématisé ce concept qui, contrairement à celui d'éco-développement est dans ses implications multidimensionnel et inscrit le développement dans le long terme.

    B-LA SYSTEMATISATION DU CONCEPT DE DEVELOPPEMENT DURABLE.

    Le rapport produit par la CMED est une stratégie écologique mondiale à long terme. Ce qui fait son originalité c'est cette capacité de persuasion dont ont fait preuve ses auteurs pour convaincre les citoyens de la planète terre que l'on pouvait rendre compatible le développement avec l'environnement, afin d'aboutir au développement durable. Le rapport repose sur trois idées forces suivantes: la possibilité de promouvoir y compris dans les pays en développement une nouvelle ère de croissance économique s'appuyant sur les politiques ménageant à long terme les bases de ressources naturelles dont dépend le développement; l'urgence de fonder ces politiques sur la notion de

    (4) Notre avenir à tous, ibdem

    développement durable; la nécessité d'une évolution démographique et de la croissance "en harmonie avec le potentiel productif de l'écosystème", en mettant en évidence les interrelations entre divers domaine - population, sécurité alimentaire, préservation des écosystèmes, énergie, industrie, urbanisation-, tout en soulignant les conséquences négatives des stratégies "traditionnelles"de développement...(5)

    On comprend dès lors que le concept de développement durable est la résultante de plusieurs critiques faites par la communauté internationale et par la CMED, notamment à l'endroit du développement ou croissance économique. En d'autres termes, les limites du modèle de développement "traditionnel"ont amené la CMED à mettre au point un paradigme de développement adapté à la crise actuelle.

    Si nous suivons Gilles Gaston GRANGER(6), selon lequel les progrès en sciences économiques se produisent lorsque est pris en considération un phénomène social nouveau ou lorsque est appliquée une nouvelle méthode de pensée à des phénomènes déjà connus, alors le concept de développement durable se prête parfaitement à une telle investigation. Car elle résulte d'une part, de la prise en compte de la crise multidimensionnelle que connaît le monde depuis une décennie et de l'autre, du fait que la gestion de l'environnement dans la perspective du développement apparaît comme un impératif nouveau dont la prise en considération a rendu caduc d'anciens schémas de pensées, au profit de nouveaux raisonnements et indicateurs.

    (5) Pierre WEISS, Les relations internationales, travaux dirigés, Eyrolles, Paris,1993, Page 231.

    (6) Epistémologie économique, encyclopédie économique, Economica, Paris, 1990, et cité par HARRIBEY Marie,(partcipante à la conférence de Rio) in mémoire de DEA:Le concept de développement durable, science économique, Bordeaux, 1993, page 20.

    C'est de cette façon que s'est enrichi le répertoire des paradigmes économiques. Il en est ainsi de la création de celui de développement, qui est apparu afin de décrire un autre phénomène dont l'ampleur fut grande après la deuxième guerre mondiale: le sous-développement. A ce propos, la plupart des historiens de la pensée économique s'accordent à dire que l'usage du concept de développement s'est répandu pour rendre compte du sous-développement (réalité sociologique).

    De même aujourd'hui, tous les modèles de développement sont en crise, tous les rêves d'autrefois permis par la croissance et l'expansion industrielle des années 50 sont actuellement désuets face à la croissance de la pauvreté dans le monde et aux atteintes à l'environnement et à la santé des populations, on parle désormais du mal développement.

    Ceux sont là les raisons qui ont poussé la commission BRUNDTLAND à mettre au point un autre modèle qui au-delà de ce que l'on peut penser à priori, exige beaucoup de sacrifices pour sa mise en oeuvre et beaucoup de lucidité pour appréhender ses contours.

    Il exige d'énormes sacrifices parce qu'il s'agit d'une remise en cause de mauvaises pratiques de production et de consommation actuels qui ont généré quelques profits à certains Etats (notamment du nord) et dont une frange d'Etats en développement ne veulent s'en départir, voulant par cette voie faire à leur tour un bond dans le concert des Etats nouvellement développés. A l'échelle mondiale, il s'agit d'une véritable réforme tant théorique que pratique.(7)

    (7) Nick ROBINS, Impératif écologiue, édition Calman Lévy, 1992, page 325.

    Parlant de sacrifices et faisant allusion au développement durable, J F NOËL et Sylvie FAUCHEUX ont été amenés à dire que "quelles que soient les stratégies passives adaptatives ou préventives adoptées pour remédier à ces menaces sur l'environnement, le développement fait figure de perdant"(8) C'est ce que redoutent bon nombre d'Etats en développement et certains Etats développés, tels les Etats unis intransigeants sur la question de la réduction des émissions de gaz à effets de serre.

    Par ailleurs, l'oeuvre de systématisation du concept de développement durable par le CMED n'a pas été faite de façon à rendre le concept clair, afin de permettre une interprétation tant soit peu unanime de ses implications et de son contenu. Tout le problème de sa mise en oeuvre est ainsi posé.

    Les débats occasionnés par la conférence de Rio de Janeiro sur l'environnement et le développement (Juin 1992) et les manifestations annexes de celle-ci, notamment le forum global des ONG et la conférence du business council for sustainable development, ont démontré que le travail d'élucidation est encore balbutiant ou tout au moins n'a pas gagné les milieux qui se réclament du développement durable. Il en est de même des interviews accordées par diverses personnalités scientifiques.(9)

    L'examen approfondi du concept présentera plus d'éléments au soutien de ce constat

    (8) Les menaces globales sur l'environnement, édition la découverte, 1990

    (9) Marie HARRIBEY Op cit, page 20

    SECTION II: CONTENU ET IMPLICATIONS DU CONCEPT

    Le concept de développement durable faute de n'avoir été bien systématisé par ses promoteurs et ses défenseurs ne présente pas un contenu précis et stable. Pour ne parler que du rapport BRUNDTLAND, celui-ci renferme près de six définitions. Certains groupes d'intérêt qui adhèrent au concept lui confèrent quelquefois un sens qui est loin d'être celui défendu dans le rapport.

    S'agissant des implications nous pouvons dire que les mêmes causes ont donné les mêmes effets. En outre, il y a tellement d'implications qu'on arrive à se demander si chaque Etat soucieux d'opter pour un développement durable aura les moyens d'en faire une application effective.

    PARAGRAPHE I: LE CONTENU DU CONCEPT

    Parvenir à une définition de développement durable qui serait acceptée par tous, reste un défi que se doivent de relever tous ceux qui sont engagés dans le processus de développement. En effet, ce concept a fait l'objet de tout un foisonnement d'interprétations. J PEZZEY(10) dans son ouvrage intitulé Economic analysis of sustainable development, a recensé plus de soixante définitions du concept dans la littérature économique contre six dans le rapport de la CMED. De ce fait le concept apparaît donc à la fois iou et peu convainquant car la multiplicité de définitions ouvre le champ à qui le veut de faire une interprétation du concept allant dans le sens de ses propres intérêts,

    (10) Economic analysis of sustainable development, the world bank, Mars 1989,

    laissant entrevoir quelques fois des visés idéologiques dont est porteur le concept.

    A- LE PROBLEME DE LA MULTIPLICITE D'INTERPRETATIONS

    Pendant que les Etats parvenaient difficilement à jeter les bases d'une négociation mondiale (à l'occasion de la conférence de Rio), le monde des entreprises se saisissait du concept de développement durable pour baliser le terrain et influencer le contenu même des discussions. Regroupés autour de M. Stephan SCHMIDHIENY, conseiller de M. STRONG, le business council for sustainable development, composé de 50 chefs de grandes entreprises a mené depuis 1990 une réflexion qui a abouti à la publication d'un manifeste présenté publiquement à Rio de Janeiro le 29 Mai 1992, c'est-à-dire quelques jours avant l'ouverture de la conférence: Changer de cap, réconcilier le développement de l'entreprise et la protection de l'environnement, Dunod, Paris, 1992. Cet ouvrage se propose de préciser le contenu d'un développement durable et de faire connaître les nombreuses actions déjà menées par les industriels pour préserver l'environnement(11).

    La lecture de cet ouvrage nous a permis de déduire qu'il s'agit à la fois d'une adhésion au développement durable et une tentative d'édulcoration de ce concept. En effet, sans ambiguïté le BCSD déclare "En tant que dirigeants d'entreprises, nous adhérons au concept de développement durable, celui qui permettra de répondre au besoin de l'humanité sans compromettre les chances des générations futures". On retrouve la définition officielle ainsi que les présupposés de celle-ci; cette définition démontre le caractère indissociable de la croissance économique et l'impératif de sauvegarde de l'environnement.

    (11) HARRIBEY Marie, op cit, page 172.

    L'édulcoration du concept vient de ce que la vision patronale tente d'esquisser une nouvelle éthique vis à vis de l'environnement, mais elle manque en fait son objectif, parce qu'elle réduit le contenu du concept et se livre à un véritable plaidoyer en faveur du libéralisme. Le sous titre du manifeste du BCSD est évocateur: réconcilier le développement de l'entreprise et la protection de l'environnement. On remarque que la prise en compte de cette réconciliation prime celle de l'environnement et du développement des pauvres(12).

    Cette démonstration nous permet de comprendre jusqu'à quel point la multiplicité des définitions du concept de développement durable peut conduire à en atténuer le contenu même.

    Au stade actuel des débats, le concept paraît iou et peu convainquant, nous l'avons dit, car dans la multiplicité des définitions que nous avons évoquées se profilent plusieurs catégories d'acceptions. Ainsi, on peut se permettre de dire que le concept de développement durable présente une vision "écocentrée" et "anthropocentrée"; suivant qu'elles se donnent pour objectif essentiel la protection de la vie en général (et donc de tous les êtres, du moins ceux qui ne sont pas encore condamnés) ou le bien être de l'homme.(13) Cette divergence prouve à suffisance la difficulté des références conceptuelles proposées.

    Cependant, en dehors des difficultés nées de la multiplicité des définitions, on peut toutefois admettre qu'une analyse minutieuse de ces définitions laisse entrevoir le plus souvent une certaine convergence, notamment par rapport aux droits des générations futures, donc du principe de

    (12) ibdem,

    (13) Christian COMELIAU, Développement du développement durable, ou bloccage conceptuel? revue tiers monde, n°137, 1994, page 61

    la protection de l'environnement. C'est pour cette raison que nous allons nous appesantir uniquement sur la définition officielle du rapport BRUNDTLAND, c'est-à-dire un développement qui répond aux besoins des générations du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs.

    Mais au-delà de ce qui vient d'être dit, le développement durable ne renferme t-il pas un autre sens? Est-il réellement le résultat d'un monde dont la prise de conscience des questions de l'environnement se doit de primer tant d'autres? Nous tenterons de répondre à ces questions, mais déjà, et sans ambiguïté nous pensons qu'au-delà de ses visées environnementalistes pour lesquelles plusieurs défenseurs de la nature continuent à se battre et à y consacrer leur temps et leur énergie, le développement durable renferme des intentions idéologiques.

    B- LES VISEES IDEOLOGIQUES DU CONCEPT DE DEVELOPPEMENT DURABLE

    Selon Serge LATOUCHE, Le développement durable est le dernier gadget idéologique de l'occident(14). Pour le comprendre, il suffit de se demander si c'est l'environnement ou le développement qu'il s'agit de rendre durable. De cette question naît déjà un certain doute dans l'esprit de qui veut comprendre l'autre sens du développement durable. Certes, les exemples de compatibilité du développement durable avec l'environnement ne manquent pas, mais il ne faut pas se leurrer pour autant; ce n'est pas l'environnement qu'il s'agit de préserver, il est au contraire question avant tout du développement, de la croissance qu'il faut maintenir dans le temps. De ce point de vue le développement durable est un concept alibi(15); car en cherchant à faire croire

    (14) Le développement durable, un concept alibi, revue tiers monde, n° 137, 1994, page 77 (15)Serge LATOUCHE op;cit page 80

    que c'est pour l'environnement que l'on se bat, plusieurs théoriciens et hommes de terrain arrivent à camoufler leur lutte pour le salut du développement ce qui en principe n'est pas mal. Le problème c'est que cette réalité n'est pas expliquée au pays en développement qui n'ont pas encore une infrastructure économique à maintenir dans le temps. Dans les différentes interprétations du concept de développement durable, l'on met toujours en avant l'aspect environnemental ou l'héritage des générations futures. Le but de cette entreprise est de dissuader la démarche des pays en développement et en grande partie ceux d'Afrique qui veulent suivre le schéma de développement occidental et soutenir par la suite ce développement.

    En tout état de cause, le développement durable tel que défini n'a rien à apporter aux Africains qui n'ont pas de développement à soutenir, étant encore au stade de sous-développement, à moins que le but de celui-ci soit de rendre durable ce sous-développement dans lequel végète l'Afrique.

    Le souci premier des pays industrialisés et des industriels au premier chef est le développement qui doit être "entretenu" au risque de s'arrêter et d'être emporté par la présente crise. Et comme cette durabilité du développement ne peut être atteinte que par la prise en considération de l'environnement entendu comme cadre dans lequel le développement tire ses ressources, l'on fait croire à l'opinion que c'est prioritairement pour l'environnement que l'on se bat.

    Plusieurs déclarations des grands milieux industriels peuvent corroborer l'idée selon laquelle le développement durable est un concept alibi. Jean Marie Van ENGELESHOVEN un des directeurs de la shell déclare: "Le monde industriel devra savoir répondre aux attentes actuelles s'il veut de façon responsable, continuer à créer dans le future de la richesse". On peut

    aussi lire dans les colonnes des rapports de la banque mondiale consacrées à l'environnement que " une gestion prudente de l'environnement est un fondement du processus de développement". Mieux encore, le directeur d'une chaîne de grands magasins anglais affirme "C'est une nouvelle façon d'aborder les affaires, pas seulement une question de répondre aux consommateurs verts. Nous avons besoin de le faire pour rester attractif auprès de nos partenaires, nos actionnaires, et de nos employés. Ceux qui n'adopteront pas cette approche perdront la course."(16) L'idée ici est de faire en sorte que le développement et plus exactement la production se perpétue, et cela ne peut se faire que par une nouvelle façon de gérer l'environnement.

    Le rapport BRUNDTLAND qui a mis sur orbite le concept de développement durable renferme aussi une certaine ambiguïté quant au sens à donner au concept. Ainsi à la page n°10, on peut lire: " Pour que le développement durable puisse advenir dans le monde entier, les nantis doivent adopter un mode de vie qui respecte les limites écologiques de la planète". Il s'agit d'une conception dont le souci premier est la préservation de l'environnement. Cependant, un peu plus loin, on trouve une autre conception contraire à la première: "Etant donné les taux de croissance démographique, la production manufacturière devra augmenter de cinq à dix fois uniquement pour que la consommation d'articles manufacturés dans les pays en développement puisse rattraper celle des pays développés". On peut dire qu'ici, ce n'est pas tant la nature que l'on cherche à rendre durable mais plutôt le développement.

    En 1991, Vandana SHIVA avait déjà dit que le sens du concept sustainability pouvait conduire à de glissement désastreux, car il y a un autre

    (16) Cité par serge LATOUCHE, in Green magazine, Mai 1991, voir aussi l'économie à l'épreuve de l'écologie, Paris, Hatier collection"enjeux", 1991, page 24-25.

    sens dangereux qui peut être donné à sustainable, ce sens se réfère non à la durabilité de la nature, mais bien au contraire à celle du développement devaitil ajouter(17)

    Pour notre part, nous pensons qu'il ne s'agit pas d'un glissement désastreux mais bien au contraire d'une manifestation claire de la position du monde industriel qui, conscient des limites actuelles des ressources naturelles non renouvelables, notamment, a récupéré par nécessité les bonnes intentions des militants écologistes afin d'assurer la durabilité du développement. Ainsi les environnementalistes qui pensaient reculer le développement par le slogan développement durable sont en retour pris dans leur propre piège; car en vidant le développement de toute logique économique qui l'a engendré, le slogan de développement durable permet à celle-ci de se loger subrepticement dans le creux du songe. Et comme, en tout état de cause cette logique est celle des dures contraintes de la réalité ambiante, elle refait surface et transforme le rêve en cauchemar.(18)

    Toutefois, même si le concept de développement durable renferme des présupposées économico-politiques comme on vient de le voir, l'environnement reste le plus grand bénéficiaire du fait que pour la première fois dans le monde il sera traité avec beaucoup plus d'égards.

    PARAGRAPHE II: LES IMPLICATIONS DU CONCEPT

    La réalisation du développement durable, comme cela peut s'entendre implique l'exécution de certains impératifs stratégiques dont quelques uns sont déjà définis dans le rapport de la CMED.

    (17) Op cit , page 217.

    (18) Serge LATOUCHE, op cit, page 87.

    Schématiquement, nous pouvons résumer ces impératifs en six défis majeurs qu'il s'agit de relever par la communauté internationale et par les Etats pris isolément. Il est en fait question de la modification qualitative de la croissance destructrice de l'environnement c'est-à-dire, redéfinir l'objet même du développement: opter pour une consommation modérée de l'énergie fossile; maîtriser la démographie; mettre sur pied des politiques de préservation et la mise en valeur des ressources naturelles; intégrer des considérations relatives à l'économie et à l'environnement dans la prise de décisions, bref le développement durable en terme générique implique un processus de changement dans lequel l'exploitation des ressources, le choix des investissements, l'orientation du développement technique doivent être déterminés en fonction des besoins tant actuels que futures.

    Nous allons étudier ces changements d'habitudes de consommation et de production en les regroupant en deux catégories formant les implications pratiques et les implications théoriques.

    A-LES IMPLICATIONS PRATIQUES

    Modifier la croissance telle qu'elle s'opère actuellement, suppose la remettre à la place qui serait la sienne, c'est-à-dire, en tant qu'instrument au service du bien être humain. Cette phrase ne pourrait passer sans susciter une réaction de la part de bon nombre d'économistes. En effet, selon certains auteurs, certes le modèle de développement "traditionnel" traverse une crise, cela ne veut pas pour autant dire qu'il doit être détourné de son objectif: la poursuite du profit. Pour eux, l'économique est un impératif catégorique qu'il

    ne convient pas de discuter, le social étant une simple concession faite aux victimes de cet impératif, une sorte de service d'ambulance après la bataille.(19)

    Or c'est cette logique qu'il convient de changer, la finalité de tout processus de développement étant l'homme. Le développement durable tend donc à exiger une prise en compte des intérêts sociaux et environnementaux au même titre que les intérêts économiques par le développement. En ce sens, celui-ci ne doit plus être seulement mesuré par rapport au PNB par têtes d'habitants, mais doit désormais tenir compte de l'amélioration ou la détérioration des réserves en ressources naturelles qui a des effets sur la santé des populations.

    De ce point de vue, le développement durable implique une large modification de la croissance. C'est le contenu même de celui-ci qui doit être modifié en faisant en sorte qu'elle engloutisse moins de matières premières et d'énergie, et que ses fruits soient répartis équitablement,(20)donc nécessité d'un renforcement des exigences du développement économique et du développement social...

    Le développement durable implique aussi une consommation modérée de l'énergie fossile (pétrole, charbon, gaz naturel) et une bonne gestion des déchets industriels. Ces énergies représentent 90% des énergies consommées dans le monde et sont responsables de l'augmentation de l'effet de serre avec la panoplie des conséquences qu'il entraîne. Il est donc question de réduire la consommation de ces énergies et leur trouver des substituts comportant moins de risque sur l'environnement, telles que l'énergie géothermique, l'énergie marémotrice, l'énergie éolienne et l'énergie solaire...

    (19) Christian COMELIAU, op cit, page 64

    (20) Christian COMELIAU, Op cit, page 62

    Lorsqu'on sait qu'un habitant des Etats-unis consomme autant d'énergie que 18 Chinois, 23 Indiens,135 Bengladais ou 450 Tchadiens(21),que

    les pays industrialisés qui représentent les 22% de la population mondiale contribuent aujourd'hui à 54% de l'augmentation de l'effet de serre, y a lieu de dire qu'il s'agit d'un problème sérieux. Il faut donc parvenir à atteindre les objectif fixés à Rio, notamment dans la convention sur le changement de climat qui envisage de stabiliser d'ici à l'an 2000 les émissions de Co2 au niveau atteint en 1990.

    S'agissant des déchets industriels, actuellement la planète produit des milliards de tonnes par an, un traitement efficiente de ces déchets par les industries s'impose. Déjà en 1989, Robert FROSCH, alors vice-président de la recherche chez Général Motors et Nicholas GALOPOULOS, responsable de la recherche sur les moteurs, lancent le concept d'écosystème industriel. L'idée de base c'est que l'industrie à la manière d'un écosystème biologique, pourrait fonctionner quasiment fermée. Cette idée est traduite par la phrase suivante: "De la même manière que par exemple, les végétaux synthétisent des substances qui alimentent les animaux herbivores, lesquels sont mangés par les animaux carnivores dont les déchets et les cadavres servent à alimenter d'autres organismes, les entreprises pourraient utiliser leurs déchets respectifs comme matières premières, réutiliser les produits après usages, de sorte que les industries tansformeraient seulement les matériaux en circulation "(22) Le développement durable en appelle donc à la généralisation de cette vision de l'industrie au niveau de tous les industriels.

    (21) Excluant notamment les végétaux prélevés dans les forêts etc.. Chiffres PNUD 1994.

    (22) " Des stratégies industrielles viables", pour La science, Nov 1989, cité par Thierry Brésillon in politis page 78

    Lutter contre la pauvreté est aussi un défi majeur pour l'instauration du développement durable. Cette lutte peut avoir des effets amplement bénéfiques pour l'environnement, étant donné que pauvreté et dégradation de l'environnement vont souvent de paire. Les pauvres sont tout à la fois victimes et destructeurs de l'environnement. Pour pallier à ce fléau, une nouvelle redistribution des richesses mondiales s'impose afin de permettre aux pauvres de s'investir dans la protection de l'environnement, car les pauvres dont la majorité se trouve dans les pays en développement n'ont souvent guère de choix que de tirer tout ce qu'ils peuvent des ressources qui sont à leur portée.

    Si rien n'est fait, et comme le prévoit le rapport BRUNDTLAND, d'ici à la fin du siècle, 3 milliards de personnes pauvres pourraient vivre dans les régions où l'on consomme le bois rapidement qu'il ne se reconstitue et où il sera donc devenu une ressource rare. Dans la plupart des pays en développement, poursuit le rapport, il faudrait environ 250 Kg d'équivalent de charbon par ménage et par an pour faire la cuisine. De quoi frémir!

    La prise en compte du problème de la pauvreté par la communauté internationale à l'occasion de la conférence de Rio et à travers l'agenda 21 et la déclaration de Rio sur l'environnement et le développement (art 5) montre à l'évidence que l'éradication de la pauvreté constitue un préalable au développement durable.

    A ces implications que nous avons qualifiées de pratiques doivent suivent des implications théoriques qui renvoient aux changements des mécanismes de prises des lois, de l'information et de la formation des populations en matière de l'environnement.

    B-LES IMPLICATIONS THEORIQUES

    La première implication est l'intégration des considérations de l'environnement dans les orientations économiques. Cette intégration doit se faire à tous les niveaux: international, régional, national et local. L'idée est de profiter de la symbiose des considérations économiques et sociales dans la prise de décisions afin de tirer les conclusions qui puissent être à la fois louables pour l'environnement et pour l'économie, car les deux considérations ne sont pas contradictoires.

    A titre d'exemple, un projet hydraulique ne peut être uniquement envisagé sous le seul angle de la production de l'électricité, il faut également s'arrêter à ses effets sur l'environnement local et sur les moyens d'existence des populations concernées. Ainsi l'abandon d'un tel projet pourrait être une mesure de progrès et non de régression s'il consistait, notamment à perturber un système écologique rare. (23) Il y a aussi que certaines politiques visant à préserver les terres consacrées aux cultures et protéger les forêts, améliorent les perspectives du développement agricole à long terme. Mieux encore, la préservation des sites à vocations touristiques peut avoir à long terme des avantages économiques de par le commerce et les chaînes hôtelières qui s'y grefferont. Il convient donc de traiter les entreprises et les industries en tenant compte des liaisons intersectorielles et des politiques environnementales locales. Ceci permet d'éviter que certaines décisions de direction d'une entreprise ou d'un commerce international aient comme par le passé des incidences regrettables sur d'autres secteurs, par exemple sur la forêt.

    (23) Christian COMELIAU, op cit, page 63

    La croissance ne doit pas être aveuglée par des considérations purement économiques, elle doit tenir compte de certains aspects de l'environnement. C'est une manière de pallier à l'éclatement des responsabilités en matière de prise de décisions, car pour que le développement durable survienne, il faut donc mettre fin à la fragmentation des responsabilités(24).

    Outre ce qui vient d'être dit, plusieurs autres changements institutionnels et juridiques doivent être apportés. Il s'agit de donner une base légale à ce que nous appelons l'approche participative, qui consiste à faire participer les populations aux processus décisionnels et de définition des politiques pour mieux mettre en oeuvre celles-ci, car le développement durable ne peut souffrir de la marginalisation d'une frange importante de la population, au contraire il exige que les populations aient le sentiment d'être un agent porteur de projets et non simple agent d'exécution(25). Cette garantie doit être assurée par l'adoption de différents textes de lois.

    Mais avant tout, le processus de développement durable implique une véritable politique d'information et de formation des populations. La réussite d'une véritable implication de la société civile se fonde sur la nécessité de disposer d'une information environnementale techniquement fiable comme outil indispensable à toute définition de politique de réglementation, d'éducation et d'action. Pour ce faire, comme le propose Emilienne Anikpo N'TAME, la meilleure manière de former le citoyen au développement durable, c'est d'introduire l'environnement dans tous les programmes d'enseignement de tous les cycles mais aussi les programmes de formation multimédias pour l'ensemble de la population(26).

    (24) CMED, op cit, page 73.

    (25) Emilienne Anikpo N'TAME, op cit page 238.

    (26) Op cit page 239

    Seulement, la mise en oeuvre de tout ce que nous venons de voir paraîtra de prime à bord comme "suicidaire" pour la majorité d'Etats africains, parce qu'en dehors du fait que certaines mesures paraissent limiter le processus de développement auquel s'engage l'Afrique, la facture de leur mise en oeuvre nécessite d'énorme sacrifices. C'est ce qui a fait que, tout au départ, le développement durable a rencontré la résistance des pays du Sud et particulièrement l'Inde et la Malaisie, refusant de payer les factures du développement durable. L'Afrique subsaharienne quant à elle a manifesté une certaine froideur à l'idée du développement durable avant de l'accepter comme défi mondial, non en toute conscience mais surtout du fait de certaines pesanteurs politico-financières.

    DEUXIEME CHAPITRE:

    DU DESACCORD A L'ADHESION DE L'AFRIQUE
    SUBSAHARIENNE

    " Ecodéveloppement? oui. A condition qu'on y rencontre l'homme au début, au milieu et à la fin....Et que les arbres ne nous empêchent pas de voir l'immense forêt des humains"

    Joseph Ki ZERBO *

    Aussitôt après son lancement, le développement durable était perçu par le Sud et l'Afrique subsaharienne comme une préoccupation essentiellement occidentale. Comment ne pas le croire lorsqu'on sait que la crise de l'environnement est en grande partie l'autre revers du modèle macroéconomique des pays industrialisés. De ce fait, l'Afrique subsaharienne déjà plongée dans une entreprise visant à mettre en place une infrastructure industrielle à l'image du Nord n'entendra pas renoncer à ses ambitions pour se lancer dans une autre aventure, celle du développement durable. De cette attitude s'en est suivie une "guerre d'accusation" sur les responsabilités de la dégradation de la planète. Certains observateurs verront dans cette "guerre" le spectre d'une ingérence écologique de la part des Etats occidentaux.

    Pour l'Afrique, telle a été sa position depuis la conférence de Stockholm de 1972, l'environnement n'est pas son problème, c'est un luxe onéreux que les pays riches s'emploient à lui imposer. En effet, il s'agit d'une vision étriquée de l'environnement. Selon elle, l'environnement se résumait simplement à la

    conservation des écosystèmes nationaux et à la lutte contre la pollution industrielle, donc un problème du Nord mais dont l'impact étant encore bien limité dans la plupart des pays d'Afrique subsaharienne.

    Quoiqu'il en soit, on ne pouvait attendre mieux de la part des Etats africains absorbés par les multiples soucis à court terme tels les problèmes budgétaires et ceux associés aux ajustements structurels. L'environnement ne pouvait qu'être perçu comme extérieur à leur développement économique en dépit de la reconnaissance internationale du lien désormais incontournable entre environnement et développement, comme l'a démontré la commission BRUNDTLAND.

    Mais l'occident qui fait figure de proue en matière de défense de l'environnement, et fort de sa puissance financière et de sa mainmise politicoéconomique sur l'Afrique usera de tous les artifices pour amener celle-ci à suivre désormais ce qu'il conçoit après 3 siècles d'industrialisation intense, de pillage et de gaspillage comme un impératif mondial.

    SECTION I: LE SPECTRE D'INGERENCE ECOLOGIQUE

    On parle souvent d'ingérence lorsqu'il s'agit de politique, de l'humanitaire et des finances et de l'économie (allusion faite aux mesures imposées par la banque mondiale et le FMI). Mais la crise de l'environnement mondial est l'occasion d'assister à l'émergence d'une autre ingérence, qui cette fois-ci, est plus feutrée: l'ingérence écologique.

    Cette ingérence se traduira précisément par la manière dont les Etats occidentaux et la banque mondiale chercheront à faire triompher l'impératif de développement durable dans le monde et particulièrement en Afrique au sud du Sahara. Comme quoi, l'ingérence n'est que l'oeuvre des plus forts sur les plus faibles.

    PARAGRAPHE.I: L'ATTITUDE DES ETATS OCCIDENTAUX

    Dans cette entreprise qui consiste à faire triompher les politiques environnementales, l'Europe du nord et de l'ouest, qui sont aujourd'hui la zone du monde la plus développée - selon l'indice de développement humain- et l'un des plus grands consommateurs d'énergie fossile, vont jouer un rôle pionnier dans la résolution des problèmes écologiques globaux. Mais cette volonté de faire droit au respect de l'environnement rencontrera l'hostilité de certains Etats du sud de l'Europe. En effet, ceux-ci analyseront les réglementations plus strictes que l'Allemagne, les Pays-Bas et l'Angleterre proposeront comme un protectionnisme déguisé sous des clauses écologiques. Ces pays de l'Europe latine, en refusant des réglementations sévères, seront par contre soupçonnés par l'Europe du nord et de l'ouest de vouloir pratiquer un "dumping écologique" afin d'attirer chez eux des industries à la recherche des réglementations plus laxistes.(1)

    Mais après un longue période de divergences, les deux groupes ont fini par trouver un compromis, et comme le dit M. Alain LIPIETZ, la communauté économique européenne mettra enfin son ambitieux projet: "profiter de son avance technologique et économique sur les Etats-Unis pour proposer au

    (1) Alain LIPIETZ Berlin, Bagdad, Rio, Quai Voltaire, Edima, Pairs, 1992, page 123.

    Il est directeur de recherches au CNRS et porte parole de la commission écnomique des Verts et conseiller régional d'Île-de-France.

    monde développé un nouveau compromis social-éco-démocrate à usage interne d'abord, mais aussi pour conquérir l'hégémonie mondiale vis-à-vis du Sud sur le thème de l'environnement".

    La CEE va ainsi se passer pour la porteuse de vertu environnementale. Nous pouvons retrouver cette recherche d'hégémonie dans la déclaration suivante de la commission de Bruxelles au conseil des ministres de la CEE: " La Communauté européenne sera le plus grand partenaire économicocommercial du monde avec la capacité d'exercer un haut niveau d'influence et d'autorité économique et politique. A ce titre, la Communauté doit aux générations présente et future de mettre de l'ordre chez elle et d'offrir à la fois le leadership et l'exemple aussi bien pour les pays développés que pour ceux en développement.."(2)

    L'Europe procédera donc par une tentative de persuasion du Sud sur des menaces écologiques et par des multiples propositions de réglementations qui se transformeront en une tentative d'accusation des Etats qui ne prêteront guère attention à la dégradation de l'environnement global. L'Afrique subsaharienne sera victime de cette logique.

    A-LA "MISE EN ACCUSATION" DE L'AFRIQUE SUBSAHARIENNE

    Compte tenu de la résistance des Etats africains à l'idée de faire de la promotion de l'environnement une priorité, les Etats occidentaux les taxeront d'être à l'origine de la dégradation de l'environnement mondial. D'où la nécessité, sinon l'obligation de ces Etats d'opter pour un modèle de développement respectueux de l'environnement. Pour ce faire, ils mettront en avant les effets, d'une part, de l'augmentation vertigineuse des populations

    (2) Cité par Alain LIPIETZ, ibdem, page 128.

    africaines et de l'autre ceux de la pauvreté sur l'environnement. On relèvera cette attitude dans des rapports de la CEE au CNUCED et dans différents articles de presse occidentale. Nous pouvons ainsi lire dans les colonnes de ces articles: les populations du Sud pauvres et plus nombreuses sont responsables de la dégradation de l'environnement global.

    Cependant, aux yeux des Africains cette attitude est interprétée comme un nouveau stratagème ourdi par l'occident pour empêcher l'Afrique d'accéder au développement au moyen de l'industrialisation. Ainsi a t-on qualifié cette nouvelle donne de "tentative de projet de colonisation planétaire". Au premier ministre Malaisien M. Mohamed MAHATHIR de dire à ce propos que "les pressions occidentales qui, sous prétexte de droit de l'homme, de syndicat, de liberté de presse et de la protection de l'environnement et de la démocratie, bloquent la croissance économique de leurs potentiels concurrents".

    Certes, le développement durable est indispensable pour les Etats du Sud, -dans ses finalités notamment- . Cependant, lorsque nous voyons la montée des quatre dragons et des autres pays environnants, on peut se permettre de dire que cette affirmation du premier ministre Malaisien est riche d'enseignements. L'intitulé de l'article de M. Mohamed Larbi BOUGUERRA au sujet de la conférence de Rio: Au service du peuple ou de l'impérialisme écologique? est révélateur du doute que peut avoir toute personne qui s'interroge sur les interpellations du Sud par le Nord pour la mise en oeuvre du développement durable. S'interrogeant sur les buts réels du développement durable et ceux de la conférence de Rio, cet auteur (dans le même article) pense que derrière cette ingérence est dissimulée une certaine idéologie du Nord. Selon ses propres termes," Il reste à vérifier que la conférence de Rio n'est pas, après la guerre du golfe et le nouvel ordre international l'occasion pour les puissants d'instituer un nouvel ordre écologique musclé pour garder leur privilège et

    empêcher l'émergence des prémices d'une société globale moins mercantiliste et plus solidaire"(3).

    Il s'agit de maintenir en situation de dépendance le monde du Sud dans un domaine où le Nord est déjà avancé. Lors des indépendances il en a été de même; les grandes puissance ont miroité en direction des Etats du Sud un modèle de développement dans lequel ils semblent être aujourd'hui pris au piège.

    Quoiqu'il en soit, et malgré les réticences soulignées plus haut, l'occident a fini par entraîner l'Afrique dans la voie du développement durable.

    B- SON "ENROLEMENT" PAR L'OCCIDENT

    Les Etats occidentaux savaient bien que l'Afrique n'avait pas les moyens de résister longtemps. Ainsi, conscients du fait qu'elle est toujours à la quête de capitaux pour son décollage économique, et qu'aucun développement ne peut se faire sans capitaux, les occidentaux ont conjugué l'octroi d'aide financière avec la prévention par les Africains de leur environnement.

    La convention de Lomé IV a été l'occasion pour la CEE d'appliquer cette logique. Bien plus, l'occident entraînera avec lui les institutions financières internationales. L'aide financière tiendra désormais compte de l'impact des projets sur l'environnement, véritable ingérence écologique que la banque mondiale dénommera elle-même par country environmental assessment, en français, "évaluation environnementale par Pays".

    "(3 )Le monde diplomatique de Mai 1992, page 9

    Nous allons donc examiner à présent ces nouvelles orientations du groupe de la banque mondiale (en Afrique) qui publie désormais, à chaque fin d'année, les résultats concernant sa participation dans la lutte pour la sauvegarde de l'environnement mondial.

    PARAGRAPHE II: LES NOUVELLES ORIENTATIONS DU GROUPE DE

    LA BANQUE MONDIALE

    Les années 1980 ont été, pour les Etats du tiers monde, une période de crise économique et financière. Cette époque fut l'occasion d'une grande sollicitation des prêts par les Etats en crise auprès de la banque mondiale, qui devenait à l'instant un rempart incontournable. Elle acquît ainsi une grande influence dans les relations économico-finacières internationales. Plusieurs projets, soit 80% réalisés depuis cette période jusqu'à nos jours dans les pays développés l'ont été soit par son financement soit sous sa direction. Ces projets consistaient dans la majorité des cas à des opérations de grands travaux tels que la construction des barrages hydroélectriques, des ponts et des équipements immobiliers.

    Cependant, après plus de 14 ans d'exercices dans ces domaines, la banque mondiale s'est attirée de nombreuses critiques. En effet, les Etats occidentaux et les défenseurs de l'environnement ont accusé la banque mondiale d'avoir accordé des prêts à des projets préjudiciables à l'environnement. L'exemple le plus cité est l'autoroute construite dans l'Etat de Rondonia au Brésil, qui ouvre des vastes zones de la forêt amazonienne à une exploitation comportant des risques immenses.

    A-RECONNAISSANCE PAR LA BANQUE DES IMPACTS NEGATIFS DE SES PROJETS SUR L'ENVIRONNEMENT

    Aujourd'hui, la Banque Mondiale admet par la voix de son ancien président M. Baber CONABLE que "certaines activités économiques classiques ne trouvent parfois plus de place dans une politique de développement durable sur le plan de l'environnement, d'où elle (la banque) doit consacrer une part de plus en plus importante de ses ressources financières et humaines à l'évaluations de l'impact sur l'environnement et la promotion de la sauvegarde de l'environnement."

    Pour sa part, M. Lewis PRESTON* qui l'a succédé a, dès son installation, procédé à la création d'un groupe chargé de veiller à ce que les projets de la banque ne violent pas les principes qu'elle avait érigés après les critiques dont elle a été l'objet(4). Ces principes qui exigent l'intégration des préoccupations environnementales aux activités de la Banque Mondiale sont contenus dans la directive opérationnelle sur les évaluations environnementales, publiée en Octobre 1989. Cette directive rend obligatoire les évaluations environnementales pour les projets qui pourraient avoir des effets importants, sensibles, et irréversibles(5).

    . Pour mener à bien cette nouvelle politique, la banque a d'abord augmenté

    les effectifs de son service environnement, puis s'est dotée d'une vice présidence Environnement et Développement durable, composée de département chargé respectivement de l'environnement, de l'agriculture et des ressources naturelles et des transports, de l'eau et du développement urbain.

    * Il vient de décéder

    (4) La banque mondiale- Maîtresse au royaume du développement, in le courrier international, n°141, Sept-Oct 1993, page 72.

    (5) Rapport de la banque mondiale 1993 page51.

    (6) Ibdem page

    Selon le rapport de la banque de 1993, cette vice-présidence devrait aider les services opérationnels de la banque à fournir une aide de qualité aux pays membres, identifier, codifier et diffuser les meilleures pratiques actuelles et les enseignements, et associer une coordination d'ensemble avec les organismes publics et privés qui contribuent ou qui s'intéressent aux travaux opérationnels et de politiques générales de la banque (6).

    A travers ses prêts qui sont devenus incontournables, la banque s'ingérera dans l'orientation des politiques économiques des pays d'Afrique subsaharienne. Nous pouvons lire dans son rapport de 1993 que "les opérations de prêts de la banque sont l'un des moyens essentiels employés pour aider les pays à améliorer la gestion de leur environnement"

    Dans le même rapport, la banque réaffirme sa volonté de renforcer les capacités institutionnelles des emprunteurs en matière d'environnement et la nécessité de tirer davantage profit du cadre politique macro-économique qui conditionne en grande partie l'utilisation et la gestion des ressources.

    Trois points manifesteront concrètement l'interventionnisme de la Banque Mondiale.

    Le premier c'est "l'embrigadement" par celle-ci des banques nationales sur les questions d'environnement. Le deuxième c'est l'exigence faite par la banque aux pays emprunteurs de la créer des plans nationaux d'actions environnementales (PNAE), condition à l'accession aux prêts, et enfin le renforcement des pouvoirs de la banque par la CNUED qui a mis sous sa houlette la gestion du Fonds mondial pour l'environnement, en collaboration avec le PNUE et le PNUD.

    B-LA PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT COMME NOUVELLE CONDITIONNALITE DES PRETS DE LA BANQUE

    La banque a adopté la procédure de présélection pour les prêts qu'elle consent à une vaste gamme d'institutions intermédiaires de crédits (banques commerciales, coopératives de crédits agricoles et organisations non gouvernementales). En vertu de cette procédure, ces prêts doivent solennellement être soumis à un préexamen à la suite duquel une note de A à D est attribuée en fonction de l'impact du projet sur l'environnement. Ainsi un projet de défrichement obtiendra par exemple, la note A, tandis qu'un projet dont l'objectif principal est l'amélioration de l'environnement se verrait attribuer la note D.

    Par ce mécanisme, la banque exige une évaluation de la capacité institutionnelle des emprunteurs à effectuer une analyse d'impact sur l'environnement. De cette façon, s'ils désirent prêter de nouveau ces fonds, les emprunteurs doivent à leur tour s'assurer que l'emprunteur secondaire possède la capacité d'évaluer l'impact sur l'environnement(7). Ce système de préexamen d'impact écologique de programmes de crédits est actuellement renforcé au niveau de plusieurs grandes banques régionales de développement.

    En outre, la banque exige l'élaboration et l'exécution par ses membres des plans de protection environnementale (PPE). Ces plans, selon elle devrait servir de base aux questions de l'environnement, ils doivent à cet effet décrire les principaux problèmes et préoccupations auxquels les pays font face dans ce domaine, ils doivent enfin formuler diverses politiques et initiatives pour tenter de remédier aux problèmes identifiés.

    (7) Banque mondiale, Environmental assessment sourcebook, policis procedure and cross sectorial issues, vol 1, in les banques au service de l'environnement, bulletin de service agricole de la FAO N°103 page 48-49.

    Le caractère interventionniste dans ce domaine des plans de protection environnementale (PPE) est plus apparent du côté de l'association internationale de développement (AID ou IDA).

    Lors des négociations sur la neuvième reconstitution de ses ressources, il a été convenu que tous les pays bénéficiaires de l'IDA devaient établir des plans PPE avant la fin de la période l'IDA-9(8): véritable diktat notamment pour les pays en développement. La création de ces PPE a fini par toucher aussi les emprunteurs de la BIRD.

    Les Etats d'Afrique subsaharienne, comme ceux d'ailleurs devaient donc mettre au point des plans nationaux pour la protection de l'environnement. A la fin de l'exercice 1993 de l'IDA, le Bénin, le Burkina-Faso, la Gambie, le Ghana, la Guinée, le Lesotho, le Madagascar, le Rwanda et le Congo avaient déjà achevé l'élaboration de leurs plans d'action. Ainsi la nouvelle conditionnalité imposée par la Banque Mondiale comme par l'IDA aura produit ses fruits: conduire les pays en développement même contre leur gré à promouvoir le développement durable.

    Mais le grand coup vient de ce que la CNUED ait donné une nouvelle impulsion aux efforts déployés par la banque (la gestion du FEM). Cette réaffirmation la renforce dans son nouveau rôle de protecteur de l'environnement. Compte tenu des différents PPE qui se créent ici et là, on peut donc dire que la politique interventionniste de la Banque Mondiale est en voie d'atteindre ses buts. Mais quant à son objectivité, nous devons dire que les seules sanctions admissibles contre les contrevenants à l'ordre écologique mondial ne sauraient frapper que les pays du Sud, étant entendu que pour les pays riches, on ne comptera que sur leur bonne foi, car ils ont les moyens de se

    (8) Le rapport de la banque mondiale 1993.

    passer des prêts conditionnés de la Banque Mondiale dont ils sont eux-mêmes les principaux "pourvoyeurs". C'est là le signe de la survie du régime de démocratie censitaire des Nations unies où les riches détiennent le monopole de la décision, les autres ne disposant que d'un rôle consultatif. Ils sont en fait écoutés que quand ils font preuve d'une capacité de nuisance.

    Toutefois, si la conditionnalité des prêts des institutions internationales est désormais tel que l'Afrique ne peut y résister, la détérioration rapide de son environnement a fini par l'enjoindre à adhérer à la nouvelle donne mondiale: le développement durable. En effet, l'Afrique subsaharienne se trouve actuellement confrontée au phénomène de désertification qui fait disparaître plusieurs villages. A cela il convient d'ajouter les problèmes de la dégradation des sols et du manque d'eau. Ceci permet de comprendre que l'adhésion de l'Afrique ne doit s'analyser uniquement comme une contrainte venant de l'occident. Il y a aussi dans l'esprit des Africains qui ne sont pas moins responsables qu'on ne le pense, une opportunité à saisir: profiter de l'occasion de relever un défi, celui d'éviter de vivre les affres imposées par le modèle occidental dont les limites sont actuellement mises à nu, et enfin mettre en oeuvre, au moment où sont crées des fonds pour l'environnement, de vieilles conventions en matière d'environnement longtemps tombées dans les oubliettes. Faudrait-il rappeler qu'en 1968, donc avant même la tenue de la conférence de Stockholm que les Etats africains avaient dans le cadre de l'OUA signés à Alger la convention africaine sur la préservation de la nature? Cette convention, qui intégrait déjà en son temps la conservation de la nature dans les plans de développement, couvrait l'éducation, la conservation et la recherche écologique(9). Il y a aussi le comité permanent inter-Etats de la lutte

    (9) François FALLOUX et Lee TALBOT

    Crise et opportunité, Environnement et développement, page 19, édition maisonoeuve.

    contre la sécheresse au Sahel (CILSS) crée en 1973 à la suite des premières grandes sécheresses du Sahel.

    Dans ces conditions, les négociations de la convention de Lomé IV et la conférence de Rio devaient être, pour l'Afrique noire, l'occasion de juguler la dégradation de son couvert végétal. On doit noter que chaque année cette région perd une bonne partie de ses terres cultivables, la désertification ravage les villages et décime les populations contraignant les survivants d'immigrer vers les régions où l'accès à l'eau potable est encore facile. A présent on y compte plus de 10 millions de "réfugiés de l'environnement" dont la grande partie est constituée des Mauritaniens qui ont quitté leurs villages à la suite de la sécheresse de 1974 et des Africains de l'ouest à la recherche des vivres en 1985.

    SECTION II : L'ADHESION DE L'AFRIQUE SUBSAHARIENNE
    AU DEVELOPPEMENT DURABLE

    Tous les problèmes susmentionnés devaient amener l'Afrique subsaharienne à renouer avec le souci environnemental en adhérant au développement durable. La convention de Lomé IV, l'élaboration des PNAE et sa participation à la conférence de Rio sont le signe de cette détermination.

    PARAGRAPHE I:LES REFLEXIONS AFRICAINES SUR

    L'ENVIRONNEMENT

    Dans ce paragraphe, nous allons examiner les aspects de la convention de Lomé IV touchant à l'environnement, la Conférence des Ministres Africains pour l'Environnement (CMAE), puis nous aborderons la question de l'élaboration et de l'exécution des différents PNAE dans certains pays d'Afrique subsaharienne.

    A-LA CONFERENCE DES MINISTRES AFRICAINS POUR
    L'ENVIRONNEMENT ET LA CONVENTION DE LOME IV

    Jusqu'au milieu des années 1980, l'environnement demeura une question marginale pour les dirigeants africains qui avaient laissé les ONG internationales et les agences onusiennes (PNUD, FAO, PNUE...) se charger de ces questions. Le PNUE, installé depuis 1972 à Nairobi (Kenya), contribuera fortement à sensibiliser ces dirigeants aux grands défis à venir par de nombreuses missions auprès des différents Etats. Ce travail déboucha sur la tenue en Décembre 1985 de la CMAE, parrainée par le PNUE, l'OUA, et la C.E.A. . Cette réunion, qui est l'une des grandes jamais tenues en Afrique à ce sujet, élaborera le programme dit du Caire, destiné à renforcer la coopération inter-africaine en matière d'environnement et de développement. On y décida la création de réseaux techniques de coordinations sub-régionales et des commissions techniques.

    Parallèlement, ce programme prévoyait la mise en route de projets pilotes dans 150 villages et 30 zones d'élevages représentant l'éventail des écosystèmes africains, afin de réaliser autant d'expériences de développement économique et social durable, reposant sur une meilleure gestion des ressources.

    Cependant, ce plan d'action qui mettait l'accent sur le fait que c'est aux dirigeants africains "d'assumer la responsabilité principale de l'environnement du continent grâce au programme" a été un grand échec. En effet, les dirigeants africains n'ont pas manifesté leur volontarisme .Ainsi en 1989, seuls six projets pilotes sur les 180 prévus étaient en cours de réalisation. C'est sans doute ce triste bilan qui a fait que la convention de Lomé IV vienne en quelque

    sorte au secours des gouvernements africains dans leur mission de gestion de l'environnement.

    La convention de Lomé IV adoptée à Brazzaville (Congo), le 15 Décembre 1989 devait donc marquer la détermination des autorités africaines à se préoccuper davantage des questions d'environnement. Les deux premières conventions n'ont jamais perçu l'environnement comme une priorité tel qu'il en est le cas avec la quatrième. Certes à l'époque de Lomé III, la convention avait pris en compte les questions de sécurité alimentaire et de survie de la population dans la région du Sahel notamment. Ce texte refléta la nouvelle priorité et mit à la fois l'accent sur les moyens permettant d'assurer la production agricole durable et sur la lutte contre la déforestation et l'érosion

    des sols(10).

    Cet engagement a, par la suite, ouvert la voie à des négociations encore plus "environnementalistes". Ainsi, le continent africain et ses partenaires européens devaient se lancés de façon sérieuse dans la voie de la sauvegarde de l'environnement, notamment dans le cadre de la conception de Lomé IV. L'attachement à l'environnement tel que présenté par la convention fait ressortir le lien désormais reconnu entre le développement et l'environnement. Une priorité est accordée à l'environnement et à la conservation des ressources naturelles "condition essentielle pour un développement durable et équilibré tant au plan économique qu'au plan humain", article 6 de la convention. Dans cet esprit, la communauté s'engage à appuyer les efforts déployés par les Etats ACP sur le plan national, régional et international ainsi que les opérations lancées par les organisations intergouvernementales et non gouvernementales

    (10) M DieterFRISCH ( directeur général du développement, commission de la communauté européenne), le courrier n° 133 Mai-Juin 1992 page 45

    en vue de la mise en oeuvre des politiques nationales et intergouvernementales.

    Vu la dimension environnementale de la convention de Lomé IV, on a pu conclure qu'elle est le premier acte d'adhésion de l'Afrique subsaharienne au développement durable, (le concept à l'époque n'ayant pas la même audience dont il est aujourd'hui investi). Cette adhésion est combien manifeste que nous trouvons figurer au titre premier des domaines de coopération, les questions environnementales, soit 9 articles sur 355 consacrés par la convention toute entière. On peut lire respectivement dans l'article 33 et 38 ce qui suit: "Dans le cadre de la présente convention, la protection de l'environnement et la mise en valeur de l'environnement et des ressources naturelles, l'arrêt de la dégradation du capital foncier et forestier, le rétablissement des équilibres écologiques, la sauvegarde des ressources naturelles ainsi que leur exploitation rationnelle sont des objectifs fondamentaux que les ACP concernés s'efforcent d'atteindre avec l'appui de la communauté en vue d'améliorer dans l'immédiat les conditions de vie des populations et de sauvegarder celles des générations à venir". Pour le second, "Les parties, soucieuses d'une protection réelle et d'une gestion efficace de l'environnement et des ressources naturelles estiment que les domaines de coopération ACPCEE couverts par la deuxième partie de la présente convention doivent être analysés et appréciés systématiquement sous cet angle". Ces deux articles prouvent ce que représentent désormais les questions environnementales pour les Etats africains. Il s'agit d'un engagement solennel, car pour la première fois la convention qui, par tradition faisait intervenir au titre I des domaines de coopération, les questions économiques et sociales, accorde une attention particulière à la sauvegarde de l'environnement. Parmi les programmes particulièrement significatifs financés par la convention au titre de la sauvegarde des ressources naturelles, nous pouvons citer:

    - celui concernant la province du Sissili au Burkina-Faso, pour un montant de 31 millions d'écus;

    - celui du plateau Batéké au Zaïre, pour un montant de 10 millions d'écus;

    - celui situé à Katsiana dans l'Etat de Kunda, au nord du Nigeria, pour un montant de 34,5 millions d'écus. D'autres domaines méritaient d'être cités tels que la télédétection, la protection de la faune et de la flore (avec en particulier le programme Eléphant)(11)...

    Cet engagement des Etats africains témoigne d'une prise de conscience collective du continent des questions environnementales. La convention de Bamako du 29 Janvier 1991 (à l'initiative de l'OUA) sur l'interdiction d'importation des déchets toxiques entérine bien cette assertion. Car elle met en place un régime sérieux -par son contenu- fondé sur le contrôle des mouvements transfrontaliers des déchets produits hors d'Afrique et en Afrique. On peut lire en son article 4 alinéa 1 que: "Toutes les parties prennent les mesures juridiques, administratives et autres appropriées sur les territoires relevant de leur juridiction en vue d'interdire l'importation en Afrique des déchets dangereux, pour quelque raison que ce soit, en provenance des parties non contractantes. Leur importation est déclarée illicite et passible de sanctions pénales". Cette convention est à ce titre le meilleur exemple de la conversion de l'Afrique subsaharienne. Mieux encore, le front homogène que cette dernière a formé pour contester le régime d'irresponsabilité et les dispositions laxistes de la convention de Bâle du 22 Mars 1989 dont elle constitue la principale victime montre que l'Afrique veut désormais se prendre en charge dans ce domaine.

    (11)M Dietrisch FRISCH, ibidem page 45.

    Mais l'Afrique ne s'est pas arrêtée seulement à ce stade de déclaration d'intention comme dirait l'homme politique. Elle a manifesté sa nette adhésion au développement durable par l'élaboration des plans nationaux d'actions pour l'environnement, véritables cadres de réflexions nationales dans lesquels les Etats expriment, après plusieurs diagnostics, les politiques de développement et d'environnement à suivre.

    Nous allons faire état de ces plans qui connaissent de véritables succès dans certains pays, en commençant par leurs historiques et leurs mises en oeuvre.

    B-LE PROCESSUS D'ELABORATION ET D'EXECUTION DES PLANS NATIONAUX D'ACTIONS POUR L'ENVIRONNEMENT (PNAE)

    Pour situer l'origine des PNAE, il faut remonter au début de l'année 1989 où ils ont été initiés par le World ressource institute. Peu après, M. Baber CONABLE, alors président de la banque mondiale saisissait de cette occasion pour mieux appliquer les objectifs de son institution dans le domaine de l'environnement. Il invitait particulièrement les gouvernements des pays en développement à se pencher sur les principaux problèmes environnementaux et sur les politiques en ce domaine, afin de trouver de nouvelles solutions, garanties d'un développement durable(12). Il s'agit là du point de départ de ce que nous avons appelé plus haut les nouvelles orientations de la banque mondiale.

    En Afrique subsaharienne, c'est le Madagascar, le Lesotho et l'île Maurice qui furent les premiers à se lancer dans la voie des PNAE.

    (12) F FALLOUX et Lee TALBOT, ibdem, page 31.

    Aujourd'hui on dénombre plus d'une vingtaine d'Etats ayant déjà élaboré ces plans.

    A Madagascar, le PNAE a eu le mérite de mettre sur pied une politique environnementale renforcée. Celle-ci se traduit par une révision de la loi foncière visant à conférer une plus grande sécurité aux agriculteurs, à les inciter à mieux conserver leurs sols et enfin à l'établissement d'une nouvelle législation pour améliorer les évaluations environnementales des projets de développement quel que soit le secteur considéré.(13)

    Bien d'autres réflexions sont en cours. Mais déjà, le document du PNAE est depuis lors devenu la charte nationale de l'environnement, approuvée par l'assemblée nationale populaire. Cette charte définit les grands objectifs environnementaux du pays:

    - conserver et gérer le patrimoine de la biodiversité;

    - promouvoir le développement durable pour une meilleure gestion des ressources nationales;

    - améliorer les conditions de vie rurale et urbaine;

    - développer les ressources humaines et la capacité institutionnelle.

    La charte présente également la stratégie choisie pour atteindre ces objectifs. Il s'agit d'une mise en oeuvre des solutions intégrées, opter pour une vision à long terme du développement pour les acteurs Malgaches comme pour la communauté internationale dont il attend un appui constant, renforcer la

    communication et le dialogue par opposition des ordres transmis hiérarchiquement, faire participer les populations à l'élaboration de ces programmes et dans leur mise en oeuvre, renforcer le rôle du secteur privé et des ONG en la matière. Bref le PNAE Malgache est un travail sérieux et ambitieux, un véritable souci de promouvoir le développement durable.

    DE même, le Lesotho et l'île Maurice ont fait montre d'engagements sérieux pour la promotion du développement durable même si jusqu'à présent les résultats de leurs réalisations, notamment pour le Lesotho sont, peu prometteurs.

    A ces trois pionniers (le Madagascar, l'île Maurice et le Lesotho), où les PNAE sont en cours de maturation, se sont ajoutés d'autres pays. La moitié de l'Afrique, celle au sud du Sahara, est touchée à des degrés divers par ce mouvement environnemental. Parmi ces pays, nous allons de façon brève faire état de quarte principaux qui, du point de vue du sérieux de l'élaboration de leurs PNAE, viennent juste après les Etats pionniers. Il s'agit des Seychelles, du Ghana, du Burkina-Faso et du Congo.

    Les Seychelles tire 50% de ses recettes du tourisme, 42% de son territoire est classé en parcs nationaux ou en réserve. L'histoire du plan environnemental de ce pays débute en 1989, année de la création du département de l'environnement, placé sous la haute autorité du président de la République M France ALBERT RENE (preuve d'un engagement sérieux du pays). Selon le chef de l'Etat, le "développement intégré" (sustainable development), thème majeur du plan de développement national 1990-1994 doit être à la fois social, économique et écologique. Celui-ci et le programme de gestion environnemental des Seychelles de 1990 à l'an 2000 constituent les instruments de promotion du développement durable. Le second comprend des

    réformes légales et institutionnelles qui ont pour but de renforcer les outils de gestion de l'environnement ainsi qu'un programme d'investissement portant sur l'adduction d'eau potable, le traitement des déchets solides et liquide et la gestion des parcs et des réserves nationales(14). Ainsi, pour 55millions de dollars demandés pour ce programme, 40 millions étaient obtenus lors de la réunion des bailleurs de fonds qui s'est tenue début Février 1991 à Paris sous l'égide de la banque mondiale, du PNUD et du PNUE(15).

    Le PNAE du Ghana contrairement aux autres est spécifique en ce sens qu'il est plus l'affaire des experts ghanéens que d'experts étrangers. C'est la preuve de l'existence d'une intelligentsia et d'une masse critique de fonctionnaires et d'universitaires bien formés et mieux versés dans les problèmes économiques et environnementaux. En plus, si la majorité des plans africains répond à l'appel de la communauté internationale, le plan ghanéen est la résultante des politiques d'ajustement structurel mises en oeuvre au début des années 80. En effet, après l'exécution de ces politiques d'ajustement structurel citées comme une réussite par les experts de la banque mondiale, les Ghanéens étaient inquiets de ses conséquences environnementales. Car en mettant l'accent particulièrement sur la diversification agricole, le renforcement du secteur privé, l'accroissement des gains en devise; en accélérant l'exploitation des ressources du pays, notamment dans le secteur minier et forestier, c'est l'environnement qui prenait de sévères coups en dernière instance. C'est ce qui permit le déclenchement du processus d'élaboration du PNAE, comme pour réparer les dégâts commis et prévenir l'avenir.

    (14) F FALLOUX et Lee TALBOT page 114.

    (15) Marchés tropicaux du 22 Fevrier 1991, page 442.

    Au centre des priorités du plan ghanéen se situent les thèmes suivants: gestion foncière, politique de l'eau, de la forêt et la faune sauvage, écosystème côtier et marin, mines, déchets industriels et produits chimiques et toxiques et, enfin, les problèmes urbains. Comme les plans précédemment étudiés, celui du Ghana est aussi un travail sérieux malgré quelques problèmes qu'il rencontre et que nous allons exposer lorsque nous traiterons des obstacles au développement durable.

    Au Burkina-Faso, pays sahélien, le défi environnemental a toujours été la préoccupation de tous les temps. Le pays est confronté à divers facteurs défavorables, tels que le climat aride sujet à de fortes variations de population relativement dense par rapport aux ressources naturelles et un milieu physique dégradé. Cette situation avait amené les autorités à prendre des mesures visant à arrêter la dégradation de l'environnement, en améliorant la gestion des ressources naturelles, en accroissant la productivité agricole de façon durable, en réduisant la croissance démographique, et en rendant enfin, les communautés responsables de leurs territoires. Parmi les mesures prises, nous pouvons citer la loi foncière promulguée en 1984 et révisée en 1991 pour accroître la sécurité foncière des usagers et mettre en place un programme national de reboisement, le programme national de planning familial (visant la réduction de la croissance démographique) et le programme national de lutte contre la désertification. Malgré quelques résultats positifs qu'ils ont pu remporter, ces programmes ont rencontré d'énormes difficultés. C'est pour tenter de remédier à ces difficultés que le gouvernement Burkinabé a lancé le PANE, (trait original des Burkinabés qui ont déplacé le A de PNAE) et le projet national de gestion des territoires.

    environnement et développement et de stimuler l'éducation et la formation environnementale. En 1993, le PANE a été révisé pour prendre en compte les recommandations issues de la conférence de Rio de Janeiro. Actuellement, il comporte deux volets: un volet d'appui au programme de coopération, qui vise la prise en compte des préoccupations liées à la protection de l'environnement dans la mise en oeuvre des programmes et projets, et un volet investissement, visant la rentabilisation des patrimoines nationaux. Les programmes cadres gérés par le PANE sont au nombre de cinq: le programme cadre de gestion des patrimoines nationaux (PCGPN), le programme cadre d'amélioration du cadre de vie (PCACV), le programme de développement des compétences en environnement (PDCE), le programme de gestion de l'information sur le milieu (PNGIM) et enfin le programme national de gestion des territoires (PNGT). Nous ne pouvons citer ces programmes sans souligner qu'en 1994 il a été adopté le code de l'environnement, et une étude en cours qui vise l'élaboration d'un code forestier.

    Le processus Burkinabés étant encore à ses débuts, on peut d'ores et déjà dire que le Burkina-Faso s'est lancé dans une voie de non retour, celui du développement durable. La mise en place dans chaque province des structures décentralisées ayant pour compétence la gestion environnementale et les comités villageois de gestion de territoire dans le cadre de la décentralisation en cours en dit long.

    Au Congo, le PNAE a été lancé en 1991 par son gouvernement. Les raisons fondamentales de sa mise en oeuvre se trouvent exposées dans le document intitulé l'état de l'environnement qui a été présenté à la conférence de Rio de Janeiro. On peut lire dans ce document ce qui suit: "le gouvernement congolais a décidé d'élaborer un PNAE. Il veut ainsi montrer sa détermination tant nationale qu'internationale, pour la protection, la conservation et

    l'utilisation rationnelle de son environnement et de ses ressources naturelles"(16). Ferme engagement aux yeux de l'opinion internationale. Ce plan a d'abord consisté à la rédaction d'un document de synthèse volume I, intitulé le contexte national, l'état des lieux et diagnostics et du second document volume II qui présente les stratégies sectorielle, et nationales. Parmi ces stratégies, le document fait état de la promotion du développement durable. L'objectif est de l'atteindre par un plan d'action qui situe l'horizon dans 20 ans, en ce sens qu'il y a des actions qui doivent être réalisées dans 1 ans, 5 ans et enfin 20 ans.

    Toutefois, le PNAE congolais a un caractère plus préventif que curatif. En effet, caractérisé par un niveau de vie moyen parmi les pays de l'Afrique subsaharienne, une faible population fortement urbanisée et un environnement encore peu dégradé à l'échelle nationale, le Congo bénéficie encore d'un "capital environnemental" considérable dont la conservation ou l'amélioration pose moins de difficulté par rapport à d'autres pays de la région. Ce fait prouve à suffisance que plusieurs pays comprennent au fil du temps que l'environnement n'est pas seulement l'affaire de ceux qui sont victimes de sérieuses dégradations.

    Les PNAE que nous venons d'examiner constituent donc un véritable engagement de l'Afrique subsaharienne. Estimés à une vingtaine avant la conférence de Rio, ils doivent atteindre la fourchette de la trentaine actuellement. La création du réseau pour l'environnement et le développement durable en Afrique (REDDA) est déjà signe de mise en exécution des engagements pris, car à travers le REDDA les Etats engagés dans le processus de développement durable vont pouvoir se partager les différentes expériences acquises en matière de gestion environnementale.

    (16) Etat de l'environnemt, page 1, Mars 1992.

    Par ailleurs, si les PNAE sont pour l'Afrique, et notamment celle au sud du Sahara, les instruments de promotion du développement durable, la conférence de Rio de Janeiro devait être le cadre idéal où s'est manifesté son attachement sinon sa ferme adhésion à l'impératif de développement durable.

    PARAGRAPHE II: LA CONFERENCE DE RIO DE JANEIRO

    L'idée de la tenue de la conférence mondiale sur le thème de l'environnement et développement était contenue dans le rapport BRUNDTLAND.

    Il n'est pas question ici de montrer les enjeux de la conférence qui sont d'ailleurs innombrables. Nous tâcherons de montrer comment à travers elle l'Afrique est arrivée à faire sien l'impératif de développement durable, principale recommandation de la conférence.

    Il faut d'abord rappeler que la tenue de cette conférence avait au départ rencontré l'hostilité des Etats en développement qui préconisaient que soit organisée, au contraire, une conférence mondiale simplement centrée sur le thème de développement. Cette position a été fléchie au fil des débats, notamment lorsque ces pays ont ressenti tout intérêt qu'ils pouvaient tirer de cette conférence et en particulier l'opportunité d'obtenir des financements nouveaux et additionnels en faveur d'objectifs environnementaux. C'est principalement pour cette raison qu'ils ont répondu massivement à la convocation de la conférence de Rio. En outre, la conférence a battu le record de participation au haut sommet, soit 105 pays représentés par leurs chefs d'Etat ou de gouvernement sur un total de 182.

    A- L'ADHESION PAR LA PARTICIPATION

    L'Afrique faiblement représentée pendant la tenue des travaux préparatoires de la conférence pour des raisons budgétaires et d'organisation s'est sentie pendant la grande "messe" comme le parent pauvre de l'événement. En effet, dans le fond, les thèmes à l'ordre du jour ne la concernaient qu'indirectement: l'effet de serre, la déforestation tropicale, la biodiversité et le développement durable. Les questions de la famine, de la sécheresse, de la désertification et des ressources en eau potable qui constituent la priorité en Afrique au sud du Sahara n'étaient pas suffisamment abordées.

    Ce sentiment de laissé-pour-compte qu'elle a ressenti a produit en elle un effet d'électrochoc ayant abouti à une volonté de s'imposer afin de marquer sa présence. L'exigence d'une convention internationale sur la désertification était donc la forme absolue pour les Africains de marquer cette présence. Ce sujet, considéré et traité au départ de la négociation de la CNUED comme un thème à caractère essentiellement technique a constitué un élément fondamental du compromis politique global de la conférence, en ce sens que les Etats africains ont fait de l'acceptation de principe de cette convention par tous les participants à la conférence, une condition de leur accord aux autres points à l'ordre du jour. Ainsi, tous les Etats favorables aux conventions sur la biodiversité, sur la forêt, et sur les climats ne pouvaient que se plier devant l'exigence africaine qui, outre les motivations financières (financement prioritaire par le FEM des conventions internationales, ce qui profiterait à l'Afrique) se fonde sur la réalité quotidienne: la persistance et même l'aggravation du phénomène de désertification.

    puisse dire à propos de l'adhésion de l'Afrique aux autres valeurs défendues par la conférence: conventions sur le changement climatique, sur la protection de la biodiversité et la déclaration de Rio sur la forêt.

    B- LA PORTEE DES CONVENTIONS

    En ce qui concerne la convention sur la désertification, il a été pris une décision de principe contenue dans l'agenda 21*. Elle prévoyait avant 1994 la signature d'une convention internationale sur la désertification dans le cadre des Nations Unies. Sur ce point, le calendrier des travaux de l'après Rio a été respecté, car le 14 Octobre 1994 elle été signée puis adoptée quelques semaines plus tard à Paris.

    L'adoption par l'Afrique de tous les actes de la conférence de Rio est, comme le processus d'élaboration des PNAE, un acte d'adhésion au développement durable. Mais faudrait-il encore que ces conventions revêtent une certaine force juridique pour que soit réalisé ce louable objectif. Malheureusement toutes les conventions signées pendant et après la conférence ne sont que de simples textes d'engagements politiques sans portée juridique contraignante. Pour ce qui est de la convention sur le changement climatique, par exemple, son contenu brille par l'absence de dispositifs précis en matière de limitation de gaz à effet de serre et de co2 provenant de combustibles fossiles. Ceci est principalement le fait de l'opposition ferme des grandes puissances (principaux responsables de l'effet de serre) à ce que soient retenues des dates précises pour stabiliser les émissions de co2 et des mesures précises aux contrevenants des conventions signées. Cet attachement aux intérêts acquis va transparaître également dans la déclaration de Rio, où les Etats feront prévaloir leur philosophie conservatrice en mettant en exergue le

    *Nation-unies, New-york, 1993

    "droit souverain et inaliénable des Etats d'exploiter leurs ressources naturelles", article 2. Cet aspect, ajouté au manque de "moyens logistiques" en Afrique subsaharienne notamment, entraînera une mise en oeuvre problématique du développement durable. On pourra assister à l'émergence de certaine solidarité apparemment contre nature qui pourrait s'expliquer par des motivations à court terme: tel grand pays industrialisé fortement pollueur de l'atmosphère et refusant le coût social et politique de l'ajustement structurel peut chercher un compromis pour rejeter la convention sur le climat avec des pays désireux d'industrialisation pour relever leurs niveaux de vie. De même les pays producteur de bois tropicaux pourront se retourner vers les pays consommateurs pour rejeter ou amender en fonction de leurs intérêts respectifs la convention sur la forêt. L'Afrique subsaharienne sera donc prise dans cet engrenage, car étant d'un niveau de vie très bas, il lui manquera assez de marge de manoeuvre pour mettre en oeuvre de façon irréversible le processus de développement durable.

    *
    * *
    CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE

    Rejeté puis accepté par les pays en voie de développement, le concept de développement durable devient au centre de toutes les décisions. Les responsables africains et les ONG, ayant beau jeu de démasquer dans les discours du Nord de nouvelles visées hégémoniques qui, sous couvert de préoccupations vertes, dissimulent un nouvel âge du colonialisme, n'ont pu résister à l'appel. Car ce que veulent les grandes puissances finit toujours par

    se réaliser, du moins lorsqu'elles ont devant elles les Etats en voie de développement. En plus, un certain consensus à peine avouable au Sud se fait jour: le rattrapage du Nord selon le critère du bonheur, fondé sur l'accumulation de biens et les règles d'une économie basée sur la consommation hypertrophiée constituerait un suicide planétaire.

    Il reste que le chemin du développement durable pose à l'humanité un véritable défi qui, au delà de la simple acceptation, demande de réels sacrifices: à l'Afrique de renoncer au mythe de l'opulence et au Nord d'accepter la frugalité.

    DEUXIEME PARTIE:

    LE DEVELOPPEMENT DURABLE EN AFRIQUE : UNE
    MISE EN OEUVRE PROBLEMATIQUE

    Tel que nous l'avons exposé dans la première partie, force est de reconnaître que le développement durable, s'il est compréhensible d'un point de vue conceptuel ou théorique, l'est moins du point de vue opérationnel. Beaucoup d'inerties jonchent le chemin, et la voie ou les voies à suivre ne sont pas particulièrement évidentes, les précédents manquant en la matière(1). Ceci est très perceptible en Afrique subsaharienne. En effet, en dépit de son engagement à promouvoir le développement durable, l'exécution de celui-ci la met devant une problématique douloureuse: accroître la production par le moyen de l'industrialisation afin de rehausser le niveau de vie de ses citoyens en s'appuyant sur des politiques ménageant à long terme les ressources naturelles dont dépend la croissance, et accepter de supporter le coût de ce processus. La mise en oeuvre de cette stratégie rencontre en Afrique plusieurs obstacles qui sont, soit liés à certains comportements dont le continent ne peut s'en départir sans subir de choc économique et social sérieux, soit liés à la forte pression de la pauvreté sur l'environnement et la carence notable d'une logistique fiable pouvant permettre sa réalisation (Ier chapitre).

    La difficulté ne relève pas seulement des facteurs propres à l'Afrique subsaharienne. Au niveau international, la mise en oeuvre du plan d'action adopté à Rio accuse aussi certaine lenteur au point où on est tenté de se poser la question de savoir si le développement durable va finir en Afrique comme les autres paradigmes qui l'ont précédé, c'est-à-dire devenir un mythe restant à l'état d'utopie, ou si au contraire il sera traduit en politique concrètes, élaborées en vue d'apporter des changements et d'atteindre des résultats tangibles (IIème chapitre).

    (1) Emilienne N'TAME, op-cit, page234.

    PREMIER CHAPITRE:
    LES FREINS AU DEVELOPPEMENT DURABLE

    " Les gens peuvent critiquer, ils peuvent être cyniques, ils peuvent dire que ce que nous demandons n'est pas réaliste, mais ils doivent parler aujourd'hui des problèmes des pays en voie de développement, de terme de change, du flux des ressources vers les pays en développement. Aujourd'hui on ne peut parler d'environnement sans mettre tous ces facteurs en équation".

    MR Maurice STRONG, discours prononcé lors de la clôture de la conférence de Rio

    Selon leur nature et leurs origines, ces freins sont soit endogènes, soit exogènes. Ce sont des facteurs qui s'érigent en véritables obstacles à la mise en oeuvre du développement durable dans une région où la croissance économique quels que soient les moyens d'y accéder semble la principale obsession. Ces freins sont innombrables et en mesure de compromettre la mise en place du développement durable. Ils sont, pour la plus grande partie, des techniques d'exploitation et des habitudes de consommation se justifiant plus par nécessité de survie que par simple volonté d'accéder au luxe (le cas des consommateurs occidentaux), mais aussi la croissance de la population et sa répartition dans l'espace, la mondialisation de l'économie et les effets de l'économie de marché dans les zones rurales. On doit également ajouter l'érosion de l'identité cultuelle, la demande croissante en énergies et en ressources, l'accès centralisé et difficile à l'information, les inégalités vis-à-vis de l'innovation technologique.

    SECTION I: LES FREINS ENDOGENES

    Les freins endogènes, plus difficiles à pallier, sont les problèmes de pauvreté, de croissance démographique, de la totale dépendance des économies africaines aux ressources naturelles, de la crise financière, sociale, économique et monétaire et enfin de l'épineux problème de la dette.

    PARAGRAPHE I : L'OBSESSION DU COURT TERME

    Comme nous le verrons, les Etats d'Afrique subsaharienne sont présentement animés par une obsession du court terme. Cette obsession s'exprime par un recours à l'exploitation intense des ressources naturelles, rendue possible par la pression des problèmes tel que l'accroissement des franges de populations de plus en plus pauvres.

    A-LA TOTALE DEPENDANCE DES ETATS AFRICAINS AUX RESSOURCES NATURELLES

    Les économies africaines sont fortement tributaires des ressources naturelles, c'est le cas aujourd'hui et hélas, cela durera encore pendant plusieurs décennies. Les ressources naturelles contribuent majoritairement à la formation du produit national brut et une place de choix est faite aux cultures d'exploitation qui restent le principal secteur pourvoyeur de devises étrangères. C'est une économie de "cueillette" basée sur les activités agro-sylvo-pastorales sans grande intégration des différents composants, et sur l'exploitation pétrolière et l'extraction minière. Donc des produits dont l'utilisation et le commerce doivent être prudents et rationnels afin de promouvoir le développement durable.

    Or, vu la multiplicité des problèmes pressants tels les déficits budgétaires, eux-mêmes dus aux taux de croissance insuffisants, à la crise de la dette, à la faiblesse des cours de produits de base, à la détérioration continue des termes de change, les Etats sont tentés de reléguer les politiques d'environnement au second plan, au point de créer une dette sociale et écologique dont les modalités de remboursement ne sont pas encore connues à ce jour(1).

    La tendance actuelle est à une véritable obsession à la croissance économique quelles que soient les modalités de son accession. L'exploitationdestruction de la forêt tropicale, la multiplicité des grands aménagements hydrauliques, les monocultures d'exploitation figurant parmi les grands programmes menés pendant trente ans à l'encontre de toute conception environnementaliste sont loin d'être totalement abandonnées, bien que les conséquences négatives patentes de certaines de ces orientations obligent à aménager fondamentalement de nombreux projets(2).

    Le manque de ressources alternatives pour faire face à la crise accentue cette exploitation des ressources naturelles, conduisant à accroître la détérioration de l'environnement. Le statut actuel des Etats africains, "Etats rentiers" (ne dépendant que des redevances de ses ressources naturelles) n'est pas favorable à l'instauration d'un développement durable. Celui-ci ne peut voir le jour que par un changement même du substrat économique dont la crise et la pauvreté des populations constituent les retombés.

    (1) Emiliènne Anikpo N'TAME, op-cit, page 235

    (2) Ibdem, page 153.

    B-PAUVRETE ET ENVIRONNEMENT

    65 à 85% de la population de l'Afrique au sud du Sahara, soit 4 sur 5 Africains vivent directement ou indirectement de l'agriculture de subsistance, qui suppose le défrichage d'une grande partie de la forêt. Ils utilisent le bois pour la cuisson des aliments et le chauffage des maisons. Cette forte population est constituée en majorité des couches très fragiles de la société et ne peut produire sans endommager l'environnement qui leur sert de base de production. Leurs pratiques culturales et les intrants qu'ils utilisent entraînent, en effet, l'appauvrissement des terres cultivées. Ainsi, la pratique des cultures sur brûlis (technique la plus répandue dont la déforestation arbustive, le déboisement et les feux de brousse sont les différentes étapes de sa réalisation) est le meilleur exemple de cette détérioration des terres qui se manifeste par l'érosion et la perte de fertilité et de productivité des sols. Donc en dépit de tous les risques écologiques qu'entraîne la destruction des forêts, partout en Afrique, au nom de la survie, celles-ci continuent d'être, dénaturées et finissent par disparaître (la superficie des forêts africaines recule de 0,2% à 4% par an: ainsi la Côte d'Ivoire qui avait 30 millions hectares de forêt au début du siècle en comptait 4 millions en 1980 et à peine 2 en 1988, au Sénégal, environ 75 milles d'hectares de forêts disparaissent chaque année...), l'équilibre entre l'homme et la nature est en train de se rompre à jamais.(3)

    Par ailleurs, le surpâturage (au Tchad, au Niger, au Mali, au Soudan et en Mauritanie...) et les pratiques culturales minières qui exposent les sols au lessivage et, dans certains cas, en accélèrent la concrétion et l'induction constituent le quotidien des population de l'Afrique au sud du Sahara qui animées par l'instinct de survie et faute de techniques et technologies fiables

    (3)Revue française d'administration publique, Janvier-Mars 1990, n° 53, page 101.

    n'ont d'autre choix que celui de polluer et d'exploiter au jour le jour leur environnement.

    Selon les chiffres de 1991, l'Afrique s'enfonce davantage dans la pauvreté, son revenu par habitant est tombé à 0,6%. Le nombre des pays les moins avancés (PMA) dans le monde est passé de 31 à 49 entre 1980 et 1994, et le total en Afrique subsaharienne est aujourd'hui de 34, d'après la décision du Conseil économique et social de l'Onu qui a ajouté l'Angola et l'Erythrée sur la liste, soit 68% des pays les plus pauvres du monde. Le revenu annuel par habitant est de l'ordre de 80 à 300 dollars, soit 1,40FF par jour. Cette situation vient empirer le sort réservé à l'environnement car comme les experts l'ont démontré à Rio, une fois menacé, l'environnement appauvrit davantage les populations. La pauvreté dans ce continent est loin de ménager avec la protection de l'environnement: 80% des ressources énergétiques sont tirées des bois de feu. L'éradication de la pauvreté paraît à cet instant comme un défi préalable à l'instauration du développement durable. Ceci n'est pas une révélation, car bien connu de tous. Mais il s'agit maintenant de mettre en pratique cette politique.

    Selon le rapport du CMED, "la pauvreté est à la fois la cause majeure et l'effet des problèmes environnementaux globaux. Il serait futile de vouloir aborder ces problèmes sans prendre en compte le facteur sous-jacent de la pauvreté et de l'environnement international dans la perspective large".

    Or, c'est là où le continent africain semble se trouver dans un cercle vicieux, voire un labyrinthe. En effet, regorgeant une population de pauvres, l'Afrique ne dispose pas de moyens de leur donner une meilleure vie, l'éradication de la pauvreté ne pouvant s'obtenir que par une forte croissance. Dans le cadre africain (celui de son infrastructure technologique), cette

    croissance n'est possible que par une exploitation intense de ses ressources naturelles, autres formes de détérioration de l'environnement. D'ailleurs, le document de synthèse du PNAE congolais signale bien ce fait en ces termes: "la conséquence directe de cette situation est de préconiser des activités extractives et de politiques de développement qui ne tiennent pas automatiquement compte de la dimension long terme du développement mais qui favorisent le fait que les ressources soient hypothéquées et exploitées de manière inconsidérée". Le document ajoute que "Devant une baisse de niveau de vie, la réaction normale des populations est de se retourner vers une exploitation des ressources naturelles qui ne demande aucun investissement initial et qui peut générer de revenus rapides, mais qui a des impacts dévastateurs sur l'environnement"(4) M Mbaya KANKWENDA* a aussi abordé le problème dans le même sens "...Ce n'est pas par l'institution des parcs et réserves, la mise en oeuvre des règlements et autres appareils de protection pour les besoins du tourisme, de la science ou de l'amour de la nature que l'on peut sauvegarder l'environnement et assurer la vie aux générations futures en Afrique si les générations présentes sont complètement démunies et condamnées à surexploiter l'environnement. Mais c'est plutôt en assurant à ces derniers ou mieux en les engageant dans un processus de croissance soutenue et équitable que le discours sur la protection de l'environnement peut réussir. L'Afrique de demain sera nue au sens propre et au sens figuré si une telle croissance n'est pas réussie aujourd'hui"(5).

    Pendant la conférence de Rio, le problème de la pauvreté a été pris en compte; la lutte contre la pauvreté est inscrite dans la déclaration comme une

    (4)Document de synthèse, stratégies sectorielles, volume II, scénarios sectoriels, stratégies nationales

    1992

    *Chef de division du programme régional et de l'analyse des politiques, bureau régional pour l'Afrique,

    PNUD

    (5)CColloque sur le thème: Les Nations-unies et le développement, le cas de l'Afrique, Marseille, des 3 -4 Décembre 1993, page 108, éd A Pédone, Paris 1993.

    priorité de la communauté internationale. Mais le retard enregistré jusqu'à présent dans la reconstitution des fonds visant à lutter contre ce fléau n'est pas de nature à diligenter l'établissement d'un développement durable en Afrique. En plus, la lutte contre la pauvreté en Afrique suppose une transformation fondamentale de ses structures économiques, politiques et socio-cuturelles, ce qui sous-entend qu'en attendant qu'elle bat en retraite l'Afrique aura déjà connu une forte dégradation et le développement durable risquera de devenir pour ce continent qu'un voeu pieux comme l'autosuffisance alimentaire et santé pour tous, pour ne citer que ceux-là.

    On peut dès lors se demander si l'Afrique devra t-elle compter avec la communauté internationale pour éradiquer le fléau de la pauvreté? Nous sommes très sceptiques, les précédents en ce domaine nous renseignent mieux. Le continent a déjà fait l'objet d'études et de résolutions en vue de l'éradication de la pauvreté, mais ces bonnes intentions n'ont jamais été suivies d'actions concrètes. On se rappellera du programme d'action des Nations Unies pour le redressement économique et le développement de l'Afrique (1986-1990) adopté par l'assemblée générale à la mi-1986 et prolongé le 21 Avril 1992 par l'adoption de l'ordre du jour des Nations Unies pour le développement durable de l'Afrique dans les années 90.

    Edem Kodjo,* appelant l'élite africaine à une intériorisation de cette prétendue solidarité internationale sur la lutte contre la pauvreté dans les pays en développement, écrivait "que les Africains ouvrent les yeux sur les réalités du monde, ils verront que les puissances industrielles confrontées à d'intenses difficultés sociales avec leurs millions de chômeurs ont déjà fort à faire pour réduire la pauvreté chez elles, et qu'en toute logique, elle ne peuvent situer au premier rang de leur préoccupations l'éradication de la misère dans les

    * Intellectuel africain et Premier ministre Togolais

    contrée lointaines" et de conclure "il faut donc, dans le cadre de la politique économique mondiale nous convaincre que notre continent possède des atouts et nous sommes les seuls à pouvoir créer avec ou sans aide extérieure- notre propre richesse par un développement conçu en fonction de nos besoins"(6). L'Afrique a-t-elle des besoins spécifiques à elle? Cela se pourrait, mais ce qui est sûr c'est que malgré la prise de position officielle des autorités africaines à Rio et la rédaction des PNAE, la question de la pauvreté demeure l'obstacle majeur.

    Mais le pire pour le continent noir est qu'à côté de ce fléau, il y a celui de l'augmentation démographique et les pesanteurs socio-culturelles qui rendent le développement durable très hypothétique.

    PARAGRAPHE II: LA CROISSANCE DEMOGRAPHIQUE ET LES
    PESANTEURS SOCIO-CULTURELLES

    Il s'agit là de deux facteurs déterminants dans la mise en oeuvre du développement durable. En Afrique, comme nous le verrons par la suite, ces facteurs ont atteint un niveau tel que si rien n'est fait ils résisteront à toutes politiques environnementales. Mais à propos de l'augmentation démographique, il faut être très lucide pour éviter de tomber dans des conclusions mécaniques et simplistes que nous rencontrons dans plusieurs discours.

    (6) L'occident du declin au défi, page 120

    A-LA CROISSANCE DEMOGRAPHIQUE VERTIGINEUSE

    L'augmentation démographique est une voie à double sens. Dans un sens aller, elle est porteuse de progrès économique et social, car par définition, la croissance de la population est une exigence pour le développement, et elle est synonyme d'augmentation des bras pour la production et de marché pour les producteurs, indépendamment de leur qualité ou de leur état de santé. Dans un sens retour, elle constitue un frein à l'augmentation de la part de chacun, car elle augmente les bouches à nourrir, mobilise une partie de l'énergie de la société qui devait être consacrée aux tâches de production, bref elle représente une menace pour l'environnement, accélère la croissance urbaine avec sa cohorte de problèmes sociaux(7).

    C'est de ce dernier sens dont souffre l'Afrique subsaharienne. Dans une société sans infrastructures viables où sévit en revanche la misère, la croissance démographique constitue inexorablement une menace à l'environnement, elle constitue un supplément de prédateurs.

    A cet instant, l'enjeu pour l'Afrique c'est l'équilibre nécessaire qu'il faut trouver entre l'exigence pour le développement que lui impose la croissance démographique et la maîtrise de l'accroissement de la population. Sinon au rythme d'aujourd'hui l'Afrique se fourvoie vers une menace de famine et de misère généralisée. Sa population est actuellement estimée à 600 millions d'habitants, elle croît à raison de 3,1% par an, et selon les projections, elle atteindra 1 milliards 200 millions dans 20 à 22 ans.

    Mais déjà, selon la FAO, pour une dizaine de pays la population dépasse la capacité alimentaire compte tenu de l'inadéquation entre la capacité de

    (7) Mbaya KWANDA op cit page 105

    production et les taux très élevés de fécondité. L'indice synthétique de fécondité* est de 8,5 au Rwanda, 7,6 au Malawi, 7,3 en Ouganda, 6,6 au Madagascar, 6,3 au Kenya et 5,4 au Zimbabwe.

    Dans les travaux du PNAE du Lesotho, il a été souligné que la croissance de la population combinée à la pauvreté est l'une des raisons profondes de la dégradation de l'environnement et de la stagnation économique du Lesotho. Le document final du PNAE mentionne de façon très claire que "la croissance rapide de la population...entraîne un processus sévère et croissant de la dégradation environnementale...sa réduction est préalable au développement

    durable»(8).

    Sous le coup de cette expansion démographique, les écosystèmes africains vivent l'une des mutations les plus rapides de la planète. Les paysages changent, le couvert végétal disparaît, les ressources renouvelables sont utilisées au-delà de leur capacité de régénération, et le capital foncier se dégrade de façon accélérée. Au Niger, par exemple, le problème de l'habitat est au centre de la dégradation de l'environnement. En effet, il faut trouver le bois, les fourches, et les pailles pour l'habitat. Or, du fait de la croissance de la population, ces matériaux deviennent de plus en plus rares, menaçant ainsi plusieurs villages à disparaître du fait de la désertification qui s'en est suivie.

    Plus que toutes les autres, les Africains devaient disposer d'une information environnementale dynamique et actualisée pour mieux apprécier

    * Il mesure le nombre moyen d'enfants auxquels les mères donneraient le jour si les générations futures avaient le même taux de fécondité par l'âge que les générations actuelles. Il est égal à la somme des taux de fécondité pour chaque âge (de15 à 49 ans) établis pour une année donnée. Le taux de féconditié par âge est le rapport du nombre des naissances survenues chez les femmes d'un groupe d'âge donné, à l'effectif des femmes de ce même groupe d'âge.

    (8)Cité par F FALLOUX op-cit, page 68.

    cette mutation et pouvoir guider rationnellement en enrayant la spirale de dégradation qui les affecte aujourd'hui.

    Or, il n'en est rien, car comme le constate d'ailleurs F Falloux, " sil'information environnementale est en général déficiente sur l'ensemble des
    continents, elle est encore dans les limbes en Afrique"
    (9). Ce manque
    d'information d'abord sur les questions environnementales et sur la croissance
    démographique a des implications sérieuses sur la mise oeuvre du
    développement durable, ce qui rend l'intériorisation de ces questions par les
    Africains capitale. Si l'on arrive pas à réduire rapidement et fortement ce fort
    taux d'accroissement démographique, les explosions sociales résultant de la
    misère risqueront de se multiplier; le Rwanda (où le taux est de 3,5/an) n'est
    pas le seul pays à vivre dans la précarité, mais il est allé jusqu'au génocide.

    Malheureusement, les politiques tendant à réduire l'augmentation démographique trouvent toujours sur leurs voies des facteurs de résistances. De fait, à l'issue de la deuxième conférence mondiale sur la population (Mexico 1984), plusieurs programmes de planning familial ont été lancés en Afrique mais les résultats n'ont pas été brillants. Comme pour les questions de lutte contre la pauvreté, là aussi il a manqué et manque encore les moyens financiers suffisants qui puissent maintenir ce genre de programmes dans le temps afin de réduire les naissances et imprégner les populations de façon durable.

    Il y a aussi la religion qui continue à jouer un rôle considérable dans cet échec; le Vatican s'est toujours levé contre toute politique de limitation de naissances y compris des méthodes contraceptives. La conférence du Caire sur

    la population nous a montré combien les Africains au nom de Dieu ou de leur culte étaient très solidaires avec le discours du Saint siège.

    Pour venir à bout de ces considérations religieuses et culturelles, nous pensons qu'au lieu d'imposer aux Africains une transition démographique venue d'ailleurs (ce qu'ils ont du mal à accepter), il faut au contraire permettre aux femmes de participer à un nouvel ordre mondial en leur donnant les moyens efficaces d'investir leurs potentialités ailleurs que dans la procréation. Car parler de développement durable sans procéder au plus juste partage des richesses mondiales est illusoire. Ce n'est pas par hasard que le sousdéveloppement s'accommode souvent d'une croissance démographique élevée.

    Mais dans le document final de la conférence de Caire (qui était l'occasion de prescrire les vraies thérapies à ce problème) les questions de développement pourtant fondamentales pour l'Afrique n'ont été abordées qu'en six pages sur un total de quatre vingt trois. Pourtant il est établi que le sort de la population africaine est lié à celui de la pauvreté. Comme pour celle-ci, toute politique de population et environnement qui n'est pas axée sur la recherche d'un nouvel équilibre Nord/Sud est une diversion organisée(10).

    Il convient donc à la communauté internationale d'intensifier son soutien à la croissance économique de l'Afrique, le principe de solidarité internationale en matière de protection de l'environnement doit jouer un rôle particulier concernant les questions démographiques, autrement elles continueront à enfreindre à toute tentative de promotion de développement durable. Mais cela ne règle pas tous les problèmes, il faut encore que les Africains intériorisent les problèmes posés par la dégradation de l'environnement.

    (10)Jean Marc ELA, Développement et "diversion" démographique, le Monde diplomatique, Septembre 1994, page 8 .

    B-LES PESANTEURS SOCIO-CULTURELLES

    A l'heure où se posent les problèmes de l'environnement mondial, plusieurs Africains restent attachés à des considérations empiriques qui consistent à trouver en la nature une source inépuisable de richesses, ce qui fait que la mobilisation des populations pour les préoccupations environnementales n'est pas grande. La liste très limitative des ONG et associations de défense de l'environnement atteste suffisamment ce point de vue. Daniel Etounga MANGUELE (11) note à ce propos que "L'Africain, ancré dans sa culture ancestrale, est tellement persuadé que le passé peut se répéter, qu'il ne se soucie que sommairement du futur...or, sans une perception dynamique de ce dernier, pas de planning, pas de prévision, pas scénario, c'est-à-dire pas de politique volontaire pour influer sur le cours des événements". Cette culture caractérisée par le manque de capacité planificatrice est un handicap particulièrement considérable dans une période où la vitesse de changement s'accélère surtout lorsqu'il s'agit de phénomène de dégradation. Là où il faudrait continuellement planifier et replanifier, on ne trouve que l'apathie de la société qui, dans sons rêve d'immuabilité du monde, refuse de faire face à la réalité du changement et de modifier son comportement en conséquence(12).

    Ces modes de pensées traditionnelles ne sont pas seulement l'oeuvre de simples citoyens car les autorités elles-mêmes n'ont pas véritablement à coeur les questions environnementales à l'exception des politiques que nous avons examinées plus haut. Le processus démocratique enclenché en Afrique il y a 4 ans nous en a fait la preuve. En effet, les questions environnementales étaient malheureusement absentes dans les débats et dans les campagnes électorales

    (11)Cité par F FALLOUX, in op.cit, Page 292. (12)F FALLOUX, op.cit, page 315

    même dans un pays comme le Madagascar qui a perdu en un temps record la plus grande partie de son couvert végétal.

    Aujourd'hui comme l'environnement est devenu le mot à la mode, bon nombre de politiciens africains en parlent, mais leur discours n'est pas étayé de suffisamment de connaissances de véritables enjeux environnementaux ni de leur importance dans le contexte du développement de leur pays. Et cela se manifeste au niveau des budgets nationaux qui, en dehors des pays sahéliens (qui allouent une bonne partie de leurs recettes dans le cadre du CILSS et de l'OCLALAV:organisation commune de lutte anti-acridienne et anti-aviaire) ne consacrent pas grand-chose pour la protection de l'environnement.

    Par ailleurs, l'Afrique traverse aujourd'hui une crise politique profonde dont l'instauration du processus démocratique est en partie responsable. Cette crise peut faire obstacle au déroulement du processus de PNAE. Sur les 47 Etats que compte l'Afrique subsaharienne, quelques-uns connaissent de périodes troubles arrivant à fragiliser l'Etat (en tant qu'instrument). La fréquence de ces troubles est telle qu'une fraction des PNAE se trouve plus ou moins affectée. Le cas plus extrême est celui de la Somalie où le processus PNAE pourtant bien parti a sombré dans la guerre civile.

    Dans de moindres proportions, la mise en oeuvre du PNAE au Lesotho a été retardée par des coups d'Etat, des changements de rois, bref par l'instabilité politique. Le PNAE au Rwanda a été retardé par l'affreuse guerre civile dont il

    a encore du mal à se remettre. La mise en oeuvre de celui de Madagascar a affronter une crise politique profonde. Le processus au Togo a été freiné par

    les mêmes raisons. Bref, la crise politique en cours en Afrique et qui pourra
    malheureusement s'amplifier en raison de quelques remous sociaux dus au

    problèmes des inégalités sociales et de la redistribution des richesses causera beaucoup de torts à la mise en oeuvre des politiques environnementales.

    PARAGRAPHE III: LA DESERTIFICATION ET LA SECHERESSE

    Au terme de la convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification dans les pays gravement touchés par la sécheresse et/ou la désertification en particulier en Afrique, le concept "désertification" désigne la dégradation des terres arides, semi-arides et subhumides sèches résultant de divers facteurs, dont les variations climatiques et les activités humaines. Tandis que la sécheresse désigne le phénomène naturel qui se produit lorsque les précipitations ont été sensiblement inférieures au niveau normalement enregistré, ce qui provoque de graves déséquilibres hydrologiques préjudiciables au système de production des ressources en terres.

    Les estimations faites par le PNUE indiquent que les terres arides couvrent les 2/3 du continent africain et 73% de ces terres arides agricoles sont classées terres dégradées. Et en un demi siècle, l'Afrique a perdu 650 000 Km2(13). A cette allure, la désertification et la sécheresse qui concernent bon nombre d'Etats africains, notamment le Niger, le Tchad, le Soudan, etc. compromettent le développement durable en raison de la corrélation qui existe entre ces phénomènes et d'importants problèmes sociaux comme la pauvreté (dont on vient d'examiner l'impact sur l'environnement), la mauvaise situation sanitaire et institutionnelle, l'insécurité alimentaire, ainsi que les déplacements des populations et la dynamique démographique que cela engendre. Bref, dans une région où prédominent la désertification et la sécheresse on ne peut promouvoir un véritable développement à moins de commencer par endiguer

    (13) Arezki BENNOUKHTAR, désert: une lente progression, politis, oct-nov 1994, page 21

    87 ces phénomènes, ce à quoi la communauté internationale s'est proposée de faire en élaborant et signant la convention sur la lutte contre la désertification...dont nous analyserons un peu plus loin le mécanisme et l'efficacité.

    SECTION II: LES FREINS EXOGENES

    En sus des freins endogènes que nous venons d'examinés, plusieurs facteurs de nature externe renforcent l'idée selon laquelle le développement durable prôné par la communauté internationale s'avère à l'heure actuelle comme un leurre pour l'Afrique au sud du Sahara. Il s'agit des politiques d'ajustement structurel, des dévaluations non suivies de mesures concrètes et immédiates, la question de la dette, la libéralisation du commerce mondial et son impact sur l'environnement et enfin le problème du transfert vers l'Afrique des technologies nuisibles à l'environnement par de grandes chaînes d'industries en mal de s'adapter à la nouvelle réglementation occidentale.

    PARAGRAPHE I: LE POIDS DE LA DETTE ET LES CONSEQUENCES
    IMMEDIATES DES POLITIQUES D'AJUSTEMENT STRUCTUREL

    Il s'agit de deux maux très liés qui rongent le continent africain, l'empêchant même à mener des politiques de développement endogène, car les instructions qui partent des institutions financières internationales vont souvent à l'encontre des aspirations des populations. Les politiques de protection de l'environnement sont le plus souvent victimes de ces instructions (PAS) et de la dette extérieure qui enjoint les Etats à réduire certains chapitres de leurs budgets au nombre desquels l'environnement s'inscrit en première place.

    A-LA QUESTION DE LA DETTE AFRICAINE ET L'ENVIRONNEMENT

    Depuis les années quatre vingt, l'Afrique subsaharienne est prise dans l'engrenage d'un endettement permanent. Dans un contexte de faible valorisation des matières premières et de taux d'intérêt élevé, la plupart des pays emprunteurs (Côte-d'Ivoire, le Cameroun, le Congo, le Gabon, le Sénégal, le Madagascar, le Zaïre...) sont ainsi devenus insolvables. Les rééchelonnements et les accès aux crédits pour honorer les intérêts ont conduit à une accumulation d'arriérés et ont déplacé les bosses de la dette. La dette extérieure (167 milliards de dollars, Afrique du sud exclue) en 1980 est passée à 270 milliards de dollars en 1992. En terme de rapport d'exportation elle est passée de 97% à 362% des exportations de biens et des services et de 27% à 97% du PNB. Le service de la dette, quant à lui, est passé, après rééchelonnements (en % des exportations et de biens et services) de 11% à 22% dont environ la moitié sous forme d'intérêts(14).

    Or, cet accroissement du service de la dette incite les Etats africains à maximiser leurs recettes en devises. Pour se faire, ils mettent en avant leurs ressources naturelles. C'est ce qu'explique l'économiste Christine BOGDAUWICZ BINDERT(*) lorsqu'elle dit que "les questions écologiques sont totalement écartées dès lors qu'un gouvernement se trouve aux prises avec une immense dette". La gestion d'un service toujours croissant de la dette ne peut se faire tout en ménageant certains domaines dont la rentabilité ne peut être évaluée que dans le long terme.

    Les Etats africains privilégient donc la course à l'insertion dans le marché mondial, au nom des "avantages comparatifs", la chasse aux devises ne

    (14) Philippe HUGON, professeur à l'université de Paris X Nanterre), "L'économie de l'Afrique", éd la découverte, collection repères, Paris 1993, page 209.

    (*) Conseillere à la banque mondiale

    seraient-ce que pour le remboursement de la dette (entre 1980 et 1990, l'Afrique a versé à l'occident 180 milliards au titre des intérêts!), ce qui implique une surexploitation des sols, des sous-sols, des forêts et des mers. Dans ces conditions, nous pensons que le problème de la dette africaine ne peut pas faire bon ménage avec la protection de l'environnement. La commission mondiale pour l'environnement et le développement dans son rapport (BRUNDTLAND) en avait fait déjà état en ces termes "s'ils sont incapables de rembourser leurs dettes, les pays africains lourdement tributaires de leurs exportations de matières premières sont forcés de surexploiter des sols fragiles, ce qui aboutit à la désertification de terres", le rapport conclut que" la protection de l'environnement à l'échelle mondiale exigera des concessions importantes de la part des pays riches sur la question de la dette"(15). Toujours dans ce même ordre d'idées, la Conservation Internationale (organisme de défense de l'environnement) devait ajouter qu'un endettement extérieur lourd contribue indubitablement à accroître les pressions économiques qui incitent les pays à surexploiter leurs ressources

    naturelles"(16).

    Si la communauté internationale a voulu atténuer les charges des pays en développement en évoquant la solidarité internationale, la responsabilité partagée mais différenciée et en élargissant le champ d'action du FEM, nous pensons qu'il ne s'agit là que des demi-mesures. Une meilleure protection de l'environnement mondial par les Africains ne peut passer que par une épuration effective de la dette; ce serait la matérialisation même de cette responsabilité différenciée prise au sens large (étant entendu que les Etats occidentaux principaux créanciers et responsables de la dégradation de l'environnement mondial ont pu dégager ces créances qu'en polluant et en surexploitant les

    (15) Notre avenir à tous, CMED, page XV

    (16) cité in banque mondiale 1993, page 200.

    ressources de la planète). En dehors de cette alternative, la dette africaine, comme d'autres problèmes évoqués plus haut, fera obstacle à la prise en compte effective par les budgets nationaux des politiques réelles d'environnement. A la rigueur, ces créanciers peuvent à l'image de ce qui se fait en Amérique latine procéder par des transactions ou échanges dette-nature si l'on veut voir se réaliser en Afrique un véritable développement durable. Mais au delà, il faut que les institutions financières internationales réexaminent la relation entre programmes d'ajustement structurel et environnement.

    B-LES EFFETS DES PROGRAMMES D'AJUSTEMENT STRUCTUREL SUR L'ENVIRONNEMENT (PAS)

    Les relations entre ajustements structurel et environnement ont toujours été présentées comme deux facettes antinomiques, en ce sens qu'on ne peut appeler à la protection et la sauvegarde de l'environnement tout en demandant à ce que soient appliqués des programmes d'ajustement structurel. Dans la plupart des travaux en cours, de nombreux experts soutiennent l'idée selon laquelle les réformes entreprises dans le cadre des PAS -en particulier la réorientation des incitations à la production et à la rationalisation des dépenses publiques- ont nuit et continuent à nuire à l'environnement.

    En effet, ces réformes visant à réduire des distorsions dissuasives pour la production de biens échangeables ont stimulé la production des produits d'exploitation -des bois d'oeuvre et autres produits agricoles- au détriment de l'environnement. Par exemple, les PAS, qui prévoyaient des dévaluations, incitent les exploitants forestiers à intensifier les coupes pour exporter davantage de bois d'oeuvre, ce qui favorise la culture de terres déboisées.

    Aujourd'hui, en raison des dérèglements réels dans le domaine financier, particulièrement budgétaires et monétaires, en raison aussi des processus particuliers de constitution de la dette et de la gestion de son remboursement, un nombre très important des pays d'Afrique et la presque totalité de ceux d'Afrique subsaharienne ont adopté des politiques d'ajustement structurel en vue de restaurer l'équilibre extérieur budgétaire et monétaire. Ce qui veut dire que depuis un certain temps, ces pays sont en train d'appliquer des mesures incitatives à l'exploitation massive des ressources naturelles, donc à la dégradation de l'environnement. On nous dira que plusieurs critiques ont été formulées à l'encontre de ces PAS, donnant lieu à ce qu'on appelle le programme d'ajustement structurel à visage humain. Mais ce qu'il ne faut pas oublier c'est que si cette "humanisation" du PAS -au cas où elle l'est devenue- a des effets sur le social, l'environnement par contre, n'en tire guère profit car en réduisant les charges publiques, en enjoignant les Etats endettés à s'employer au remboursement de la dette, c'est vers leurs ressources naturelles que ceux-ci se retournent pour supporter les retombés de ces politiques drastiques des institutions financières internationales. Le fonds mondial de la nature, dans son étude publiée en 1992, a réaffirmé que la réforme des dépenses publiques entraînerait une réduction des investissements d'infrastructures visant à protéger l'environnement ainsi que les dépenses de vulgarisation agricole(17). En effet, quand le F.M.I. impose la réduction des dépenses publiques, les programmes écologiques sont parmi les premiers touchés ainsi que les ressources naturelles elles-mêmes. A titre symbolique et en extrapolant un peu, nous pouvons citer le cas du Brésil où la réduction du budget alloué à l'agence fédérale de protection de la nature a entraîné une suppression de son personnel et de la grande partie des sapeurs pompiers du parc national. Le Mexique a quant à lui a supprimé 15 sous secrétariat dont quatre concernant l'environnement.

    (17) banque mondiale, page 207.

    Si on ne peut pas pour l'heure bien quantifier sur les budgets les effets des PAS sur l'environnement en Afrique parce que l'administration de l'environnement est encore peu développée, on peut toutefois dire que c'est sa mise en place, sinon son épanouissement qui est ainsi en cause. M Abdellatif BENACHEUHOU(*), s'interrogeant sur les conséquences des PAS a dit à ce propos que " en dehors des effets de ces politiques sur le secteur social (éducation et formation, santé, population recherche), on peut s'interroger sur les moyens disponibles actuellement pour la préservation de l'environnement. En effet poursuit-il "Les chiffres de croissances économiques parlent euxmêmes. Les taux de croissance ont diminué très sensiblement dans les pays d'Afrique au sud du Sahara; la croissance par tête d'habitant est devenue négative...L'investissement productif tend vers plus ou moins zéro. Dans ce contexte économique déprimé, on est conduit à s'interroger sur les possibilités réelles de financer les investissements de toute sorte que requiert la préservation de l'environnement par l'organisation des trois formes de transitions: démographique, agricole, énergétique. Si cette préservation passe par ces transitions, les moyens de mise en oeuvre sont loin d'être réunis et les perspectives concrètes pour le faire peu brillantes.(18)

    Le Ghana, pays que les experts disent qu'il est le meilleur élève du FMI, a fait les frais "environnementaux" des PAS. Dans son rapport de 1993, la banque mondiale a fait remarquer que les dévaluations opérées au Ghana au début des années 1980 dans le cade du PAS ont accéléré le déboisement du pays. Ceci dit, la dévaluation du franc CFA, qui vient d'être opérée en Afrique a des fortes chances de conduire aux mêmes conséquences, surtout que les mesures d'accompagnement ne sont pas efficaces. Ce qui risque de faire que la conscience et l'action en faveur de l'environnement soient sérieusement

    (*) Professeur, directeur de la division des études sur le développement à l'UNESCO (18) Revue tiers monde n° 130, Avril-Juin 1993, page 378.

    érodées. Ainsi on ne s'étonnera pas de voir marginaliser et minimiser la prise en charge coûteuse de l'environnement. Comme pour leurs nouvelles politiques d'évaluation environnementale des projets, là aussi nous pensons que la Banque Mondiale et les autres institutions financières internationales doivent procéder à l'évaluation environnementale des PAS, sinon, une fois de plus, le développement durable ne sera qu'un vain mot pour l'Afrique. A la rigueur son instauration ne se fera pas dans un proche avenir, surtout qu'en dehors du poids de la dette africaine il y a aussi le problème des transferts de technologies polluantes qui n'est pas sans grande conséquence pour l'Afrique subsaharienne.

    PARAGRAPHE II: LES TRANSFERTS DE TECHNOLOGIES
    POLLUANTES ET L'INCAPACITE D'ACCES DE L'AFRIQUE AUX
    TECHNOLOGIES PROPRES

    Aujourd'hui lorsqu'on parle de transferts vers l'Afrique des déchets toxiques, on ne peut pas manquer de faire allusion au tristement célèbre mémo de M Lawrence SUMMERS, conseiller économique à la Banque Mondiale. Selon ce monsieur, "une certaine dose de pollution devrait exister dans les pays où le coût de la maladie est plus faible, autrement dit là où les salaires sont les plus bas. Je pense que la logique qui veut que les masses de déchets toxiques soient déversées là où les salaires sont plus faibles est imparable.(...) J'ai toujours pensé que les pays sous-peuplés d'Afrique étaient largement sous-pollués; la qualité de l'air y est probablement d'un niveau inutilement bas par rapport à Los Angeles ou Mexico(...). On se préoccupera évidemment beaucoup plus d'un facteur qui augmente de façon infinitésimale les risques de cancers de prostate dans un pays où les gens vivent assez longtemps pour avoir cette maladie, que dans un autre où deux cent enfants sur mille meurent avant l'âge de cinq ans"(19), ces propos irresponsables de M Lawrence

    (19)Mémo du 12 décembre 1991,révélé par The financial times

    SUMMERS coïncident actuellement avec le phénomène de migration vers l'Afrique d'industries polluantes.

    A-LA MIGRATION VERS L'AFRIQUE D'INDUSTRIES POLLUANTES

    En effet, pendant que les USA, l'Allemagne, la Hollande, la Suisse et les pays Scandinaves édictent des réglementations d'une sévérité sans précédent pour satisfaire des consommateurs de plus en plus nombreux à réclamer des industries propres, les législations africaines apparaissent statiques. Les consommateurs moins avisés sur les risques de certaines industries "sales" n'exercent aucune pression pour que soient adoptées des mesures strictes en la matière. Du coup, cette situation fait du continent noir un "paradis des pollueurs" excepté le cas spécifique de transfert de déchets toxiques proprement dits qui est réglementé par la convention de Bamako de 1991 sur l'interdiction d'importer en Afrique les déchets toxiques.

    La crise économique du continent qui oblige les Etats à mettre en place des régimes d'incitations fiscales fera de telle sorte que ces Etats soient moins rigoureux vis-à-vis de la qualité des industries qui, n'ayant pas réussi à s'accommoder de la nouvelle législation occidentale, délocalisent pour l'Afrique. Actuellement, tout un secteur entier pratique cet exode vers l'Afrique; il s'agit en grande partie de l'affinage des métaux, du raffinage du pétrole, du ciment des pâtes à papier et des produits chimiques de base...

    Certains pourront être tentés de dire que cette évolution est propice au développement et aux échanges des pays du tiers-monde, particulièrement ceux d'Afrique. Cependant, la migration des industries "sales" n'est pas sans incidences économiques et écologiques à long terme. Dans la mesure où elle

    repose de plus en plus sur les industries "sales" ou polluantes, la croissance de ces pays ne peut être durable: la détérioration croissante de l'environnement et l'épuisement des ressources risquent de ralentir la production(20). De fait, le développement durable prôné par les dirigeants africains trouve par l'acceptation de ces industries les limites de sa réalisation.

    Comme pour la surexploitation des ressources naturelles, la pauvreté et la crise justifient à nouveau le manque de rigueur de l'Afrique face à l'impératif de développement durable. Mais ce qu'il ne faut pas oublier au sujet de ces délocalisations et des propos tenus par M SUMMERS c'est qu'on ne resout pas les problèmes écologiques planétaires. On les fait simplement déplacer d'un pôle à l'autre. Le pire c'est que cette forme de pollution (la plus sinueuse) se conjugue avec le transfert des déchets et produits toxiques au mépris des législations en vigueur.

    Suite aux scandales nés d'exportations et des projets d'exportations des déchets toxiques vers Afrique en 1980, plusieurs pays africains ont signé des accords imposant de sévères restrictions en matière d'importations des déchets toxiques dont le plus important est la convention de Bamako précitée. Mais ces mesures si elles sont sévères et précises (en ce qui concerne leur énumération) ne sont pas sérieusement appliquées faute d'organes de contrôle compétents au niveau des frontières. Le retard technologique que connaît l'Afrique vis-à-vis des occidentaux facilite le transfert vers l'Afrique de certains produits déclarés toxiques selon les normes occidentales, mais sur lesquels les législations africaines restent muettes. Bon nombre d'exportateurs profitent de ce handicap pour faire passer des produits dangereux pour des matières premières.

    (2o)Candide STEVENS, politiques d'environnement: une incidence sur la compétivité?, observateur OCDE, n°183, août-sept 1993, page 22.

    Du fait de son ignorance, le continent noir devient donc un dépotoir de déchets toxiques. Le dossier consacré par le Courrier international sur la qualité des produits pharmaceutiques consommés en Afrique témoigne à l'évidence les risques encourus par ce continent(*). En effet, il a révélé que près de la moitié de ces produits sont soit des contrefaçons, soit des produits périmés dans des emballages actualisés. Il s'agit des produits venant des officines d'Afrique et d'ailleurs. Cette pratique est aussi courante en matière d'intrants et autres produits agricoles dont les impacts négatifs sur la conservation des sols sont prouvés dans les pays développés. C'est le problème d'harmonisation des normes qui est ainsi posé. Ce qui est interdit en occident pour sa nocivité ne l'est pas forcement en Afrique et le devient très souvent que tardivement. Le cas du DDT, insecticide très persistant qui a été banni dans plusieurs pays occidentaux est typique. En effet, depuis cette interdiction, plusieurs pays du tiers monde ont augmenté l'usage de DDT menaçant la santé de leurs citoyens et exportant en retour leurs denrées alimentaires vers les pays occidentaux(21).

    Il faut aussi dire que malgré certaines mesures prises contre l'importation des déchets toxiques, plusieurs ressortissants africains s'emploient à contourner ces mesures pour des raisons financières, justifiant ainsi la thèse selon laquelle quand les pauvres doivent choisir entre une atmosphère plus propre et une pauvreté moins grande, la plupart d'entre eux préfèrent à juste titre tolérer des niveaux de pollution supérieur à ceux des pays riches en échange d'une croissance rapide. Selon une annonce de Mostapha TOLBA, directeur du programme du PNUD, datée du 6 Octobre 1994, il y aurait un transfert de déchets toxique de la Suisse vers l'Afrique n'eussent été la vigilance et la capacité de coopérer du gouvernement Suisse. En effet, un accord a été signé

    (*) E KOCH, M SIMM, M WECH (Focus Munich), La mafia des faux médicaments, Courrier international, n° 204, du 29 au 5 Septembre 1994, page 36.

    (21)CMED,ibdem, page XVI

    entre des entreprises européennes et un ressortissant Somalien en vue de déposer 500 000 tonnes des déchets toxiques en Somalie.

    Ce scandale qui n'a pu heureusement voir le jour prouve à suffisance que malgré les mesures prises au niveau régional et mondial, l'Afrique n'est pas à l'abri de ces transferts de déchets toxiques. D'ailleurs plusieurs gouvernements n'ont pas encore signé et ratifié la convention de Bâle et celle de Bamako qui interdisent l'exportation et l'importation des déchets toxiques. Dans l'annonce dont nous venons de faire allusion, M. Mostapha TOLBA n'exhortait-il pas les gouvernements à le faire? Mais paradoxalement, au moment où on mijote ces transferts ceux concernant les nouvelles technologies non-polluantes restent inaccessibles à l'Afrique.

    B- L'INACCESSIBILITE DE L'AFRIQUE AUX TECHNOLOGIES NON POLLUANTES

    Il est très courant de rencontrer dans les propos de bon nombre d'analystes que l'Afrique n'est pas obligée d'emprunter le chemin parcouru par l'industrialisation occidentale (responsable du déséquilibre des écosystèmes planétaires) pour accéder au développement. Elle peut le faire par le biais des nouvelles technologies dites "propres". Il s'agit de diagnostics végétaux, d'insecticides microbiens, de techniques de culture tissulaire, de micro propagation et de cartographie génétique et aussi des plantes transgéniques résistantes à certaines herbicides, virus et insectes.

    La plus grande partie de ces technologies demeure l'apanage des pays de L'OCDE, mais c'est dans les pays en développement où l'accroissement démographique nécessite une augmentation du volume et de la qualité de la

    production agricole que les besoins d'innovation technologique sont les plus criants.

    Or, le problème de l'acquisition de ces technologies par l'Afrique n'est pas si facile qu'on entend le faire croire. Plusieurs facteurs dans le domaine des biotechnologies font qu'actuellement leur accessibilité par le continent noir soit très difficile. On peut ainsi citer le permanent problème du manque de capitaux lui-même lié à celui des brevets, le niveau très peu élevé de la culture technologique des Africains, puis le fait que dans la majorité des cas, ces nouvelles technologies ne s'attaquent qu'aux problèmes spécifiquement occidentaux.

    En effet, le renforcement du rôle du secteur privé dans la recherche agronomique fondamentale adaptée ou inadaptée des pays en développement, tout autant que les possibilités d'importer de nouvelles technologies (ou composants biotechnologiques) sont de plus en plus liés aux droits de propriétés intellectuelles. Pour ce qui est des plantes, ces droits sont protégés par les brevets ou par une forme de droit d'obtention végétale qui garantit le versement de redevance d'exportation à l'innovation dont les Africains ne peuvent entreprendre actuellement du fait de la crise et de leur coût élevé. Et pourtant ces nouvelles technologies sont des instruments d'accès à un développement durable, car elles apportent à la fois l'espoir de pouvoir augmenter aussi bien la qualité que la quantité de production agricole et la possibilité de réduire le long délai de plusieurs années indispensables à la mise au point de nouvelles variétés. Plus encore, la biotechnologie permet d'analyser et de maîtriser le potentiel génétique propre aux espèces locales.

    par les brevets risquera d'avoir des graves conséquences en matière d'autosuffisance alimentaire, de protection de l'environnement ou de compétitivité sur le marché mondial désormais libéralisé.

    Il y a aussi que ces technologies sont très souvent inadaptées à l'environnement et aux besoins africains. Cependant, tout laisse à croire que dans les cas où elles peuvent le devenir, on verra apparaître un autre obstacle. Par le passé et pour des raisons multiples dont certaines sont liées à la disponibilité facile de ressources externes, les pays en développements dans leur majorité, n'ont pas acquis le contrôle de la technologie de conception, de réalisation et d'utilisation de leurs outils de production(22). Ainsi, pour l'avenir, nous pensons que l'effort de diffusion technologique sera voué à l'échec si aucun changement n'est apporté sur la question du pallier culturel du moment. L'Afrique doit donc faire sienne la leçon tirée des travaux de LevoiGAURHAN qui dit que: «l'histoire des techniques montre qu'un groupe social ne peut assimiler une nouvelle technique donnée que s'il est déjà parvenu à maîtriser les techniques antérieures de la même "lignée" que les nouvelles techniques présupposées.»(23) La diffusion technologique suppose ainsi l'équivalent au niveau social d'une mutation de savoir-faire au cours de laquelle la communauté s'approprie la technique et la modifie en la stimulant.

    On peut dès lors s'interroger sur l'avenir de l'Afrique face à ces obstacles que nous venons d'énumérer. Nous pensons que la solidarité en matière de protection de l'environnement mondial tant prônée doit s'exprimer ici, ne serait-ce que par le relèvement de l'aide au développement et par l'assistance technique au moyen d'institutions bilatérales et multinationales, et notamment des centres internationaux de recherche agricole dont le rôle serait de

    (22)Abdellatif BENACHEUHOU, Défis, savoir, décisions, Revue tiers-monde, Avril-Juin 1994 n°130 page 378

    (23)Cité par Abdellatif BENACHEUHOU, ibdem, page 378.

    divulguer les informations scientifiques. Cependant, si l'acte final de l'Uruguay round peut servir de cadre idéal de ces échanges d'informations, il n'en demeure pas moins que dans bon nombre de ses clauses il favorise la dégradation de l'environnement.

    PARAGRAPHE III : L'ACTE FINAL DE L'URUGUAY ET

    L'ENVIRONNEMENT

    Déjà mis à mal au cours des décennies passées par des politiques suicidaires, l'environnement et le développement vont subir de plein fouet les effets pervers du nouvel ordre marchand dirigé dorénavant par l'organisation mondiale du commerce (OMC). Car comme l'a su bien le dire Mr Gil ARCOAT, entre les accords du Gatt signés à Marrakech en Avril 1994 et la déclaration de Rio de Janeiro de Juin 1992, on se trouve en présence de deux logiques contradictoires dont on a quelque mal à croire qu'elles aient pu être adoptées par les mêmes chefs d'Etat à moins de deux ans d'intervalle(24). On ne peut pas comprendre que, d'un côté, 150 pays signataires de la charte de la terre reconnaissent que certaines activités de développement sont responsables de la dégradation de l'environnement terrestre et de l'épuisement des ressources et se prononcent en faveur d'un principe de développement durable, et de l'autre, 125 Etats signataires de l'acte final de l'Uruguay round optent pour la toute puissance du marché. Ils érigent le libre échangisme en dogme et s'octroient les prérogatives énormes leur permettant, encore plus que par le passé, de gaspiller les ressources, aggravant ainsi l'avenir de la planète(25).

    Le problème paraît grave et les craintes justifiées dès qu'on se rend compte que les documents de Rio ne sont pas soumis au même pouvoir

    (24)commerce, environnement, développement: le marché prédateur, Politis N°20 oct-nov, page 43. (25)Ibdem, page 43

    contraignant que les accords de l'Uruguay round qui engagent, avec menaces de rétorsion en cas de refus, tous les signataires. Cette toute puissance des accords concoctés par des grandes firmes telles Coca-Cola, Carry, General motors, Boeing etc. -à travers les "comités de conseil en négociation commerciale"- paraît encore plus grave lorsqu'on se rend compte que les questions touchant à l'environnement étaient écartées de l'ordre du jour des discussions par ces firmes. Pour ces grands bénéficiaires du nouveau Gatt, il fallait bien entendu réussir le coup, car les mesures de protection de l'environnement ne devraient pas constituer une "entrave aux échanges commerciaux".

    Avec le nouveau Gatt devenu OMC, les signataires dont 93 Etats du tiers- monde sur 125 seront contraints d'ouvrir sans restrictions leurs frontières aux multinationales, disposeront d'un bien plus grande liberté de manoeuvre que par le passé; les accords du Gatt jouissant d'une primauté sur les réglementations nationales. L'article XIV nous renseigne mieux à ce sujet. Il stipule en effet que "Chaque membre assurera la conformité de ses lois, ses réglementations et procédures administratives avec ses obligations telles qu'elles sont énoncées dans les accords", ce qui veut dire que les Etats ne peuvent pas établir des politiques de préservation de leurs milieux et édicter leurs propres normes et contrôler l'exportation de leurs ressources naturelles. Ceci est plus vrai pour les pays d'Afrique subsaharienne qui constituent le grand réservoir d'espèces vivantes de la planète, une richesse convoitée par les grandes firmes pharmaceutiques.

    Dans le chapitre intitulé produits industriels, l'accord décide de la suppression des droits de douanes de plusieurs secteurs dont celui du bois et des produits de bois. On voit que là aussi l'acte de l'Uruguay round ouvre une grande voie à l'exploitation intensive des forêts, parce que la suppression des

    droits de douane par définition veut dire favoriser la multiplication des importations des bois d'Afrique et d'ailleurs.

    Ces failles que présente l'acte final de l'Uruguay round ne sont pas d'aujourd'hui. Depuis le début des négociations plusieurs défenseurs de l'environnement en avaient fait état. La création du Comité du commerce et de l'environnement de l'OMC est une volonté de repréciser certains principes dans la relation environnement-commerce. Mais la marge de manoeuvre du comité reste très infime d'autant plus qu'il ne peut pas faire plus d'effort de conciliation de ces deux secteurs sans que les Etats membres, les ultralibéralistes notamment, puissent taxer ses recommandations de dangereuses manifestations de protectionnisme commercial, comme ils l'ont fait lors de sa création. Quoiqu'il en soit, ce n'est pas de l'OMC lui-même que proviendra une juste protection de l'environnement, car comme toute organisation incriminée, l'OMC tente de rejeter la responsabilité de la destruction de l'environnement sur d'autres. L'allocution du directeur général sortant du Gatt M. Peter SUTHERLAND lors du symposium du Gatt sur le commerce, l'environnement et le développement durable (10 Juin 1994) au siège de l'organisation en dit long. En effet, selon M. SUTHERLAND, "on ne peut demander aux seules politiques commerciales de résoudre tous les problèmes d'environnement. Ces politiques, et en particulier l'élimination des restrictions et distorsions commerciales qui sont préjudiciables à l'environnement, ont un rôle important à jouer, mais le commerce n'est que l'un des aspects de la politique économique à prendre en compte pour la protection de l'environnement et le développement. Les financements et le transfert de technologie constituent des pièces du puzzle tout aussi importantes."(26)

    (26)Gatt press communiqué, Gatt 1636 du 10 Juin 1994, page 2/3

    Ces obstacles tant internes qu'externes que nous venons d'examiner ont été pour certains déjà analysés à l'occasion de la conférence de Rio de Janeiro qui a arrêté un plan d'action visant à apporter des solutions à ces problèmes, donc à mettre en place le développement durable.

    CHAPITRE II :
    LE PLAN D'ACTION DE RIO A L'EPREUVE
    DE L'AFRIQUE.

    " Le "test de vérité durable" du succès ou de l'échec de la CNUED ne sera pas la reconnaissance éphémère de l'événement en tant que tel, mais la mise en oeuvre

    effective des engagements pris"

    Guy CORCELLE*

    Dans l'engagement pris par la communauté internationale -Action 21 ou Agenda 21-, l'Afrique fait partie des régions où il y a plus de défis à relever. En dehors des programmes de lutte contre la pauvreté, préalable au développement durable en Afrique, les organismes des Nations unies se sont engagés à relever le défi de l'augmentation de niveau de santé mais aussi celui de lutte contre la désertification et l'augmentation de la démographie.

    Ainsi, 3 ans après l'adoption de l'Action 21 il nous convient d'examiner la mise en oeuvre de celle-ci en dressant une sorte de bilan préliminaire de l'action du système des Nations unies et des gouvernements. Ce bilan se fera sur le plan institutionnel (I) et sur le plan pratique (II).

    *20 ans après Stockholm :la conférence des Nations unies de Rio de Janeiro sur l'environnement et le développement: point de départ ou aboutissement?, revue du marché commun et de l'union européenne, n° 365, février 1993, page 131

    SECTION I: L'ACTION DU SYSTEME DES NATIONS UNIES

    SUR LE PLAN INSTITUTIONNEL

    La réalisation des buts que s'est assignée la communauté internationale implique au préalable un changement de mode de vie des citoyens du monde et de la structure des organes qui sont appelés à promouvoir le développement durable dans le monde, et en Afrique en particulier. Il s'agit bien là d'une volonté du programme d'Action 21 qui, en son chapitre 38 paragraphe 2, stipule que: "conformément au mandat de la conférence, il faudrait un mécanisme institutionnel intergouvernemental dans le cadre des Nations unies, qui s'intègre et contribue au processus de restructuration et de vitalisation en cours à l'organisation des Nations unies dans les domaines économiques et social et les domaines connexes, et la réforme générale de l'organisation y compris les changements en cours au secrétariat. Dans cet esprit de réforme et de revitalisation du système des nations unies, l'exécution du programme 21 et la mise en pratique des conclusions auxquelles sera parvenue la conférence se fonderont sur une approche axée sur l'action et les résultats, compatible avec les principes d'universalité, de démocratie, de transparence, de rentabilité et de responsabilité". La création de la commission mondiale pour le développement durable, le département de la coordination des politiques et du développement durable, la signature de la convention sur la désertification, l'organisation de la conférence mondiale sur la démographie et la conférence sur le développement social vont bien dans l'optique de la mise en oeuvre de l'Action 21, même si pour les deux dernières conférences le hasard du calendrier des rencontres des Nations unies a fait qu'elles s'inscrivent dans le droit fil des objectifs fixés par la conférence.

    PARAGRAPHE I : LA CREATION DE LA COMMISSION DU

    DEVELOPPEMEN DURABLE

    Selon le chapitre 38 paragraphe 11 du programme d'Action 21: " En vue d'assurer efficacement et en vue de renforcer la coopération internationale et de rationaliser la capacité intergouvernementale de prise de décisions dans le sens d'une intégration des questions d'environnement et de développement et d'examiner les progrès réalisés dans l'application de l'Action 21 au niveau national, régional et intergouvernemental, il conviendrait de créer, à un niveau élevé, conformément à l'article 68 de la charte des Nations unies, une commission de développement durable..." C'est ce que fit le Conseil économique et social des Nations unies qui, lors de la session d'organisation 1993, a adopté le 12 Février la résolution E/1993/L9 et add1 créant la commission du développement durable (CDD) dont le bureau a été mis en place le 29 Avril de la même année par la résolution E/1993/SR 8. C'est une commission qui regroupe 53 membres se présentant comme suit: 13 pour l'Afrique, 11 pour l'Asie, 6 pour l'Europe orientale, 10 pour l'Amérique Latine et les Caraïbes et enfin 13 pour l'Europe centrale et les autres. Elle est présidée par l'Allemand Klaus TOPFER.*

    Si la création de la CDD n'apporte pas apparemment un résultat probant sur les grandes questions soulevées par l'agenda 21, elle porte tout de même les espoirs placés dans la conférence de Rio: un partenariat renoué entre le Nord et le Sud au tour du développement, un nouvel élan donné au rôle des Nations unies, qui avaient organisé la conférence, une volonté de donner plus de transparence aux politiques nationales en matière d'environnement et développement(1). En effet, la mise en place de la CDD est déjà une garantie de

    * Ministre fédéral de l'environnement, de la nature, de la conservation et de la sécurité nucléaire. (1) Philippe ORLIANGE: la commission du développemment durable, AFDI, 1993, page 820.

    la poursuite par les Nations unies des voeux de la conférence de Rio. Car aux termes de l'agenda 21, sous le titre "arrangements institutionnels internationaux" et au chapitre 38 paragraphe 13, la commission est chargée de contrôler les progrès réalisés pour appliquer l'agenda 21 et intégrer les objectifs relatifs à l'environnement et au développement dans l'ensemble du système des Nations unies, en analysant et en examinant les rapports fournis par tous les organes, organismes, programmes et institutions de celui-ci qui s'occupent des aspects divers et de l'environnement et du développement qu'ils jugent pertinents, exemples:

    - Favoriser l'incorporation des principes contenus dans la déclaration sur l'environnement et le développement dans la mise en oeuvre de l'agenda 21;

    - Le suivi des questions financières et de transfert de techniques aux pays en développement;

    - Bref la CDD devra jouer la fonction de coordination, d'animation et d'impulsion à travers le l'ECOSOC...

    Ces objectifs montrent combien cet organe est indispensable pour la traduction réelle des défis de la conférence de Rio. Ainsi, lors de sa première session, la CDD a retenu deux objectifs fondamentaux, l'un d'ordre organisationnel, l'autre d'ordre politique. Le premier concerne la mise en place de plusieurs instruments: un programme de travail pluriannuel organisé de la façon suivante: les chapitres de l'agenda 21 sont regroupés de manière à permettre à la commission d'examiner chaque année, un certain nombre de point. Ainsi, en 1994 la CDD avait pour tâche d'examiner les programmes

    Il est premier secrétaire à la mission permanente de France auprès des Nation unies, membre de la délégation française à la conférence des Nations unies sur l'environnement et le développement et à la première session de la CDD.

    portant sur la santé, l'établissement humain, les ressources en eau douce, les substances chimiques et les déchets dangereux; un mécanisme de présentation par les gouvernements d'informations sur l'application de l'agenda 21 au niveau national; deux groupes ad hoc ont été mis en place: l'un sur les questions financières, l'autre sur le transfert de technologies. Le deuxième a consisté à réaffirmer au plan mondial le soutien politique accordé aux questions d'environnement et développement examinées par le sommet de la terre, en ce sens que le plus grand problème de la commission avait été de mobiliser des ressources suffisantes pour atteindre ses objectifs et maintenir l'esprit et l'élan suscités à Rio. La pensée du président sortant le Malaisien Razali ISMAIL l'explique bien lorsqu'il dit à la deuxième session annuelle (16 Mai 1994) que" le consensus forgé à Rio est menacé par ceux qui veulent modifier les priorités et esquiver leurs responsabilités"

    L'institution étant mise en place c'est à l'épreuve du temps que l'on pourra juger de ses résultats. Deux ans de son fonctionnement ne peut nous permettre d'apprécier son efficacité dans le suivi et le contrôle des programmes pour le développement durable. Mais déjà, après deux ans d'activité, la CDD a adopté 14 décisions sur des questions sectorielles et intersectorielles concernant le développement et l'environnement, y compris les questions d'eau douce, des déchets toxiques chimiques dangereux et radioactifs, la santé et les établissement humains, ainsi que les structures financières et de prise de décisions et le rôle des grands groupes dans le développement durable. Parmi ces décisions, la commission a recommandé que les Etats et les organisations internationales envisagent de former des partenariats avec des entreprises et des organisations non gouvernementales, ce qui entraînerait la prise de mesures juridiquement non contraignantes; premier pas dans l'élaboration d'instruments internationaux dans la mise en oeuvre d'Action 21. Sur la question du transfert des technologies écologiquement rationnelles, la

    commission a conclu que comme les investissements étrangers directs constituaient une source importante des transferts de technologie, les institutions de l'Onu compétentes devraient aider les gouvernements à formuler des politiques et un contexte régulateur appropriés en la matière de façon à attirer les investissements étrangers. La commission a aussi prié les gouvernements de commencer rapidement des travaux sur une convention internationale sur la sûreté de la gestion des déchets radioactifs en tenant compte, en particulier, de la gestion du cycle de vie total des matières nucléaires.

    Aujourd'hui, il incombe à la commission et à ses membres de faire fonctionner la machine mise en place. Or, les risques de paralysie sont réels. L'ampleur du champ couvert par la CDD peut entraîner un déluge de rapports de la part des organes des Nations unies. A l'inverse, si les Etats se refusent à communiquer des informations sur la mise en oeuvre de L'agenda 21 au niveau national, la CDD sera privée d'un élément, pourtant essentiel, de l'analyse des progrès dans la réalisation des objectifs de la CNUCED.

    PARAGRAPHE II: LA CONVENTION INTERNATIONALE SUR LA
    LUTTE CONTRE LA DESERTIFICATION ET LA SECHERESSE

    Face aux désastres que cause la sécheresse dans le monde et en Afrique en particulier -3 millions de personnes sont mortes au milieu des années 80, plusieurs pertes de productions enregistrées etc.-, le programme d'Action 21 s'est fixé plusieurs objectifs en vue d'éradiquer ce phénomène en forte progression:

    - l'établissement des stratégies nationales axées sur la préparation à court et à long terme à la sécheresse et visant à rendre les systèmes de production moins vulnérables;

    - Amplifier l'apport d'information d'alerte avancée aux responsables et aux exploitants de la terre pour permettre aux pays d'appliquer des stratégies d'intervention en cas de sécheresse;

    - Elaborer des plans de secours en cas de sécheresse et des programmes pour les réfugiés écologiques, et les intégrer aux plans nationaux et régionaux de développement etc.

    Ces objectifs devaient être affinés par la convention de lutte contre la sécheresse, principale recommandation obtenue par les pays africains à la conférence de Rio. Cette convention a été signée le 14 Octobre 1994 à Paris au siège de l'Unesco et elle n'entrera en vigueur qu'après sa ratification par l'ensemble des pays signataires, c'est-à-dire sensiblement pas avant 1996. En attendant, le Comité intergouvernemental des négociations sur la désertification a adopté une résolution demandant que l'on prenne des "mesures urgentes" pour l'Afrique. Il a recommandé que les pays africains affectés et les pays donateurs appliquent sans délai les dispositions de la convention.

    L'élaboration et la signature de cette convention sont un grand pas vers la réalisation des engagements pris à Rio. Elle établit un cadre pour des programmes d'actions nationaux, sous régionaux en vue de lutter contre la dégradation des terres arides et les déserts. Dans son article 2 alinéa 1 la convention déclare:" la présente convention a pour objectif de lutter contre la désertification et d'atténuer les effets de la sécheresse et/ou la désertification,

    en particulier en Afrique, grâce à des mesures efficaces à tous les niveaux, appuyées par des arrangements internationaux de coopération et de partenariat, dans le cadre d'une approche intégrée compatible avec le programme d'Action 21, en vue de contribuer à l'instauration du développement durable dans les zones touchées». Elle constitue une véritable réponse au chapitre 12 de l'action 21 intitulé Gestion des écosystème fragiles: lutte contre la désertification et la sécheresse. Dans son alinéa 3 il est dit que: dans la lutte contre la désertification, la priorité devrait être accordée à la mise en oeuvre de mesures préventives en faveur des terres non encore dégradées ou qui ne le sont que légèrement. Les zones ayant subi une sévère dégradation doivent cependant pas être négligées.

    La diligence avec laquelle a été conduite l'adoption de cette convention témoigne de la volonté des Nation unies de réaliser les compromis de Rio. Ceci étant fait, la grande responsabilité revient aux Etats qui doivent la ratifier en un temps raisonnable, le problème étant urgent. La convention accorde une attention particulière à la situation africaine à laquelle elle a consacré la première annexe où l'on peut lire à l'article 3 ce qui suit: «Pour s'acquitter des obligations qui leur incombent en vertu de la convention, les parties, dans le cadre de l'application de la présente annexe, adoptent une approche de base qui tient compte des particularité de l'Afrique, à savoir:

    - (a) la forte proportion de zones arides, semi-arides et subhumides-sèche;

    - (b) le fait qu'un nombre élevé de pays et de populations souffrent de la désertification et du retour fréquent de période de grande sécheresse etc».

    négociation sur la désertification (INCD) tenue du 6 au 17 Juin, n'a pas finalement satisfait les pays fortement touchés par la sécheresse et la désertification. En effet, les donateurs se sont seulement engagés à mobiliser "d'importantes ressources financières" (art14) au lieu des nouveaux fonds supplémentaires consentis au titre de l'Action 21(2). Ceci contrairement au FEM chargé de financer les conventions sur la biodiversité et la convention-cadre sur les changement climatiques. Cette absence de ressources stables et le manque de fermeté des engagements pris par les Etats donateurs nous laissent un peu sceptique sur les suites à donner à la convention. Le plan d'action des Nations unies pour la lutte contre la désertification, adopté en 1977 n'a pas répondu aux attentes entre autres raison à cause du manque de financement. Toutefois, cette difficulté pourra être comblée si la reconversion de la dette au fonds de financement de lutte contre la désertification devienne une réalité comme l'ont souhaité les Etats touchés. Cette politique a déjà connu un début d'exécution en Amérique latine notamment dans le domaine de la conservation des écosystèmes.

    PARAGRAPHE III: LA CONFERENCE MONDIALE SUR LA
    DEMOGRAPHIE ET LE LA CONFERENCE SUR LE DEVELOPPEMENT
    SOCIAL

    Deux événements importants ont marqué la période d'après la conférence de Rio. Il s'agit de la conférence du Caire et du sommet de Copenhague sur le développement social. Ces deux grandes rencontres sont de grand intérêt, car elles apportent une réponse aux dimensions sociales des questions contenues dans l'Action 21. C'est à ce titre que nous allons examiner leur contribution dans cette entreprise de promotion du développement durable.

    (2) Tim WALL, une convention pour les terres arides, Afrique Relance, avril-sept 1994, page 7

    A- LA CONFERENCE DU CAIRE

    La conférence de Rio de Janeiro a mis en exergue la question de la population comme facteur déterminant dans le processus de dégradation de l'environnement. C'est pour cette raison qu'un des chapitres d'Action 21 a été spécialement consacré à la dynamique démographique et durabilité: chapitre 5. Ce chapitre présente plusieurs recommandations visant à maîtriser la

    croissance démographique dans le monde et spécialement en Afrique. Parmices recommandations, la tenue de la conférence du Caire sur cette question a

    été fortement réaffirmée. Au paragraphe 5.66 il est écrit que "les recommandations formulées dans le présent chapitre ne doivent en aucune manière préjuger des débats de la conférence internationale sur la population et le développement (1994) qui sera l'instance appropriée pour les questions de population et développement...". Elle devrait donc étudier de fond en comble la relation population-développement et définir à l'issu de cet examen les politiques de population en vue du développement durable. C'est ce qu'elle s'est proposée de faire au cours de la semaine allant du 5 au 11 Septembre 1994.

    Un document final de 23 pages a été adopté. Il fixe les objectifs que la communauté internationale entend poursuivre pour maîtriser la poussée démographique et mettre en oeuvre les recommandations du chapitre 5 de l'Action 21.

    Mais au moment où ont disparu l'opposition dogmatique entre communisme et capitalisme et le dialogue de sourds des précédentes conférences entre tenants inconditionnels du développement comme seul contraceptif et ceux de la chute de la fécondité comme unique voie de modernisation, le refus rigide de l'Eglise tend à s'y substituer et à créer la

    dichotomie. Cette attitude de l'Eglise a fragilisé le consensus obtenu au Caire. En effet, la majorité des propositions contenues dans le programme des Nations unies ont été soit repoussées, soit largement laminées par le Vatican, l'Islam et certains Etats du Sud avant d'être adoptées. Parmi les reproches faits au programme de l'Onu présenté au Caire, les deux premières institutions évoquent le fait que l'Onu tente de remettre en cause le rôle central de la famille dans la société, alors que derrière cette institution et sa protection c'est toute la théologie de l'Eglise qui est en jeu et dont le combat concerne en premier lieu l'avortement, la contraception, le planning familial et la sexualité.

    Cette considération primordiale de l'éthique sexuelle individuelle laisse échapper l'axe social, la dimension collective des problèmes démographiques mondiaux où les structures, les conditionnements socio-économiques et socio- culturels sont déterminants.

    En ce qui concerne l'attitude des pays en développement l'exemple qui symbolise la critique du programme de l'Onu est la lettre adressée en juin 1994 par le président argentin Carlos MENEN à ses homologues Latino-américains. Dans cette lettre, il leur adjoint de s'opposer aux mesures de contrôle de la population mondiale suggérées par le programme d'action de la conférence du Caire. Ce contrôle est inutile car, écrit-il " Dans presque tous les cas, les indices de fécondité de nombreux pays latino-américains sont en train de baisser. Si nous prenons en compte le taux de mortalité infantile et l'espérance de vie, les populations de notre continent vont vieillir de plus en plus, et c'est avec difficulté qu'elles se renouvelleront"(3) .

    (3) Cité par Jean Marie POURSIN :les enjeux de la conférences du Caire, le Monde du mercredi 31 Août 1994 , page 2.

    En dehors de ces critiques dont a été l'objet le document final de la conférence du Caire, il y a aussi le fait que comme les précédents textes adoptés à Rio et après, le programme du Caire n'a aucune force contraignante. Cet aspect en sus du premier rend difficile l'application dudit programme.

    Mais si le document n'a pas connu un grand succès vu l'ampleur du désaccord évoqué, l'organisation de la conférence elle-même a été déjà un pari tenu par les Nations unies. En plus, l'adoption du document s'inscrit dans le processus de mise en oeuvre du programme d'Action 21. Car il répond à son paragraphe 5.1 alinéa (a) qui exhorte la communauté internationale au développement, à la diffusion des connaissances, des tendances et des facteurs démographiques et au développement durable.

    B-LE SOMMET DE COPENHAGUE: PROCESSUS DE LUTTE CONTRE LA PAUVRETE

    Le chapitre 3, paragraphe 3.5, alinéa d de l'Action 21 intitulé Coopération et coordination internationale et régionales dit que "les organismes compétents des Nations unies, en coopération avec les Etats membres et les organisations internationales et organisations non gouvernementales appropriées devraient accorder un rang de priorité élevé à la réduction de la pauvreté". L'éradication de la pauvreté est un point très important de l'Action 21, aucun développement durable ne peut avoir lieu dans un cadre d'extrême pauvreté. Le sommet de Copenhague sur le développement social a été donc le cadre idéal de débattre de cette question trois ans après la conférence de Rio

    Organisé du 6 au 12 Mars 1995 à Copenhague, le sommet mondial sur le développement social a rassuré l'opinion internationale sur la volonté des gouvernements de trouver des solutions au problème de la pauvreté. Cette volonté se manifeste par le nombre de participation qui a permis au sommet de

    voler la vedette à la conférence de Rio: 118 monarques, présidents, viceprésidents et premiers ministres, 4000 délégués de 184 Etats, 3200 représentants des ONG et 2800 journalistes.

    Deux textes y ont été adoptés: une déclaration et un programme d'action pour l'emploi et l'intégration sociale appelant les Etats et institutions internationales à recentrer leur gestion sur le social. Ce programme comporte dix engagements non contraignants qui sont: la création d'un environnement économique et politique favorable; une action pour l'élimination de la pauvreté; la lutte pour le plein emploi; la promotion de l'intégration sociale; l'égalité et l'équité entre les hommes et les femmes; un développement de l'éducation; un effort pour l'Afrique et les pays les plus pauvres; une amélioration des programmes d'ajustement structurel, un renforcement du développement; et l'accroissement de l'aide publique au "développement social".

    Au sujet du dernier point, les pays donateurs se sont engagés à consacrer 20% de leur aide publique "au développement social", un chapitre qui devrait mobiliser à son tour 20% du budget des pays bénéficiaires. Au soutien de ces engagements, et comme une réponse au scepticisme des ONG, sans cesse à l'affût de "décisions concrètes", le Danemark, pays hôte a fait le premier pas en annulant une dette de 166 millions de dollars et en a appelé les autres pays à faire autant dès le mois prochain. Ce à quoi a répondu l'Autriche par la voix de son chancelier Franz VRANITZKY qui a pris l'engagement d'annuler plus de 100 millions de dollars de la dette bilatérale publique des pays pauvres à son

    égard.(4)

    Une autre idée a été développée au cours de ce sommet. M. François MITTERRAND a proposé la conclusion des "contrats de développement social" qui permettront de financer les efforts de gouvernements montrant leur volonté de respecter strictement les conventions de l'O.I.T. sur les droits des travailleurs. En outre, il a demandé à la communauté internationale de ne pas abandonner l'Afrique en chemin(5). En dehors de ces quelques prises de positions, le sommet de Copenhague, n'a pas apporté des solutions spectaculaires longtemps attendues par les pays en développement. On peut donc dire que trois ans après le sommet de la terre, l'Action 21 n'a pas encore connu sa mise en oeuvre effective, notamment en matière de lutte contre la pauvreté. Le sommet de Copenhague qui était l'occasion de donner le ton, n'a dégagé que peu de possibilités financières supplémentaires pour le développement social, alors que les pays pauvres n'ont cessé de demander davantage d'aides concrètes. Toutefois plusieurs réalisations des gouvernements, des ONG et organismes des Nations unies dans différents pays permettent de dire que dans certains aspects on peut parler d'une certaine mise en oeuvre du plan d'action de Rio.

    SECTION II: L'ACTION DU SYSTEME DES NATION UNIES,
    DES ONG ET DES GOUVERNEMENTS SUR LE PLAN
    PRATIQUE

    Selon les termes du chapitre 33: Ressources et mécanismes financiers de l'Action 21, dans son paragraphe 14 notamment, le financement de l'Action 21 et d'autres activités découlant de la conférence de Rio devrait être assuré de façon à dégager le maximum de ressources supplémentaires et à mettre à contribution tous les mécanismes et sources de financement: banques et fonds (l'IDA, banques régionales et sous régionales, le FEM), les institutions

    spécialisées compétentes, les autres organisations internationales et les organismes multilatéraux pour la création des capacités et la coopération technique (PNUE, PNUD). Il y a aussi l'action des gouvernements qui est très décisives. Ainsi pouvons nous lire au paragraphe 8 du même chapitre que : "tous les pays devraient faire en sorte que le programme Action 21 puisse se traduire par des politiques et programmes nationaux en adoptant une approche qui intègre les éléments environnement et développement." La mise en oeuvre de l'Action 21 ne peut être appréciée qu'au travers les actions menées par les institutions susmentionnées.

    PARAGRAPHE I: LE F.E.M, LE P.N.U.D, LE P.N.U.E, LA BANQUE
    MONDIALE ET L'AFRIQUE

    La Banque Mondiale indépendamment du F.E.M dont elle assure la gestion avec le P.N.U.E et le P.N.U.D, a approuvé avec l'IDA des projets à composantes environnementales pour 13 pays africains au cours de l'exercice fiscale 1992(*) Ces pays ont cependant contribué pour 10% de l'enveloppe global de leurs projets, il s'agit:

    - de l'Angola pour un montant de 45, 6 millions de dollars en vue de la remise en état des réseaux d'alimentation en eaux, assainissement et gestion des déchets solides;

    - du Bénin pour le montant de 26,8 millions de dollars pour la remise en état des infrastructures et l'assainissement de l'environnement;

    - du Burundi pour le montant de 32,7 millions de dollars;

    (*) Voir Forte croissance des financement liés à l'environnement, Marchés topicaux du 23 octobre 1992, page

    - du Ghana pour 80 millions de dollars, pour le financement du projet national de vulgarisation agricole;

    - de la Guinée équatoriale;

    - du Kenya pour 60 millions de dollars, destinés à la lutte contre l'appauvrissement de la faune et l'effondrement du dispositif de réserves et de parcs nationaux;

    - du Lesotho pour 110 millions de dollars;

    - du Mali pour 20 millions de dollars, destinés au soutien du plan de gestion collective des ressources naturelles;

    - de l'Ile Maurice pour un montant de 15 millions de dollars visant à financer le programme d'exploitation de l'énergie sucrière;

    - le Niger pour 18 millions de dollars pour financer la politique du renforcement des sciences de vulgarisation agronomique;

    - du Nigeria pour 143 millions pour le financement" du programme de base" d'action environnementale;

    - de Sao Tomé et principe pour 9 millions de dollars visant à soutenir la production arboricole et vivrière;

    Au cours de l'exercice 1994, 25 nouveaux projets liés à l'environnement ont été approuvés, représentant au total de la part de la banque mondiale - BIRD, IDA- des engagements de 2,4 milliards de dollars. En juillet 1994, près de 120 projets liés à l'environnement représentant au total des engagements de l'ordre de 9 milliards de dollars étaient en cours d'exécution.

    En outre la banque a lancé de nouvelles stratégies régionales en faveur du lac Victoria en Afrique de l'Est. En effet, le projet relatif à la pollution du lac Victoria auquel participent la Tanzanie, l'Ouganda et le Kenya a reçu le soutien de la banque mondiale, manifestant par là l'application concrète de sa politique en matière de gestion des ressources en eau.

    La banque africaine de développement (BAD) ne devait pas rester en marge de ce mouvement. En 1992, elle a décidé de faire des prêts et des dons en faveur de plusieurs projets africains à caractère environnemental. Il en a été le cas du Nigeria qui a bénéficié des prêts pour une étude portant sur les zones agro-alimentaires et écologiques de l'Etat d'Ondo (décision du 32/03/92), du Malawi à propos du projet d'adduction d'eau de Blantyre phase VI, de l'étude du plan directeur d'assainissement, et de celui portant sur la foresterie de Lilongwe (les décisions des 21/04/92 et 29/10/92), du Madagascar à propos du programme Environnement phase I (décision du 26/10/92), du Sénégal sur l'étude d'impact sur l'environnement du projet Canal de Cayon (décision du 30/10/92) et enfin du Cameroun en ce qui concerne le projet d'évacuation des eaux pluviales du quartier New-bell de Douala (décision du 14/12/92)(6) .

    En ce qui concerne le F.E.M (fonds pour l'environnement mondial), son activité n'a pas manqué de mérite au cours de sa phase pilote. Crée en 1990 en

    (6) Les projetsde la BAD, prêts et don approuvés en 1992, Marchés tropicaux du 26 février 1993, 592-593

    vue de financer les coûts additionnels liés à la prise en compte de l'environnement global dans les pays en développement sous forme de subventions à des projets d'investissement des opérations d'assistance techniques et dans une moindre mesure d'activités de recherche, le F.E.M a été d'un grand intérêt pour l'Afrique. Sur un total de 1,4 milliards de dollars le Fond a au cours de la période 1990-1993 financer 112 projets pour un montant de 712,1 millions de dollars. L'Afrique a été financée à hauteur de 21% contre 34% pour l'Asie, 22% pour l'Amérique latine et les Caraïbes, 18% pour le Moyen orient....

    Lors des négociations en vue de restructurer la constitution du F.E.M en Mars 1994, il a été admis que outre les domaines pour lesquels le fonds a été crée (réchauffement de l'atmosphère, la pollution des eaux internationales, la destruction de la biodiversité, l'appauvrissement de la couche d'ozone), il traitera désormais de la dégradation des sols - essentiellement la désertification et la déforestation- ce qui permettra à l'Afrique de tirer davantage profit de cette institution qui vient de voir sa trésorerie ramenée à 2,002 milliards de dollars pour la période 1994- 1997.

    Le P.N.U.D quant à lui s'est impliqué de façon conséquente dans la mise en oeuvre de l'Action 21, principalement au travers le bureau des Nations unies pour la région soudano-sahélienne (BNUS), la CAPACITE 21 et le fonds d'initiative locale pour l'environnement urbain (LIFE).

    Le bureau des Nations unies pour la région soudano-sahélienne, membre du Comité permanent interEtats de lutte contre la sécheresse dans le Sahel, aide actuellement 8 pays de la région du Sahel à élaborer, prévoir et mettre en oeuvre des programmes de lutte contre la sécheresse et la désertification. Ces

    programmes visent la conservation et l'extension de la forêt, la gestion des réserves d'eau et la fixation des dunes de sable.

    CAPACTE 21 et le LIFE sont tous deux des fonds que le PNUD a crée au sortir de la conférence de Rio pour traduire les recommandations qui y ont été faites. Le premier permet aux gouvernements des pays en développement en liaison avec la CCD de renforcer leurs capacités institutionnelles afin d'élaborer et mettre en oeuvre des plans nationaux de développement durable en mobilisant les différents acteurs. Le second a pour but principal de promouvoir le dialogue au niveau local parmi les municipalités, les organisations communautaires et les ONG, de manière à améliorer la qualité de l'environnement urbain. En Afrique subsaharienne le Sénégal et la Tanzanie ont été choisis pour la phase initiale du fonds.

    En dehors de ces fonds que nous venons de voir, le PNUD a aussi été à l'origine de la création du Réseau Afrique 2000 qui appuie actuellement les projets écologiques entrepris au niveau local dans 15 pays d'Afrique: Bénin, Burkina faso, Burundi, Cameroun, Ghana, Kenya, Lesotho, Mali, Mauritanie, Ouganda, Rwanda, Sénégal, Tanzanie, Zambie et Zimbabwe. Au total 400 projets ayant pour but l'amélioration de l'état de l'environnement en Afrique bénéficient du soutien financier et technique du Réseau Afrique 2000. Parmi les activités appuyées par le Réseau, on peut citer la plantation d'arbres, l'agroforesterie, l'amélioration de la productivité agricole, les campagnes de lutte contre l'érosion et la conservation des sol et de l'eau(7)

    Dans le domaine de l'économie de l'énergie, le PNUD favorise la mise au point de source d'énergie écophiles tant dans le cadre de son programme

    habituel que dans le cadre du Fonds pour l'environnement mondial (FEM). Entre 1990 et 1993, le PNUD a investi 49,6 millions de dollars dans les projets d'énergies renouvelables par l'intermédiaire de son programme d'assistance en cours. Les sources d'énergies solaire, éolienne, biothermique et celle tirée de la biomasse, y compris l'énergie provenant des résidus de la canne à sucre sont parmi les solutions non polluantes étudiées par le FEM dans une douzaine de pays dont la Côte d'Ivoire, la Mauritanie l'Ile Maurice et le Zimbabwe.(8) Le gouvenement du zimbabwe a lancé en 1993 un projet pilote du fonds pour l'environnement mondial (FEM) prévu pour cinq ans, qu'il finance à hauteur de 2millions de dollars; le PNUD, qui administre le projet, y injectera pour sa part 7 millions de dollars. A terme 10.000 à 20.000 installations solaires d'un coût unitaire moyen de 950 dollars devraient équiper les maisons, les écoles, et hopitaux ruraux.(9)

    Au regard de ce qui vient d'être dit, nous constatons que l'action des Fonds et institutions internationales trois ans après la conférence de Rio n'est qu'à moitié positive. En effet, si les politiques de conservation et de gestion des ressources recommandées par l'Action 21 sont en cours d'exécution, celles relatives aux dimensions sociales et économiques sont loin d'être passées à la phase d'exécution. Nous faisons ici allusion à la lutte contre la pauvreté, la protection et la promotion de la santé, promotion d'un modèle viable d'établissement humain. Or, ceux sont ces questions qui préoccupent plus l'Afrique. Il s'agit donc de diligenter ces politiques pour que les chances d'un développement durable soient possible en Afrique. Mais elles dépendent encore beaucoup plus des ONG locales et des gouvernements qui sont par rapport aux institutions internationales plus proches des réalités quotidiennes africaines.

    (8) Sid KANE, Sources d'énergies de substitution dans le sud, ibidem, page 5.

    (9) Ndaba NYONI,Quand le soleil brille la nuit, SOURCES UNESCO, n°69 Mai 1995, page21

    PARAGRAPHE II: LES ONG, LES GOUVERNEMENTS ET
    L'AGENDA 21

    Plus que les institutions internationales, ces deux entités sont les plus importants acteurs du processus de mise en oeuvre du plan d'Action 21. Leur contact permanent avec les populations pour les premiers et leur pouvoir de décision et de conduite des politiques nationales pour les seconds sont d'atouts majeurs pour traduire en projets concrets les recommandations de la conférence de Rio.

    L'engagement des gouvernements africains et l'enthousiasme des ONG africaines de développement et d'environnement manifesté pendant la conférence de Rio a rassuré la communauté internationale du revirement des politiques de développement et d'environnement du continent noir. Trois ans après cette grande messe, on peut essayer de voir ce qu'il en est exactement. Il s'agit d'analyser les actions menées à l'intérieur des Etats indépendamment du soutien des institutions et organismes internationaux dont les initiatives et apports viennent d'être examinés.

    En ce qui concerne les gouvernements, plusieurs plans nationaux d'action pour l'environnement ont été mis en place pour promouvoir le développement durable. Estimés à une vingtaine avant la conférence, on en dénombre près de la trentaine actuellement en Afrique(10). Cette augmentation témoigne de la volonté des gouvernements africains de tenir leurs engagements. A côté de ces plans il y a aussi des projets d'initiative gouvernementale qui malheureusement lorsqu'ils ne bénéficient pas d'un soutien extérieur restent lettres mortes. Le problème est que, contrairement aux recommandations de la conférence qui demandaient aux gouvernements d'intéresser les entreprises privés, les

    communautés rurales et urbaines au défi du développement durable, il y a encore dans bon nombre d'Etats africains la survivance de la pratique de la centralisation de décisions. Les gouvernements ont tendance à tout faire par eux même, et comme la tâche est immense ils rencontrent plusieurs difficultés à mettre en oeuvre l'Action 21, alors que cette tâche pourrait être facile si tout le monde serait concrètement impliqué. Certes, la mobilisation des ressources financières est d'importance capitale pour l'exécution de l'Action 21, mais il faut encore que ceux qui sont en contact permanent avec l'environnement se sentent concernés. Plus encore, il faut les amener à élaborer eux même leurs projets. C'est sur ce point que les gouvernements africains n'ont pas fait des progrès depuis la conférence de Rio.

    On pourra rétorquer que sensibiliser et intéresser les populations est un projet qui exige -comme le traitement d'un lac pollué par exemple- une mobilisation d'énormes ressources financières.

    Cela est vrai. Plusieurs pays sont arrivés à faire des projets de sensibilisation des populations qu'ils n'ont pu mettre en oeuvre. En effet, depuis un certain temps il relève de l'ordinaire que de dire que la majorité des pays africains sont incapables de faire face même à la régularisation des salaires des agents de la fonction publique et d'autres dépenses courantes. Cette situation fait que malgré leur bonne volonté les plans et projets élaborés sont souvent écartés lors des redistributions des ressources financières disponibles aux différents chapitres des budgets nationaux. On comprend donc que sans soutien extérieur il est très difficile qu'un projet soit exécuté. Cela est d'autant plus vrai que l'aide publique au développement qui selon les engagements des pays de l'OCDE devait atteindre 0,7% de leur PIB n'est

    jusqu'aujourd'hui que de 0,34%(11). Elle tend même à être annulée aux Etats unis. En effet, le Congrès américain aujourd'hui majoritairement républicain cherche à réduire l'aide financière destinée à l'Afrique. En Décembre 1994, le représentant Mitch Mc CONNELLE déclarait qu'il "avait du mal à justifier les dépenses engagées pour la majeur partie du continent africain". Cette aide ne correspond selon lui aux intérêts des nationaux américains qui se situent au contraire au Moyen orient, en Europe de l'Est et en ex-URSS qui continueront à bénéficier d'une aide au développement garantie(12). Il a donc annoncé son intention de proposer un projet de loi sur l'aide étrangère pour l'exercice 1995 qui comprend une clause mettant un terme au fonds de développement pour l'Afrique.

    Dans le document de synthèse du PNAE-Congo, 37 projets ont été élaborés par le gouvernement sans qu'il s'engage à financer le coût total d'un seul d'entre eux, préférant solliciter les apports extérieurs auxquels il entend adjoindre une éventuelle contribution. Ce n'est que de cette façon que les Etats africains peuvent procéder à la mise oeuvre de l'Action 21. La conjoncture est très malsaine pour leur tenir rigueur. La dévaluation du franc Cfa dont bon nombre sont concernés a contribué au rétrécissement de certains chapitres budgétaires parmi lesquels figurent les questions sociales et environnementales. Ainsi, logiquement s'il y a bilan à faire c'est peut être celui des actions conjointes des Etats et d'autres acteurs internationaux au titre du partenariat pour le développement durable. Le paragraphe sur le processus d'élaboration et d'exécution des PNAE montre à ce sujet "l'activisme" des Etats africains. Ce sur quoi on peut s'interroger c'est l'action des ONG locales qui se

    (11) Annie SIMON (responsable des programmes environnemenrt développement du collectif de recherche et d'information sur le développement (CRID) ), in Rio ou la parole libérée, inteview accordé à Patrick Piro Polits n° 20, page 16

    (12) Courrier international du 18 au 24 Mai 1995, n°237, page 34

    sont affirmées à Paris lors de la conférence des ONG prélude au sommet de la terre en Décembre 1991 et pendant le sommet de la terre proprement dit.

    Au cours de ces trois années écoulées elles n'ont pas été en reste du processus engagé, au contraire leurs actions ont donné des résultats stupéfiants. Pour s'en convaincre nous allons examiner les actions de l'une d'entre les plus opérationnelles en Afrique. Il s'agit de l'OSDIL (Organisation sénégalaise de développement des initiatives locales).

    Son champ d'action a été au cours de la période 1991-1994 la région Siné-Saloum du Sénégal, menacée par la sécheresse. Soutenue par l'ACDI et le Réseau Afrique 2000, son action consistait principalement à réparer le système de gestion des eaux, le reboisement, la désalinisation et le soutien des activités productives dans les villages.

    En 1992, 8000 premiers arbres ont été plantés sur une superficie de 50 hectares. Trois ans après, les résultats sont satisfaisants, d'autant plus que M. Diop OUSEYNOU(*) s'est laissé dire que" la qualité des sols commence à s'améliorer...l'herbe repousse et il n'y a pas de surpâturage. La parcelle de reboisement commence à ressembler à la pelouse d'un terrain de football. Les arbres améliorent la qualité du sol et en retour, ce sol enrichi aide les arbres à repousser".(13)

    Le succès du projet de l'OSDIL tient à ce que son initiateur M Amadou FALL l'est fait adopté au préalable par les villageois, qui en retour ont mis le leur par l'intermédiaire d'une participation active. Ce qui fait que, lorsque l'ACDI et le Réseau Afrique 2000 arrêteront le financement et après le départ

    (*) Ingénieur forestier travaillant à l'OSDIL (13) Revue Choix, PNUD, Avril 1994 page 20

    des techniciens, les paysans auront appris beaucoup de choses. Ils pourront donc perpétuer les enseignements acquis.

    Le succès que rencontre la pratique de la participation des population aux politiques de sauvegarde de l'environnement avait donc amené le gouvernement malien à s'investir dans ce sens. Ainsi, compte tenu des dégradations provoquées par la transhumance et le braconnage, ce gouvernement a mis en chantier (Mai 1993) un projet avec l'appui du PNUD et l'assistance technique de l'UNESCO. Ce projet intitulé gestion améliorée des réserves de la biodiversité de la Boucle de Baoulé vise la réhabilitation de la réserve par le biais des "contrats de participation" avec 50.000 habitants devenus responsables de la gestion de la réserve(14) .

    *

    * *

    CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE

    Au terme de cette partie consacrée à la capacité de l'Afrique subsaharienne à relever le défi du développement durable, on peut retenir deux choses. La première est que, malgré les obstacles notés et analysés, et la sobriété des ressources financières mobilisées par les gouvernements et les instances internationales, la sous région est bien engagée dans le processus de développement durable. Trois ans donc après le sommet de Rio, elle peut se réclamer d'un bilan partiel positif, d'autant plus qu'avec peu, plusieurs initiatives ont été entreprises; nous voulons parler des PNAE qui ont été

    (14) Abdoulaye TRAORE,(Agence maliènnede presse), La quadrature de la boucle, SOURCES UNESCO,N° 69/ Mai 1995, page 10.

    élaborés et actuellement en cours d'exécution, traduisant ainsi une sorte de perpétuation du souffle de Rio.

    Cela ne veut pas pour autant dire que les obstacles sont "démantelés", car - c'est la seconde chose -, si au niveau de la classe dirigeante il y a une volonté de changement de politique de développement et d'environnement, l'écho n'a pas encore retenti au niveau des populations, principaux acteurs du développement durable. Les programmes de sensibilisation et de formation souvent élevés en coût financiers ne trouvent pas de véritable soutien. Ceci dit, si les PNAE sont élaborés et la volonté des dirigeants bien affichée, il reste la plus dure: entraîner les populations. Mais cela doit relever de la tâche commune des gouvernements, institutions internationales et ONG du Nord comme du Sud. N'est-ce pas là le moment de mettre en oeuvre le principe de solidarité internationale développé à Rio ?

    Selon Ignacy SACHS, "la CNUED n'est pas une fin en soi, mais l'amorce d'un processus de transition vers un développement durable". Nous venons tout au long de ce travail d'analyser l'implication de l'Afrique subsaharienne dans ce processus déjà amorcé il y a trois ans. Cette étude bien qu'ayant éludé certains doutes qui prévalaient au sujet de la capacité africaine à relevé le défi du développement durable, est très loin de nous rassurer sur la durabilité du processus engagé.

    D'abord, plusieurs manquements de la conférence de Rio font actuellement jour. En effet, on s'aperçoit que plusieurs sujets relatifs aux secteurs institutionnels concernés par le lien entre environnement et le développement n'ont pas été suffisamment évoqués lors de la conférence de Rio. Il en est le cas du Gatt, du FMI, la Banque Mondiale et des politiques affectant la détérioration des termes de l'échange et de la dette du Sud.

    En ce qui concerne le Gatt, plusieurs de ses clauses mettent à mal la convention sur la biodiversité (dont on mesure mal encore toutes les implications à long terme, notamment dans le domaine des biotechnologies agricoles)(*), principalement son article 16 qui prévoit la possibilité pour les pays en développement d'avoir accès aux technologies utilisant les ressources biologiques, y compris celles protégées par les brevets et les droits de propriété industrielle. Dans ce sens le gouvernement français a déposé un projet de loi de ratification de ladite convention mais accompagnée d'une déclaration interprétative conditionnant "le respect des principes et des règles de

    (*) Henk HOBBELINK,"La diversité biologique", Ecologie politique N°6, Prinptemps 1993, page 8

    protections de la propriété industrielle". Il en est de même des Etats unis une déclaration interprétative déposée au Congrès (aujourd'hui républicain)

    risque d'émietter l'initiative de l'administration CLINTON qui vient de signer la convention sur le changement climatique auparavant rejetée par BUSH(1)

    Ensuite, le caractère non contraignant des conventions et recommandations adoptées à Rio, ouvre la voie aux négociations dont les atermoiements des Etats-nations ne sont pas de nature à encourager les Etats africains déjà engagés. Le renvoi des discussions de la conférence de Berlin à celle de Kyoto (Japon) de 1997 sur le changement climatique, la décision de

    M. Jacques CHIRAC en vue de poursuivre les essais nucléaires pendant une période d'une année ne sont que la manifestation de ces atermoiements qui en clair constituent l'incapacité des Etats occidentaux de changer résolument de cap. Ainsi, si le Sommet de Rio a soulevé quelques espoirs en donnant une légitimité aux préoccupations environnementales, l'enthousiasme est tombé. Ni à Rio, ni au Caire, ni à Copenhague, les Etats les plus puissant du globe n'ont semblé disposés à sacrifier une part de leurs privilèges sur l'autel de l'intérêt commun. Pas question, par exemple de remettre en cause le fonctionnement actuel de l'économie de marché qui accélère pourtant - on l'a reconnu à Copenhague- les déchirures du tissu social tant au Nord qu'au Sud. Pas n'ont plus question de démocratiser le fonctionnement des institutions financières (Banque mondiale) et (FMI) qui demeure sous le contrôle des pays les plus

    riches.(2)

    Enfin, la mobilisation de ressources financières dont dépend le développement durable en Afrique ne présage en aucune manière des lendemains qui chantent. Car, malgré les moyens dérisoires retenus par la

    (1) Patrick LE CLANCHE, L'actualité de Rio, Revue de Droit de l'environnement, Fev/Mars 1995, page 23

    (2) Sophie BESSIE La planète parle à la planète, CROISSANCE de Mai 1995 n°382, page 40

    CNUED au soutien du Sud, soit 125 milliards de dollars par an, le Nord n'y verse que la moitié et récupère bien davantage par le mécanisme de la dette. Depuis 10 ans, les pays de l'Afrique subsaharienne versent 100.000 FF par minute au titre du remboursement de la dette(3). Comme quoi notre inquiétude au sujet de la franchise des engagements pris par le Nord reste encore d'actualité. Dès lors comme écrivait Alain LIPIETZ(4), il faut choisir. Ou bien prenant au sérieux, l'impératif de l'environnement, le Nord se décide à aider réellement le Sud. Ou bien le critère de l'environnement devient qu'une simple conditionalité (c'est à dire le contrôle du Nord sur l'aide déjà accordée au Sud), ce qui semble probable à ce jour.

    A cela, il faut ajouter la prolifération des situations d'urgence de ces dernières années en Afrique. Ces situations, du fait de leur nature urgente détournent l'attention de la communauté internationale des problèmes de développement et d'environnement. Elles entraînent de façon quasi-mécanique le rétrécissement des ressources qui seraient allouées au développement et à l'environnement au profit des opérations de maintien de la paix par exemple. Ainsi entre 1988 et 1992 les ressources financières en faveur des opérations de maintien de la paix de l'ONU sont passées de 25% à 45%.

    Faudrait-il pour autant verser dans le scepticisme? En tout cas se serait très tôt pour l'Afrique où à défaut d'avoir révolutionné le continent, le sommet de Rio n'en finit pas moins de tarauder les consciences des dirigeants. Ils savent désormais qu'ils ne peuvent bénéficier d'une quelconque charité internationale sans qu'ont leur demande là où ils en sont dans le processus de développement durable, argument de grande influence pour les Etats comme les Etats unis, le Japon ou la communauté européenne. Mais l'on doit savoir

    (3) Sussan GEORGE, Emission télévisée Géopolis du lundi 26 Mai 1995 (4)Op cit, page 120

    que faire des "îlots" de protection au milieu d'un monde de plus en plus appauvri et chaotique est une illusion.-/

    ANNEXE I: AGENDA 21

    38 thèmes pour le développement durable I - Dimensions sociales et économiques(7).

    1.Politiques économiques et coopération internationale (commerce- dette APD- etc)

    2.Lutte contre la pauvreté

    3.Consommation (modification des modes de consommation) 4.Démographie et durabilité

    5.Santé

    6.Habitats et établissement humains viables

    7.Mécanisme décisionnel: intégration du processus de

    décision environnement-développement

    II - Conservation et gestion des ressources (14)

    1.Protection de l'atmosphère.

    2.Planification du territoire et gestion des terres

    3.Lutte contre la déforestation

    4.Désertification et sécheresse

    5.Montagnes et écosystèmes fragiles

    6.Agriculture: développement agricle et rural durable

    Préservation de la diversité biologique 8.Biotechnologie et biotechniques 9.Océans

    10.Protection des ressources en eaux

    11.Substance chimique toxiques ( gestion et prévention du trafic illicite)

    12.Déchets dangereux

    13.Déchets solides et eaux usées

    14.Déchets radioactifs (gestion sûre et rationnelle)

    III - Renforcement du rôle des principaux groupes (9) (major groups)

    1.Rôle des femmes

    2.Rôle des enfants et des jeunes

    3.Rôle des peuples et des communautés indigènes 4.Rôle des ONG

    5.Rôle des autorités locales

    6.Rôle des syndicats et des travailleurs

    7.Rôle du secteur privé (commercial et industriel) 8.Rôle des scientifiques

    9.Rôle des agriculteurs

    IV .- Moyens d'exécution (8)

    1.Finance et mécanismes financiers

    2.transfert de technologie

    3.Science du développement durable

    4.Education - sensibilisation et formation

    5.Création des capacité (capacity building) dans les PVD

    6.Institutions et arrangements institutionnels internationaux 7.Institutions et mécanismes juridiques

    8.Information dans la prise de décisions.

    ANNEXE II:

    LE PREAMBULE DE LA CONVENTION DE BAMAKO SUR
    L'INTERDICTION D'IMPORTER DES DECHETS DANGEREUX ET
    SUR CONTROLE DES MOUVEMENTS TRANSFRONTIERES ET LA
    GESTION DES DECHETS DANDEREUX PRODUITS EN AFRIQUE

    Les parties à la présente convention,

    1. Ayant présente à l'esprit la menace croissante que représente pour la santé humaine et l'environnement la complexité grandissante et le développement de la production de déchets dangereux,

    2. Ayant également à l'esprit le fait que la manière la plus efficace de protéger la santé humaine et l'environnement des dangers que représentent ces déchets consiste à réduire leur production au minimum du point de vue de la qualité et/ ou du danger potentiel,

    3. Conscientes des dommages que les mouvements transfrontières de déchets dangereux risquent de causer à la santé humaine et à l'environnement,

    4. Réaffirment que les Etats devraient veiller à ce que le producteur s'acquitte de ses responsabilités ayant trait au transport et à l'élimination des déchets dangereux d'une manière qui soit compatible avec la protection de la santé humaine et de l'environnement , quel que soit le lieu où ils sont éliminés,

    6. Rappelant les chapitre pertinents de la Charte de l'organisation de l'unité africaine relatives à la protection de l'environnement, la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, le chapitre IX du plan d'action de Lagos ainsi que les recommandations et résolutions adoptées par l'Organisation de l'unité africaine au sujet de l'environnement,

    7. Reconnaissant également le droit souverain des Etats d'interdire l'importation et le transit de déchets et substances dangereux sur leur territoire pour des raisons liées à l'environnement et à la santé humaine,

    8. Reconnaissant en outre la mobilisation croissante de l'opinion publique en Afrique en faveur de l'interdiction des mouvements transfrontières de déchets dangereux sous toutes leurs formes et de leur élimination dans des Etats africains,

    9. Convaincues que le contrôle efficace et la réduction optimal des mouvements transfrontières de déchets dangereux encourageront, en Afrique et ailleurs, une réduction de volume des déchets produits,

    10. Notant qu'un certain nombre d'accords internationaux et régionaux traitent de la question de la production et de la préservation de l'environnement lorsqu'il y a transit de marchandises dangereuses,

    11. Tenant compte de la Déclaration de la Conférence des Nations Unies sur l'environnement (Stockholm, 1972), des lignes directrices et principes du Caire concernant la gestion écologiquement rationnelle des déchets dangereux adoptés par le Conseil d'administration du programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE) par sa décision 14/30 du 17 Juin 1987, des recommandations du Comité d'experts des Nations unies en matières de transport des marchandises dangereuses (formulées en 1957 et mise à jour tous les ans), de la Charte des Nation unies , des recommandations , déclarations, instruments et règlements pertinents adoptés dans le cadre du système des Nations unies, des dispositions pertinentes de la conventions de Bâle de 1989 sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et de leur élimination qui autorisent la conclusion d'accords régionaux qui peuvent contenir des dispositions équivalentes ou plu strictes que des ses propres dispositions, de l'Article 39 de la IV convention de Lomé relatif aux mouvements internationaux de déchets dangereux et radioactifs, et des travaux des organisations gouvernementales africaines ainsi que les travaux et études effectués par d'autres organisations internationales et régionales,

    12. Conscientes de l'esprit, des principes , des buts et des fonctions de la conventions africaine sur la conservation de la nature et des ressources naturelles adoptée par les chefs d'Etats et de gouvernements africains à Alger (1968) et de la Charte mondiale de la nature adoptée par l'Assemblée générale des Nations unies à sa trente-septième session (1982) en que règle d'éthique

    concernant la protection de l'environnement humain et la conservation des ressources naturelles,

    13. Préoccupées par le problème du trafic transfrontière de déchets dangereux,

    14. Reconnaissant la nécessité de promouvoir le développement de méthodes de production et de techniques propres destinées à assurer une gestion rationnelles des déchets dangereux produits en Afrique, en particulier pour éviter, réduire et éliminer la production des ces déchets,

    15. Reconnaissant également que, lorsque cela est nécessaire les déchets dangereux devraient être transportés conformément aux conventions et recommandations régionales et internationales pertinentes,

    16. Déterminées à protéger, par un contrôle strict, la santé humaine des populations africaines et l'environnement contre les effets nocifs qui peuvent résulter de la production de déchets dangereux,

    17. Affirmant également leur engagement de s'attaquer de façon responsable au problèmes des déchets dangereux produits sur le continent africain,

    Sont convenues de: (30 articles posant le principe de l'interdiction d'importer en Afrique des déchets dangereux et du contrôle des mouvements transfrontières et la gestion des déchets dangereux produits en Afrique).

    On trouvera ci-après toutes les références citées ainsi que celles qui ont été utilisées au cours de la rédaction de ce mémoire.

    I - OUVRAGES GENERAUX

    DAUDET (Y) (colloque sous la direction de), Les Nations unies et le développement, le cas de l'Afrique, IEP AIX , A Pédone, Paris 1994, 214 pages

    ETOUNGA-MANGUELE (D), L'Afrique a t-elle besoin d'un programme d'ajustement culture?, Ivry, éd nouvelles du Sud 1991, 127 pages.

    KABOU (A), Et si l'Afrique refusait le développement, Harmattan, Paris 1991, 158 pages

    KING (A), SCHNEIDER (B), Question de survie, la révolution mondiale a commencé, Calmann-Levy, 1991, 231 pages

    KODJO Edem, L'occident du déclin au défi.

    LIPIETZ (A), Berlin, Bagdad, Rio, Quai Voltaire, Edima ,Paris 1993, 158 pages

    MC NEELY (J), (et al), Conserving the world biological diversity, the WB, WRI, IUCN, CI, WWF, 1990, 193 pages

    MERLIN (P), L'espoir pour l'Afrique, Présence africaine, ACCT, 1991, 477 pages

    SUSSAN (G), L'effet boomerang: choc en retour de la dette du tiers monde, la découverte essai, Paris, 1993, 291 pages

    SUSSAN (G), jusqu'au cou, Enquête sur la dette du tiers monde , La découverte Paris1989, 406 pages

    WEISS (P), Relations internationales, travaux dirigés, Eyrolles, Paris 1993

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    II - ETUDES SPECIALISES

    CONGO, L'état de l'environnement, Brazzaville, Mars 1992

    CONGO, Document de synthèse, stratégies sectorielles, volume II, Brazzaville

    BRUNDTLAND Harlem (G), CMED, Notre avenir à tous, Québec 1987, éd Maisoneuve

    BURKINA FASO, Plan d'action national pour l'environnement, T1, Ouagadougou 1991, 100p

    FALLOUX (F), Lee Talbot, Crise et oppotunité, Environnement et développement en Afrique, Maisonneuve et Larose, Paris 1992.

    FAO, Bulletin, Les banques au service de l'environnement, n°103, Paris 1990

    FAUCHEUX (s), Noèl (J F), Les menaces globales sur l'environnement, Répères, la découverte, Paris 1990.

    GHANA, National environmental action plan, Accra, 1990

    HARRIBEY (M), Le concept de développement durable, mémoire de DEA sce économique, Bordeaux 1993

    HOLMBERG(J), poverty, environment and development- Proposals for action, SIDA/IIED, London, 1993

    HUGON (P), L'économie de l'Afrique, la découverte, collection repères, Paris 1993

    MADAGASCAR, Charte de L'Environnement,1990, 71 P

    NATIONS UNIES, (CNUED), Action 21, New york, 1993, 256 pages NICK ROBINS, Impératif écologique, Calman-Lévy, 1992, 325 pages

    PISANI (E) (table ronde sous la direction de), Environnement, Développement, Coopération, L'événement européen, Septembre 1993 POINTE (G),GAUD (M), L'Afrique contemporaine. L'environnement en Afrique, la documentation française, n° 161 Paris 1992

    SEYCHELLES, Environmental Management Plan 1990- 2000,Goverment of the Seychelles, 1990, 110 page

    SLADE (G), WEITZ (H), Uganda environmental issues and options, Duke university 1991

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    III- ARTICLES DE REVUES

    ARCOAT(G), le marché prédateur, Politis, oct- nov 1994, page 43.

    ANIKPO N'tamé (E), Le développement durable à l'épreuve de L'Afrique, Evénement européen, Sept 1993 page 233-243

    BARRICKLOW (D), L'énergie éoliènne éclaire l'avenir de la Mauritanie, CHOIX (la revue du développement humain), Av 1994, page 6 BENACHEUHOU (A), Défis, savoirs, décisions,Revue du tiers monde, AvJuin 1994, n°130, page 378

    BENEMOKHTAR Anezhkir, Désert: une lente progression, Politis ibdem, page 20

    BESSIE Sophie: La planète parle à la planète, CROISSANCE Mai 1995, n°382, page40

    COMELIAU Christian, Développement du développement durable ou bloccage conceptuel?, Revue revue tiers monde Janv-Mars 1994 n° 137 CORCELLE Guy, 20 ans après Stockholm: la conférence de Rio sur l'environnement et le développement. Point de départ ou aboutissement?

    Revue du Marché commun et de l'Union européenne, n° 365, Février 1993?, page 107 - 131

    DIETER Frish, Nous n'héritons pas la terre de nos parents, nous les empruntons de nos enfants. Le courrier n° 33 Mai-Juin 1992 page 45 FABRIZIO SABELLI (sous la direction de ), Ingérence écologique, Nouveau cahier de l'IUED n°3, Puf, collection Enjeux, 1995

    GATT, Press communique, Gatt 1636 du 10 juin 1994 page 2/3

    GISSE (I), KRISH HELMORE: Des arbres bien enracinés à Sine- Saloum CHOIX (revue du développement humain), Av 1994, page 16

    KANE SIDE, Source d'énergie de substitution dans le sud, CHOIX (la revue du développement humain) volume 3, page 4

    KI ZERBO (J), L'écodéveloppement, seul développement viable, BREF, n°13, Juin 1994

    LATOUCHE (S), Développement durable, un concept alibi, revue du tiers monde n° 137Janv-mars 1994, page 77

    ORIANGE Philippe, La commission du développement durable, AFDI, 1993 page 820

    SACHS (I), Faut-il encore y croire?, Politis ibdem, page 9

    SACHS (I), Le développement reconsidéré: quelques réflexions inspirées par le Sommet de la terre, Revue du tiers monde n° 137, Mars-Janv 1994, page 53 SIMON Annie, Rio, la parole libérée, Politis ibdem,page 16

    STEVENS Candide, Politiques d'environnement: une incidence sur la compétitivité? Observateur de l'OCDE, n° 183, 1993 P 32

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    IV - ARTICLES DE PRESSE

    BOUGUERRA Larbi (M), Rio sommet de la vérité: au service des peuples ou d'un impérialisme écologique?,le Monde diplomatique de Mai 1992, page9 ELLA Jean Marc, Développement et "diversion" démographique, le Monde diplomatique de Septembre 1994, page 8

    HERZLIE Guy, Le sommet de Copenhague veut déclarer la guerre à la pauvreté, le Monde du Mardi 7 Mars 1995.

    KOCH (E), SIMM (M), WECH (M), La mafia des faux médicaments, Courrier international, n° 204 du 29 Septembre au 5 Octobre 1994. MARINGUE Marcel, Le sommet de Copenhague élabore un compromis sur l'aide au développement, le Monde du Dimanche au Lundi 13 Mars 1995. POURSIN (J), Les enjeux de la conférence du Caire, le Monde du Mercredi 31Août 1994, page 2.

    SUMMERS LAWENCE, Mémo du 12 Décembre 1991, The Financial times VOLMAN Daniel (New african- Londre), L'Afrique victime de la rigueur budgétaire des républicains, Courrier international, n° 237 du 18 au 22 Mai 19995, page 34.

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    V - RAPPORTS

    BANQUE MONDIALE, L'Afrique subsaharienne, de la crise à la croissance durable, Washington DC 1989.

    BANQUE MONDIALE, Le programme d'action concentrée pour le développement stable au Sud du Sahara, Washington DC 1984

    BANQUE MONDIALE, Les besoins financiers de l'ajustements dans la croissance en Afrique subsaharienne, 1986-1990.Washington DC, 1986

    BANQUE MONDIALE, La politique de développement, "l'ajutement en Afrique, refrormes résultats et chemin à parcourir", Washington DC 1994 BANQUE MONDIALE, Rapport annuel 1993, Washington DC 1993 BANQUE MONDIALE, Rapport annuel 1994, Washington DC 1994 NATIONS UNIES, Situation économique et sociales dans le monde, 1994 Tendances et politiques économiques actuelles, 512 pages

    PNUD, Rapport mondial sur le développement humain 1994. 239 pages






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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus