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La protection civile des actionnaires dans l'espace OHADA

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par Narcisse Ekwelle Ekane
Université de Dschang-Cameroun - D.E.A. (Diplôme d'Etudes Approfondies) 2008
  

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REPUBLIC OF CAMEROON

REPUBLIQUE DU CAMEROUN

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Paix - Travail - Patrie
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Peace - Work - Fatherland
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MINISTERE DE L'ENSEIGNEMENT
SUPERIEUR

MINISTRY OF HIGHER EDUCATION

*********

THE UNIVERSITY OF DSCHANG

UNIVERSITE DE DSCHANG

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*********

FACULTE DES SCIENCES
JURIDIQUES ET POLITIQUES

FACULTY OF LAW AND POLITICAL
SCIENCES

La protection civile des

actionnaires dans l'espace

OHADA

Mémoire de fin d'études de troisième cycle en vue de l'obtention du
Diplôme d'Etudes Approfondies (DEA) en Droit Communautaire et
comparé CEMAC

Présenté et soutenu publiquement par:

EKWELLE EKANE Narcisse

Maîtrise en Droit des Affaires

Sous la direction de :

et

Sous la supervision de :

Dr. DJILA Rose
Docteur d'Etat en Droit Privé
Chargée de Cours

Pr. ANOUKAHA François
Agrégé des Facultés de Droit
Doyen

Promotion 2006 - 2007

i

DEDICACE

A ma famille et tout particulièrement:

- A mon père, EKANE NKUMBE Wilfred

- A ma mère, ESONG Grace

- A ma tante, Mme MPAH EWANE née EKWELLE

EPOTE Shella

Pour toute l'affection et l'inconditionnel soutien qu'ils

n'ont de cesse d'apporter dans ma vie.

ii

REMERCIEMENTS

La réalisation de ce travail n'a été rendue possible que grâce au concours d'un certain nombre de personnes. C'est pourquoi, je voudrais qu'elles trouvent ici l'expression d'une infinie gratitude. Mes remerciements vont ainsi à l'endroit du Professeur ANOUKAHA François, pour avoir accepté que mes premiers pas dans la recherche se déroulent sous sa supervision, ainsi que pour la qualité de l'ensemble de la formation dont nous avons bénéficié sous sa houlette.

Je voudrais tout aussi spécialement adresser mes sincères remerciements à mon directeur de mémoire, le Docteur DJILA Rose qui, nonobstant ses multiples occupations, a accepté de diriger ce mémoire, tout en me faisant observer que la rigueur et la discipline sont indissociablement les clés du succès. Ma reconnaissance vis-à-vis d'elle va au-delà de tout mot.

Mes remerciements vont également à l'endroit de tous les enseignants de la faculté des sciences juridiques et politiques notamment, au Professeur KALIEU ELONGO Yvette Rachel, aux Docteurs FOLEFACK Ernest, NGUIHE KANTE Pascal et NJEUFACK TEMGWA René, pour leur contribution à la qualité de notre formation, et leur disponibilité.

Je remercie en outre très chaleureusement mes frères et soeurs, les nommés Eric EWANE EKANE, NTUBE EKANE Delphine, DIONE EKANE Calista, EPEDE Adeline EKANE et NKUMBE EKANE Gédéon, ainsi que ma nièce, EPOTE E. Lucrèce Sally.

Je remercie tout aussi M. KAGOU NKENNA Patrice Hubert, TAKAFO Didier, pour leur contribution.

A mes camarades de promotion, NGNIDJIO TSAPI Marlize Elodie, LAFON Honoré, TALLYNG Stève, MANFOUO FOUOTSA Hervé, FOTSO KOUAM Alain B., KENMEUGNE KOUAM Gervais.

A mes amis et connaissances, EKOSSO EBWELLE Ange Tousine, SOP Marcial, TSOBGNY William, DAMKAM Yannick, SEME Francis, GANOU Gaëlle, CHIOFFO Arin, NGOLOKO Stéphane, NFON Gertrude, MOUKETE EKOUME, KALLA BILLE Ernest, NDONJIO TAKONGMO Jean, la famille MEKEZE.

A tous ceux qui, de près ou de loin ont contribué à ce travail et qui ne verront pas leurs noms portés ici, je leur adresse mes sincères remerciements.

iii

PRINCIPALES ABRÉVIATIONS

Al. : Alinéa

Art. : Article

AUDCG : Acte Uniforme relatif au droit commercial général

AUSC : Acte Uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du

groupement d'intérêt économique

AUPC : Acte Uniforme relatif à l'organisation des procédures collectives

d'apurement du passif

Bull. : Bulletin

Bull. Joly : Bulletin Joly

Cass.com. : Chambre commerciale de la Cour de cassation française

Cass.civ : Chambre civile de la Cour de cassation française.

Ed. : Edition

JCP : Jurisconsulte Périodique (semaine juridique)

LGDJ : Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence

Litec : Librairie Technique

OHADA : Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires

Op.Cit. : Opere Citare (cité plus haut)

P. : Page

PUA : Presses Universitaires d'Afrique

PUF : Presses Universitaires de France

Rev.soc : Revue du droit des sociétés

S. : Suivant

S.A. : Société Anonyme

T. : Tome

iv

SOMMAIRE

INTRODUCTION GÉNÉRALE 1

PREMIÈRE PARTIE : LA SAUVEGARDE DES DROITS DES ACTIONNAIRES EN ASSEMBLEES 9

CHAPITRE I : L'EXPRESSION DES DROITS DES ACTIONNAIRES 10

SECTION I : LES MOYENS D'ACTION DES ACTIONNAIRES EN ASSEMBLEES 10

§1- l'exercice des droits politiques : manifestation du principe d'egalite entre les actionnaires 11

§2- la garantie ou le caractere obligatoire des droits pecuniaires des actionnaires 16
SECTION II- LES SANCTIONS AFFERENTES A LA VIOLATION DES DROITS DES ACTIONNAIRES EN

ASSEMBLEES 18

§1- les sanctions de principe 18

§2- la sanction d'exception ou la mesure de gestion des crises: l'intervention d'un administrateur provisoire 41
CHAPITRE II - LES LIMITES A UNE EXPRESSION SIGNIFICATIVE DES DROITS DES ACTIONNAIRES

45

SECTION I- LES DIFFICULTES D'EXERCICE DES DROITS DES ACTIONNAIRES EN ASSEMBLEES 45

§1- les limites relatives a la faiblesse de participation des actionnaires aux assemblees 46

§2- les entorses relatives a la representation des actionnaires 48

SECTION II- LES MESURES CORRECTRICES 52

§1- la question des associations d'actionnaires et la creation d'un marche de droits de vote 52

§2- l'effectivite du role des organes sociaux 54

CONCLUSION PREMIÈRE PARTIE 56

DEUXIEME PARTIE : PROTECTION DES ACTIONNAIRES CONTRE LES ACTES DE GESTION 57

CHAPITRE I- PROTECTION CONTRE LES ACTES DE GESTION ET LES CONTROLES DEFAILLANTS
58
SECTION II- LA DETECTION PRECOCE DES ACTES FAUTIFS DES DIRIGEANTS ET DU

COMMISSAIRE AUX COMPTES 58

§1- la procedure juridictionnelle de controle : sollicitation de l'expertise de gestion 59

§2- la procedure non juridictionnelle de controle : l'alerte 69

SECTION II- LES SANCTIONS CONSECUTIVES AUX INVESTIGATIONS 76

§1- la responsabilite civile des dirigeants sociaux 77

§2- la responsabilite des tiers : le cas du commissaire aux comptes 90
CHAPITRE II- LA FAIBLESSE DES MOYENS DE PROTECTION EN PLACE ET LES IMPERATIFS DE

REFORMES 93

SECTION I- LES DEFAILLANCES DU DISPOSITIF DE PROTECTION 93

§ 1- les limites des moyens de detection precoce des actes de gestion fautifs 93

§2- difficultés d'exercice des actions en responsabilite 96

SECTION II- AXES DE RENFORCEMENT DE LA PROTECTION DES ACTIONNAIRES 99

§1-vers une responsabilite sans faute ? 99

§2-l'obligation de souscription d'une assurance par les dirigeants sociaux et les commissaires aux comptes 100

CONCLUSION DEUXIÈME PARTIE 102

CONCLUSION GÉNÉRALE 103

ANNEXES 106

BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE 121

TABLE DES MATIÈRES 125

RESUME

Titulaire d'une action de capitaux et reflétant l'idée même d'entrepreneur, de partenaire économique, l'actionnaire constitue le prêteur de dernier ressort à l'entreprise et favorise ainsi son développement économique. C'est lui qui prend le risque ultime de l'entreprise mais se retrouve très souvent au centre d'une confluence d'intérêts présents au sein de la société commerciale. D'où la nécessité de créer un cadre de protection pour ce promoteur du développement. Mais de quelle protection s'agit-il ? Au moment où on assiste à un débat sur l'opportunité d'une dépénalisation dans le domaine des affaires, il s'est agi pour nous de dégager, autant que possible, tous les instruments juridiques mis à la disposition des actionnaires, devant leur permettre d'assurer la souveraineté de leurs droits et prérogatives sur le terrain civil à quelques niveaux qu'ils puissent se trouver, notamment au sein des assemblées et contre les actes de gestion et de contrôle suspects. Dans ce sens, il convient de définir la protection civile comme l'ensemble des moyens de droit permettant la reconnaissance, la défense ou la sauvegarde de droits individuels ou collectifs par le truchement d'une action en justice en matière non répressive. Une série d'interrogations majeures affluent alors. Où faut-il assurer les droits des actionnaires ? Comment le législateur OHADA, par l'entremise du droit des sociétés commerciales parvient-il à sauvegarder les intérêts des actionnaires au regard des immenses capitaux investis dans la société commerciale sur le terrain civil ? Souvent issues de crises de confiance engendrées par des scandales financiers, les réglementations protectrices sont-elles vraiment efficaces ? Plus précisément, il s'agira d'apprécier si ces mesures peuvent avoir une influence sur le choix d'investir ou non dans une société située dans l'espace OHADA et dans quelle optique un accroissement ou une réduction de la protection peut être nécessaire.

vi

ABSTRACT

Holder of a share in a public limited company and reflecting as such the idea of an entrepreneur, of an economic partner, a shareholder constitute the lender of last resort to the enterprise hence favours it economic development. He takes the ultimate risk of the enterprise but finds himself more often at the centre of a conflict of interest found within commercial companies. Whence the necessity to create a frame of protection for this promoter of development. But of which protection are we talking about? At the moment we assist at a debate on the opportunity of decriminalizing within the business domain, our task was to highlight as much as possible all the legal instruments placed at the disposal of the shareholders permitting them to assure the sovereignty of their rights and prerogatives at the civil field where ever its may be, precisely during general meetings and against suspicious management and control acts. On this sense, there is need to define the civil protection as a body of legal means permitting the acknowledgement, the defense or the safe guard of rights, individual or collective by means of an action in justice in non repressive matters. A series of affluent major matters flows. Where should shareholders rights be protected? How does the OHADA legislation ensures the interest of these economic partners on the civil plan? At times issued of crisis of trust orchestrated by financial scandals the protective regulations, are they really efficient? To be more precise, it's about appreciating if these measures can have an influence on the choice of investing or not in a company situated in the OHADA space and in what sense an increase or a reduction of this protection can be necessary.

INTRODUCTION GÉNÉRALE

1

Le regroupement des Etats africains dans le cadre des politiques concertées est désormais le gage de leur essor économique dans un contexte fortement marqué par la mondialisation de l'économie. L'Afrique, en effet, a beaucoup de difficultés à amorcer son développement. L'image qu'elle projette d'elle-même sur ce plan n'est pas du tout reluisante : ((continent en détresse » ; ((continent sous perfusion»; (( faillite et naufrage » d'un continent 1; bref, les images sombres sont si nombreuses que certains observateurs anglo-saxons2 ont pu suggérer une nouvelle représentation de la terre en quatre continents.

Ces difficultés ne sont pas une fatalité heureusement, et c'est alors qu'un certains nombre d'Etats africains multiplient sans cesse les moyens susceptibles d'assurer le développement du continent. Aussi ont-ils, dans cette optique, choisi comme cadre d'action la concertation, appelant aux mouvements d'intégration régionale3. Les efforts d'intégration économique, depuis les indépendances4, ont donc été faits à l'aune de la recherche d'une véritable compétitivité. Mais il semble que, pour pousser à l'extrême point de son raffinement l'intégration économique, elle doive être nécessairement accompagnée d'une véritable intégration juridique, matérialisée par une oeuvre préalable d'uniformisation ou d'harmonisation juridique voire judiciaire.

Ainsi, et à l'instar des Etats occidentaux, l'Afrique s'aligne aux tendances actuelles de rapprochement des législations -provoquées par la mondialisation de l'économie - à l'effet de conforter cette intégration économique. Yves GUYON le disait déjà, (( Ce n'est en effet un secret pour personne que si le droit n'est pas une condition suffisante du développement, il en est une condition nécessaire ».5Il faut souligner cependant que l'idée même de création d'un cadre juridique commun des Etats africains, notamment ceux de la zone franc n'a rien de contemporain. Tout juste après les indépendances, en effet, des tentatives d'intégration juridique initiées par

1 ZADI KESSY (M.), Culture africaine et gestion de l'entreprise moderne, édition CEDA, 1998, p.5.

2 Notamment des observateurs américains et certains du Japon.

3 TIGER (PH.), Le droit des affaires en Afrique, PUF, p.3.

4 La plupart des Etats africains accèdent à la souveraineté nationale et internationale à partir des années 1960, et leur gouvernement tente déjà de trouver quelques actions concertées de développement. 4 GUYON (Y.), <<Conclusion », in Petites affiches, 13 octobre 2004, n°205, p.59.

5 GUYON (Y.), <<Conclusion », in Petites affiches, 13 octobre 2004, n°205, p.59.

lesdits États n'ont malheureusement pas connu un succès retentissant à la hauteur des attentes6.

La création en 1993 de l'OHADA7 matérialise sans aucun doute l'intégration juridique la plus significative en Afrique des temps modernes. L'Organisation, expression d'une politique décidée 8 par les Etats africains de la zone franc à Port-Louis le 17 octobre 1993, constitue une avancée formidable pour le droit africain et le développement du continent9. Elle présente de prime abord un double intérêt ; elle est un regroupement de 16 pays principalement d'Afrique francophone10, d'une part et d'autre part, elle est aussi un traité conclu entre ces pays. Elle vise ainsi à renforcer l'attractivité des pays membres, à favoriser l'émergence d'une Communauté économique africaine et à soutenir le progrès économique et social dans un contexte où la globalisation des marchés appelle audace, dynamisme, sécurisation et amélioration du climat d'investissement.

Véritable révolution, le traité OHADA réalise une avancée certaine dans les efforts d'intégration juridique des pays de la zone franc naguère sous l'influence des législations étrangères.

Droit du bon sens11, le traité OHADA a de nobles objectifs qui, au surplus, ont vocation à offrir aux entrepreneurs de la zone franc une sécurité juridique et judiciaire pour un environnement propice à la pratique des affaires. Le traité ambitionne de renforcer 12 le système juridique des Etats membres en créant un cadre juridique commun, simple, moderne et adapté à la conduite des affaires, essentiel pour le développement économique et social du continent dans son ensemble 13. Il faut préciser que, droit conquérant14, en constante évolution, l'OHADA transcende les frontières étatiques et ne s'adresse pas exclusivement aux pays de la zone franc, mais bien à « un cadre africain plus large », selon l'expression même du traité.

6 Ce fut précisément le cas de l'Union africaine et malgache (UAM) dissoute en 1964, et remplacée par l'Organisation commune et malgache (OCAM). On a pu expliquer cet échec par la taille de ces mouvements d'intégration indéfiniment plus étroites, confinées pour la plupart soit à la création d'une plate forme juridique dans un secteur précis (banques, assurances...), soit à la création de cette plate forme dans un domaine restreint à une région ou sous-région ( UDEAC, UEMOA...).

7 Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires.

8 POUGOUE (P.-G), ANOUKAHA (F.), NGEUBOU TOUKAM (J.), CISSE (A.), DIOUF (N.), SAMB (M.) , Le droit des sociétés commerciales et du groupement d'intérêt économique OHADA. Bruylant, Bruxelles, 2002, avant propos de Jacques David.

9 MARTOR (B.), et THOUVENOT (S.), << L'uniformisation du droit des affaires en Afrique par l'OHADA », in Semaine Juridique n°44, 28 octobre 2004, n°1, p.5

10 PAILLUSSEAU (J.), << Le droit de l'OHADA -un droit très important et original », in Semaine Juridique n°44, 28 octobre 2004, n°1, p.1

11 GUYON (Y.), <<conclusion », in Petites affiches, Op. Cit. , n°4, p.60.

12 Article 1er du traité OHADA.

13 MARTOR (B.), et THOUVENOT (B.), Op. Cit., n°1, p.5.

14 ANOUKAHA (F.), << L'OHADA en marche », in Annales de la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques, Tome 6, PUA, 2002, n°3, p.2.

3

L'Institution vise ainsi à harmoniser le droit des pays membres. Mais plus qu'une harmonisation, il s'agit en réalité d'une unification 15du droit des affaires desdits pays, qui se traduit par l'adoption concertée des textes appelés « Actes Uniformes »16, lesquels s'imposent aux législations nationales antérieures et postérieures des Etats membres. L'étendue du traité justifie dans ces conditions l'importance des Actes Uniformes consacrés17, eux-mêmes embrassant plusieurs domaines18du droit des affaires au rang desquels se trouve en bonne place le droit des sociétés commerciales et du groupement d'intérêt économique.

Le dessein primordial du législateur OHADA étant de favoriser l'investissement, il n'est guère permis de douter que le moyen le plus approprié pour le réaliser est la société commerciale, indépendamment de sa forme. Mais quelle forme sociétaire sied à l'activité économique envisagée ? Le législateur communautaire met à la disposition de l'entrepreneur, via l'Acte Uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d'intérêt économique, une mosaïque de formes sociétaires oscillant entre les sociétés de personnes, les sociétés de capitaux et, une forme hybride appelée société à responsabilité limitée19. Les sociétés de capitaux, néanmoins fortement conseillées lorsque les investissements sont d'une importance considérable et, la société anonyme restée l'unique société de capitaux après la disparition de la société en commandite par actions 20, est considérée par une doctrine majoritaire comme un « merveilleux instrument de capitalisme moderne » 21. C'est pourquoi nous limiterons notre étude à ses acteurs.

Mais la succession des crises financières et les incertitudes que reflète le débat récurrent sur la pertinence des normes comptables, et surtout la recherche du mode idéal de gouvernance des sociétés placent l'actionnaire au centre d'un débat économique et juridique fondamental. Ce dernier, dans une société cotée, est en effet

15 PAILLUSSEAU (J.), Op. Cit. n°4, p.2.

16 TIGER (PH.), Op. cit., p.5.

17 Acte Uniforme relatif au droit commercial général ; Acte Uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d'intérêt économique ; Acte Uniforme portant organisation des sûretés ; Acte Uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution ; Acte Uniforme portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif ...

18 Droit commercial général ; droit des sociétés commerciales et du groupement d'intérêt économique ; droit des sûretés ; procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution ; procédures collectives d'apurement du passif ; droit de l'arbitrage ; l'organisation et l'harmonisation de la comptabilité des entreprises ; les contrats de transport de marchandises par route.

19 Il s'agit là des sociétés dites légales, auxquelles il faut ajouter celle dites anormales ou illégales, telles que la Société en participation, la Société de fait et la Société créée de fait.

20 Sous l'ancienne législation sur les sociétés commerciales, il existait deux sociétés par actions: la S.A et la SCA. L'avènement de l'OHADA vient mettre un terme à la vie des SCA et ne consacre que la SA comme l'unique société de capitaux.

21 RIPERT (G.), Aspects juridiques du capitalisme moderne, Paris LGDJ, 1951, réédition LGDJ 1992, N°42, P.98 et S. / repris par GUYON (Y.), NGOMO (Fl.), POUGOUE (P.-G.), ANOUKAHA (F.), NGUEBOU (J.) et bien d'autres.

en droit de savoir de quelles protections il dispose lorsqu'il investit. Ce qui n'est pas toujours le cas, compte tenu de la complexité croissante du droit applicable. D'où la nécessité d'une évolution vers plus de transparence, la rentabilité de la société commerciale étant largement fonction de sa crédibilité parce que sa gestion est ((saine, transparente, et responsable »22. Qui plus est, la vie en (( société », en raison sans doute des immenses capitaux qui y sont investis, et de la pléthore d'intérêts en présence -qui se posent en s'opposant-, se révèle n'être pas une sinécure. Par voie de conséquence, la société ne sera réellement attrayante que si les différents protagonistes, précisément les opérateurs économiques, sont persuadés de la sauvegarde de leurs intérêts. Le droit OHADA s'efforce donc de les protéger.

C'est précisément à ce niveau que l'Acte Uniforme, entré en vigueur le 1er janvier 1998 et abrogeant un texte qui a plus d'un siècle23 , trouve la plénitude de sa consécration, en s'inscrivant ainsi dans la philosophie de l'OHADA. Ce texte contient ainsi des dispositions destinées à renforcer les droits et pouvoirs des actionnaires sans cesse sous le coup d'une menace. Pour se faire, il a retenu à l'actif de ses importantes innovations, un ensemble de mesures protectrices d'intérêts apparaissant disséminées, variées et nombreuses dans le nouveau droit24 , mais qui procèdent somme toute d'un même objectif : le maintien, à tout le moins, le rétablissement de l'équilibre rompu ou susceptible de l'être au sein de la société commerciale. Plus récemment, un vent soufflant de l'atlantique a fait pénétrer en Afrique la notion de (( corporate governance » c'est- à- dire le gouvernement d'entreprise, dont le but est de restaurer l'actionnaire dans son pouvoir suprême au détriment du management, par un droit de regard accentué.

Il s'agit en clair pour le législateur OHADA, au moment où on assiste à un débat sur l'opportunité d'une dépénalisation dans le domaine des affaires, de mettre à la disposition des actionnaires des instruments juridiques leur permettant d'assurer le respect de leurs droits25 et prérogatives sur un terrain purement civil, à l'aune des incartades souvent observées dans la société anonyme. Et, c'est avec une profusion de détails que l'Acte Uniforme réglemente les différentes actions susceptibles d'être mises en exergue par les actionnaires au nombre desquelles, les actions de nature civile et dans une certaine mesure les actions civiles. D'où le choix de notre

22 POUGOUE (P.-G.), « L'impact de l'Acte Uniforme de l'OHADA relatif au droit des sociétés commerciales et du GIE sur le contrôle et le développement des entreprises locales. », in Juridis Périodique, N°66, Avril- mai-juin 2006, p.107.s.

23 Loi française du 24 juillet 1867 sur les sociétés par actions.

24 MEUKE (Y.B), « L'information des actionnaires minoritaires dans l'OHADA : réflexion sur l'expertise de gestion. », w.w.w.ohada.com. 25 Aux titres d'actionnaires, l'Acte uniforme attache divers droits dits pécuniaires et extra pécuniaires. V. POUGOUE (P.G.), ANOUKAHA (F.) et NGEUBOU TOUKAM (J.), op. cit. , n° 151-161, p. 66-71

25 Aux titres d'actionnaires, l'Acte uniforme attache divers droits dits pécuniaires et extra pécuniaires. V. POUGOUE (P.G.), ANOUKAHA (F.) et NGEUBOU TOUKAM (J.), op. cit. , n° 151-161, p. 66-71

5

thème : << La protection civile des actionnaires dans l'espace OHADA. >>. Des précisions importantes méritent d'être apportées sur les termes de ce thème afin d'éviter tout imbroglio.

Tout d'abord, l'expression <<protection>> renvoie à la sécurisation, à la régularisation, à l'assainissement des intérêts patrimoniaux ou extrapatrimoniaux des associés, des actionnaires. Elle désigne selon un vocabulaire juridique26, une précaution qui, répondant au besoin de celui ou de ce qu'elle couvre et correspondant en général à un devoir pour celui qui l'assure, consiste à prémunir une personne ou un bien contre un risque, à garantir sa sécurité, son intégrité par des moyens juridiques ou matériels. Par <<protection >>, il faut donc entendre la protection juridique, soit l'ensemble des moyens de droit permettant la reconnaissance, la défense ou la sauvegarde de droits individuels ou collectifs.

Ensuite, le terme <<civil>> du latin civilis et, dans son acception large, est synonyme de privé par opposition à pénal, ou à public27.

Enfin et quant au terme << actionnaires >>, il désigne le titulaire d'une action de capitaux28, et reflète l'idée d'entrepreneur, de partenaire économique. De façon générale, c'est un associé29, c'est -à -dire un participant à la société qui prend le nom d'actionnaire 30 dans la société anonyme bien que les avis soient partagés en la matière31. Il est donc celui qui a fait un apport, 32et qui manifeste la volonté de s'unir, c'est -à -dire de satisfaire aux exigences du critère normal déterminé par la doctrine: l'affectio societatis. Bref, l'actionnaire est celui au profit de qui est créée la société commerciale.

Dans ce sens, il convient de définir la <<protection civile >> comme l'ensemble des moyens de droit permettant la reconnaissance, la défense ou la sauvegarde de droits individuels ou collectifs par le truchement d'une action en justice en matière non répressive.

26 CORNU (G.), Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, quatrige, PUF, 1987.

27 Exemple : les juridictions civiles englobent les juridictions commerciales et/ou prud'homales par opposition aux juridictions répressives et administratives.

28 GUILLIEN (R.), VINCENT (J.), Lexique des termes juridiques, 13e édition, Paris, Dalloz, 2001.p.20.

29 HOUIN (R.), RODIERE (R.), Droit commercial, cours élémentaire -droit - économie, Tome 1, 5e édition, n°299, p.181.

30 ANOUKAHA (F.), Cours de droit des sociétés commerciales et G.I.E OHADA, Uds, année universitaire 2004/2005, inédit.

31 Une partie de la doctrine (RIPERT et ROBLOT) s'insurge en effet contre l'assimilation de l'actionnaire à l'associé car n'étant pas lié à la société par un contrat mais par la détention d'un titre négociable ; en revanche une autre partie (MERLE) affirme qu'il s'agit bel et bien d'un associé ; D'autres encore (VIANDIER) estiment que l'actionnaire est à la fois un associé à part entière et un associé entièrement à part. Nous retenons pour notre part qu'il s'agit bien d'un associé.

32 Art. 4 AUSC.

Nous ne pouvons passer sous silence la notion de « société anonyme » qui dans ce contexte, fait référence à cette forme sociétaire dans laquelle les associés disparaissent derrière les capitaux qu'ils mettent à la disposition de la société. Ce qui justifie de plus en plus l'idée de leur sécurisation. Seule nous intéressera la société anonyme pluripersonnelle dans le cadre de cette étude.

Ainsi précisé et délimité, une série d'interrogations majeures affluent. faut-il assurer les droits des actionnaires ? Comment le législateur OHADA, par

l'entremise du droit des sociétés commerciales parvient-il à sauvegarder les intérêts des actionnaires au regard des immenses capitaux investis dans la société commerciale sur le terrain civil ? Souvent issues de crises de confiance engendrées par des scandales financiers, les réglementations protectrices sont-elles vraiment efficaces ? Plus précisément, il s'agira d'apprécier si ces mesures peuvent avoir une influence sur le choix d'investir ou non dans une société située dans l'espace OHADA et dans quelle optique un accroissement ou une réduction de la protection peut être nécessaire.

Eu égard à l'ancienne législation et à la mondialisation de l'économie, les instruments juridiques sécurisateurs des actionnaires ont été foncièrement aménagés. Pour assurer l'effectivité de ces différentes mesures, il a fallu les assortir de sanctions diverses. Sur le plan civil, plusieurs mesures ont progressivement gagné du terrain en matière de sociétés : inopposabilité de certains actes aux actionnaires mais surtout, nullités diverses et responsabilité civile des dirigeants, des associés et des tiers. Le législateur communautaire a ainsi apporté d'importants réaménagements et innovations. Le régime des nullités a été reprécisé33 ; les responsabilités ont été renforcées et de nouvelles mesures consacrées. Ce qui est de nature à donner plus de confiance aux actionnaires. Dans ces conditions, on comprend tout l'intérêt qu'il y a à traiter ce sujet.

Il peut sembler assez naïf de consacrer un travail à la protection des actionnaires dans l'espace OHADA: l'ensemble du droit des sociétés commerciales n'est-il pas essentiellement consacré à cette fin? La réponse est évidemment positive. Il peut sembler intéressant, pourtant d'examiner spécialement un certain nombre de règles et d'institutions qui répondent plus directement encore, et presqu'exclusivement, au désir de protection des intéressés par le législateur communautaire. La question de la protection civile des actionnaires dans l'espace OHADA peut donc regorger divers intérêts, scientifiques et pratiques, riches et enrichissants.

33 Pour une étude générale des nullités en droit des sociétés commerciales et du groupement d'intérêt économique, voir mémoire de DEA, option droit des affaires de KALLA BILLE Ernest, Université de Douala, année académique 2005- 2006.

7

Tout d'abord sur le plan théorique, l'étude nous permettra d'apporter une contribution à l'appréciation des dispositions légales dans l'espace OHADA, au sujet de la protection des actionnaires sur le plan civil, question de parvenir à une amélioration éventuelle du système de sécurité des intéressés. Il s'agit de leur assurer une certaine garantie et engouement afin de vaincre leur passivité dans la défense de leurs intérêts en proie de plus en plus à la superbe des forts, mais aussi à la tyrannie

des faibles, dans un contexte de capitalisme et de libéralisme économique et social la recherche du profit reste la préoccupation majeure quelque soit le moyen

employé . Il est enfin question de mener une étude dont les développements pourront favoriser l'implantation des notions de bonne gouvernance et de transparence dans la gestion des sociétés.

Sur le plan pratique, cette protection est nécessaire dans la mesure où, par les insuffisances et mérites qui seront relevés au terme de notre étude, le regard des investisseurs aussi bien de la zone OHADA que d'autres espaces va profondément changer dans un sens favorable. Car, ces derniers sont à la recherche de structures juridiques qui assurent la pérennité de l'entreprise et sa fiabilité. De la sorte, le législateur communautaire trouvera sans doute matière à réforme pour une plus grande protection des actionnaires ; à tout le moins, parce que protéger les actionnaires, c'est protéger l'épargne. Aussi, une sécurisation efficace de l'épargne entraîne-t-elle inéluctablement la compétitivité par l'arrivée des investisseurs34 et son corollaire le développement.

L'étude intéresse aussi les dirigeants de sociétés qui verront, face à leurs importants pouvoirs, un sérieux contrepoids, sinon un certain bémol appelant à plus de diligence et de bon sens dans la gestion.

Elle intéresse enfin les commissaires aux comptes qui, par un contrôle effectif et efficace des opérations de la société, contribueront à rendre cette dernière transparente, fiable et par voie de conséquence attrayante pour les investisseurs, la responsabilité des commissaires devant y jouer un rôle déterminant.

L'objet de la présente étude est donc précisément d'identifier les forces et les faiblesses du dispositif de protection des actionnaires de sociétés de capitaux en droit OHADA.

Du point de vue méthodologique, nous emprunterons une démarche à la fois comparative et analytique, notre étude voulant être une contribution modeste au droit comparé. En raison de la méthode comparative qui nous guidera tout au long de notre travail, notre procédé consistera bien souvent en une confrontation du droit OHADA et du droit français. Ce n'est qu'à ce prix que nous pourrons judicieusement apprécier

34 Cf. Préambule du Traité OHADA.

les dispositions de la législation communautaire ; n'oublions pas que celle-ci est encore jeune.

Au demeurant et eu égard à la diversité des intérêts en présence dans la société commerciale, le législateur OHADA s'est efforcé de protéger les actionnaires dès lors que leurs prérogatives -pécuniaires et/ou extra pécuniaires - sont en péril ou susceptibles de l'être en mettant à leur disposition des instruments juridiques leur permettant de diligenter des actions judiciaires sur le terrain civil, en vue de rétablir le droit.

Aussi, l'étude qui suit mettra essentiellement en relief les niveaux de protection des actionnaires sur le terrain civil en droit OHADA relatifs aussi bien à leurs droits en assemblées (Première partie) qu'à ceux tributaires de la gestion de la société commerciale (Deuxième partie), ce qui nous permettra de relever au fur et à mesure les limites et mérites d'une telle sécurité juridique.

PREMIÈRE PARTIE :

LA SAUVEGARDE DES DROITS DES ACTIONNAIRES EN
ASSEMBLEES

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Cellule du tissu économique local, national et régional, outil indispensable au développement économique et social, la société commerciale, principalement celle par actions, brasse et mobilise d'énormes capitaux, et comprend très souvent de nombreux actionnaires, qui se connaissent mal ; ce qui rend les conflits inévitables. En effet, comme un organisme vivant, l'entreprise naît, vit, et peut être le siège de désordres et d'abus divers, dont les plus graves sont susceptibles de provoquer sa disparition, par arrêt du crédit et des flux financiers.

C'est pour briser cet engrenage et promouvoir l'entreprise sociétaire en accordant la plus grande attention à la sécurité juridique des actionnaires, piliers de la société de capitaux, que le législateur OHADA est intervenu. Une lecture cursive de l'Acte uniforme montre que ce législateur a voulu faire de la protection des actionnaires, l'un des aspects essentiels de la vie sociale des sociétés commerciales. Et une plus grande application indique l'immensité des innovations ayant permis la réalisation de ce dessein35

D'une certaine façon, l'actionnaire est le pilier de la société anonyme parce qu'il a contribué par son apport à constituer le mécanisme juridique perfectionné qui a été mis en place36. A ce titre, il a des droits individuels qu'on ne saurait lui enlever contre sa volonté. Il devient alors intéressant de s'attarder sur l'expression même de ces droits (Chapitre I), laquelle n'est pas à l'abri des incartades de certains acteurs sociaux (Chapitre II).

35 POUGOUE (P.-G.), op. cit., p. 107.

36 RIPERT (G.) et ROBLOT (R.) : Traité de droit commercial, 15e éd. L.G.D.J. 1993, n°1145, p. 862.

CHAPITRE I :
L'EXPRESSION DES DROITS DES ACTIONNAIRES

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Les étapes de la naissance et de la vie de la société sont importantes pour les tiers, potentiels partenaires de cette personne morale, mais surtout pour les actionnaires. La société va ainsi faire naître entre les actionnaires d'une part, entre les actionnaires et les autres acteurs sociaux d'autre part, des rapports étroits de collaboration, et d'inévitables conflits d'intérêts37. C'est précisément cet enchevêtrement d'intérêts qui explique en partie la complexité des règles de construction et de fonctionnement des sociétés. En effet, soucieux de protéger et de concilier la confluence d'intérêts qui se rencontrent au sein d'une société, le législateur OHADA, consacre - comme nous venons de le souligner - les droits et pouvoirs des actionnaires par le biais de divers mécanismes (Section I).

Toutefois, ce sont les sanctions qui assurent l'efficacité d'une législation. D'oüla consécration de nombreuses sanctions destinées à assurer le respect des droits des actionnaires (Section II).

SECTION I : LES MOYENS D'ACTION DES ACTIONNAIRES EN
ASSEMBLEES

Un actionnaire quel qu'il soit doit jouir d'un minimum de droits et de pouvoirs qui témoignent de sa qualité de créancier de la société, qu'il est un membre du groupement né du fait du pacte social. En effet, la qualité d'actionnaire confère à leurs titulaires des titres sociaux en vertu desquels un ensemble de droits et de prérogatives leur est reconnu dans la société. C'est dans cette optique que la collectivité des actionnaires est un organe fondamental dans la vie de la société38. Pour ce faire, l'actionnaire dispose à la fois des droits dits politiques (§1) et de ceux dits pécuniaires (§2).

37 KASSIA BI (O.), « Le recul de la nullité dans l'Acte uniforme sur les sociétés commerciales et le groupement d'intérêt économique », Penant, n° 848, juill-sept 2004, p. 352

38 POUGOUE (P.G.), ANOUKAHA (F.) et NGEUBOU TOUKAM (J.), op. cit. , n° 143, p. 64.

§1- L'EXERCICE DES DROITS POLITIQUES : MANIFESTATION DU
PRINCIPE D'EGALITE ENTRE LES ACTIONNAIRES

Dans l'optique de permettre aux actionnaires de pouvoir exercer une influence sur la gestion de la société, le législateur OHADA leur a consacré des droits propres et individuels, lesquels ne sont que le corollaire de l'affectio societatis devant animer tout actionnaire au sein d'une société commerciale. A ce titre, chaque titulaire d'actions compte pour un actionnaire quelle que soit sa qualité ou sa fonction dans la société. Il s'agit là de la manifestation du principe d'égalité entre les actionnaires39. Toutefois, il ne s'agit pas d'une égalité au sens politique stricto sensu, car la société est créée par la mise en commun d'actions, et celles-ci n'étant pas nécessairement égales. Mais cette relativité n'enlève rien au principe posé, à savoir que chaque membre de la société doit jouir et exercer ses droits d'actionnaires. De la sorte, tout avantage particulier stipulé au profit d'un actionnaire doit être approuvé par les autres actionnaires. Pour une orientation globale néanmoins de la société, les actionnaires jouissent d'un certain nombre de droits: droit de faire partie de la société, droit de participer aux assemblées (A), droit de vote et droit d'information (B).

A- Le droit de faire partie de la société et de participer aux assemblées

Par son action, l'actionnaire va désormais se retrouver en relation avec d'autres acteurs sociaux et il est important qu'il s'intéresse à la structure à laquelle il fait désormais partie (1), en se rendant notamment aux assemblées qui s'y tiennent (2).

1- Le droit de faire partie de la société

L'actionnaire, souscripteur d'une action, est tenu de verser son apport40. Une fois que cette formalité est observée, il ne peut être exclu de la société. C'est dire que l'exclusion d'un actionnaire n'est admise qu'exceptionnellement, et notamment en cas de défaut de libération totale des actions souscrites, de réduction par suite de pertes du capital par la procédure de réduction du nombre des actions41, et aussi

39 POUGOUE (P.G.), ANOUKAHA (F.) et NGEUBOU TOUKAM (J.), op. cit. , n° 157, p. 68.

40 RIPERT (G.) et ROBLOT (R.) : op.cit., n°1163, p. 879.

41 Car dans ce cas, les actionnaires qui ne possèdent pas le nombre minimum d'actions requises sont éliminés.

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lorsque la société étant à capital variable, la menace d'exclusion permet d'assurer la discipline entre actionnaires : l'exclusion est alors possible pour motifs graves.

Dans les mêmes conditions, l'exclusion de l'actionnaire est si exceptionnelle que même en cas de mésentente entre actionnaires pouvant conduire à la dissolution de la société, jurisprudence et doctrine sont partagées sur la question42. Aussi, d'une part, certains estiment que la survie de la société doit primer sur l'intérêt égoïste de l'actionnaire en l'excluant de celle-ci, tandis que d'autres recommandent que cette solution ne soit retenue que pour autant que l'actionnaire soit à l'origine de la discorde dans la société. Autrement, lorsque l'actionnaire est étranger à la crise, il ne saurait faire l'objet d'une exclusion et pourrait ainsi demander la dissolution de la société en tant que moyen de sauvegarde de ses intérêts. A notre sens, la disparition de la société doit être évitée le plus souvent possible, même si, pour cela, l'un des membres du groupement doit être exclu43. Tel n'est souvent pas le cas, et de la sorte, l'actionnaire conserve son droit de participer aux assemblées.

2- Le droit de participer aux assemblées

Les assemblées constituent le lieu d'exercice de la souveraineté des actionnaires. C'est l'instance suprême d'expression des actionnaires dans la société. D'après l'art. 125 de l'AUSC, en effet, sauf disposition contraire, tout associé a le droit de participer aux décisions collectives. Toute clause statutaire contraire est réputée non écrite.

Il est tout à fait indispensable d'avoir consacré les assemblées comme l'organe supérieur de la société, car c'est elles qui prennent les décisions dépassant la gestion quotidienne ; c'est elles qui ont seules compétences pour modifier les statuts ; c'est encore elles qui désignent des organes sociaux et qui mettent fin à leurs fonctions ; c'est aussi au sein de ces assemblées que les décisions concernant l'orientation générale de la société sont prises.

Selon l'art.133 de l'AUSC, les décisions collectives peuvent être prises en assemblée générale ou par correspondance. L'assemblée générale est un organe souverain dont le rôle est de nommer et de révoquer les autres organes sociaux ; elle doit cependant agir en conformité avec l'intérêt social. Par ailleurs, il lui est interdit d'intervenir dans le domaine de compétence des autres organes et notamment des

42 PASCUAL (I.) « La prise en considération de la personne physique dans le droit des sociétés », in Revue de droit social et de droit économique. Agence universitaire de la francophonie.

43 Pourquoi, en effet, vouloir la mort de la société, avec toutes les conséquences économiques et sociales qu'elle comporte, lorsqu'un seul actionnaire manifeste son désaccord et désire mettre un terme à la collaboration sociétaire

organes de direction. Il ne faut pas, en effet, porter atteinte au principe de la séparation des fonctions des différents organes gouvernant le fonctionnement des sociétés anonymes44.

En ce qui concerne les modalités de représentation et les formalités de délibérations, il convient de se référer aux dispositions des articles126 et 127, et 134 à 136 de l'Acte Uniforme susvisé. Dans ces conditions, il ressort des dispositions de articles 126 et 127 que tout associé peut se faire représenter par un mandataire de son choix, et qu'à défaut de disposition contraire, le mandat ne peut être donné qu'ç un autre associé. En outre, l'Acte Uniforme ou les statuts peuvent cependant limiter le nombre d'associés et le nombre de voix qu'un mandataire peut représenter.

Quand aux formalités des délibérations, il en résulte pour l'essentiel que celles-ci doivent être constatées par procès-verbal, sans doute dans le but d'éviter des fraudes. Toute autre est alors de savoir de quelle manière s'exprime l'actionnaire en assemblées, ainsi que les informations auxquelles il a droit.

B- L'exercice des droits de vote et d'information par les actionnaires

Pour faire valoir leur point de vue sur l'orientation de la société à laquelle ils appartiennent et ainsi peser sur son développement, les actionnaires disposent en assemblées d'un droit de vote qu'ils exercent sous le contrôle de l'intérêt social (1). Toutefois, la jouissance de ce droit ne sera efficace que si les actionnaires disposent d'une information utile leur permettant de prendre des décisions conséquentes (2).

1-La jouissance d'un droit de vote

Le droit de vote constitue l'arme politique la plus importante en société, car le vote est considéré comme le fondement même de la démocratie dans toute société. Prérogative d'ordre public en droit OHADA, ce droit est la pierre de touche de la « citoyenneté », des membres du groupement45 ; s décisions prises par d'autres organes de la société lorsque la loi les a habilités à modifier les statuts46, qui sont

44 Les sociétés anonymes fonctionnent, en effet, à l'image des sociétés politiquement organisées au sein desquelles la démocratie constitue l'épine dorsale.

45 ALFANDARI E., Droit des affaires, les cadres généraux, l'entreprise, les activités, Litec, 1993, n 328, p. 234.

46 Cas, par exemple du conseil d'administration autorisé par l'assemblée à réaliser une augmentation de capital, ou

encore du conseil d'administration décidant le transfert du siège social dans les limites du territoire d'un même Etat partie. D'après les arts. 451 et 568 AUSC.

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concernées. La distinction est alors faite selon que les actionnaires sont présents (a) aux assemblées ou non (b).

a) L'exercice du droit de vote des actionnaires présents

Prérogative élémentaire et droit d'ordre public, les statuts ne peuvent contrevenir au droit d'expression de l'actionnaire, ni au principe selon lequel « à valeur nominale égale, droit de vote égal »47. C'est du moins la substance de l'art. 129 de l'AUSC. En effet, cet article précise bien que les droits de vote de chaque associé sont proportionnels à sa participation au capital de la société, à moins qu'il n'en soit disposé autrement par l'AUSC. Il s'agit donc d'un des attributs essentiels de l'action : à capital égal, vote égal. C'est dire que chaque actionnaire a droit à une voix. Mais peut-on envisager des actions sans droit de vote en droit OHADA ? Aucune disposition de ce droit ne permet d'y répondre par l'affirmative, contrairement à certaines législations, notamment celle française. Dans ce sens, tout actionnaire doit jouir de sont droit de participer aux assemblées et d'y voter.

La question se pose cependant en pratique sur la détermination du titulaire d'un droit de vote lorsqu'une action est grevée d'un usufruit. A note sens, ce droit doit appartenir au nu-propriétaire, à moins que les statuts n'en disposent autrement, même si l'art. 128 de l'AUSC précise à cet égard que pour les décisions concernant l'affectation des bénéfices, le droit de vote est réservé à l'usufruitier. Cela se comprend aisément dans la mesure où l'affectation des bénéfices garantit les droits même de l'usufruitier.

Il est important de souligner que le principe de l'attribution du droit de vote en proportion des apports peut faire l'objet de quelques entraves. En effet, l'Acte Uniforme précise qu'il ne peut en être ainsi que dans les cas prévus par la loi ellemême. C'est l'hypothèse retenue par l'art. 752 dudit Acte qui consacre le privilège du vote double à certaines actions48.

b) L'exercice du droit de vote des actionnaires absents

Il est fréquent que les actionnaires ne puissent pas se rendre aux assemblées soit en raison de la contiguïté du lieu devant les abriter, soit en raison de l'indisponibilité de certains actionnaires ou même de la distance. Aussi, beaucoup

47 POUGOUE (P.G.), ANOUKAHA (F.) et NGEUBOU TOUKAM (J.), op. cit. , n° 161, p. 70.

48 Lire en substance les dispositions de cet article.

d'actionnaires ne peuvent pas venir personnellement à l'assemblée qui se tient généralement au siège social. L'aménagement de leur droit présente alors une très grande importance pour le fonctionnement démocratique de la société anonyme49, même si le législateur communautaire s'est borné à recueillir le régime traditionnel du vote par mandataire.

D'après la solution prudente50 ainsi retenue, le mandataire de l'actionnaire ne peut être qu'un autre actionnaire ou son conjoint tel que cela ressort des dispositions de l'art. 538 de l'AUSC. Ces mandataires, doivent pouvoir bénéficier d'informations importantes pour mener ainsi à bien leur mission.

2-Le droit d'information des actionnaires

Il s'analyse en une contrepartie de la lourde responsabilité qui pèse sur les actionnaires leur permettant d'avoir un regard sur la gestion de la société. Il s'agit d'un droit permanent et renforcé dans la période qui précède la réunion de l'assemblée générale. Il faut dire que l'exercice de ce droit est assuré par le contrôle opéré par le commissaire aux comptes, et ce n'est qu'en assemblées que les actionnaires peuvent utilement et de manière efficace contrôler la gestion des administrateurs. En effet, il n'est point douteux que pris individuellement, les actionnaires sont mal lotis, car pour éviter un éventuel désordre, le droit individuel avait déjà fait l'objet d'une délimitation par l'art. 35 de la loi de 1867 pour les actionnaires. Pour l'heure, les articles 525 et suivants de l'Acte Uniforme organisent dans la même optique le droit de communication des documents sociaux aux actionnaires, lors des assemblées, ou à toute époque de l'année ; ils peuvent aussi poser des questions écrites aux dirigeants deux fois par exercice, surtout fait de nature à compromettre la continuité de l'exploitation.

A l'analyse, il se dégage deux régimes du droit d'information. Ainsi, certaines informations sont limitées dans le temps telles les documents soumis à une assemblée, tandis que d'autres sont permanentes tel que le droit de consulter les documents soumis aux assemblées des trois dernières années, les procès-verbaux de leurs délibérations et leur feuille de présence51. Ce droit à l'information est d'autant plus important qu'il permet aux actionnaires de contrôler le flux de leurs

49 RIPERT (G.) et ROBLOT (R.) : op.cit., n°1199, p. 899.

50 Le législateur a entendu éviter l'accès à l'assemblée d'agitateurs, de maîtres chanteurs, et plus simplement de cabinets d'affaires faisant profession de l'état de mandataires.

51 POUGOUE (P.G.), ANOUKAHA (F.) et NGEUBOU TOUKAM (J.), op. cit. , n° 162, p. 71.

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investissements de même qu'il leur assure une meilleur appréciation de la rentabilité de leurs placements.

§2- LA GARANTIE OU LE CARACTERE OBLIGATOIRE DES DROITS
PECUNIAIRES DES ACTIONNAIRES

Les droits pécuniaires constituent la raison même de la présence d'un actionnaire dans une société. En effet, il serait hérétique de penser qu'une personne décide d'entrer dans une société commerciale, à fortiori celle à capitaux sans attendre de celle-ci la multiplication de ses placements. Les droits politiques assurant de ce fait l'expression même des droits financiers. C'est pourquoi il est impératif qu'il leur soit assuré un certain nombre de droits relatifs notamment au droit de reprise de l'apport initial en cas de liquidation de la société doublé du droit au boni de liquidation, au droit préférentiel de souscription en cas d'augmentation du capital mais surtout aux réserves et bénéfices distribuables(A), ainsi qu'aux dividendes(B).

A- Les réserves et le droit aux bénéfices distribuables

Il résulte des dispositions de l'art. 4 de l'AUSC susvisé que l'objectif d'une société commerciale est de permettre à ses créateurs de partager le bénéfice ou de profiter de l'économie qui pourra résulter de son exploitation. Une société qui, à la façon d'une association, ne distribuerait jamais les bénéfices qu'elle réalise ne respecterait pas à priori sa finalité, qui n'est pas celle d'une machine à thésauriser. C'est dire que les actionnaires ont tous vocation aux bénéfices. Il revient dans ces conditions à l'assemblée générale de décider de l'affectation du résultat dans le respect des dispositions légales et statutaires. C'est également elle qui doit constituer les dotations nécessaires à la réserve légale et aux réserves statutaires, d'après l'art. 142 de l'AUSC.

S'agissant des bénéfices, il ressort des dispositions de l'art. 143 de l'AUSC qu'ils doivent être distribuables. Et cet article définit le bénéfice distribuable comme le résultat de l'exercice, augmenté du report bénéficiaire et diminué des pertes antérieures ainsi que des sommes portées en réserve en application de la loi et des statuts. En d'autres termes, les actionnaires ne recevront rien s'il n'y a pas de bénéfices ; et même s'il y'en a, la société peut décider de les mettre en réserve pour s'autofinancer. Quoiqu'il en soit, le contrat de société détermine la part de chaque associé dans les bénéfices.

Il faut tout de même souligner que le droit au partage s'étend à la dissolution de la société52. En effet, les actionnaires doivent se partager le reste de l'actif social après désintéressement des créanciers et porte alors sur la reprise des apports53 et le partage proprement dit qui porte sur le boni de liquidation. Quoiqu'il en soit, lorsqu'un créancier de la société a été oublié et que le partage est intervenu, il peut réclamer son dû aux anciens actionnaires.

On retiendra que d'après l'art. 54 de l'AUSC, sauf clause contraire des statuts, les droits et l'obligation de chaque actionnaire, visés à l'art. 53 de l'Acte uniforme, sont proportionnels au montant de ses apports, qu'ils soient faits lors de la constitution de la société ou au cours de la vie sociale, de même qu'il n'aurait donc pas lieu à distribution lorsque les conditions ne sont pas réunies.

B- Le droit aux dividendes

Sauf en cas de réduction de capital, aucune distribution ne peut être faite aux actionnaires lorsque les capitaux propres sont ou deviendraient, à la suite de cette distribution, inférieurs au montant du capital augmenté des réserves que la loi ou les statuts ne permettent pas de distribuer54. Toutefois, selon l'art. 144 de l'Acte uniforme, après approbation des états financiers de synthèse et constatation de l'existence de sommes distribuables, l'assemblée générale détermine:

- le cas échéant, les dotations à des réserves facultatives ;

- la part de bénéfices à distribuer, aux actions;

- le montant du report à nouveau éventuel.

C'est donc cette part de bénéfice revenant à chaque action qui est appelée dividende. C'est dire que la jouissance de ce droit est assurée à tout actionnaire indépendamment du nombre d'action dont il est titulaire. Il convient néanmoins de signaler que le contrat de société peut valablement prévoir que certains actionnaires auront des dividendes privilégiés. La seule limite étant que les dispositions de l'article précité soient respectées. Il ne saurait d'ailleurs en être autrement, car en cas de violation de ces dispositions ainsi que de celles relatives à l'ensemble des droits politiques ou financiers des actionnaires, les contrevenants s'exposent à des

52 POUGOUE (P.G.), ANOUKAHA (F.) et NGEUBOU TOUKAM (J.), op. cit. , n° 154, p. 67.

53 La reprise des apports s'effectue en valeur sauf stipulation contraire. Il s'ensuit que l'apporteur d'un immeuble ou d'un fonds de commerce ayant perdu la propriété du bien, ne peut le reprendre en nature, à moins qu'il ne se soit réservé cette faculté dans l'acte de société. Il n'a plus pour ainsi dire, qu'un droit mobilier contre la société. L'apporteur en jouissance quant à lui reprend la libre propriété de son bien, tandis que celui en industrie reprend sa liberté.

54 Cf. art. 143 al. 3 de l'AUSC.

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sanctions, tout comme les actes qu'ils ont pu prendre en violation des droits des actionnaires mettant en péril la protection que le législateur a entendu leur assurer.

SECTION II- LES SANCTIONS AFFERENTES A LA VIOLATION DES
DROITS DES ACTIONNAIRES EN ASSEMBLEES

Seules les sanctions assurant l'efficacité d'une législation, le législateur OHADA a entendu faire respecter les droits qu'il a reconnu aux actionnaires, partenaires économiques et entrepreneurs du développement. Cela est d'autant louable que c'est au sein des assemblées que les plus grandes décisions relatives à l'exploitation sont prises. Il est donc nécessaire que les actes passé en violation de ces droits puissent faire l'objet d'une sanction. A ce titre, le législateur africain met à la disposition des actionnaires plusieurs moyens propres à garantir leurs droits. Les premiers et le plus répandus consistent en l'annulation des actes faisant griefs aux droits des actionnaires et à la mise en jeu de la responsabilité des participants aux assemblées (§1). Seulement, la crise au sein des assemblées peut être telle que l'intervention d'un tiers soit nécessaire pour la conjurer (§2).

§1- LES SANCTIONS DE PRINCIPE

Il faut entendre par sanction de principe celles qui ont cours dans les sociétés lorsque des manquements à la loi ont été constatés. Certaines de ces sanctions peuvent alors viser soit les actes pris en violation des droits des actionnaires (A), soit atteindre les personnes même ayant ainsi mis en mal ces droits (B).

A-L'annulation des actes préjudiciables

L'institution du système de nullités en droit OHADA constitue une mesure correctrice des crises juridiques au sein de la société commerciale, susceptibles de préjudicier les intérêts des actionnaires55. En effet, la nullité est la sanction d'une règle protectrice des intérêts propres à un actionnaire déterminé. Cette mesure, suffisamment grave aussi bien pour la société que pour les actionnaires, a été considérablement reprécisée. Aussi, à l'instar du droit français56, l'Acte uniforme a

55 Il y a crise juridique lorsque la décision prise par les organes sociaux n'est pas conforme aux lois et aux règlements. COZIAN (M.), VIANDIER (A.) et DEBOISSY (FL.), Droit des sociétés, 12e éd., Litec, 1999, n° 510, p. 188

56 A travers la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales notamment.

adopté une solution plus radicale, n'admettant toute nullité qu'avec la plus grande circonspection.

Seulement, parce que la nullité du contrat de société est de nature à créer plus de tort aux actionnaires qu'elle ne les protège en réalité57 nous distinguerons pour notre part, l'annulation des actes modificatifs dont le domaine est très restreint (1) de celle fonction des irrégularités des actes non modificatifs, plus souples (2), ainsi que les conditions de leur exercice (3).

1- L'annulation timide des acte modificatifs faisant grief

Si la nullité de la société ne souffre d'aucune ambigüité terminologique, celle d'actes modificatifs par contre peut prêter à confusion. C'est pourquoi il est important de dégager le sens des actes pouvant être annulés. Dans une entreprise de définition de ceux-ci, l'Acte uniforme comporte un livre VIII, expressément consacré à la « nullité de la société et des actes sociaux » mais envisage dans son art. 242, les nullités de la société ou de tous actes, décisions ou délibérations modifiant les statuts. C'est dire que le terme acte sera utilisé pour désigner indifféremment les décisions, délibérations et les actes proprement dits.

Mais la question se pose de savoir quels sont les actes qui modifient les statuts, et partant, sont préjudiciables aux actionnaires. Pour y répondre, nous dirons qu'ils sont essentiellement constitués par les décisions des assemblées extraordinaires58.

Les précisions terminologiques étant apportées, reste à déterminer les causes de nullités qui affectent les actes modificatifs. Elles sont déterminées par l'art. 242 de l'AUSC, selon lequel, les nullités qui peuvent atteindre les actes modifiant les statuts, résultent soit de la violation d'une disposition expresse de l'Acte uniforme (a), soit, des textes régissant la nullité des contrats (b).

a) La nullité résultant de la violation d'une disposition expresse de l'Acte uniforme

L'évolution des annulations en matière de sociétés commerciales tend à coordonner, dans les législations des Etats membres de l'OHADA, les garanties exigées des sociétés pour protéger les intérêts des actionnaires. Ce souci se manifeste à propos de toutes les irrégularités. Les causes de nullité des actes modificatifs faisant

57 L'intérêt premier d'un actionnaire étant, en effet, la multiplication de ses placements, on voit mal comment la disparition de la société dans laquelle il a porté ses investissements serait de nature à lui plaire.

58 Transformation de la société, augmentation ou réduction du capital social.

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grief et résultant de la violation d'une disposition expresse de l'Acte uniforme sont ainsi déterminées en raison des fâcheuses conséquences qu'elles produisent au sein de la société.

En effet, la prise des actes destinés à modifier les statuts d'une société peut avoir de lourdes conséquences à la fois pour la société et pour les actionnaires, car elle est susceptible de conduire soit à augmenter les risques et engagements des actionnaires, soit à réduire leurs intérêts. Aussi, le législateur communautaire entend encadrer toute initiative de modification des statuts, en assortissant lesdits actes de la sanction de nullité.

Il convient de noter cependant que la nullité des actes modifiant les statuts d'une société commerciale peut être rapprochée de celle de la société elle-même ; ce qui explique qu'elle soit plus rare59compte tenu des conséquences graves qu'elle peut engendrer. En effet, l'art.242 de l'AUSC prévoit que, la nullité « ne peut résulter que d'une disposition expresse du présent Acte uniforme... ».

Ce sont essentiellement les décisions des assemblées générales extraordinaires60, et des décisions prises par d'autres organes de la société lorsque la loi les a habilités à modifier les statuts61, qui sont concernées.

A notre avis, l'on peut et doit d'ailleurs, à ce stade, assimiler aux décisions des assemblées générales extraordinaires, les décisions des assemblées spéciales, lorsqu'elles se rapportent à des modifications statutaires. En effet, ce n'est qu'après approbation de l'assemblée spéciale que la modification des statuts votée par l'assemblée générale extraordinaire est définitivement acquise. Il est donc indispensable, pour que la modification statutaire ne soit pas remise en question, en dehors des cas expressément prévus par l'Acte uniforme, que l'annulation de l'assemblée spéciale soit soumise au même régime que l'annulation des modifications statutaires.

On remarque que, si les législateurs français et africain sont tous deux hostiles à la nullité des actes modificatifs, le premier semble cependant quelque peu plus souple et prévoit un nombre assez important d'hypothèses pouvant conduire à la nullité de ces actes62. Le législateur OHADA préfère quant à lui la formule de

59 Contrairement aux causes de nullité des actes non modificatifs des statuts.

60 Car seules ces assemblées sont en principe compétentes pour modifier les statuts, et ce dans toutes leurs dispositions. Cf. art. 551 AUSC.

61 Cas, par exemple du conseil d'administration autorisé par l'assemblée à réaliser une augmentation de capital, ou
encore du conseil d'administration décidant le transfert du siège social dans les limites du territoire d'un même Etat

partie. D'après les arts. 451 et 568 AUSC.

62 Cf. par exemple pour nullité des actes modificatifs en droit français, la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966, dans ses articles 72-1, 153, 156, 167, 173, 183 al.3, 186 al.1er, 194-8, 197-1, 198, 207 al.1er, 208, etc.

« réputée non écrite » de certains actes de la société, de telle sorte que, comme sus mentionné, la nullité n'intervient qu'à titre exceptionnel63.

La société et les actes modificatifs ne sont pas seulement soumis aux causes de nullité prévues expressément par l'Acte uniforme. S'y ajoutent celles tirées du droit des contrats.

b) La nullité tirée du droit des contrats

Le droit des sociétés entretient des relations importantes avec le droit commun des contrats. A ce titre, il est tout à fait logique et opportun que la nullité des actes modificatifs passés en violation des dispositions régissant ce droit puisse trouver application. En effet, bien que la référence au contrat en matière de délibérations soit un peu maladroite64, le caractère collectif de la décision sociale ne saurait suffire à l'abstraire des contingences du droit des obligations65 ; cette interprétation est particulièrement indispensable pour contenir dans des limites raisonnables les pouvoirs de l'assemblée extraordinaire. C'est donc par adaptation de ces principes qu'aux termes de l'art.242 de l'AUSC, la nullité des actes modifiant les statuts peut résulter non seulement d'une disposition expresse de l'Acte uniforme mais encore des « textes régissant la nullité des contrats en général et du contrat de société en particulier ».

Cette seconde catégorie de nullités affectant les modifications statutaires est beaucoup plus importante que la précédente66. Elle comprend au demeurant, deux séries de cas de nullité :

- D'une part, les cas de nullité provenant de la méconnaissance des règles générales de la validité des contrats, édictées par l'article 1108 du code civil (1) ;

- D'autre part, ceux résultant de la méconnaissance des règles particulières à la formation du contrat de société (2).

63 Cf. art. 552 AUSC, par exemple, pour les règles de réunion, de quorum et de majorité de l'Assemblée générale extraordinaire ; art. 572, à propos de la modification du capital. L'art. dispose, en effet : « Le capital doit être intégralement libéré avant toute émission d'actions nouvelles à libérer en numéraire, à peine de nullité de l'opération » ; art. 130, pour la nullité des décisions collectives en cas d'abus de majorité.

64Etant donné que les modifications statutaires sont généralement prises collectivement, les délibérations ne sont, en effet, pas des contrats. Ainsi, il faut adapter les décisions collectives aux principes régissant les contrats de droit commun. Cf. RIPERT (G.), ROBLOT (R.), op. cit. n°1596 p. 1172.

65 COZIAN (M.), VIANDIER (A.), DEBOISSY (Fl.) : op. cit. 514 p. 190.

66 LAMY, Sociétés commerciales, 8e éd., LAMY S.A., paris, 1994, n° 2386, p.1017.

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i) Nullité provenant de la violation des règles générales de la validité des contrats

Aux termes de l'art. 1108 du code civil, quatre conditions sont essentielles pour la validité d'une convention: le consentement de la partie qui s'oblige ; sa capacité de contracter ; un objet certain qui forme la matière de l'engagement ; une cause licite dans l'obligation. Mais ces conditions de validité des contrats ne sont sanctionnées par la nullité que de façon exceptionnelle. Pour mesurer la portée du recul des causes de cette sanction en droit des sociétés commerciales, on examinera successivement les irrégularités pouvant affecter chacune de ces conditions et donc entraîner la nullité des actes modificatifs.

á - Vices de consentement et incapacités

L'art. 243 AUSC souligne de façon expresse que « dans les sociétés à responsabilité limitée et dans les sociétés anonymes, la nullité ne peut résulter ni d'un vice de consentement ni de l'incapacité d'un associé, à moins que celle-ci n'atteigne tous les associés fondateurs ». Etablissant une distinction entre d'une part la SARL et la SA, et d'autre part toutes les autres sociétés reconnues par l'Acte uniforme, cette disposition est la reproduction de la deuxième phrase de l'art. 360 de la loi française du 24 juillet 1966 précitée. C'est dire que les actionnaires ne pourront invoquer la nullité d'une délibération portant modification des statuts que lorsque ces irrégularités les affectent tous, ce qui est - nous l'avons souligné -, une hypothèse bien théorique et constitue une sorte de discrimination. En revanche, faute de disposition particulière de l'art. 243, on doit admettre que le défaut total de consentement67, ne concernerait-il qu'un actionnaire, entraîne la nullité de ladite délibération.

De même, pour ce qui est des vices de consentement, la demande en nullité peut être fondée sur le dol68, l'erreur69 ou même la violence70. S'agissant particulièrement du dol, la difficulté vient de ce qu'on se demande si comme en droit civil, il doit être le fait d'un seul actionnaire ou de tous les coactionnaires pour être sanctionné. La réponse est malaisée. Dans tous les cas, le juge devra peser l'impact de celui-ci et voir si la nullité peut être évitée ou pas.

La question se pose tout aussi de savoir si, dans les sociétés de capitaux, ils sont susceptibles de provoquer l'annulation d'un acte modifiant les statuts dès lors

67 POUGOUE (P.G.), ANOUKAHA (F.) et NGUEBOU TOUKAM (J.), op. cit., n°60, p.27.

68 V. Cass. Com. 26 avril 1971, J.C.P. 1972, 2 n°16986.

69 V. Cass. Com. 27 janvier 1982, op. cit.

70 V. C.A. Paris, 19 mars 1981, D. 1981. 405.

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qu'ils peuvent être invoqués par un seul des actionnaires. La jurisprudence française l'avait en tout cas admis sur la base de sa législation antérieure à 196671, et elle paraît bien avoir maintenu sa position sous l'empire de la loi actuelle 72.

Ainsi, les décisions des juridictions françaises révèlent bien implicitement que le vice de consentement pourrait être source de nullité de la délibération d'une assemblée extraordinaire, même s'il n'atteint pas la totalité des actionnaires. A notre sens, la jurisprudence africaine, en raison des lourdes conséquences que peut générer la limitation des vices de consentement dans les sociétés de capitaux pour les actionnaires, devrait donc s'inspirer de la position de la jurisprudence française.

Quant à la nullité pour incapacité, il semble qu'aucune restriction ne soit possible. L'incapacité n'entraîne la nullité que pour autant qu'elle affecte tous les associés fondateurs de la société par actions.

Il faut également souligner que par référence aux principes généraux du droit, la fraude constitue une cause de nullité des actes modifiant les statuts. En effet, la fraude corrompt tout, y compris les délibérations d'assemblées73

â- Illicéité ou défaut d'objet et absence ou illicéité de cause

Par application du droit commun des contrats, l'objet de la société, c'est-àdire l'ensemble des activités déterminées par le pacte social que la société entend exercer74, doit être à la fois déterminé, possible et licite. La sanction de ces différentes exigences sera la nullité de la société, une nullité d'ailleurs rigoureuse puisque, en cas, tout au moins, d'illicéité de l'objet, la traditionnelle faculté judiciaire de régularisation est ici exceptionnellement fermée75, et par ailleurs, l'action en nullité échappe à la prescription triennale de l'art. 251 AUSC.

En application des références faites ci-dessus, une délibération en assemblée extraordinaire doit également être déterminée, possible et licite. De la sorte, il sera possible de justifier l'annulation d'une délibération entachée d'excès de pouvoir en

71 Cass. Com., 26 avril 1971, JCP, 1972, II, n° 16986, note Bernard, rev. Soc. 1972, p. 248, pour un dol à l'occasion d'une augmentation de capital.

72 Ainsi, dans un arrêt du 19 mars 1981 (CA, Paris, 19 mars 1981, D., 1981, p. 405, concl. Jéal, JCP, 1982, II, n°19720, note Guyon) , la Cour de Paris n'a écarté le grief de violence invoqué par certains actionnaires pour obtenir l'annulation de la renonciation à un droit préférentiel de souscription que parce qu'elle a pu relever que « c'est en toute connaissance de cause et hors de toute « violence » au sens de l'art.1109 du code civil, mais seulement en raison de la nécessité de remédier à une situation catastrophique que les administrateurs d'abord, les actionnaires ensuite, se sont prononcés favorablement, à une large majorité, pour l'augmentation de capital ». V. également Cass. Com., 27 janvier 1982, Rev. Soc. 1982, p. 825, note Bouloc.

73 COZIAN (M.), VIANDIER (A.), DEBOISSY (Fl.), op. cit. (ibid.)

74 A distinguer du contrat de société, entendu comme les apports effectués.

75 Cf. art. 246 AUSC ; v. aussi LAMY, op. cit., n° 2390, p. 1018.

considérant qu'elle a un objet illicite. En particulier, lorsqu'une assemblée extraordinaire porte atteinte aux droits individuels des actionnaires76, elle fausse le mécanisme institué par la loi pour assurer le fonctionnement régulier de la société77.

Quant à la cause, l'application de l'article 1131 du code civil conduit à exiger que celle-ci soit à la fois réelle et licite. La sanction sera là encore la nullité de la délibération, encourue quelle que soit la forme sociale adoptée. Les droits et intérêts des actionnaires devraient donc se trouver dans ces hypothèses à l'abri des abus.

L'art. 242AUSC retient, en dehors des cas de nullité relevant du droit commun des contrats, ceux tirés du contrat de société.

ii- Nullité résultant de la violation des règles particulières à la formation du contrat
de société

La formule utilisée par l'art.242 AUSC conduit à retenir également comme cause de nullité de la société des violations des règles particulières à la formation du contrat de société. Il s'agit ici des éléments essentiels du contrat de société, à savoir : l'existence d'apports, la pluralité d'associés et l'affectio societatis. Mais l'avènement de l'OHADA et de son Acte uniforme conduit à écarter la nullité pour défaut de pluralité d'associés, en ce qui concerne la SARL et la SA78. Parce que la fictivité de l'apport vise exclusivement la société, seul le défaut d'affectio societatis retiendra notre attention.

S'agissant de l'affectio societatis, en effet, le contrat de société suppose, pour son existence même, non seulement un accord de volonté des parties mais encore une volonté durable de collaboration sur un pied d'égalité pour la réalisation de l'oeuvre commune. En son absence, la société n'est qu'une pure apparence, une fictivité dénuée de toute valeur. Cet élément ne figure malheureusement pas dans une disposition expresse de l'Acte uniforme. Toutefois, il peut s'en déduire de l'alinéa 2 de l'art. 4 dudit Acte uniforme, qui recommande que la société soit créée dans l'intérêt commun des associés79.

Au regard de ces analyses, la constance qui se dégage est qu'une délibération peut ne pas être annulée en application d'une disposition expresse du droit des sociétés, mais l'être conformément aux règles régissant les contrats en général.

76 Droit de faire partie de la société, droit de ne pas être contraint à une augmentation des engagements, droit de vote, droit aux bénéfices et aux réserves et droit de négociation des actions.

77 Voy. Paris co., 12juin 1972, R.D.C., 1972, 650, obs. HOUIN.

78 Les articles 309 pour la SARL et 385 pour la SA de l'AUSC consacrent la possibilité de créer une SARL avec un seul associé, de même que la SA, avec un seul actionnaire. On parle alors de SARL ou de SA unipersonnelle. L'art. 5 AUSC consacre expressément d'ailleurs la société unipersonnelle.

79 ANOUKAHA (F.), Cours de droit des sociétés commerciales et du groupement d'intérêt économique OHADA, op. cit.

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On signalera que les fusions et scissions font l'objet d'un régime particulier, à l'aune des dispositions de l'art. 198 de l'AUSC. Selon les termes même de cet article, en effet, « A peine de nullité, les sociétés participant à une opération de fusion, scission, apport partiel d'actifs sont tenues de déposer au greffe une déclaration dans laquelle elles relatent tous les actes effectués en vue d'y procéder et par laquelle elles affirment que l'opération a été réalisée en conformité du présent Acte uniforme ».

La chasse aux nullités par le législateur OHADA semble cependant connaître un certain bémol lorsque celles-ci sont relatives aux actes sociaux ne modifiant pas les statuts mais portant atteinte ou susceptibles de porter préjudice aux droits des actionnaires.

2- L'annulation facile des actes non modificatifs faisant grief

Aux termes de l'art.244 de l'AUSC, « la nullité de tous actes, décisions ou délibérations ne modifiant pas les statuts de la société, ne peut résulter que d'une disposition impérative du présent Acte uniforme, des textes régissant les contrats ou les statuts de la société ». Cette formule révèle que les causes de nullité sont ici encore entendues de manière stricte. Cependant, elles ne le sont à un moindre degré que pour la société et les actes modificatifs de ses statuts. En effet, l'expression « violation d'une disposition impérative » laisse place, comme il sera loisible de le constater, à des hypothèses de nullités virtuelles, non expressément édictées par les textes80.

Il convient donc, dès l'abord, de bien déterminer le domaine visé par l'art. 244 AUSC. Sur cette base, on doit considérer que sont concernées toutes les décisions émanant d'organes délibérants de la société susceptibles de produire des effets de droit. Seules les décisions prises dans les cadres institutionnels sont donc visées.

Ce domaine précisé, il convient de s'intéresser à présent aux sources des nullités. L'art. 244 de l'Acte uniforme en cite trois : les dispositions de cet Acte, les textes régissant les contrats et les statuts. Signalons par ailleurs qu'en ce qui concerne les textes régissant les contrats, on peut transposer ici les développements effectués à propos des nullités de la société et des actes modificatifs81. Seules deux de ces

80 LAMY, op. cit., n° 2409, p.1022. 80 La nullité des actes non modificatifs des statuts provenant des textes régissant les contrats se rapprochent, en effet, de la nullité de la société et des actes modificatifs résultant des textes régissant la nullité des contrats de l'art. 242.

81 La nullité des actes non modificatifs des statuts provenant des textes régissant les contrats se rapprochent, en effet, de la nullité de la société et des actes modificatifs résultant des textes régissant la nullité des contrats de l'art. 242.

sources seront donc envisagées, à savoir, les nullités dues à la violation des dispositions impératives de l'Acte uniforme (A), et les nullités dues à la violation des dispositions statutaires (B).

a)Les nullités résultant de la violation des dispositions impératives de l'Acte uniforme

Les nullités résultant de la violation des dispositions impératives de l'Acte uniforme soulèvent dès l'abord des incertitudes. Quand peut-on considérer qu'une disposition est impérative? Une disposition impérative peut-elle s'entendre d'une disposition où la nullité n'est pas expressément édictée ? La réponse à cette question comporte elle-même une zone d'incertitude. C'est pourquoi, avant de déterminer l'application de l'art. 244 AUSC (2), nous nous attellerons à dégager le sens et la justification possibles de la formule «disposition impérative)) (1).

i- Sens et justification de la formule « disposition impérative »

Le problème naît du mutisme de l'art. 244 de l'AUSC, qui ne définit pas la notion de disposition impérative. Heureusement, doctrine et jurisprudence comblent cette lacune.

Au sens strict, est impérative toute disposition que le législateur qualifie expressément d'ordre public en interdisant toute pratique contraire. Mais la doctrine adopte une approche plus large de la notion et qui cadre avec nos préoccupations. Dès lors, cette expression est susceptible d'une double acception. D'une part, elle a été introduite dans la loi pour qu'existe une cause de nullité générale permettant au juge de suppléer aux oublis éventuels du législateur82. D'autre part, dans la théorie générale des nullités, la disposition impérative est celle qui édicte une prescription positive, par opposition à la disposition prohibitive qui contient une interdiction83.

On doit donc admettre, en confiant cette mission de qualification au juge, qu'une disposition doit être considérée comme impérative chaque fois qu' « elle est inspirée par une considération d'intérêt général qui se trouverait compromise si les particuliers étaient libres d'empêcher l'application de la loi ))84. De la même manière, on est amené à admettre que la nullité est susceptible d'être prononcée, en

82 Cette mission assignée au juge, nous l'avons souligné, conduira à coup sûr à créer des nullités sans textes et donc virtuelles, allant à l'encontre même de l'esprit général de l'Acte uniforme en la matière

83 Encyclopédie Dalloz, v. nullités n°25, citée par MERCADAL (B.) et JANIN (PH.), op. cit., n° 3747, p. 119583 Formule empruntée à Ghestin, Droit civil, les obligations, n° 93, citée par LAMY, op. cit., n° 2413, p. 1024.

84 Formule empruntée à Ghestin, Droit civil, les obligations, n° 93, citée par LAMY, op. cit., n° 2413, p. 1024.

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l'absence d'une disposition expresse la prévoyant, dès lors que l'irrégularité commise compromet un intérêt assez important que la disposition violée tendrait à protéger. C'est pourquoi, à notre avis, c'est au juge qu'il appartiendra de dire si telle ou telle disposition de l'Acte uniforme doit être considérée comme impérative au sens de l'art. 244.

A titre de droit comparé, la jurisprudence française a déjà eu à se prononcer en la matière. En ce qui concerne l'interdiction pour les commissaires aux comptes d'être nommés administrateurs, directeurs généraux ou membre du directoire des sociétés qu'ils contrôlent moins de cinq ans après la cessation de leurs fonctions, prévue à l'art. L 221 de la loi du 24 juillet 1966 précitée, la Cour de cassation a jugé que cette interdiction constitue une disposition impérative de la loi de 1966 dont la violation entraîne la nullité de la nomination du commissaire en qualité d'administrateur85. Il en est de même en ce qui concerne l'interdiction pour un administrateur en fonction d'obtenir un contrat de travail dans sa société.

Fort heureusement, il existe tout de même quelques cas de nullité des actes ou délibérations ne modifiant pas les statuts qui ne font aucun doute. Il s'agit de ceux qui sont expressément prévus par l'Acte uniforme et qui ont été exposés ci-dessus à propos des décisions modifiant les statuts86. A ces derniers, on ajoutera ceux prévus par le législateur OHADA et retenus par la jurisprudence africaine87.

Il faut tout de même signaler que la référence du législateur africain aux règles impératives nous semble à la fois surprenante et superfétatoire. Par application, en effet, de l'art. 2 de l'Acte uniforme, les dispositions dudit texte sont impératives, « sauf dans le cas où il autorise expressément l'associé unique ou les associés, soit à substituer les dispositions dont ils sont convenus à celles du présent Acte uniforme ». Et la question qui surgit dès lors est de savoir pourquoi l'art. 244 de l'AUSC a-t-il jugé nécessaire de rappeler que la transgression d'une « disposition impérative » de cet acte peut être cause de nullité. Pour KASSIA Bi Oula, - et nous partageons ce point de vue - cette attitude s'explique de la manière suivante : l'art. 242 de l'AUSC ayant adopté le principe des nullités textuelles, on pourrait légitimement croire qu'en dehors des cas de nullité édictés de façon expresse, aucune autre irrégularité n'est

85 Soc. 20 octobre 1976, Rev. Soc. 1977, 277, note J.G.

86 V. supra, note de bas de page n° 46, p. 13.

87 C'est par exemple l'hypothèse d'annulation des délibérations pour convocations irrégulières du conseil d'administration telle que visée à l'art. 453 al. 4 de l'AUSC et appliquée par la Cour d'appel d'Abidjan. C'est aussi le cas, par exemple de la nullité des actes pour irrégularité de la convocation d'une assemblée générale ordinaire tel que retenu par le tribunal de première instance de Bafoussam. CA, Abidjan-COTE D'IVOIRE, arrêt n° 688 du 25 juin 2004, Aff. Office ivoirien des chargeurs (OIC) et autres (SCPA SORO et BAKO) c/ BLEY ANONDO et autres, Juriscope 2007. CA, Ouest-CAMEROUN, TPI, Bafoussam, Aff. Polyclinique de Bafoussam S.A. c/ NZOGANG Didier.

87 A titre d'exemple, l'inobservation des règles de quorum et de majorité de l'assemblée générale des actionnaires (art. 548 et s. AUSC) n'est pas expressément sanctionnée par la nullité. Mais l'art. 244 permet d'y remédier.

sanctionnée par la nullité. C'est donc pour écarter cette incompréhension qu'a été adopté le texte de l'art. 244.

Il en résulte que, comme dans le droit français, la violation de n'importe qu'elle règle de l'Acte uniforme est de nature à entraîner l'annulation de l'acte88. Quid de l'application de la règle ?

ii- Application de l'art. 244 AUSC

Le sens et la justification de la formule «disposition impérative» apportés, l'application de l'art. 244 ne devrait pas poser de difficultés et d'analyses particulières. En effet, conformément aux solutions préconisées ci-dessus, les dispositions légales pouvant être considérées comme impératives - et partant susceptibles d'être sanctionnées par la nullité en cas de violation - ont été au fur et à mesure des développements se rapportant à des actes ou à des délibérations ne modifiant pas les statuts précisées.

Le législateur africain de l'OHADA n'a pas limité les sources de nullité des actes non modificatifs pouvant faire grief aux droits des actionnaires aux seules règles légales. Il y a également compris les dispositions statutaires.

b) Les nullités dues à la violation des dispositions statutaires

A la violation d'une disposition impérative de l'Acte uniforme, il faut assimiler la violation d'une disposition impérative des statuts. En retenant la violation des statuts comme cause de nullité dans son art. 244, l'Acte uniforme se démarque de la législation française de 1966 dont il s'est pourtant inspiré89. Cela n'a d'ailleurs rien de surprenant puisque, selon l'art. 1134 du code civil « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites »90. Cette position paraît d'ailleurs bien avoir été adoptée par un arrêt de la chambre commerciale du 6 mai 197491 dans les circonstances suivantes.

88 A titre d'exemple, l'inobservation des règles de quorum et de majorité de l'assemblée générale des actionnaires (art. 548 et s. AUSC) n'est pas expressément sanctionnée par la nullité. Mais l'art. 244 permet d'y remédier.

89 En effet, la législation française, n'a pas prévu expressément ces causes de nullité dans son article 360, et l'on devait, pour son admission, se référer aux lois qui régissent les contrats de droit commun, car elles semblent l'englober implicitement mais nécessairement.

90 CHARTIER (Y.), Droit des affaires, sociétés commerciales, tome2 3e éd., coll. Thémis, 1992, n° 71, p. 16090 Com. 6 mai1974, D. 1975, p. 102, note GUYON.

91 Com. 6 mai1974, D. 1975, p. 102, note GUYON.

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Saisis d'une demande en nullité d'une assemblée générale, au motif qu'elle avait été irrégulièrement convoquée par un conseil d'administration dont certains membres n'étaient pas propriétaires d'actions d'un montant et d'un nombre exigés par les statuts, les juges du fond avaient rejeté l'action en observant que les administrateurs en cause étaient régulièrement en fonction, que si les anciennes actions dont ils étaient possesseurs faisaient l'objet d'un regroupement, la loi n° 64- 697 du 10 juillet 1964 permettait, pendant un délai de deux ans, de laisser coexister les actions anciennes et les actions nouvelles, et que les prérogatives attachées aux actions anciennes étaient ainsi demeurées intactes.

La chambre commerciale censure en ces termes : « ...en se bornant à statuer par ces motifs, alors qu'elle constatait que les statuts sociaux avaient été modifiés par l'assemblée générale extraordinaire (du 29 décembre1970), la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ».

On peut comprendre l'attitude du législateur français en ne consacrant pas expressément cette cause de nullité, car à notre sens, elle est en parfaite cohérence avec son désir de réduire autant que possible les causes de nullité en général. Par la même occasion, la démarche adoptée par l'Acte uniforme pourrait a priori surprendre, puisque celui-ci est resté pour l'essentiel, dans la logique de la législation française. Toutefois, la différence entre les deux législations est purement formelle.

La solution préconisée ici par le législateur communautaire soulève le problème de la nature juridique de la société92. Cette dernière est-elle un contrat ou plutôt une Institution? La place accordée aux statuts accréditerait la thèse contractuelle. Mais l'hésitation est permise, en raison de la généralisation des règles impératives dans l'Acte uniforme, se situant dans la logique même des règles gouvernant le droit moderne des sociétés commerciales.

On relèvera que, contrairement au droit français où le concept de fraude permet d'obtenir l'annulation d'une société ou d'un acte modificatif des statuts93, quoique non expressément prévu, la lettre et l'esprit de l'art. 242 de l'Acte uniforme qui se réfère aux textes régissant la nullité des contrats, n'admettent pas une telle solution. A supposer même que la solution fût admise, la règle « Fraus omnia corrumpit » constitue en elle-même un principe général du droit largement pris en compte par l'art. 245 de l'AUSC.

92 KASSIA BI (O.), op. cit. ; p. 369.

93 CHARTIER (Y.), op. cit., n° 70, p. 158.

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2-Les conditions d'exercice de l'action en nullité

Lorsqu'une cause de nullité existe, le sort de la société ou de la délibération irrégulière est lié au droit d'agir en nullité (a). Sont également liés à ce sort le délai de prescription de l'action, la réparation éventuelle du vice et le pouvoir du juge de prononcer la nullité (b). Ce qui nous permettra de dégager les conséquences y afférentes (c).

a) Le droit d'agir en nullité

Il est question de savoir quand, comment et dans quelles hypothèses l'actionnaire met en mouvement son action en nullité. Pour y répondre, il nous semble opportun de distinguer selon que la nullité est absolue (i) ou relative (ii).

i- L'action en nullité absolue

Le législateur communautaire n'est pas explicite sur la question. Seule une lecture attentive des dispositions de l'art. 246 de l'Acte uniforme permet de dégager l'hypothèse d'une action en nullité absolue.

Ainsi, lorsque l'action sanctionne un vice de portée générale, elle doit être considérée comme absolue, et peut par conséquent être demandée par toute personne pouvant faire valoir « un intérêt légitime au succès de sa prétention »94. En mettant en exergue un intérêt légitime au sens de nos développements, l'action en nullité absolue ouvrirait la voie à une garantie accrue des droits des actionnaires, car celle-ci conduirait à considérer comme titulaires de l'action les actionnaires, à condition toutefois qu'ils aient déjà détenu des titres sociaux lors de l'adoption de la délibération qu'ils attaquent95 ; les créanciers de la société, les directeurs généraux, le Président-Directeur général et les commissaires aux comptes.

Cependant, la question se pose de savoir si en la matière, le Ministère public dont la fonction essentielle est d'assurer et de veiller au respect de l'application des lois, et partant, de l'ordre public, disposerait également de ce droit. Face au mutisme apparent et surprenant de la législation africaine, seule une analyse comparative d'avec la législation française autorise une réponse à la préoccupation. Ainsi, d'après les articles 422 et 423 de l'actuel Code de procédure civile français, le Ministère public n'est pas habilité à agir si la loi ne lui reconnaît pas expressément ce droit - ce

94 LAMY, op. cit., n° 2424, p.1031.

95 Cf. Trib. Com., Paris, 3 décembre 1975, Rev. Soc. 1976, p. 106, note CHARTIER.

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qui n'est pas le cas ici - à moins que l'ordre public ne soit intéressé96. Le législateur national camerounais, faut-il le souligner, va dans le même sens lorsqu'il exige dans l'article 36 alinéa 1 de son Code de procédure civile et commerciale que soient communiquées au Procureur de la République les causes concernant l'ordre public, l'Etat, le territoire, les domaines, les communes, les établissements publics, les dons et legs au profit des pauvres. En effet, l'ouverture de l'action à cette Institution atteste que le contrôle de la gestion d'une société peut intéresser la collectivité publique et non pas seulement les actionnaires. Il s'agirait, dans ces conditions, d'une nullité d'ordre public à la fois de protection et de direction. On peut néanmoins se poser la question de savoir si les motifs invoqués à l'appui de la demande d'expertise formulée par le Ministère public devront faire l'objet d'une appréciation originale tenant compte de l'identité du demandeur. En tout cas, le recours à cette modalité peut présenter un intérêt certain pour les actionnaires qui ne peuvent déclencher directement l'action en raison d'une participation trop faible ou d'une dispersion trop grande. Concrètement, le Ministère public devra saisir le juge par voie de requête.

L'exigence de l'intérêt légitime demeure cependant, indispensable à la recevabilité de l'action en nullité absolue qui se rapproche de ce fait de l'esprit de la nullité relative.

ii- L'action en nullité relative

A l'opposé de l'action en nullité absolue pouvant être demandée par toute personne justifiant d'un intérêt légitime à agir, lorsque la nullité a seulement pour objet la protection d'intérêts particuliers d'une personne déterminée ou encore d'un groupe de personnes, elle doit être considérée comme relative, et donc ne peut être demandée que par la personne protégée par la loi. Il a ainsi été jugé que la nullité pour violation d'une formalité destinée à protéger les actionnaires anciens titulaires d'un droit préférentiel de souscription lors d'une augmentation de capital réservée ne pouvait être invoquée par les bénéficiaires de la renonciation97. On doit néanmoins adjoindre à cette dernière ses ayant cause universels et à titre universel, ses créanciers personnels agissant par la voie de l'action oblique et le liquidateur nommé en cas de liquidation judiciaire frappant la société98.

96 Par exemple à notre avis, en cas d'apports illicites, hors commerce ou contraires aux bonnes moeurs, ou encore en cas de cause immorale d'une constitution de société, voire d'une délibération sociale.

97 C.A., Pau, 2e ch., 9 juin 1987, JCP éd. N 1988, Pratique, n° 649, p. 454.

98 LAMY, op. cit., n° 2424, p . 1031.

Au total, la distinction entre nullité absolue et nullité relative reste fondamentale. On ne manquera pas de mentionner cependant qu'il est possible d'exercer autant d'actions en nullité qu'il y a de causes de nullité99. De même que le droit d'agir en nullité ne peut pas être écarté sous prétexte que le demandeur n'a pas émis une protestation dès la naissance du vice100. En outre, l'action en nullité est recevable même, si le nombre de voix dont dispose l'actionnaire qui l'exerce était insuffisant pour faire échec aux décisions contestées101. Toutefois, l'action en nullité doit être écartée lorsque celui qui l'exerce est censé avoir renoncé102. Elle le sera également si l'actionnaire ne l'exerce pas dans les délais impartis, d'autant qu'il est possible de procéder à une régularisation de la nullité.

b) Prescription de l'action en nullité et possibilité de régularisation

L'examen de la prescription de l'action en nullité (1) précèdera celui de la régularisation (2), mais il convient tout de suite de relever que ces mesures sont plutôt des obstacles au prononcé de la nullité de nature à amener l'actionnaire soit à être plus vigilant et diligent, soit à renoncer à son action selon la gravité de la menace et en fonction des intérêts en jeu.

i- Prescription de l'action en nuiité

Des dispositions de l'art. 251 de l'Acte uniforme, les actions en nullité de la société, se prescrivent par trois ans à compter de l'immatriculation de la société ou de la publication de l'acte modifiant les statuts sauf si la nullité est fondée sur l'illicéité de l'objet social et sous réserve de la forclusion prévue à l'article 248 du présent Acte uniforme. Et les actions en nullité des actes, décisions ou délibérations de la société, se prescrivent par trois ans à compter du jour où la nullité est encourue sauf si la nullité est fondée sur l'illicéité de l'objet social et sous réserve de la forclusion prévue à l'art. 248 dudit Acte uniforme.

Toutefois, l'action en nullité d'une fusion ou d'une scission obéit à un régime particulier, la prescription étant fixée à six mois à compter de la date de la dernière

99 Par exemple, lorsqu'une demande en nullité d'une assemblée générale pour cause de dol a été rejetée, une autre demande invoquant la nullité pour défaut de la majorité requise au cours de la même assemblée peut être déclarée recevable. (com. 8 mars 1967, Bull.III n° 106).

100 A titre d'exemple, l'actionnaire qui ne s'est pas immédiatement opposé à une décision de l'assemblée peut néanmoins agir en nullité lorsqu'il constate par la suite que cette décision est illégale et qu'il lui cause un préjudice (Aix 13 janv. 1977, Bull. Joly 1977, 537 ) ; de même le fait d'avoir voté la résolution litigieuse n'interdit pas à un actionnaire d'en demander ultérieurement l'annulation (Paris 8 juil. 1982, BRDA 1982/21 p.12.°

101 Paris, 9 nov. 1983, BRDA 1984/1 p.12.

102 MERCADAL (B.) et JANIN (PH.), op. cit., n°3761, p. 1198.

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inscription au registre du commerce et du crédit mobilier (RCCM) rendue nécessaire par l'opération de fusion ou de scission.

De ces dispositions, se trouvent à nouveau affirmée la volonté manifeste du législateur à n'admettre la nullité que de manière exceptionnelle, la marge temporelle d'action des actionnaires étant très réduite. Comment comprendre cela ? Il semble, pour y apporter des éléments de réponse, qu'un délai aussi long en matière de nullité de société ferait peser pendant longtemps bien d'incertitudes sur l'avenir de la société. Aussi, le droit des sociétés a-t-il adopté des délais de prescription assez souples.

A l'analyse donc, il se dégage en substance un régime général correspondant à la prescription triennale pour les actions en nullité de la société et des actes sociaux, et dont, le délai court soit à compter de l'immatriculation de la société, soit de la publication de la modification des statuts, ou du jour où la nullité est encourue. De même, l'on peut observer la présence de quelques régimes particuliers.

Les régimes particuliers sont, en effet, au nombre de deux. Le premier a trait à la nullité pour illicéité de l'objet. Aucun délai n'étant retenu par le législateur OHADA , quel délai doit-on retenir à son égard ? Ou encore, faut-il retenir face à ce mutisme la prescription trentenaire ? Ou bien, faut-il tout simplement considérer que l'action en nullité est ici imprescriptible ? On pourrait être tenté de dire qu'ici, le délai de prescription qui s'applique est celui de droit commun103, mais l'esprit du législateur nous le décommande fortement. Aussi et à notre sens, c'est la solution de l'imprescriptibilité de l'action en nullité pour illicéité de l'objet social qui doit être admise et qui est d'ailleurs généralement admise, en raison de la gravité de l'irrégularité104.

Le second régime est relatif quant lui, à l'action en nullité d'une fusion ou d'une scission et dont l'action se prescrit par six mois à compter de la date de la dernière inscription au registre du commerce et du crédit mobilier sus évoqué.

Il faut cependant rappeler que si en vertu du droit commun la nullité peut s'éteindre par la prescription abrégée, cette prescription laisse subsister l'exception de nullité qui elle, est perpétuelle. Autrement dit, celui à qui on demande d'exécuter un acte nul peut toujours refuser de le faire en vertu de cette exception105.

La prescription n'est pas la seule entrave à l'exercice de l'action en nullité ; s'y ajoute l'extinction de l'action par la régularisation.

103 C'est-à-dire le délai de trente ans.

104 POUGOUE (P.-G.), ANOUKAHA (F.) et NGUEBOU TOUKAM (J.), op. cit., n° 69, p. 30.

105 COZIAN (M.), VIANDIER (A.), DEBOISSY (Fl.), Droit des sociétés, op. cit. n° 226, p. 77.

ii-Régularisation spontanée et/ou forcée de la nullité

En principe, toutes les nullités peuvent être couvertes à l'exception de celles fondées sur l'illicéité de l'objet social106. La régulation peut être spontanée et/ou forcée selon la gravité de la nullité que l'on entend couvrir. En effet, en matière de nullité de la société, l'impossibilité de régulariser est très rare, voire exceptionnelle107 ; elle est même recommandée d'office au juge.

La régularisation de l'action en nullité fait donc l'objet d'une réglementation étoffée, consacrée par les articles 246 à 250 de l'Acte uniforme. Il est ainsi édicté à l'art. 246, par exemple, que « L'action en nullité est éteinte lorsque la cause de nullité a cessé d'exister le jour où le tribunal statue sur le fond en première instance, sauf si cette nullité est fondée sur le caractère illicite de l'objet social ». La formulation du texte semble ne laisser aucune appréciation au juge. Quelle que soit la gravité de l'irrégularité, il est obligé de déclarer l'irrecevabilité de l'action en nullité, dès lors que la cause de nullité a disparu au jour où il statue sur le fond.

Dans une toute autre hypothèse, le législateur laisse la faculté au juge de décider de la couverture ou non de la nullité. Ainsi, lorsque l'action en nullité n'est pas éteinte faute de disparition du vice, l'art. 247 de l'AUSC invite le tribunal à «fixer, même d'office, un délai pour permettre de couvrir la nullité ». Il est pourtant permis de se demander s'il s'agit là d'une simple invitation, car la même faculté est mise en échec par l'interdiction qui lui est faite de prononcer la nullité moins de deux mois après l'exploit introductif d'instance108.

Dans le même sens, l'art. 247 sus cité dispose dans son alinéa 2 que « Si, pour couvrir une nullité, une assemblée doit être convoquée et s'il est justifié d'une convocation régulière de cette assemblée, le tribunal accorde, par jugement, le délai nécessaire pour que les associés puissent prendre une décision ».La réflexion que l'on peut faire est que l'initiative de la régularisation peut émaner aussi bien des actionnaires que du juge, de sorte que ce n'est que dans l'impossibilité avérée de couverture de la nullité que le juge peut se résoudre à se prononcer sur la nullité, avec toutes les conséquences qu'une telle décision peut entraîner sur la vie de la société commerciale.

De façon générale, le législateur OHADA prévoit une possibilité de régularisation globale démontrant sa volonté manifeste d'éviter au maximum

106 La régularisation est donc la couverture ou la réparation de l'irrégularité. Elle équivaut, en effet, à la suppression de la cause de nullité.

107 LAMY, Sociétés commerciales, op. cit. n° 2438 p. 1035. 107 Cf. art. 247 AUSC in extenso.

108 Cf. art. 247 AUSC in extenso.

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l'annulation de la société. En effet, si une formalité prescrite par l'Acte uniforme pour la constitution de la société a été omise ou irrégulièrement accomplie, tout intéressé peut demander à la juridiction compétente dans le ressort de laquelle est situé le siège social, que soit ordonnée sous astreinte, la régularisation de la constitution, le Ministère public ayant la possibilité d'agir aux mêmes fins109.

Pour être complet sur la question, il faut aussi signaler que l'existence des voies de recours peut être considérée comme un obstacle à l'action en nullité car, les hautes juridictions peuvent toujours infirmer une annulation de la société110. Dans tous les cas, l'appel peut être interjeté dans les conditions de droit commun. Mais la véritable originalité dans les voies de recours réside dans la tierce opposition111. Et en droit commun, la tierce opposition n'est soumise à aucun délai particulier. Elle est donc recevable pendant toute la durée de la prescription trentenaire. Mais en matière de nullité de société, cette tierce opposition n'est recevable que pendant un délai de six mois à compter de la publication de la décision dans un journal d'annonces légales du siège de la juridiction112. Cette mesure vise à éviter les inconvénients que présenterait la remise en cause tardive d'une annulation de la société113.

c) Conséquences de la nullité

Il s'agit plus exactement de s'interroger sur les effets que déploie la nullité lorsqu'elle est finalement prononcée car, l'actionnaire agissant en nullité défend sans aucun doute ses intérêts. A l'évidence, il faudra distinguer selon que la nullité prononcée concerne la société ou les actes sociaux.

Dans la première hypothèse et formalisant ainsi la théorie doctrinale et jurisprudentielle de la « société de fait » qui avait tout intérêt d'éviter les inconvénients de la rétroactivité des effets de la nullité appliquée à la société114, l'art. 253 de l'AUSC pose le principe selon lequel lorsque la nullité de la société est prononcée, elle met fin, sans rétroactivité, à l'exécution du contrat. Il est procédé à la dissolution et, pour ce qui concerne les sociétés pluripersonnelles, à leur liquidation.

A l'égard des tiers, l'art. 255 de l'AUSC précise que ni la société ni les associés ne peuvent se prévaloir d'une nullité à l'égard des tiers de bonne foi115. Dans

109 Cf. art. 75 AUSC.

110 Elles peuvent également se prononcer en faveur du demandeur de la nullité.

111 Celle-ci est définie comme une voie de recours tendant à faire rétracter ou réformer un jugement au profit d'un tiers
qui n'a été ni appelé ni représenté lors du procès. Cf. art. 217 du Code de procédure civile et commerciale camerounais

112 Cf. art. 252 AUSC.

113 GUYON (Y.), Droit des affaires, op. cit. n° 156 p. 164.

114 VIDAL (D.), Droit des sociétés, 4e éd., LGDJ, 2003, n° 277, p. 136.

115 On estime que sont dans ces conditions de bonne foi, les tiers qui ont cru à l'apparence de la régularité de la société.

la seconde hypothèse, l'acte ou la délibération ayant fait l'objet d'une décision d'annulation est anéanti. Il n'a donc pu produire aucun effet juridique. La délibération est censée ne pas avoir été prise; la modification des statuts est non avenue, et laisse subsister les précédentes dispositions statutaires, de sorte que l'actionnaire évincé se trouve rétabli dans ses droits. En application du droit commun des contrats, on doit admettre que sont également remis en cause tous les actes indivisiblement liés à celui qui se trouve annulé.

Sur les effets spécifiques de la nullité d'une fusion ou d'une scission, c'est l'art.254 de l'AUSC qui trouve à s'appliquer. Ainsi, la décision qui prononce la nullité d'une fusion ou d'une scission est sans effet sur les obligations nées à la charge ou au profit des sociétés auxquelles le ou les patrimoines sont transmis entre la date à laquelle prend effet la fusion ou la scission et celle de la publication de la décision prononçant la nullité. Dans le cas spécifique de la fusion, les sociétés ayant participé à l'opération sont solidairement responsables de l'exécution des obligations à la charge de la société absorbante. Il en est de même, dans le cas de la scission, de la société scindée, pour les obligations des sociétés auxquelles le patrimoine est transmis. En effet, chacune des sociétés auxquelles le patrimoine est transmis répond des obligations à sa charge nées entre la date de prise d'effet de la scission et celle de la publication de la décision prononçant la nullité.

On le voit bien, avec la nullité, la marge d'action des actionnaires est rigoureusement encadrée et limitée. Fort heureusement, il leur est reconnu une plus grande surface de manoeuvres pour exercer des actions en responsabilité en cas de besoin. La menace d'une responsabilité, même en cas de disparition de la cause de nullité, semble être la manière la plus efficace pour garantir la régularité des constitutions et des actes sociaux116, et partant, le respect des droits des actionnaires.

B- Les responsabilités découlant du déséquilibre des pouvoirs des actionnaires :
la responsabilité des coactionnaires fautifs

Les actionnaires peuvent être la cause même des difficultés de fonctionnement de la société par actions. Les sociétés de capitaux, la S.A. principalement, comprennent souvent des actionnaires qui se connaissent mal. Dans cette optique, elles sont peut être les plus exposées aux conflits entre actionnaires117 essentiellement

116 POUGOUE (P.G.), ANOUKAHA (F.) et NGUEBOU TOUKAM (J.), op. cit. , n° 72, p. 31.

117 GUYON (Y.), Droit des affaires, droit commercial général et sociétés, 8e éd., tome1, Economica, 1994, p. 455.

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intéressés par la multiplication de leurs placements118. D'où la nécessité de protéger mutuellement ces derniers. Au regard de cette entreprise, il est important de déterminer les fautes des uns et des autres susceptibles de sanction. Tâche qui nous conduit à opérer une distinction entre l'abus de majorité (1) et l'abus de minorité (2), l'abus d'égalité non seulement n'étant pas expressément envisagé par le législateur africain, mais encore est très rare sinon inexistant dans les sociétés de capitaux. Il s'agit en réalité d'une variété d'abus de minorité119. C'est pourquoi il ne sera pas retenu dans le cadre de cette étude.

1- L'abus de majorité

Lorsqu'une personne décide d'entrer dans un groupe, on attend d'elle qu'elle se soumette à la loi du groupe sans pour autant abdiquer complètement à ses droits. Dans une société commerciale, comme dans une démocratie, les décisions se prennent à la majorité, devant laquelle la minorité doit s'incliner ; c'est un gage d'efficacité par rapport au droit commun des contrats ou de l'indivision, lequel ne connaît que la règle de l'unanimité. La minorité n'est cependant pas livrée pieds et poings liés aux caprices de la majorité.

Les actionnaires minoritaires, en effet, sont souvent considérés comme un fardeau inutile, « un poids mort » par les actionnaires majoritaires d'entreprises, alors même qu'ils peuvent jouer un rôle essentiel dans la gouvernance et dans le succès global d'une entreprise, ainsi que dans le développement et la durabilité des marchés financiers. Le législateur OHADA l'a en tout état de cause compris, et a entendu le matérialiser via la sanction de l'abus de majorité. Mais que faut-il entendre par abus de majorité ?

Alors que le législateur français n'a pas consacré expressément cette mesure, le législateur africain a le mérite à la fois de l'avoir fait et d'avoir défini la notion. Ainsi, d'après l'art. 130 al. 2 de l'AUSC, « il y a abus de majorité lorsque les associés majoritaires ont voté une décision dans leur seul intérêt, contrairement aux intérêts des associés minoritaires, et que cette décision ne puisse être justifiée par l'intérêt de la société ». L'abus de majorité implique donc la réunion de deux éléments : la violation de l'intérêt social et la rupture d'égalité entre actionnaires.

118 En effet, les actionnaires minoritaires reprochent fréquemment aux majoritaires d'abuser de leurs droits et de gérer la société non dans l'intérêt de la société elle-même, mais dans leur intérêt personnel. Il y aurait donc un détournement de pouvoirs ou de fonction de la part des majoritaires. Mais les minoritaires ne sont pas en reste. En effet, face à la superbe des forts, il faut compter avec la tyrannie des faibles.

119 POUGOUE (P.G.), ANOUKAHA (F.) et NGUEBOU TOUKAM (J.), op. cit., n° 177, p. 77.

L'intérêt social apparaît comme un fait justificatif des atteintes au principe d'égalité entre actionnaires120. Le législateur n'a pourtant pas donné une définition exacte de ce concept. C'est la doctrine et surtout la jurisprudence qui ont, au gré des besoins, tenté de préciser les contours de la notion. Dans cette perspective, la doctrine est unanime à dire que l'intérêt social est distinct des intérêts des actionnaires. La personne morale, en effet, a des intérêts qui transcendent ceux des actionnaires L'intérêt social ne serait donc pas que la somme de intérêts individuels de tous les actionnaires qu'ils soient majoritaires ou minoritaires. C'est dans ce sens que BISSARA Philippe121 a donné une définition de l'intérêt social qui reflète le droit positif : « L'intérêt social peut ainsi se définir comme l'intérêt supérieur de la personne morale, c'est-à-dire de l'entreprise considérée comme un agent économique autonome poursuivant ses fins propres, distinctes notamment de celles de ses actionnaires, de ses salariés, de ses créanciers dont le fisc, de ses fournisseurs et de ses clients, mais qui est d'assurer la prospérité et la continuité de l'entreprise ».

Quant à la rupture d'égalité entre actionnaires, elle doit être recherchée dans l'objet des délibérations adoptées soit en assemblées ordinaires, soit en assemblées extraordinaires. Ainsi, il y a abus de majorité en cas de détournements de fonction, si la décision ne s'explique que par un intérêt égoïste contraire à l'intérêt social et aboutit à sacrifier les intérêts légitimes des minoritaires.

Signalons enfin qu'il ne saurait y avoir d'abus de majorité en dehors des décisions collectives. Cette dernière observation vaut pour l'abus de minorité.

2- L'abus de minorité

Il ressort, en effet, des dispositions de l'Acte uniforme sur le droit des sociétés commerciales que les actionnaires minoritaires peuvent engager leur responsabilité en cas d'abus de minorité. Il y a abus de minorité d'après l'art. 131 al. 2 de l'AUSC lorsqu'en exerçant leur vote, les actionnaires minoritaires s'opposent à ce que des décisions soient prises, alors qu'elles sont nécessitées par l'intérêt de la société et qu'ils ne peuvent justifier d'un intérêt légitime.

Cet abus consiste donc en un blocage injustifié du fonctionnement social. A l'évidence, les conditions sont quasi-identiques à celles de l'abus de majorité. C'està-dire une abstention de la minorité à favoriser l'intérêt général et un avantage escompté. C'est généralement le cas d'un actionnaire qui, par son refus de voter,

120 TOZWEN TEUKWA (R.F.), « Le principe d'égalité entre les associés en droit OHADA », Mémoire de DEA, Droit Communautaire et Comparé CEMAC, Uds., octobre 2000, p. 42.

124 BISSARA (PH.), L'intérêt social, Rev. Soc. 2001, p. 5, cité par TOZWEN TEUKWA (R.F.), op. cit., p. 43.

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bloque la société dans la prise d'une décision importante. D'après la cour de cassation française par exemple, un minoritaire se rend coupable d'abus si « son attitude a été contraire à l'intérêt général de la société, en ce qu'il aurait interdit la réalisation d'une opération essentielle pour celle-ci et dans l'unique dessein de favoriser ses propres intérêts, au détriment de l'ensemble des autres associés »122. Cela suppose donc une décision qui nécessite un quorum, que le groupe majoritaire ne peut atteindre tout seul.

La question se pose cependant de savoir s'il y a abus de minorité par le seul fait de l'opposition des minoritaires à l'adoption d'une mesure essentielle pour la société alors même que cette mesure a été adoptée en dépit de cette opposition. Le législateur n'en dit mot, seule la jurisprudence nous permet d'y répondre par la négative, l'opposition des actionnaires n'ayant produit aucun effet sur l'adoption de la délibération d'autant que l'action était postérieure à la délibération123.

Au total, l'abus de minorité pourrait être assimilé à un détournement de pouvoir commis par les actionnaires minoritaires.

Le déséquilibre des pouvoirs des actionnaires peut également s'étendre à leurs droits financiers. Il est, en effet, constant que la société commerciale est constituée dans l'intérêt commun des associés124. Cette prescription peut être violée par des actionnaires, ou par un groupe d'actionnaires. Les abus précédemment analysés ont des incidences sur les droits financiers de ces acteurs internes à la société. D'où la nécessité de s'attarder sur la nature de ces atteintes et sur leurs conséquences.

Tout d'abord, il ressort des articles 125, 283, 284, 288 de l'Acte uniforme que les décisions sont prises en assemblées à l'unanimité ou à la majorité, selon les cas, par tous les actionnaires réunis. Au cours de ces assemblées, les actionnaires majoritaires peuvent faire valoir leur poids démocratique dans l'unique dessein de s'octroyer l'essentiel des avantages financiers. Pourtant, la société est constituée dans l'intérêt commun des associés ; ces derniers sont tous supposés égaux en droits et obligations. Chacun des actionnaires doit participer au profit et aux pertes à hauteur de son apport, selon les termes même de l'art. 4 al. 2 de l'AUSC in fine. Constitue donc une faute, le déséquilibre de fait créé par ceux-ci.

122 Cass. com., 15 juill. 1992, Bull. civ. IV , n°279.

123 TGI du Mfoundi, jugement n° 205 du 12 janvier 2004, Aff. SNAC c/ MOUICHE. 127Cf. ici encore l'art. 4 AUSC.

Le bloc majoritaire représente une véritable menace pour les minoritaires. Cela est dû au fait qu'en vertu de l'art. 146 de l'AUSC les modalités de paiement des dividendes sont fixées par l'assemblée générale. Les décisions en assemblées générales faut-il le rappeler, obéissent à la formule majoritaire. La mauvaise foi avérée des majoritaires peut ainsi mettre en péril les intérêts financiers des minoritaires. Aussi, l'augmentation du capital social ne saurait entraîner une élévation des engagements de l'actionnaire sans son assentiment. De la même manière, le vote de la mise en réserve de tous les bénéfices ne saurait être fonction de la mauvaise foi des majoritaires mais bien de l'intérêt de la société.

Soulignons que les atteintes aux droits financiers sont très souvent l'oeuvre des majoritaires qui disposent de l'arme politique la plus importante, mais aussi la plus redoutable : le droit de vote. Les minoritaires dans ce contexte ne peuvent que recourir au juge pour le rétablissement du droit, ce qui n'est pas sans entraîner des conséquences.

En ce qui concerne les effets des atteintes aux droits financiers des actionnaires, il faut dire que la réaction des actionnaires minoritaires face à la mauvaise foi des majoritaires entraîne des répercussions négatives sur la société et l'environnement économique, notamment la dissolution de la société et/ou l'intervention accentuée du juge dans la société.

S'agissant de l'exercice de l'action en responsabilité contre les coactionnaires fautifs, ce dernier ne pose pas de difficultés majeures une fois que la faute est établie, étant donné que l'établissement de l'abus de majorité ou de minorité est généralement consécutif à un contrôle judiciaire par le biais d'une expertise de gestion.

L'annulation des actes faisant grief et la mise en cause des coactionnaires pour les fautes perpétrées en assemblées protègent ainsi les actionnaires de la mauvaise foi de leurs homologues, et lorsque ces mécanismes dits classiques ne parviennent pas à juguler la crise de sorte que la société puisse poursuivre son exploitation normale, d'autres sanctions entrent alors en jeu, notamment l'intervention d'un tiers.

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§2- LA SANCTION D'EXCEPTION OU LA MESURE DE GESTION DES
CRISES: L'INTERVENTION D'UN ADMINISTRATEUR PROVISOIRE

Les évènements qui peuvent perturber la vie d'une société, voire entraîner sa disparition, sont nombreux et variés125. Seuls seront envisagés ici, les incidents de fonctionnement internes, ayant le plus souvent à leur origine un conflit plus ou moins aigu entre actionnaires126.

Toutes les crises, heureusement, ne mènent pas à la solution extrême, c'est-àdire à la dissolution, et souvent l'intervention d'une tierce personne désignée par le juge entraîne une baisse des tensions et assure un retour à la sérénité127. La désignation d'un administrateur provisoire qui se substitue momentanément aux organes de direction est la mesure la plus radicale qui soit.

Mesure grave et exceptionnelle, elle n'est pas expressément prévue ni organisée par le droit de l'OHADA. Le législateur africain aurait pourtant trouvé là une occasion formidable pour innover et se démarquer de son homologue français, en matière de sécurisation des actionnaires128.

Cette institution suscite ainsi un abondant contentieux, concernant surtout les conditions (A) et la mission qui est confiée à l'administrateur provisoire (B).

A- Les conditions de nomination de l'administrateur provisoire

La nomination d'un administrateur provisoire ne se conçoit qu'en cas de crise grave mettant en péril la survie même de la société129. Elle relève en cela de l'assistance à personne en danger130 ; par delà les intérêts égoïstes des protagonistes, le juge se fonde sur l'intérêt social une fois de plus. Aussi, n'accède-t-il à la demande de nomination d'un administrateur provisoire qu'à la double condition que la preuve soit apportée d'une paralysie des organes sociaux (1) et d'un péril imminent (2).

125 Ils peuvent être extérieurs à l'entreprise (augmentatation brutale du prix des matières premières, récession...)
comme ils peuvent lui être propres (mauvaise gestion d'un dirigeant trop âgé, grèves répétées...) et provoquent

essentiellement des difficultés financières.

126 MERLE (PH.), op. cit., n° 573, p. 514.

127 COZIAN (M.), VIANDIER (A.) et DEBOISSY (Fl.), op. cit., n° 478, p. 177.

128 L'art. 516 de l'AUSC prévoit juste la désignation d'un mandataire judiciaire ad hoc chargé de convoquer

l'assemblée générale en cas de défaillance des organes sociaux.

129 La désignation d'administrateurs provisoires n'est pas propre au droit des sociétés commerciales ; on la rencontre dans toutes les institutions en cas de crise ; ainsi, le pape fait de même lorsque dans une abbaye en crise les religieux ne parviennent pas à élire un abbé accepté par tous.

130 Selon l'expression de COZIAN (M.), VIANDIER (A.) et DEBOISSY (Fl.), op. cit., ibidem.

1-L'exigence de paralysie des organes sociaux

La désignation d'un administrateur provisoire est indéniablement justifiée en cas de défaillance des organes sociaux. La société peut être paralysée par l'absence ou la défaillance des organes de gestion131. Dans la jurisprudence OHADA, si le conflit entre acteurs sociaux persiste et est de nature à paralyser le fonctionnement de la société, le juge peut nommer un administrateur provisoire132, à l'issue de l'examen préalable au fond des problèmes de la société133.

En revanche, les dissensions entre actionnaires, si violentes soient-elles ne justifient pas la désignation d'un administrateur provisoire tant que les organes sociaux fonctionnent normalement. C'est du moins la substance de la décision du juge de la Cour d'Appel d'Abidjan, dans l'affaire Société Négoce Afrique Côte d'Ivoire dite NACI-SA c/ la Société WIN SARL134. La Cour censure en ces termes :

« Il ressort des débats que le 23 octobre1997, MANUEL TERREN exerçant les fonctions de Directeur Général de la société NACI a tenu différents conseils d'Administration tel qu'il résulte de la production des procès verbaux de délibération, établis à cet effet ;

Dès lors, quand bien même l'effectivité d'un litige entre MANUEL TERREN et les autres associés de la société NACI, ne peut faire l'objet de contestation, il n'en demeure pas moins, qu'il n'a existé de fait, aucun blocage dans l'Administration et la gestion de ladite société ;

Ainsi, le Premier Juge, en ne fondant sa décision de nomination d'un Administrateur provisoire au sein de la société NACI, sur le seul fait que la dite mesure ne lésait aucune des parties au litige alors qu'il eut fallu rechercher en l'espèce, l'existence ou non, d'une paralysie dans le fonctionnement de ladite société, n'a donné de base légale à sa décision;

Il y a donc lieu d'infirmer l'ordonnance querellée ;

Statuant à nouveau, il convient de dire que la demande en nomination d'un administrateur provisoire de la société NACI n'est en l'état, nécessaire ; en sorte que les organes dirigeants de ladite société demeurent toujours en fonctions... ». C'est dire que le juge préfère dans pareille circonstance, laisser jouer les mécanismes sociétaires. L'administrateur provisoire n'est pas un arbitre chargé de trancher le

131 C'est l'hypothèse où tous les administrateurs ont démissionné et il s'avère impossible de recomposer le conseil. Il en

est de même lorsque le conseil ne peut plus fonctionner régulièrement par suite de mésentente entre administrateurs ou encore les actionnaires minoritaires et majoritaires se heurtent systématiquement, à un point tel qu'ils compromettent les intérêts sociaux.

132 Aff. Société Continentale des Pétroles et d'Investissements c/ Etat béninois précitée, p. 44.

133 Cotonou, n° 178, 30 sept. 1999, aff. DAMA KARAMATOU IBUKUNLE c/ Société CODA BENIN et quatre autres.

134 V. supra, p. 44, Abidjan, n° 258, 25 févr. 2000.

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moindre conflit opposant minoritaire et majoritaire. Cette dernière proposition doit cependant être nuancée ; de plus en plus, dans la jurisprudence française, les minoritaires sollicitent la désignation d'un administrateur provisoire alors même que les organes en place ne sont en rien paralysés ; certains juges du fond accèdent à leur demande si l'intérêt social est gravement menacé135. C'est évoquer la deuxième condition qu'est le péril imminent.

2-Nécessité d'un péril imminent

La paralysie des organes sociaux doit entraîner un péril imminent. C'est seulement lorsque la société est exposée à un péril certain et imminent que le juge accepte d'intervenir au nom de l'intérêt social. Si le risque évoqué est simplement éventuel, la demande n'est pas recevable. La situation est plus embarrassante lorsque le préjudice, sans être actuel, risque de se réaliser si aucune mesure d'urgence n'est prise. Ainsi, certains tribunaux sont favorables à la désignation de l'administrateur provisoire à titre préventif pour juguler un péril à venir136.

L'intervention d'un administrateur provisoire est une mesure opportune de protection des actionnaires. Le juge assure ainsi la continuité de l'exploitation en dépit des divergences existant entre les principaux intéressés. La désignation, en effet, d'un mandataire ad hoc emporte dessaisissement total ou partiel des organes de direction en fonction de la mission fixée par le juge ; elle constitue donc une mesure grave qui ne peut se justifier que par des circonstances graves perturbant le fonctionnement normal de la société ; il appartient dans cette optique au juge saisi de motiver sa décision en précisant en quoi la mésentente entre actionnaires paralyse l'organe de direction ou met en péril la société elle-même137.

La paralysie des organes sociaux avérée et l'imminence du péril observée, le juge assigne à l'administrateur provisoire des missions spécifiques.

135 ROUEN, 25 sept. 1969 : JCP, 1970, 16219, note GUYON (Y.), sur l'affaire pittoresque dans laquelle les charmes d'une secrétaire ont entraîné une grave crise sociale.

136 par exemple les graves conséquences que l'annulation prévisible de la désignation des dirigeants ne manquera pas

d'entraîner pour la société et par ricochet pour les actionnaires. Tel est la quintessence de l'arrêt français FruchaufFrance.

137 FENEON (A.), « La mésentente entre associés dans les sociétés anonymes OHADA, prévention et modes de règlement », Penant, juill.-sept. 2004, p. 273.

B- Les missions de l'administrateur provisoire

L'administrateur provisoire va se substituer temporairement aux dirigeants en place, voire aux dirigeants des sociétés du groupe138. Il appartient à la décision qui le nomme de délimiter l'étendue de ses pouvoirs139. Il lui revient de prendre d'urgence les mesures nécessaires pour conjurer les dangers menaçant la société. Il doit également s'occuper de sa gestion quotidienne, ce qui englobe à l'évidence les actes conservatoires.

La gestion de la société mettant en exergue les actes de disposition et les actes conservatoires, la question se pose alors de savoir si l'administrateur provisoire peut prendre des actes de disposition engageant l'avenir de la société. La jurisprudence française adopte une position nuancée. Ainsi, tout dépend de ce que commande l'intérêt social. Par exemple, un administrateur a pu donner le fonds de commerce de la société en location dès lors que cette situation permettait de résorber le passif social et de faire face aux échéances140. De même, l'administrateur désigné par l'autorité judiciaire est, selon la Cour de cassation, investi de tous les pouvoirs conférés par la loi à un dirigeant social141.

Mais l'administrateur provisoire ne pourrait également n'être doté que de pouvoirs limités142. Il ne saurait, par exemple prendre des décisions qui relèveraient de la compétence des assemblées, telle la dissolution de la société. On ne doit pas oublier qu'il est avant tout chargé de dénouer une crise et n'est qu'un dirigeant « provisoire ». C'est pourquoi il doit être particulièrement prudent s'il a à effectuer des actes de disposition engageant de façon irrémédiable la société, d'autant que souvent il connait encore mal l'entreprise à la tête de laquelle il a été nommé. Dans le doute, il a tout intérêt à se faire spécialement autoriser par l'autorité judiciaire qui l'a désigné.

Dans tous les cas, l'administrateur provisoire doit accomplir certains actes pour remédier à la situation de crise qui prévaut dans l'entreprise. A l'évidence, des zones d'ombre subsistent sur sa mission . Aussi, une intervention législative nous semble opportune et nécessaire pour aménager cette institution dans l'espace OHADA, car les mesures consacrées présentent d'énormes failles mettant ainsi en péril les droits des actionnaires.

138 Cass. com., 5 févr. 1985 : JCP E 1985, II, note A. VIANDIER.

139 Par exemple « gérer et administrer la société avec les pouvoirs les plus étendus selon les lois et usages du commerce » ou « pouvoirs les plus étendus attribués au président du conseil (et au conseil d'administration).

140 Aix-en-Provence, 2 juill. 1982, RJ com. 1983, p. 369, note PH. DELEBECQUE.

141 Com., 6 mai 1986, Rev. soc. 1987, p. 286, note Y. GUYON.

142 MERLE (PH.), op. cit., n° 576, p. 517.

CHAPITRE II :

LES LIMITES A UNE EXPRESSION SIGNIFICATIVE DES
DROITS DES ACTIONNAIRES

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La consécration d'un ensemble considérable de mesures protectrices des prérogatives des actionnaires est indéniablement un pas fort louable dans les objectifs d'attraction des investissements et de la compétitivité des économies africaines. Pourtant, en l'état actuel de ce droit, de nombreuses zones d'ombre subsistent sur l'efficacité de la protection des droits des actionnaires en assemblées. Effet, il existe de nombreuses difficultés qui ne permettent pas à ces derniers d'assurer la plénitude de leurs prérogatives.

Dans ces conditions, il convient de mettre en relief les différents obstacles se dressant sur le chemin des actionnaires (Section 1), afin de mieux les combattre (Section 2).

SECTION I- LES DIFFICULTES D'EXERCICE DES DROITS DES
ACTIONNAIRES EN ASSEMBLEES

Seul un contrôle effectif, prompt, constant et efficace peut conduire à une protection réelle et absolue des actionnaires. Or tel n'est pas souvent le cas. En effet, les intéressés sont pour la plupart du temps exposés à de nombreux obstacles dont certains constituent, soit des limites normatives, soit des limites factuelles. Mais l'essentiel des difficultés d'exercice des droits des actionnaires en assemblées se rapporte à la faiblesse de la participation (§1) et de la représentation (§2) des actionnaires.

§1- LES LIMITES RELATIVES A LA FAIBLESSE DE PARTICIPATION
DES ACTIONNAIRES AUX ASSEMBLEES

Signalons dès l'abord qu'il s'agit de la participation des actionnaires aux décisions collectives telles que rendues obligatoires par l'art. 125 de l'AUSC143. Pour ce faire, ceux-ci doivent se regrouper au sein des « assemblées » où ils vont effectivement exercer leurs prérogatives de contrôle et de haute gestion144. Le problème naît de ce que la législation OHADA n'a retenu comme mode de prise de décisions collectives que la présence effective ou la représentation aux assemblées. Pourtant, l'institution d'un vote par correspondance pourrait renforcer les droits des actionnaires (A). De même, l'indifférence vis-à-vis des moyens de télécommunications constitue à notre sens, une sérieuse limite à cette expression (B).

A- L'absence de vote par correspondance

Le vote est le fondement même de la démocratie dans toute société - commerciale ou non -, et comme tel, constitue une arme absolue entre les mains de l'actionnaire dans sa participation à la gestion et au contrôle des organes de direction de la société commerciale. Prérogative d'ordre public en droit OHADA, ce droit est la pierre de touche de la « citoyenneté », des membres du groupement145 ; « l'une des vaches sacrée du droit des sociétés146 ». Le législateur a, à priori, voulu en faire un élément fondamental, mais semble être resté à mi-chemin de son oeuvre, contrairement à son homologue français.

Afin de faciliter, en effet, la participation des actionnaires à la vie de la société et pour mieux lutter contre les effets néfastes de l'absentéisme147, le législateur français a consacré le vote par correspondance dans la loi du 03 janvier 1983 relative au développement des investissements et à la protection de l'épargne148. Il s'agit désormais de permettre aux actionnaires qui ne peuvent pas physiquement assister à l'assemblée d'y envoyer leur vote par la poste ou par tout autre moyen, de préférence, laissant trace écrite. Le droit OHADA est resté en marge de cette évolution, même si

143 Cet article dispose en effet, que « Sauf disposition contraire du présent Acte Uniforme, tout associé a le droit de participer aux décisions collectives. Toute clause statutaire contraire est réputée non écrite ».

144 GUYON Y. , Droit des affaires, op. cit., n 300, p. 295.

145 ALFANDARI E., Droit des affaires, les cadres généraux, l'entreprise, les activités, Litec, 1993, n 328, p. 234.

146 VIANDIER A., cité par MERLE PH., op. cit., n 506, p. 271.

147 KAGOU KENNA (P.H.), « La représentation des actionnaires dans les sociétés commerciales OHADA »., Mémoire de DEA, Droit Communautaire et Comparé CEMAC, UDS, avril 2007, p. 29.

148 Rappelons que ce droit était absent des dispositions de la loi du 24 juillet 1867 sur les sociétés.

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une lecture hâtive pourrait laisser penser qu'il a été consacré dans ce droit le vote par correspondance.

Aux termes de l'art. 133 de l'AUSC, en effet, « Dans les conditions propres à chaque forme de société, les décisions collectives peuvent être prises en assemblée générale ou par correspondance ». En réalité, le terme correspondance ici renvoie à notre sens, à une autre modalité de prise de décision différente de l'assemblée des actionnaires et non pas une modalité de participation aux assemblées. D'ailleurs, cette position est clairement exprimée par une doctrine à laquelle nous adhérons et d'après laquelle, « il n'a pas été institué de vote par correspondance » dans les S.A.149

Conséquence, les droits des actionnaires sont inéluctablement amenuisés. Toutefois, le droit des affaires fait la part belle à la pratique et il est utile de noter que les actionnaires peuvent bien envoyer leurs opinions sur les résolutions par poste, bien que l'on puisse douter de leur arrivée à temps à la société, c'est-à-dire avant la tenue de l'assemblée. Par ailleurs, on peut tout aussi se demander s'il est bénéfique pour ces derniers que le vote par correspondance soit consacré. Assurément, cette modalité de vote est un palliatif à la représentation des actionnaires, et partant, un remède à leur absentéisme aux assemblées150. En outre, il présenterait l'avantage d'être simple et pratique, car l'actionnaire n'a pas à chercher un mandataire qui accepte de voter dans le sens qu'il souhaite ; il remplit simplement un formulaire et le retourne à la société.

A cette lacune, l'on peut ajouter les difficultés relatives à l'indifférence des actionnaires vis-à-vis des TIC.

B- L'indifférence des actionnaires vis-à-vis des TIC151

Droit moderne, les rédacteurs du Traité OHADA et de ses Actes uniformes ont entendu épouser tous les contours des exigences du monde des affaires, afin d'inciter les investissements. Toutefois, à la lecture de ces instruments juridiques, il semble que le législateur OHADA soit resté à mi-chemin de son entreprise. Sinon, comment expliquer qu'il ait fait fi d'éléments aussi importants et essentiellement porteurs du développement des activités économiques comme les technologies de l'information et de la communication? Nous pensons qu'il s'agit bien là d'un oubli de la part du législateur et qu'à l'occasion, il n'hésitera pas à se rattraper.

149 Selon les auteurs POUGOUEP.G., ANOUKAHA F. et NGEUBOU TOUKAM J., op. cit., n 286, p. 130.

150 KAGOU KENNA P.H., op. cit., ibidem. A l'opposé de la législation française qui n'admet que le conjoint ou un autre actionnaire en excluant un tiers étranger à la société, l'assemblée n'ayant pas un caractère public.

151 Nouvelles technologies de l'information et de la communication.

Néanmoins, il s'agit de démontrer que, face à la complexité actuelle des modalités de représentation des actionnaires, le législateur OHADA n'a pas pensé à des mécanismes plus souples. Pourtant, les TIC présentent un avantage indéniable, notamment la facilitation des échanges. En France, par exemple, Internet a, dans la représentation des actionnaires, considérablement développé et rendu fluide l'information et le vote des actionnaires en assemblées générales152. Il a surtout permis le vote des non-résidents, qui détiennent une part importante, 35 à 40% de la capitalisation boursière. Certes la question ne s'est pas encore posée dans l'espace OHADA, mais est-ce une raison suffisante pour justifier son absence ? Autrement dit, faut-il attendre que les difficultés naissent avant de les combattre alors même qu'il est possible de les éviter ? A notre sens, une anticipation de la part du législateur aurait été satisfaisante, surtout lorsqu'on a présent à l'esprit que la représentation des actionnaires n'est-elle-même pas à l'abri de critiques.

§2- LES ENTORSES RELATIVES A LA REPRESENTATION DES
ACTIONNAIRES

Il ne fait pas de doute que les modalités de participation des actionnaires au sein des assemblées sont variées. Toutefois, il est traditionnel que l'actionnaire participe lui-même à celles-ci, et la difficulté provient de ce qu'il peut arriver qu'il ne puisse

pas être présent au sein de l'assemblée générale et souhaiter se faire représenter. D'oül'existence de nombreux obstacles dûs à l'état actuel du droit OHADA (A). Il ne faut

pas non plus sous-estimer l'isolement des actionnaires mûs par une certaine passivité (B).

A- Les difficultés de représentation par le conjoint ou par tout autre actionnaire

Des dispositions de l'art. 538 de l'AUSC, <<Tout actionnaire peut se faire représenter par un mandataire de son choix ». Il faut entendre cet article dans son sens large, car l'actionnaire peut aussi bien se faire représenter par un autre actionnaire, que par son conjoint ou toute autre personne étrangère153.

Mais le droit OHADA est resté très prudent et presque hostile à l'égard de la représentation. Signalons d'emblée qu'il n'est pas prévu la faculté de joindre une formule de procuration aux documents envoyés aux actionnaires quelques jours avant

152 BISSARA (P.), << L'utilisation des moyens de télécommunication et les assemblées générales d'actionnaires », Rapport d'un groupe de travail de l'ANSA, www.ansa.asso.fr

153 A l'opposé de la législation française qui n'admet que le conjoint ou un autre actionnaire en excluant un tiers étranger à la société, l'assemblée n'ayant pas un caractère public.

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l'assemblée. Certes, le vote expose la société à des charges financières supplémentaires, mais l'intérêt des actionnaires est rehaussé. Aussi, le législateur OHADA fait-il montre d'une sorte de défiance à l'égard du conjoint de l'actionnaire,(1) , et même en acceptant la représentation de l'actionnaire par un autre, celle-ci n'est pas à l'abri de difficultés(2).

1- La défiance à l'égard du conjoint

D'après le droit commun des contrats, un conjoint peut valablement donner mandat à l'autre à l'effet de le représenter dans l'exercice des pouvoirs que lui accorde le régime matrimonial154. La possibilité est largement admise en droit des sociétés commerciales ; d'ailleurs, d'après la loi française de 1867, il est acquis que l'actionnaire puisse se faire représenter aux assemblées générales par son conjoint. L'objectif étant d'accroitre le degré de participation aux assemblées.

Seulement, les actionnaires semblent très peu enclins à adopter ce mode de représentation. Le fait n'est pas surprenant si l'on fait une brève incursion dans le droit des régimes matrimoniaux au Cameroun, où le mari a tous les pouvoirs, et rechigne le plus souvent à en concéder une partie à son conjoint. La femme se trouve ainsi très éloignée de ses affaires. Le constat est que ce mode de représentation, marginalisé, pourrait pourtant contribuer à accroitre l'intérêt des actionnaires au sein de la société.

2- Les difficultés de représentation par un actionnaire

Des dispositions de l'art. 538 précité, il ressort que tout actionnaire peut se faire représenter par un mandataire de son choix ; et que tout actionnaire peut recevoir les pouvoirs émis par d'autres actionnaires, en vue d'être représenté à une assemblée, sans autre limite que celle résultant des dispositions légales ou statutaires fixant le nombre de voix dont peut disposer une même personne, tant en son nom personnel que comme mandataire. C'est dire que l'actionnaire a le libre choix de son mandataire, et on leur applique le droit commun du contrat de mandat. Mais les choses se passent rarement ainsi, au moins dans les sociétés qui font appel public à l'épargne.

Premièrement, les actionnaires qui ne se connaissent pas ne peuvent se mettre en rapport les uns avec les autres pour trouver celui qui assistera en personne à

l'assemblée. Autrement dit, la réelle difficulté pour l'actionnaire réside dans le fait de trouver un autre qui accepte de le représenter à l'assemblée, la libre transmissibilité des actions permettant que celles-ci changent de propriétaire au gré des fluctuations du marché ou tout simplement de la volonté de l'actionnaire. En outre, l'actionnariat peut également être dispersé dans tout le pays, et il devient alors impossible, sinon très difficile de trouver un actionnaire ; même dans ce cas, encore faudrait-il que ce

dernier accepte de voter dans le sens voulu par le mandant155, car on ne saurait exiger d'une personne qu'elle accepte de représenter une autre surtout lorsqu'elle entend voter différemment sur les questions de l'ordre du jour.

Une autre difficulté résiderait dans l'inaptitude de l'actionnaire représentant à accéder en son nom propre à l'assemblée156. Et la doctrine n'est pas unanime à ce sujet157. Pourtant, l'on doit admettre qu'il serait opportun de reconnaître que la régularité des actes faits par un mandataire s'apprécie eu égard à la capacité du mandant et non du mandataire, ce selon l'esprit même du droit commun du contrat de mandat, car ce dernier ne fait pas valoir ses propres actions mais se limite à agir au nom et pour le compte du mandant.

On signalera enfin le caractère vague et incertain des autres mandataires visés par l'Acte uniforme dans son art. 538. Même si cette position peut se comprendre dans la mesure où, en fait de représentation, il n'est pas question ni souhaitable de multiplier au sein du conseil des représentants de telle ou telle catégorie d'intérêts spécifiques : d'une part parce que le conseil risquerait d'être le champ clos d'affrontements d'intérêts particuliers au lieu de représenter collectivement l'ensemble des actionnaires et d'autre part parce que la présence d'administrateurs indépendants est un gage suffisant de ce que tous les intérêts susceptibles d'être pris en compte l'auront été.

B- L'isolement des actionnaires

Le législateur de l'OHADA a conçu la société de capitaux comme un véritable Etat démocratique observant le principe de séparation des pouvoirs158.

154 MALAURIE P. et AYNES L. , Régimes matrimoniaux, cités par KAGOU KENNA P. H., op. cit., p. 16.

155 KAGOU KENNA (P.), op. cit. p. 18.

156 Tel sera le cas lorsque les statuts exigent, par exemple, un certain nombre d'actions pour accéder à une assemblée générale ordinaire.

157 HEMARD, TERRE, MABILAT : Sociétés commerciales, cités par MERCADAL (B.), JANIN (P.), op. cit., n° 1825, p. 556.

158 Le principe de la séparation des pouvoirs développé tour à tour par John LOCKE et MONTESQUIEU postule une indépendance et une égalité entre les différents organes de la société : l'organe délibérant, l'organe exécutif et l'organe de contrôle, afin d'éviter toute concentration du pouvoir, annonciatrice de la mort des droits.

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Aussi, l'assemblée générale des actionnaires détient-elle la souveraineté : elle nomme, contrôle et révoque les administrateurs. Le conseil d'administration, organe exécutif, doit rendre compte de sa gestion au moins deux (02) fois l'an. Pour exercer utilement leur droit de contrôle, les actionnaires peuvent, avant la tenue de l'assemblée, exiger des explications, et si celles-ci paraissent insuffisantes, solliciter une expertise de gestion.

Mais ce système, équilibré sur le papier, s'avère en pratique étrangement modifié. D'une part, le choix des administrateurs échappe aux actionnaires : les premiers se confondent avec les fondateurs. Sans doute ils devront être confirmés par l'assemblée constitutive; mais comment les membres de cette assemblée pourraientils avoir seulement l'idée de leur refuser confiance ?159 D'autre part, si le choix des administrateurs échappe ainsi aux actionnaires, ces derniers ne peuvent pas exercer avec efficacité leur droit de contrôle, ni celui de vote. L'actionnaire isolé n'a, en effet, ni le temps ni la capacité, encore moins le goût de vérifier quoique ce soit. Il ne vient que très rarement à l'assemblée. Cela est d'autant vrai que le local où doit se tenir l'assemblée, serait notoirement insuffisant à contenir fût-ce le quart des actionnaires convoqués, surtout lorsque la société fait appel public à l'épargne.

Cet absentéisme des actionnaires aux assemblées générales est si fréquent que pour y remédier, les sociétés envoient en même temps que les convocations un pouvoir en blanc à signer d'avance, et allouent même souvent un jeton de présence, pour obtenir soit le retour du pouvoir signé, soit la présence effective de l'actionnaire à la réunion160.

On peut souligner en outre au sujet de leur droit de vote que, dans les entreprises importantes, les actionnaires, nombreux et isolés, ne se sentent guère impliqués par la marche de la société car, ils ne disposent individuellement que d'un nombre de voix insuffisant pour influencer le vote. Ils préfèrent donc s'absenter et renoncer tout simplement à ce droit. Parfois même, notamment dans les sociétés cotées en bourse, ils ignorent l'activité de la société. Ils ont acquis quelques titres uniquement pour faire un placement. Pour finir, beaucoup ne viennent pas aux assemblées et ne s'y font même pas représenter.

Si l'on peut observer qu'on ne peut protéger utilement celui qui ne veut se protéger lui-même, force est de constater que cet état d'isolement et d'absentéisme est en partie imputable au caractère non incitatif de la législation OHADA, qui n'offre pas un cadre absolument propice à l'épanouissement des actionnaires. Ce qui justifie à suffisance une intervention urgente et correctrice du législateur.

159 PERROUD (J.), « La condition de l'actionnaire », Mélanges Georges RIPERT, Tome 2, p. 320.

160 PERROUD (J.), op. cit. p.321.

SECTION II- LES MESURES CORRECTRICES

Si l'on admet que l'absence de vote par correspondance et l'indifférence des TIC constituent des obstacles à une protection efficiente, une première mesure palliative devrait être la prise en compte de ces anomalies de telle enseigne que l'internet161 puisse conduire dans les pays membres, à la construction d'une société commerciale de l'information et du renforcement du contrôle actionnarial du pouvoir.

Au-delà de ces premières mesures, il en existe de plus optimales, à savoir, la question des associations d'actionnaires l'opportunité d'un marché des droits de vote (§1), ainsi que l'effectivité du rôle des organes de contrôle et des assemblées (§2).

§1- LA QUESTION DES ASSOCIATIONS D'ACTIONNAIRES ET LA
CREATION D'UN MARCHE DE DROITS DE VOTE

A une époque où le monde est frappé par une crise financière sans précédent et où la crise économique refait surface, il n'est pas toujours aisé pour les actionnaires d'agir séparément pour la défense de leurs intérêts sans cesse en péril. D'où la nécessité pour ces derniers de trouver des cadres de regroupements pour la défense de leurs intérêts collectifs (A). Un autre point d'intérêt peut tout aussi consister en la dissociation du droit de vote de l'action (B).

A- La question des associations d'actions d'actionnaires

Si l'on peut rétorquer d'emblée que la question ne s'est pas encore posée dans l'espace OHADA, cela n'enlève rien à la pertinence d'un tel regroupement devant favoriser l'expression complète des droits des actionnaires.

Historiquement, les associations ont une origine contentieuse. Elles se sont constituées pour défendre les intérêts des porteurs d'actions ou d'autres catégories de titres sous forme d'associations de défense162. La pratique prend naissance aux Etats unis et s'étend en France où elle constitue un mode de protection de la minorité.

161 Jadis un bien élitiste, est passé à une échelle de grande consommation. Cette origine ancienne est liée aux emprunts internationaux émis pour financer de grands travaux, à l'occasion desquels les porteurs de titres non remboursés se sont regroupés pour une meilleure représentation de leurs intérêts auprès des pouvoirs publics.

162 Cette origine ancienne est liée aux emprunts internationaux émis pour financer de grands travaux, à l'occasion desquels les porteurs de titres non remboursés se sont regroupés pour une meilleure représentation de leurs intérêts auprès des pouvoirs publics.

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Pourtant, si cette pratique est clairement consacrée par la législation française dont s'est fortement inspirée la législation de l'OHADA, il est à notre sens assez incompréhensible qu'elle n'ait pu trouver application dans cette dernière au regard de ses nombreux atouts. En effet, les associations agissent plus facilement que les actionnaires pris individuellement et constituent un sérieux contrepoids aux abus divers.

En l'absence d'une consécration expresse du législateur OHADA de cette pratique, la lecture de certaines dispositions de l'Acte uniforme163renvoyant vaguement à la possibilité de se réunir sans qu'aucune mention ne soit élaborée sur une forme juridique quelconque de cette collaboration, il revenait à la jurisprudence de se prononcer. Après quelques moments d'hésitation et d'hostilité164, elle a fini par se raviser et a suppléé le législateur, notamment dans l'affaire le «club des actionnaires de la SONATEL »165oÜ, passant outre les questions de fond, la juridiction présidentielle a déclaré recevable l'action de l'association susmentionnée après avoir précisé les conditions que doit remplir une association d'actionnaires pour être justiciable. Le juge décide en ces termes : « L'action initiée par les actionnaires d'une société, regroupés au sein d'une association ayant satisfait à toutes les exigences légales, dénommée club des actionnaires, doit être déclarée recevable ».

L'on retiendra de cette décision que la question de la recevabilité de l'action d'une association d'actionnaires dans l'espace OHADA ayant satisfait aux exigences légales semble désormais acquise. Reste cependant que les conditions de constitution de ces associations sont assez contraignantes, pourtant le recours à cette dernière présente un intérêt certain. Le législateur devra par conséquent assouplir les conditions de constitution de ces associations166.

On ne peut toutefois occulter le fait que les associations d'actionnaires doivent être admises avec prudence et circonspection : il n'est pas question de retomber dans les abus constatés aux Etats unis167. Il est aussi question d'éviter en même temps les

163 D'après l'art. 159 dudit Acte << Un ou plusieurs associés peuvent (...) soit en se regroupant sous quelque forme que ce soit », et l'art. 548 consacre la possibilité de regroupement de plusieurs actionnaires pour atteindre un minimum prévu par les statuts, notamment lorsque ceux-ci exigent un nombre minimal d'actions pour ouvrir le droit de participer aux assemblées générales ordinaires.

164 Il faut dire, en effet, que la jurisprudence africaine faisait montre d'une hostilité particulière face à cette mesure, surtout en l'absence d'une consécration expresse par les textes.

165 Dans cette espèce, les actionnaires réunis au sein d'une association, le <<club des actionnaires de la SONATEL (Société nationale des Télécommunications) », ont saisi le juge des référés afin d'ordonner à la SONATEL la communication de l'état certifié par les Commissaires aux comptes des rémunérations des dix (10) dirigeants sociaux et salariés les mieux rémunérés, la mise en harmonie des statuts et enfin l'ouverture des négociations en vue de désigner le représentant du groupe de petits porteurs au conseil d'administration.

166 En France, en raison des scandales financiers, il suffit aujourd'hui qu'une association soit composée de deux cents membres au lieu de mille pour qu'elle puisse agir en justice et l'agrément est facilité puisque la condition d'ancienneté est portée de deux ans à six mois.

167 L'admission large de cette faculté avait, en effet, donné lieu à des chantages et à des actions en justice abusives.

chantages et poursuites excessives qui dissuadent les dirigeants de prendre le moindre risque tout en stimulant les organes de contrôle et des assemblées d'actionnaires à plus de ténacité dans leurs rôles respectifs.

B- Les avantages d'une dissociation du droit de vote de l'action : l'institution
d'un marché des droits de vote

C'est une lapalissade que de dire que nombre d'actionnaires n'ont pas le temps nécessaire encore moins le désir de s'intéresser à la bonne marche l'entreprise dans laquelle ils ont fait des placements. Ils n'attendent que la fin des exercices pour prétendre à quelques droits, notamment aspirer aux dividendes ou au partage des bénéfices réalisés par la société. Or, le contrôle de la gestion de la société peut présenter d'énormes intérêts sur la consistance des droits financiers à repartir entre tous les actionnaires en fin d'exercice.

Il est alors indiqué, pour les actionnaires qui n'entendent pas avoir un droit de regard sur la société, de pouvoir céder leurs droits politiques et conserver ceux financiers, même si à priori, l'on pourrait se demander quel est la substance d'un droit de vote sans action. A notre sens, il faut créer un véritable marché des droits de vote, lequel pourra opérer une dissociation entre le droit de vote à céder par l'actionnaire, de l'action conservée par ce dernier, afin de tirer tous les avantages liés à cette prérogative. De façon concrète, il sera question de confier à certains actionnaires qui en éprouvent le besoin ou qui émettent le souhait d'assurer le contrôle des actes sociaux, un véritable droit de contrôle, assorti au besoin d'une contrepartie due par le cédant du droit. Cela participera en tout état de cause, à renforcer le rôle de certains organes sociaux qui on progressivement abandonné leur rôle au sein de la société.

§2- L'EFFECTIVITE DU ROLE DES ORGANES SOCIAUX

Il s'agit en réalité, du grand débat du gouvernement d'entreprise. En effet, pour une protection effective et efficace des actionnaires, il est important de souligner que certains organes sociaux, notamment les organes de délibération et de contrôle, dont le rôle est de garantir la sécurité à la fois des actionnaires et de la société, se sont montrés défaillants et ont progressivement abandonné leurs missions - volontairement ou par complaisance-.

55

S'agissant d'abord des organes délibérants, il n'est point permis de douter que l'assemblée générale est un organe souverain ; elle est l'organe supérieur de la société, à s'en tenir aux principes168. Seulement, on assiste aujourd'hui à sa décadence; sa fonction s'est considérablement usurpée. TUNC169faisait déjà remarquer l'inefficacité de l'assemblée des actionnaires. Pour un souverain, c'est un Roi fainéant, poursuit l'auteur, puisqu'il ne travaille que quelques heures par an. A l'analyse donc, la prééminence de l'assemblée est plus théorique qu'effective.

Il nous est permis de penser que, pour reprendre ses lettres de noblesse, l'organe délibérant doit prendre à bras le corps ses fonctions et les exercer dans l'intérêt aussi bien de la société que dans celui des actionnaires.

Quant aux organes de contrôle, hormis le fait que les actionnaires exercent déjà dans la société un contrôle, il est question de s'arrêter sur celui exercé par un organe externe tenu de conduire sa mission indépendamment des assemblées générales et des dirigeants sociaux. Malheureusement, les commissaires aux comptes, puisqu'il s'agit d'eux, ont très souvent fermé les yeux sur les multiples malversations financières dont se rendent fréquemment coupables les dirigeants sociaux. Dans la plupart des hypothèses, cette sorte d'aveuglement est volontaire et coupable. Comment, dans ces conditions, prétendre à une sécurité effective et efficace des actionnaires ?

Les organes de contrôle doivent donc oeuvrer pour protéger les actionnaires, car c'est en partie grâce à eux qu'ils ont du travail: en l'absence de sociétés, les commissaires n'auraient où officier. Il est alors dans leur intérêt propre aussi que les actionnaires se sentent en confiance dans la société.

168 C'est elle qui prend les décisions dépassant la gestion quotidienne ; c'est elle qui a seule compétence pour modifier les statuts ; c'est encore elle qui désigne des organes sociaux et qui met fin à leurs fonctions. 168 TUNC (A.), Le droit anglais des sociétés anonymes, 2e éd., Dalloz, 1978, n° 118, p.178.

169 TUNC (A.), Le droit anglais des sociétés anonymes, 2e éd., Dalloz, 1978, n° 118, p.178.

CONCLUSION PREMIÈRE PARTIE

Le droit OHADA est fortement soucieux de sécuriser les prérogatives des actionnaires. Par cette protection hautement aménagée, il est question de préserver et sauvegarder jalousement le tissu économique ; de sécuriser et favoriser les investissements pour une plus grande compétitivité des Etats membres de l'organisation, dans un contexte de libéralisme économique irréversible.

Pour y parvenir, le législateur africain a mis à la faveur des actionnaires un ensemble de mécanismes importants devant assurer leur épanouissement lors des assemblées, pour l'essentiel récupérés des normes et de la jurisprudence françaises. Mais le droit OHADA a également fait montre d'originalité et d'audace, en procédant à des modifications et à des innovations somme toute satisfaisantes.

L'entreprise du législateur communautaire ne s'est pas limitée à consacrer

un ensemble disséminé de mesures protectrices des actionnaires à l'assemblée générale; ce dernier s'est préoccupé davantage à étoffer cette protection vis-à-vis des actes de gestion de la société.

DEUXIEME PARTIE :

PROTECTION DES ACTIONNAIRES CONTRE LES ACTES DE
GESTION

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La consécration d'un ensemble considérable de mesures protectrices des prérogatives des actionnaires au cours des assemblées est indéniablement un pas fort louable dans les objectifs d'attraction des investissements et de la compétitivité des économies africaines. Cependant, afin de donner une expression complète et concrète à ces mesures, le législateur OHADA offre aux actionnaires de multiples possibilités de s'attaquer aux actes de gestion passés en violation de leurs droits, car c'est au quotidien que les droits de ces derniers sont le plus exposés à des incartades.

La gestion de la société met au premier plan les administrateurs de la société, mais elle peut et doit d'ailleurs impliquer l'organe externe chargé de veiller à une gestion saine de sorte qu'un contrôle de complaisance puisse engager sa responsabilité (Chapitre I).

Si l'étendue des mesures civiles de protection contre les actes de gestion et de contrôle témoigne d'une volonté univoque de protection des actionnaires, reste que la mise en oeuvre des mécanismes y afférents risque de se heurter à de nombreux écueils (Chapitre II).

CHAPITRE I :

PROTECTION CONTRE LES ACTES DE GESTION ET LES CONTROLES
DEFAILLANTS

Les activités de la société commerciale sont conduites par un ensemble de personnes appelées dirigeants, représentant les actionnaires, sans pour autant en être les mandataires. La conduite par ces dirigeants ou par un groupe majoritaire, des affaires de l'entreprise peut ne pas être au gout de tous les acteurs sociaux et susciter dès lors chez eux un sentiment de méfiance ; ce qui implique à coup sur un droit de regard et d'appréciation de cette gestion de leur part. De même, la prospérité d'une société étant tributaire de la transparence dans sa gestion, il faut bien qu'elle soit contrôlée.

Le législateur communautaire illustre bien cette situation lorsqu'il organise en faveur des actionnaires inquiets au sujet de la gestion de la société, des procédures destinées à éviter que cette dernière n'arrive au dépôt de son bilan170 (Section 1). Lorsque les mesures prises n'ont pas réussi à freiner l'élan malsain des dirigeants ou des personnes chargées de veiller au bon fonctionnement de la société, des sanctions peuvent être encourues (Section 2).

SECTION II- LA DETECTION PRECOCE DES ACTES FAUTIFS DES
DIRIGEANTS ET DU COMMISSAIRE AUX COMPTES

Le dessein du législateur OHADA étant d'insuffler une nouvelle dynamique au développement économique et social par l'entremise des sociétés commerciales, ce dernier s'est efforcé de réglementer avec minutie tous les abus susceptibles d'être

170 Par procédures de contrôle de gestion, il faut entendre l'ensemble des formalités auxquelles les actionnaires doivent se soumettre en présence, soit de faits de nature à compromettre la continuité de l'exploitation de l'entreprise, soit de faits obscurs et inquiétants, qui nécessitent qu'une lumière y soit faite, car il faut le souligner, même en présence d'abus les plus flagrants rien ne saurait se concevoir en dehors du droit.

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commis au sein desdites sociétés, afin de renforcer les prérogatives des actionnaires. Certains de ces abus peuvent, en effet, révéler un caractère particulier dont seule la conduite de procédures spécifiques est à même d'y remédier. Elles sont essentiellement modernes dans la mesure oü elles n'existaient pratiquement pas dans l'ancien droit171. Et c'est parce qu'elles interviennent dans un contexte particulier qu'elles retiendront notre attention ici. En effet, la prévention des difficultés et des abus est la politique la plus satisfaisante en matière172 de protection des actionnaires, car, la meilleure façon de résoudre les difficultés est assurément de les tuer dans l'oeuf. Or, pour déceler des problèmes encore minuscules, il faut être vigilant et, de préférence, disposer d'un système d'information fiable sur la santé de l'entreprise.

A l'instar de nombreux droits modernes, le législateur de l'OHADA s'est donc préoccupé de la prévention des difficultés des entreprises, et ce tant dans le cadre de l'Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif que dans l'Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d'intérêt économique173. Seul ce dernier cadre nous préoccupe.

On peut ainsi distinguer selon que ces procédures sont juridictionnelles (§1) ou non juridictionnelles (§2).

§1- LA PROCEDURE JURIDICTIONNELLE DE CONTROLE :
SOLLICITATION DE L'EXPERTISE DE GESTION

Comme le souligne à juste titre le Pr. MODI KOKO BEBEY H-D, l'institution de l'expertise de gestion est l'une des innovations les plus marquantes de la réforme du droit des sociétés commerciales en Afrique174 . Mais la question se pose de savoir en quoi consiste cette innovation de façon concrète. Il s'agit là du problème de l'utilité de l'expertise de gestion et de son domaine (A), dont l'étude commande qu'on s'intéresse à sa mise en oeuvre (B).

A- L'utilité, le domaine et la nature de l'expertise de gestion

Il est question dans cette brèche de comprendre la place de cette Institution (1), de délimiter son domaine (2) mais surtout sa nature (3).

171 Mais il en est qui existaient déjà, quoique non expressément consacrées par les textes.

172 GUYON (Y.), Droit des affaires, droit commercial général et sociétés, 8e éd., tome 1, n° 445, p. 433.

173 FENEON (A.), << Les droits des actionnaires minoritaires dans les sociétés commerciales de l'espace OHADA », Penant, n° 839, avril-juin 2002, p. 158. 173 MODI KOKO BEBEY (H.-D.), << La réforme du droit des sociétés commerciales », Rev. soc., avril-juin 2002, p. 255.

174 MODI KOKO BEBEY (H.-D.), << La réforme du droit des sociétés commerciales », Rev. soc., avril-juin 2002, p. 255.

1 - L'utilité de l'expertise de gestion

Innovation importante et impressionnante, l'expertise de gestion répond au souci premier de garantir une information fiable et nécessaire aux actionnaires, même minoritaires. C'est la possibilité offerte à ces derniers qui représentent une fraction raisonnable du capital social, de faire ouvrir une enquête sur une ou plusieurs opérations de gestion qu'ils estiment obscures ou suspectes.

En application, en effet, des dispositions des articles 159 et 160 de l'Acte uniforme, les associés qui s'estiment insuffisamment éclairés sur la situation de la société, en dépit des rapports de gestion, des comptes sociaux et, le cas échéant, des rapports des commissaires aux comptes, ou encore des questions qu'ils peuvent poser en vertu des articles 157 et 158 de l'AUSC, peuvent demander une expertise de gestion175. Signalons que cette mesure qui se veut une source d'information et un moyen de contrôle de la gestion sociale pour les actionnaires minoritaires en principe, s'inscrit avant tout dans « un vaste chantier » entamé par le législateur africain de l'OHADA pour une meilleure protection de l'intérêt social176. La société est en effet, le siège d'une multiplicité d'intérêts parfois divergents, qu'il importe de gérer au mieux pour un fonctionnement meilleur de l'entreprise.

Largement inspiré de la législation française de 1966, l'Acte uniforme contient ainsi des dispositions destinées à renforcer et à sécuriser les droits et intérêts des actionnaires. Ces mesures protectrices d'intérêts visent un même objectif : le réajustement des pouvoirs dans l'entreprise par l'élargissement des droits d'information et d'intervention des actionnaires.

Il est donc question aujourd'hui pour le législateur communautaire, à travers l'expertise de gestion, de mettre la lumière où règne l'opacité et l'obscurité, de rééquilibrer les rapports de force, de libérer les talents asphyxiés par la pesanteur et les dominations, afin de sauvegarder et de protéger la société177. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, la recherche de la transparence dans la gestion par le biais de l'information et du contrôle est plus une nécessité pour les pays africains qu'un effet de mode, surtout avec l'internationalisation de l'économie qui oblige au respect

175 Cette mesure qui sort du contexte traditionnel de l'information des actionnaires s'intègre dans une procédure

judiciaire. Il s'agit donc de faire respecter les droits des actionnaires, notamment ceux minoritaires, par le juge en raison de la loi de la majorité qui prévaut dans le fonctionnement des sociétés commerciales.

176 MEUKE (B.Y.), « L'information des actionnaires minoritaires dans l'OHADA : « réflexion sur l'expertise de gestion », www.ohada.com, ohada-20, p. 3.

177 En effet, solliciter la justice dans le but d'obtenir des renseignements approfondis sur la gestion conduit par les dirigeants démontre que la circulation de l'information entre les different organes sociaux est deficient, voire qu'elle est délibérément entravée.

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de l'égalité entre acteurs économiques pour la stabilité et la cohésion dans les affaires.

La protection, par exemple, des actionnaires minoritaires, est devenue à l'heure actuelle pour les économies africaines, un problème complexe. Le pouvoir majoritaire est par essence, un pouvoir autoritaire qui n'a fait que s'accroître et se consolider par l'institutionnalisation progressive des fonctions des dirigeants sociaux, ce qui n'est pas en soi regrettable, car pour être efficace, la direction doit être une178. Mais la marginalisation de la minorité résultant de cette vision des choses contribue au renforcement des exigences de sa protection, à notre sens. C'est la raison pour laquelle le législateur de l'OHADA s'en est particulièrement préoccupé179.

L'expert de gestion serait alors un mandataire « ad hoc » chargé d'une mission ponctuelle et temporaire de contrôle dans les sociétés. Il pourrait s'agir d'un recours ouvert aux actionnaires qui subodoreraient une situation de crise. Il n'impliquerait pas nécessairement l'ouverture d'un contentieux judiciaire, bien que la procédure commence par la sollicitation d'un juge à qui l'on demande la désignation d'un expert.

L'information obtenue en application de cette mesure sera notamment plus étendue que celle donnée en cas de fonctionnement normal de la société180 . En cas de crise, de mésentente ou de conflits tout change. L'actionnaire qui soupçonne des erreurs de gestion et/ou des abus, souhaite être renseigné de manière complète. L'expertise de gestion va alors aboutir à la révélation des faits que les dirigeants refusaient de communiquer en s'abritant derrière le principe de la confidentialité dû à la plupart des opérations de gestion. C'est dire que l'expertise est un multiplicateur d'influence pour les actionnaires dans le respect de leurs prérogatives.

L'utilité de l'institution paraît dès lors évidente ; d'un côté elle limite les conséquences d'une gestion malhonnête, en faisant ressortir les fautes à un moment où on peut encore y remédier et d'un autre côté, elle peut, en prouvant la faute des dirigeants, préparer et faciliter l'exercice d'une éventuelle action en responsabilité.

Mais il ne faut pas exagérer la portée de l'expertise de gestion, car malgré ses avantages évidents, la mesure produit des effets limités. Elle n'est, en effet, qu'une mesure d'information et rien de plus. De sorte que la sanction effective des dirigeants suppose la mise en oeuvre d'autres actions en justice qui, en pratique, ne seront exercées qu'en présence d'actionnaires minoritaires particulièrement combatifs. De plus, l'information en cause n'est pas immédiatement portée à la

178 MEUKE (B.Y.), op. cit., p. 4.

179 Où l'information des actionnaires peut ne porter que sur l'essentiel.

connaissance de la collectivité des actionnaires puisqu'elle ne s'opère qu'à l'occasion de la prochaine assemblée générale. Ce décalage est évidemment préjudiciable lorsque la gestion de la société est tellement préoccupante qu'elle appelle une réaction rapide des actionnaires. Et la question majeure reste la délimitation du domaine et la nature de l'expertise de gestion.

2- Domaine de l'expertise de gestion

La question du domaine de l'expertise de gestion met essentiellement en relief l'étendue de cette mesure. Ainsi, les juges auront à expliquer ce qu'il faut entendre par opérations de gestion de la société. Peut-on faire prévaloir un critère organique n'englobant que les décisions des organes de gestion et exclure dès lors les décisions émanant des assemblées ? A propos de celles-ci, faut-il les écarter en estimant que les minoritaires ont été régulièrement et suffisamment informés et qu'ils ont alors pu exercer leur droit de critique au moment des votes? Que décider pour les opérations qui relèvent de la compétence des organes de direction, mais nécessitent aussi l'intervention de l'assemblée générale ?181

Si l'expertise peut porter sur tous les aspects de la gestion, et pas seulement sur les aspects financiers ou comptables, elle ne peut concerner par contre, d'une manière générale, ni l'ensemble de la gestion, ni la régularité des comptes sociaux182 ; et sa mission ne doit pas se confondre, ni empiéter sur celle du commissaire aux comptes183. En réalité, la difficulté provient de ce que le droit OHADA, tout comme le législateur français, n'a donné aucune définition de la notion d'opération de gestion. Faut-il comprendre devant ce silence qu'il reviendra au juge d'apprécier au cas par cas ? Cette absence de détermination précise de la notion peut surtout avoir pour justification et explication le fait que le législateur africain de l'OHADA n'ait pas souhaité, ni voulu enfermer cette notion aussi fluide dans une définition qui l'aurait rendue sans doute difficile dans son application.

A notre avis, l'on devrait se poser la question de savoir quel est le sens qu'il convient alors de donner à la notion pour obtenir un résultat satisfaisant dans une perspective de transparence sociétaire. « La gestion » mentionnée à l'art. 150 de l'Acte uniforme devrait donc s'entendre de la manière la plus large.

Face à cette difficulté que pose la notion d'opération dans une tentative de délimitation du domaine de l'expertise de gestion, l'accent devrait être mis sur sa

181 Traité et actes uniformes commentés et annotés OHADA, juriscope 2002, p. 347.

182 FENEON (A.), op. cit., p. 161.

183 C'est ainsi qu'il n'y aurait pas lieu de faire droit à une demande d'expertise de gestion si les questions posées tendaient à une critique systématique de l'ensemble de la gestion, ou encore avaient un caractère général concernant l'ensemble de la politique de la société.

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finalité. En seront donc exclues a priori, les décisions prises par les assemblées générales des actionnaires, car en principe les informations données aux actionnaires au cours de ces assemblées doivent normalement suffire à faire la lumière sur les décisions prises par la société184 ; même si quelques inquiétudes subsistent concernant les opérations qui, bien que relevant des organes de direction, nécessitant néanmoins une intervention de l'assemblée générale.

Quoiqu'il en soit, avec l'expertise de gestion, le juge dispose des moyens de s'intégrer dans le fonctionnement des sociétés commerciales.

3- Nature de l'expertise gestion

La recherche de la nature de l'expertise de gestion dans le droit de l'OHADA est surtout fonction de l'idée que l'on se fait de l'intervention des pouvoirs judiciaires dans la vie d'une société commerciale. Pour une partie de la doctrine française185 par exemple, cette intervention du judiciaire ne doit pas être fréquente et doit surtout préserver la liberté de gestion des organes compétents.

Il faut reconnaître que sur un plan purement statistique, les développements jurisprudentiels de cette institution en Afrique qui étaient jusque là rares connaissent une nette évolution depuis quelques temps186. Toutefois, quant à une éventuelle atteinte à la liberté de gestion des dirigeants sociaux, il est clair qu'elle ne pourrait être que très relative. En effet, l'expertise de gestion n'est qu'une mesure d'information et le seul fait que l'expert soit nommé constitue la sanction de l'insuffisance dans l'information.

Au total, il s'agit bien d'un moyen de contrôle de l'action des dirigeants exercé auprès du juge.

B- L'exercice de l'expertise de gestion

L'expertise de gestion est conduite selon une procédure judiciaire. Le législateur a ainsi encadré la nomination d'un expert de gestion par des conditions

184 MEUKE (B.Y.), op. cit. p. 9.

185 DE JUGLART (M.) et IPPOLITO (B.), Traité de droit commercial, 2e voll., 3e éd., Montchrestien, n° 759-6 et s. V. également CONTIN (R.), et DUPICHOT, « L'expertise de minorité dans les sociétés par actions », cités par MEUKE (B.Y.)

186 V. en ce sens, CA d'Abidjan, civ. com., 25 février 2000, aff. Société Négoce Afrique COTE D'IVOIRE (NACI-SA) c/ Société WIN SARL, Juriscope 2006 ; CA de Cotonou, n° 256/2000, 17 août 2000, aff. Société Continentale des Pétroles et d'Investissements c/ Etat béninois, Juriscope 2006 ; CA d'Abidjan, 5e ch. A., n° 10, 2 janvier 2001, www.ohada.com (ohadata- J- 02-113).

strictes, relatives à la qualité requise (1), aux opérations susceptibles d'être expertisées187. Il faut également s'intéresser au bien fondé et au résultat de l'action (2), pour se rendre compte des limites qui entourent un tel contrôle (3).

1- La qualité requise

La demande d'expertise de gestion est soumise à des conditions de recevabilité strictes compte tenu du risque de perturbation de la vie sociale qu'entraîne l'arrivée, dans la société, d'un expert indépendant chargé de recueillir des informations que les dirigeants auraient dû fournir aux actionnaires. Action prioritairement minoritaire (a), l'Acte uniforme l'a étendue à tout autre actionnaire, même au groupement d'actionnaires (b).

a)Une action prioritairement minoritaire

Solliciter la justice dans le but d'obtenir des renseignements approfondis sur la gestion conduite par les dirigeants démontre que la circulation de l'information entre les différents organes sociaux est déficiente, voire délibérément entravée188. L'expertise de gestion s'inscrit dans un contexte de crise. Et, comme les actionnaires dits minoritaires ne disposent pas d'un nombre d'actions pouvant leur permettre d'avoir un accès facile aux informations concernant la gestion de la société, il est, à notre avis, logique que le législateur leur ait reconnu en priorité l'exercice d'une action aux fins d'une expertise de gestion, bien que l'action en désignation de l'expert ne soit ouverte qu'aux actionnaires qui justifient de la détention d'un pourcentage minimal de capital social. Aux termes, en effet, de l'art. 159 de l'AUSC, « Un ou plusieurs associés représentant au moins le cinquième du capital social peuvent, soit individuellement, soit en se groupant sous quelque forme que ce soit, demander au président de la juridiction compétente du siège social, la désignation d'un ou de plusieurs experts chargés de présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion ».

Selon les termes mêmes du texte, cette condition est impérative et la demande qui n'y satisfait pas doit être déclarée irrecevable189. Il faut tout de même souligner que si le seuil retenu par l'Acte uniforme traduit une volonté univoque d'amélioration du contrôle de la société par les actionnaires minoritaires à rebours de la législation française en la matière, on ne peut s'empêcher de regretter qu'il n'est pas fait montre

187 Vr. Supra p.42 et 43 sur le domaine de l'expertise de gestion.

188 Encyclopédie Juridique, Répertoire des sociétés, Entreprises du secteur public à Infractions pénales, «Expertise de gestion », Tome 3, Dalloz, 2003, p. 2.

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de plus d'audace en supprimant tout simplement ce seuil. Evidemment, on pourrait rétorquer que pour y remédier, le législateur offre la possibilité aux intéressés de se regrouper. Mais là encore, il nous est permis d'observer qu'il n'est pas toujours aisé de regrouper des personnes qui ne se connaissent pas et qui ne se rencontrent qu'à de très rares occasions. Le problème reste donc posé.

La législation communautaire donne qualité toutefois à d'autres requérants pour agir en justice à l'effet de solliciter l'intervention d'un expert de gestion.

b) Action ouverte à d'autres requérants

A la différence de la législation française qui donne qualité pour agir à d'autres acteurs sociaux comme le Ministère public, le Comité d'entreprise ou encore la Commission des opérations de bourse190, le législateur africain ne leur a pas reconnu cette prérogative. Il l'a ouverte à d'autres requérants, notamment à tout actionnaire même majoritaire (1), et admet des regroupements (2).

i- Faculté offerte aux actionnaires majoritaires

Bien qu'ouverte en priorité à la minorité191, rien n'interdirait en principe à un majoritaire et même à un membre de l'équipe dirigeante, de se renseigner sur la nature, la portée et les conséquences de certaines opérations de gestion, sauf si sa qualité de mandataire social lui permettait d'obtenir une information suffisante192. Des termes de l'art.159 précité, un ou plusieurs associés représentants au moins le cinquième du capital social peuvent demander la désignation d'un expert. Dans ces conditions, la restriction ne concerne que la réunion d'un certain seuil du capital social - 20% - et non la qualité de l'actionnaire.

On peut cependant déplorer le fait que le législateur de l'OHADA ne permette pas la mise en oeuvre de la procédure dans les groupes de sociétés. En n'admettant pas que puissent faire l'objet d'une expertise, les opérations de gestion des sociétés contrôlées, il ferme la porte de l'Institution à cet acteur social appelé à jouer un rôle de plus en plus important dans le paysage juridique africain, même si on peut lui concéder le mérite d'admettre des regroupements.

189 Le juge français a d'ailleurs déjà eu l'occasion de se prononcer dans ce sens ; Cass. Com. 12 janv. 1976, JCP 1976 . IV. 80, Rev. Soc. 1976. p. 330 et s., note P. MERLE.

190 Devenue, avec la loi n° 2003-706 DU 1er août 2003 de Sécurité financière, l'Autorité des Marchés Financiers.

191 Car c'est très souvent elle qui est mal informée sur la gestion et qui a le plus intérêt à la critiquer.

ii- Action reconnue au groupement d'actionnaires

En France et ce depuis la loi du 1er mars 1984, les associés ou actionnaires sont autorisés à se grouper, «sous quelque forme que ce soit », pour atteindre les seuils de recevabilité de l'action193. Le législateur africain a repris à son compte cette disposition dans son article 159 de l'AUSC précité. Une fois de plus cependant, on pourrait reprocher à ce dernier de n'avoir pas déterminé la nature de la forme de regroupement ; sans doute mû par un souci de liberté favorable à une massive participation et représentation des actionnaires.

En tout état de cause, on ne peut remettre en question l'utilité de cette faculté de regroupement. En effet, celui-ci facilite l'exercice des droits des actionnaires minoritaires qui auraient la fâcheuse tendance à demeurer dans la passivité ou l'isolement. Le regroupement pourrait ainsi prendre la forme d'une association de défense, ou encore d'une association d'actionnaires194.

Il faut observer néanmoins qu'en ce qui concerne cette faculté, on peut envisager deux (02) approches du regroupement. Soit le regroupement n'agit que comme mandataire des actionnaires et la règle « nul ne plaide par procureur » oblige chacun de ceux-ci à figurer nominativement dans la procédure, avec l'inconvénient que tous les actionnaires seront présents et qu'aucun désistement ne se produira ; soit le regroupement agit en son nom propre et le problème est alors de savoir s'il serait autorisé à exercer collectivement un droit que chacun de ses membres pourrait exercer individuellement, ou encore qu'il puisse détenir le minimum de pourcentage requis, ce qui peut entraîner un risque de cession massif de droits sociaux au profit du groupement. Sur la question, MEUKE (Y.B.) soutient qu'il faudrait voir dans cette autorisation donnée au groupement des minoritaires, un simple moyen pour le législateur, de faciliter l'exercice de l'action et non un mécanisme visant à opérer un regroupement quelconque des actionnaires minoritaires195. La position de l'auteur rencontre notre approbation dans la mesure où comme sus développé, le législateur OHADA n'a pas prévu expressément la possibilité de regroupement des actionnaires en associations.

Pour le législateur de l'OHADA donc, il s'agit de confirmer sa volonté d'assurer aux « petits » actionnaires les moyens de se défendre, parce que si l'on entend encourager l'actionnariat populaire et, par conséquent, pousser vers la bourse

192 MEUKE (Y.B.), « L'information des actionnaires minoritaires dans l'OHADA : « réflexion sur l'expertise de gestion », op. cit., p.7.

193 Encyclopédie Juridique, op. cit., p.5.

194 Vr. Supra, p. 66 et 67.

195 MEUKE (Y.B.), op. cit.p.8.

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ceux qui n'ont que des moyens modestes et qui seront nécessairement des «petits)) actionnaires minoritaires, il faut dans la conjoncture africaine actuelle leur donner une sécurité satisfaisante.

Pour que la demande d'expertise prospère définitivement, encore faut-il qu'elle soit fondée. Ce n'est qu'à ce prix qu'elle aboutira à la désignation d'un expert.

2- Bien fondé de la demande et résultat de l'action

Le résultat d'une action en demande d'expertise (b) est tributaire de son bien fondé (a).

a) Le bien fondé de la demande

C'est au niveau de l'information qu'il faut surtout situer le critère essentiel d'admission de l'expertise de gestion. Comme l'écrivait CHARTIER, « les demandeurs se sont vus reprocher, tantôt de n'en avoir pas su assez, tantôt d'en avoir su trop long ))196. Mais comment ces actionnaires qui pour la plupart du temps ne disposent que d'une information incomplète, seraient en mesure de ne pas se fourvoyer dans leur action s'ils ne sont pas éclairés par les personnes les plus indiquées ? On ne devrait pas, dans ces conditions, exiger de l'actionnaire qu'il établisse une atteinte à l'intérêt social, car là se trouve le but même de la procédure engagée. Par conséquent, comme l'a très justement souligné le Pr. Le CANNU, « L'expertise de gestion n'est pas une sanction de la gestion ; en revanche, elle sanctionne une information insuffisante ))197. C'est ainsi que, dans une décision du Tribunal régional de Niamey le juge des référés a retenu que, « l'expertise de gestion doit être ordonnée, dès lors qu'elle a été demandée par un associé (...), qui se plaint de n'être pas informé de la vie sociale et doute de la sincérité et du sérieux des résolutions prises en assemblée ))198.

La procédure est donc une mesure grave qui implique une intrusion du juge dans la vie sociale. Dès lors, ce dernier ne peut l'ordonner qu'après avoir apprécié le bien fondé de la demande. Et on voit mal comment il pourrait y parvenir sans mettre en relief la question de l'appréciation de l'opportunité des opérations de gestion. Quoiqu'il en soit, l'octroi de la désignation d'un expert de gestion est laissé à

196 CHARTIER (Y.), << L'expertise de l'article 226 de la loi du 24 juillet 1966 », JCP 1972, cité par MEUKE (Y.B.), op. cit., p. 10.

197 (P.) Le CANNU, <<Eléments de réflexion sur la nature de l'expertise judiciaire de gestion », Bull. Joly 1988, 553, cité par MEUKE (Y.B.), op. cit., ibidem.

198 Tribunal régional de Niamey, Ordonnance de référé n° 245 du 22 octobre 2002. Aff. Abbas HAMMOUD c/ Jacques Claude LACOUR et dame Evelyne Dorothée FLAMBARD ; www.ohada.com ( ohadata J-04-489).

l'appréciation souveraine du juge qui connaît de l'affaire. Par ailleurs, le législateur fait expressément mention du caractère facultatif de cette mesure lorsqu'il indique dans l'art. 160 de l'Acte uniforme que cette opération ne sera ordonnée que « s'il est fait droit à la demande» du requérant. En le précisant ainsi, le législateur entend bien donner un caractère facultatif à la procédure, avec cette crainte cependant que cela se fasse au détriment de l'actionnaire ayant sollicité la mesure.

b) Résultat positif de l'action : la désignation d'un expert

Il ressort des dispositions de l'art. 159 précité que la juridiction compétente est celle du président du Tribunal du siège social et la procédure civile, vraisemblablement celle d'une assignation en référé dans le souci de maintenir le caractère contradictoire de l'expertise.

Le juge ainsi saisi, peut désigner un ou plusieurs experts. Il faut observer cependant que, nonobstant la terminologie utilisée, la personne chargée de présenter le rapport en question n'est pas, à notre sens, un véritable expert. Le juge reste libre dans son choix et peut s'adresser à un expert judiciaire, un expert-comptable, un commissaire aux comptes, un dirigeant de société spécialement averti des problèmes de gestion, ou toute personne qu'il estime compétente199.

Le législateur ne précise non plus le régime procédural de l'Institution. Le laconisme du texte conduit à se demander s'il est possible d'appliquer à titre subsidiaire les principes régissant les expertises judiciaires des différents Etats parties au Traité OHADA. En attendant la position du juge africain sur la question, il nous est permis de raisonner comme en droit français en optant pour l'affirmative.

La décision désignant l'expert fixe sa mission et la réalisation de l'expertise, afin d'éviter toute immixtion de ce dernier dans celle d'autres experts.

Mais le statut de l'expert souffre en l'état actuel de la législation OHADA, d'une absence de réglementation. Ce qui, à l'instar d'autres lacunes susmentionnées, pourrait nuire gravement aux intérêts des actionnaires.

199 Toutefois, il faut préciser qu'il serait moins conforme aux textes que le commissaire aux comptes en fonction dans la société soit désigné en qualité d'expert de gestion, car le seul fait que les actionnaires aient initié une action en désignation d'un expert judiciaire traduit à suffisance une déficience dans ses fonctions.

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§2- LA PROCEDURE NON JURIDICTIONNELLE DE CONTROLE :
L'ALERTE

Cette procédure, élaborée pour faire réagir la direction d'une société lorsque la continuité de l'exploitation est compromise, constitue, tout comme l'expertise de gestion, une innovation pour la plupart des Etats membres de l'OHADA200. Malgré sa dénomination, la procédure d'alerte ne tend pas seulement à avertir les dirigeants, car ceux-ci sont généralement conscients des difficultés traversées par leur entreprise. Elle a aussi pour finalité de les mettre en face de leurs responsabilités, en les incitant à prendre des mesures de redressement201. Ainsi, quelqu'un va crier (( Au feu ! », de plus en plus fort, jusqu'à ce que tous les intéressés aient entendu, dans le but de provoquer une discussion au sein de l'entreprise et, le cas échéant, une réaction, toujours facultative202. En réalité et selon la formule du professeur Mestre203 (( C'est vers la voie des médecines naturelles, des thérapies douces que le législateur veut entraîner les dirigeants et les partenaires de l'entreprise ».

Il convient alors de déterminer ses détenteurs (A) avant de nous intéresser à son déploiement par ces acteurs sociaux (B).

A- Les détenteurs de l'exercice de l'alerte

L'Acte uniforme met le devoir d'alerte à la charge des commissaires aux comptes (1). Mais elle peut tout aussi bien être initiée par les actionnaires (2).

1- Le devoir d'alerte du commissaire aux comptes

Lors de l'exercice de sa mission, le commissaire aux comptes doit être tenu informé de tout fait de nature à compromettre la continuité de l'exploitation de l'entreprise. Il est alors tenu de déclencher une alerte lorsqu'il constate des faits compromettants pour la société204. Il est important de souligner que seul nous interpelle dans ce cadre le commissaire de la société de capitaux et donc de la SA205. Le devoir d'alerte du commissaire des sociétés anonymes est alors organisé par les

200 POUGOUE (P.G.), ANOUKAHA (F.), NGUEBOU TOUKAM (J.), CISSE (A.), DIOUF (N.) et
SAMB (M.), op. cit., n° 331, p. ? Cette disposition nouvelle a été manifestement calquée sur l'art. L.225-232 du

code de commerce français.

201 GUYON (Y.), Droit des affaires, Entreprises en difficultés, 6e éd., tome 2, Economica, 1997, n° 1050, p. 54.

202 PEROCHON (F.), op. cit., n° 22, p. 13.

203 N° spéc. R.J.C., févr. 1986, p. 140, cité par PEROCHON (F.), op. cit., ibidem.

204 Cf. art. 153 AUSC.

205 L'alerte peut être également déclenchée par le commissaire aux comptes dans les sociétés autres que la société anonyme.

articles 153 à 156 de l'AUSC. Mais que faut-il entendre par la notion de ((faits de nature à compromettre la continuité de l'exploitation », car le législateur OHADA n'en donne aucune définition? En effet, si la notion de (( continuité de l'exploitation» est connue dans le domaine comptable, sa définition juridique devrait couvrir un champ plus large.

Cette expression s'inspire manifestement de la terminologie anglaise ((going concern »206 . Elle n'est pas très juridique et laisse place à une marge d'appréciation non négligeable car si le commissaire n'est pas un prophète, il ne doit pas non plus être un aveugle. Il y a lieu d'observer donc qu'il appartiendra à la jurisprudence une fois de plus, de préciser la notion207.

La mise en évidence de critères défavorables à la continuité d'exploitation peut résulter à la fois des comptes annuels de l'exercice et des exercices précédents, mais aussi d'évènements postérieurs à la date de clôture ou d'arrêt des comptes, voire des données prévisionnelles de l'entreprise et de son secteur d'activité. Cependant, les précisions suivantes peuvent être données208 :

- L'utilisation du pluriel (des faits) montre que l'alerte ne doit être déclenchée qu'en présence d'un ensemble convergent de faits significatifs. En effet, un fait préoccupant peut être contrebalancé par un sens contraire favorable. Le déclenchement de l'alerte serait alors inutile;

- Les faits doivent être de nature à provoquer une cessation des paiements, si aucune mesure de redressement n'est prise en temps utile. Pratiquement, l'alerte doit être donnée lorsqu'il y a une rupture de l équilibre des flux financiers, c'est-à-dire lorsque les recettes normalement prévisibles ne permettent pas de régler les dettes qui vont venir à échéance dans un avenir relativement proche. Mais, bien entendu, l'alerte suppose que la cessation des paiements n'est pas encore intervenue et peut être évitée, car qui dit alerte dit organisation de la résistance et non constatation de la défaite. L'alerte doit notamment être déclenchée en cas d'altération des conditions de l'exploitation209, de dégradation de la situation financière, de perte de la confiance de tiers210, lesquels n'ont pas nécessairement un aspect comptable ou financier.

- Les faits préoccupants ne doivent pas avoir donné lieu à une réaction appropriée des dirigeants, car l'alerte a pour objet de stimuler leur diligence ou, le cas échéant, de constater leur carence ;

206 GUYON (Y.), op. cit., n° 1052, p. 55.

207 FENEON (A.), op. cit., p. 158.

208 PAILLUSSEAU et PETITEAU, Difficultés des entreprises, cités par GUYON (Y.), op. cit., ibidem.

209 Résultat déficitaire, accroissement excessif des charges, baisse anormale d'activité.

210 Suppression d'un soutien financier, perte d'un client important.

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- Enfin, les faits doivent avoir été relevés par le commissaire à l'occasion de l'exercice de sa mission.

Par ailleurs, peuvent être considérés comme faits de nature à compromettre la continuité de l'exploitation sans que cette liste soit limitative211 :

- La décision d'une société mère de supprimer son soutien à une filiale ; - Des conflits sociaux graves et répétés ;

- L'existence de désaccord entre actionnaires.

Le devoir d'alerte du commissaire n'est pas général. En effet, ce dernier ne doit pas s'immiscer dans la gestion. Il ne doit pas déclencher cette procédure si les dirigeants prennent des décisions inopportunes sans pour autant compromettre la stabilité de l'entreprise. Ce qui le met donc dans une situation inconfortable.

2- Le droit d'alerte des actionnaires

Les actionnaires sont les parents pauvres de la prévention des difficultés212, ce qui est assez étonnant car ils ont un intérêt certain à la bonne marche de la société. Le droit d'alerte des actionnaires de la société anonyme est prévu à l'art. 158 de l'AUSC, qui en organise les modalités d'exercice. Signalons qu'il s'agit ici des actionnaires qui ne sont pas de la direction, car il serait hérétique voire aberrant de

penser qu'un actionnaire dirigeant ignore les évènements pouvant mettre en mal le fonctionnement de l'entreprise et de nature à conduire au dépôt de son bilan.

A notre sens, cette faculté offerte aux actionnaires devrait se muer en une véritable obligation, car elle serait de nature favorable à l'apathie et aux éventuels abus de la part de certains groupes d'actionnaires. Les actionnaires majoritaires, par exemple n'auraient aucun intérêt à déclencher une alerte en présence de faits compromettant la continuité de l'exploitation qu'ils auraient eux-mêmes provoqués. Le devoir de déclencher l'alerte en pareilles circonstances aurait alors pour finalité de sanctionner leur abstention coupable, au même titre que celle du commissaire aux comptes, et de voir éventuellement leur responsabilité engagée au besoin.

Signalons par ailleurs que la faculté de déclencher l'alerte est dans d'autres législations confiée au comité d'entreprise213, et même au président du tribunal de commerce214, qui peut convoquer les dirigeants lorsque des actes, documents ou

211 FENEON (A.), op. cit., p. 159.

212 GUYON (Y.), op. cit., n° 1058, p. 61.

213 Cf. art. L. 432-5 du Code du travail français.

214 Cf. art. 34 nouveau de la loi du 1er mars 1984 modifiée par la loi du 10 juin 1994.

procédures font apparaître qu'existent des difficultés de nature à compromettre la continuité de l'exploitation215.

B- L'exercice de l'alerte

En présence d'un risque sérieux de cessation d'exploitation et donc de mise en redressement ou de liquidation judiciaires, l'Acte Uniforme met désormais à la charge du commissaire aux comptes un devoir supplémentaire : celui d'alerter les dirigeants. Mais les actionnaires ont aussi la faculté de déclencher l'alerte lorsque les circonstances s'y prêtent. La mise en oeuvre de l'alerte varie pour ainsi dire selon qu'elle doit être déclenchée par le commissaire aux comptes (1) ou par les actionnaires (3). Dans tous les cas, la responsabilité du commissaire aux comptes peut être mise en cause durant la procédure (2).

1-Conduite de l'alerte par le commissaire aux comptes

Le devoir d'alerte est organisé par les articles 153 à 156 de l'Acte Uniforme. Il est à noter que pour être efficace, celle-ci doit demeurer confidentielle aussi longtemps que possible. Mais elle doit aussi, le cas échéant, aboutir à la révélation des difficultés à d'autres dirigeants afin que la résistance puisse s'organiser en dépit de leur aveuglement ou de leur mauvaise volonté. Habituellement, le commissaire commence par prendre contact oralement avec le dirigeant de l'entreprise. Si ce préalable officieux, parfois dénommé phase 0216, se révèle inefficace, il passe alors à l'alerte proprement dite qui comprend trois phases217.

a) La demande d'explication

Dans cette phase, le commissaire aux comptes demande par lettre au porteur contre récépissé ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, des explications au président du conseil d'administration ou président-directeur général selon le cas, sur tout fait de nature à compromettre la continuité de l'exploitation qu'il

215 POUGOUE (P.G.), ANOUKAHA (F.) et NGUEBOU TOUKAM (J.), op. cit., note de bas de page n°47, p. 85.

216 GUYON Y. Entreprises en difficultés, Redressement judiciaire-faillite, op. cit., n 1053, p. 56.

217 A la lecture des textes français, ces phases sont plutôt au nombre de quartre.En effet, si au demeurant les décisions prises en assemblées ne permettent pas d'assurer la continuité de l'exploitation, le commissaire saisit le président du tribunal de commerce, qui place la société en observation, d'après la loi du 10 juin 1994 L.1984, art. 34

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a relevé lors de l'examen des documents qui lui sont communiqués, ou dont il a eu connaissance à l'occasion de l'exercice de sa mission.

L'autorité concernée est tenue de répondre par le même procédé dans le mois qui suit la réception de la demande d'explication. Dans sa réponse, elle donne une analyse de la situation et précise, le cas échéant, les mesures envisagées218.

Il y a lieu de souligner qu'à ce stade, la procédure d'alerte est confidentielle. Si le commissaire reçoit, dans le mois qui suit la réception de la demande d'explication, des réponses qu'il juge satisfaisantes, notamment si les dirigeants envisagent des mesures de redressement, les choses en restent là. S'il n'y a pas de réponse ou si le commissaire estime que celle-ci ne suffit pas à faire disparaître la menace de cessation d'activité, il passe au stade suivant. Cependant, il peut se poser la question d'une appréciation subjective des réponses des dirigeants par le commissaire aux comptes. En d'autres termes, qui est garant de l'appréciation laissée à l'entière disposition de ce dernier, car il pourrait en faire un usage aux finalités inavouées ? A notre sens, il serait opportun que le commissaire communique à l'assemblée générale des actionnaires les réponses qu'il obtient des dirigeants afin qu'en cas d'appréciation purement subjective, celle-ci puisse réagir.

b) Provocation d'une délibération

Il s'agit de la deuxième phase dans l'exercice de l'alerte. Ici, le commissaire aux comptes est amené à provoquer une délibération du conseil d'administration qui doit se prononcer sur les faits relevés219.

L'invitation du commissaire est formée par lettre au porteur contre récépissé ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception dans les quinze jours qui suivent la réception de la réponse du président du conseil d'administration, du président-directeur général ou de l'administrateur général, selon le cas, ou la constatation de l'absence de réponse dans les délais prévus220.

Enfin, dans les quinze jours qui suivent la réception de la lettre du commissaire aux comptes, le président du conseil d'administration ou le présidentdirecteur général convoque le conseil d'administration, en vue de faire délibérer sur les faits relevés, dans le mois qui suit la réception de cette lettre. Le commissaire est convoqué à la séance du conseil. Lorsque l'administration et la direction générale de

218 POUGOUE P.G., ANOUKAHA F. et NGUEBOU TOUKAM J., op.cit., n 194, p.84. V. aussi art. 154 AUSC.

219 La procédure n'est donc plus véritablement confidentielle.

220 Cf. art. 155 AUSC.

la société sont assurées par un administrateur général, celui-ci, dans les mêmes délais, convoque le commissaire à la séance au cours de laquelle il se prononce sur les faits relevés. Un extrait du procès-verbal des délibérations du conseil ou de l'administrateur général est adressé au commissaire dans le mois qui suit la délibération du conseil ou de l'administrateur général.

Toutefois, ces prescriptions peuvent souffrir d'une méconnaissance ou inobservation de la part des autorités concernées. Il appartiendra alors au commissaire de prendre d'autres mesures.

c) L'établissement d'un rapport spécial à la destination des actionnaires

En cas d'inobservation des dispositions prévues ou si la continuité de l'exploitation reste compromise en dépit des décisions prises, le commissaire aux comptes établit un rapport spécial destiné aux actionnaires, et présenté à la prochaine assemblée générale ou, en cas d'urgence, à une assemblée générale des actionnaires qu'il convoque lui-même pour soumettre ses conclusions, après avoir vainement requis sa convocation du conseil d'administration ou de l'administrateur général par lettre au porteur contre récépissé ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. A ce niveau, force est de signaler l'impact d'une telle convocation. En effet, les difficultés de l'entreprise sont alors portées sur la place publique, car il est presqu'impossible de ne pas mettre le tiers au courant de la réunion de l'assemblée générale, et les actionnaires ne sont astreints à aucune obligation de discrétion.

Lorsque le commissaire procède à cette convocation, il fixe l'ordre du jour et peut, pour des motifs déterminants, choisir un lieu de réunion autre que celui éventuellement prévu par les statuts. Il expose les motifs de la convocation dans un rapport lu à l'assemblée221.

Il convient de remarquer que le devoir d'alerte qui incombe au commissaire aux comptes le conduit à faire apprécier la gestion de la société. Il y a là une dérive de ses fonctions de contrôle des comptes vers la surveillance de la gestion222.C'est ce qui explique que l'importance de sa mission implique que sa responsabilité civile puisse être engagée, celle des dirigeants n'étant pas en reste.

2-Responsabilité du commissaire et des dirigeants

221 Cf. art. 156 AUSC in fine.

222 POUGOUE P.G., ANOUKAHA F. et NGUEBOU TOUKAM J., op. cit., n 194, p 84.

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L'obligation faite au commissaire aux comptes de déclencher l'alerte est susceptible d'entraîner sa responsabilité en cas d'inobservation des dispositions prévues. Aussi, ce dernier engage-t-il sa responsabilité envers tous ceux qui subissent les conséquences de l'ouverture du redressement judiciaire, lorsqu'il n'a pas déclenché l'alerte en temps utile. Cependant, n'étant tenu que d'une obligation de moyens en principe, les actionnaires devront prouver sa faute et le lien de causalité qui unit celle-ci au dommage qu'ils ont subi. Il s'agit là d'une hypothèse relativement simple.

La situation devient plus complexe lorsque le commissaire a mis en mouvement cette procédure. Aussi, l'art.725 AUSC223lui confère-t-il une certaine immunité dans l'exercice de sa mission d'alerte. L'alinéa 2 de cet article prévoit en effet, que la responsabilité du commissaire ne peut être engagée pour les informations ou divulgations de faits auxquels il procède en exécution de sa mission, conformément à l'art. 153 AUSC précité.

L'immunité s'explique également, et c'est là qu'elle présente son véritable intérêt, lorsque le commissaire a déclenché l'alerte alors que la continuité de l'exploitation n'était pas réellement compromise224. Toutefois, par application du droit commun, ce dernier commettrait une faute génératrice de responsabilité civile et justifiant son relèvement judiciaire, s'il ouvrait cette procédure de mauvaise foi, contre une société dont il ne pouvait pas ignorer la prospérité225. Il en irait sans doute de même s'il commettait une faute lourde, assimilable au dol dans l'appréciation du caractère préoccupant de la situation sociale.

L'on est donc fondé à en déduire que, nonobstant la protection offerte au commissaire par l'art. 725 AUSC, le devoir d'alerte risque d'aggraver sa responsabilité, et par voie de conséquence, accroitre la sécurité des actionnaires.

Quant aux dirigeants, ceux-ci engagent leur responsabilité dans les termes du droit commun lorsqu'ils ne donnent pas une suite satisfaisante à l'alerte déclenchée. Reste à présent à savoir de quelle manière les actionnaires eux-mêmes mettent en marche la procédure d'alerte.

3-Procédure de déclenchement de l'alerte par les actionnaires

223 Cf. aussi art. 234 de la loi française de 1966

224 GUYON Y., Entreprises en difficultés- Redressement judiciaire-Faillite, op.cit., n 1054, p. 58. 195 Com. 14 nov. 1995, Bull. civ. n 264, p. 243.

La conduite de la procédure d'alerte par les actionnaires est organisée par l'Acte uniforme. A la lecture de ce texte, un seul mécanisme est prévu.

Aussi, conformément à l'art. 158 de l'Acte uniforme, tout actionnaire peut, deux fois par exercice, poser des questions au président du conseil d'administration, au président-directeur général ou à l'administrateur général, selon le cas, sur tout fait de nature à compromettre la continuité de l'exploitation, dans les sociétés anonymes. La réponse est communiquée au commissaire aux comptes. Le dirigeant social répond par écrit, dans un délai d'un mois, aux questions posées. Dans le même délai, il adresse copie de la question et de sa réponse au commissaire aux comptes.

Il est à noter que, contrairement à la conduite de l'alerte dans les sociétés autres que les sociétés anonymes où les questions doivent nécessairement être écrites226, le législateur semble ne pas mettre un accent particulier sur la forme que devront prendre les questions dans les sociétés anonymes. Seul l'alinéa 2 in fine de l'art. 158 de l'AUSC nous permet de soutenir que ces questions devront être écrites. Mais l'on ne peut s'empêcher de s'interroger sur l'opportunité des questions orales, qui à notre avis, paraissent plus pratiques et diligentes227, même si l'on pourrait leur reprocher un manque de discrétion sur la situation de l'entreprise.

Une lecture attentive de l'Acte uniforme conduit à inférer que les questions ne seront posées qu'à l'occasion des assemblées générales, c'est-à-dire deux fois par an, alors que la situation de l'entreprise commanderait une réaction prompte au regard de la situation sensible. C'est dire que la possibilité offerte aux actionnaires de poser des questions aux dirigeants, si elle est salutaire, reste lacunaire comme bien d'autres mesures, qui se dressent contre une véritable protection des actionnaires.

Mais l'on ne saurait en même temps éluder le fait que, à l'opposé du droit français, le droit OHADA semble ne pas soumettre l'exercice de cette mesure à la détention d'une quelconque portion du capital.

Quoiqu'il en soit, l'exercice d'actions précoces - juridictionnelles ou non-conduit généralement à la découverte de nombreuses fautes commises soit dans la gestion, soit dans le contrôle de la société commerciale. Ces dernières seront alors sanctionnées aux moyens d'actions en responsabilités contre les différents contrevenants.

SECTION II- LES SANCTIONS CONSECUTIVES AUX INVESTIGATIONS

226 Cf. art. 157 AUSC.

227 Les autorités interpellées se sentant dans l'obligation d'apporter une réponse séance tenante.

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A la suite d'une procédure d'alerte ou du rapport de l'expert, les actionnaires peuvent déclencher les hostilités envers tout contrevenant à leurs droits, notamment, mettre en jeu sa responsabilité, demander l'annulation des décisions jugées abusives, ou la nomination d'un administrateur provisoire, etc.

En ce qui concerne la nomination d'un administrateur provisoire, il convient tout de suite de signaler que l'essentiel de sa procédure de déclenchement est similaire à celle de l'expert de gestion228. Et tout comme pour cette dernière, elle a pour effet pervers de favoriser l'immixtion des tiers dans la vie de la société229. De la même manière, le législateur OHADA n'a pas non plus organisé la responsabilité de l'administrateur provisoire230.

Dans cette perspective, le respect des prérogatives reconnues aux actionnaires est un impératif pour les dirigeants sociaux, la société commerciale étant créée dans l'intérêt commun des actionnaires231. Les dirigeants ne sauraient donc impunément abuser des investissements faits par les actionnaires. Mais ceux-ci ne sont pas seuls à pouvoir porter atteinte aux droits des actionnaires. En effet, la jouissance des attributs de ces derniers peut être entravée aussi bien par les tiers que par d'autres actionnaires.

Présentent donc dans ce contexte, un réel intérêt, La responsabilité des dirigeants pour les actes fautifs commis dans l'exercice de leur fonction (§1), de même que celle des commissaires aux comptes (§2).

§1- LA RESPONSABILITE CIVILE DES DIRIGEANTS SOCIAUX

Une mauvaise administration de la société peut être la source de préjudices considérables pour les créanciers sociaux mais surtout pour les actionnaires232. Aussi, le législateur OHADA s'est-il investi à déterminer avec le plus grand soin les circonstances dans lesquelles la responsabilité des dirigeants peut être mise en oeuvre233. Assurément et avec le nouveau contexte juridique et économique, ces circonstances sont nombreuses ; ce qui se conçoit si l'on tient compte non seulement

228 C'est ainsi que la procédure commence par la saisine du juge : la demande est présentée devant le tribunal, le plus souvent par la voie du référé en raison de l'urgence qui la caractérise.

229 Tel le juge

230 En effet, ce dernier peut être à l'origine de nombreuses fautes, préjudiciables aux actionnaires. Face à cette lacune, on peut tout légitimement estimer que les fautes susceptibles d'être commises par l'administrateur provisoire seront sanctionnées à l'image de celles des dirigeants sociaux.

231 Cf., ici encore, art. 4 AUSC.

232 RIPERT (G.) et ROBLOT (R.), Traité de droit commercial, 15e éd. Tome1, LGDJ, 1993, n° 1360, p. 1041.

233 Cf. livre III de l'AUSC intitulé « Action en responsabilité civile contre les dirigeants sociaux »

de l'étendue des prérogatives des dirigeants sociaux, mais aussi du cadre légal et contractuel dans lequel elles s'exercent234. Il s'agit donc de mettre en relief les exigences régulièrement durcies qui assurent désormais un contre pouvoir à leur puissance235.

Au-delà de ces développements, il convient de dégager l'organisation de la responsabilité des dirigeants (A) afin d'apprécier l'exercice de son action (B), sans préjudice d'une éventuelle révocation des ces derniers (C).

A- L'organisation de la responsabilité civile des dirigeants sociaux

La responsabilité des dirigeants varie selon les circonstances vis-à-vis des actionnaires, mais notre préférence va pour les deux régimes suivants : une responsabilité des dirigeants de la société in bonis (1), et une responsabilité aggravée en cas de faillite (2).

1- La responsabilité des dirigeants de la société in bonis

Il s'agit d'une responsabilité ordinaire envers les actionnaires236. Les dirigeants sont responsables, aux termes de l'art. 740 AUSC, « individuellement ou solidairement envers la société ou envers les tiers237, soit des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés anonymes, soit des violations des dispositions des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion »238. Une lecture attentive de cette disposition démontre que tous les actes susceptibles d'enclencher la responsabilité des dirigeants ne sont que des tentacules de la notion globale de « faute »239, et sont relatifs à la violation des lois et règlements (a), à la violation des statuts et à la faute de gestion (b).

234 NJEUFACK TEMGOUA (R.), << La responsabilité des dirigeants des sociétés commerciales (OHADA) », Mémoire de DEA en Droit Communautaire et Comparé UDEAC/CEMAC, Uds, 1999, p. 5.

235 NJOYA NKAMGA( B), << Les dirigeants sociaux », Thèse de Doctorat/Ph.D., Uds, 2006-2007, p. 9.

236 RIPERT (G.) et ROBLOT (R.), op. cit., n° 1360, p. 1042.

237 La notion de <<tiers » est ici largement entendue et inclut les actionnaires.

238 A lire avec les art. 161 et 165 AUSC.

239 NJEUFACK TEMGOUA (R.), op. cit., p. 6.

91NJOYA NKAMGA (B.), op. cit., n° 686, p. 344.

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a) Responsabilité pour violation des lois et règlements

La responsabilité des dirigeants pour violation des lois et règlements dans l'accomplissement par ceux-ci d'actes contraires à ces dispositions, était déjà en vigueur dans la quasi-totalité des Etats membres de l'OHADA, par l'effet conjugué du code civil, du code de commerce, des lois de 1867, 1925 et bien d'autres textes240. Le droit réformé de l'OHADA l'a reprise et rénovée.

L'idée est simple: la violation par les dirigeants d'une règle prévue dans l'espace concerné entraîne sa responsabilité. De façon précise, la violation d'une disposition législative ou règlementaire gouvernant le droit des sociétés, qu'il s'agisse de la constitution ou de la direction de la société, de la convocation ou du fonctionnement des assemblées ou des conditions d'exercice des fonctions de dirigeants constituent, indépendamment des sanctions spécifiques qu'elles comportent (opposabilité, nullité), un fait générateur de la responsabilité du dirigeant241.

Dans cette perspective, le législateur africain s'est servi d'un critère temporel pour fixer les comportements blâmables. La cause de la responsabilité peut être liée à la constitution, au fonctionnement ou à la dissolution de la société ; l'essentiel étant qu'elle soit survenue dans l'exercice des fonctions de dirigeants. Ainsi, les premiers dirigeants ont par exemple le devoir de s'assurer que la société a été régulièrement constituée. Une incurie de leur part entraîne leur responsabilité pour violation de l'art. 78 AUSC qui dispose que « Les fondateurs, ainsi que les premiers organes de gestion, de direction ou d'administration sont solidairement responsables du préjudice causé soit par le défaut d'une mention obligatoire dans les statuts, soit par l'omission ou l'accomplissement irrégulier d'une formalité prescrite pour la constitution de la société ».

Au cours de la vie sociale, la responsabilité des dirigeants est susceptible d'être engagée en cas d'annulation d'actes ou de délibérations, pour défaut de convocation ou irrégularité de convocation d'une assemblée par exemple prévue par les textes242. De même, les dirigeants d'une S.A. verront leurs responsabilités engagées pour défaut de désignation d'un commissaire aux comptes243 ou de provocation d'une délibération sur l'option à prendre en cas de réduction du capital en dessous du minimum légal.

Il en irait de même de la violation des statuts et des fautes de gestion.

241VIDAL (D.), cité par NJOYA NKAMGA (B.), op. cit., n° 690, p. 345.

242 Cf. art. 35 AUSC.

243 V. pour désignation d'un ou des commissaires aux comptes dans les SA, art. 694 et 702 AUSC.

b) Responsabilité pour violation des statuts et pour faute de gestion

La violation des statuts de la société et la faute de gestion du dirigeant constituent aussi des causes de responsabilité civile des dirigeants reprises par l'Acte uniforme. Mais contrairement à la violation des lois et règlement qui s'apparente plus à l'expression d'un souci législatif d'encadrer la fonction de dirigeant en soi, ces deux types de causes semblent être la conséquence plus ou moins voulue de la qualité de mandataire des dirigeants244.

i- La violation des statuts

Dans le cadre de la gestion de la société, les dirigeants voient, en principe, leurs pouvoirs déterminés par les actionnaires dans l'acte de société ou tout acte ultérieur auquel les statuts ou la loi renvoie le cas échéant. Dans cette optique, la violation des statuts par le dirigeant sera très souvent une faute, une inexécution des exigences de son mandat. Il pourra dès lors s'agir de toutes sortes de règles concernant le fonctionnement de la société, pour la fixation desquelles, sauf disposition législative contraire, les actionnaires disposent d'une grande liberté : mesures concernant les pouvoirs internes des dirigeants, la répartition des bénéfices, etc. De même, les dirigeants sont responsables en cas de méconnaissance par eux d'une disposition statutaire les obligeant à obtenir exceptionnellement l'accord des actionnaires245.

Signalons cependant que cette cause de responsabilité n'est pas nécessairement une faute.

ii- La faute de gestion

C'est le type de faute le plus difficile à établir -pourtant le plus invoqué-, car il suppose une appréciation sur l'attitude qu'aurait dû avoir un administrateur diligent, actif mais prudent, à l'époque et dans les circonstances de l'espèce. La notion est protéiforme, recouvrant aussi bien des actes positifs que négatifs246.

D'une manière générale, cette faute doit être prouvée par les actionnaires demandeurs. Elle s'apprécie donc « in abstracto », c'est-à-dire par référence à la conduite d'un dirigeant prudent, diligent et actif. Ce qui ne signifie pas qu'on refuse

244 NJOYA NKAMGA (B.), op. cit., n° 690, p. 346.

245 Cass. Crim., 10 mars 1976, n° 74-14, 680, JCP, éd. G., 1977, II, n° 18566, note CHARTIER.

246 MERLE (PH.), Droit commercial, sociétés commerciales, 3e éd., Précis Dalloz, 1992, n° 406, p. 362.

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de tenir compte des éléments concrets247. Non seulement la conduite de l'intéressé sera jugée par référence à celle d'un dirigeant de même catégorie mais encore on placera ce type de comparaison dans les mêmes circonstances que l'auteur du dommage248. Et cet autre dirigeant ne peut être que l'homme normalement prudent et avisé, celui que certains textes du code civil - surtout en matière contractuelle et quasi-contractuelle- appellent « le bon père de famille »249. Tout au plus, la faute doit s'apprécier en tenant compte du contexte existant au moment où elle a été commise. L'inverse accablerait les dirigeants sous le poids d'une perspicacité rétroactive suscitée par la connaissance de la catastrophe finale.

La gestion d'une entreprise suppose l'acceptation de certains risques250. Ce n'est pas parce que tel ou tel d'entre eux se réalise que le dirigeant sera nécessairement fautif. Ce que l'on est en droit d'exiger des dirigeants ce n'est pas un don prophétique, mais le souci d'éviter des mesures que l'on devait considérer comme déraisonnables au moment où elles ont été prises251.

Il ne saurait donc être question de tenter de dresser une liste des fautes préjudiciables aux actionnaires que pourraient commettre les dirigeants. Celles-ci peuvent être volontaires, notamment lorsque les dirigeants utilisent leurs pouvoirs à des fins personnelles et non dans l'intérêt de la société252. Mais la faute de gestion peut être aussi une imprudence253 ou une négligence254, du moment que celle-ci est suffisamment caractérisée255.

Soulignons que la responsabilité des dirigeants peut être individuelle ou solidaire, d'après l'art. 740 précité256. En cas de solidarité, les actionnaires peuvent donc poursuivre l'un quelconque des dirigeants ayant coopéré au fait fautif257 ; la réparation effectuée, il appartient à celui qui a payé de se retourner contre ses

247 GUYON (Y.), Droit des affaires, 12e éd., tome1, Economica, 2003,n° 459, p. 448

248 On ne doit par exemple pas exiger les mêmes diligences du dirigeant d'une petite société anonyme de dimension familiale et du président du conseil d'administration d'une société côtée en bourse.

249 FLOUR (J.), AUBERT (J.L.), SAVAUX (E.), Droit civil, les obligations, sources: les faits juridiques, vol. II, coll. U., 10e éd., Armand colin, n° 113 p. 108.

250 GUYON (Y.), op. cit., n° 459, p. 448.

251 LAGARDE (G.), cité par GUYON (Y.), op. cit.

252 Tel est par exemple le comportement d'un dirigeant qui verse des commissions occultes à des tiers, exposant la société à une réintégration fiscale et empêchant du même coup aux actionnaires d'exercer un contrôle normal de la marche des affaires sociales.

253 Com., 18 juin 1973, Rev. Soc., 1974, 300, note Hémard.

254 Com., 4 février 1980, Bull. civ., IV n° 55, p. 43 - Aix, 9 avril 1974.

255 Constituent ainsi une imprudence, la dissimulation aux actionnaires de la véritable situation de la société par les rapports inexacts faits à l'assemblée ; le fait de ne pas informer les actionnaires de la gravité de la situation sociale et de ne pas avoir appelé de leur part une décision couvrant sa responsabilité même si les pertes n'avaient pas encore atteint la moitié du capital social, dès lors que le prolongement de la société dans les conditions déplorables ne pouvait aboutir qu'à absorber la substance même de la société par l'addition aux pertes anciennes de pertes nouvelles et continues

256 Elle est individuelle lorsqu'une faute précise peut être imputée à un administrateur déterminé, les autres membres du conseil étant totalement étrangers à cette faute. Elle est solidaire s'il est par exemple prouvé que plusieurs administrateurs ont commis une faute commune

coresponsables chacun pour sa part contributive, conformément aux règles gouvernant les rapports d'obligations en droit civil.

Le souci manifeste du législateur de faciliter la prospérité des entreprises et d'éviter autant que possible des difficultés de nature à provoquer l'insolvabilité de la société et par conséquent, à compromettre les intérêts des actionnaires, l'a amené à dégager une responsabilité particulière des dirigeants sociaux en cas de faillite de la société.

2- L'aggravation de la responsabilité des dirigeants en cas de faillite de la
société

On a très souvent dénoncé les scandales auxquels donnait lieu, sous l'empire de la loi française de 1867, l'irresponsabilité de fait des dirigeants en présence de la faillite de la société qu'ils avaient provoquée par leur incurie ou leur négligence258. Différents procédés ont été imaginés en droit français pour éviter cet inconvénient; d'abord en jurisprudence, puis dans des dispositions légales. Le législateur OHADA a pour sa part entériné ces procédés aussi bien dans l'AUSC que dans l'Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif259.

Il sera question pour nous de mettre en relief les répercussions que le redressement ou la liquidation judiciaire de la société peut entraîner sur le patrimoine ou la personne des dirigeants. Elles peuvent ainsi consister en l'incessibilité des droits sociaux des dirigeants ou leur comblement au passif de la société (a). Mais les dirigeants peuvent aussi être déclarés personnellement en état de redressement judiciaire et s'exposer à la faillite personnelle (b).

a) Incessibilité des droits sociaux des dirigeants et comblement du passif

Dès le jugement déclaratif, les actions des dirigeants cessent d'être librement négociables. A peine de nullité, leurs actions ou tous autres droits sociaux ne peuvent être cédés qu'avec l'autorisation du juge-commissaire et dans les conditions fixées par lui260. Le législateur manifeste par là même son souci de limiter la liberté du dirigeant véreux dans l'administration et la disposition de ses droits sociaux. Dans cette optique, la juridiction compétente a le pouvoir d'ordonner à l'encontre des dirigeants fautifs, l'expropriation de leurs actions afin de maintenir l'entreprise pour

257 COZIAN (M.), VIANDIER (A.) et DEBOISSSY (FL.), op. cit., n°744, p. 274.

258 RIPERT (G.) et ROBLOT (R.), op. cit., n° 1379, p. 1054.

259 Ci-après AUPC.

260 Cf. art. 57 AUPC.

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des raisons d'intérêt public, économique et social261. Et les dirigeants en cause sont tenus de déposer entre les mains du syndic, les titres constatant leurs droits sociaux, lequel peut même mettre en demeure les dirigeants récalcitrants de le faire.

L'incessibilité des droits sociaux des dirigeants constitue une mesure conservatoire qui prépare la saisie.

S'agissant du comblement du passif et selon les termes de l'art. 183 de l'AUPC, lorsque la procédure révèle une insuffisance d'actif, la juridiction compétente peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider, à la requête du syndic ou même d'office, que les dettes de la personne morale seront supportées en tout ou en partie, avec ou sans solidarité, par tous les dirigeants ou certains d'entre eux. Cet article met en évidence une double exigence: la preuve d'une faute de gestion et la démonstration d'une causalité entre ce comportement fautif et l'insuffisance d'actif ; peu importe en revanche que la faute soit séparable ou non262.

Il s'agit donc d'une mesure à la fois redoutable - pour les dirigeants- et protectrice - pour les actionnaires, car elle peut être déclenchée indépendamment même de ces derniers mais leur en profiter-.

Le ou les dirigeants condamnés doivent supporter tout ou partie du passif. Faute de s'exécuter, ils courent le risque de se voir mis eux-mêmes, comme de simples commerçants, en redressement ou en liquidation judiciaire, sans compter l'éventuelle sanction de faillite personnelle.

b) Extension des procédures collectives et failite personnelle

Bien qu'ils ne soient pas commerçants, les dirigeants peuvent être déclarés personnellement en état de redressement ou de liquidation judiciaire (i) et être exposés à la faillite personnelle (ii).

i- Extension des procédures collectives aux dirigeants fautifs

Cette mesure est réglementée par les articles 189 à 193 de l'AUPC. Mais la condamnation au comblement du passif ne conduit pas inéluctablement à l'ouverture d'une procédure collective à l'encontre des dirigeants ; elle ne produit cet effet que si

261 Cf. art. 185 AUPC.

262 Contrairement, en effet, à la loi française du 25 janvier 1985 sous l'empire de laquelle l'action en comblement du passif a toujours fonctionné sur des présomptions, l'AUPC exige pour sa part que soient établis, conformément au droit commun de la responsabilité, le dommage résidant dans l'insuffisance d'actif, la faute et le lien de causalité.

ces derniers ne s'exécutent pas. Toute autre est donc la conséquence d'une action en extension qui étend au dirigeant concerné la procédure ouverte à l'encontre de la société, dans ce cas le passif comprend, outre celui du dirigeant, celui de la société. L'énergie des effets de l'action en extension commande cependant de réserver cette sanction aux cas particulièrement graves.

Ainsi, aux termes de l'art. 189 de l'AUPC, cette extension s'applique à tout dirigeant de société même s'il n'est pas l'actionnaire qui a, sans être en cessation des paiements263 lui-même ; exercé une activité commerciale personnelle soit par personne interposée, soit sous le couvert de la personne morale masquant ses agissements ; disposé du crédit ou des biens de la personne morale comme des siens propres ; poursuivi abusivement, dans son intérêt personnel une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements de la personne morale.

Bref, l'extension des procédures collectives vise les dirigeants qui se sont comportés comme les véritables maîtres de l'affaire. Il est donc logique qu'ils répondent sur leurs patrimoines personnels lorsque la société est en état de cessation de paiement.

ii- La faillite personnelle des dirigeants

D'après les dispositions de l'art. 194 de l'AUPC, la faillite personnelle s'applique entre autres aux personnes physiques dirigeants des personnes morales assujetties aux procédures collectives, aux personnes physiques représentants permanents des personnes morales dirigeantes. Les dirigeants des personnes morales ainsi visés sont des dirigeants de droit ou de fait, rémunérés ou non, apparents ou occultes.

Une lecture attentive des dispositions de l'Acte uniforme conduit à distinguer deux cas de faillite personnelle : la faillite personnelle obligatoire et la faillite personnelle facultative.

Dans la première hypothèse, sont obligatoirement frappés de faillite personnelle, les dirigeants sociaux qui ont soustrait la comptabilité de leur entreprise, détourné ou dissimulé une partie de son actif ou reconnu frauduleusement des dettes qui n'existaient pas, etc.264

263 L'art. 25AUPC définit la cessation des paiements comme le fait pour un débiteur d'être dans l'impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible.

264 Cf. art. 197 AUPC.

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Dans la seconde hypothèse, l'art. 198 de l'AUPC liste trois cas de faillite personnelle265.

Conscient de la gravité de cette mesure et de ses implications en guise de sanctions266 à l'endroit des dirigeants, le législateur permet au dirigeant malheureux déchu de ses droits, de solliciter auprès de la juridiction compétente une réhabilitation267.

L'aggravation de la responsabilité civile des dirigeants vise à rendre effective leur responsabilité. En effet, le dirigeant d'une société soumise à un redressement ou une liquidation judiciaire ne bénéficie plus de la moindre immunité. Les victimes des fautes de gestion268vont pouvoir agir à son encontre pour obtenir réparation.

B- L'exercice des actions en responsabilité contre les dirigeants fautifs

Traditionnellement, la mise en oeuvre de la responsabilité des dirigeants exige que certaines conditions soient réunies. Elles relèvent essentiellement du droit commun, à savoir, le demandeur doit prouver une faute du dirigeant, un dommage et le lien de causalité entre la faute et le dommage269. Ce n'est qu'une fois ces conditions réunies que l'Acte uniforme offre plusieurs actions aux actionnaires pour la défense de leurs droits. Aussi, les arts. 161 à 172 de L'AUSC organisent-ils de manière générale l'action en responsabilité civile contre les dirigeants de sociétés, prenant le soin de distinguer entre l'action individuelle (1) et l'action sociale (2). Toutes ces actions étant rigoureusement encadrées dans le temps, il revient aux actionnaires de toujours être aguerris, diligents, vigilants et agir ainsi dans les délais indiqués afin de ne pas tomber sous le coup d'une prescription malencontreuse (3).

1- L'exercice de l'action individuelle ou personnelle

L'art. 162 de l'AUSC définit l'action individuelle comme l'action en réparation du dommage subi par un tiers ou par un associé, lorsque celui-ci subit un dommage distinct du dommage que pourrait subir la société, du fait de la faute

265 Tout d'abord, la mesure frappe les dirigeants qui ont commis des fautes graves autres que celles visées à l'article

précité ou ont fait preuve d'une incompétence manifeste ; elle s'applique ensuite aux dirigeants qui n'ont pas déclaré
dans les 3O jours, la cessation des paiements de la société ; et enfin ceux qui n'ont pas acquitté la partie du passif social.

266 Cf. art. 203 AUPC, pour les effets de la faillite personnelle.

267 Cf. art. 203 in fine de l'AUPC pour la fixation de la durée de la sanction. V. aussi les art.204 à 215 AUPC pour la réglementation de la réhabilitation. A noter aussi que la jurisprudence admet ici beaucoup plus facilement l'existence d'une faute de gestion.

268 La jurisprudence admet ici beaucoup plus facilement l'existence d'une faute de gestion.

269 CARBONNIER (J.), Droit civil, les obligations, Tome 4, 21e éd. PUF, 1998, n° 200 et s., p. 34 et s.

commise individuellement ou collectivement par les dirigeants sociaux dans l'exercice de leurs fonctions. L'article ajoute que cette action appartient à l'actionnaire et ne peut être intentée que dans la mesure où celui-ci subit un dommage.

Dans la mesure où les actionnaires peuvent souffrir des conséquences des décisions prises dans l'exercice des fonctions sociales, il est logique qu'une action indépendante leur soit reconnue. De la sorte, pris individuellement, les actionnaires ont le droit d'agir en responsabilité contre les dirigeants sociaux afin qu'ils répondent de leurs actes, lorsqu'ils s'estiment victimes des fautes de ces derniers270. C'est dire que lorsqu'un acte irrégulier d'un dirigeant a causé à l'actionnaire un préjudice qui lui soit direct et personnel, c'est-à-dire un préjudice propre qui ne se confonde pas avec le préjudice subi par la société, il dispose de l'action individuelle pour demander réparation.

Il s'agit là donc bien d'une action intentée par l'actionnaire qui agit seul. Toutefois, la question se pose de savoir si les actionnaires qui entendent demander réparation du préjudice qu'ils ont personnellement subi peuvent donner à un ou plusieurs d'entre eux le mandat d'agir en leur nom devant les juridictions civiles.

L'Acte uniforme n'en souffle mot, mais il ne semble non plus l'interdire. Aussi, de l'esprit même du législateur qui est de sécuriser les investissements, il nous est autorisé de répondre par l'affirmative, d'autant que le droit français dont s'est une fois de plus inspirée la législation OHADA l'admettait déjà271, à la condition cependant qu'il s'agisse d'un dommage de même nature et que ledit mandat soit écrit et mentionne expressément qu'il donne aux mandataires le pouvoir d'accomplir au nom des mandants les actes de procédure.

En ce qui concerne la procédure d'engagement proprement dite, elle se fera par le biais traditionnel de la saisine des tribunaux en matière civile, c'est-à -dire ici au moyen d'une assignation délivrée du ministère d'un huissier de justice et signifiée par ses soins au dirigeant social en cause. Evidemment, la juridiction ayant compétence d'attribution sera déterminée en fonction du montant de la demande en justice, faute de quoi, la demande sera considérée comme étant sans objet et donc déclarée irrecevable, tout au moins par référence au droit civil processuel tel qu'actuellement applicable au Cameroun272. Sur la compétence rationae loci, c'est la juridiction du lieu de situation du siège social qui est compétente d'après les articles 164 et 170 de l'Acte uniforme.

270 NJEUFACK TEMGWA (R.), Mémoire de DEA, op. cit. p. 17.

271 GUYON (Y.), Droit des affaires, op. cit. n°462 ? P. 477.

272 Cf. Code de procédure civile et commerciale camerounais ensemble avec les articles 14 à 18 de la loi camerounaise n° 2006/015 du 29 décembre 2006 portant organisation judiciaire.

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Si l'exercice de l'action individuelle par les actionnaires facilite la mise en jeu de la responsabilité des dirigeants sociaux, il reste que de manière habituelle, les fautes de ces derniers causent un dommage à la société toute entière, n'ouvrant donc pas droit à l'action individuelle. Dans ces conditions, c'est par la voie de l'action sociale que l'actionnaire contrôlera de manière efficace la gestion de la société.

2- L'exercice de l'action sociale : action ut singuli

L'action sociale ut singuli est, au sens même des dispositions pertinentes de l'art. 166 de l'AUSC, une action d'inspiration actionnariale et à finalité sociale273. En d'autres termes, il s'agit de l'action en responsabilité dirigée par les actionnaires contre les dirigeants sociaux, et dont le but est de poursuivre la réparation du préjudice subi par l'entreprise en raison des fautes de gestion commises par ces derniers, exercée soit par un actionnaire, soit par un groupe d'actionnaires.

C'est une action qui a donc pour vocation la réparation du préjudice subi par la société de par l'acte fautif du dirigeant.

C'est l'action la plus commune, car le dommage a généralement un caractère collectif. Le patrimoine tout entier souffre des fautes commises par les dirigeants. C'est la raison pour laquelle cette action échoit prioritairement à la société. Et à ce titre, ce sont ses représentants qui doivent l'exercer d'après les dispositions de l'art. 166 de l'AUSC précité. On parle alors d'action sociale ut universi. Mais parce qu'il existe un certain risque que les administrateurs y mettent une mauvaise volonté, l'action tendant à établir leur propre responsabilité ou celle de leurs prédécesseurs ou encore celle d'un d'entre eux. C'est donc afin d'éviter la paralysie de l'action sociale que le législateur a conféré aux actionnaires la possibilité de se substituer aux organes sociaux défaillants en exerçant l'action sociale à leur place274. On parle dans ce cas d'action sociale exercée ut singuli. Et l'exercice de cette action postule une substitution organique qui s'éprouve et se réalise au travers d'une suppléance technique.

On peut néanmoins se questionner sur l'intérêt qu'ont les actionnaires à agir pour le compte de la société ? De même, de quel préjudice s'agit-il en réalité ? Car, ou bien l'actionnaire agissant invoque un préjudice personnel et on serait plus pertinemment en présence d'une action individuelle en réparation, ou bien il invoque un préjudice indirect, et dans ce cas il serait privé de l'intérêt à agir. Il en résulte que

273 OUSMANOU Sadjo, op. cit. p. 95.

274 AMEIL (C.), op. cit. p. 9.

le préjudice qui doit fonder l'action ut singuli est corollaire du dommage subi par la société275.

Quant à l'intérêt, l'action ut singuli traduit de façon concrète la marque d'une tension entre un intérêt abandonné - celui que l'actionnaire abandonne à la société - et un intérêt non défendu -celui de la société que les dirigeants n'ont pu défendre-.

Il convient de souligner que l'action sociale ut singuli peut être exercée par un ou plusieurs actionnaires. Dans ce sens, l'art. 167 de l'AUSC commande au préalable une mise en demeure des organes compétents non suivie d'effet dans le délai de trente jours. En outre, d'après les dispositions de l'art 168 du même Acte, est réputée non écrite toute clause de statuts subordonnant l'exercice de l'action sociale à un avis préalable ou à une autorisation des organes sociaux. Mais la disposition ne s'oppose pas à ce que l'actionnaire ou les actionnaires qui ont intenté une action puissent conclure une transaction avec la ou les personnes contre laquelle ou contre lesquelles l'action est intentée pour mettre fin au litige276.

Dans le même sens, aucune décision de l'assemblée des actionnaires, d'un organe de gestion, d'administration ne peut avoir pour effet d'éteindre une action en responsabilité contre les dirigeants sociaux pour la faute commise dans l'accomplissement de leurs fonctions277. D'ailleurs, le désistement d'un des actionnaires intéressés, ou la perte de sa qualité d'actionnaire en cours d'instance, est sans effet sur la poursuite de l'instance278. A noter que la possibilité laissée à un actionnaire ou à un groupe d'actionnaires d'agir au nom et pour le compte de la société constitue également une exception remarquable à l'adage processuel « nul ne plaide par procureur ».

Quant à la juridiction territoriale auprès de laquelle la demande doit être introduite, il s'agit de celle dans le ressort de laquelle est situé le siège de la société279 ; la juridiction ayant compétence d'attribution étant celle visée dans nos précédents développements280.

Au demeurant, la multiplicité de ces actions témoigne, à n'en point douter, de cette volonté ferme du législateur à assurer la quiétude des actionnaires dans l'entreprise. Toutefois, les actionnaires doivent être particulièrement diligents pour ne pas tomber sous le coup de la forclusion.

275 Tel serait, par exemple, le cas où la faute des dirigeants cause un dommage à l'ensemble du patrimoine de la société. V. aussi OUSMANOU Sadjo, op. cit. p. 95.

276 Cet article est d'ailleurs strictement appliqué par les tribunaux. V. en ce sens Cotonou, n° 256/2000, 17 août 2000, Affaire Société Continentale des Pétroles et d'Investissements, M. Séfou FAGBOHOUN, SONACOP, M. Cyr KOTY c/ Etat béninois.

277 Cf. art. 169 AUSC.

278 RIPERT (G.) et ROBLOT (R.), Traité de droit commercial, op. cit. n° 1374, p. 1050.

279 Cf. art. 164 et 170 AUSC précités.

280 V. supra p. 86.s

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3- Prescription des actions en responsabiité

D'une manière générale, qu'il s'agisse de l'action individuelle ou de l'action sociale dirigée contre les dirigeants sociaux ou contre les commissaires aux comptes, les textes281prévoient que le délai de prescription est de trois ans, « à compter du fait dommageable, ou s'il a été dissimulé, de sa révélation ».

D'après ces mêmes textes, d'autres délais de prescription peuvent cependant prolonger le droit d'agir en responsabilité. Ainsi, selon les articles 164, 170 et 727 de l'AUSC, lorsqu'il s'agit d'un crime, la prescription n'est acquise qu'au bout de dix années. C'est dire en définitive que le régime de la prescription suit celui applicable aux fautes commises par les dirigeants et les commissaires aux comptes. L'actionnaire qui entend donc assigner ces derniers doit agir une fois de plus avec diligence. Mais de toute évidence, l'actionnaire n'est pas toujours en mesure de savoir exactement quand la faute a été commise, ni ne peut déterminer aisément le point de départ de la prescription.

On comprend toute la gène que peut éprouver un actionnaire qui entend défendre ses droits en cas de faute de la part des dirigeants sociaux, des commissaires aux comptes, et même de ses coactionnaires. Mais il ne s'agit là que de signes avantcoureurs des nombreux obstacles qui jonchent le chemin des actionnaires dans leur entreprise de défense de leurs intérêts. Cependant, rien ne les oblige à supporter les caprices ou les incartades d'un dirigeant, car disposant du droit de le révoquer.

C- Le droit de révocation des dirigeants

Il ressort des articles 469 et 492 de l'AUSC que le président-directeur et le directeur général peuvent être révoqués à tout moment par le conseil d'administration. Il s'agit d'une révocation ad nutum constituant une particularité des sociétés anonymes, comparées aux sociétés à responsabilité limitée pour lesquelles la révocation est subordonnée à des justes motifs282. C

C'est dire que sans justes motifs les dirigeants d'une société peuvent être mis à l'écart par le conseil d'administration dans les sociétés anonymes, même si à cette égard, doctrine et jurisprudence s'accordent de plus en plus sur le fait qu'une telle mesure ne puisse être justifiée que par l'intérêt social, c'est-à-dire qu'il y ait à la base une raison légitime et suffisamment grave.

281 Cf. art. 164, 170, et 727 AUSC.

282 Cf. art. 326 AUSC.

En vérité cependant, la solution retenue par les articles susvisés ne correspond pas à la règle, apparemment symétrique, d'après laquelle la nomination du directeur général est l'oeuvre d'une volonté commune : pour rester fidèle à cette conception, le législateur aurait dû admettre que ni le conseil d'administration, ni le président, ne peuvent se voir imposer le maintien d'un directeur général ou d'un présidentdirecteur général dont ils ne veulent plus. En pratique, on peut penser que le refus du conseil de révoquer un directeur ou un président-directeur général qui n'aurait plus sa confiance ou celle du président selon le cas, entraîne habituellement la démission de ces dirigeants sans préjudice de leur responsabilité.

Le législateur est cependant allé jusqu'à admettre le cumul des actions individuelle et sociale exercée ut singuli283 et la poursuite de personnes non dirigeantes. En effet, les responsables sociaux ne sont pas les seuls de la société de capitaux pouvant poser des actes préjudiciables pour les actionnaires. Le danger peut tout aussi bien provenir de personnes non dirigeantes, notamment celles en charge de la transparence même de la société, à savoir le commissaire aux comptes.

§2- La responsabilité des tiers : le cas du commissaire aux comptes

La prospérité d'une société est tributaire de la transparence dans la gestion de celle-ci. Et pour cela, il faut bien qu'elle soit contrôlée. A cet égard le contrôle est exercé dans chaque société commerciale par un ou plusieurs commissaires aux comptes assistés de suppléants284. La désignation de ces derniers est un impératif dans les sociétés anonymes.

Ainsi, il ressort de l'art. 725 de l'AUSC que le commissaire aux comptes est civilement responsable, tant à l'égard de la société que des tiers, des conséquences dommageables des fautes et négligences qu'il commet dans l'exercice de ses fonctions. Mais il n'est pas responsable des dommages causés par les infractions commises par les membres du conseil d'administration ou par l'administrateur général, sauf si, en ayant eu connaissance, il ne les a pas révélées dans son rapport à l'assemblée générale285. Par ailleurs, sa responsabilité ne peut être engagée pour les informations ou divulgations des faits auxquels il procède en exécution de sa mission, notamment dans le cadre de la procédure d'alerte, ce qui est fort compréhensible. En revanche, il reste évident que l'importance de la mission qui lui est ainsi impartie,

283 Cf. art. 163 et 172 AUSC.

284 Cf. art. 694 et 702 AUSC.

285 Cf. art. 726 AUSC.

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comme mode de protection des actionnaires, implique que sa responsabilité puisse être engagée s'il omet, par myopie ou par complaisance, de déclencher cette procédure286.

La responsabilité du commissaire aux comptes prend donc sa source dans la faute commise par lui dans l'exercice de ses fonctions. Aussi, il est admis que , sauf pour certaines missions accessoires précises telles la vérification de l'existence des actions des dirigeants et la certification du montant des rémunérations versées aux personnes les mieux payées de la société, l'obligation qui incombe au commissaire aux comptes est une obligation de moyens, non de résultat287. De même, sa faute, à l'instar de celle du dirigeant, doit être appréciée par référence à la conduite d'un commissaire diligent et actif, placé dans la même situation288 et donc in abstracto. Elle doit en outre être prouvée289.

S'agissant de l'exercice de l'action en responsabilité contre le commissaire aux comptes, il convient de dire que la juridiction compétente en la matière contre ce contrôleur, doit nécessairement être saisie eu égard à la nature de la profession exercée, le tribunal de grande instance, y compris, en principe, dans le cas où la société contrôlée fait l'objet d'une procédure collective290.

En ce qui concerne la compétence territoriale, selon les règles de droit commun, c'est, en principe le tribunal dans le ressort duquel le commissaire a son domicile professionnel ou du siège de la société291. Mais à notre avis, l'actionnaire demandeur doit pouvoir intenter son action au lieu du fait dommageable ou au lieu où le dommage est subi, en raison d'une aisance de preuve.

Le résultat recherché par l'actionnaire est la condamnation du commissaire aux comptes fautif à réparer le dommage subi. Et cette condamnation ne peut prendre qu'une forme pécuniaire. Il n'est pas, en effet, concevable qu'une réparation en

286 POUGOUE (P.G.), op. cit., p. 115.

287 Rev. Soc., 1979, 92, note DUPONTAVICE. Aix, 7 juin, Bull. cons. nat. 1986, 487 ; Bordeaux, 7 mars 1990, Journ. agréées, 1991, 215, obs. GOYET.

288 RIPERT (G.) et ROBLOT (R.), op. cit., n° 1357, p. 1034. V. aussi Cass. com., 6 oct. 1992, Dr. des soc., 1992, n° 242, obs. BONNEAU.

289 Ont ainsi par exemple été jugés fautifs :

- L'absence d'une effective vérification des comptes, le commissaire s'étant borné à entériner les chiffres qui lui étaient présentés ;

- Le défaut de rapport spécial sur une convention réglementée dont le commissaire avait été avisé289, ou même l'insuffisance des informations données ;

- Le fait de n'avoir jamais vérifié les relevés de banque, permettant ainsi au comptable qui avait la signature bancaire de commettre des détournements ;

- Le fait de ne procéder à aucun contrôle, et de donner, dans son rapport, purement et simplement crédit aux évaluations inexactes du P.-GD et du commissaire aux apports ;

290 LAMY, op. cit. n° 1139, p. 467.

291 VIDAL (D.), Les Commissaires aux comptes dans la société anonyme ; Evolution du contrôle légal, aspects théoriques et pratiques, LGDJ, 1985, n°624, p. 69.

nature puisse être prononcée. De même, la condamnation peut être personnelle ou in solidum292, c'est-à-dire s'étendre aux auteurs d'autres fautes ayant concouru à la réalisation du dommage293.

Il faut cependant souligner que l'exercice de l'action civile contre le commissaire aux comptes n'est pas sans risque, car lorsque la demande n'aboutit pas, ce dernier peut faire valoir ses droits à l'indemnisation contre l'actionnaire.

Les actions en responsabilité contre le commissaire aux comptes, à l'image de celles des dirigeants sociaux en faute, sont soumises au respect des délais impartis par le législateur, faute de quoi les intéressés se retrouveraient forclos.

Assurément, le législateur africain de l'OHADA ne lésine par sur la protection des actionnaires lorsque leurs prérogatives peuvent être sous la menace de n'importe quel acteur de la société. Il utilise à cette fin des moyens aussi bien en vigueur avant son avènement, que ceux dont il a lui-même contribué à dégager les contours essentiels. De la sorte, le législateur communautaire a repris à son compte les mécanismes de protection des actionnaires ci-dessus développés et dits ordinaires ou classiques et les a simplement revisités. La nullité est, en effet, la sanction d'une règle protectrice des intérêts propres à un actionnaire déterminé ; la responsabilité civile quant à elle, vise à renforcer cette protection, au regard de l'hostilité du législateur envers la sanction de la nullité. Seulement, la responsabilité civile des intervenants sociaux est perçue comme une mesure subsidiaire ; -selon l'expression du Pr Yves GUYON -« l'ultime remède auquel les associés et les tiers n'ont recours que lorsque d'autres sanctions ou d'autres procédés de réparation plus spécifiques ne peuvent pas jouer ». D'où la faiblesse du dispositif de protection.

292 La condamnation est personnelle, car elle tient à la faute commise par le commissaire directement ou à raison des
personnes qui engagent sa responsabilité personnelle, tels ses collaborateurs ou l'expert qu'il a choisi pour l'assister en application des règles de droit commun sur la responsabilité du fait d'autrui.

293 Ce sera souvent le cas lorsqu'il est difficile de quantifier la part du dommage lié à la faute propre de l'un ou l'autre des auteurs des fautes ayant créé le préjudice.

CHAPITRE II :
LA FAIBLESSE DES MOYENS DE PROTECTION EN PLACE
ET LES IMPERATIFS DE REFORMES

93

Il sera question pour nous de mettre en évidence les écueils que rencontrent les actionnaires dans l'entreprise de sécurisation de leurs droits sur un terrain civil dans un premier mouvement face aux actes de gestions courants par les administrateurs et les contrôles approximatifs effectués par le commissaire aux comptes, nonobstant la volonté indéniable du législateur africain d'assurer une protection efficace (Section 1), avant de nous lancer dans un chantier de construction de quelques pistes de réflexion pouvant contribuer à l'amélioration des conditions de l'actionnaire au sein de la société (Section 2).

SECTION I- LES DEFAILLANCES DU DISPOSITIF DE PROTECTION

Dans l'entreprise de protection des actionnaires, le recours aux moyens de détection précoce des actes de gestion pouvant être nuisibles pour les actionnaires présente un intérêt indéniable. Toutefois, il convent d'être modeste quant à sa portée réelle (§1). En outre, lorsque ces moyens n'ont pas pu empêcher la réalisation des fautes de la part des organes de gestion et de contrôle, l'exercice des actions en responsabilité n'est pas lui-même aisé (§2).

§ 1- LES LIMITES DES MOYENS DE DETECTION PRECOCE DES ACTES
DE GESTION FAUTIFS

Il convient d'être modeste quant à la portée réelle d'un recours à l'alerte et à l'expertise de gestion de la mise en oeuvre de cette dernière favorisant une intervention intempestive du juge dans la société commerciale(A). Par ailleurs, le législateur n'a prévu expressément aucun régime de responsabilité de l'expert de gestion(B).

A- Les dangers d'une intervention intempestive du juge dans la société
commerciale

Si le dessein premier de l'expertise de gestion est d'éclairer, d'informer et par voie de conséquence de protéger l'actionnaire, il n'en demeure pas moins que cette recherche de la vérité et de l'information est susceptible de produire plutôt des effets pervers. Il faut dire que ce n'est pas l'intervention du juge dans son principe qui est contestée mais sa fréquence, car les affaires s'accommodent mal de la publicité. Or, il est évident que le recours au juge ne peut passer inaperçu, les audiences étant pour la plus part publiques et, quand bien même elles seraient à huis clos ou conduites en chambre du conseil, la décision à intervenir sera nécessairement rendue publique, de sorte que l'attention des partenaires et autres intéressés soit attirée sur les difficultés que traverse la société concernée. Il s'agit donc de n'avoir recours à ce type de protection qu'exceptionnellement, les dirigeants devant s'arranger à ce que la gestion soit transparente par le biais d'une information complète et continue des actionnaires en tant que de besoin.

En effet, la désignation d'un expert étant essentiellement l'oeuvre d'un juge, il revient à ce dernier désormais d'apprécier les opérations de gestion de la société. Et l'on s'interroge alors sur la capacité et l'opportunité des décisions prises par le juge dans la nomination de l'expert de gestion ; mieux, en application de quels critères le juge africain décidera-t-il que l'opération de gestion paraît suffisamment contestable et suspecte pour qu'un complément d'information soit nécessaire ? Il est donc mal aisé de comprendre comment une personne qui n'est pas mue pas l'affectio societatis caractérisant toute la composante de la société commerciale soit à même de prendre des décisions pour cette dernière.

De même, on ne peut pas ignorer qu'une fois désigné, l'expert devra mener une véritable enquête dans le but de faire régner la lumière là où règne l'opacité. Dans cette entreprise fort louable, il est à craindre une fois de plus que la confidentialité des affaires en prenne un sérieux coup, les tiers devant être désormais informés des difficultés de la société, peut être pas encore graves, mais assez pour inciter à la méfiance et à des actes de concurrence déloyale.

Ainsi, le législateur africain gagnerait d'ores et déjà à définir clairement les conditions de désignation d'un expert, de même qu'à préciser le contenu de la notion d' « opérations de gestion », car cela permettrait aux juges sollicités de pouvoir se prononcer dans le sens de l'intérêt social.

95

B- L'absence de consécration expresse d'une responsabilité de l'expert de
gestion294

Parce qu'il est appelé à connaître les détails de fonctionnement de la société commerciale et à contribuer à l'épanouissement des actionnaires au sein de celle-ci, il nous semble assez regrettable que le législateur africain n'ait pas songé à organiser un régime de responsabilité de l'expert de gestion pour les fautes qu'il pourrait commettre dans l'exercice de ses fonctions. Cette lacune a pour effet immédiat d'amenuiser les garanties de sécurité des actionnaires.

Le droit français est cependant plus explicite sur le statut de l'expert sans pour autant également en fixer un régime de responsabilité de cet acteur plutôt important dans le fonctionnement défectueux d'une société commerciale dont la situation n'est pas encore irrémédiablement compromise mais suffisamment préoccupante nécessitant des réactions appropriées afin qu'elle n'atteigne cette situation irréversible.

A notre sens, le régime de responsabilité de l'expert pourrait se calquer sur celui du commissaire aux comptes, bien que l'étendue de leurs compétences soit différente. En tout état de cause, la faute serait le fait générateur du recours dont l'aboutissement est la sanction de l'expert295.

L'expertise de gestion permettant aux actionnaires de faire la lumière sur la gestion de la société, l'expert ne saurait représenter un obstacle à cette fin. Il est vrai que sa désignation est régie par l'urgence, les fautes de l'expert établies entraînent des sanctions.

En ce qui concerne les sanctions, l'expert s'expose à la réparation du préjudice causé aux actionnaires. Cette réparation se résume en allocations de dommages et intérêts ; l'action en réparation pouvant être individuelle ou collective. La sanction des experts participe de la sécurisation des actionnaires ; la société commerciale fonctionnant dans l'intérêt des actionnaires, les tiers ne sauraient menacer les intérêts des investisseurs pourvoyeurs d'emplois.

294 Aucun des différents Actes uniformes n'envisagent, en effet, nulle part la responsabilité de l'expert ; c'est à croire qu'il s'agit là d'un sain à l'abri des tentations et des imperfections communes aux Hommes pris dans leurs passions.

295 S'agissant de la faute de l'expert, elle peut découler du dépassement des pouvoirs et missions qui lui ont été confiés. L'expert qui, dans son rapport présente sciemment des informations mensongères, engage sa responsabilité. De même, l'expert qui, avec la complicité des dirigeants sociaux présente une image infidèle de la société dans le but de nuire aux actionnaires sera sanctionné.

§2- DIFFICULTÉS D'EXERCICE DES ACTIONS EN RESPONSABILITE

Tout commence avec le principe (( actori incumbit probatio» de droit processuel qui fait obligation à celui qui allègue un fait d'en rapporter la preuve, alors même qu'il est matériellement impossible, sinon très difficile pour l'actionnaire de prouver la faute de ceux qui portent atteinte à ses droits (A). Quand bien même cette faute sera prouvée, rien n'est moins sûr de sa portée réelle de satisfaction, la responsabilité civile tenant lieu le plus souvent de sanction bénigne comparativement au préjudice subi (B).

A- Obstacles liés au difficile établissement des responsabilités : faible probabilité de découverte des fautes

Les obstacles liés au difficile établissement des responsabilités peuvent aussi bien concerner le régime des preuves, la vague détermination des responsabilités (1) que les difficultés soulevées par l'exercice (( ut singuli » de l'action sociale (2).

1- Obstacles relatifs au régime des preuves et à la vague détermination des fautes faisant grief

La réparation des dommages subis par les actionnaires qu'ils soient majoritaires ou minoritaires, se heurte incontestablement à la preuve d'un abus. Aussi, en cas d'abus de majorité, assez fréquemment les minoritaires se rendent-ils compte que la société ne produit pas les bénéfices que l'on pourrait raisonnablement espérer compte tenu de sa dimension et de la nature de ses activités. Ils soupçonnent des négligences, voire des malversations mais sans parvenir à préciser leurs griefs, ce qui les empêche de demander réparation296. Même si leur situation semble pourtant s'être améliorée avec le présent Acte uniforme par le contrôle des comptes et la désignation d'un expert de gestion, la difficulté demeure.

D'ailleurs, comme l'a relevé CHARTIER297 (( La détermination des auteurs d'un abus de droit de vote peut être délicate. En effet, poursuit-il, elle suppose que soit rapportée la preuve du sens dans lequel chaque associé a voté à main levée ou à scrutin ».

296 GUYON (Y.), Droit des affaires, op. cit. n° 454, p. 485.

297 FENEON (A.), « Droit des actionnaires minoritaires dans les sociétés commerciales de l'espace OHADA. », p. 166.

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A l'égard des administrateurs et commissaires aux comptes responsables, les recours des actionnaires vont aussi se heurter à des difficultés de preuve. Il est, en effet, difficile à un actionnaire de se documenter298. En outre, vis-à-vis du commissaire au comptes spécialement, la preuve du lien de causalité entre la faute et le dommage est très souvent difficile, parce que la faute des commissaires n'est à peu près jamais la seule cause du dommage, et ne fait que permettre ou aggraver la faute des dirigeants299, laquelle - on l'a relevé - est déjà elle-même assez complexe à établir.

D'un autre côté, s'il est assez difficile, voire impossible de dresser une liste indicative des fautes pouvant faire grief aux droits des actionnaires, le législateur africain pêche en omettant ou en déterminant de façon très vague les fautes de certains intervenants dans la société commerciale. Il en est ainsi de celles du liquidateur, alors même que l'intervention de ce dernier n'est pas sans risque sur les droits des actionnaires. Il est donc regrettable que le législateur ait lésiné sur l'organisation de sa responsabilité tout au moins sur le plan civil300. En effet, durant la liquidation de la société, le liquidateur joue le rôle de dirigeant. Il devrait donc pouvoir voir sa responsabilité engagée si dans sa mission, il a commis des fautes ou a enfreint la loi.

Dans ce contexte, sa responsabilité, nous semble-il, devrait se calquer sur celle des dirigeants sociaux. C'est certainement cette espèce de décalcomanie qui a amené le législateur à ne pas penser à organiser un régime de responsabilité propre à cet autre acteur social. Ainsi, le liquidateur répondrait tant à l'égard de la société, des tiers que des actionnaires, des conséquences dommageables des fautes par lui commises dans l'exercice de ses fonctions301. Si donc ses fautes de gestion ont causé un préjudice à la société, une action sociale sera ouverte, et si ses fautes ont atteint personnellement un associé, une action individuelle pourra être ouverte contre lui. Suivant cette logique, ces actions en responsabilité devraient se prescrire par trois ans à compter du fait dommageable et s'il a été dissimulé, à compter de sa révélation.

Une tout autre difficulté est celle particulièrement soulevée par l'exercice « ut singuli » de l'action sociale.

298 PERROUD (J.), « La condition de l'actionnaire », op. cit., p. 324.

299 RIPERT (G.) et ROBLOT (R.), op. cit. n° 1347, p. 1035.

300 Il est assez surprenant, en effet, que le législateur est suffisamment organisé sa responsabilité pénale à travers les articles 902 à 904 de l'AUSC. Le législateur camerounais, pour sa part, réprime pénalement les infractions commises par le liquidateur dans les articles 21 et 22 de sa loi du 10 juillet 2003 portant répression des infractions contenues dans certains actes uniformes.

301 Cf. art. 221 AUSC.

2- Les difficultés particulières soulevées par l'exercice « ut singuli » de

l'action sociale

La preuve du lien de causalité entre la faute et le préjudice étant difficile à rapporter, car les faits litigieux ont été commis souvent plusieurs années avant qu'ils soient soumis à examen, dans un environnement économique différent, pratiquement impossible à reconstituer exactement302, l'exercice « ut singuli » de l'action sociale soulève de sérieuses difficultés303 de nature à porter plutôt préjudice à l'ensemble des droits des actionnaires.

Tout d'abord, cet exercice confère à un actionnaire un pouvoir dont seule la société est titulaire et qui devrait par conséquent être de la compétence de ses représentants. Dans cette hypothèse, l'action sociale exercé « ut singuli » contient de toute évidence un ferment d'anarchie, car elle permet à un actionnaire de se prétendre meilleur juge de l'intérêt social que les organes chargés par la majorité de gérer les affaires communes. Elle risque également de paralyser la société en exacerbant les passions d'actionnaires exagérément processifs.

Par la suite, il n'est pas toujours facile pour l'actionnaire de distinguer l'action sociale exercée « ut singuli » de l'action individuelle. Pourtant, le régime de ces deux actions est bien différent.

Au-delà de ses difficultés, reste que même retenue, la responsabilité civile est loin de produire les effets escomptés. Autrement dit, la portée réparatrice de la responsabilité civile est fortement réduite.

B- Le caractère bénin de la responsabilité civile en tant que sanction

La responsabilité des dirigeants, des commissaires aux comptes, du liquidateur et même de l'expert de gestion, en cas de faute dans l'exercice de leurs fonctions est importante et impérative pour la protection des droits des actionnaires. Seulement, étant donné qu'il s'agit de replacer la victime dans l'état où elle se trouvait avant la survenance du dommage, la responsabilité ne constitue une sanction efficace que pour autant que l'auteur de la faute présenterait une solvabilité suffisante. En effet, quand les dirigeants de la société ou les commissaires aux comptes sont des personnes sans surface, la crainte de leur responsabilité n'empêche pas leurs agissements304. C'est dire que la responsabilité civile paraît trop souvent

302 MERLE (Ph.), Droit commercial, Sociétés commerciales, op. cit. n° 406, p. 361.

303 GUYON (Y.), op. cit. n° 457, p. 446 et 447.

304 RIPERT (G.) et ROBLOT (R.), op. cit. n° 1361, p. 1042.

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inefficace en tant que sanction. Ainsi, en tant que procédé de réparation, elle se heurte sinon à l'insolvabilité des mis en cause potentiels, tout au moins, à une disproportion entre l'ampleur du dommage causé et la modicité, sincère ou aménagée, du patrimoine sur lequel les condamnations s'exécuteront.

D'un autre côté, l'actionnaire redoutera d'exposer des frais de justice de plus en plus élevés305 d'une procédure dont l'issue est par dessus tout incertaine.

Comme sanction donc, la responsabilité civile telle qu'elle se présente actuellement, présente trop de failles. D'où la nécessité, pour une protection optimale des actionnaires, d'envisager quelques pistes de solutions.

SECTION II- AXES DE RENFORCEMENT DE LA PROTECTION DES
ACTIONNAIRES

Les actions en nullité et les actions en responsabilité civile ayant montré à suffisance leurs limites dans la tentative de sécurisation des actionnaires, il est plus que jamais indispensable, dans le but de restaurer à ces moyens de protection somme toute non négligeables, la plénitude de leurs missions, de leur apporter un supplément d'éléments protecteurs. A ce titre, il conviendra d'examiner d'une part l'obligation de souscription d'une assurance professionnelle par certains acteurs sociaux plus exposés à la faute (§2) et d'autre part l'éventualité d'une responsabilité sans faute (§1) pour être complet sur la question.

§1-VERS UNE RESPONSABILITE SANS FAUTE ?

L'idée ici est celle d'assurer à l'actionnaire, victime des fautes d'une quelconque origine, une indemnisation, effective et intégrale. C'est-à-dire, replacer la victime autant que possible dans l'état où elle se trouvait avant la survenance du dommage. Aussi, si comme le fait remarquer Boris STARK, la réparation ne saurait lui être ni supérieure - elle constituerait un enrichissement sans cause - ni inférieure - elle se situerait au dessus du rétablissement -, il s'agit pour nous dans cette brèche, d'allouer à la responsabilité une fonction incitative aussi bien dans la prévention que dans la réalisation du dommage.

Pour y parvenir, il nous semble que l'une des premières mesures soit fondée sur la révision de la responsabilité. A notre sens, on devrait donc passer en la matière, d'un régime de responsabilité pour faute à un régime de responsabilité sans faute, qui

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permettrait ainsi, une indemnisation de plein droit à tout actionnaire s'estimant lésé ou à une responsabilité automatique. De la sorte, les actions tendant à la prévention dans la réalisation d'un dommage pourront renforcer l'efficacité recherchée de la responsabilité civile.

De plus, une augmentation des dommages et intérêts à un montant supérieur que le coût réel du préjudice serait de nature à ramener les dirigeants et toute personne susceptible d'être impliquée, à une gestion saine et prudente. En d'autres termes, il est question de muter la fonction réparatrice de cette allocation pécuniaire en fonction incitatrice.

Enfin, faciliter la mise en cause de la responsabilité des dirigeants pour faute de gestion, et des commissaires aux comptes pour complicité ou négligence viendrait à coup sûr, renforcer l'efficacité à nouveau de la responsabilité civile, et partant, la protection des actionnaires en les obligeant à dédommager effectivement les victimes de leurs incartades par tous les moyens, même par le biais de la souscription d'une assurance.

§2-L'OBLIGATION DE SOUSCRIPTION D'UNE ASSURANCE PAR LES
DIRIGEANTS SOCIAUX ET LES COMMISSAIRES AUX COMPTES

Assurément, la gestion d'une société commerciale appelle à une certaine prise de risques par le dirigeant social. Mais lorsque la notion de risque engendre une faute, cela signifie qu'il y a eu disproportionnalité entre la prise de risque et l'intérêt social engageant de ce fait la responsabilité du dirigeant social et la question de l'indemnisation de l'actionnaire se pose avec acuité.

Face à l'impécuniosité involontaire ou organisée des dirigeants sociaux ou du commissaire aux comptes mettant en péril l'intégrale indemnisation des actionnaires en cas de dommage subi du fait des premiers, l'assurance apparaît comme le moyen le plus approprié devant permettre aux actionnaires d'obtenir réparation effective et intégrale du préjudice subi. En effet, l'assurance protège les individus éprouvant de l'aversion au risque tout en maintenant un caractère incitatif de la responsabilité. Autrement dit, l'actionnaire sera indemnisé dès lors que le dirigeant ou le commissaire a commis une des trois fautes prévues par le droit des sociétés, ce d'autant qu'en matière d'assurance, lorsque le sinistre qui fonde l'intervention de l'assureur de responsabilité se réalise, la victime dispose d'une action directe contre ce dernier sans être obligée de passer par l'auteur principal de la faute. Aussi, pour

305 Même si ,dans le cas du Cameroun, le législateur interne s'est employé tout récemment à faciliter l'accès au prétoire en l'organisant dans sa loi n° 2009/004 du 14 avril 2009 portant organisation de l'assistance judiciaire, il n'est pas certain que cela soit le cas dans le reste des pays membres de l'OHADA.

pallier l'insolvabilité du dirigeant social et celle du commissaire aux comptes condamnés à dédommager l'actionnaire victime de leurs méfaits, il serait opportun pour le législateur africain d'imposer à ces derniers la souscription d'une assurance professionnelle.

Certes, on pourrait avancer que le mécanisme de l'assurance conduirait à une déresponsabilisation des dirigeants ou des commissaires face à la réalisation du dommage, mettant ainsi à nouveau en péril le caractère incitatif que l'on veut attribuer à la responsabilité civile, dans la mesure où se sachant assurés, ceux-ci ne prendraient plus de précaution. Mais cette distorsion a priori que l'assurance peut produire au détriment du caractère incitatif sus évoqué, peut tout d'abord être atténuée par le fait que le comportement des agents en termes assurantiels est défaillant, au regard de leur fréquente méconnaissance ou mauvaise estimation du risque, de leur mauvaise information, etc. Par la suite, il ne faut pas perdre de vue que la couverture d'un éventuel dommage ne peut pas totalement enlever le caractère incitatif de la responsabilité : les assurances, conformément aux enseignements de l'économie de l'assurance, n'offrent pas des assurances complètes. En effet, la garantie est souvent plafonnée : la compagnie prévoit le montant de la garantie qui constitue le maximum de l'indemnité. De la sorte, le dirigeant social ou le commissaire aux comptes devra assumer la différence entre le montant des dommages et intérêts et celui de l'assurance, au profit, naturellement, de l'actionnaire qui se trouvera ainsi complètement dédommagé.

Enfin, les assurances mettent en place des systèmes incitatifs à la prudence par la mise en place de bonus et inversement sanctionne les dirigeants et commissaires assurés trop négligents par le système de franchise et de malus.

Comme on peut le constater le législateur africain gagnerait à intégrer ces quelques observations dans le but d'attirer au maximum les investisseurs dans l'espace OHADA.

CONCLUSION DEUXIÈME PARTIE

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La protection des actionnaires contre les actes de gestion des administrateurs et ceux de contrôle des commissaires aux comptes met en exergue des moyens de détection précoce des difficultés auxquelles ces derniers peuvent faire face, ainsi que ceux consécutifs aux investigations opérées dans le cadre de la surveillance de la gestion.

Nombre des ces mesures permettent ainsi aux actionnaires de défendre avec plus ou moins d'efficacité leurs intérêts une fois que ceux-ci sont menacés. Mais, l'étude de ces mécanismes, aura révélé combien il est en réalité périlleux de parvenir à des résultats efficients. D'ailleurs, pour certains actionnaires, c'est un véritable périple que de pouvoir engager des actions en justice contre les pourfendeurs de leurs droits, soit parce qu'ils n'en n'ont pas les moyens, soit parce qu'il leur est matériellement impossible de rapporter la preuve du préjudice par eux subi. De la même manière que, une fois engagée, l'issue de l'action en justice reste incertaine. De plus, même lorsque la décision de justice leur est favorable, le rétablissement dans leurs droits se trouve compromis par l'insolvabilité des personnes condamnées.

C'est la raison pour laquelle, à notre sens, des mesures telles que, l'admission d'une responsabilité sans faute, l'obligation de souscription d'une assurance professionnelle par certains acteurs sociaux, et bien d'autres, seraient de nature à renforcer cette protection.

CONCLUSION GÉNÉRALE

A l'issue de notre analyse, force est de constater que sécuriser effectivement et efficacement les intérêts des investisseurs des sociétés commerciales, notamment ceux des actionnaires dans l'espace OHADA, est un objectif déclaré. Mais le législateur OHADA, pouvait-il seulement agir autrement, à un moment où l'Afrique se trouve confrontée aux impératifs économiques mondiaux et qui, pour y faire face, doit agir de concert par le truchement des regroupements régionaux, ultime solution et réaction au phénomène inévitable et irréversible de la mondialisation économique ou globalisation financière306, la mondialisation de l'économie exigeant l'harmonisation des droits et des pratiques du droit307 ?

En effet, la succession des crises financières et les incertitudes que reflète le débat récurrent sur la pertinence des normes comptables, mais surtout la recherche du mode idéal de gouvernance des sociétés, placent la protection de l'actionnaire au centre d'un débat économique et juridique fondamental. L'actionnaire dans une société cotée, est en effet, en droit de savoir de quelles protections il dispose lorsqu'il investit. Ce qui n'est pas toujours le cas, compte tenu de la complexité croissante du droit applicable.

A ce titre et au terme de notre analyse, on a pu retrouver cette volonté protectionniste du législateur communautaire africain à travers la consécration d'un important arsenal juridique dans différents Actes uniformes mais principalement dans celui relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d'intérêt économique. Ainsi, de la sauvegarde des droits des actionnaires au sein des assemblées générales, à savoir l'exercice des droits politiques et la garantie des droits financiers assortis de sanctions telles l'annulation des actes passés en violation de ces

306 Il faut dire que la mondialisation économique ou globalisation financière a pour principal effet de favoriser la liberté de commerce, notamment la conduite des transactions commerciales au-delà des frontières nationales et internationales en exigeant la levée des barrières douanières et tarifaires, sinon leur amoindrissement selon les termes et exigences même de l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC).

307 M. Aregba Polo, Secrétaire permanent de l'OHADA, au cours d'un exposé au Séminaire de sensibilisation au droit harmonisé, Niamey, les 9 et 10 juin 1999.

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droits sans préjudice d'action en responsabilité tributaire d'un abus à une protection contre les actes de gestion sociaux fautifs, le dessein du législateur est fort clair et louable.

Seulement, il faut dire qu'entre cet objectif déclaré et une protection réelle, beaucoup reste à parfaire. En effet, cette étude nous aura permis de constater que l'entreprise du législateur de sécurisation des investissements est inachevée, ou tout au moins n'est pas exempte de reproches. Aussi, les intérêts des actionnaires sont sans cesse en proie à de nombreuses difficultés et imperfections nonobstant les mesures sécuritaires en place: difficultés de déclenchement d'une action en justice, isolement des actionnaires, absence de détermination de certaines responsabilités, insolvabilité des personnes condamnées à dédommager leurs victimes... Bref, les obstacles sont considérables.

Face à ces lacunes, on ne peut s'empêcher de signaler l'action importante que mène actuellement la jurisprudence africaine dans ses efforts de création du droit, par son oeuvre d'interprétation et d'application du droit là où subsistent des points d'ombre. En effet, à ce jour, nombre de juridictions des Etats parties au Traité OHADA ont eu à se prononcer au moins chacune sur les questions de désignation d'un expert comptable ou de nomination d'un administrateur provisoire308 ; de constatation d'un abus de majorité, de minorité ou d'une mésentente309; d'établissement de la responsabilité d'un dirigeant social310 ou d'un commissaire aux comptes ; admission de nullités avec la plus grande circonspection311 ; admission d'une association d'actionnaire312, etc.

Au total, la protection des actionnaires telle qu'organisée en droit OHADA nous semble satisfaisante. Mais une question nous vient à l'esprit : cette protection, garantit- elle à tous les actionnaires satisfaction totale ? C'est dans la négative et la recherche d'une modernisation achevée du droit des affaires en Afrique que nous nous sommes permis de formuler quelques suggestions. Conscients du déséquilibre qui prévaut dans les sociétés commerciales, une première mesure aura consisté à plaider pour le renforcement de la notion de gouvernement d'entreprises ou «corporate governance » ; l'effectivité du rôle de certains organismes sociaux, afin de permettre à tous les actionnaires de participer effectivement à la gestion de la chose sociale, au processus décisionnel et éviter des mésententes. Il nous a paru tout

308 Cour d'Appel de Cotonou, arrêt n° 256/2000 du 17 août 2000, RG N° 314/2000.

309 Cour d'Appel d'Abidjan, Chambre civile et commerciale, audience du vendredi 25 février 2000.

310 CCJA arrêt n° 015/ 2005 du 24 février 2005, Affaire ANGOUA KOFFI Maurice contre la Société WIN Sarl, Conditions : faute et préjudice, Droit à l'information.

311 Cour d'Appel d'Abidjan, n° 688 du 25 juin 2004.

312 Tribunal Régional Hors Classe de Dakar, Ordonnance des référés n° 235 du 1er mars 1998, club des actionnaires c/ la SONATEL.

aussi important de suggérer la consécration expresse des associations d'actionnaires face à une certaine passivité de ces derniers ; l'obligation de souscription d'une assurance par les dirigeants et les commissaires aux comptes et, l'évolution vers une responsabilité fondée sur le risque dans l'optique d'une indemnisation complète et intégrale en cas de préjudice subi par l'actionnaire.

Par ailleurs, la prise en compte en droit OHADA des nouvelles technologies de l'information et de la communication permettrait aux actionnaires de participer efficacement au processus décisionnel bien qu'étant physiquement absents.

A ce stade, la grande question que l'on est en droit de se poser est celle de savoir si une protection des actionnaires, aussi effective et efficace qu'elle puisse être, serait gage d'un accroissement d'investissements des étrangers, et partant, d'emplois. En d'autres termes, ne peut-on pas envisager un système de protection qui permettrait d'inciter les nationaux à plus d'investissements dans leur propre pays, tout en restant salariés, dans une entreprise dans laquelle ils seraient actionnaires ?

ANNEXES

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ANNEXE 1 : Jurisprudence OHADA - Cameroun

ANNEXE 2 : Jurisprudence OHADA - Bénin

ANNEXE 3 : Jurisprudence OHADA - Côte d'Ivoire

ANNEXE 1 : Jurisprudence OHADA - Cameroun

/FOBE/

COUR D'APPEL DE
L'OUEST

TRIBUNAL DE PREMIERE
INSTANCE DE BAFOUSSAM

Année judiciaire 2005 - 2006

Jugement n°33/civ
DU 20 janvier 2006

Contradictoire

AFFAIRE

Polyclinique de Bafoussam
S.A
(Me Bouobda)

CONTRE

NZOGANG Didier

OBJET DU DIFFEREND

-Nullité des actes

DECISION DU TRIBUNAL

(Lire dispositif)

REPUBLIQUE DU CAMEROUN

PAIX - TRAVAIL - PATRIE

Audience civile et commerciale du 20 janvier 2006

.A l'audience publique ordinaire du Tribunal de Première Instance de Bafoussam statuant en en matière civile et commerciale et siégeant en la salle des audiences du palais de justice de ladite ville le vingt janvier deux mille six, tenue par Monsieur Emmanuel ELANGA, Président audit Tribunal ;

---Avec l'assistance de Maître FOSSO

YOUTEMI Greffier et de M. DEFO Jacob, 60

ans Interprète pour le dialecte local,

régulièrement assermenté ;

A ETE RENDU LE PRESENT JUGEMENT ;

ENTRE

- La polyclinique S.A. B.P 88 Bafoussam ayant pour conseil Me Tchouandem, Avocat au barreau du Cameroun, demanderesse comparant .D'UNE PART;

Et

- Sieur Nzogang Didier, actionnaire à la polyclinique S.A de Bafoussam, défendeur comparant D'AUTRE PART;
---Sans que les présentes qualités puissent nuire ou préjudicier aux droits et intérêts respectifs des parties, mais au contraire sous les plus expresses;

Faits et procédure suivie

---Suivant exploit en date du 18 juillet 2002 (dûment enregistré) instrumenté par Me Tchoua Yves, huissier de justice à Bafoussam, la polyclinique de Bafoussam S.A BP 88 représentée par Noufele Jean a fait donner assignation à sieur Nzogang Didier , domicilié à Bafoussam, d'avoir à se trouver et comparaître en personne le 09 août 2002 à 07h 30mn par devant le Tribunal de Première Instance de Bafoussam statuant en matière civile et commerciale pour les faits ci-dessous exposés dans les motifs;

---Inscrite au rôle général sous le N°96 du 23/06/2002, l'affaire a été appelée en son rang à l'audience du 09/08/2002 et renvoyée au 06/09/2002 pour comparution des parties et production des pièces ; puis ont suivi plusieurs autres renvois utiles ;

---A l'audience du 05/09/2003, Me Tchouandem verse au dossier de la procédure ses conclusions dont le dispositif suit:

108

Par ces motifs

---`' - Et tous autres à déduire, ajouter ou suppléer s'il y a lieu;

I- Sur le défaut de qualité de sieur Noufele Jean soulevé par le défendeur

---Vu l'extrait du journal `'Nouvel Expression» n°862 du 10/09/2001 ;

---Voir constater que dans ce journal sieur Nzongang a fait publier un communiqué dans lequel il faisait allusion à Noufele Jean en sa qualité de PCA de la polyclinique de Bafoussam S.A ;

---Lui donner acte de cet aveu judiciaire ;

---Constater que ce communiqué est bien postérieur à l'ordonnance n°44 du 22/01/1999 excipée par le défendeur pour réfuter la qualité de Noufele ;

---Retirer cette ordonnance des débats parce que dépourvue de la moindre force probante ;

---Par conséquent, bien vouloir rejeter la fin de non recevoir soulevée par le défendeur tirée du défaut de qualité de sieur Noufele Jean comme non fondée ;

II- Sur le bien fondé de la demande de la concluante ---Vu l'article 33 de l'acte uniforme OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution ;

---Voir constater que l'ordonnance du 21/06/2002 est assortie de l'exécution provisoire nonobstant voies de recours, et est par conséquent un titre exécutoire ;

---Dire que cette ordonnance du 21/06/2002 ayant rétracté celle n°119/01-02 du 02/04/2002 désignant Me Kamté mandataire aux fins de convoquer l'assemblée générale des actionnaires de la polyclinique, les résolutions prises lors de cette assemblée sont nulles et de nul effet ;

---Par conséquent bien vouloir débouter Nzogang Didier de
toutes ses prétentions comme non fondées et admettre de plu
fort à la concluante l'entier bénéfice des moyens développés

dans l'exploit introductif d'instance -Sous toutes réserves-

---A l'audience du 24 octobre 2003, Me Dzeukou verse au dossier de la procédure ses conclusions dont le dispositif suit:

Par ces motifs

---``Vu le litige opposant les parties;

---Vu les conclusions ensemble les pièces produites par les demanderesses à l'audience du 15 sept. 2003 ;

---Constater que le défendeur concluant ne reconnaît la paternité d'aucun communiqué (non signé par lui d'ailleurs) inséré dans un soit disant journal (pièce de la demanderesse) ; ---Constater qu'une procédure tendant en l'annulation de la convocation de la réunion du conseil d'administration de la Polyclinique le 17 août 2002 est pendante devant le Tribunal de

céans, et que la pièce n°2 produite aux débats antérieurs à l'assignation de la demanderesse du 18 juillet 2003 ;

---En conséquence, bien vouloir écarter ces deux pièces des débats ;

---Adjuger au concluant l'entier bénéfice de ses précédentes écritures

-Sous toutes réserves-

---A l'audience du 26 mars 2004, le Ministère public verse au dossier de la procédure ses réquisitions dont dispositif suit;

Par ces motifs

``Requérons qu'il plaise au Tribunal de céans ;

1) Nous recevoir en nos réquisitions;

2) En la forme, recevoir la polyclinique en sa demande ; ---Déclarer comme non fondée la fin de non-recevoir soulevée par le défendeur ;

3) Au fond, dire que la demande formulée par la polyclinique est fondée et l'y faire droit ;

---Condamner le défendeur aux entiers dépens ---A l'audience du 04 mars 2005, Me Dzeukou verse au dossier

de la procédure ses conclusions dont dispositif suit:

Par ces motifs

---``Etant donner que l'arrêt n°60/civ de la Cour d'Appel de l'Ouest en date du 14 janvier 2004 a annulé l'ordonnance n°89 du 21 juin 2002 du juge des référés de Bafoussam et déclaré l'action en rétractation de l'ordonnance sur requête n°119 du 02 avril 2002 irrecevable pour défaut de qualité du demandeur (Noufele Jean);

---Rejetant toutes conclusions contraires ;

---Adjugeant de plus fort au défendeur l'entier bénéfice de ses précédentes conclusions;

---Débouter la demanderesse de toutes ses demandes, fins et conclusions comme non fondées ;

---Le condamner en outre aux entiers dépens dontn distraction au profit de Me Dzeukou, Avocat aux offres de droit»;

-Sous toutes réserves-

---A l'audience du 22 avril 2005, Me Tchouandem verse au dossier de la procédure ses conclusions dont dispositif suit:

Par ces motifs

---``Et tous autres à déduire, ajouter ou suppléer même d'office ;

---Vu les pièces versées au dossier de procédure par la concluante ;

---Voir constater que l'arrêt n°60/civ du 14 janv. 04 brandi par le défendeur a fait l'objet d'un pourvoi, et que son exécution est suspendue eu égard au sursis à exécution engagé par la concluante ;

---Dire que le défendeur ne saurait se prévaloir de cet arrêt dans cette cause;

---Rejetant la fin de non recevoir excipée par le défendeur comme non fondée ;

110

---Bien vouloir adjuger à la concluante l'entier bénéfice de ses précédentes écritures»;

-Sous toutes réserves-

---Sur quoi l'affaire a été mise en délibéré pour jugement être rendu le 30 décembre 2005, à cette date, le délibéré a été prorogé au 20 janvier 2006 ;

---Advenu cette dernière audience, le Tribunal vidant son délibéré a rendu le jugement dont la teneur suit:

.Le Tribunal .

---Vu l'exploit introductif d'instance ;

---Vu les pièces du dossier de la procédure;

---Vu les lois et règlements applicables ;

---Ouï les parties en leur demande, moyen fins et conclusions; ---Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

---Attendu que par exploit du 18 juillet 2002 de Maître TCHOUA Yves, Huissier de Justice à Bafoussam, enregistré à Bafoussam le 20 août 2002, volume 01 folio 88, case et bd 1603/Bd/0227/2 aux droits fixes de 4000 F CFA dont quittance n°1266978 du 19 août 2002, la polyclinique S.A. B.P. 88 Bafoussam, agissant poursuites et diligences de son représentant légal, Sieur NOUFELE Jean, Président de son conseil d'Administration ayant pour conseils Mes BOUOBDA et TCHOUANDEM DJOMNANG Elise, Avocats au Barreau du Cameroun, a fait donner assignation à Sieur NZOGANG Didier actionnaire à la polyclinique S.A. de Bafoussam et ayant pour conseil Me DZEUKOU Barthélemy, Avocat à Bafoussam d'avoir à se trouver et comparaître par devant le Tribunal de Première Instance de Bafoussam statuant en matière civile et commerciale, pour est-il dit dans cet exploit;

---Vu l'ordonnance de référé rendue le 21 juin 2002 ;

---Bien vouloir constater que l'Assemblée Générale ordinaire de la polyclinique S.A. de Bafoussam tenue le 20 avril 2002 est réputée n'avoir jamais eu lieu;

---En conséquence, bien vouloir dire et juger nul et de nul effet les actes subséquents à cette pseudo Assemblée Générale, notamment toutes les résolutions prises au cours de ladite Assemblée Générale ;

---Condamner Sieur NZOGANG aux entiers dépens avec distraction au profit des Mes BOUOBDA et TCHOUANDEM, Avocats aux offres de droit ;

---Attendu que toutes les parties comparaissent et concluent par le truchement de leurs conseils respectifs ;

---Qu'il échet de statuer contradictoirement à leur égard ; ---Attendu qu'au soutien de son action, la polyclinique S.A. expose qu'à la requête du Sieur NZOGANG Didier, le Président du Tribunal de Première Instance de céans a rendu l'ordonnance n°119/2001-2002 du 02 avril 2002 par laquelle il désignait Me KAMTE Siméon, mandataire pour convoquer l'Assemblée Générale des actionnaires de la polyclinique S.A.

de Bafoussam ;

---Que s'appuyant sur cette ordonnance, le mandataire susnommé a convoqué une Assemblée Générale ordinaire pour le 20.04.2002, à l'issue de laquelle un procès-verbal a été établi ;

---Que par requête, elle a obtenu du Président du Tribunal de Première Instance de céans par le biais du président de son Conseil d'Administration, NOUFELE Jean, l'ordonnance du 21 juin 2002, la rétractation de l'ordonnance n°119/01-02 rendue le 02 avril 2002 sus-indiquée;

---Qu'à cet égard, l'Assemblée Générale ordinaire convoquée le 20 avril 2002 est réputée n'avoir jamais eu lieu, Maître KAMTE Siméon n'ayant aucune qualité puisque la décision de justice le désignant fait l'objet d'une rétractation ;

---Que dès lors, les résolutions prises au cours de cette Assemblées Générale sont nulles et de nul effet ;

---Qu'à l'appui de ses allégations, la demanderesse produit au dossier, une expédition de l'ordonnance sur requête n°119/2001-2002 du 02 avril 2002 ; un extrait du journal« Nouvelle Expression» n°862 du 18 septembre 2001, portant communiqué de Sieur NZOGANG Didier et désignant Sieur NOUFELE Jean en sa qualité de Président de son Conseil d'Administration, une copie du procès-verbal de son Conseil d'Administration tenu le 17 août 2002 et portant Sieur NOUFELE Jean à la tête dudit conseil, copies d'une déclaration de pourvoi n°10/Rep. d'un certificat de dépôt de requête aux fins de sursis à exécution, d'une notification d'un certificat de dépôt d'une requête aux fins de sursis à exécution;

---Attendu que pour faire échec à l'action de la Polyclinique S.A., Sieur NZOGANG Didier sous la plume de son conseil Maître DZEUKOU, soulève la fin de non recevoir tirée du défaut de qualité de Sieur NOUFELE Jean et partant, l'irrecevabilité de cette action, motif pris de ce que l'ordonnance de référé d'heure à heure n°44 du 22 janvier 1999 a dit et jugé irrégulière la convocation d'une Assemblée Générale ordinaire de la Polyclinique S.A., par Sieur NOUFELE Jean qui n'avait réellement la qualité de Président du Conseil d'Administration ;

---Qu'en outre, il fait valoir que la copie de l'ordonnance de référé dont se prévaut la demanderesse est illisible et doit être écartée des débats et est dépourvue de l'autorité de chose jugée, car frappée d'appel ;

---Qu'il produit à l'appui de ses prétentions, une copie de l'expédition de l'ordonnance n°44 du 22 janvier 1999, une copie de l'extrait du plumitif de l'audience civile et commerciale du 19 janvier 2004 de la Cour d'Appel de l'Ouest ;

---Attendu qu'en réplique, la demanderesse soutient que la
qualité de Sieur NOUFELE Jean ne souffre d'aucune
contestation puisque le défendeur a non seulement reconnu

112

cette qualité dans le communiqué qu'il a publié et signé dans le journal «Nouvelle Expression», et qui est postérieure à l'ordonnance n°44 du 22 janvier 1999, mais que cette publication par voie de presse constitue un aveu judiciaire par le défendeur ;

---Qu'en outre, Sieur NOUFELE Jean est resté à son poste de Président du Conseil d'Administration où il y a été reconduit le 17 août 2002 par les administrateurs ;

---Que sur le fond, bien que l'ordonnance du 21 juin 2002 qui rétracte celle du 20 avril 2002 soit frappée d'appel, elle est assortie de l'exécution provisoire sur minute et avant enregistrement, et que cette voie de recours n'est donc pas suspensive d'exécution ;

---Que par conséquent, l'ordonnance du 21 juin 2002 demeure un titre exécutoire et qu'il y a lieu de déclarer nulle et de nul effet l'Assemblée Générale ordinaire convoquée le 20 avril 2002 par Maître KAMTE, ainsi que les résolutions prises au cours de ladite Assemblée ;

Attendu que revenant à la charge, Sieur NZOGANG par le biais de son conseil conclut au rejet de l'extrait du journal susindiqué, motif pris de ce que sa signature n'y apparaît pas; ---Qu'il allègue qu'une procédure tendant à l'annulation de la convocation de la réunion du conseil d'administration de la polyclinique le 17 août 2002 est pendante devant le Tribunal de céans ;

---Que bien plus, par son arrêt n°60/civ. du 14 janvier 2004, la Cour d'Appel de l'Ouest à Bafoussam a annulé l'ordonnance n°89 du 21 juin 2002 dont se prévaut le demandeur ;

---Attendu que réagissant à ces arguments, le demandeur rétorque qu'il a introduit un pourvoi en cassation contre l'arrêt sus relevé assorti d'une requête aux fins de sursis à exécution pour empêcher l'exécution de cette décision de justice;

---Qu'en vertu de l'article 5 alinéa 1 de la loi n°92/008 du 14 août 1992, fixant certaines dispositions relatives à l'exécution des décisions de justice modifiée par la loi n°97/018 du 17 août 1997, l'exécution de l'arrêt dont s'agit est suspendue ;

---Attendu qu'avant l'examen au fond de la présente cause, il échet de statuer sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité de Sieur NOUFELE Jean excipée par le défendeur ; ---Attendu qu'il ressort des pièces du dossier de la procédure que dans le communiqué signé du défendeur et publié dans le journal, la «Nouvelle Expression» par le défendeur, Sieur NOUFELE Jean est expressément désigné comme Président du Conseil d'Administration de la Polyclinique S.A. ;

---Que bien plus, le procès-verbal du Conseil d' Administration de la Polyclinique S.A. tenu le 17 août 2002 a formellement désigné Sieur NOUFELE Jean en qualité de Président du Conseil d' Administration, représentant légal de la structure hospitalière dont s'agit ;

---Qu'il est donc constant que Sieur NOUFELE Jean est bel et

114

bien le Président du Conseil d'Administration de la Polyclinique S.A. ;

---Qu'il y a lieu de rejeter comme non fondée la fin de nonrecevoir excipée par le défendeur et tirée du défaut de qualité de Sieur NOUFELE Jean, représentant légal de la Polyclinique S.A. de Bafoussam ;

---Attendu que sur le fond, les arguments du défendeur ne sauraient davantage prospérer ;

---Qu'il ressort des pièces du dossier de la procédure que par ordonnance n°89 du 21 juin 2002 celle n°199/2001-2002 du 02 avril 2002, qui désignait Maître KAMTE Siméon mandataire pour convoquer l'Assemblée Générale ordinaire du 20 avril 2002 de la Polyclinique S.A. a été purement et simplement rétractée, et par conséquent, ladite Assemblée ainsi que les actes y afférents devenant nuls et de nul effet ;

---Que malgré l'appel interjeté contre ladite ordonnance par le défendeur, celle-ci a été assortie de l'exécution provisoire sur minute et avant enregistrement et que le pourvoi exercé contre l'arrêt n°60/civ du 24 janvier 2004 de la Cour d'Appel de l'Ouest est assorti d'une requête aux fins de sursis à exécution et d'un certificat de dépôt de ladite requête régulièrement notifié au défendeur ;

---Que conformément à l'article 5 de la loi n°92/08 du 14 août 1992 fixant certaines dispositions relatives à l'exécution des décisions de justice, l'exécution de la décision querellée est suspendue dès présentation du certificat de dépôt, jusqu'à l'intervention de l'ordonnance du Président de la Cour Suprême sur le sursis à exécution;

---Que dès lors, l'ordonnance du 06 juin 2002 demeure un titre exécutoire au sens de l'article 33 de l'Acte Uniforme OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution ;

---Qu'en tout état de cause, l'Assemblée Générale convoquée par Me KAMTE n'a aucune base légale et il est de bon ton et de bon droit de déclarer celle-ci nulle ainsi que tous les actes y afférents ;

Attendu que la partie qui succombe supporte les dépens ;

PAR CES MOTIFS

---Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en premier ressort ;

---Rejette comme non fondée la fin de non-recevoir excipée par le défendeur et tirée du défaut de qualité de Sieur NOUFELE Jean, représentant légal de la Polyclinique S.A. Bafoussam ; ---Reçoit ce dernier en son action;

---Constate la rétractation de l'ordonnance n°119/01-02 du 02 avril 2002 désignant Me KAMTE mandataire pour convoquer l'Assemblée Générale Ordinaire de cette polyclinique ; ---Ordonne par conséquent la nullité des actes et résolutions issus de cette Assemblée ;

---Condamne le défendeur aux dépens distraits au profit des Mes BOUOBDA et TCHOUANDEM Elise, Avocats aux offres de droit ;

---Les dépens sont liquidés quant à présent à la somme de :

---Ainsi fait, jugé et prononcé en audience civile et commerciale les mêmes jour, mois et an que dessus ;

---En foi de quoi le présent jugement a été signé par le Président qui l'a rendu et le Greffier en approuvant

lignes, renvois en marge et mots rayés
nuls ;

LE PRESIDENT LE GREFFIER

ANNEXE 2 : Jurisprudence OHADA - Bénin

COUR D'APPEL DE COTONOU ARRET N°65/99 du 29/4/99 R.G. N° 359/98

COTONOU, 65/99, 29 AVRIL 1999 AU SOCIETES COMMERCIALES ET GIE : ART 163, ART
328 - ACTION SOCIALE - INTERET LEGITIME DE LA SOCIETE - EXERCICE DE L'ACTION
SOCIALE PAR UN ASSOCIE (OUI)- SARL - POUVOIRS DES GERANTS

Monsieur Guy BARBARA C/ Société SIVAPT LA COUR I- FAITS ET PROCEDURE Par exploit d'huissier en date a Cotonou du 08 juin 1998, la Société SIVAPT a attrait devant le Tribunal de Première Instance en matière de référé civil Monsieur Guy Barbara en restitution du véhicule marque Mercedes immatriculé N 6057 RB sous astreinte comminatoire de dix mille (10.000) francs CFA par jour de retard ; Elle a sollicité en outre l'exécution provisoire sur minute de la décision nonobstant toutes voies de recours ; Vidant son délibéré le 25 juin 1998, le Tribunal saisi a déposé ainsi qu'il suit : «Renvoyons les parties a se pourvoir ainsi qu'elles aviseront, mais dès a présent, vu l'urgence ; Ordonnons a Monsieur Guy BARBARA par Monsieur Cyrille ADAANDEDJAN, le véhicule de marque Mercedes immatriculé N 6057 RB ; Disons que l'exécution provisoire n'aura lieu qu'après enregistrement ; Condamnons Monsieur Guy BARBARA aux entiers dépens » ; Suivant acte d'huissier en date a Cotonou du 09 juillet 1998, Monsieur Guy BARBARA a relevé appel de lé décision sus-citée ; II- MOYENS DE L'APPELANT Attendu que pour le compte de Monsieur Guy BARBARA, Maître Rafikou ALABI, son conseil, conclut a l'infirmation de l'ordonnance N° 073/1ère Chambre Civile du 25 juin 998 en ce qu'elle a été obtenue en violation de l'article 1134 du Code Civil ; Qu'il expose a l'appui de sa demande que, courant octobre 1997, Monsieur Guy BARBARA a acquis en France un autobus d'occasion de marque Mercedes de type 1013 qu'il a envoyé au Bénin ; Qu'une Société dénommée Société Internationale des Ventes et Achats de Produits Tropicaux (SIVAPT) représentée par un certain Roger GBOTCHE, a demandé a lui acheter ledit véhicule ; Que Monsieur Guy BARBARA dut accepter cette offre et la Société SIVAPT ne pouvant payer le véhicule au comptant s'engagea a payer l'intégralité de la somme de six millions (6.000.000) de francs CFA convenue dès le premier virement de l'opération de café en cours ; Qu'après avoir pris possession dudit bus et l'avoir immatriculé en son nom sous le numéro N6057 RB, la Société SIVAPT exploita allègrement ledit véhicule sans se soucier de payer son créancier ; Que ne pouvant honorer son engagement, la Société SIVAPT dut renoncer a l'achat dudit véhicule et le restitua amiablement a son légitime propriétaire suivant acte signé des deux parties le 7 mai 1998 ; Qu'il est écrit dans l'acte susindiqué : « Le véhicule appartenant a la Société SIVAPT n'est plus sa propriété... Cet autobus apparient désormais a Guy BARBARA ...» Que ledit véhicule a été ainsi restitué en l'état a son propriétaire ainsi que les pièces y afférentes aux fins de changement de nom ; Qu'il fut surpris de recevoir le 28 août 1998 un exploit de signification d'une ordonnance de référé rendue par défaut le 25 juin 1998 par le Président du Tribunal de céans a la requête de la Société SIVAPT laquelle serait représentée par un certain Cyrille ADANDEDJAN suivant procuration du Président du Conseil d'Administration de ladite Société, lui enjoignant de restituer le bus ; Qu'il soutient d'une part le défaut de qualité de Monsieur Félix BIAOU Président du Conseil d'Administration a agir en justice subséquemment ; et de son mandataire Cyrille ADANDEDJAN ; Qu'en effet, une Société doit agir en principe par l'entremise de ses représentants légaux et statutaires ; Que la société SIVAPT étant une société a responsabilité limitée (SARL) doit en principe agir par l'entremise de son gérant, lequel ne peut déléguer son pouvoir sauf dans le cas où la loi et les statuts prévoient cette délégation ; Que dans

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ce cas il doit être fait mention de l'article qui prévoit cette délégation dans l'assignation ;

Qu'il ressort de l'extrait du Registre du commerce de la société SIVAPT que celle-ci a pour seul gérant Monsieur Roger GBOTCHE ; Que le défaut de qualité étant sanctionnée par une fin de non recevoir liée au fond, peut être invoquée en tout état de cause même pour la première fois en appel ; Qu'il s'en suit que l'action de la société SIVAPT doit être déclarée irrecevable et l'ordonnance querellée infirmée de ce chef ; Que d'autre part l'ordonnance entreprise a été obtenue en fraude des droits de Monsieur BARBARA ; Que l'acte du 07 mai 1998, par lequel la Société SIVAPT a renoncé à l'achat du bus et reconnu la propriété de Monsieur Guy BARBARA sur ledit véhicule vaut en effet transaction entre les parties conformément aux dispositions des articles 2044 et suivants du Code Civil ; Que l'article 2052 dudit Code dispose : `'les transactions ont entre les parties, l'autorité de la chose jugée en dernier ressort...» ; Que l'acte du 7 mai 1998, en vertu duquel le véhicule automobile de marque Mercedes immatriculé sous le numéro N 6057 RB est désormais la propriété de Guy BARBARA, a donc acquis l'autorité de chose jugée en dernier ressort ; Que la Société SIVAPT est mal fondée à réclamer ledit véhicule devant le juge des référés sur présentation de la carte grise et l'ordonnance querellée doit être infirmée de ce chef ; I MOYEN DE L'INTIMEE Attendu qu'en réplique aux moyens de l'appelant, Maître Alphonse C. ADANDEDJAN, conseil de la société SIVAPT expose sur le moyen tiré du défaut de qualité du mandataire de monsieur Félix BIAOU, Président du conseil d'Administration, que la société SIVAPT est une société à responsabilité Limitée qui a plusieurs associés ; Que Monsieur Félix BIAOU est l'un des associés de cette société comme Monsieur Guy BARBARA ; Que les statuts de la société ont prévu parmi les Administrateurs de la société un Président Directeur Général ; Que Monsieur Félix BIAOU, en sa qualité Président Directeur Général, a le droit de saisir la juridiction compétente de tout litige intéressant la société ; Qu'il a en outre le droit de donner mandat à qui bon lui semble ; Que surabondamment, en qualité d'associé, Monsieur Félix BIAOU a le droit d'agir en justice pour sauvegarder les intérêts de la société SIVAPT dont il est un associé ; Qu'il justifie en sa qualité d'associé d'un intérêt légitime pour agir ; Que cette faculté découle des articles 163, 326 al 2 et 328 du Traité de L'OHADA portant droit uniforme des sociétés commerciales et du groupement d'intérêt économique ; Que le moyen tiré du défaut de qualité est donc à rejeter en raison de ce qu'il est radicalement infondé ;Que s'agissant de l'acte du 7 mai 1998 sur lequel Monsieur Guy BARBARA fonde son droit de propriété sur le véhicule dont s'agit, il soutient que le gérant doit agir dans l'intérêt de la société ; Qu'il ne peut logiquement pas seul céder un bien social à un associé à savoir, Monsieur Guy BARBARA ; Qu'une telle décision excéderait son pouvoir de gérant ; Qu'elle ne peut être que collective ; Que conformément à l'article 284 du Traité de l'OHADA précité : << les décisions collectives sont prises en Assemblée ou par consultation écrite si la réunion d'une assemblée n'est demandée par l'un des associés » ; Qu'ainsi est de plein droit inopposable aux associés l'acte en date du 07 MAI 1998 signé entre Monsieur Guy BARBARA et Monsieur Roger GBOTCHE et en fraude des droits de la Société SIVAPT ; Que dans ces conditions, la Société SIVAPT au nom de laquelle est immatriculée le véhicule dont s'agit, pour l'avoir régulièrement acquis, est fondée à en réclamer restitution ; Qu'il échet donc de confirmer l'ordonnance querellée ; II DISCUSSION A/ En la forme Attendu que Monsieur Guy BARBARA a relevé appel dans les forme et délai prescrits par la loi ; Qu'il échet de l'y déclarer recevable ; B/ Sur le fond Sur le défaut de qualité du mandataire de Monsieur Félix BIAOU Attendu qu'il ressort de la déclaration aux fins d'immatriculation au registre de commerce en date à Cotonou du 30 décembre 1994 que Monsieur Félix BIAOU est fondé à la Société SIVAPT ; Qu'avant d'être Fondé de Pouvoir, Monsieur Félix BIAOU est un associé de la Société SIVAPT ;

Qu'au terme de l'article 323 du Traité précité << la Société à Responsabilité Limitée est gérée par une ou plusieurs personnes physiques associées ou non... » ; Que contrairement à ce qui est soutenu par l'appelant, Monsieur Roger GBOTCHE n'est pas la seule personne ayant qualité pour agir en justice pour le compte de la Société SIVAPT ; Qu'en effet, tout associé a qualité, pour agir en justice toutes les

Juriscope 2006

fois que cela se situe dans l'intérêt légitime de la Société ; Que dans le cas d'espèce, Monsieur Félix BIAOU a donné mandat à Monsieur Cyrille ADANDEDJAN pour empêcher Monsieur Guy BARBARA de sortir de manière frauduleuse le véhicule dont il s'agit du patrimoine de la Société SIVAPT. Que Monsieur Félix BIAOU, associé de la Société SIVAPT ayant un intérêt légitime à agir, a pu valablement donner mandat à Monsieur Cyrille ADANDEDJAN ; Que le moyen tiré du défaut de qualité du mandataire de l'associé et Fondé de Pouvoir de la Société SICAPT, Monsieur Félix BIAOU, n'est pas fondé ; Qu'il y a lieu de le rejeter ; Sur la propriété du véhicule de marque Mercedes immatriculé N 6057 RB Attendu qu'il résulte des pièces faisant foi que le livre de bord, la carte grise du véhicule de marque Mercedes objet du litige est immatriculé au nom de la Société SIVAPT sous la N 6057 RB ; Que l'acte du 7 mai 1998 sur lequel Monsieur Guy BARBARA semble vouloir fonder son droit de propriété sur le véhicule dont s'agit est contestable et contesté ; Qu'en effet, s'il est vrai que l'article 2052 du Code Civil dispose que les transactions entre les parties ont l'autorité de la chose jugée, encre faudrait-il que lesdites parties aient pu librement exprimer leur accord ; Que dans le cas d'espèce, l'acte du 7 mai 1998 a été signé entre Monsieur Guy BARBARA et Monsieur Roger GBOTCHE à a Brigade Territoriale de Gendarmerie de Cotonou ; Qu'une brigade de gendarmerie n'est pas le lieu le plus indiqué pour exprimer librement son consentement ; Que Monsieur Roger GBOTCHE, gérant de la société SIVAPT devant agir dans l'intérêt de la Société, ne peut logiquement pas seul céder un bien social de la Société SIVAPT à un autre associé ;Que l'acte du 7 mai 1998 est inopposable aux autres associés ; Qu'il s'en suit que ledit acte sur lequel Monsieur Guy BARBARA fonde tout son droit de propriété n'est pas valable ; Qu'il y a lieu de dire que c'est à bon droit que le premier juge saisi a ordonné la restitution du véhicule de marque Mercedès immatriculé N 6057 RB par Monsieur Guy BARBARA à la Société SIVAPT et de confirmer l'ordonnance entreprise ; PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de référé civil, en appel et en dernier ressort ; EN LA FORME Déclare Monsieur Guy BARBARA recevable en son appel ; AU FOND L'y déclare mal fondé ; Confirme purement et simplement en toutes ses dispositions l'ordonnance N° 073 rendue le 25 juin 1998 par la Première Chambre Civile du Tribunal de Première Instance de Cotonou ; Condamne l'appelant aux dépens ; Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement par la Cour d'appel de Cotonou les jour, mois et an que dessus. ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER COMPOSITION DE LA COUR PRESIDENT : Monsieur Arsène CAPO-CHICHI ; CONSEILLERS : Madame Ginette AFANWOUBO épouse HOUNSA Messieurs Francis HODE, Mathieu NOUDEVIWA ; MINISTERE PUBLIC : Madame Bernadette HOUNDEKANDJI épouse CODJOVI ; GREFFIER : Madame Reine TSAWLASSOU

118

ANNEXE 3 : Jurisprudence OHADA - Côle d'Ivoire

ABIDJAN, CIV. COM, 25 FEVRIER 2000 AU SOCIETES COMMERCIALES ET GIE : ART.
147 ET 159 - MESENTENTE ENTRE ASSOCIES - NOMINATION D'UN ADMINISTRATEUR
PROVISOIRE - EXPERTISE DE GESTION - NECESSITE DE CONSTATER LA REALITE
DE LA PARALYSIE (OUI)

COUR D'APPEL D'ABIDJAN - COTE D'IVOIRE CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE AUDIENCE DU VENDREDI 25 FEVRIER 2000

La Cour d'Appel d'Abidjan, Chambre Civile et Commerciale, séant au Palais de justice de ladite ville, en son audience publique ordinaire du vendredi vingt-cinq février deux mil, a laquelle siégeaient : Monsieur KHOUADIANI KOUADIO KOUAKOU BERTIN, Premier Président, PRESIDENT, Mr COULIBALY HMAED et Mme ZEBEYOUX AIMEE, CONSEILLERS a la Cour, MEMBRES, Avec l'assistance de Maître ISSOUFOU OUATTARA, GREFFIER, A rendu l'arrêt dont la teneur suit dans la cause ; ENTRE : La Société NEGOCE AFRIQUE COTE D'IVOIRE dite NACI - S.A, au capital de 25 millions de FCFA siège social a Abidjan R.C. N° 168469, 01 BP 1787 Abidjan 01 représenté par Mr ANGOUA KOUASSI RAMAND, né en 1971 a Abidjan, de nationalité ivoirienne, Directeur de société domicilié a Cocody les 2 Plateaux ; APPELANTE Représentée et concluant par Maître FLAN GOUEU GONNE LAMBERT, Avocat a la Cour, D'UNE PART ET : La société WIN SARL, Société de droit de la principauté d'ANDORRE ayant son siège social a Massana Principauté d'ANDORRE représentée par Mr MANUEL TERREN PARCERISAS ; INTIMEE Représentée et concluant par Maître N'GUETTA GERARD, Avocat a la Cour, son conseil D'AUTRE PART Sans que les présentes qualités puissent nuire ni préjudicier en respectifs des parties en cause, mais au contraire sous les plus expresses réserves des faits et de droit. FAITS : La juridiction Présidentielle du Tribunal de Première Instance d'Abidjan, statuant en la cause, en matière de référé d'heure a heure, a rendu le 13 août 1999 une ordonnance N° 3878 aux qualités du de laquelle il convient de se reporter et dont le dispositif est ci-dessous résumé ; Par exploit en date du 28 Septembre 1999 de Maître TE BIEGNAND ANDRE MARIE, huissier de justice a Abidjan ; La société NEGOCE AFRIQUE COTE D'IVOIRE a déclaré interjeter appel de l'ordonnance sus-énoncée et a par le même exploit assigné la société WIN SARL a comparaître par devant la cour de ce siège a l'audience du vendredi 8 Octobre 1999 pour entendre, annuler ou infirmer ladite ordonnance ; Sur cette assignation, la cause a été inscrite au rôle général du greffe de la cour sous le numéro 983 de l'an 1999 ; Appelée a l'audience sus-indiquée, la cause, après des renvois, a été utilement retenue le 31 décembre 1999 sur les pièces, conclusions écrites et orales des parties ; DROIT : En cet état, la cause présentait a juger les points de droit résultant des pièces, des conclusions écrites et orales des parties ; La cour a mis l'affaire en délibérer pour rendre son arrêt a l'audience du 21 Janvier 2000, délibérer qui a été prorogé jusqu'au 25 Février 2000 ; Advenue l'audience de ce jour 25 Février 2000, la cour vidant son délibérer conformément a la loi, a rendu l'arrêt suivant : LA COUR Vu les pièces du dossier ; Oui les parties en leurs demandes, fins et conclusions ; Après en avoir délibéré conformément a la loi ; EXPOSE DU LITIGE.

La société NEGOCE AFRIQUE COTE D'IVOIRE dite NACI, société anonyme comprenait en son sein plusieurs actionnaires, dont la société WIN SARL, dirigé par MANUEL TERREN PARCERISAS ; Aux termes des statuts de la société NACI, ANGOUE KOFFI MAURICE était désigné Président directeur général, pendant que Manuel Terren Parcerisas exerçait les fonctions de Directeur Général ; Le 06 Juin 1996, Angoua Koffi Maurice déléguait ses pouvoirs a son Directeur Général, pour une période d'une année ; Par la suite, le 23 octobre 1997 ladite délégation de pouvoirs était rapportée ; Un litige survenait alors entre les parties, quant a la gestion et la direction de la societé NACI ; Aussi par exploit en date du 06 Juin 1999, Manuel Terren Parcerisas agissant en qualité de représentant de la société WI SARL donnait-il assignation a la société NACI représentée par Angoua Koffi Maurice, a l'effet de voir la

juridiction des référés du tribunal de Première instance d'Abidjan ; - Désigner un Administrateur provisoire ; Au soutien de son action, la demanderesse expliquait qu'au sein du capital de la NACI, elle détenait 1.125 actions sur les 2.400 actions que comprenait ladite société ; Cependant, poursuivait-elle, en dépit en sa qualité d'Administrateur de la NACI, elle avait été tenue dans l'ignorance des différents conseils d'Administration, dont un au cours duquel il avait notamment été décidé de l'arrêt d'activité de ladite société ; Dans le flou généré par la décision d'arrêt de toute activité, le contenu du coffre de la NACI Qui comprenait 26 Kilogrammes d'or, ainsi que la somme de 17 millions de francs, avait été emporté par les dirigeants de la société, et ce au mépris des règles gouvernant le fonctionnement des sociétés anonymes ; Ainsi, compte tenue des intérêts de la société NACI qui, manifestement, étaient en péril, la société WIN SARL entendait-elle voir désigner un Administrateur provisoire ; A tout effet, la demanderesse sollicitait-elle que ledit Administrateur provisoire puisse mettre sous séquestre les 26 Kilogramme d'or, et les 17 millions de francs, constituaient une partie des biens sociaux ; La société NACI pour sa part, s'opposait à ladite demande de nomination d'un Administrateur provisoire ; Vidant son délibéré, le juge des référés saisi rendait la décision dont le dispositif est le suivant : «- Au principal, renvoyons les parties à se pourvoir ainsi qu'elles aviseront ; Mais dès à présent et par l'urgence et par provision ;Recevons la société WIN SL en sa demande ; L'y disons bien fondée ; Désignons Mr TIEMOKO KOFFI, Expert comptable à Abidjan, en qualité d'Administrateur provisoire de la société NACI, à l'effet de la gérer et séquestrer les 26 kilogrammes d'or, ainsi que la somme de 17.000.000 F, constituant les biens sociaux jusqu'à ce qu'un accord intervienne entre les parties ; Estimant que la décision ainsi rendue lui faisait grief, la NACI SA, par acte d'Huissier en date du 28 septembre 1999, relevait appel de l'ordonnance de référé N°3878/99 en date du 13 août 1999, sus-visée, à l'effet de voir la Cour d'Appel de céans ; L'infirmer en toutes ses dispositions ; En effet, contestations entre associés ou dissensions entre ceux-ci, décrivaient une seule et même réalité, en l'occurrence une altération de la confiance mutuelle conduisant à des mésententes entre associés ; SUR CE, L'intimée ayant conclu, il y a lieu de rendre une décision contradictoire ; EN LA FORME La Société NACI a relevé, par acte d'Huissier appel d'une décision qui ne lui a été signifiée ; Ledit appel est donc recevable pour avoir été interjeté dans les forme et délai légaux ; AU FOND DU BIEN FONDE DE LA NOMINATION D'UN ADMINISTRATEUR PROVISOIRE AU SEIN DE LA SOCIETE NACI Il ressort des débats que le 23 octobre 1997, MANUEL TERREN exerçant les fonctions de Directeur Général de la société NACI a été révoqué ;Postérieurement à ladite révocation la société NACI a tenu différents conseils d'Administration tel qu'il résulte de la production des procès-verbaux de délibération, établis à cet effet ; Dès lors, quand bien même l'effectivité d'un litige entre MANUEL TERREN et les autres associés de la société NACI, ne peut faire l'objet de contestation, i n'en demeure pas moins, qu'il n'a existé de fait, aucun blocage dans l'Administration et la gestion de ladite société ; Ainsi, le Premier Juge, en ne fondant sa décision de nomination d'un Administrateur provisoire au sein de la société NACI, sur le seul fait que ladite mesure ne lésait aucune des parties au litige alors qu'il eut fallu rechercher en l'espèce, l'existence ou non, d'une paralysie dans le fonctionnement de ladite société, n'a donné de base légale à sa décision ; Il y a donc lieu d'infirmer l'ordonnance querellée ; Statuant à nouveau, il convient de dire que la demande en nomination d'un Administrateur provisoire de la société NACI n'est en l'état, nécessaire ; en sorte que les organes dirigeants de ladite société demeure toujours en fonction ; L'intimée ayant succombée, il lui faut supporter les dépens ; Statuant à nouveau ; Déclarer la société WIN SL mal fondée en sa demande ; En conséquence, la débouter ; Au soutien de son acte d'appel, la NACI SA faisait grief à l'ordonnance querellée, d'avoir en violé l'acte uniforme des sociétés commerciales issu du traité OHADA ; notamment en ses articles 147 et 159 ; En effet, il résulte desdites dispositions légales qu'en cas de litige entre associés, il devrait être procédé à la désignation d'un ou de plusieurs experts, chargés de présenter un rapport de gestion ;En outre, suivant ledit acte uniforme, l'arrêt d'activité ne constituait un motif pour lequel, l'on devrait procéder à la désignation d'un Administrateur provisoire ; En tout état de cause, articulait la société NACI SA, la jurisprudence constante exigeait pour la désignation d'un Administrateur provisoire deux conditions cumulatives, à savoir : Une mésentente caractérisée entre actionnaires et non de simples divergences de vue ; Un risque de paralysie de la société, du fait

Juriscope 2006

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notamment d blocage de ses organes d'Administration ; De fait, soutenait-elle en l'espèce, il n'y avait aucune mésentente caractérisée entre actionnaires ;En effet, selon elle, il avait seulement été demandé à TERREN PARCERISAS de produire les bilans et les comptes de la société, depuis l'ouverture, ainsi que les relevés bancaires ; Aucune suite favorable n'ayant été donnée par TERRE PARCERISAS, il avait été procédé à sa révocation en sa qualité de Directeur Général, à l'issue d'une réunion tenue le 23 juin 1999 et à la désignation d'un nouveau Président Directeur Général ayant pour mission de redémarrer les activités de la société après un audit ; Ainsi, selon la NACI, ses activités n'étaient arrêtées ;En réponse, en cause d'appel la société WIN SL sollicitait la confirmation de l'ordonnance querellée, dans la mesure où il existait bel et bien une mésintelligence entre associés au sein de la société NACI ; Selon la société WIN SL n'y avait pas lieu de rentrer dans des considérations sémantiques pour traduire le climat malsain qui prévalait au sein de la société NACI SA ; PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort ; EN LA FORME Déclare la Société NACI recevable en son appel régulièrement relevé de l'ordonnance N° 3878 rendue le 13 août 1999, par le juge des référés du Tribunal de Première Instance d'Abidjan ; AU FOND L'y dit bien fondée ; Infirme ladite ordonnance en toutes ses dispositions ;Statuant à nouveau ; Dit n'y avoir lieu à la nomination d'un Administrateur provisoire au sein de la société NACI ; Met les dépens à la charge de l'intimée ; En foi de quoi, le présent arrêt prononcé publiquement, contradictoirement, en matière civile, commerciale et en dernier ressort par la Cour d'Appel d'Abidjan, (1ère Chambre civile), a été signé par le PRESIDENT et le GREFFIER

BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE

I- OUVRAGES GENERAUX ET SPECIALISES

1. ALFANDARI (E.), Droit des affaires, les cadres généraux, L'entreprise, Les activités, Litec, 1993,473 pages.

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3. ANOUKAHA (F.), CISSE (A.), DIOUF (N.) NGUEBOU TOUKAM (J.), POUGOUE (P.-G.), SAMB (M.), Le droit des sociétés commerciales et de groupement d'intérêt économique OHADA, Bruylant, Bruxelles, 2002, 589 pages.

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23.ZADI KESSI (M.), Culture africaine et gestion de l'entreprise moderne, éd. CEDA, 1998, 154 pages.

II- THESES ET MEMOIRES

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2. BRUNOUW (L.), L'exercice du contrôle dans les sociétés anonymes, DEA, Droit des contrats, octobre 2003, Lille II, Université du droit et de la santé FSJP, Ecole doctorale, n° 74.

3. KAGOU KENNA (P.H.), La représentation des actionnaires dans les sociétés commerciales OHADA, Mémoire de DEA, Droit communautaire et Comparé CEMAC, UDs, avril 2007.

4.

KALLA BILLE (E.), Les nullités en droit des sociétés commerciales, Mémoire de DEA, Droit des affaires, 2006.

5. NJEUFACK TEMGWA (R.), La responsabilité des dirigeants des sociétés commerciales (OHADA), Mémoire de DEA, Droit Communautaire et Comparé UDEAC/CEMAC, 1999.

6. NJOYA NKAMGA (B.), Les dirigeants sociaux, Thèse de Doctorat/Ph.D, Université de Dschang, 2006-2007.

7. TOZWEN TEUKWA (R.F.), Le principe d'égalité entre les associés en droit OHADA, Mémoire de DEA, Droit Communautaire et Comparé CEMAC, Uds, octobre 2004.

III- COURS

- ANOUKAHA (F.), Le droit des sociétés commerciales et du groupement d'intérêt économique OHADA, inédit, Uds.

IV- ARTICLES DE DOCTRINE ET CHRONIQUES

1- ANOUKAHA (F.), << L'OHADA en marche. », in Anales de la faculté de droit de Dschang, 2002.

2- FENEON (A.), << Les droits des actionnaires minoritaires dans les sociétés commerciales de l'espace OHADA. », Revue Penant, avril-juin, 2002.

3- FENEON (A.), << La mésentente entre associés dans les sociétés anonymes OHADA, prévention et modes de règlement », Penant, juil-sept. 2004

4- KASSIA BI Oula, << Le recul de la nullité dans l'Acte Uniforme sur les sociétés commerciales et le groupement d'intérêt économique », Penant, n° 848, juillet-septembre 2004.

5- MATOR (B.) et THOUVENOT (S.), << L'uniformisation du droit des affaires en Afrique par l'OHADA », in Semaine juridique, octobre 2004, n°44.

6- MEUKE (B.Y.), << L'information des actionnaires minoritaires dans l'OHADA : Réflexion sur l'expertise de gestion », www.ohada.com ; << De l'intérêt social dans l'AUSC de l'OHADA », www.ohada.com.

7- MODI KOKO BEBEY (H.-D.), << La réforme du droit des sociétés commerciales » ; Revue des sociétés, avril-juin 2002

8- NJEUFACK TEMGWA (R.), << La règle de la majorité dans le droit des sociétés commerciales OHADA », in Revue de droit africain, n°37, 2006.

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10- PAILLUSSEAU (J.), << Droit de l'OHADA, un droit très important et original >>, in Semaine juridique, entreprises et affaires, n°44, octobre 2004 ; << L'Acte uniforme sur le droit des sociétés >>, in Les Petites Affiches, octobre 2004, n°205.

11- PERROUD (J.), << La condition de l'actionnaire >>, in Melanges Georges Ripert, Tome 2.

12- POUGOUE (P.-G.), << L'impact de l'Acte uniforme de l'OHADA relatif au droit des sociétés commerciales et du GIE sur le contrôle et le développement des entreprises locales.>>, in Juridis Périodique, n°66, avrilmai-juin 2006.

V- LEGISLATION

1- Acte Uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d'intérêt économique.

2- Acte Uniforme relatif au droit commercial général.

3- Acte Uniforme portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif.

4- Loi n 2006/015 portant organisation judiciaire de l'Etat du Cameroun.

5- Arrêté du 16 décembre 1954 portant Code de procédure civile et commerciale au Cameroun

TABLE DES MATIÈRES

DEDICACE i

REMERCIEMENTS ii

PRINCIPALES ABRÉVIATIONS iii

SOMMAIRE iv

RESUME v

ABSTRACT vi

INTRODUCTION GÉNÉRALE 1

PREMIÈRE PARTIE : LA SAUVEGARDE DES DROITS DES ACTIONNAIRES EN

ASSEMBLEES 9

CHAPITRE I : L'EXPRESSION DES DROITS DES ACTIONNAIRES 10

SECTION I : LES MOYENS D'ACTION DES ACTIONNAIRES EN ASSEMBLEES
10

§1- L'EXERCICE DES DROITS POLITIQUES : MANIFESTATION DU PRINCIPE

D'EGALITE ENTRE LES ACTIONNAIRES 11

A- Le droit de faire partie de la société et de participer aux assemblées 11

1- Le droit de faire partie de la société 11

2- Le droit de participer aux assemblées 12

B- L'exercice des droits de vote et d'information par les actionnaires 13

1-La jouissance d'un droit de vote 13

a) L'exercice du droit de vote des actionnaires présents 14

b) L'exercice du droit de vote des actionnaires absents 14

2-Le droit d'information des actionnaires 15

§2- LA GARANTIE OU LE CARACTERE OBLIGATOIRE DES DROITS

PECUNIAIRES DES ACTIONNAIRES 16

A- Les réserves et le droit aux bénéfices distribuables 16

B- Le droit aux dividendes 17

SECTION II- LES SANCTIONS AFFERENTES A LA VIOLATION DES DROITS

DES ACTIONNAIRES EN ASSEMBLEES 18

§1- LES SANCTIONS DE PRINCIPE 18

A-L'annulation des actes préjudiciables 18

1- L'annulation timide des actes modificatifs faisant grief 19

a) La nullité résultant de la violation d'une disposition expresse de l'Acte uniforme19

b) La nullité tirée du droit des contrats 21

i) Nullité provenant de la violation des règles générales de la validité des contrats 22

a- Vices de consentement et incapacités 22

f3 - Illicéité ou défaut d'objet et absence ou illicéité de cause 23

ii- Nullité résultant de la violation des règles particulières à la formation du contrat

de société 24

2- L'annulation facile des actes non modificatifs faisant grief 25

126

128

a)Les nullites resultant de la violation des dispositions imperatives de l'Acte

uniforme 26

i- Sens et justification de la formule « disposition imperative » 26

ii- Application de l'art. 244 AUSC 28

b) Les nullites dues à la violation des dispositions statutaires 28

2-Les conditions d'exercice de l'action en nullite 30

a) Le droit d'agir en nullite 30

i- L'action en nullite absolue 30

ii- L'action en nullite relative 31

b) Prescription de l'action en nullite et possibilite de regularisation 32

i- Prescription de l'action en nullite 32

ii-Regularisation spontanee et/ou forcee de la nullite 34

c) Consequences de la nullite 35

B- Les responsabilites decoulant du desequilibre des pouvoirs des actionnaires : la

responsabilite des coactionnaires fautifs 36

1- L'abus de majorité 37

2- L'abus de minorité 38
§2- LA SANCTION D'EXCEPTION OU LA MESURE DE GESTION DES CRISES:

L'INTERVENTION D'UN ADMINISTRATEUR PROVISOIRE 41

A- Les conditions de nomination de l'administrateur provisoire 41

1-L'exigence de paralysie des organes sociaux 42

2-Necessite d'un peril imminent 43

B- Les missions de l'administrateur provisoire 44

CHAPITRE II - LES LIMITES A UNE EXPRESSION SIGNIFICATIVE DES
DROITS DES ACTIONNAIRES 45

SECTION I- LES DIFFICULTES D'EXERCICE DES DROITS DES
ACTIONNAIRES EN ASSEMBLEES 45

§1- LES LIMITES RELATIVES A LA FAIBLESSE DE PARTICIPATION DES

ACTIONNAIRES AUX ASSEMBLEES 46

A- L'absence de vote par correspondance 46

B- L'indifférence des actionnaires vis-à-vis des TIC 47

§2- LES ENTORSES RELATIVES A LA REPRESENTATION DES ACTIONNAIRES

48

A- Les difficultes de representation par le conjoint ou par tout autre actionnaire 48

1- La defiance à l'egard du conjoint 49

2- Les difficultes de representation par un actionnaire 49

B- L'isolement des actionnaires 50

SECTION II- LES MESURES CORRECTRICES 52

§1- LA QUESTION DES ASSOCIATIONS D'ACTIONNAIRES ET LA CREATION

D'UN MARCHE DE DROITS DE VOTE 52

A- La question des associations d'actions d'actionnaires 52

B- Les avantages d'une dissociation du droit de vote de l'action : l'institution d'un marche des droits de vote 54

§2- L'EFFECTIVITE DU ROLE DES ORGANES SOCIAUX 54

CONCLUSION PREMIÈRE PARTIE 56

DEUXIEME PARTIE : PROTECTION DES ACTIONNAIRES CONTRE LES

ACTES DE GESTION 57

CHAPITRE I- PROTECTION CONTRE LES ACTES DE GESTION ET LES
CONTROLES DEFAILLANTS 58

SECTION II- LA DETECTION PRECOCE DES ACTES FAUTIFS DES
DIRIGEANTS ET DU COMMISSAIRE AUX COMPTES 58

§1- LA PROCEDURE JURIDICTIONNELLE DE CONTROLE : SOLLICITATION DE

L'EXPERTISE DE GESTION 59

A- L'utilité, le domaine et la nature de l'expertise de gestion 59

1 - L'utilité de l'expertise de gestion 60

2- Domaine de l'expertise de gestion 62

3- Nature de l'expertise gestion 63

B- L'exercice de l'expertise de gestion 63

1- La qualité requise 64

a)Une action prioritairement minoritaire 64

b) Action ouverte à d'autres requérants 65

i- Faculté offerte aux actionnaires majoritaires 65

ii- Action reconnue au groupement d'actionnaires 66

2- Bien fondé de la demande et résultat de l'action 67

a) Le bien fondé de la demande 67

b) Résultat positif de l'action : la désignation d'un expert 68

§2- LA PROCEDURE NON JURIDICTIONNELLE DE CONTROLE : L'ALERTE 69

A- Les détenteurs de l'exercice de l'alerte 69

1- Le devoir d'alerte du commissaire aux comptes 69

2- Le droit d'alerte des actionnaires 71

B- L'exercice de l'alerte 72

1-Conduite de l'alerte par le commissaire aux comptes 72

a) La demande d'explication 72

b) Provocation d'une délibération 73

c) L'établissement d'un rapport spécial à la destination des actionnaires 74

2-Responsabilité du commissaire et des dirigeants 74

3-Procédure de déclenchement de l'alerte par les actionnaires 75

SECTION II- LES SANCTIONS CONSECUTIVES AUX INVESTIGATIONS 76

§1- LA RESPONSABILITE CIVILE DES DIRIGEANTS SOCIAUX 77

A- L'organisation de la responsabilité civile des dirigeants sociaux 78

1- La responsabilité des dirigeants de la société in bonis 78

a) Responsabilité pour violation des lois et règlements 79

b) Responsabilité pour violation des statuts et pour faute de gestion 80

i- La violation des statuts 80

ii- La faute de gestion 80

2- L'aggravation de la responsabilité des dirigeants en cas de faillite de la société 82

a) Incessibilité des droits sociaux des dirigeants et comblement du passif 82

b) Extension des procédures collectives et faillite personnelle 83

i- Extension des procédures collectives aux dirigeants fautifs 83

ii- La faillite personnelle des dirigeants 84

B- L'exercice des actions en responsabilité contre les dirigeants fautifs 85

1- L'exercice de l'action individuelle ou personnelle 85

2- L'exercice de l'action sociale : action ut singuli 87

3- Prescription des actions en responsabilité 89

C- Le droit de révocation des dirigeants 89

§2- La responsabilité des tiers : le cas du commissaire aux comptes 90

CHAPITRE II- LA FAIBLESSE DES MOYENS DE PROTECTION EN PLACE ET
LES IMPERATIFS DE REFORMES 93

SECTION I- LES DEFAILLANCES DU DISPOSITIF DE PROTECTION 93

§ 1- LES LIMITES DES MOYENS DE DETECTION PRECOCE DES ACTES DE

GESTION FAUTIFS 93

A- Les dangers d'une intervention intempestive du juge dans la société commerciale.94

B- L'absence de consécration expresse d'une responsabilité de l'expert de gestion 95

§2- DIFFICULTÉS D'EXERCICE DES ACTIONS EN RESPONSABILITE 96

A- Obstacles liés au difficile établissement des responsabilités : faible probabilité de
découverte des fautes 96

1- Obstacles relatifs au régime des preuves et à la vague détermination des fautes faisant grief 96

2- Les difficultés particulières soulevées par l'exercice « ut singuli » de l'action

sociale 98

B- Le caractère bénin de la responsabilité civile en tant que sanction 98

SECTION II- AXES DE RENFORCEMENT DE LA PROTECTION DES

ACTIONNAIRES 99

§1-Vers une responsabilité sans faute ? 99

§2-L'obligation de souscription d'une assurance par les dirigeants sociaux et les
commissaires aux comptes 100

CONCLUSION DEUXIÈME PARTIE 102

CONCLUSION GÉNÉRALE 103

ANNEXES 106

ANNEXE 1 : Jurisprudence OHADA - Cameroun 107

ANNEXE 2 : Jurisprudence OHADA - Bénin 115

ANNEXE 3 : Jurisprudence OHADA - Côte d'Ivoire 118

BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE 121

TABLE DES MATIÈRES 125






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"Et il n'est rien de plus beau que l'instant qui précède le voyage, l'instant ou l'horizon de demain vient nous rendre visite et nous dire ses promesses"   Milan Kundera