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Secret et proces penal au cameroun

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par Pauline Priscille NGO NOLLA
Université de Yaounde IIS SOA - DEA Droit privé option sciences criminelles 2010
  

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§II- LE SECRET D'ETAT : SOURCE D'IMPUNITE EN MATIERE PENALE

L'impunité en matière pénale en la matière naît de l'invocation abusive du secret d'Etat (I) et du manque de contrôle qui s'en suit (II).

I- L'invocation abusive du secret d'Etat

17- L'implémentation malheureuse du phénomène mondial de terrorisme a amené les Etats à légitimer un certain nombre de pratiques que ni le respect des droits de l'Homme ni les moeurs ne peuvent en principe tolérer. A ce titre, les gouvernements invoquent de plus en plus souvent le «secret d'Etat» ou la «sécurité nationale» afin d'éviter que leurs actions ne fassent l'objet d'un contrôle judiciaire. Dans certains pays, et notamment aux Etats-Unis, la notion de secret d'Etat est utilisée pour protéger les agents de l'exécutif de poursuites pénales pour des crimes tels que des enlèvements et des actes de torture, ou pour empêcher les victimes de demander des dommages et intérêts. Le secret d'Etat est aussi utilisé pour écarter des preuves, voire la totalité d'une affaire lorsque la sécurité nationale est en jeu.

Selon la commission des questions juridiques et des droits de l'homme42(*), les services secrets et les agences de renseignements doivent rendre des comptes pour des violations des droits de l'homme comme la torture, les enlèvements ou les restitutions, et ne sauraient échapper aux enquêtes en invoquant de manière injustifiée la doctrine du secret d'Etat. Cette position est plus que défendable quand on sait l'impact de ces violations des droits de l'homme sur les aveux contraints parfois différents de la vérité.

18- Au Cameroun, l'existence d'abus couverts par le secret d'Etat ne saurait être affirmée de manière péremptoire ou non43(*). Mais il est fort à parier qu'avec l'essor du terrorisme en Afrique, l'urgence et la gravité de cette criminalité internationale, amènera les Etats africains et particulièrement le Cameroun à adopter les mêmes solutions que celles sus décriées. Il est donc urgent que le législateur se saisisse de cette matière pour prévenir efficacement ses effets pervers sur l'intérêt général, celui des victimes et celui des mis en cause.

II- Le manque de contrôle du secret d'Etat

19- Si le caractère secret de certaines informations est explicitement reconnu, le bien-fondé du refus de communication de ces informations à l'occasion de procédures judiciaires est généralement contrôlé par les tribunaux ou des commissions spéciales amenés à se prononcer sur la validité du secret d'Etat lorsqu'il est invoqué dans une procédure judiciaire.

Ainsi par exemple, Au Royaume-Uni comme aux Etats-Unis, lorsque le secret est invoqué, il revient aux juges du fond d'arbitrer entre deux types d'intérêt public, la raison d'Etat et la justice sauf dans les cas où la diffusion de l'information peut causer un tort substantiel 44(*),ce qui, selon les tribunaux, est évidemment le cas en matière de défense, de sécurité nationale ou de secrets diplomatiques.

Aux Etats-Unis, la jurisprudence reconnaît à la coutume du secret d'Etat et au privilège de l'exécutif une portée absolue dans les matières touchant à la sécurité de l'Etat, ce qui empêche le juge d'apprécier la validité de l'invocation du privilège. En revanche, dans les autres domaines, le juge s'autorise à examiner les documents et à apprécier le bien-fondé de l'invocation du secret. Ainsi, dans l'affaire du Watergate, le refus présidentiel de communiquer certaines informations n'a pas été considéré comme justifié par les intérêts de la sécurité nationale, et les nécessités de la justice pénale l'ont emporté.

En Espagne, le tribunal suprême a affirmé en 1997 la supériorité du droit à la protection de la justice sur le principe de sécurité de l'Etat, et l'avant-projet de loi sur les secrets officiels reprend ce principe45(*). En Allemagne 46(*)et en Italie47(*), la loi prévoit le mode de résolution des conflits relatifs à l'invocation du secret devant les juridictions.

20- Au Cameroun par contre, il n'existe pas de commission spéciale crée à cet effet, encore moins une latitude expresse ouverte au juge pénal pour le contrôle de l'opportunité de l'invocation de ce principe. On note juste l'institution des juridictions d'exception visant à punir les violations du secret d'Etat. De la sorte, avant le 19 décembre 1990, le tribunal militaire connaissait également des crimes et délits contre la sûreté de l'Etat et de la subversion48(*). On a prétendu, pour justifier ce transfert de compétence aux juridictions militaires, qu' « il est évident que les militaires savent mieux apprécier que quiconque, en fonction des impératifs de la défense nationale, la gravité des actes en cause et la responsabilité de leurs auteurs. Qu'ainsi, le recours à la justice militaire, institution normale permanente permet de concilier les impératifs de la sauvegarde de l'Etat et de la Nation avec les garanties essentielles des justiciables49(*) ». Cette position pouvait augurer d'une reprise en main de la manifestation de la vérité par le procès pénal, mais avec la donne actuelle qui confie cette compétence à la Cour de sûreté de l'Etat, rien n'est moins sûr.

Le contrôle du secret d'Etat devrait être effectif au Cameroun pour éviter que les avancées en matière de droits de l'Homme et de droits de la défense engagés ne soient noyées par la tentation de l'exécutif à outrepasser ses droits légitimes.

A côté du secret d'Etat, l'Administration peut opposer au procès pénal la discrétion qui est sienne, lui permettant d'accomplir ses missions.

 
 
 

* 42 D. MARTY, « Rapport sur Les recours abusifs au secret d'Etat et à la sécurité nationale: obstacles au contrôle parlementaire et judiciaire des violations des droits de l'homme ».

* 43 Compte tenu du manque de lisibilité et d'encadrement juridique du secret d'Etat au Cameroun.

* 44 À la suite de l'affaire Matrix Churchill relative à l'exportation illégale d'armes vers l'Irak, modifié sa position sur les " certificats d'immunité au nom de l'intérêt public ". Il a annoncé à la fin de l'année 1996 que les ministres ne pouvaient demander l'immunité que lorsque la diffusion des documents confidentiels risquait de causer un " réel tort ".

* 45 Lors de l'instruction de plusieurs procès impliquant l'activité des groupes anti-terroristes de libération (GAL).

* 46 Le tribunal a l'obligation d'étendre l'instruction à tous les éléments décisifs pour la recherche de la vérité, il peut contrôler les décisions ministérielles de refus de communication de certaines informations. Lorsque ces décisions lui semblent arbitraires ou dénuées de tout fondement, il peut passer outre et réquisitionner les documents dont il a besoin. Dans les autres cas, il est lié par la décision de l'administration, mais la partie à qui l'opposition du secret porte préjudice.

* 47 Tout juge qui se voit opposer le " secret d'Etat " peut en informer le Président du conseil et lui demander la confirmation du secret. Lorsque le Président du conseil confirme le secret, il doit en informer le Parlement.

* 48 T.M. de Yaoundé, n°5/71 du 16 mars 1971, affaire ANOGE Bernard Tor, T.M. Bafoussam, n°32/84 du 24 avril 1984 ...

* 49RESNIKOV (Cl), La justice militaire, cours polycopié, Ecole Nationale d'Administration et de Magistrature(E.N.A.M), p.7.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld