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La chronique de Philippe Mousket

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par Thibault Montbazet
Université Paris-IV Sorbonne - Master dà¢â‚¬â„¢histoire médiévale 2011
  

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5) Une histoire des rois de France

Philippe Mousket l'affirme dès les premiers vers, il s'agit pour lui « Des rois de Franche en rime mettre / Toute l'estorie et la lignie ». Pas d'ambiguïté de ce côté, et même si les rois s'effacent parfois derrière d'autres héros, ce n'est que pour mieux les glorifier plus loin. On a dit par ailleurs ce que représente le choix de Saint-Denis pour le contenu idéologique, et l'importance du lien entre Charlemagne et Philippe Auguste. La chronique de Philippe Mousket rassemble dans une même geste glorieuse et une même lignée l'ensemble des souverains, qu'ils aient été, cela est important, païens, héritiers légitimes, ou gouverneurs de fait (« Uns et autres, al règne eslius, / Que païens, que oirs, que ballius », v. 27 673-74) ; du moins rajoute-t-il qu'il écarte de cette noble successions ceux qui ont péchés par faiblesse. Cette célébration des rois de France devait se faire autour d'un pilier, Charlemagne, dont la figure incarnait et élevait la dynastie toute entière. Insister sur le personnage de Charlemagne, nourri d'influences diverses, sur son appartenance à la France et sur le lien de sang qui le liait aux Capétiens, cela signifiait aussi revendiquer l'ancêtre par excellence et l'enlever aux prétentions baronniales, mais aussi impériales. Depuis Frédéric Barberousse, en effet, l'empereur cherchait à récupérer l'héritage carolingien1. Contester cette prétention, c'était aussi disputer les trop hautes ambitions d'un Frédéric II et le cantonner à sa subordination au pape. Les rois d'Angleterre, ces rivaux de toujours, sont aussi à mater. Philippe Mousket a choisi de ne pas les

1 R. Folz, Le souvenir et la légende de Charlemagne dans l'empire germanique, Les Belles Lettres, Paris, 1950.

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cacher, et de les utiliser en faire-valoir de Philippe Auguste ou Louis VIII. Il les montre enfin en parangon de la loi divine et en protecteur de l'Eglise, sur le front de l'hérésie en Occitanie ou ailleurs par l'appui donné à l'Inquisition.

Plus que les rois, émerge déjà la France, et au-delà de son allégeance au souverain, l'identité. « Nos François », « Nostre galie » sont des expressions qui reviennent régulièrement. Il y a la plainte qu'il prête à Roland mourant, à côté des regrets qu'il adresse à son épée, à son cheval et à ses compagnons :

Lues apriés regreta-il France

Et dist : « Tière plentive et France,

De bos, de rivières, de prés,

De vins, de cevaliers doutés,

De pucieles, de bieles dames,

De vous est grans dious et grans dames

Ki si demorés desgarnie

De loial gent et de hardie. »1

Devant Avignon, encore, prétextant de la faiblesse du pape, il lui semble que seul le roi de France peut maintenant affronter l'hérésie. Il brocarde sévèrement Rome et le clergé (« Ki de tous maus est flèce et somme », v. 26 564), puis glisse un long éloge de la France où l'on voit poindre des prétentions universelles à peine dissimulées :

Et bien le devoit ascouter, [le roi de France]

Quar par raisson doit-on douter

France et le roi par tot le monde,

Quar c'est la couroune plus monde

Et plus naide et plus déliteuse

Et adiès plus cevalereuse.

France a les cevaliers hardis

Et sage, par fais et par dis.

France tient et porte l'espée

De justice, et desvolepée

L'ensègne Saint-Denis de France,

Ki François oste de soufrance.

Et saciés bien, et j'el vos di,

Que puis le tans roi Cloévi,

Ne Dagobert, ne Carlemainne,

Ne Pepin, son père en demainne,

Ne pot, parmi son grant renon,

1 Reiffenberg, op. cit., v. 8062-69.

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Roume sans France se poi non. Si doit moult bien Rome otroïer Cou que France li viout proïer, Quar Aubugois, çou est del mains, Doutassent petit les Romains, Se ne fust pour le roi de France Et pour sa gent hardie et France, Ki partout ont pris et victorie, Largaice, ounor, loenge et glorie1.

La France, terre sublime, est incarnée par ses rois qui depuis Charlemagne sont les défenseurs de la communauté des Chrétiens, les artisans de la gloire divine sur Terre, et sont « de cevalerie la rose ». Par eux et leurs compagnons, héritiers des héros épiques, Philippe Mousket trace un trait entre le passé et le présent et trouve un sens dans un monde qui perd de vue les valeurs courtoises.

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard