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Syrie: d'une révolte populaire à  un conflit armé

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par Sophia El Horri
Université Paris VIII - Master 2 Géopolitique 2012
  

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II.3.5. Banyas, Lattaquié et Tartous, enclaves sunnites dans la périphérie alaouite

La géographie des révoltes nous permet de conclure que, sauf dans de rares cas, les soulèvements se limitent principalement aux territoires arabes sunnites. Les manifestations dans ces trois villes implantées dans la périphérie alaouite de la Syrie aurait pu étonner, pourtant Lattaquié est une des premières à entrer dans la contestation en avril, après le siège de Deraa. Les forces de sécurités syriennes s'y sont déployées et auraient distribuer des armes aux villages alaouites aux alentours88. Le contrôle de ce territoire alaouite, passe par le contrôle et l'étouffement des mouvements insurrectionnels sunnites dans la région.

87 Cha`ban Abboud, La Syrie au présent, reflets d'une société, 2007 oc.pit.

88 http://www.lexpress.fr/actualites/2/actualite/en-syrie-la-repression-s-abat-sur-les-manifestants-de-banias 988717.html

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La région côtière a subi de profonds aménagements depuis 40 ans : une mutation socio-spaciale qui a permis à la communauté alaouite de s'affirmer sur le plan régional. Les alaouites ne sont plus reclus dans djebel Ansaryeh et sont prêts à s'affirmer tant au niveau régional qu'au niveau politique et économique. Les alaouites dominent l'espace rural et les villes. A mesure que le territoire sunnite se retranche, les sunnites se concentrent leurs réseaux sur l'axe Alep Damas.

Voici une carte de Lattaquié qui représente la répartition spatiale des communautés (jaunes, alaouites ; verts, sunnites) et les zones d'affrontements entre « bras » du régime et manifestants.

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La carte provient de l'article « Analyse géopolitique de la révolte syrienne », de Fabrice Balanche. Elle montre, comme Homs, une scission de l'espace urbain entre membres

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de différentes communautés. Comme sur le reste du territoire, les manifestations se déroulent dans les quartiers sunnites au sud de la ville.

Lattaquié a été touché par les révoltes dès la mi-mars, avec une des premières apparitions du militaire dans la répression et l'intervention de la marine syrienne le 15 août 2011. Quelques semaines auparavant, autour de la place sur laquelle se trouve une statue de Hafez el Assad, la foule des protestataires converge pour crier sa colère. L'envoie des premiers détachements de l'armée force les manifestants à se retrancher dans le sud et l'ouest de la ville. Le quartier le plus virulent au régime est Raml al janubi, al falastini, (au sud sur la carte) qui est bombardé le 14 août), en voici une photo (source « un oeil sur la Syrie ») :

Les nouvelles infrastructures portuaires ainsi que les nouveaux projets immobiliers du nord de la ville n'ont pas d'impact positif général sur l'ensemble de la cité : seul le nord et le port alaouites représentent la nouvelle Lattaquié. Dans cette région particulièrement stratégique pour le pouvoir, la population est dépossédée de son bien et de sa ville. Après l'intervention des forces armées, la ville a vu les frontières de séparation de ses quartiers devenir des lignes de front et d'affrontements. La répression et la violence conduisent à une exacerbation des clivages territoriaux--qui découlent eux-mêmes de plusieurs types de clivages--déjà existants dans les zones urbaines en Syrie

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L'observateur assidu du conflit syrien a sûrement remarqué lors des maints cafouillages médiatiques la confusion et l'opacité qui s'en dégageait, car nul ne pouvait évaluer justement la situation intérieure. Les dépêches sur certains bombardements se contredisaient et nul n'était capable à différents moments de dire qui tuait qui. Pour expliquer les différents rapports de force qui lient chaque partie au niveau local, régional et international, j'ai décortiqué tout au long de cette deuxième partie les différents niveaux de rivalités territoriales et politiques.

A travers l'affaire des enfants de Deraa, l'expression des manifestants et des graffitis sur les murs s'en prenait à ceux qui incarnent le contrôle totalitaire de l'Etat à des fins personnelles. Dans le système théorique baathiste, l'économie est dirigiste et autocentrée : nationalisation, réforme agraire, développement de l'industrie, tel était le mode développement choisi. Ces politiques, comme la réforme agraire, devaient permettre à la Syrie d'être indépendante, énergétiquement et alimentairement. En réalité, les buts sont politiques : éliminer la bourgeoisie foncière et terrienne, classe politique concurrente à la bourgeoisie baathiste et élargir la base sociale du nouveau régime. Les clivages communautaires en Syrie contribuent à la mauvaise gestion économique : l'Etat devient un Etat territoires. Les communautés considèrent qu'elles peuvent mieux maximiser leur capital territorial que l'Etat. L'Etat est, quant à lui, considéré comme un prédateur, une entité entre les mains d'un clan. Pour en revenir à Deraa, les protestataires ont dénoncé, à travers le gouverneur de la région ou Rami Makhlouf, l'Etat et ses dignitaires. Nous tenons là une des premières clés de ce conflit : les manifestants ainsi que les soldats rebelles ne se battent pas contre une communauté, mais ce qu'elle représente pour eux, c'est à dire la prédation et la corruption dans l'Etat. La barbarie du régime dans la répression, en utilisant notamment des chars et de l'artillerie lourde dans des zones de peuplements, a attisé le sentiment de colère. On assiste alors à un cycle infernal dans les villes les plus engagées dans l'opposition : manifestation, éparpillement par les chabiha, manifestation à nouveau puis répression par l'armée. Ce rapport de force continuel n'est pas prêt de s'arrêter et au fur et à mesure des semaines, l'idée d'une intervention internationale commençait à germer dans les esprits.

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En effet, au cours des deux années 2011-2012, l'opposition extérieure aidant, le dossier syrien passa de la Ligue arabe à l'ONU et franchit ainsi de nombreuses frontières. Tout le monde était d'accord pour agir via le Droit international et une condamnation commune : mais aucun consensus, jusqu'au mois de janvier, n'avait mis d'accord sur les modalités et les formes que pourrait revêtir cette intervention internationale. Pour mieux comprendre les rapports de force, cette fois-ci régionaux et internationaux, nous avons mis en lien les actes et décisions diplomatiques d'une part et de l'autre les enjeux et bouleversements géopolitiques régionaux au cas où le régime chute ou se maintienne. Cela n'a dû échapper à personne, l'affrontement des au sein du Conseil de Sécurité des Nations Unies entre dans une dialectique Est-ouest et montre un rapprochement diplomatique entre les Etats Unis, la Grande Bretagne et la France et entre la Russie et la Chine de l'autre côté. La résurgence de ces tensions post guerre froide est due à la nature du régime baathiste, qui est née pendant la guerre froide, et la mise en place initiale de l'échiquier moyen oriental.

Comme nous l'avons vu, on peut difficilement évaluer à l'intérieur de la Syrie le degré d'organisation de l'opposition de même qu'on ne peut identifier précisément les acteurs en place. Le pays était fermé aux médias qui, même lorsqu'ils entraient légalement dans le pays, étaient encadrés ; des villes comme Homs et Idlib ont été assiégées, sans contact avec le reste du pays, sans eau ni électricité. Deux oppositions sont sensées représenter la Syrie et tentent de faire front uni malgré la frontière territoriale étanche qui les sépare. Le Conseil National Syrie a été le plus entendu et le plus reçu ; même s'il ne s'agit pas d'un gouvernement en exil, il regroupe plusieurs personnalités exilées car au cours des quarante dernières années, il était impossible pour quiconque de s'organiser en tant que mouvement d'opposition en Syrie. En outre, le caractère communautariste affaiblit la société et de fait l'opposition. A titre d'exemple, le Conseil National Syrie ne fait pas d'émules auprès des communautés minoritaires syriennes : il est souvent qualifié de repère d'islamistes, même si, nous le verrons, les islamistes à l'étranger ne sont pas aussi radicaux que ceux de Hama en 1982. Une nuance demeure toute fois à apposer ; en effet, si l'Etat s'effondre et qu'une opposition se forme, les islamistes radicaux répondront présents et ont intérêt à exploiter l'instabilité actuelle à leurs fins.

La révolte syrienne n'était un printemps arabe, à l'image de la révolution tunisienne, que quelques semaines après le début de la révolte à Deraa, Baniyas, Damas et Homs. Les protestations étaient socio-économiques et visaient les profiteurs du pouvoir comme les Trabelsi en Tunisie. Mais assez vite, la barbarie de la répression ainsi que

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l'immobilisme politique ont poussé à la radicalisation du conflit. Les armes ont commencé à paraître dans les manifestations et dans les obsèques. Des bavures, des bombardements ont commencé à apparaître et s'il se trouve qu'ils sont le fait de l'opposition, cela signifierait que celle-ci détient des moyens d'artillerie lourde. La révolte syrienne se mue en guerre ; elle oppose dorénavant au sein d'un même Etat, une lutte armée entre les forces armées régulières à des groupes armés identifiables dont l'importance dépasse la simple révolte.

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TROISIEME PARTIE

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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore