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Syrie: d'une révolte populaire à  un conflit armé

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par Sophia El Horri
Université Paris VIII - Master 2 Géopolitique 2012
  

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II.3.4. Damas ou la ceinture de misère

Damas présente une forte croissance démographique et toutes les caractéristiques d'une explosion urbaine non contrôlée. L'oasis du Barada aura pratiquement disparu en 2020 si le rythme actuel de l'urbanisation se maintient. La plupart des constructions sont informelles. Les principales villes syriennes possèdent par ailleurs un taux élevé d'habitat illégal (Damas : 40% ; Alep : 60% ; Raqqa : 70%), et cela est le fruit d'une croissance démographique très élevée de 2,5% depuis 1994, mais aussi du manque de moyens publics, du déficit de planification, et du manque de coordination entre municipalités et gouvernorats. Le système corrompu profite de ce nouveau marché pour marchander les autorisations de construction. L'habitat informel dans les périphéries des métropoles régionales et nationales

82 http://alain.chouet.free.fr/documents/Alaouite.htm

83 http://blogs.mediapart.fr/edition/les-invites-de-mediapart/article/110512/homs-capitale-de-la-revolution-carrefour-alaoui

était un moyen utilisé pour renforcer le clientélisme politique à travers l'arme de la régularisation.

Voici quelques cartes qui témoignent de l'expansion de la zone urbaine de Damas : ici, en 1929

84

Source : Bureau topographique des troupes françaises du Levant.

85

Damas dans les années 2000 : Expansion urbaine sur les zones agricoles

(c) Fabrice Balanche, « L'habitat illégal dans l'agglomération de Damas et les carences de l'Etat », Revue Géographique de l'Est [En ligne], vol. 49 / 4 | 2009, mis en ligne le 21 octobre 2010

Environ 55% de la population vit aujourd'hui en milieu urbain (un data) et ce chiffre devrait atteindre 75% en 2050. Environ 45% de la population totale du pays se concentrait à Damas et Alep en 2008. Les facteurs démographiques peuvent, comme nous l'avons déjà dit, expliquer le développement urbain en Syrie. A Damas, la densité a ainsi atteint 14 000 habitants par kilomètre carré, avec de grandes disparités de densité à l'intérieur de la ville, ce qui est élevé et pose des problèmes d'accès aux services de base (sanitaire, scolaires).

A Damas, ce sont les riches terres agricoles de la « Ghouta », à l'est de la ville, qui sont submergées par l'habitat informel tandis que les plateaux du Qatana (sur la carte ci dessus), à l'ouest, sont délaissés. Le rythme de construction des habitats informels est comparable à celui de l'habitat légal, et même miraculeusement, encore plus vite : une maison peut être construite en trois jours. La Ghouta à l'est de Damas, à 80% concernée par

l'extension urbaine informelle, est par ailleurs la zone où les quartiers comme Douma se révoltent contre le régime. Le laxisme administratif sensé faciliter la construction de logements, pour s'épargner la colère sociale, a créé un véritable trafic géré par les autorités locales qui monnaient les autorisations. De plus l'accès dans ces quartiers demeure un problème majeur. Lorsque e réseau public existe, il n'est guère alimenté que quelques heures par semaine. Selon Fabrice Balanche84, les habitants se font livrer par camion citernes le reste du temps. Comme toute capitale, Damas connaît une forte différentiation socio-spatiale due aux écarts de revenus. La libéralisation prenant le pas sur l'Etat providence, la frustration n'a fait que grandir dans la ceinture de misère de Damas. Les associations sociales se sont multipliées, mais furent suspectées de participer à un clientélisme politique qui impliquait des extrémistes religieux, qui furent mollement écartés en 2008. Dans la banlieue de Damas, lieux des désormais Comités de Coordination Locaux, l'opposition et le mécontentement étaient déjà existants mais ils n'étaient pas coordonnés en réseau. Incapable de réinvestir les banlieues damascènes, l'Etat a laissé « le champ libre à la structuration de mouvements d'opposition sur le terrain »85. La raison pour laquelle les quartiers informels druzes ou alaouites ont choisi le soutien de Bachar El Assad n'est pas dû à des facilités économiques, puisqu'ils vivent dans les mêmes conditions, mais leur ascension sociale est plus probable dans l'armée ou la fonction publique par exemple.

Dans la carte ci-dessus, on peut voir que les affrontements, les manifestations et les soulèvements concernent surtout les quartiers dont l'urbanisation a été tardive et s'est faite en grignotant sur les terres agricoles. Le pouvoir et ses manifestations physiques se concentrent au centre, terrain des beaux quartiers préservé des contestations.

86

84 http://www.nowlebanon.com/Library/Files/ArabicDocumentation/PDF//Damas-Baas.pdf

85 http://www.nowlebanon.com/Library/Files/ArabicDocumentation/PDF//Damas-Baas.pdf

87

(c)Réalisation de Fabrice Balanche

On remarque aussi que Damas est encerclée par le pouvoir. Ce dernier résiste à l'explosion démographique en rééquilibrant les forces de l'extérieur ; il encercle la ville (cercles jaunes sur la carte ci-dessous) par des installations militaires. Cette carte représente aussi l'encadrement du territoire par le régime sécuritaire à Damas.

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La ville proprement dite est ceinturée par un large boulevard périphérique et quadrillée par de vastes avenues qui créent des ruptures dans l'espace. Lorsqu'on passe de Damas intramuros au quartier d'Al Qazzar par exemple, le paysage et l'habitat change.

Damas : le boulevard périphérique entre quatre quartiers

Urbanisation sécuritaire classique dans le quartier « villas »

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Comparons par exemple ces deux images « Google Earth » qui représentent respectivement deux quartiers différents de Damas ; le sud de la ville de Damas et Mezzah dans le nord-ouest de la ville:

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La ville intra muros est ceinturée par un large boulevard périphérique et quadrillée par de vastes avenues qui créent des ruptures dans l'espace citadin. Pour ce qui est du deuxième cliché, l'aménagement urbain vise à dissuader toute manifestation d'envergure. Certains marchés à ciel ouvert de la médina ont été sacrifiés au profit d'avenues larges et de marchés rectilignes et rectangulaires. L'absence de contrôle de l'explosion urbaine a créé plusieurs médinas périphériques, que le pouvoir a du mal à protéger par contre. C'est ainsi que les explosions à la bombe ne touchent pas généralement le coeur de Damas mais les périphéries. C'est sur une des rocades du périphérique qu'ont explosées les deux bombes du 10 mai. Le mois de mai est marqué à Damas par un renforcement de la sécurité dans le quartier de Mezzah, au centre ville. Le quartier damascène est le plus dense en termes de lieux de pouvoir. Voici une image aérienne de ce quartier dit des villas occidentales, et les principaux lieux stratégiques qui s'y trouvent :

Au mois de mai 2012, après la tentative d'empoisonnement des hauts dirigeants baathistes, le système sécuritaire a déployé un vase dispositif sécuritaire dans ce même quartier de Mezzah86.

Dans le premier cliché p.79, on remarque le quartier d'al Quazzar. L'habitent y est plus dense, et donne un effet « moins tracé », mois délimité. Aujourd'hui, selon Cha`ban

86 http://alquds.co.uk/index.asp?fname=today%52z499.htm&arc=data%5012%5C05%5C05-22%52z499.htm

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Abboud87, 40% des habitant de Damas, pauvres et originaires des campagnes pour la plupart, habitent dans des entassements misérables. Les plus importantes « zones d'habitat informel et spontané » couvrent un grand ensemble de quartiers qui s'étendent à l'est sur plusieurs villages et banlieues proches annexées par la ville. Les habitants de chaque province se répartissent entre quartiers, profitant des solidarités familiales. Ainsi, si les palestiniens se sont rassemblés dans les camps de Yarmuk ou Falastine, les syriens des autres gouvernorats, communautés religieuses et minorités ethniques ont également sélectionné leur propre quartier, comme on le voit dans carte ci-dessus. Tout ce petit monde se répartit dans les quartiers informels de Damas. On pourrait se demander par ailleurs à quel point les quartiers damascènes dont les habitants sont originaires de Deraa n'ont pas réagi par effets de miroir et de propagation à la contestation de Deraa en mars à Damas. La misère qui s'exporte en ville et notamment dans cette ceinture de la misère damascène fait ricochet avec les périphéries délaissées. C'est peut être ce même type de réseaux de solidarité entre quartiers et localités d'origine qui a enflammé le coeur historique de Baniyas après l'entrée de l'armée dans Deraa en fin mars 2011.

Le centre de Damas, par contre, est surtout le terrain de la bourgeoisie syrienne, ou de celle qui tente d'échapper au rigorisme musulman. Il est en soutien au régime, sensé lui assurer paix et stabilité. Les manifestations en soutien à Bachar El Assad sont organisées avec l'appui des principaux hommes d'affaires du pays. J'avais déjà évoqué ce genre d'initiative avec l'ONG « Syria is fine » dont parle Alain Corvez dans son témoignage sur le site Infosyrie.

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci