INTRODUCTION GÉNÉRALE
Si les « Nations » sont le résultat
de l'Histoire, l'Histoire découle nécessairement d'une
éducation transmise par le biais de structures sociales traditionnelles
propres à chaque « peuple » ou
«ethnie », et plus tard, à chaque ensemble pluri-ethnique
qui dans les sociétés modernes se nomment :
« Nation ». C'est pour cette raison fondamentale qu'il
faudrait peut-être comme le préconisait Diderot au XVIIIè
siècle : « commencer l'étude de l'histoire par celle de
sa « Nation »1(*), il est cependant à noter que le concept de
« Nation » n'est pas sans poser l'idée faire
échos bien au delà du continent européen ...
Cela dit, l'Afrique a développé ses propres
valeurs car il n'y a pas un « peuple sans mémoire
collective »2(*) ;
autrement dit chaque peuple a développé ses structures, ses
formes de pensée comme d'expression, celles d'organisation sociale,
économique, politique et culturelle ... dans le but de maintenir la
cohésion sociale. Ces mécanismes de maintien de cette
cohésion sont à notre sens tout aussi valables que ceux de
l'Etat-nation moderne.
Mais l'occasion nous est ici offerte d'analyser un concept
primordial dans la vie des sociétés : la
« Nation » dont l'origine lointaine fait penser à
ces ensembles hétéroclites de l'Europe médiévale,
mais ce concept a évolué vers des formes d'organisation
historiquement développées, ce qui correspond dans notre
société dite moderne, à cette forme
« unifiée » d'organisation : l'Etat-nation, dont il
faudra rappeler quelque peu l'origine.
La nation sous-tend l'État pour justifier ses actions
c'est pour cela qu'il convient de prime abord de préciser le contexte
idéologique de l'idée de nation dans l'Afrique moderne.
I - LE CONCEPT DE NATION ET LE CONTEXTE
IDÉOLOGIQUE AFRICAIN
En définissant l'idéologie comme forme
d'expression de la pensée dans le but de guider ou de contraindre une
communauté plus ou moins vaste, nous pouvons dire que la Nation
représente un outil idéologique pour l'Afrique noire moderne.
L'Afrique moderne a besoin à chaque contexte de son
idéologie politique et sociale d'une théorie sociale pour se
structurer, s'épanouir et sauvegarder son unité organique
spécifique car l'Afrique est depuis longtemps tiraillée par un
grand nombre de courants commerciaux comme idéologiques. Il se pose
ainsi le problème de la coexistence entre le courant traditionnel et les
apports étrangers. C'est pour cela que le problème se pose
d'abord et après tout au niveau moral, au niveau de la conscience.
C'est ainsi que l'accession à l'indépendance de
nombreux pays africains vers les années 60 a été pour les
politologues et anthropologues d'Europe d'Amérique et d'ailleurs,
l'occasion de se pencher sur les systèmes de type européen
greffés sur des sociétés de traditions toutes
différentes. Il y a exploitation politique et donc idéologique du
concept de nation dans les jeunes États africains où les
gouvernements s'efforcent de susciter la naissance d'un sentiment national,
d'une part pour donner une assise idéologique à
l'indépendance de l'État, d'autre part pour faire échec
à l'effet négatif du tribalisme ...
Ainsi, beaucoup de dirigeants africains, sous prétexte
d'accélérer la « construction nationale »,
ont en fait systématiquement cultivé et développé
une conscience ethnique » ou plus exactement assuré
l'hégémonie de leur ethnie, voire de leur clan sur l'ensemble des
communautés « nationales » ; empêchant ainsi
toute « construction nationale » réaliste, juste et
démocratique c'est-à-dire basée sur la liberté et
sur l'égalité.
Il y a donc des concepts universels en sociologie et en
histoire, mais il ne faut pas les confondre avec les traditions historiques
propre à chaque continent.
C'est ainsi que le concept de « Nation »
en Afrique fait face à une réalité toute différente
de celle dont il est issu, ce qui parfois embrouille des jeunes États
entre plusieurs idéologies et qui dit idéologies dit
systèmes de pensée servant à guider les hommes dans le
cadre d'une communauté ; ce qui vise donc les fondements même du
pouvoir politique.
Quand on observe le thème de la
« construction nationale » en Afrique noire, ce que la
colonisation et la décolonisation ont établi en Afrique noire, ce
n'est pas la « Nation » mais
« L'État » dit « moderne », avec
ses « prétentions rationnelles » comme le dit Yves
Person 3(*),
c'est-à-dire avec son idéologie servant à guider et
à justifier l'action de ces communautés de l'Afrique noire
moderne.
Les « Nations » africaines d'aujourd'hui,
créées artificiellement par les puissances
étrangères, ne proviennent pas de l'ancienne civilisation
africaine et ne répondent pas aux habitudes d'échanges ou au
genre de vie africain. Elles ont été créées de
toute pièce par l'administration coloniale et ne résistent
même pas pour la plupart au contexte économique
international...
Cependant, les « nations » africaines
continuent à se battre séparément chacune dans la voie du
progrès, alors que le vrai obstacle à leur développement,
l'impérialisme, principalement à son stade
néocolonialiste, est en train d'opérer à l'échelle
panafricaine.
La nation est devenue le terme-clé pour
légitimer l'État qui est le royaume sacré de la
minorité au pouvoir et pour justifier ses actions dans la plupart des
pays d'Afrique.
Or, ce n'est pas comme au temps de la Révolution
française de 1789 ou sous l'occupation de la France par les
Alliés européens entre 1815 et 1818, une nation du peuple et
réclamée par lui. Non ! Il s'agit par là, d'une nation
d'élites étatiques. A vrai dire :
« l'Etat-nation » invoqué jusqu'à
l'incantation demeure largement dépourvu de substrat sociologique et
incapable de supplanter autrement qu'en apparence les puissantes et
persistantes solidarités régionales. L'inefficacité
flagrante de l'État et l'immobilisme qui en découle paraissent
bien, de fait provenir dans une large mesure de l'inadéquation du
concept « d'Etat-nation », pivot de l'héritage
politique colonial, avec les réalités socio-politiques
africaines.4(*)
Avant de parler de « nation » et de
d'«État » en Afrique, il convient de rappeler le fait
social et l'évolution sémantique de ces mots en Europe, avant de
voir dans quelle mesure ils peuvent être étendus, avec une
signification universelle, à d'autres systèmes culturels ; ce qui
nous conduira à évoquer les traditions propres au continent noir
...
II - LA NATION COMME FAIT SOCIAL
Nous considérons que la nation (comme l'État)
est un fait social car si toute nation a vocation à créer un
État, nous verrons que tout État à également
vocation à créer une nation.
Duguit dans son Manuel de Droit Constitutionnel 5(*) pense que la nation est un
élément de l'État en ce sens que
« l'État » est le milieu social où se produit
le fait « État ». L'État serait dans cette
perspective : une sorte de personnification juridique de l'idée
même de nation ...
Mais inversement il se trouve que dans l'Afrique moderne
l'État est le milieu où se produit la
« nation » : en ce sens que
« l'État » est pour les Africains modernes le point
de départ de la nation nouvelle. Léopold Sédar Senghor
pense même que « l'État c'est l'expression de la
nation » mais celle-ci « est surtout le moyen de
réaliser l'État ».6(*)
Ainsi y aurait-il une conception purement africaine de la
nation (celle de l'Afrique d'hier) et une conception moderne qui est celle que
nous connaissons aujourd'hui ?
En effet, si en Europe la « nation » est
le point de départ de « l'État, par contre en Afrique,
« l'État » issu des Indépendances est le
point de départ de la « nation » actuelle dont
l'oeuvre n'est d'ailleurs pas totalement achevée en raison de
l'existence d'un « micro-nationalisme » naturel (au niveau
local ou ethnique) qui prend parfois l'allure d'un véritable
ethnocentrisme7(*) ; en
raison aussi de l'effort de « construction nationale »
auquel se consacre la plupart des dirigeants africains.8(*) Comment est apparue
l'idée de nation et comment a-t-elle évolué ? C'est ce que
nous allons essayer de rappeler, avant d'aborder la problématique
africaine de l'idée de nation.
1 - Naissance de l'idée de
« nation »
En Europe, il faudrait sans doute remonter au Moyen Âge
pour voir apparaître l'idée de « nation »,
pendant tout le moyen âge en effet, le mot « nation »
a un sens très précis, conforme à l'étymologie
(nascere) qu'a rappelé Isidore de Séville au VIIè
siècle : « c'est un groupe d'hommes qui ont et à qui on
attribue une origine commune ».9(*)
La nation était donc considérée comme une
communauté ethnique : c'est-à-dire un groupe composé
d'hommes ayant certes une « origine commune » mais aussi
fixés autour d'une terre comme la « patria » qui est
le pays natal et cette notion s'est maintenue jusqu'au Moyen-Age.10(*)
En France l'idée d'une « nation »
dont les membres ont pour patrie le royaume est formulée de bonne heure
dans les milieux intellectuels.11(*)
A la fin du XIIIè siècle, le moine Primat,
traduisant en français les Grandes Chroniques de Saint-Denis auxquelles
reste attaché le nom de Suger, dit que Thribaut, comte de Champagne, est
venu guerroyer avec le Roi Louis V « por le besoing dou roiaume
contre le estranges nations ».12(*)
En 1927, l'Archevêque de Reims écrit au Pape, que
tous les habitants du royaume doivent concourir à la
« defensio regni et patriae ».13(*)
Au début du XIV° le langage se fait plus
précis : Guillaume de Nogaret14(*) justifie son attitude envers le Pape par son devoir
de défendre le roi et « patriam suam regni
Franciae » ; désormais le royaume est présenté
dans les milieux intellectuels comme la « patria communis »
de tous les « regnicoles » et Paris comme la
« civitas communis ».15(*)
Ce sont les clercs, clercs en droit civil et public, et clercs
en droit canon, qui ont les premiers, étudié le sens de ce mot.
Il semble qu'au XVI° siècle le mot ait encore eu une assez large
place, et presque déjà une acceptation moderne. On le voit
employé par de grands juristes et économistes au début de
ce siècle notamment, les Cujas, l'Hôpital et
Bodin ; tous ces « braves hommes » dont
l'oeuvre aboutira aux États généraux de 1576, où de
grands principes commençaient à se faire entendre.
On opposait la « nation » et son
« prince » et à ce moment là, ce furent les
notions de « souverain », d'«État »,
de « loi » qu'on élaborait. Il fallait sans doute
que les États fussent unifiés par la volonté du prince.
Il fallait une loi, une constitution dont le roi fut le
premier serviteur et il fallait surtout que le concept de
« nation », c'est-à-dire de l'ensemble des citoyens
d'un État, ensemble distinct de l'État, pût
apparaître aux yeux des juristes et philosophes. Mais encore, fallait-il
savoir ce qu'était un « État » ?
Ce sont les philosophes du XVIII° siècle
français qui ont élaboré le concept de
« nation ».16(*) Les encyclopédistes et surtout Rousseau
l'adoptèrent définitivement.17(*) Ce fut ensuite le tour des théoriciens et des
hommes politiques de la Révolution française ... 18(*)
Le concept de « nation » se
précisera après les jours mémorables de la
Révolution française de 1789 et surtout après le grand
jour de la Fédération où, pour la première fois
dans l'histoire, une « nation » tente de prendre conscience
d'elle-même par des rites, par une fête, de se manifester en face
du pouvoir de l'État ... « La nation, la Loi, le
Roi » : c'est ce qu'on appelait la Trinité des
constituants.19(*)
Les Français savaient depuis longtemps qu'ils vivaient
dans « le royaume de France » ; mais il n'y avait pas
encore de conscience « nationale » pas de patrie commune,
l'unité ne se forgera que lentement ... Il fallait aussi distinguer
juridiquement la nation de l'État. Il a fallu quitter cette
trinité pour aller vers l'unité, l'identification de ces
concepts. En Europe on verra que l'État apparaîtra comme une sorte
de personnification juridique de la volonté du roi, expression
suprême de la volonté du peuple : c'est ainsi que la pensée
révolutionnaire est venue apporter une consécration juridique en
faisant de la nation un sujet de droit20(*). Mais la « nation »
connaîtra des évolutions.
2 - Évolution de l'idée de
« nation » en Europe
L'Europe fut ainsi en constant travail de conserver,
d'enfanter, de faire vivre des nations. La fin des guerres
napoléoniennes comme les deux principales guerres du XIX°
siècle : celle de 1859 et celle de 1870, et la Grande Guerre furent des
guerres de « nations » se battant pour leur vie ou leur
résurrection ...
a - En Europe de l'Est
A l'Est de l'Europe, le régime de la force et de la
tyrannie turque, avec les hongrois et le monde russe, opprimaient les
« nationaux » dans nombre de
« nations » qui cherchaient à naître ...
L'échec des tentatives faites pour abolir l'idée
de « nation » est d'autant plus significatif qu'on peut
l'enregistrer dans l'ex-U.R.S.S et dans les démocraties populaires,
c'est-à-dire là où l'avènement officiel de la
classe aurait dû permettre de dépasser les clivages établis
sur la base des appartenances « nationales ». Or il n'en a
rien été. A partir du moment où le socialisme s'est
incarné dans les États, la pratique a montré que
l'idée nationale est une donnée qui échappe aux
manipulations auxquelles on voudrait la soumettre pour la plier aux exigences
d'une doctrine. Aussi, plutôt que de s'acharner sur elle, comme pour
l'idée religieuse, les dirigeants des pays communistes
n'éprouvent guère de scrupules quant à son exploitation,
aux fins de leur politique. La grande Guerre, dans la mesure où elle fut
une guerre autrichienne, fut une guerre des nationalités. Comme ces
États de pure force « les Macht-Staten » de l'Europe
occidentale et orientale, la plupart des nouveaux pays sont des
sociétés mixtes, où des minorités nationales sont
opprimées.
Plus d'un siècle se passa en ces luttes infructueuses
pendant la première partie du XIX° siècle. L'Est de l'Europe
est « entièrement peuplé de nations jeunes ou
imparfaites ».21(*)
Plus au Nord les Ukrainiens n'ont jamais été une
« Nation », à peine par instant une
« société », un
« État ».
Les Polonais n'ont guère eu une existence
indépendante de plus de quatre cents ans et leurs frontières ont
toujours été d'une élasticité remarquable. Les
Slovaques sont comme les Petits-Russiens, une grande masse paysanne qui
jusqu'au dernier siècle n'a que rarement aspiré à
l'unité.
Les Tchèques ont un peu plus de solidarité, ils
ont formé un royaume glorieux au Moyen Âge et jusqu'à la
guerre de trente ans furent indépendants.
Les Hongrois de même, quoiqu'ils aient payé
tribut au Turc et à l'Allemand ; les Lithuaniens et autres populations
fort anciennes, toutes les populations finnoises de l'immense ancienne Russie
d'Europe ont longtemps été dans un état de sujétion
ou de « primitive » indépendance.
La Finlande fut jusqu'au XIX° siècle une colonie
suédoise ; elle était restée au fond sous la domination
tsariste jusqu'à la Révolution de 1905 et les premières
élections au suffrage universel.
Quant à l'immense masse russe, elle n'a formé en
somme un véritable « État » pendant longtemps
qu'en Moscovie et ce n'est que depuis Pierre le Grand qu'elle a vraiment eu et
une constitution monarchique, un esprit, et s'est étendue aux
frontières de la civilisation et de la race grand russienne.
b - En Europe de l'Ouest
L'Ouest de l'Europe est au contraire l'empire des
« nations » ; là où toutes les
« nations » héritières du droit romain ont
gardé le souvenir de ce qu'était le citoyen romain, et la
renaissance du droit romain au VII° siècle, même en pays
germanique et anglo-saxon fut un coup décisif dans cette voie.
Les « nations » européennes sont le
produit, comme l'est le droit français, d'une évolution à
partir d'un mélange d'éléments germaniques et romains. Les
« nations » slaves ont en somme été
créées à leur image. L'essentiel du droit public a
été donné par Rome, par l'Angleterre et la France, puis
par trois révolutions, l'anglaise, l'américaine et la
française.
Rappelons qu'en France et ceci jusqu'à la
Révolution, les liens qui définissent la sujétion sont
restés des liens personnels (d'homme à homme). Les agents sont
des agents du roi ; il y avait peu d'unité et peu de cohésions
sociales au plus bas de l'échelle sociale et les élites des
Lumières étaient pour la plupart cosmopolites ;
c'est-à-dire qu'ils n'avaient pas d'autre patrie que le monde, ni
d'autre but que de défendre les droits de l 'homme.
Au niveau de la scolarisation il y avait des obstacles, les
maîtres étaient des instructeurs occasionnels parlant des patois
et fort mal le français. En Allemagne et en Italie du reste, les
particularismes linguistiques étaient plus tenaces qu'en France ...
22(*)
C'est donc sur les ruines anciennes d'un certain nombre de
sentiments provinciaux que se développera un sentiment national plus
large. La « nation » telle que des hommes 23(*) la définiront non pas
par la langue, ni même par le territoire mais par la totalité
concrète des citoyens, était l'immense enthousiasme d'un peuple
(celui de la France) avide de croyances collectives et qui retrouvera une foi
ardente et jeune, une raison, de vivre, une « âme »
commune ... La nation en tant que « peuple » prendra
conscience d'elle-même vis-à-vis de la monarchie...
Toutefois de nombreux éléments constitutifs de
la « nation » en Europe ont été formés
justement par de petites « nations » (également
constituées depuis le XV° siècle) et « ce n'est
pas un hasard » nous rappelle Marcel Mauss, « si le premier
théoricien du droit des nations a été hollandais :
Grotuis ».24(*)
3 - Évolution de l'idée de nation
à travers le monde
On peut avec Mauss essayer de ranger historiquement comme suit
ce que l'on a appelé « les nations ».25(*)
Il y a donc Rome qui disparaît au VI°
siècle, la France et l'Angleterre qui se constituent à peu
près au XI°, la Suisse, les Pays-Bas, les royaumes scandinaves au
XIII° et au XIV°, la Castille et l'Aragon au XIV°, la Hongrie et
la bohème s'unissent vers cette époque pour disparaître, la
première au début de la guerre de Trente Ans, la deuxième
sous Marie Thérèse : la Pologne au XV° va disparaître
au XVIII° siècle. La Moscovite jusqu'à englober la masse
russe. Au XVIII° siècle les États-Unis ; au XIX°, la
Belgique, la Grèce, l'Italie ; puis au congrès de Berlin se forme
le petit noyau des unités serbe, bulgare et roumaine qui se sont
constituées en « nations » avec les guerres
balkaniques et la grande guerre ...
L'émancipation successive des colonies portugaises et
espagnoles de l'Amérique du Sud et de l'Amérique centrale
fondèrent ces États qui tendent tous, dès l'origine, par
leur forme démocratique et par leur fond de droit public, vers
l'organisation nationale mais d'après Mauss dans un petit nombre :
Chili, Argentine Brésil, « ont dépassé les
stades de tyrannie, de l'oligarchie et des formes primitives de
l'État ».26(*)
En Asie, le Japon lui, a évolué très vite
en soixante ans sous l'influence de l'idée nationale par
l'expédition du commodore Perry, mais il garde encore tous ses traits
d'empire religieux et d'organisation féodale. La Chine depuis la
révolution contre la dynastie mandchoue évoluera aussi
très vite malgré l'anarchie. Mais ces grandes masses de vieilles
civilisations, de langues créeront sans doute des institutions
originales mais qu'il serait imprudent de vouloir faire rentrer dans des cadres
spécifiquement et typiquement européens.
4 - La contribution de l'Anthropologie à la
compréhension de l'idée de nation
Pour bon nombre de contemporains, la notion de
« nation », équivaut à celle de
« nationalité » ou de
« nationalisme » ; elle a d'abord et avant tout un contenu
négatif, c'est-à-dire la révolte contre l'Etranger,
souvent la haine qu'on garde contre tous ..., même quand ils n'oppriment
pas.
De plus l'effort des juristes pour définir la nation a
été faible 27(*) parce que non seulement les théoriciens du
droit international, mais même ceux du droit constitutionnel et du droit
civil, continuent à n'ajouter d'importance qu'à l'État ou
plus exactement le confondent avec la « nation ».
Le plus curieux événement d'après Marcel
Mauss, fut celui de l'Allemagne, où cependant l'opposition
« Staat » et « Gesellschaft »
était classique, et où on finit par
« hypostasier », « substantifier »,
« diviniser » l'«État » au lieu de la
« nation ». 28(*)
Partout, même dans la théorie, le contenu de
l'idée de « nation » est encore faible. Le
nationalisme bien que générateur de
« maladie » des consciences nationales en constitue
aujourd'hui la seule force, en tant qu'expression de deux réactions :
l'une contre l'Etranger et l'autre contre le Progrès qui soi-disant mine
la tradition « nationale ».
Il convient donc de relever l'usage du mot
« nation » qui est souvent rattaché à
l'adjectif « national » ; et ce mot
« nation » est lui même d'un emploi moins
fréquent : en France on dit fréquemment
« national » mais ce mot a remplacé les adjectifs
« royal » et « impérial ».
Le mot « nationale » ne désigne que
des institutions d'États ou patronnées par l'État. Les
Français font un usage assez constant du mot mais d'après
Mauss29(*),
« ils demeurent les seuls ». Il est vrai que la plupart des
autres langues leur ont emprunté ce mot, signe que l'idée n'a pas
été élaborée au même moment.
Il convient maintenant d'essayer de dire quels sont les genres
de sociétés qui en Europe et ailleurs, peuvent être
considérés comme des « nations ». Il ne
s'agit pas par là de donner un tableau exact de l'histoire
générale de l'organisation politique des sociétés,
mais d'essayer de faire une approche historique et anthropologique de
l'idée de « nation ».
Deux sociologues, Morgan et Powel ont semble-t-il,
essayé de faire un travail d'ensemble sur l'histoire
générale de l'organisation politique ; mais tous les deux se sont
préoccupés de la théorie de la famille et de la question
de savoir dans quelle mesure les changements dans la vie publique de la
société ont déterminé le passage du clan à
la famille individuelle ...30(*)
Il y a beaucoup de travaux de juristes et philosophes sur
l'évolution de l'État moderne et nous avons aujourd'hui des vues
assez sérieuses sur les formes primitives des sociétés
dites « polysegmentaires », sociétés
à base de clans, systèmes tribaux, sur les formes primitives de
la monarchie et certaine de ses formes
« évoluées »; mais il y a des champs
inexplorés par cette discipline relativement jeune qu'est la sociologie
: les « royautés primitives » ne sont pas connues en
dehors de leur caractère religieux sur lequel nous avons l'ouvrage de
Fazer.31(*)
Mais les féodalités européennes de
l'Ouest sont bien connues ; mais reste à savoir ce qu'est vraiment une
féodalité ? Encore faut-il faire une étude comparée
des chefferies de clans des castes militaires ... à travers le monde.
Voilà pour les « monarchies » et
les « aristocraties » mais qu'en est-il des
« démocraties », se demande Marcel Mauss ? 32(*) Rappelons que Socrate posa les
principes fondamentaux de divisions des régimes politiques, principes
repris par Aristote qui souhaitait déjà « les
constitutions ». Ainsi Montesquieu comme les philosophes
français et anglais ne font que l'imiter. Mais on a vu de par le monde,
des mélanges d'«aristocratie », de
« monarchie », de « démocratie »
comme l'Angleterre et la Suède, l'Allemagne d'après 1870 ... Les
royautés antiques sont mal connues du point de vue juridique et
administratif, jusqu'à l'Empire romain fondateur de la notion
d'État.33(*)
Grâce à des siècles de philologie, on sait
à peu près ce qu'étaient les
« démocraties antiques », et les
médiévistes et historiens du droit savent ce qu'étaient
les démocraties communales de l'Europe médiévale...
On peut dire sans conteste, que c'est en Europe que s'est
constitué le droit public national et international des formes
« modernes » de société. Le nombre des
États qui méritent le nom de « nation » avec
constance a été variable et toujours restreint jusqu'aux tous
derniers événements.
Mais Marcel Mauss 34(*), pense que le mot « nation » est
d'un emploi relativement récent dans le langage des juristes et
philosophes et encore plus dans celui des peuples eux-mêmes. Les concepts
de cité ou société, de souveraineté, de droit, de
loi, de politique sont depuis longtemps fixés ; celui d'État
l'est depuis le mouvement d'idées qui va des grands juristes
français du XVI° siècle aux grands juristes hollandais et
allemands du XVII° et XVIII° siècles. Celui de Nation a
été infiniment plus lent à naître ; dans un bon
nombre de langues, il n'est pas encore usuel ; dans le langage technique, il
n'est pas encore fixé, et la plupart du temps se confond avec celui
d'État.
Pour un certain nombre d'anthropologues, Mauss notamment
35(*), il ne peut y avoir
de « nation » sans qu'il y ait une certaine
« intégration » de la société,
c'est-à-dire que cette société doit avoir aboli toute
« segmentation » par clans, cités, tribus, royaumes,
domaines féodaux. C'est ainsi que les nations française et
anglaise ont effacé ces anarchies et ces souverainetés qui, par
les divisions et les héritages royaux et féodaux qu'elles
engendraient, les mirent en péril. Mais, nous verrons que cette
conception de la nation n'est pas à l'abri de toute critique.
L'« intégration » est donc telle
dans les « nations » de « type
achevé », pour reprendre l'expression de Mauss, qu'il n'existe
pour ainsi dire pas d'intermédiaires entre la
« nation » et le citoyen, que tout espèce de
sous-groupe a disparu et même que se pose la question de la
reconstitution des sous-groupes ....
Cette « intégration » existe par le
fait de frontières bien délimitées, et il n'y pas de zones
d'influence étrangère dans cette société qui est
particulièrement sensible à tout ce qui concerne sa vie
« nationale ». Elle ne se laisse pas amputer, diviser,
gouverner, ou battre par des puissances étrangères.36(*) Elle ne désire pas
s'étendre et seules les classes représentantes des formes
antérieures de l'État poussent à ce que l'on nomme
« l'impérialisme ». Les grandes formes de
démocratie ou d'État ont toujours été pacifiques et
le Traité de Versailles exprime leur volonté de rester dans leurs
limites. Quant à la notion d'«indépendance », elle
se manifeste par la notion de « patrie » avec ses
conséquences : culte du drapeau « national »,
préoccupation de frontières militaires, sentiment de revanche en
cas de défaite, résistance à toute intervention
extérieure, à toute atteinte au droit de
souveraineté.37(*)
Toujours d'un point de vue anthropologue, il faut noter que la
deuxième manifestation de l'idée de
« nation » est économique et il faut la
considérer comme importante car l'unité économique humaine
le plus étendue qu'on connaissait jusqu'alors était bien
sûre la « nation » ; mais aujourd'hui, nous assistons
à des intégrations économiques au-delà des simples
frontières. Il est donc important de voir l'organisation
économique dans les sociétés dites traditionnelles et
l'utilisation des moyens économiques comme fil conducteur dans la
recherche de l'idée de nation nous amènera du reste à voir
plus clair dans l'opposition entre les structures socio-politiques
traditionnelles et le pouvoir moderne.
En définitive, nous pouvons dire que la
« Nation » est devenue un fait social nécessaire et
est présenté dans l'histoire universelle. Histoire universelle
qui suppose la coexistence de tous les particuliers et cette histoire est
justement riche de tous les particuliers. Le problème de la Nation en
Afrique moderne est justement celui de la particularité de cette notion
par rapport à son universalité. Ce qui nous amène à
voir la spécificité ou l'africanité de la notion de
Nation.
III- LA PROBLÉMATIQUE DE LA
« NATION » DANS L'AFRIQUE NOIRE MODERNE
La notion de nation en Afrique est ambiguë. Elle se
cherche et les dirigeants africains continuent leurs oeuvres de construction
nationale et nous voyons là une question à poser : quelle
devraient être la spécificité de la notion de nation dans
l'Afrique moderne ? Objectivement mais aussi modestement en dégageant la
particularité de l'idée de Nation dans l'Afrique noire. Sans
doute l'exemple du Sénégal, nous éclairera-t-il dans ce
domaine ?
En effet l'idée de « nation » est
loin d'être claire dans l'esprit des gens, c'est ce qui explique que
depuis quelques années et tout particulière-ment depuis
l'accession des pays africains à l'indépendance (1960), ce
problème culturel est au centre des débats non seulement dans les
milieux intellectuels, mais aussi dans les hautes sphères de la
politique.
Ainsi dans l'Afrique moderne, l'affirmation de
l'identité culturelle nationale s'est le plus souvent
accompagnée, de l'affirmation de l'identité culturelle du
continent tout entier, bien que l'identité culturelle nationale soit
à bien des égards différente de l'identité
culturelle du continent et ceci pour plusieurs raisons.
D'abord à l'intérieur des frontières qui
ont été assignées aux nouveaux États, s'est
constitué un cadre économique qui, mal délimité et
parfois erroné, vise à garantir une certaine base
matérielle de vie des ensembles ethniques disparates sur lesquels repose
la structure de l'État moderne. De la sorte, ces peuples prennent de
plus en plus conscience de la nouvelle vision collective qui se fait jour et
des nouvelles modalités de vie sociale et politique qui doivent trouver
selon l'expression de Georges P. Hagan « une expression neuve pour
influer sur la vie quotidienne de la population ».38(*)
Par ailleurs, la solution progressive apportée aux
problèmes suscités par les mélanges ethniques,
étant donné les interactions durables et constantes rendues
nécessaires par une vie politique et économique commune, donne
naissance à de nouvelles institutions culturelles dans presque tous les
États d'Afrique. Il s'agit de résoudre les divergences et les
contradictions entre les modes de pensée et de comportement des diverses
ethnies et de les harmoniser.
A quelques exceptions près, les États africains
sont composés de plusieurs entités dont chacune a sa langue et sa
culture particulières.
L'État qui a été mis en place par la
puissance colonisatrice avant son retrait, s'affirme en une structure unitaire
et rigoureusement centralisée au profit d'une étroite
équipe. Cette centralisation du pouvoir repose sur la centralisation des
ressources, ceci par souci de construire la « Nation ».
Comme le fait remarquer Thierry Michalon, on invoque la
« Nation pour justifier l'État : « la construction
nationale est le prétexte à l'édification de la puissance
de l'État ... au profit de la minorité qui en détient les
leviers, laquelle se trouve encouragée par les puissances
étrangères pressées d'en faire le relais de leur influence
... ».39(*)
La formule de l'«Etat-nation » serait-elle
retenue pour permettre toutes sortes de mystifications derrière les
motivations officielles ? N'est-ce pas pour cela qu'il y a des blocages dans
les tentatives d'unité culturelle, politique et économique
africaine ?
Toujours est-il que les concepts
d'«États » et de « Nation »
entraînent des ambiguïtés. Les frontières
héritées de l'époque coloniale en fixant le cadre
territoriale des États actuels, ont dans bien des cas, partagé un
même « groupe ethnique », un même
« peuple », une même « tribu »,
une même « nation » entre plusieurs États
...
Quand on regarde le long des frontières, ce sont les
mêmes familles que l'on retrouve des fois, parce que le pouvoir colonial
avait pour vocation de s'imposer à cet ensemble
hétéroclite. Il faudrait d'ailleurs essayer de voir comment il a
utilisé et même exploité les différences ethniques
et tribales des « peuples » du Sénégal.
Aussi, il faudra voir comment les dirigeants africains ont exploité
à leur tour l'idée de nation pour accéder aux
indépendances ...
Aujourd'hui, le problème réside pour ces pays
dans la plus difficile conciliation entre l'épanouissement des cultures
particulières et le renforcement de « l'unité
nationale » pour éviter l'éclatement des États.
Pourtant une politique visant à favoriser les échanges entre les
différentes entités pourrait contribuer à l'enrichissement
culturel des communautés nationales, au lieu de les diviser.40(*) Pour Cheikh Anta Diop
41(*) il faudrait
« restaurer la conscience historique africaine », mais
comme le dit Frantz Fanon : « la responsabilité de l'Africain
devant sa culture nationale est aussi une responsabilité devant la
culture négro-africaine ».42(*)
Cheikh Anta Diop a certes essayé de démontrer
l'unité historique du « peuple » africain en
remontant à la préhistoire et à l'Égypte ; il s'est
efforcé dans ses oeuvres, de démontrer l'unité psychique,
l'unité géographique et l'unité économique de
l'Afrique noire. Mais est-ce suffisant juridiquement pour poser l'idée
de nation.
Il pense qu'il existe aussi un fond linguistique commun :
« les langues africaines présentent la même unité
et constituent une même grande famille linguistique aussi homogène
que celle des langues indo-européennes ... »43(*).
Mais est-ce que le critère de la langue est si
déterminant dans la formation de la nation ?
Selon Cheikh Anta Diop, « l'unité
linguistique domine toute la vie nationale, sans elle, l'unité nationale
et culturelle n'est qu'illusoire, fragile ... ». C'est pourquoi il a
proposé de construire un État fédéral africain, ou
plutôt de recréer l'unité linguistique, selon des
procédés proposés par lui ...44(*)
Nous verrons que cette conception est discutable. Par exemple
pour Pathé Diagne, l'Afrique traditionnelle n'a pas connu l'Etat-nation
centralisateur tel que nous le connaissons aujourd'hui et qui « a
vidé le pluralisme traditionnel de tout contenu, sous prétexte de
tribalisme et de divisionnisme ».45(*)
Mais nous verrons aussi que cette idée doit être
nuancée du fait de l'existence dans le Sénégal
traditionnel d'un pouvoir politique centralisé au temps du Grand Djiolof
... Ce pouvoir pouvait perdurer grâce, entre autres, au monopole de la
contrainte militaire avant la conquête coloniale.
Avec les années chaque
« État » africain et chaque
« peuple » a fait des efforts pour résoudre ses
problèmes. Chaque société a également
développé sa typologie particulière, son système
particulier. C'est pour cela que nous pouvons dire avec Frantz Fanon que
« la culture nationale » n'est pas le
« folklore » ou un « populisme ». La
culture nationale est « l'ensemble des efforts faits par un peuple
sur le plan de la pensée pour décrire, justifier et chanter
l'action à travers laquelle le peuple s'est constitué et s'est
maintenu ».46(*)
En définitive, est-ce-qu'il faut penser qu'il y a
nation là seulement où il existe « un objet
commun ».47(*) ?
Faut-il résoudre l'équation « Nation »
objectivement ou subjectivement ou en combinant ces deux modes de pensée
?
Nous constatons d'abord qu'avec l'histoire et la
pensée, nous avons vu se développer deux conceptions de
l'idée de « nation », il y a une conception qu'on
pourrait appeler « objective » et une autre
« subjective ».
La conception objective définit la
« nation » par rapport à certains critères
objectifs telles que la langue commune, la culture commune, l'histoire commune,
le gouvernement commun ... et c'est, nous semble-t-il, la pensée de
Cheikh Anta Diop qui revendique l'unité linguistique pour la
constitution ou le reconstitution de la « nation »
africaine ; pour lui sans la langue, il n'y a pas d'unité possible.
La conception subjective quant à elle définit la
« nation » par rapport au sentiment d'appartenir à
une communauté d'individus au delà de la langue commune, de la
culture commune, de l'histoire commune et même d'un gouvernement commun ;
c'était la conception de la plupart des intellectuels de la France (fin
XVIII° début XIX° siècle) comme sous l'occupation entre
1815 et 1818.48(*)
Deux conceptions de la nationalité co-existèrent
ainsi : d'une part, la théorie philosophique française, pour
laquelle la nationalité est un contrat de libre volonté ; d'autre
part, la théorie historiciste allemande, pour laquelle la
nationalité est un être organique dont la manifestation
essentielle est la langue primitive de ce peuple.
Pendant la première moitié du XIX°
siècle, les conceptions différentes du principe des
nationalités ne provoquèrent guère de difficultés
car l'application de celui-ci fut constamment mise en échec. Les
mouvements nationaux et libéraux qui l'invoquaient en Italie en
Allemagne, en Pologne n'aboutirent à aucun résultat : seule la
Grèce réussit à s'affranchir de la tutelle turque.
Les mouvements révolutionnaires de 1848,
résultèrent pour la plupart d'une tentative de mise en oeuvre du
principe des nationalités. Pourtant déjà apparaissent les
premiers obstacles.49(*)
Avec la vague de réaction qui déferla sur l'Europe en 1849, tout
espoir d'application du principe sembla une fois encore ruiné. Mais cela
n'empêchait pas l'idée nationale de se répandre de plus en
plus ... 50(*). Pour mieux
comprendre l'idée de nation dans l'Afrique moderne, nous allons dans les
développements qui vont suivre essayer d'abord de préciser les
notions de « peuple » et par la même de
« tribu », de « groupe ethnique »,
d'«État » ; mais aussi de préciser le rôle
du parti politique.
Nous parlerons de domaine national, d'idéologie ...
Étant donnée que ces vocables se rapportent à
l'idée même de « nation ». Il faudrait tenter
d'élucider le concept de « nation. Que signifie-t-il ? Comment
s'exprime-t-il? A quel niveau se manifeste-t-il ? Au niveau moral,
économique, politique, social, linguistique ? Au niveau
« national », « continental » ? Quelle
est sa dynamique ?
En Occident en général en France en particulier,
il semble qu'on a forgé la « nation » avant de
construire l'«État », avant d'en fixer les
modalités par les constitutions etc. Alors qu'en Afrique moderne,
avons-nous dit, l'«État » hérité de la
colonisation ou plutôt les tracés des territoires coloniaux
superposés aux structures traditionnelles, ont été et
demeurent toujours la base de la « construction nationale »
et de l'«Etat-fédérateur »,
nécessité que nous préciserons dans nos
développements car nous devons nous orienter vers l'Humanisme, par
delà les micro et macro-nationalismes. Il faudra voir comment
l'idée de « nation » a été
utilisée par les colonisateurs européens mais aussi par les
élites des peuples colonisés d'Afrique d'une façon
générale.
Dans un premier temps, nous examinerons les anciennes
structures et les institutions politico-sociales de l'Afrique noire en
général de cette partie de l'Afrique en particulier, soit la
période antérieure à 1900.51(*) Il faudra voir quels étaient les rapports
entre les groupes ethniques ... face à l'autorité monarchique,
les liens de solidarité traditionnels (famille, clan) auxquels s'est
aujourd'hui substitué, le concept de
« nation »...
Enfin, nous verrons les rapports entre les peuples, entre les
ethnies (à partir de 1900 environ), les migrations et la formation du
« peuple » et de la
« nationalité » sénégalaise. Il faudra
aussi voir parallèlement l'impact du colonisateur et la réaction
des dirigeants africains qui tout en « exploitant » la
présence coloniale, ont conduit au paroxysme, le mouvement des
indépendances (en 1960) jusqu'à la mise en place de l'État
moderne et de l'organisation panafricaine (O.U.A.).
Nous espérons au bout de notre analyse, contribuer
à unifier cette diversité des visages pour une même Afrique
et contribuer peut-être à cette philosophie qu'est le
« consciencisme » que Nkrumah définissait comme
« la philosophie qui nous donnera le fondement théorique
d'idéologie dont le but sera de contenir à la fois
l'expérience africaine de la présence musulmane et
eurochrétienne et celle de la société traditionnelle et
par une sorte de gestation de les utiliser au développement harmonieux
de cette société ».52(*)
La richesse et la complexité de l'histoire du
Sénégal, nous permettront sans aucun doute de fixer quelques
contours de l'idée de nation en Afrique noire. Il s'agit donc de voir
l'idée dans l'histoire politique de l'Afrique noire traditionnelle
à travers l'analyse de la notion de « peuple » dans
le Sénégal précolonial ... avant de voir les relations
entre les peuples dans le Sénégal moderne.
Notre approche sera comparative et historico-dialectique en
raison de l'opposition entre le Sénégal moderne et traditionnel
pour ensuite dégager la particularité du concept de Nation dans
l'Afrique moderne.
Voyons d'abord l'idée de Nation dans l'histoire
politique de l'Afrique noire traditionnelle.
PREMIÈRE PARTIE
L'IDÉE DE NATION DANS
L'HISTOIRE POLITIQUE
DE L'AFRIQUE NOIRE TRADITIONNELLE :
Le Sénégal des alentours du XV°
à l'avènement de la colonie
L'Afrique noire traditionnelle a développé ses
structures propres ; serait-il judicieux de vouloir les classer dans des
schémas typiquement européens ? Ce qui nous améne à
voir les fondements même du pouvoir dans l'Afrique noire traditionnelle.
C'est-à-dire les moyens idéologiques et autres qui permettraient
de diriger la communauté puisque c'est dans ce sens qu'évoluera
l'idée de nation dans l'Afrique moderne.
Nous appelons Afrique noire, l'Afrique subsaharienne.
L'Afrique traditionnelle, par delà ses limitations géographiques
et des dates historiques, est considérée comme celle qui n'avait
pas été entièrement influencée par les
civilisations extérieures dans ses frontières naturelles ou ses
zones d'influence. Celle qui avait encore une vision autonome du monde, son
appareil d'orientation social propre, son pouvoir propre, son
« État » propre. Sa conscience collective propre.
C'est l'Afrique d'avant la « traite des
nègres » ...
Rappelons que partout où il y a groupe d'hommes, il y a
généralement « pouvoir ». Historiquement, le
pouvoir politique n'apparaît pas comme un accident, il est
nécessité sociale, en ce qu'il est la communication d'une
décision collective et la capacité de se faire obéir. Il
est la boussole de toute société humaine. C'est cette force qui
rend tout être humain à la fois législateur et sujet. Le
pouvoir est l'arme miraculeuse qui responsabilise les hommes vivant en groupe.
Mais toutes les sociétés ne se ressemblent pas. Chacune a sa
façon propre de gérer, de guider les hommes qui les constituent,
c'est-à-dire son pouvoir. Ce pouvoir peut être conçu par et
pour la société jugée dénuée de tout esprit
de créativité et d'invention.
L'Afrique noire se trouve-t-elle hors d'atteinte des
considérations historiquement reconnues de la réalité du
pouvoir ? Autrement dit, l'Afrique noire a-t-elle une particularité
conceptuelle de « pouvoir » et partant de
« nation » ? Si oui, cette particularité
n'enrichit-elle pas l'universelle notion de « pouvoir »
53(*) et donc celles
d'«État » et de « Nation » ?
Cela nous conduit à la question de savoir ce
qu'était un « peuple » et ce qu'était une
« nation » dans le Sénégal précolonial
? Il se pose donc d'abord la question de « la conscience des
peuples » et ensuite celle de savoir quels étaient les
rapports entre ces « peuples » et les puissances
extérieures (rapports avec l'Europe, avec l'Islam ...).
CHAPITRE I : LA NOTION DE
« PEUPLE » DANS LE SÉNÉGAL
PRE-COLONIAL
Dans l'histoire gréco-romaine, le peuple était
défini par la « plèbe » ou le
« populus » que constituaient les éléments de
la population (souvent majoritairement en opposition avec les aristocraties
régnantes).
Dans l'Afrique précoloniale, les groupements humains
constituant des sociétés globales conscientes d'elles-mêmes
étaient de natures variées.
Dans les sociétés d'agriculteurs, ces
entités prenaient souvent la forme d'une communauté locale. La
conscience qu'avaient les hommes de constituer une société
globale distincte du reste de l'humanité impliqua-t-elle l'apparition de
structures politiques sociales centrales ? Aussi, l'existence d'un empire
impliqua-t-elle que tous les sujets aient un sentiment collectif que, plus tard
l'on appellera « national » ? 54(*)
On peut donc se demander si le Sénégal ancien
fournit un exemple de ces phénomènes : avec la survivance des
« guerres tribales » qui auraient selon de nombreux
auteurs, ensanglanté l'Afrique noire précoloniale. Nombreux sont
les politologues qui veulent y voir la preuve que les conflits tribaux ou
ethniques ancestraux ont empêché et empêchent encore la
constitution de « Nations » en Afrique noire et nombreux en
viennent également à nier la possibilité de
démocratie pluraliste et à considérer le parti unique
comme la seule solution possible pour la formation d'États stables et
à estimer que l'État unitaire doit disposer de
collectivités locales autogérées dans le cadre d'un
système fédéral ...
Nous n'entrerons pas tout de suite dans ce débat
(réservé pour la suite), nous dirons simplement que les
groupements humains quels qu'ils soient sont parfois en opposition mais pas
toujours en animosité, il y a eu des cas de dépassement du cadre
ethnico-tribal pour asseoir un pouvoir plus large en Afrique. Qui plus est, il
serait pernicieux de vouloir coûte que coûte ranger les
sociétés africaines dans les modèles typiquement
européens. Une telle démarche fausserait les
réalités historiques et sociologiques africaines. Nous voulons
par ici rappeler quelques notions d'histoire sociale ancienne et moderne qui
sont souvent oubliées par les politologues ...
Le cadre territorial de notre étude correspond à
l'ensemble historique de la Sénégambie, (région
soudanaise en raison de son climat et ses contacts avec l'Afrique subsaharienne
et septentrionale, mais aussi région maritime subissant de plein fouet ,
les effets du commerce maritime).
L'étude sera centrée sur le rapport entre d'une
part une évolution économique largement déterminée
dès la fin du XV° siècle par les échanges atlantiques
et d'autre part, la dynamique politique et sociale des
« wolofs » ... marquée par la centralisation du
pouvoir et l'accentuation des antagonismes.
Dans cette évolution, le rôle de l'Islam doit
être abordé, en raison de son expansion, mais plus
particulièrement parce qu'il se signale, au cours de cette
période concernée, par deux révolutions islamiques.
La première, à la fin du XVII ème,
devance très nettement les autres épisodes de ce
phénomène dit des « Jihad », et qui
d'après Jean Boulègue 55(*), est « commun à l'ensemble de
l'Ouest africain soudanais des XVIII° et XIX°
siècle »...
SECTION I : DEFINITION ET FONDEMENTS DU POUVOIR
DANS LES MONARCHIES TRADITIONNELLES AU SENEGAL
Le pouvoir dans le Sénégal traditionnel56(*), se présente d'abord de
façon générale comme un lien social, un rapport de
participation de tous les groupes par le respect de certaines règles et
la mise en exécution de certaines décisions.
Chacun a son rôle à jouer pour préserver
son existence. Le pouvoir sera ensuite une force sociale en tant qu'elle
régularise les liens entre les membres de la société.
C'est la force des membres d'une famille. C'est la force de l'unité de
plusieurs familles qui parlent le même dialecte et qui, se sentant une
origine commune, forme une communauté, un groupe qu'on pourra appeler
« clan » ou « tribu ».57(*)
Cette force est d'abord, une sorte de
« traité » signé entre plusieurs groupes
pouvant constituer un royaume. - Cette force est ensuite, le pouvoir d'entrer
dans une confédération, ou un empire. - Cette force est enfin, le
pouvoir politique qui apparaît comme un pacte
délibérément signé entre le patriarche, le roi et
les autres éléments du groupe.
Son but essentiel est de sauvegarder l'unité du groupe.
L'obligation de briser le cadre trop étroit et isolateur de la famille
« primitive », c'est-à-dire le clan ; la
nécessité d'un pouvoir central fort, transcendant les individus
et coordonnant le travail, l'unification administrative et culturelle, la
notion d'«'État » et de « nation »,
tout cela était impliqué dans les conditions matérielles
d'existence.
Les clans « primitifs » ou
« originels », se fusionnèrent très tôt
pour n'être plus que des divisions administratives. En effet l'existence
d'un pôle de décisions politiques exerçant son
hégémonie est un fait constaté à l'arrivée
des Portugais.58(*)
Les « Kangam » (qui portaient le titre de
Jaraaf s'ils étaient Jambur et de Farba s'ils étaient d'origine
serville) ; se substitueront progressivement aux « laman »
à partir du XV° siècle, formaient un véritable
réseau ayant chacun en charge un groupe de villages ; n'étaient
rien d'autres que des divisions administratives, ce rôle se confirmera
avec la perception de l'impôt qui se développera par la suite et
ils deviendront d'ailleurs de véritables percepteurs au XIX°
siècle.59(*)
L'État apparut avec son « appareil de
gouvernement », élaboré jusque dans ses moindres
détails.60(*)
L'esprit communautaire fut le fondement de la notion de
« pouvoir ». Autrement dit, le
« pouvoir », était l'expression de la vie sociale
communautaire. Mais qu'est-ce-que le pouvoir si ce n'est cette forme
régulatrice d'après laquelle l'individu ne saurait se
définir en dehors du groupe. L'individu vit dans, et par le groupe
auquel il appartient. Le groupe et l'individu ne sont pas deux
réalités distinctes, mais une seule et même
réalité.
Dans cette Afrique, l'héritage des biens et des
fonctions fait intervenir à la fois les filiations matrilinéaires
et patrilinéaires, mais dans des rapports variables selon l'Ethnie,
l'«État », l'époque.
D'après J. Boulègue, les sociétés
sénégambiennes du milieu du XV° siècle distribuaient
le rang social, le pouvoir, les statuts, à des groupes familiaux et non
à des individus.61(*) C'est dire toute la place de la famille dans cette
société politique traditionnelle. En effet, les rois
étaient d'abord les symboles d'une famille régnante. D'où
les dynasties régnantes (dynasties Njaay par exemple). Cette dynastie
parce qu'aristocratique devient ainsi monarchique. C'est pour cela que nous
pouvons dire que cette forme étatique de la société
sénégalaise traditionnelle s'est en fait traduite par l'aspect
monarchique du pouvoir. Il y a eu donc superposition d'une famille
régnante sur l'ancien système qui était en place et qui
était marqué par le lamanat.
Si les fonctions étaient personnalisées,
c'était dû au fait que l'appartenance au groupe (basée sur
la parenté) déterminait le statut qui permettait d'accéder
à certaines fonctions.
Dans la société wolof, la parenté
était à la fois en ligne maternelle et en ligne paternelle. Le
« meen » (filiation maternelle) et le
« guégno » (en filiation paternelle) étaient
les groupes de parenté les plus vastes ; on peut les appeler
« clan ».62(*)
« Meen » et « guegno »
se caractérisent par un nom matronyme ou patronyme et des
interdits.63(*)
La royauté « Jolof-jolof » restera
donc à dominante patrilinéaire jusqu'à l'époque de
l'Empire et le Buurba devait appartenir à la lignée
régnante (au guégno Njaay) ; la dévolution du pouvoir se
faisait de père en fils et entre frères. En effet, même au
XIX° siècle, il fallait appartenir à certains
« meen »mais nous dit Yoro Dyao 64(*), c'était une condition
en tout cas datable du XVIII° siècle depuis « le buurba
Birayamb Majigen »65(*). Mais à partir du XVII° siècle la
liste dynastique mentionnait les « meen » des
buurba.66(*)
C'est le signe de l'important rôle politique de ces
« meen » (lignage maternel). Mais est-ce la preuve que
l'appartenance à certains « meen » était la
condition d'accès au trône ?
En tout cas, nous dit J. Boulègue, le fait de ne pas
les mentionner avant cette époque semble indiquer que jusque là,
« le patrilignage seul créait la
légitimité ».67(*) Mais l'hypothèse inverse n'est pas à
exclure en raison de l'existence de la tradition orale.
En effet durant la période du XVI° au XIX°
siècle les conflits de succession font l'objet de beaucoup d'attention
de la part de la tradition orale ce qui permet de définir le
régime dynastique du « Waalo » et du
« Kayor » qui ont connu un système bilinéaire
du XVI° au XIX° siècle.
Il fallait dans chacun de ces royaumes appartenir à la
fois au « guégno » et à l'un des
« meen » royaux dit « garmi » qui
était le sommet de l'échelle sociale : c'était le sang
royal qui permettait de prétendre au titre de Damel.
La succession pouvait se faire de père en fils, ou
d'oncle maternel à neveu (et entre frères et fils d'un même
père ou neveux d'un même oncle)68(*) mais avant le milieu du XVI° siècle, les
régimes de ces trois royaumes semblent avoir été
différents, il faut se contenter pour cette période de la
tradition orale, qui se réduisent à peu près à des
listes dynastiques.69(*)
Dans le Waalo, le système bilinéaire semble
s'être instauré dès les débuts de la
royauté.70(*) Dans
la bawol, il semble bien au contraire que la bilinéarité ait
été précédée d'une période
matrilinéaire : jusqu'au milieu du XVI° siècle, tous les
« Teegne » appartiennent à un seul
« meen » (Wagadu) et à des
« guégno » si divers qu'aucune condition de
patrilignage ne semble être requise.71(*) Ce cas de figure est d'après Jean
Boulègue la traduction d'un régime matrilinéaire.72(*)
Cette conception de la vie sociale basée
essentiellement sur la famille s'apparente de la communauté
conçue par Hegel : « un moi qui est nous et un nous qui
moi »73(*).
Transposé à la société sénégalaise
traditionnelle le « nous » se traduit par la famille
d'abord, par le « clan » ensuite et enfin par le royaume et
l'Empire. L'homme du Sénégal traditionnel se définissait
d'une façon générale par le groupe auquel il appartenait,
c'est-à-dire à la base, par la famille. Celle-ci et l'individu
(fut-il roi), n'était pas deux réalités distinctes. Le
« je » n'est pas seul, le « je » est
avec le « nous ». La royauté commençait par
la famille pour s'établir ensuite dans la cité ... Ceci se
traduisait par un certain ordre social, la société était
structurée et organisée, ce qui explique la présence
effective du pouvoir en tant que fonction sociale exprimant un ordre. Cet ordre
s'exprimait au niveau des structures sociales.
SECTION II : STRUCTURES SOCIALES
Ici l'idée de pouvoir se réduit au personnage
c'est-à-dire à la personne autrement, à sa fonction
sociale. C'est donc un centre de référence concret pour
comprendre les liens sociaux traditionnels.
Paragraphe I : Au niveau de la hiérarchie
sociale : les statuts sociaux
Comme le dit Georges Balandier, les sociétés
négro-africaines pré coloniales se constituent en
général « sur les catégories de sexes, sur
l'âge, sur les structures de la parenté et sur le réseau
des alliances ».74(*) Nous allons nous en tenir ici aux critères qui
nous semblent essentiels d'un point de vue juridico-politique, car l'objectif
est ici de montrer les droits et les devoirs des individus à
l'intérieur même des groupes socio-politiques traditionnels. Il
s'agit en somme d'analyser l'idéologie du pouvoir politique dans le
Sénégal d'hier qui était essentiellement basée sur
la parenté, les lignages : en mot sur la famille.
On peut avancer l'idée que la structure que nous allons
voir est en concomitance avec le genèse du Grand Jolof.75(*)
Pour le cas spécifique de la Casamance qui nous l'avons
dit peut-être considérée comme une société
« sans état » c'est-à-dire sans pouvoir
politique central 76(*),
nous pouvons dire au niveau de la hiérarchie sociale que c'est une
société qui n'a pas développé les mêmes
formes d'expression sociale et donc communautaire que la société
wolof. C'est ainsi que la société
« Jolof-jolof » était, nous allons le voir,
fortement hiérarchisée et centralisée alors que la
société diola traditionnelle présentait une forme de vie
sociale originale en ce sens qu'il y avait une sorte de « compromis (...)
entre l'exigence d'indépendance et l'exigence d'appartenance au
groupe »77(*).
Cependant le diola n'est pas un individu qui vit
isolément de son groupe social. Il y avait des chefferies religieuses
pour maintenir des dogmes, d'abord animistes, ensuite islamiques.
Il y avait ensuite des classes d'âges, comme dans le
Fouta du reste, hiérarchisées mais avec des finalités
précises : des tâches d'ordre ethnique, d'utilité publique
ou tout simplement ludiques.
Il y avait enfin la parenté basée sur
l'étroite relation entre l'homme et la terre, et avec les
systèmes de clan apparaîtront de divisions territoriales qui
était comme dans tout commandement territorial en général
fruit de conquêtes militaires ou de compromis. Cette parenté
était basée sur la division en clans 78(*).
Ici aussi comme dans les sociétés wolof
traditionnelles, en général la personne se réduit au
personnage autrement dit à sa fonction sociale. Et la solidarité
était le maître-mot.
En effet les rapports étaient beaucoup plus
orientés vers « l'horizontal » que vers le
« vertical ». C'est-à-dire qu'il y avait plus
d'échanges de services, que de hiérachie stricte en raison de
l'engouement du diola pour une « structure égalitaire
démocratique »79(*).
Le Fouta qui s'appelait alors Takrûr ne faisait pas
partie du pays wolof, c'était le pays peul mais sur le plan politique
avec Koli Tangella, la poussée peule jouera dans le sens de la
destruction de l'univers politique wolof en tant que pouvoir central 80(*). C'est pour cela qu'il serait
peut-être bon de connaître les contours de la stratification de la
société toucouleur.
Au sommet de la hiérarchie, il y avait les
« toorobé » qui de seraient constitués en
groupement distinct prenant parfois la forme d'une caste supérieure et
même d'aucuns auraient revendiqué une race toroodo.
Ainsi, avec l'islam ils ont pu soumettre les autres
populations du Fouta à savoir les « sebbe » (sing.
ceddo) ou guerriers, les « Jawambé »(conseillers),
les « subalbé » (sing. cuballo) ou pêcheurs,
les « maabube » ou tisserands, les
« wayilbé » ou forgerons, les
« sakkebbe » ou tanneurs, les « lawbe ou
sculpteurs de bois, les « wambaabe »ou
guitaristes-chanteurs, les « awlube » (sing. gawlo) ou
griots ; enfin les « maccube » ou esclaves-captifs
81(*).
Il y avait également dans le Fouta comme du reste chez
les diolas de Casamance une sorte de hiérarchie sociale par le biais des
classes d'âges mais ces classes n'étaient pas aussi
« codifiées » et aussi
« permanentes » que les castes 82(*).
Nous nous attellerons donc ici à examiner la
hiérarchie sociale dans la société traditionnelle
« jolof-jolof » (Oualo, Cayor, Baol, Sine-Saloum), puisque
c'est ce « pôle politique » qui nous préoccupe
quant à la recherche de l'idée de nation dans le
Sénégal traditionnel du XV° siècle. Autrement dit ce
qui nous intéresse dans cette étude c'est la formation et
à la désintégration de ce Grand Jolof. Rappelons que le
Fouta (au Nord) et la Casamance (au Sud) ne faisaient pas alors partie du Grand
Jolof.
Dans la société wolof, il y avait des
« Jaam » ou esclaves sur lesquels nous avons les
indications de V. Fernandes, qui relève leur utilisation dans
l'agriculture domestique etc. mais qu'en est-il de l'étendue de cette
utilisa-tion des esclaves. Ne bénéficiait-elle qu'aux membres de
l'aristocratie ?
Fernandes nous résume ici le rôle des
« Jaam » (esclaves : « Les esclaves de ce pays
travaillaient et gagnaient pour leur seigneur pendant six jours et le
septième jour ils gagnaient de quoi vivre pendant les six
jours.83(*)
Jean Boulègue nous rapporte les observations de Da
Mosta pendant son séjour à la cour du roi du Kayor ; il dit que
ce souverain disposait de villages où il résidait tour à
tour vivant du travail des esclaves 84(*).
Parmi les « gnegno » (griots), il en
existait à l'époque de l'arrivée des européens, on
les appelle « gewel » en wolof et
« gawlo » en peul.
La présence des griots est attestée dès
le XV° siècle et ils forment dans la race des
« gnegno » le fragment s'adonnant le plus
particulièrement à la bouffonnerie exerçant les plus
hautes et les profitables fonctions chez les rois et seigneurs ; ils vivent au
dépens des autres dans les provinces où ils habitent 85(*).
L'interdiction d'avoir un sépulture en terre
était la manifestation de la ségrégation des gewels
(griots). Jusqu'à une période récente on mettait leur
sépulture dans les troncs d'arbres creux. Cette coutume était
déjà connue d'Alvares de Almada à la fin du XVI°
siècle86(*).
Pour les artisans nous pouvons nous référer
à Louis Chambonneau qui atteste de leur présence dès le
XV° siècle. En effet, à partir de Saint-Louis où il
dirigeait la compagnie française, Louis Chambonneau 87(*), cite certains termes wolof :
rabb (tisserand), tëgg (forgerons), lawbé (boisselier. Il cite
aussi les cordonniers (uude).
Tout cela pour dire que la constitution des castes artisanales
est très ancienne dans les sociétés wolofs. Georges
Balandier 88(*), pense que
certaines sociétés, notamment au Sénégal et au
Mali, associent un système d'ordre (aristocratie, hommes libres, hommes
de condition servile) et un système de « castes »
professionnelles ; chacun d'eux ayant sa propre stratification et sa
hiérarchie spécifique ; c'est le cas des oualof, dit-il, des
sérères et des Toucouleurs. Tel n'est pas le cas nous l'avons
dit, des diolas de Casamance où il y a certes des
différenciations sociales comme nous l'avons dit, mais où les
hommes ne sont vraiment pas hiérarchisés 89(*). On retrouve d'une
façon générale en Sénégambie
l'hérédité du statut socioprofessionnel, l'endogamie et
l'idéologie du « pur » et de
l'«impur ». Mais Louis Dumont considère que l'une des
caractéristiques essentielles des systèmes des castes fait
défaut au système sénégambien ; en effet selon
Louis Dumont, une des conditions majeures n'est pas remplie dans les
sociétés sénégambiennes car pour qu'on puisse
parler de caste il faut qu'il y ait un système de castes en ce sens que
« l'ensemble des castes comprennent l'ensemble des membres de la
société ... que la société soit toute
entière et sans résidu constituée de castes90(*) ». Mais sans trop
nous étendre sur cette controverse nous pouvons tout simplement estimer
avec J. Boulègue que cette condition est « trop
restrictive » et peut être « trop
décalquée du modèle hindou » 91(*).
Nous pouvons aussi citer l'opinion de Mamadou Diouf à
ce propose comme réaliste, dans la mesure où il préconise
dans sa thèse de sauvegarder « la vision propre des Ouolof
à l'égard des groupes sociaux constitutifs de leur
société »92(*). Les « géér » en
effet sont considérés comme « non
castés » et pas comme une caste inférieure. C'est
l'idéologie du « pur » et de
l'«impur » et cette version correspond à l'état
d'esprit des Sénégalais ; elle colle donc mieux avec la
réalité locale. Donc dans cette perspective, on peut dire que les
« gnegnos » sont une caste mais pas les
« géér » ni les
« jaam »93(*).
La ségrégation matrimoniale liée à
la spécialisation professionnelle, est constitutive de la
définition même du « gnegno » non du
« géér » ni du « jaam »
et selon un explorateur français du XIX° siècle : un
« esclave même, ne voudrait pas épouser une femme issue
d'une famille qui aurait exercé l'une de ces
professions »94(*).
On pourrait étendre la vision à un
système d'ordre en effet selon Pathé Diagne 95(*), les systèmes d'ordre
divisent la société wolof (et sereer) en aristocrates, hommes
libres de condition ordinaire et esclaves. Autrement dit, le clivage libre -
non libre serait continué par celui entre aristocrates et non
aristocrates qui se situerait à un niveau différent mais serait
de même nature puisqu'il s'agirait dans les deux cas de définir
des ordres. Ainsi les « captifs de la couronne »
(jaam-buur) étaient sur le plan politique supérieurs aux hommes
libres ordinaires ( à tel point qu'on peut les considérer comme
les éléments de l'aristocratie) mais ils leurs étaient
inférieurs par leur statut de « jaam » (esclave) qui
les privait du titre de noble, il en était de même pour certains
« gnégnos » (griots...) proches des souverains.
Cependant ces critères doivent être quelque peu nuancés en
raison de la relative distinction qu'il convient de faire entre d'une part le
statut personnel et le pouvoir politique. Ou alors il faut les confondre car
rappelons que les sociétés sénégambiennes du milieu
du XV° siècle distribuaient le rang social, le pouvoir, les
statuts, à des groupes familiaux et non à des individus 96(*) ; rappelons également
que les fonctions étaient personnalisées, et comme nous l'avons
dit plus haut, l'appartenance au groupe déterminait le statut, qui
permettait d'accéder à des fonctions sociales. Ce qui veut dire
que le personnage était d'abord un patriarche «un « pater
familias » avant d'être un prince ou
« primus inter pares ». Et cette famille se
définissait et se définit toujours du reste, par rapport au lien
social traduit en wolof par le mot « Mbok » que Mamadou
Niang a pris le soin de définir97(*).
En wolof « mbok dek - mbok reew » traduit
la volonté du groupe de se tailler un territoire car le lieu est
là où s'exprime naturellement le groupe social, de là son
importance. Ainsi le « mbok dek » ou mbok
reew »98(*) qui
se veut habitant le même lieu, le même pays, traduit l'idée
de solidarité sociale.
Il y aura ensuite partage des activités avec les
corvées et l'appel se traduit en wolof par le
« woote »99(*) qui signifie appels aux travaux coopératifs.
Il s'agit donc là d'obligations de solidarités et d'aides.
Cette « parentalisation par
l'espace »100(*) a surtout eu son importance dans le cadre d'un
système politique centralisé comme du temps de la monarchie
wolof. En effet, la plupart des princes recherchaient leur force militaire par
le nombre de villages conquis 101(*).
Mais avec l'évolution historique du
Sénégal, on a assisté à une
« désintégration des structures socio-parentales
wolof »102(*).
La destruction de l'univers parental wolof se situe, à
en croire M. Niang, à une époque plus ancienne que l'on ne croit.
En effet, le premier « État » sécessionniste
est le Cayor qui prit son indépendance avec Amary Ngoné Sobel en
1549 103(*).
L'Empire du Djoloff qui était unitaire jusqu'au
XIV° siècle a certes commencé à se disloquer
dès le milieu du XVI° siècle avec l'indépendance du
Cayor 104(*) qui
entraîna la sécession des autres États vassaux comme le
Baol, le Waalo. C'est ainsi que le Cayor par une politique expansionniste
intégra le Toubé 105(*) qui s'ouvrait sur le Waalo et à partir de ce
moment des changements ont modifié les frontières de l'ancien
Djoloff dont le démantèlement va continuer de s'accentuer avec
une nouvelle ère conflictuelle de souverains politiques. L'impact des
Européens est à signaler dans ce domaine 106(*). Aussi le Waalo de son
côté fut exposé aux assauts des Trarzas dont une vague de
Maures musulmans vont se mélanger avec les wolof qu'ils convertirent
d'ailleurs progressivement 107(*). C'est ainsi que Mamadou Niang expliquera comment
les structures parentales vont subir ce premier impact politico-religieux
108(*)
L'ancienne parenté clanique ou mythique basée
sur le nom (Tur ou sant en wolof), ne doit pas être confondue avec
« sant » décrit plus haut comme groupe de
parenté 109(*).
Le « Tur » désigne ici le nom patronymique qui se
transmet de père en fils. M. Niang attire notre attention sur un
phénomène de scission des groupes de localité en
sous-clans ou lignages pour constituer « une parenté plus
précise sur les liens de sang
actualisés » 110(*). Cette organisation
parentale a été d'ailleurs transposée aux systèmes
de la royauté comme cela a été dit plus haut. Le meen
(lignage maternel) sera longtemps appliqué à la loyauté
wolof 111(*).
Outre l'islamisation, M. Niang évoquera
également le rôle du droit colonial dans la destruction de
l'univers parental wolof 112(*) qui était la base même de la vie
sociale et politique de la société traditionnelle en Afrique
noire en général, au Sénégal traditionnel en
particulier.
La société du Kayor suivait les principes du
lignage matrilinéaire (« meen »)113(*) et se divisent en caste
endogamique et héréditaire : Au sommet de l'échelle
sociale il y avait les « garmi » donc qui pouvaient
prétendre à la fonction de Roi (Damel).
Si l'on prend le cas du Saloum, on se rend compte que les
hiérarchies d'ordre classaient les groupes familiaux sur la base du
degré de liberté dont jouissaient leurs ressortissants.
D'où cette opposition entre la classe libre et la classe servile.
D'abord les hommes libres se répartissaient entre un
ordre noble et un ordre non noble. Ce dernier dira Pathé Diagne :
« ne préjuge pas de la possibilité d'une subdivision
fondée sur un critère socioprofessionnel »114(*).
La noblesse compte une seule lignée dite Guelwar. Elle
s'est disloquée en deux branches de même Meen ou lignage
matrilinéaire qui fournissaient l'autorité politique la plus
haute dans les deux États : le «Mad » a sinig au Sine et
au Saloum le « Bûr ».
Ici les nobles (comme pour la Cayor avec les
« Garmi ») sont considérés comme étant
de sang royal et en fait c'était pour désigner les hommes qui du
fait de l'hérédité pouvaient prétendre à la
couronne ...
Dans le Saloum les « Diambour » :
constituaient la seconde catégorie d'hommes libres et
numériquement la plus importante des fractions
sociales »115(*). C'est une identification à une
catégorie sociale connue au Cayor et qui possède un certain
statut socio-politique. Les « Diambour » correspondent donc
aux esclaves de la couronne ce sont des hommes libres mais non des nobles et le
mot diambour regroupe bien deux mots diam (esclave) et bour (roi). Il
s'agissait des bourgeois qui avaient la réputation d'être des
sages doués de bon sens et ils tenaient réellement le pouvoir,
c'est parmi eux qu'on choisissait les alkati ou chef de village 116(*) et ils faisaient travailler
les « badolo » qui étaient la main d'oeuvre
paysanne.
D'ailleurs la noblesse contractera avec les diambours des
liens matrimoniaux 117(*).
Il y avait par delà ces couches supérieures une
grande masse d'hommes libres. Les uns seraient d'ailleurs proches des lamanes
et tiendraient en principe de ces derniers leurs terres 118(*).
Enfin les esclaves ou « Jaam » formaient
la troisième catégorie dans la hiérarchie d'ordre dans le
Sine-Saloum. Leur seul élément d'unité ou
d'homogénéité est dans le lien de dépendance
qu'établit nécessairement chacun de ses membres avec une famille
lignagère libre. Ainsi « l'abstraction faite de ce point
commun, il règne une grande diversité de
statut »119(*). Cette hiérarchisation du corps semblait
assez rigoureuse 120(*)
Il y a les esclaves dits des particuliers qui sont ceux qui,
appartiennent en propre au Chef de famille. Il pouvait les céder
à ses fils et à une communauté. Cette catégorie
d'esclaves jouait un rôle dans la production familiale et dans l'appareil
militaire.
Les unions entre les éléments des classes
nobles, libre et servile, étaient en principe proscrites 121(*).
Il y avait aussi le « Sourga » qui lui
n'est pas esclave mais s'asservit volontairement en acceptant de faire partie
de l'entourage d'un dignitaire (souvent un marabout) qui fournit des armes,
subvient à son entretien et en retour il doit des services en cas de
corvée ou de guerre. Dans la société du Sine Saloum, la
distinction entre classe libre et servile paraît ancienne et essentielle
dans l'évolution des institutions séréres. Mais :
« les hiérarchies qui fondent la distinction en castes
semblent marginales ».122(*)
L'objectif de cette analyse des structures sociales du
Sénégal traditionnel était de montrer l'organisation des
collectivités traditionnelles, leur personnalité, les droits et
devoirs des individus liés à leurs fonctions en tant que membres
de ces collectivités ; donc l'organisation du groupe parental et
territorial, pour ainsi mieux percevoir l'état social pour ne pas dire
l'«État » tout court ; car même s'il n'y avait pas
« d'État » ; il y avait tout au moins des
États sociaux dont la manifestation est par dessus tout, morale. Il
s'agissait par là aussi d'une « fiction juridique »
destinée à permettre aux membres de la société de
s'exprimer et de se retrouver dans une structure.
Paragraphe 2 : Au niveau moral : La justice et
le pouvoir comme expression de toute la société.
La vie sociale en Afrique noire traditionnelle était
très structurée et organisée. C'est ce qui explique la
présence effective du « pouvoir » en tant que
fonction sociale exprimant un ordre. A la tête de chaque groupe sociale,
il y avait un monarque, un roi, un patriarche. Il assumait les
responsabilités de gérant en tant que doyen du groupe.
« Le patriarche n'est pas le maître du champ ou de la
rizière mais le responsable devant les « dieux », du
maintien des clauses du contrat par lequel les ancêtres ont acquis le
monopole incessible »123(*).
L'autorité de ce monarque provenant du peuple et des
« Dieux » qui le choisissait au regard de ses aptitudes ;
il pouvait être « illettré » comme quelques
héros connus au Sénégal 124(*) mais il était choisi au vu de ses dons
naturels, de son esprit génial de créativité et
initiative, surtout de l'idée qu'il se fait du monde des êtres et
des essences. Son pouvoir était vraiment vécu par le peuple. Il
pouvait se passer de tout l'appareil répressif dont les États
modernes ont besoin pour se faire obéir, Fustel de Coulange en fait la
remarque puisque l'autorité s'était d'abord établie tout
naturellement dans la famille et ensuite dans la cité 125(*).
Pour dire que la « nation » comme
pensée, commence d'abord au niveau de la famille ensuite du village ou
du quartier et pour s'exercer ensuite à un niveau plus large
« l'État » pour son acception le plus large
c'est-à-dire l'«État » en tant qu'état
social » que ce soit un royaume, une confédération ou
un empire ... C'est pour cela que la distinction entre conscience locale qu'on
appelle « conscience tribale » ne doit pas être
présentée comme une opposition tribale » ne doit pas
être présentée comme une opposition systématique
à la conscience nouvelle ou « conscience nationale »
126(*) ; il faut que la
conscience restreinte ou locale puis à chaque fois pouvoir tendre la
main à l'autre pour former une collectivité plus large par
delà les critères matériels de la langue ou de la race
...
Mais il faut savoir que la première
« nation » qui soit est bien celle qui se constitue autour
d'une famille élargie : l'Ethnie. Et à ce que l'on sache
l'origine grecque du mot Ethnie c'est bien l'«Ethnos » qui
signifie « peuple » ou
« nation » 127(*).
C'est pour cela que les « nations » ou
« peuple » dont parlent les textes européens
correspondaient à des ethnies sénégalaises : Madingues,
Sérères, wolof etc. ...128(*).
Seulement pour accéder à une communauté
plus large, il faut renoncer aux critères matériels (langue, race
...) et adhérer « moralement »à cette
communauté nouvelle plus large. Il faut de l'abnégation mais
aussi et surtout un élan de générosité et
d'ouverture vers l'autre.
La communauté de l'Afrique noire traditionnelle se
méfiait du monopole de l'action, de l'égocentrisme car :
« dans cette communauté, personne, surtout aucun de ceux qui
ont quelque pouvoir ne peut agir pour lui seul » 129(*).
Le roi de l'Afrique traditionnelle avait le sens de l'autre.
Pour lui gouverner, c'est être gouverné, c'est aider les membres
de la société qu'il dirige, à vivre en
sécurité, en harmonie et en communauté. La violence qu'il
pouvait brandir dans certaines circonstances était une violence
concertée et même moralisante ...
Dans le Sénégal traditionnel, les rois avaient
des devoirs liés à leurs fonctions : protéger le pays
contre ses ennemis, rendre la justice, les héros légendaires que
sont Njajaan Njaay et Maysa Wali Joon et même plus tard Lat Dior ... sont
la prospérité du pays. Cette dernière fonction ne se
réduisait pas au simple maintien de l'ordre, elle avait aussi un
caractère magique et parfois basée sur la sorcellerie ...
Cet aspect « magique » apparaît
comme le cérémonial d'intronisation des rois wolof, que Yoro Dyao
décrit en détail pour le Waalo, en décrivant un
déroulement à peu près semblable dans les autres royaumes
130(*).
On retrouve ce qu'il conviendrait d'appeler « le
rite de fertilité » dans le Jolof et toujours après le
bain rituel, le Buurba semait des graines ; on lui souhaitait que toutes les
espèces de production du pays lui viennent en abondance131(*).
Ce rite en fait symbolisait la mission d'abondance
matérielle du souverain dont l'accession devait en quelque sorte
être bénie, laquelle bénédiction devait se traduire
en réalité par des pluies abondantes accompagnées surtout
de la fertilité des sols et aussi pourquoi pas : celle des femmes !
...
C'est dans le même esprit qu'il faut interpréter
d'ailleurs d'exigence d'intégrité physique de la personne royale
: « les princes aveugles, borgnes, enfin privés d'un membre
quelconque, perdaient leurs droits au trône »132(*).
Jean Baptiste Labat 133(*) nous donne une idée assez claire de
l'idéologie même de la royauté wolof. Il s'agit d'une
déclaration de Lat-Sukaabe avant son élection au trône
comme roi du Kayoor. Il leur déclara donc qu'il était question
d'élire un Roi avec « toutes les qualités
nécessaires pour les gouverner avec équité, maintenir la
tranquillité et l'abondance dans le royaume ; le mettre à couvert
des invasions de ses ennemis ... »134(*).
Le roi avait donc une mission de protection outre celle
d'abondance matérielle.
En ce qui concerne les commandements territoriaux, la
collectivité rurale était l'unité de base et était
dirigée par un Laman qui disposait d'un ou de plusieurs groupes de
villages.
Le Laman avait une autorité à la fois
économique et politique :
- sur le plan économique, il gérait la
propriété foncière, qui était inaliénable en
raison de son appartenance à la collectivité ;
- sur le plan politique, il représentait un pouvoir
très ancien qui remonterait d'avant la formation des royaumes
sénégalais. Sur ces deux plans (économique et politique)
cependant les rois avaient réduit les pouvoirs des Lamans. Ils leur ont
enlevé des terres pour les donner à des membres de leurs familles
ou de l'aristocratie pour plus de sécurité politique. Ces terres
sont nommées « lew » en langue wolof.
Le procédé était déjà
entré en vigueur au Xvème siècle, puisque Da
Mosta135(*) parle des
propriétés rurales « détenues par les
épouses du roi du Kayoor en différents lieux du
royaume » : mais l'on verra qu'il se développera dans les
siècles suivants.
Et sur le plan politique, on pourra noter une superposition
aux territoires gérés par les Laman, d'autres divisions
territoriales qui pouvaient regrouper ou fragmenter ces
« lamenats » et les chefs de ces
« provinces » portaient le titre de
« Kangam » 136(*). Les « Kangam » étaient
en principe plus proches de la royauté que les Lamans. Mais
« les charges de transmettaient dans les mêmes familles et les
commandements territoriaux devinrent des enjeux » 137(*), dans les rivalités
qui opposaient les familles aristocratiques. Face au pouvoir local, Jean
Boulègue pense que : « certains types de commandements
territoriaux pouvaient être des forces à ménager et si
possible à réduire, d'autres pouvaient être des appuis
à promouvoir »138(*).
Nous ne développerons pas davantage cette pensée
qui manque quelque peu de précision à nos yeux, mais nous
rappelons tout simplement que les anciens chefs de terres appelés donc
« laman » furent d'abord considérés par les
monarchies comme des obstacles. Il fallait par conséquent afin
d'éviter des rapports de force conflictuels vis-à-vis du
pouvoir royal, réduire complètement l'influence des chefs de
terres lamans. C'est ainsi que les membres de l'aristocratie fournissaient des
« kangam » plus proches politiquement et même parfois
socialement du souverain. Nous avons vu plus haut que des rois ont
octroyé des charges à des membres de leurs familles 139(*). Ces
« Kangam » désignaient des personnes qui portaient
le titre de « Jaaraf » s'ils étaient
« Jambour », de « Farba » s'ils
étaient d'origine servile. Ils avaient chacun la charge de groupe (s) de
villages.
Par la suite ces chefs étaient devenus rivaux
140(*). Mais nous
pouvons nous poser une question au sujet de cette rivalité entre les
chefs : était-ce dû à la présence européenne
qui visait en tout état de cause à réduire la puissance
politique des autorités traditionnelles africaines 141(*) ?
En fait on note d'abord un effet de
« substitution » des deuxièmes (kangam) aux premiers
(laman) et ceci étant le fait des nouveaux souverains traditionnels
wolofs (premier constat).
Mais par la suite, il y a eu une
« division » des chefs (deuxième constat) sans aucun
doute suscitée par la présence des Européens qui comme on
le verra plus loin ont utilisé les rivalités mêmes
familiales pour asseoir leur autorité : la preuve au XIX°
siècle, ces chefs deviendront carrément un véritable
réseau de percepteurs au service bien sûr du colonisateur
142(*).
Donc si les Kangam étaient des « appuis
à promouvoir on peut toutefois se demander au profit de qui ?
Mais auparavant, les rois utilisaient de plus en plus les
« jaami buur » (esclaves de la couronne) au niveau du
pouvoir central, et furent tentés d'en placer certains au niveau des
commandements territoriaux. Jean Boulègue nous dit que « le
pas fut franchis dans le Kayoor et le bawol » 143(*).
Cette étape dans la centralisation des royaumes a donc
accompagné le processus d'accroissement du pouvoir royal et la
centralisation de celui-ci.
Ne pourrait-on pas traduire ce processus de condensation du
pouvoir comme une marche vers la constitution d'une certaine forme de
« conscience » qu'il serait impropre de qualifier de
« nationale » mais qui pour autant put s'y substituer ?
Quand on sait que la condensation du pouvoir est (nous y reviendrons
d'ailleurs), un des traits essentiels de la formation de la
« Nation » et qu'il est également inacceptable
à notre sens de vouloir « vaille que vaille »,
circonscrire des sociétés différentes (par leurs formes et
leurs natures), dans une typologie européenne pour ne pas dire
européocentrsite. Ne serait-ce pas là faire de l'Ethnocentrisme
144(*) ?
En somme, la société de l'Afrique noire
traditionnelle en générale, du Sénégal en
particulier, était une société solidaire, marquée
par l'existence d'un tissu social et à ce niveau il conviendra aussi de
préciser le rôle de la religion qui en tant que
« religare » sert à relier les hommes 145(*). Elle était
également une société de participation qui ait atteint
« ce puissant humanisme existentiel du monde noir » dont
parle certainement Jean Devisse 146(*). La hiérarchie selon l'âge ou selon la
position socio-politique était très stricte ; c'était un
principe de stabilité ; solidarité dans le travail grâce
à la propriété commune et aux associations de travail ;
mais qui excluait tout parasitisme :
« quand l'étranger arrive, nourris-le pendant
deux jours ; le troisième jour donne lui un outil »147(*).
Il y avait une solidarité de famille qui était
une communauté de sang et de biens spirituels, un vecteur essentiel de
la culture du groupe en tant que charge de l'Éducation ...
L'Africain traditionnel était normalement épris
d'un esprit très élevé de justice,
d'honnêteté et de loyauté sans faille et Ibn Batouta
à la suite de sa visite au Soudan au XIII° siècle en
convient de bonne grâce 148(*).
En Afrique noire d'hier, il n'existait presque pas de
corruption 149(*).
L'Africain traditionnel pensait beaucoup plus sur l'Être que sur l'avoir.
Cette attitude de conscience s'expliquait par la manière dont la
richesse était répartie, par la manière de veiller au
bien-être et au plus être de la communauté entière.
La misère n'existait pas par suite de la solidarité réelle
des uns par rapport aux autres. L'homme noir traditionnel était celui
qui était intensément pauvre et qui possédait peu. Celui
qui était riche parce qu'il avait besoin de son semblable et comptait
sur la richesse de la communauté. Il n'était pas parasite car le
parasitisme était réprimé sans lendemain.
L'État d'esprit de cet africain était
« oblatif », pour ainsi dire : distributif.
L'autorité du chef était précisément de veiller
à ce que celui qui sème reçoive une juste part de la
récolte. Nyeréré le note justement 150(*).
Le but du chef était de veiller à ce que
« celui qui sème recueille une juste part de la
récolte »151(*) .
De cette analyse, il ressort que le pouvoir en Afrique noire
traditionnelle était l'expression de toute la société. Il
est la force d'existence de la société en tant que lien social
exprimant la participation de tous les membres sociaux. Cette forme
d'expression se retrouve dans une forme d'expression moderne de la
société africaine : la « Nation » en tant que
maillon du groupe ...
En prenant l'exemple de la royauté sérère
qui est restée laïque tout au moins dans ses sources,
l'originalité du système réside dans ceci que : en fait il
y a trois personnages, trois fonctions et ce sont les trois catégories
sociales, « véritables sources du pouvoir »
152(*).
Ceci pour dire que le pouvoir était quelque part dans
la vie politique sénégalaise traditionnelle : l'expression de
toute la communauté.
En effet les fondements du pouvoir et l'exercice de la
souveraineté reposaient sur une idéologie de conquête
153(*).
Le personnage central reste évidemment le
« Guelwar » qui va être élu. Mais pour
être accepté au trône faut-il qu'il soit au préalable
lui-même accepté, par le « Diaraf
Ndiambour » » qui exprime la volonté de la classe
servile qui est le « Farba ». « L'opposition de
l'un ou de l'autre bloque la procédure »154(*).
Au niveau de la souveraineté, Farba n'est pas un
exécutant d'une fonction puisqu'il est avant tout
« l'émanation de toute une catégorie sociale dont il
témoigne de la volonté », et il se trouve
précisément que d'après Pathé Diagne
« par la force des choses cette volonté de la classe servile
est placée par la tradition à la source même du
pouvoir ». 155(*)
Or l'homme, qui est choisi au nom de ses aptitudes
personnelles et du sens aigu des responsabilités c'est-à-dire ici
du bien-être communautaire ne peut théoriquement en tout cas, que
servir l'intérêt général du groupe, pour faire
pérenniser l'esprit communautaire, fondement réel du pouvoir
humain. Il ne s'arrogeait pas du droit de vie ou de mort. Il se passait par
moment de tout l'appareil répressif et corrupteur pour se faire
obéir. Son pouvoir était par et pour les membres de la
société. C'était un pouvoir communautaire et
démocratique, une démocratie vivante par le dialogue interminable
jusqu'à la perte de vois entre la base et le haut. Ce pouvoir
était pour la promotion sociale.
Mais ces notions originales de pouvoirs, d'État, et
pourquoi pas de « Nation », parce que traditionnelles,
seront complètement défigurées avec cette marche
irrésistible de l'histoire, avec l'apport des civilisations
étrangères qui coexistent difficilement avec la civilisation
traditionnelle. C'est pour toutes ces raisons que la conception du pouvoir de
l'État et de la Nation de l'Afrique noire moderne aura un cachet tout
particulier ...
La vie économique basée sur le rapport
homme-terre, aura aussi joué un rôle non moins important dans la
consolidation de lien social.
Paragraphe 3 : Au niveau économique : la
question de la propriété des terres ...
La question de la propriété des terres est une
donnée centrale quant on sait que la vie économique en Afrique
était surtout basée sur la terre.
La question est de savoir si la communauté des
intérêts est en mesure de créer une
« nation » ou quelque chose de semblable (pour ne pas trop
nous enfermer dans une typologie « occidentale ») ; et si
la propriété dans le Sénégal traditionnel peut nous
éclairer dans ce domaine. Il conviendra à l'issue de cette
analyse d'y apporter une réponse adéquate.
La notion de propriété privée des terres
était absente en Afrique noire traditionnelle, il y avait le droit
d'usage et de jouissance des terres : « en Afrique noire, il n'y a
pas authentiquement propriété de la terre, mais simplement
usufruit collectif »156(*).
Le Sénégal traditionnel illustre cette
conception de la terre car le Sénégal d'autrefois,
« (...) le premier était maître de la terre comme
premier occupant, (...), le second exploitait les arbres, faisait les pirogues
... »157(*).
C'est ainsi que les villages prospéraient et les
habitants se livraient à des activités de pêche et
fondèrent d'autres villages au bout d'un certain temps 158(*).
Dans l'Afrique d'hier, l'homme n'avait donc pas la
propriété de la terre, il était le dépositaire
provisoire ; la terre était un héritage communautaire ; son
exploitation était le seul moyen d'existence pour tout le monde. Ici le
travail n'était pas corvée mais source de joie, parce qu'il
permettait la réalisation et l'épanouissement de l'être ;
il procurait la sécurité et l'hospitalité de tous les
membres sociaux.
Dans la société africaine traditionnelle tout le
monde travaillait, il n'y avait pas d'autres moyens d'existence pour la
communauté ; c'est un fait patent et connu de tous les Africains.
Même l'ancien qui paraissait oasif et profitant du travail des autres,
avait en réalité été un rude travailleur dans sa
jeunesse. La richesse qu'il paraissait posséder n'était pas en
fait sa richesse personnelle puisqu'il la partageait. Et il n'en jouissait
qu'en tant qu'ancien du groupe qui l'avait produit. Il en était le
dépositaire et elle ne lui conférait ni pouvoir ni prestige.
Le respect que lui manifestaient les jeunes hommes
était dû à son âge très avancé et le
fait qu'il était resté longtemps au service de la
communauté ce qui explique : « le pauvre vieillard y avait
autant de droits que le riche ... »159(*). Groupés en clan ou en communauté, ces
africains traditionnels consommaient tout de suite ce que le clan ou la
communauté leur procurait. Il n'y avait presque pas de réserve et
les ancêtres manquaient même de nourriture. Mais personne dans ces
conditions ne mourrait de misère malgré cette disette par suite
de l'existence d'une solidarité de droit, et ne pouvait rien
prélever sur le bien commun ; car tout appartenait au clan ou à
la tribu.
A côté du champ commun, des champs individuels
garantissaient en contrepoids l'autonomie économique que la personne par
rapport au groupe. De plus chaque collectivité était non point
hermétiquement close mais ouverte sur les collectivités
supérieures constituées en instances de recours. C'est ainsi que
le village était souvent le « propriétaire »
et non la famille. La division des tâches et la collectivité
assuraient une démocratie réelle, mieux une égalité
économique.
Cette société pense un écrivain
camerounais « ignore la dictature de l'argent. Certes elle
connaît l'or mais ne s'en sert que pour la parure et l'ornement sans
jamais lui attacher la valeur économique ... »160(*).
C'est dire que les communautés africaines
traditionnelles ne pratiquaient pas l'économie narcissiste.
L'économie était pour la collectivité et se basait sur les
associations de paysans.
Le pouvoir chez les chefs traditionnels qui n'étaient
pas propriétaires terriens était soumis à un
contrôle stricte du conseil des anciens car c'était la fonction du
chef qui était sacrée et non le chef lui même. Ces chefs
coordonnaient tout simplement ces activités. La politique n'était
pas séparée de l'économie. La politique était en
rapport étroit avec la social par le truchement de l'économie.
N'oublions pas que le souverain traditionnel au Sénégal comme
ailleurs en Afrique, avait entre autres, comme principale mission d'assurer le
bonheur et la prospérité du pays ... 161(*).
Voilà qui explique que la politique était
nécessairement liée au bien être social : celle-ci
étant pour celui-là ce que la main de l'artiste est pour son
esprit.
Il faut considérer la manifestation économique
de l'idée de nation comme importante, car même maintenant,
« l'unité économique humaine la plus étendue
qu'on connaisse, c'est la nation ... »162(*).
La naissance et même l'évolution de ce que l'on
pourrait appeler « le droit public » sont en effet
intimement liées à l'état économique des
sociétés et inversement : « le processus qui a
formé les nations était à la fois économique d'une
part, de l'autre moral et juridique »163(*).
Bücher 164(*) classe les formes d'unité économique
en trois phases : celle de l'économie fermée (du clan et la
famille) ; celle de l'économie urbaine ; celle de l'économie
« nationale ».
Il y eut un temps, en effet où les hommes ne
produisaient guère que pour leur famille et leur village, et cette forme
d'économie caractérise l'Afrique d'autrefois et parfois
même de nos jours.
Ensuite il y a eu la formation et la multiplication des villes
et l'invention de la monnaie proprement dite. Les hommes commenceront à
faire du commerce, à produire pour de grands ensembles, mais toujours
« au profit de petits groupes, cités et petits
États »165(*).
Enfin de vastes systèmes d'échanges entre les
villes et les milieux ruraux naîtront. Le commerce et la production
internationale augmenteront les besoins et les conditions de vie des peuples
qui désormais deviendront de plus en plus denses.
C'est ce qu'il conviendrait d'appeler le « processus
de nationalisation des phénomènes économiques »,
qui est d'ailleurs loin d'être achevé et qui explique la liaison
intime entre la nationalisme et le protectionnisme 166(*).
Cependant Renan dira que « la communauté des
intérêts fait les traités de commerce mais point une
partie »167(*).
En restant dans le lien entre ce passé africain et le
présent moderne, nous pouvons dire que la communauté des terres
qui était intimement liée, nous l'avons dit, à la
politique est : une condition nécessaire mais pas suffisante à la
formation de ce que l'on pourrait appeler aujourd'hui « la
Nation ».
Paragraphe 4 : Au niveau politique : l'effort
d'organisation et de perfectionnement de la société.
La politique apparaît ici comme l'effort du patriarche
et du conseil des anciens d'organiser, de maintenir et de perfectionner leur
société.
Il s'agit de l'art de gouverner et de
légiférer. Gouverner exige de l'autorité,
légiférer de la sagesse. L'un et l'autre doivent
retourner à leurs sources ; tendre au mieux être et au bien
être des communautés et des personnes. Il s'agit d'un effort
d'uniformisation et d'harmonisation des droits des particuliers, on
réglemente, on classifie ... On organise.
L'Afrique noire traditionnelle, grâce à son
pouvoir politique essentiellement communautaire, ne connaissait presque pas
l'exploitation de l'homme par l'homme, Julius Nyéréré en
convient de bonne grâce : « certains d'entre nous
souhaiteraient exploiter leurs frères pour édifier leur propre
puissance et prestige personnel. Cette attitude d'esprit est parfaitement
étrangère et incompatible ... » et il insistera avec
juste raison : « nous prenions soin de la communauté et la
communauté prenait soin de nous. Nous n'avions aucune raison d'exploiter
nos semblables 168(*).
Par ses soins réciproques des êtres et de la communauté, il
était ignoré de l'Afrique subsaharienne d'hier, la dictature du
prolétariat. Il n'y avait pas de classe en guerre mais une
compétition « normale » entre les chefs politiques.
L'inégalité sociale qu'on pouvait remarquer était
naturellement comme celle des cinq doigts qui constituent le dynamisme de la
main de l'homme. Chaque individu jouait selon ses prédispositions
originelles, un rôle par rapport à la communauté. Ce
rôle avait pour finalité le plus être et le bien-être
de tous et de chacun. Il y avait cependant des groupes sociaux en lutte
d'influence. Ils ne luttaient pas pour le pouvoir.
Même en cas de décès d'un Roi,
l'héritier était élu dans la famille du défunt par
une sorte de « collège électoral »
d'où émanaient des propositions politiques ...
Cette hérédité se retrouve, rappelons-le,
dans les règles de dévolution du pouvoir dans le
Sénégal traditionnel où l'on peut parler de pouvoir
lignager 169(*). Ce
collège lui-même était composé de telle façon
qu'aucun de ses membres de puisse opérer un coup d'État car
« ils étaient tous et chacun indispensables »
170(*).
Le roi était l'élu du peuple.
L'efficacité de son pouvoir reposait sur l'autorité qu'il
exerçait par l'intermédiaire de nombreux
« ministres » qu'il ne pouvait choisir, ni limoger.
L'Afrique noire traditionnelle avait mis au point des formules
concrètes, la fréquente pratique du partage de l'autorité
entre le chef de village et le chef de terre pour que selon cette fameuse
expression de Montesquieu : « le pouvoir arrête le
pouvoir » 171(*).
Cette attitude avait pour objectif la dynamisation de la vie
communautaire, l'amélioration des conditions de vie des uns et des
autres pour un but commun : le rayonnement de l'esprit en communauté qui
est l'expression de l'esprit démocratique. Cet esprit
démocratique était aussi confirmé par le culte du verbe
pour le dialogue. Le verbe était outil de participation. L'Afrique noire
d'hier avait démarqué le fameux postulat de Descartes :
« Je parle, donc je suis « ce qui n'est pas si
éloigné finalement, lorsqu'on pense aux rapports intimes entre la
pensée et la langage.
Il ne s'agit donc pas ici de démocratie
arithmétique et formaliste qui comptabilise les
« oui » et les « non » sur une balance
numérique. Mais une démocratie vivante par un dialogue
interminable jusqu'à extinction totale des voix ! Le but réel
était de s'entendre pour dégager « la volonté
générale » un peu dans le sens de Rousseau. Ce souci
croissant de l'intérêt général traduit parfaitement
l'état d'esprit, surtout moral de la communauté africaine
traditionnelle.
Si l'on prend le cas du Kayor, son système politique,
on voit que les responsabilités que les éléments qui
participaient au pouvoir assumaient, relevaient de deux ordres. D'une part, ils
leur incombent de faire régner la discipline à
l'intérieur, d'autre part ils ont la charge de défendre
l'intégrité du pays contre tout agresseur extérieur. En ce
sens nous dit Pathé Diagne « les chefs politiques ont
été dépositaires d'un pouvoir coercitif qui a
contribué à façonner un appareil politique pensé
pour permettre l'expression entre autres d'un pouvoir judiciaire et aussi d'un
pouvoir militaire et de police (...) »172(*).
Si on prend pour exemple les institutions politiques
sérères, on s'aperçoit que, comme le dit Pathé
Diagne « les institutions politiques sérères
émargent au-dessus des structures sociales, pour en épouser les
contours et en exprimer les partis pris » 173(*). Et vu l'équilibre
qui était né de la coexistence des trois ordres `nobles, hommes
libres, serviles), on peut supposer avec Pathé Diagne, qu'il
était « l'aboutissement plus ou moins instable,
précaire si on peut dire, d'une évolution »174(*).
La place éminente que les dignitaires de la caste des
esclaves de la couronne occuperont par la suite dans les institutions
politiques devra beaucoup à leur situation sous l'administration du
Mali.175(*).
A l'avènement du Djolof le renouvellement
institutionnel imposé par les bourba s'est opéré sur la
base d'un compromis avec le Mansa Wali qui était alors tuteur du pays
176(*). Avec ce
compromis, il n'y a pas eu disparition totale de l'appareil politique
préexistant 177(*).
Les Lamanes et les dignitaires émigrés du Djolof
imprimeront au système monarchique sérère une pression
constante qui le modifiera progressivement pour le transformer à long
terme en un régime oligarchique 178(*). l'Empire du Djolof a donc harmonisé les
instituions politiques traditionnelles du Sénégal en
établissant une sorte de « compromis » ou
plutôt de « traité » afin que les petits
royaumes puissent entrer dans le cadre d'un Grand royaume dans une sorte de
confédération ou d'empire.
L'harmonisation des institutions se traduit aussi au niveau de
la conscience du peuple.
SECTION III : LA QUESTION DE LA
« CONSCIENCE » D'UN PEUPLE
La conscience peut se définir comme le
« niveau supérieur de l'activité psychique de
l'homme » 179(*), c'est l'un des concepts fondamentaux de la
psychologie, de la philosophie et de la sociologie. La conscience peut
être considérée ici comme le reflet d'une
réalité vécue, constructive et parfois
créatrice.
Au Moyen Âge, la conscience était
envisagée uniquement sous l'angle divin et la raison
interprétée comme un attribut de Dieu, une
« étincelle » de la flamme omniprésente de la
Raison divine : Saint Augustin dira ainsi que « tout savoir se
retrouve dans l'âme qui vit et se meut dans Dieu »180(*). Pour lui, l'âme
inconsciente est dévolue aux plantes et aux animaux ; l'homme ayant donc
le privilège d'être doué d'une âme-conscience.
Descartes quant à lui avec son fameux : « je
pense donc je suis » 181(*) déterminera la conscience comme contemplation
par le sujet lui-même, du contenu de son univers interne : c'est une
sorte de conscience de soi. Leibnitz à l'opposé de Descartes
parlera lui de « psychisme inconscient »182(*) pour lui la conscience est
une fonction particulière du cerveau grâce à laquelle
l'homme a la faculté des connaissances sur la nature et sur
lui-même 183(*).
C'est seulement avec Hegel qu'on parlera du principe de
« l'historicité dans la conception de la
conscience » 184(*). Il abordera de très près, le
problème de la nature sociale et historique de la conscience :
« la conscience de l'individu (esprit subjectif), est
déterminée par les formes historiques de la vie sociale (...)
comme incarnation de l'esprit objectif »185(*).
La conscience est, nous le voyons bien, un
phénomène compliqué de l'esprit. C'est sous l'angle de la
sociologie donc que nous envisagerons la question de la conscience, qui doit
avant tout être considérée comme : « conscience
sociale ». Autrement dit comme le reflet de la vie intellectuelle et
morale des hommes. Mieux : « de l'être social »,
c'est-à-dire « des intérêts et des
représentations des divers groupes sociaux, classes et
nations »186(*). Les « intérêts »
réfèrent à l'aspect matériel et les
« représentations » à l'aspect moral de cette
prise de conscience. Il s'agit pour l'essentiel d'envisager l'homme comme
« Être social », et la conscience
(« sociale » et (ou) « nationale »)
comme développement historique, avec des manifestations relativement
indépendantes et polymorphes ... Il convient donc de former plusieurs
niveaux d'analyse.
Paragraphe I : Niveau linguistique : Langue et
conscience nationale
D'après Marc Bloch 187(*) qui relatait des difficultés
rencontrées par Godefroy de Bouillon, lors de la première
croisade pour fondre en une seule troupe les chevaliers lorrains de race
française et germanique), la simple « dualité de
langue » est ressentie comme une différence suffisante pour
être assimilée à un double sentiment national. Cette
dualité se retrouve dans le royaume de France et elle constituait un
obstacle d'autant plus sérieux pour la formation de l'unité
nationale qu'elle correspondait à une dualité de civilisation
188(*).
Dans le cas de l'Afrique, l'application des méthodes de
la linguistique comparative est d'un intérêt tout particulier
certes, mais les documents écrits datent pour la plupart d'une
époque relativement récente ; les traditions orales par leur
nature même, ne peuvent donner un compte rendu chronologique
d'évènements éloignés dans le temps.
Les méthodes linguistiques nous aident cependant
à respecter la diversité culturelle et à comprendre la
composition des peuples. Tirant les conséquences de la conception
Saussurienne selon laquelle la langue n'est pas substance mais forme, nous
pouvons dire que le fondement de l'étude historique des langues est la
classification en matière de langue ; c'est essentiellement une
généalogie pour montrer que certains sont apparentés
à d'autres. Ainsi en comparant des groupes de langues, on pourra trouver
des traits communs et on pourrait restituer une langue par rapport à une
langue ancestrale ; il arrive qu'il y ait des témoignages écrits,
mais pour l'Afrique il n'en existe presque pas du fait de la tradition
orale.
Qu'est-ce à dire, lorsqu'on affirme que plusieurs
langues ont un ancêtre commun et sont par conséquent
apparentées les unes aux autres ?
Nous savons que des gens qui parlent la même langue ne
la parlent pas de la même façon s'ils viennent de milieux
différents. Ainsi les Peul du Fouta Sénégalais
comprennent les peuls du Niger et même du Nigeria, mais parlent la
même langue de manières différentes. Ces variations locales
sont appelées dialectes. Les personnes issues de
générations antérieures pourront continuer à
comprendre les enfants mais la langue aura quelque peu changé en prenant
des formes évoluées. C'est ainsi que nous pouvons dire que les
langues se modifient sans cesse parce qu'étant en perpétuel
devenir ...
Ainsi les deux formes locales du peul peuvent changer de
manière différente et deviennent des dialectes distincts d'une
même langue.
Quand les différences deviennent plus grandes, il
arrive que les gens ne se comprennent plus ; et là nous dirions alors
qu'ils parlent des langues différentes.
Voilà une façon sans doute la bonne d'entrevoir
et de traduire la dynamique des langues et comme nous le fait observer M.
Greenberg 189(*), le
processus par lequel une langue produit des dialectes et par lequel ces
dialectes divergent jusqu'à devenir des langues séparées,
se répète car : « les nouvelles langues produisent
à leur tour leurs dialectes et ainsi de suite,
indéfiniment » 190(*).
Des comparaisons objectives ont conduit à des
classifications, admises sérieuses à de grandes échelles
191(*). Voilà
brièvement comment se forment les langues. Mais quel est le rapport
entre la parole et la conscience des peuples ? La conscience refléterait
une réalité, nous l'avons dit, et la parole désigne
celle-ci. Mais parler signifie penser, « les grands
bavards » comme le faisait remarquer Feuerberbach 192(*), devraient être de
grands penseurs ... En fait la pensée est un moyen d'acquisition de la
connaissance alors que le langage n'est qu'un moyen de communication justement
de cette connaissance. Mais il y a un rapport étroit entre la
pensée et le langage puisqu'en pensant l'homme se sert des mots, c'est
un monologue intérieur et en communiquant il se sert tout bonnement de
sa pensée : autrement dit le langage intérieur devient sonore.
En somme nous pouvons dire avec A Spitkine que c'est
« au cours de la communication que l'unité de la conscience et
du langage intervient comme quelque chose de manifeste ou
d'«évident »193(*). C'est tout le rapport entre l'homme et son monde
environnant qui est ici résumé.
C'est aussi le problème de l'existence de l'homme dans
sa société. Et il est patent que la parole joue un rôle
déterminant dans le psychisme de l'individu, le langage possède
donc « le pouvoir de l'impératif » 194(*).
Autrement dit, la langue consolide le « lien
social ».
Mais quel peut ou doit être le rapport entre la langue
et l'idée de nation en Afrique ? Pour certains penseurs africains
195(*), l'unité
linguistique est l'élément majeur dans la formation de
l'unité nationale, sans elle cette unité n'est
qu'«illusoire » et « fragile » 196(*).
Pourtant la langue n'est pas le meilleur critère de la
nation. L'histoire du Sénégal montre que les groupes s'appuyaient
sur la langue ou sur l'Ethnie pour s'unir 197(*). Mais rien d'étonnant ici quand on sait que
la première des nations c'est bien là où on est né.
D'où également que le mot nationalité revête le
même sens : là où on est né 198(*).
Ce n'est pas un hasard si nation vient de l'étymologie
« nascere »199(*). Et ce n'est pas un hasard si en Ethnologie le mot
ethnie correspond à « Ethnos » qui signifie
« peuple » ou « nation » :
c'est-à-dire un groupe d'individus appartenant à la même
culture c'est-à-dire à la même langue et ayant les
mêmes coutumes etc.200(*) Puisqu'à notre sens la première
« nation » c'est la famille : d'abord la
« famille restreinte », puis la « famille
élargie » qui deviendra aussitôt le clan puis le groupe
dominant ... et plus tard la famille régnante. Ceci est en tout cas (et
nous avons essayé de la démontrer plus haut), le cas de l'Afrique
noire en général, celui du Sénégal traditionnel en
particulier.
Cela dit, le deuxième fait social qui, outre l'Ethnie
en général, oppose plus qu'aucun autre les
« nations » entre elles, c'est la langue, avec sa
morphologie particulière, sa forme d'expression (écrite ou
orale), son vocabulaire ses mots, sa grammaire, syntaxe, phonétique
...
C'est vraiment par leurs langues et à cause d'elles que
les grandes masses qu'on appelle les races, les grandes et les petites nations
sont « impénétrables » les unes aux autres
201(*). Un peuple
attache une valeur importante à sa langue. Mieux : « une
nation croit à sa langue »202(*). C'est-à-dire qu'elle fait toujours des
efforts pour la conserver ; pour la répandre, même
artificiellement, encore plus que pour l'enrichir de nouveaux mots ; pour la
« fixer » plus que pour la
« perfectionner »203(*).
C'est pour cela qu'on peut parler de
« conservatisme », de
« prosélytisme », ou même de
« fanatismes linguistiques » qui sont des faits qui, selon
Marcel Mauss : « expriment cette profonde individualisation des
langues modernes nationales, et, par là même, celle des nations
qui les parlent ... »204(*).
C'est lorsque les « langues de
culture » 205(*) devinrent, avec la formation des nations, les
« langues du peuple » 206(*), que les sentiments dont elles étaient
l'objet peuvent s'étendre au peuple entier. C'est ainsi que naît
la distinction entre les gens qui parlent le langage et ceux
qui le ne parlent
pas. C'est ainsi que la langue devient une sorte de
« croyance du
peuple » 207(*).
Il y a aussi le problème de la coexistence de la langue
et de la nationalité qui aboutit parfois voire même le plus
souvent, à une revendication de la Nation, par ceux là même
qui parlent sa langue 208(*).
La nationalité peut en effet être fermée
à ceux qui ne connaissent pas leur langue : d'où des malentendus,
des incompréhensions et les modifications de la langue peuvent
même occasionner des revendications de frontières et c'est parce
qu'on ne se comprend pas, au sens absolu et moral du mot que de là des
hommes peuvent avoir « l'illusion », que la langue est le
meilleur critère de la race. Mais la langue n'est pas le meilleur
critère de la « nation » ?
L'exemple du Sénégal, montre qu'on pourrait
essayer de démontrer la parenté linguistique qui existe entre les
différentes langues parlées sur le territoire, mais sans aller
jusque là on peut avec Cheikh Anta Diop et en s'appuyant sur des
« lois linguistiques », passer des formes wolofs aux formes
sérères, peuls, toucouleurs et diolas. On peut démontrer
la parenté qui existe entre ces langues et qui unissent le
« peuple » sénégalais 209(*). Il y a eu donc convergence
culturelle surtout du fait de la composition ethnique du Sine-Saloum 210(*).
Au Sénégal, le wolof s'est imposé
naturellement comme langue nationale. Toutes les minorités sont
pratiquement bilingues. L'existence de l'hégémonie wolof avec le
grand Jolof du XV° siècle en est peut être une explication ?
Puisque dans la plupart des provinces du Jolof (le Walo, le Baol, le Cayor),
le wolof a été et est toujours parlé. Mais en tout cas,
les autres langues sont devenues « minoritaires » (le
sérère qui est parlé dans le Sine et la Saloum, le
toucouleur qui est parlé dans le Fouta, le diola et mandingue qui sont
parlées dans le Sud et l'est du Sénégal). Cela
découle d'un processus historique de
« wolofisation » 211(*).
Les exemples de ce genre sont rares en Afrique mise à
part quelques grandes langues comme le Swahili parlé dans le Sud de
l'Afrique, le Dyula en Afrique occidentale qui ont eu tendance à
être parlées par une grande majorité d'individus
appartenant même parfois à des « pays »
différents. Mais même dans ces cas, il ne semble pas qu'il y ait
eu superposition mais recoupement de langues. L'exemple du
Sénégal est donc assez typique en Afrique mais dans une optique
comparative, on peut par ailleurs citer l'exemple classique de ces influences
des sociétés les unes sur les autres, et en même temps
celui de la formation d'une société par les couches successives
et simultanées de populations réagissant les unes sur les autres
: c'est la formation de la langue française et celle de la civilisation
anglaise212(*).
Elle gardait aussi une toute petite part de vocabulaire et
simplifiait forcément morphologie et syntaxe. Puis ce furent les
invasions normandes et danoises de l'Est : elles ne laissent guère de
trace que dans le vocabulaire, dans certains éléments
correspondent plus spécialement au droit et à la technique
surtout maritime. Enfin, ce sont les Normands, en réalité de purs
Français de bonne souche gallo-romaine, équipés et
entraînés par une poignée de Normands plus ou moins
métissés. Guillaume lui-même n'avait qu'un ancêtre
sur quatre pur Normand. Et du coup, le vocabulaire change, s'accroît,
s'altère dans ses proportions, et la langue anglaise en même temps
que l'Angleterre se forme avec ce caractère spécial d'avoir un
vocabulaire en grande partie latin, des verbes germaniques, une
phonétique à soi, une morphologie particulière où
le genre et le nombre disparaissent presque et une syntaxe qui n'a presque plus
rien des couches primitives.
Il y a parfois des faits d'ordre
« physiologique » qui s'expliquent par des
« faits linguistiques » et qui se rattachent par des
« faits linguistiques » et qui se rattachent directement
à des contacts, des superpositions, des juxtapositions, des
mélanges. C'est ainsi qu'à la place d'évolutions
« endogènes » on note des évolutions
« exogènes » ; c'est-à-dire ici des
sociétés diverses qui entrent en relation. C'est ainsi que les
changements que l'on pourrait décrire comme : « le produit
d'un génie nationale en vertu d'une sorte de vitalisme
sociologique » 213(*), sont en fait le résultat d'une
transformation sociale due à une sorte d'interaction avec les autres
sociétés. Voilà qui peut entraîner des changements
de mentalité. C'est le produit sans doute de l'étroite relation
entre le langage et la pensée que nous avons fait observer de prime
abord.
Il s'agit sans doute de ce fameux « voyage des
proverbes » dont parle Mauss 214(*). Ces phénomènes d'emprunts
s'accompagnent également de rites et de ce fait un changement de
mentalité 215(*).
Les langues « fermées » s'ouvrent par le fait de
l'histoire et en même temps de nouvelles formes de langage et de
pensée se développent 216(*).
De nouvelles nations peuvent ainsi se créer avec une
« éducation nationale et leurs langues se singulariseront dans
la vie des sociétés modernes.217(*)
Mais nous verrons que dans l'Afrique coloniale, le
colonisateur a pris le soin avant la seconde guerre mondiale d'imposer comme un
signe « d'évolution » ou de
« progrès » culturel et de l'assimilation cette
fameuse boutade qui rattache les Africains à : « nos
ancêtres les Gaulois ». Cette prétention centrée
sur l'Europe, ses racines, ses valeurs, son « Éducation
nationale », se voulait « universaliste »
218(*). En fait
c'était pour imposer « une seule évolution d'une seule
humanité » 219(*). Mais aussi une seule langue celle des
« Gaulois » avec ses méthodes sophistiquées
...
Il y a des linguistes qui en effet, croient à la
possibilité de la création d'une langue universelle. Mais Mauss
nous fait remarquer que les grandes langues des grandes nations divergent entre
elles plus largement, même quand elle sont d'origine commune, que les
dialectes ... Donc faut-il qualifier ces tentatives d'universalisation des
langues modernes de « créations artificielles et
éphémères » 220(*) ?
En tout cas, il est évident qu'il s'est
créé dans les sociétés modernes un langage
scientifique et technique universel 221(*).
Aussi bien, nous voyons des continents entiers, des peuples
comme en Afrique moderne, ne parlant en très grande majorité que
deux ou trois langues (le français, l'anglais et le portugal). Ce qui
n'est pas en faveur des langues locales ou autochtones jusque là
juxtaposées ou coexistentes.
Ainsi, les petits groupes et les petites nations, africaines,
se sont rattachées à l'étude des langues
étrangères vivantes, les unes pour voir le bénéfice
de la langue de la grande Nation ; les autres pour pouvoir converser
directement sans interprètes in intermédiaires. Il se pose donc
le problème de l'unicité de la langue surtout dans les nations
africaines.
Ainsi donc l'Afrique noire moderne s'est mise à parler
le français, l'anglais ... Et dans chaque peuple, cette part du langage
qui n'est pas « national », a augmenté. Si bien que
l'hétérogénéité des langues sera
contrebalancée par cette homogénéité.
Les mentalités, même violemment fermées,
des nations sont devenues plus ouvertes que jamais les unes les autres. A
quelques exceptions près. C'est là un moment où
l'unité dans l'homogénéité absolue primitive, va
céder la place à une nouvelle voie celle du
« progrès » qu'introduira le colonisateur
européen dans l'Afrique moderne.
Cette nouvelle voie des « nations » sera
celle de la science, de l'industrie, de l'art et de la vie en commun qui
désormais aura un cachet singulier parce que devenue
matérialiste.
Dorénavant tout tournera autour des rapports surtout
matériels, mais aussi intellectuels, moraux, ou idéologiques de
plus en plus intenses, nombreux et vastes entre les peuples. Cet épisode
pour l'Afrique commencera avec l'impact du commerce occidental avec
l'arrivée des Portugais sur la côte occidentale d'Afrique aux
alentours du XV° siècle. Les courants d'échange se
développeront. Mais en même temps que se développent les
courants commerciaux européens, se développent les courants de
pensées ou idéologiques qui passent nécessairement par le
langage.
Dans cet élan il ne reste plus aucun peuple ou de
sociétés « isolées »
c'est-à-dire qui ne soit en rapports (directs ou indirects) avec les
autres. Nonobstant tous les chocs et les échecs, le »
progrès », qui fait suite à des épisodes de
« croisades » ou de « conquêtes »
va inéluctablement dans le sens d'une augmentation des emprunts
linguistiques et autres, des échanges, des identifications, jusque dans
le détail de la vie morale et matérielle des individus.
Ceci n'aboutira pas à une heureuse diversité
entre les nations ou pays car : « ces mentalités
hérissées les unes contre les autres, ou toutes les
sociétés s'efforcent de se passer des autres, et sont toutes
obligées, au fond, de faire la même chose » 222(*).
La solidarité universelle fera pour les
« nations », quelles soient petites ou grandes, ce qu'elle
aura fait pour ses membres à l'intérieur même des
« nations ».
On pourra dire en définitive que : les langues
étant elles-mêmes des « formations
historiques » 223(*), on ne saurait être classé ou
« parqué dans telle ou telle langue en raison de cette
dynamique universelle que nous avons essayé de démontrer.
Dans le cas du Sénégal traditionnel, le
critère de la langue comme de l'Ethnie pouvait permettre d'identifier de
« petites nations ». Mais le critère de la langue
tout comme celui de l'Ethnie ne suffiront pas à définir la
« Nation » dans le cas de l'Afrique moderne.
Paragraphe II : Niveau ethnique
Ce niveau est important à plus d'un titre ! Au
Sénégal, outre la langue, les groupes se sont basés pour
la plupart sur l'Ethnie pour se regrouper ; il s'agissait donc d'une recherche
d'homogénéité ethnique. Faisons d'abord une approche
historique de l'Ethnie.
A - Approche historique : Formations ethniques dans le
Sénégal traditionnel
Si on remonte au XV° siècles, trois
« peuples » identifiables par leurs langues se partageaient
le territoire du Grand Jolof, du Nord au Sud à savoir: les wolofs, les
sérères et les malinkés 224(*).
Ces derniers peuplaient outre le Jolof proprement dit, les
royaumes du Kayor, du baol et du Walo.
Les Sérères furent nommés
« Barbacii » (Da Mosto) aux XV° et XVI°
siècles, « Barbacis » (Pereira), Barbacins
(Fernandes) et ils peuplaient le Sine et le Saloum 225(*).
Les malinkés sont appelés
« Mandingas » dans les textes du XV° et du XVI°
siècles 226(*).
Ils occupaient dans le Grand Djolof les petits royaumes de la rive nord de la
Gambie. Leur nom d'origine portugaise, découle d'un terme
désignant « gens du Mandé » ou du Mali dans
leur propre langue 227(*). Là, le critère linguistique
était fortement pris en compte dans l'identification des peuples
228(*)., tant dans les
pouvoirs sénégambiens que par les portugais, si l'on en croit
cette description du Saloum, royaume « multinational » que
fera Alvarès de Almada 229(*) : « il est roi d'un grand royaume. Il a
trois nations qui lui obéissent, à, savoir Barbacins, Jalofos et
Mandingas » 230(*). Rien que cette description suffit à nous
montrer la confusion réelle entre la « Nation » et
« l'Ethnie » ce qui peut se justifier pour les raisons
étymologiques déjà évoquées 231(*), car les mandingues, wolofs
et sérères sont des ethnies bien sénégalaises et
les langues coïncident ici avec les ethnies en question.
Après cela, notre descripteur poursuit en disant :
« et il gouverne avec une très bonne organisation par
l'intermédiaire de deux capitaines généraux appelés
chez eux Jagarafes. L'un d'eux gouverne, dans la paix et dans la guerre, les
Barbacins, l'autre les Jalofos et les Mandingas » 232(*).
On constate donc que dans le Sénégal des
XV° et XVI°) siècles, la nation correspondait à la
communauté ethnique identifiable par sa langue.
1°) Formation ethnique du Fouta
traditionnel
En effet, si l'on prend l'exemple du Fouta Toro 233(*) que les sources d'histoires
orales comme écrites qui font remonter l'histoire du Fouta Toro au
8° siècle après Jésus Christ, montrent que la
fertilité et l'existence du Fleuve ont été les aimants qui
ont attiré les populations de différentes horizons ethniques et
de différents modes de vie. On estime que le Fouta Toro a
été peuplé à la faveur du mouvement Nord-Sud. Les
traditions maures font état de Baafur ancêtre des wolofs,
sérères, mandingues. Avec la langue, la religion et le genre de
vie sédentaire, les toucouleurs vont mettre sur pied un État
qu'on appelle le Takrur. Entre le VIII° et XVIII° siècle, on a
assisté à une succession de régimes politiques, et ces
régimes marquent la prépondérance d'un groupe ethnique. Ce
sont les Jaa-Oogo du 9° au 11° siècle. C'était des
peuls qui avaient la connaissance de la métallurgie du fer 234(*) . Il y avait les Manna : qui
étaient des soninké qui auraient régné du 11°
au 15° siècle. C'est sous leur règne qu'il y a eu des
relations étroites avec le Mali.
Les Mam-Tumes et les Lam-Taaga : ce sont des métis de
maures et de peuls qui auraient régné du 15° au 16°
siècle sur la rive droit du fleuve Sénégal235(*).
Du 16° siècle jusqu'au 18° siècle
jusqu'à la fin du 19° siècle 236(*).
2°) Les minorités ethnico-culturelles du
Kayor et du Baol :
C'est le principe de l'autonomie des communautés qui
conférait à certains éléments des castes et des
minorités culturelles une part d'autorités politiques.
La situation des dignitaires appartenant à l'Islam
n'était pas au départ totalement différente de celle des
dirigeants d'une caste, d'une minorité ethnico-culturelle, ou d'une
concentration nomade. Ces catégories de la population kayorienne ont
leurs problèmes spécifiques 237(*).
Traditionnellement les institutions leur ont reconnu la
possibilité de mettre sur pied des autorités susceptibles de
faire maintenir l'ordre en leur sein et de défendre leurs
échelons de l'appareil politique où ils ont été les
conseillers souvent très écoutés et très influents
des détenteurs du
pouvoir 238(*).
Les chefs des minorités ethnico-culturelles :
toucouleurs, sérères, et nomades, peul en particulier, ont
conservé parfois leur autonomie. En fait l'assimilation a
été très rapide dans certains cas 239(*).
De ce fait, certains nomades peuls ont dû seuls sur ce
plan conserver une certaine autonomie. Leurs chefs étaient les ardos
240(*).. Ils
représentaient leurs communautés auprès du Damel et des
Kangam. Mais comme on l'a vu Damel nommait souvent parmi ses esclaves des
éléments chargés d'administrer ou de servir
d'intermédiaire entre lui et ces minorités 241(*).
Au Sénégal on a constaté qu'à
l'intérieur des royaumes du Kayor et du Baol, des
« peuples » différents furent très tôt
repérés par les Européens; mais de fut surtout sous
l'angle de leur différenciation socio-politique.
Un texte du XVIII° siècle 242(*) fait la distinction entre
les minorités ethniques du kayor et du Baol et la majorité wolof,
ceci à l'intérieur d'un même royaume en se basant sur le
critère linguistique.
D'après les textes on pourrait répartir le
royaume du Damel en trois régions caractérisées par leurs
langues 243(*).
Le nom de « Sereer » donné par les
Wolofs à ces peuples, est une désignation très vaste car
il faut les distinguer des Sereer du Sine et du Saloum dont ils se distinguent
par leur langue.
On les appellera Sereer par commodité et d'après
l'us des Sénégalais. Les langues parlées par ces peuples
sont apparentées entre elles et font partie du même groupe que les
wolofs, le pulaar et les sereer, sans pourtant constituer un sous-groupe de
cette dernière.
Ce groupe (Kayor, Baol), est hétérogène
et se divise en trois populations bien particularisées sur le plan
linguistique 244(*).
- Les « Ndut » sont pour la plupart
répartis entre la falaise de Thiès et le lac de Tanma, sur une
région de collines boisées (Tangor ou Ndut). Un groupe de
même langue, les palor du Sili, habitent au Sud entre Pout et
Sébikotane qui est situé près de Rufisque 245(*).
3°) Peuplement du Waalo
La population du Waalo est essentiellement composée de
wolofs dont la date d'installation dans la région n 'est pas
déterminée. Elle constitue néanmoins le noyau le plus
ancien et présente les mêmes traits physiques que la population du
Kadyoor, du Dyolof et du Bawol avec laquelle elle partage la même
langue246(*).
On peut noter, au Waalo, l'existence de minorités de
peuplement : Maures, peuls et Sereers. Mais le fait fondamental,
« c'est l'unité linguistique, ethnique et
culturelle » avec ces royaumes qui se sont constitués au sein
de l'Empire du Jolof.247(*)
4°) Composition ethnique du Saloum
La composition ethnique du Saloum est très complexe
248(*) :
- il y a les Madingues qui semblent être une frange
importante de la population primitive. Leur influence s'est effacée avec
le temps car même le nom de Sine procède selon certaines sources
249(*) d'une des
capitales du Miami Ouli. D'autant plus qu'il y avait des pêcheurs
appelés Niominka qui occupaient donc une place importante dans la
population primitive de cette région.
- C'est par la suite qu'il y a eu des vagues de migration des
Tekrouriens venus de l'Est et du Nord 250(*) pour envahir les populations
« éparses » qui étaient sur place.
Le monde sérère qui se forme dans ce contexte
historique est d'après Pathé Diagne et à compter du
XV° siècle dans un premier temps « ébranlé
par la poussée expansionniste du Mali » c'est-à-dire
donc les mandingues puisque mandingue signifie gens du Mande ou du
Mali251(*) ; ensuite il
sera « progressivement miné par de nouvelles vagues
d'immigration venant du Nord qui s'y installaient à l'avènement
du Djollof et aussi à la dislocation de cet empire »
252(*). Ce qui
dénote d'un certain mélange ethnique dans la composition du
Saloum d'autant que pendant ces périodes il a fait l'objet
« d'hégémonies politiques plus ou moins
éphémères » 253(*). C'est pur ces raisons que cette région est
justement considérée comme lieu de convergence culturelle.
D'une façon générale, Jean
Boulègue attire notre attention sur le fait que les
« Sereer » du Nord-Ouest habitent des régions plus
boisées qui font penser à des « zones
refuges »254(*). C'est-à-dire loin du pouvoir central. Ainsi
leur tradition orale, comme leurs voisins (wolofs) témoigne-t-elle d'une
hostilité chronique entre ces peuples et le pouvoir central. Le terme
« noon » est probant à ce niveau, puisqu'il
témoigne une animosité entre ces peuples.
Sous cet angle on peut dire qu'il n'y avait pas vraiment
« nation » vu l'instabilité, ou plutôt la
contestation permanente, du pouvoir central qui témoigne sans doute
d'une conscience collective « absurde » qu'on voudrait
imposer. Mais est-ce-que le propre de la Nation, ce n'est aussi de s'imposer?
Dans la mesure où l'Etat est une « contrainte
légitime » ?
Da Mosto décrira géographiquement le golfe de
Rufisque qui ne voulait « aucun seigneur parmi
eux »255(*)
.
Or la « Nation », doit être à
notre sens, une « adhésion » au pouvoir central et
peu importe les moyens utilisés pour obtenir cette
« adhésion », fut-ce par la force, mais l'important
est qu'il doit y avoir ce sentiment d'allégeance ou d'appartenance au
pouvoir central.
Mais notons aussi que le propre du pouvoir est justement de se
maintenir par la force qu'on appelle «contrainte
légitime »256(*). Rien d'étonnant donc face à cela car
quel est le pouvoir qui ne se maintient pas par la force ?
B - Approche anthropologique
Nous allons essayer avec Mauss 257(*) de classer les formes
politiques de la vie sociale en général pour pouvoir
définir avec précision celle des sociétés connues
de l'histoire qui peuvent être considérées comme des
« nations », celles qui sont en voie de la devenir et
celles qui peut-être n'en sont pas pu n'en seront jamais et
peut-être même pas de sociétés. Nous pourrons alors
arriver à ces conclusions pratiques et politiques ...
On peut par la démarche anthropologique ci-après
258(*) classer des
sociétés en quatre grands groupes, groupes politiques, familiaux,
égaux et amorphes à l'intérieur composés
d'égaux 259(*).
Durkheim proposait de les appeler
« polysegmentaires » 260(*).
En premier lieu, il y a les sociétés à
forme tribale, encore « polysegmentaires » parce que les
clans y subissent, mais où la tribu a déjà une
organisation constante, des chefs au pouvoir permanent soit démocratique
soit aristocratique, soit monarchique ; on trouve en effet un mélange de
tous ces traits : par exemple, les transactions sont fréquentes entre
certaines formes de concentration tribale 261(*).
On a vu en Afrique se
« démocratiser » 262(*) des « tribus » autrefois
royaumes très concentrés bien que la hiérarchie
féodale de ces anciennes cours subsiste mais sous d'autres formes et
cela semble être le cas du Grand Jolof qui avait un pouvoir central
très fort mais qui a éclaté. Dans le deuxième-me
groupe de sociétés, il y a les sociétés qui ont
succédé aux tribus à base de clans et aux tribus en
général, s'opposent à celle-ci par deux caractères
: la disparition plus ou moins grande des segments anciens, des clans, des
familles in divisées et la suppression de ces frontières
intérieures, de ces oppositions de clan à clan, de village ou de
ville à renaissance, même dans des formes sociales
extrêmement évoluées, a marqué les retards ou les
régressions des formes politiques jusqu'à des époques et
dans des pays qui ne sont guère lointains. Ainsi au
Sénégal, les clans subsistent encore quoique sous une forme
différente, ils ont joué et jouent un rôle capitale dans la
vie politique moderne du XX° siècle que nous examinerons d'ailleurs
plus loin 263(*).
Mais où faut-il le classer ? Le Sénégal
est-il un pays intégré ou pas ? 264(*)
Il y a une certaine confusion en effet sous ce nom de
« nation », entre des sociétés très
différentes par leur « rang d'intégration » :
d'une part, ce qu'Aristote appelait des peuples, des (ethnies), et d'autre part
ce qu'il appelait des cités (polis), et que nous appelons des
États ou des « nations ». En effet Aristote disait
que Babylone n'était pas à décrire comme une (Poleis),
mais comme un peuple (ethnos) car on dit que trois jours après la prise,
une partie de la ville ne s'en était pas aperçue 265(*), la solidarité
« nationale » était encore diffuse,
c'est-à-dire en puissance. Ces sociétés ne sont sensibles
ni à leur frontières, ni à leur organisation
intérieure ; elles peuvent se laisser dominer, malmener, amputer ...
« Elles comptent des tyrans étrangers, des colonies
étrangères : elles les assimilent, s'y assimilent ou se
soumettent tout simplement »266(*).
Cet « amorphisme », d'après Mauss
se traduit dans les lois et dans le caractère souvent composite de ces
États. En effet les lois sont des coutumes de droit civil ou
pénal, très peu de droit public et celui-ci
presqu'entiérement religieux, ou simplement spécifiant les droits
et les devoirs du roi et de ceux des castes ou classes supérieures
267(*).
Qui plus est, ces lois politiques, quand elles sont
formulées, le sont exclusivement du point de vue du pouvoir 268(*) : « le royaume est
la chose du roi, sa justice n'est que la nécessité pour lui d'y
faire régner l'ordre et la loi quand on la conçoit, n'est que
l'ordre des castes, sa loi sinon sa loi »269(*). Elles sont
machiavéliques, pense-t-il, c'est-à-dire qu'il faut tromper le
peuple et tromper l'ennemi ... Le seul souci du roi est de faire régner
la discipline, soit pas la contrainte soit tout simplement par la
passivité et l'indifférence de la masse du peuple. Ainsi on peut
se demander si les anciens royaumes du Sénégal peuvent être
classés dans cet État. Ainsi pour Durand 270(*) la présentation du
pouvoir dans les anciens royaumes africains a empêché la formation
de « nations », mais cette opinion est discutable du fait
de la centralisation du pouvoir avec le Grand Djolof qui, lors de sa
dislocation a affecté certains peuples qui le composaient 271(*).
Ces pays sont au fond intégrés,
administrés mais pas directement par les intéressés
eux-mêmes nous dit Mauss 272(*). La loi n'est pas l'oeuvre des citoyens,
indifférents dit-il à ce qui n'est pas leur coutume et
« leurs intérêts paroissiaux »273(*). La société
sénégalaise traditionnelle présente-t-elle cet aspect ? Il
est difficile de le dire.
Dans ces sociétés, on note nous dit Mauss,
l'importance des droits locaux, l'indépendance toujours possible, le
plus souvent réelle de provinces, des vices royautés, très
souvent des villes et surtout le caractère le plus souvent composite de
ces sociétés, la persistance des clans ou des anciennes tribus,
l'isolement des villages sont très souvent des traces persistantes du
caractère « segmentaire » des sociétés
qui ont précédé les sociétés qui ont une
formation définie, tandis que l'incertitude des frontières, la
vassalité des Marchés, souvent la dualité, la
multiplicité fréquente des capitales, la totale
instabilité des fonctions et des fonctionnaires conçus, comme
serviteurs du roi ou élus temporaires des villes ; tout cela traduit la
relativité, l'instabilité des régimes, la défiance
vis-à-vis d'eux-mêmes, c'est-à-dire celle des gouvernants
entre eux et vis-à-vis des gouvernés. La société
sénégalaise incarnerait-elle cet aspect ?
D'après Mauss274(*), cette séparation entre les souverains et les
citoyens caractérise les États non encore parfaitement
intégrés et qui selon lui ne méritent pas le nom de
« nation ». En est-il des États africains modernes ?
Il y a parmi les sociétés non segmentaires
celles qui sont à intégration « diffuse » et
à pouvoir central « extrinsèque », celles que
Mauss propose d'appeler « peuples » ou
« empires » selon leur forme d'organisation 275(*).
Leur organisation fédéraliste les font
ressembler aux anciennes tribus dont elles sont d'ailleurs en
général les continuations. C'est dans cette situation que
vivaient encore les peuples des Empires Ouest-africains.
Ces soi-disant « Républiques »
modernes sont d'ailleurs les restes d'anciens royaumes détruits,
isolés, réfugiés dans d'autres zones ... Ainsi le
Sénégal est issu de l'Empire du Soudan né au XII°
siècle 276(*).
Cet empire qui connaîtra un essor reconnu dans les régions
occidentales d'Afrique, avec le développement des courants
d'échanges et de contacts par le biais des Arabes, avec des
réalisations socio-politiques très équilibrées avec
des royaumes déjà formés ... Mais au XV°
siècle, « ce progrès vigoureux » 277(*) sera
ébranlé.
Or Mauss nous dit que dans ces sociétés
« polysegmentaires » : « le pouvoir central en
général n'est pas d'origine
« démocratique ». Seule les cités grecques et
à leur imitation, les latines, l'ont élaboré : c'est ce
qui a fait d'elles des nations »278(*).
Il a cependant été prudent de dire
« en général » car nous avons
démontré que pour le cas spécifique du
Sénégal, le pouvoir était dans des circonstances
précises, l'expression de toute la communauté 279(*). Certes il y avait des
combats mais il y en avait aussi dans les cités gréco-romaines
...
L'organisation stable de la société
marquée par la présence d'un pouvoir central, c'est ce que
Spencer appelait « l'intégration » et ce que l'on
peut continuer d'appeler ainsi en distinguant les sociétés
« non intégrées », qui sont les
sociétés à base de clans et les sociétés
« intégrées »: 280(*). Il y avait chez eux la
réalité sinon la possibilité d'un pouvoir central :
« impérium ». A ce type de société
comme à d'autres « plus élevés », on a
proposé de donner le nom de « nation ». Durkheim et
Mauss ont employé cette nomenclature jusqu'à une date très
récente : Mauss avoue qu'ils l'ont emprunté à l'histoire
comparée des religions qui fait cette distinction entre les religions
nationales et les religions universalistes 281(*). Il avoue également que cette nomenclature
est « vicieuse » 282(*).
En effet, ce n'est pas parce qu'il y a adversité qu'il
n'y a pas unité, intégration ou nation (contrairement à la
pensée de Mauss). Il y a donc nécessité de
préserver la diversité des cultures dans un monde aux prises avec
la monotonie et l'uniformité, pour ne pas dire l'uniformisme ou
l'évolutionnisme.
Il ne suffit pas comme le fait remarquer Claude Levis Strauss
de « choyer des traditions locales et d'accorder un répit
aux temps révolus », c'est la diversité même qui
doit être préservée 283(*).
Il s'agit donc d'éveiller, le désir de vivre
ensemble, sans répugnance et sans révolte et rassembler toutes
les formes d'expression sociale. Et il faut la tolérance qui (comme le
fait remarquer Levis Strauss) n'est pas une attitude contemplative mais
dynamique, c'est-à-dire aider les autres à être
eux-mêmes autrement dit « prévoir, comprendre et
promouvoir ce qui veut être » 284(*) puisque la diversité
est partout dans toutes les nations, dans tous les peuples, dans toutes les
histoires, elle est devant, derrière, avec et autour de nous. Ainsi en
Afrique d'une façon générale, la diversité
ethnique, culturelle, ne correspond pas à l'unité proposée
; au Sénégal en particulier l'on a transcendé quelque peu
la diversité ne serait-ce que par l'existence d'une langue commune
(wolof) parlée par tous, c'est pour cela que nous pouvons dire qu'il y
avait eu « nation » dans le grand royaume wolof et qu'il y
a aujourd'hui « nation » plus grande en Afrique : à
l'échelle même continentale grâce à la
générosité et la tolérance car la seule exigence
qui nous paraît capable de former une Nation est que l'unité
proposée se réalise sous des formes dont chaque diversité
soit une contribution à l'unité de la société
quelque soit sa dimension. Cette contribution est nous l'avons dit : avant tout
morale.
Cette vision de Mauss nous semble quelque peu
« évolutionniste » et c'est cela qui amène
certains à classer les sociétés en
« enfant », « adolescent » et
« adulte » et cette vision doit être à notre
avis rejetée car comme le dit Levis Strauss : « Il y a aussi
des hommes qui ont aimé, haï, souffert, inventé,
combattu » et en vérité, « il n'existe pas de
peuples enfants, tous sont adultes, mêmes ceux qui n'ont pas tenu le
journal de leur enfance et de leur adolescence »285(*).
Ceci pour dire que l'Africain a bel et bien son passé
ne serait-ce que par « tradition orale » qui, par les
vertus de l'éducation au sein de l'Ethnie mais aussi par delà
l'Ethnie, a permis à des communautés même
multi-éthniques, de retenir « tout autant que dans un
Etat-nation européen, les valeurs collectives communes »
286(*) ou alors de
rejeter les autres valeurs. Nous voyons que le concept de nation pose
problème, aussi comment le définir ?
C - Approche sémantique ou essai de
définition de la nation : Naissance - (Re)naissance et
(Co)naissance
1 - Considérations sociologiques
Mais qu'est-ce donc qu'une « nation » ?
Mauss, d'un point de vue sociologique entend par « nation »
: une société matériellement et moralement
intégrée, à pouvoir central stable, permanent, à
frontières déterminées, à relative unité
morale, mentale et culturelle des habitants qui adhérent consciemment
à l'État et à ses lois » 287(*).
Le titre de « nation » ainsi défini
ne s'applique dans la perspective de Mauss qu'à un petit nombre de
sociétés connues historiquement et, pour un certain nombre
d'entre elles, ne s'applique que depuis des dates récentes.
Il y a selon lui des degrés de développement
différents entre les sociétés et ceci selon le
développement de la « civilisation » et du
« sens du droit » 288(*). Il pense d'ailleurs qu'un grand nombre de
sociétés et d'États existent encore dans le monde qui ne
méritent à aucun degrés le nom de nation 289(*). Pour lui « toutes
les sociétés indigènes de l'Afrique, celles de
l'Océanie ne peuvent être considérées comme des
« nations » ou même des
« États » 290(*). Mais quels sont les critères de cette
définition, qui existeraient en Europe et pas en Afrique, quand on sait
qu'il y a eu des pouvoirs centraux permanents, des
« frontières ». L'unité culturelle, elle,
n'existe pas même en Europe et l'unité mentale se pose en terme de
conscience 291(*).
Il pense que c'est par des fictions destinées à
duper les colonisés et les rivaux colonisateurs que le XVIII° et le
XIX° siècle appliquaient à des chefs océaniens et
africains des usages mal fixés du droit des sociétés
chrétiennes, des drapeaux et des protectorats ... C'est ainsi qu'en
Afrique, se sont formés de jeunes États de type européens
avec soi-disant des « peuples » et des
« nations ». Mais nous verrons que seul, en
définitive, le critère moral ou spirituel pourra
être retenu dans la définition de la Nation : Ni la race, ni la
langue, ni les autres critères matériels (gouvernement ou autres
ne peuvent à eux seuls définir réellement la
« Nation ». C'est par ce que l'existence du
pouvoir central crée une relative unité des esprits qu'on a
tendance à le classer parmi les plus importants dans la
définition de la Nation.
2°) Considérations ethnographiques : le
critère de la
race ...
L'origine du peuple wolof 292(*) a l'objet d'études par un penseur très
connu en Afrique (Cheikh Anta Diop). Certes le critère de la race est
important mais il est peu suffisant. « Une nation croit à sa
race » 293(*)
mais c'est une croyance fort erronée, surtout en Europe, ou toutes les
populations sont évidemment le produit de nombreux et récents
croisements 294(*). IL
en est de même des wolofs du Sénégal qui sont issus d'un
métissage évident qui n'est plus à démontrer
295(*).
En Europe, la « patria » comme
communauté territoriale, c'était la ville
« natale » et cette notion s'est maintenue au Moyen
Âge 296(*) : la
patria demeurait une collectivité territoriale, c'est-à-dire :
« le pays » (du latin pagus) ou même à
l'intérieur de celui-ci : la seigneurie ou la ville où l'on est
domicilié. Les habitants de la « patria »,
étaient soumis à une coutume territoriale (consuetudo patria, ou
coutume du pays). Cette « patria » se définissait
négativement par rapport aux hommes « estranges »
297(*).
Ainsi nous pouvons dire qu'au Moyen-Age, il s'agissait en fait
d'une appartenance, générale à « la patria
communis » 298(*). C'était là, une conception trop
étriquée de « la nation » d'où la
nécessité d'un cadre plus large et c'est entre ces
collectivités territoriales (seigneuries, villes, domiciles ...), que va
se glisser l'État national moderne. D'un point de vue ethnographique, la
question qui se pose est celle-ci : la race crée-t-elle la
nationalité ?
« La race crée la nationalité dans un
bon nombre d'esprits » 299(*). Mais de nouvelles « races » se
forment autour du monde moderne et le facteur de la langue n'y est pas
d'ailleurs indifférent. En effet, les facilités de migration, de
déplacement, l'existence de grands centres urbains ou des gens de toute
origine se rencontrent, ont réalisé la fusion des anciennes
souches de population dont un grand nombre restait encore en place. IL s'est
formé des types physiologiques. D'autres nations, produites par des
migrations récentes ou toutes sortes d'éléments ethniques
viennent se fondre, créent en réalité une race nouvelle
300(*).
En somme, dut Mauss « c'est parce que la Nation
crée la race qu'on a cru que la race crée la nation »
301(*). Ceci
était pense-t-il simplement une extension au peuple entier des croyances
qui jusqu'alors avaient été réservées aux
« races divines » des rois, aux « races
bénies », des nobles, aux castes qui avaient à tenir
leur « sang pur », et étaient allées jusqu'au
mariage entre consanguins pour l'assurer. On pensait que la Nation était
biologique 302(*). C'est
parce que le dernier des Français ou des Allemands a l'orgueil de sa
nation qu'il a fini par avoir celui de sa race 303(*). Donc c'est parce que la
nation peut créer artificiellement une race (avec l'exemple
précité) que l'on a cru que le contraire était possible et
envisageable. Voilà qui conduit à des abus.
En somme, nous dirons avec Renan que « la
considération ethnogra-phique n'a été pour rien dans la
constitution des nations modernes » : il « n y a pas de
races pures » et faire reposer la politique « sur l'analyse
ethnographique c'est la faire porter sur une
chimère »304(*). Mieux, on pourra dire que c'est carrément
faire du Racisme ou de l'Ethnocentrisme 305(*).
Comme dans l'Europe du Moyen âge, le mot
« nation » désignait des hommes venus d'ailleurs
« les barbares » que leur langue distinguait des
autochtones au milieu desquels ils passaient sans se fixer de façon
durable306(*); nous
pouvons dire que ce qui comptait en dehors du sentiment d'appartenance à
la même religion (la chrétienté), c'étaient les
liens qui déterminaient le domicile : le sol l'emportait sur la race.
Comme l'écrit J. Strayer 307(*), l'échelle des
allégeances de la plupart des hommes au Moyen âge était
à peu près la suivante :
« d'abord et avant tout, je suis un chrétien
ensuite un Bourguignon et enfin un Français ». Le souvenir de
l'origine commune se maintient quelque temps, mais avec les migrations, les
races se mêlent et la terre qui abrite le groupe, crée entre ses
membres, quelle que soit l'origine, des liens de solidarité avec le
voisinage qui forgent « un tissu social » fondamental.
C'est ainsi que la « nation » s'étend au groupe
social organisé.
Les individus qui cohabitent sont appelés à
communiquer par une langue souvent commune d'où se forment l'Ethnie,
base même de l'existence de la Nation.
Pour ces raisons, il est important de s'en tenir à la
définition donnée par Michel Panoff et Michel Perrin 308(*) : c'est-à-dire que
la nation = peuple = « ethnos » en grec. En effet la nation
c'est d'abord là où on est né de l'étymologie
« nascere » et là où on est né c'est
d'abord la famille « restreinte » au départ, pour
devenir « élargie », pour devenir le
« clan » où le groupement : nous pouvons alors
l'appeler « ethnie » dans un premier temps puisque c'est la
forme première de l'idée de nation basée sur le sentiment
familiale d'appartenance au groupe. Seulement nous l'avons dit 309(*) le caractère physique
ou physiologique laissera nécessairement place au critère
psychique ou morale dans le cadre d'un espace territorial plus grand : ce sera
la Nation moderne dans sa forme historiquement développée qui
transcende le cadre trop étroit de l'Ethnie mais qui peut toujours
être appelé « ethnos » dans le sens de
« peuple ». Car rappelons que si
« l'État » a pour base le
« peuple », « l'ethnie » qu'on appelle
aussi « nation » ne correspond pas à
« l'État » moderne qui s'oppose à l'Etat
traditionnel en Afrique noire.
Aussi, peut-on remarquer dans le Sénégal moderne
comme la plupart des jeunes États africains, la persistance d'un
particularisme qui prend parfois l'aspect d'un véritable
« micro-nationalisme » 310(*) et qui découle d'une certaine ignorance. Car
si la « nation » suppose une
« naissance » 311(*), (vu l'étymologie
« nascere ») ; la nation moderne qui s'est dès lors
construite sur les ruines des États traditionnels suppose une seconde
naissance, c'est-à-dire une re-naissance 312(*), par une co-naissance (pas
vraiment ici dans le sens de savoir, mais de « co » comme
co-existence de plusieurs naissances) 313(*). De là, la question des liens entre
l'État et l'Ethnie.
Paragraphe 3 : Niveau politique : liaison du fait
politique et du fait linguistique, de l'État et de l'Ethnie.
Un mécanisme d'intégration est possible entre
les groupes une fois qu'une formation d'envergure plus large que la tribu, la
cité ... est rendue possible par les conditions économiques,
géographiques, démographiques et autres. En même temps que
le groupe se consolide, se forgent une « conscience », un
« reflet de soi », une image que les membres du groupe
ont d'eux-mêmes, une attitude fonctionnelle et un attachement vital, une
allégeance par rapport à cette formation sociale.
Si nous prenons l'exemple du Grand Djolof 314(*), nous voyons que des groupes
qu'on pourrait appeler des « nations » se sont
formés vers le XV° et XVI° siècles autour du fait
linguistique et du fait ethnique, tel est le cas des wolofs sereer et
malinké : il y avait trois exemples identifiables par leurs langues et
qui occupaient le grand Djolof ; le critère linguistique nous l'avons
dit était largement pris en compte pour identifier ces
« peuples ». Et le Grand roi dirigeait à cette
époque là, pour ainsi dire trois « nations »
à savoir les wolof , les sereer et les malinké 315(*).
On peut essayer de préciser avec R. Lemberg 316(*), les modes
d'intégration possibles et envisageables d'un point de vue sociologique
: d'abord vis-à-vis de l'extérieur, affirmation d'une
supériorité et cela d'autant plus que l'on part le plus souvent
d'une situation d'infériorité ou de résistance ou de
défaite ; une pression extérieure ou une menace réelle ou
même imaginée.
Ensuite, on assiste à l'imposition d'un système
de valeurs communes et déclarées ; un ensemble de mesures
destinées à assurer l'unité, l'intégrité du
groupe 317(*). Ce
système peut être qualifié d'universel et donc applicable
à l'Afrique, au cas du Sénégal en particulier.
- Dans ce cadre, des ethnies ou
« quasi-nations »318(*), peuvent être en situation
d'indépendance et plus ou moins unifiées, plus ou moins
intégrées dans « l'État » qui
correspondait soit au royaume soit à l'Empire ...
Elles formaient ainsi des « minorités
idéologiques à caractère
ethnico-national »319(*) parfois rattachées à une
communauté religieuse, parfois plus ou moins spécialisées
dans une fonction sociale (forgerons ...) et prenant ainsi le caractère
d'une caste. Elles pouvaient se réduire jusqu'à disparaître
parfois par fusion ou alors être en sécession revendicative ...
A titre d'exemple dans le Kayor, les hiérarchies
d'ordre et de castes étaient susceptibles d'engendrer des crises et de
libérer des forces capables de liquider l'équilibre entre les
classes ; mais il n'en fut rien et c'est plutôt le compromis qui s'est
imposé à travers des ajustements et des accommodements dont il
n'est évidemment pas possible de rendre compte ici. Ainsi
« les réalités sociales concernées par des
clivages d'ordre et de castes n'auront de ce fait exprimé qu'un
dynamisme conflictuel, un dynamisme d'ajustement et
d'équilibre » 320(*). Autrement dit un dynamisme politique.
En effet d'après Pathé Diagne 321(*), les dirigeants appartenant
aux castes ont été non seulement des chefs
« responsables de l'ordre dans leur communauté »,
mais aussi des conseillers, et même, du fait de leur statut social, des
« courtisans attachés au service des autorités
politiques de catégories sociales
supérieures »322(*).
L'effort d'organisation politique de la société
est un fait patent en Afrique. Nous avons essayer de le démontrer mais
plus encore : la question qui se pose pour l'Afrique en général
et pour le Sénégal en particulier est de savoir si les
sociétés politiques africaines traditionnelles ont
développé la notion « d'État » et
surtout l'idée de « nation » ? Nous y avons
répondu partiellement mais il convient d'étendre l'analyse
à tous les niveaux possibles.
En admettant que l'État soit apparu avec ses
mécanismes de coercition, sa fiscalité ses structures, est-ce que
l'État n'était pas lié, voire identifié à la
personne du roi ou du chef ? Autrement dit est-ce-que l'État se
situerait au dessus du roi ?
Quel est le type d'idéologie qui apparaît pur
justifier l'État ? Et quel est la place des composantes sociales dans le
vie politique ? Quel est la part de l'Ethnie dans l'État africain ?
Le peuple, l'Ethnie, la nationalité sont des vocables
différents pour désigner divers types de formations globales
d'une envergure qui dépasse et transcende celle des groupements globaux
primaires à savoir : les clans, les tribus, les villages, les
cités-Etats, les provinces ... Ils impliquent tous un tissu de
solidarité unissant ces groupements ethniques et (ou) territoriaux. Tout
groupement de ce genre a au minimum une « conscience », une
idéologie implicite qui correspond à sa perception de la
réalité. Aussi, un effort théorique est parfois fait et
où le groupe ethnique comme « quasi-nation » s'y
trouve défini, délimité par rapport aux autres. Ce sont
des manifestations d'unité.
Donc pour le Sénégal des XV° et XVI°
siècles, on fournit une référence étatique mais
avec une base et des critères linguistiques, pour définir
l'Ethnie et partant la « nation ». C'est pourquoi on peut
parler d'une liaison du fait politique et du fait linguistique, de
l'«État » et de l'Ethnie ...
Cependant, il faut noter que l'Empire wolof du XV°
siècle comme la plupart des empire englobent plusieurs ethnies ou
« quasi-nations » plus ou moins unifiées dans un
cadre plus grand l'«État »323(*).
Du point de vue de la « conscience des
peuples », les divergences culturelles au sein de l'empire wolof
entraînaient des structures parallèles, doublées de
structures étatiques (de petits royaumes : Kayor, Baol, sine-Saloum ...)
qui englobaient une Ethnie déterminée ou une fraction importante
de celle-ci. Ceci est du reste un des facteurs d'ambiguïté du
sentiment d'appartenance à une seule « nation ».
Mais il s'agissait d'un pacte, d'un « compromis » en
quelque sorte 324(*).
L'unité politique dépendait donc de la
puissance ou de la force politique de l'«État ». C'est
pourquoi une Ethnie devient vite dominante pour imposer sa force aux autres
ethnies. Voilà qui explique sans conteste : l'hégémonie du
Jolof du XV° siècle. Car il fallait une formation solide par
delà les ethnies qui s'est traduite par le Grand Djolof.
Ainsi toutes les nations ont connu d'une façon
générale ce développement historique qui se traduit par
l'affirmation d'une « Ethnie » avec la transposition des
liens de parenté, la naissance d'une culture dynamique par ce que
globale, et qui est le fondement essentiel de l'idée que nous avons de
la « nation » en Afrique noire.
Paragraphe 4 : Niveau religieux : les
« croyances » comme facteur d'unité
C'est Amadou Hampathé Ba qui disait justement à
ce propos : « essayer de comprendre l'Afrique et l'Africain sans
l'apport des religions traditionnelles serait ouvrir une gigantesque armoire
vide de son contenu le plus précieux »325(*).
Qu'est-ce à dire sinon qu'on ne saurait comprendre la
société africaine dans tenir compte du spirituel car les
sociétés africaines sont profondément attachées aux
mythes qui pour Bernard Durant « commandent l'ensemble de leur
comportement » 326(*). Il n'y a pas d'ailleurs pense-t-il de
séparation entre le régulier (ou sacré) et le
séculier : « entre le spirituel et le matériel de
l'existence »327(*)
C'est un fait patent que al religion occupe dans l'ensemble,
une place importante dans la société africaine.
Mais il serait aussi dangereux de tout relier au
« mythe ». Il faut tout simplement donner à la
« croyance », la place qu'elle mérite dans la
pensée et les structures socio-politiques africaines. Car même
dans les sociétés occidentales la religion a joué un
rôle unificateur l'objet de la religion étant de relier (ou
religare en latin). C'est pourquoi même dans la France du Moyen-Age la
dépendance était d'abord vis-à-vis de la
chrétienté 328(*).
Il est vrai aussi que dans le monde traditionnel africain, la
religion s'adresse à l'individu à travers la communauté,
c'est-à-dire, la vie collective. Les rites collectifs liés aux
croyances et partant à la religion329(*).
Du point de vue de l'histoire institutionnelle, il faut aussi
une connaissance de la pensée morale et juridique traditionnelle. Le roi
se veut d'abord « juste » dans l'Afrique noire d'hier.
C'est pourquoi un roi ne pouvait exercer un pouvoir
« arbitraire » donc injuste. Nous avons aussi longuement
démontré 330(*), qu'il n'y avait pas vraiment de rapport
« gouvernants-gouvernés », mais plutôt des
rapports en terme de « charge » ou de responsabilité
morale du groupe. Cette charge est liée à l'harmonie du groupe et
même à son vecteur naturel ; l'ordre de l'univers.
A - Le roi comme « symbole
vivant » de la prospérité du pays
Ainsi même dans les sociétés
« étatiques » africaines marquées par
l'existence d'un pouvoir central, le roi n'est pas vraiment une
« tête politique, mais plutôt un centre de gravité
: un « pôle ». A ce pôle étaient
rattachées des croyances en ce sens que le roi devait d'abord assurer
« la prospérité » du peule
considéré comme la communauté.
Ceci est traduit dans le cadre des royaumes
sénégalais par les cérémonies d'intronisation du
Grand Roi du Jolof : le Buurba ; qui tenait des graines en symbole de la
prospérité du pays 331(*). Même dans les autres dynasties le roi
était une sorte de magicien 332(*) , détenant une force sur la pluie ... pour
dire que les souverains étaient considérés d'abord comme
« des symboles divins de la santé et de la
prospérité de leur peuple »333(*). Autrement dit le roi devait
avoir une maîtrise ou une influence « positive »
s'entend, sur les forces de la Nature.
Une fois sa mission réussie, le roi est
considéré comme un « intercesseur » entre les
hommes qu'il dirigeait alors et la divinité qu'il représentait. A
côté de cette mission d'abondance le roi avait un rôle
d'arbitre.
B - Le souverain comme guide « ou arbitre
suprême » du pays
Dans l'Afrique d'hier la religion était très
fortement liée à la coutume et même de nos jours la
distinction entre les règles religieuses et coutumières n'est pas
si évidente.
Dans le Sénégal traditionnel à
côté de la religion, il y avait la coutume et comme le fait
justement remarquer Bernard Durand : « le poids des traditions impose
aux individus des attitudes et des normes à
suivre » 334(*).
La liaison entre le pouvoir et la religion apparaît
à partir, du moment où dans les sociétés wolof
traditionnelles ; le roi est présenté comme « un
arbitre » 335(*), alors que les règles en vigueur avaient pour
seul fondement la Tradition mais quelle tradition ? La coutume est ici en tout
cas très liée à la religion, à la croyance. On peut
à partir de là dire qu'il y avait une confusion ou une
assimilation des deux sous forme de « tradition ». Et selon
que le roi était « animiste » ou
« musulman » il est évident que les sanctions
n'étaient pas les mêmes ; l'Islam ayant des prescriptions
particulières ...
C'est dire que le Roi dans la société wolof
traditionnelle n'avait pas la fonction de
« législateur » : les « lois »
n'émanaient pas de lui mais de la Tradition, c'est-à-dire en
définitive des croyances.
En sommes si l'aspect mythique ou tout simplement religieux
est important dans la compréhension des institutions africaines
traditionnelles, il est non moins évident que dans la recherche de la
définition de la « Nation » elle « ne
saurait plus offrir une base suffisante à l'établissement d'une
nationalité moderne » 336(*). Même si dans l'Afrique traditionnelle elle se
traduisait par des rites communs, le développement des villes, des
cités modernes, fera en sorte que le religion devienne d'une
façon générale une « chose
individuelle »337(*).
Mais nonobstant cela, des doutes subsistent car cette attitude
religieuse marquée par « l'individualisme » concerne
l'occident et les occidentalisés. L'Afrique nous l'avons dit est un
« carrefour culturel » entre l'Occident (accompagné
des moeurs chrétiennes), l'Orient (accompagné de l'Islam) et la
Tradition africaine propre (basée essentiellement sur l'animisme). C'est
en raison de cette distinction que le problème religieux dans l'Afrique
moderne devient « épineux » en quelque sorte.
En effet avec l'émergence des
« nationalistes » musulmans, on a vu apparaître
l'idée d'un État qui ne serait plus basé sur
l'Aristocratie ni sur la démocratie mais sur la Théocratie.
Nationalisme qui s'est manifesté dans le XV° siècle avec
Amari Ngoné au Sénégal, et qui a pour vocation
d'unifier.
Nous avons aussi vu se développer des
résistances africaines jusqu'au XIX° siècle et même au
delà de cette date ... Nous verrons qu'il y a eu des
« résistances » à la forme de gouvernement
occidental moderne (française en l'occurrence) et cette fois
basées sur l'Islam. Lesquelles se traduisaient par une sorte de
« nationalisme »338(*).
Remarquez que si la « nationalité
moderne » au sens où l'utilise Renan est toute
différente du « nationalisme » (au sens large), il y
a cependant une idée qui les font étymologiquement se regrouper
c'est : la « nation » et pratiquement avec un même
objectif : l'unité 339(*). Il convient maintenant d'essayer de définir
le « peuple » et de résoudre du même coup
l'équation « peuple = ethnie = nation ».
Paragraphe 5 : Essai de définition du
« peuple » ou l'équation : « ethnie =
peuple = nation »340(*)
Les réalités historiques que nous venons
d'évoquer dans ce chapitre consacré, rappelons-le, à
l'analyse de la notion de « peuple » dans le
Sénégal traditionnel, nous appellent à nous interroger
finalement sur l'acceptation qu'il convient de donner au mot
« peuple ».
Étymologiquement « peuple » vient
du mot « populus » qui dans la civilisation
gréco-romaine renvoyait certes à un corps constitué
d'individus, mais surtout à l'élément de la
société la moins favorisée : « la
plèbe ». En effet dans l'Antiquité romaine, on parlait
de « la Plèbe » qui correspondait au dernier ordre
de la population après les praticiens et les chevaliers
c'est-à-dire après l'aristocratie 341(*). Donc à Rome
était plébécien celui qui n'appartenait pas à la
noblesse.342(*)
D'ailleurs dans la conception du dirigeant africain moderne,
le peuple est l'élément le moins favorisé. C'est ainsi
qu'on a pu souvent entendre dans les discours des cadres africains modernes,
l'expression : « nous allons voir ce que nous pouvons faire pour
notre peuple »343(*).
Mais ici c'est plutôt la définition ethnologique
du peuple qui nous intéresse en ce sens que le peuple est à cet
endroit, considéré comme un ensemble structuré et
localisé d'êtres humains se considérant comme formant un
« groupe culturel spécifique »344(*).
Cette définition ethnologique renvoie à
l'étymologie du mot « Ethnie » qui du Grec
« ethnos » signifie « peuple ou
« nation »345(*).
Il s'agit là tout simplement « d'un
groupement humain caractérisé par des traits culturels
communs » 346(*). Cette définition ethnologique ne
précise pas de façon exhaustive ou même complète,
les éléments culturels qui entrent ici en ligne de compte. On
nous dit seulement qu'il s'agit « d'un groupement d'individus
appartenant à la même culture (même langue, même
coutume etc...) et se reconnaissent comme tels »347(*).
Notons qu'ici la dépendance vis-à-vis d'un
État ou d'un gouvernement n'est pas réellement prise en compte,
car même les habitants d'une même ville peuvent être
considérés comme un peuple 348(*).
Le « peuple » peut aussi renvoyer à
une race 349(*). Mais
qu'est-ce alors qu'un race ? 350(*)
Le peuple renvoie dons étymologiquement à
l'Ethnie et à la nation. D'où l'équation peuple = ethnie =
nation.
Seulement il y a le « groupe ethnique »
qui prend des sens différents selon les auteurs et qui dépend des
traits que ces derniers utilisent pour le caractériser. Il y a aussi
« l'unité ethnique » qui peut être
« l'un quelconque des groupes auxquels appartient un individu
(famille nucléaire, famille étendue, village, tribu
etc.)351(*).
Il y a donc ici une dynamique qu'il faut montrer avec
précision, ainsi que les éléments de définition du
peuple considéré comme « ethnos » dans son
sens large.
Si le « peuple » est lié à
« l'ethnie » qui est elle aussi liée à la
« nation » ; on, revient par conséquent à la
définition de la « nation » qui vient de
« nascere » c'est-à-dire là où on est
né et là où on est né c'est d'abord la famille,
avons nous dit. Et là, la notion de famille
« élargie » ou
« étendue » retrouve tout son sens dans la mesure
où dans la société traditionnelle africaine, d'une
façon générale, dans le Sénégal traditionnel
en particulier, la communauté est dirigée par un
« pater » un patriarche 352(*).
Donc dans la conception africaine, le peuple pour nous
correspond d'abord à une « Grande famille » : en
effet dans le droit négro-africain, comme nous le fait remarquer Bernard
Durand 353(*), la
« consanguinité n'est pas une donnée essentielle de la
parenté ». C'est dire que la parenté est d'abord
psychique ou morale, plutôt que physique ou basée sur le
« lien du sang » ; en effet celle-ci est davantage sociale
et religieuse ; parce qu'être parent c'est avant tout appartenir au
groupe sociale et cette appartenance suppose, a n'en pas douter,
« une participation à tous les préceptes religieux ou
moraux du groupe »354(*).
Par ce fait on retrouve donc le concept de « famille
élargie » qui fait que des hommes qui n'ont aucun lien
physiologique avec le « père-fondateur » ou
l'ancêtre du groupe, participent à la « Grande
famille ». En raison des activités que le groupe est
amené à assurer, des activités vont naître autour de
certaines professions (pêcheurs, agriculteurs, forgerons, tisserands,
griots etc.) pour assurer la survie et l'éducation du groupe ; il y aura
une nécessaire « spécialisation » des
fonctions et ce sera une des raisons de l'apparition des
« castes » tout comme des « classes ».
Tel est aussi le cas des esclaves, des clients ou des travailleurs qui ont
témoigné de leur volonté de participer aux
activités de la communauté.
En Afrique en général, au Sénégal
en particulier, ce processus « d'extension » de la famille,
entraînera du même coup un processus de
« parentalisation ». Laquelle se traduit par les
parentés « par plaisanterie » et qui constituent une
sorte « d'alliance » basée sur la
solidarité.
La « famille élargie » est d'abord
un regroupement de personnes, le plus souvent autour d'un village avec un
« père fondateur » mais pas toujours autour d'une
« ethnie » au sens de « race commune »,
quoique la langue ait eu souvent à être considérée
comme le critère de la race ; ce qui n'est pas toujours vrai puisque des
hommes venus de très loin peuvent s'installer autour d'un village et
emprunter la langue qui reste l'outil principal de la communication entre les
hommes.
Le groupe exigera une sorte d'abnégation et un
dévouement total à l'intérêt du groupe :
« servir » sera le maître-mot du groupe. Cette
pensée sera à l'évidence, l'outil de la cohésion
même du groupe ...
Naîtront ainsi des pratiques communes, des rites
communs, la manifestation d'unité naît et se perpétue,
notamment par le biais de
l'éducation 355(*)..
Le groupe s'organisera en occupant la terre avec des
« cercles concentriques »356(*) et il deviendra « un » et
« indivisible » ou alors il devra disparaître avec
les risques de conflits. Chaque cercle représente une
génération avec des droits et des devoirs.
De là naît « peuple » dans sa
manifestation aussi bien spirituelle que temporelle !
On retrouve par là les trois principales qu'Alain
Touraine définit comme indispensable à un « mouvement
social complet »357(*) : il s'agit du « principe
d'identité », du « principe d'opposition »
(à un adversaire) et du « principe de
totalité », c'est-à-dire une adhésion à
des références ou valeurs, à une philosophie et des
idéaux admis par tous.
Ce qui conduit une fois que des liens concrets se tissent, une
fois qu'il existe une « âme » collective à une
conscience du groupe qui se forge lentement mais sûrement. C'est la
« paix » du groupe qui devient l'élément
moteur de l'organisation sociale. De là l'idée que le
« peuple » est : « la partie saine de la
nation »358(*)
; c'est-à-dire cette frange sociale débarrassée de
l'égoïsme, de la volonté d'exploitation ou d'asservissement
de l'autre, et qui est mue par cette « conscience » ; cette
« volonté de vivre ensemble ».
Notons qu'ici « la nation » s'emploie dans
un sens plus large que l'Ethnie parce que dans l'Afrique moderne, comme dans
les sociétés modernes, la nation n'est plus utilisée au
sens restreint de : « ethnie ». Il y aura comme dans les
sociétés modernes une confusion sous le nom de
« nation » entre des sociétés très
différentes par soi-disant « leur rang
d'intégration »359(*) : en effet il y aura confusion dans l'idée de
nation entre ce qu'Aristote appelait peuple ou « ethne » et
d'autre part ce qu'il appelait « polis »360(*) qui signifie cité ou
État. C'est la raison pour laquelle nous avons dit plus haut que si les
États modernes ont pour base : le « peuple » ;
« l'ethnie » qu'on appelle aussi
« nation » ne correspond pas à l'État
361(*)
Et que si nation signifie « nascere » (ou
naître pour former une nation moderne il faudrait nécessairement
une re-naissance
(ou re-naître) 362(*).
C'est pourquoi Renan dira d'un point de vue
géopolitique que « ce n'est pas la terre pas plus que la race
qui fait une nation »363(*).
C'est pour les mêmes raisons que dans les empires
pluri-ethniques il y avait le « mythe » du souverain
364(*) pour favoriser
l'unité morale ou la cohésion du groupe.
C'est enfin convaincu de ce qui précède que nous
pensons que l'existence d'un groupe est nécessaire mais pas suffisante
pour l'édification d'une nation ; car la manifestation de
l'unité, par delà les unités matérielles (notamment
par la race, la langue, l'espace ...), doit avant tout être spirituelle,
morale pour être prise en compte réellement dans la notion de
« peuple et partant dans celle de « Nation ».
Après avoir essayé de définir la notion
de « peuple », nous pouvons envisager les rapports entre
les peuples dans le Sénégal traditionnel.
CHAPITRE II : LES RAPPORTS ENTRE LES PEUPLES DANS
LE SÉNÉGAL TRADITIONNEL (XVI° SIÈCLE)
Les pratiques ou activités peuvent être
accompagnées d'un militantisme et ce militantisme peut prendre un
caractère exclusif pouvant aller jusqu'au combat.
C'est pourquoi des rapports de paix on en arrivera aux
rapports de guerre.
SECTION I : LES RAPPORTS DE PAIX :
(COOPÉRATIONS, COMMERCE ...)
Paragraphe 1 : Activités
traditionnelles
Dans les sociétés africaines traditionnelles,
les activités sont surtout axées sur l'agriculture qui
était du reste a prédominance vivrière, ce qui excluait
toute idée de surproduction dans la mesure où les moyens
« techniques » étaient, on l'imagine bien,
rudimentaires ...
Loin de nous ici l'idée de « mépris
(...) pour le travail » ou de
« désintérêt pour une progrès
technologique (...) » comme chez les
« Yanomami »365(*) que nous décrit Jacques Lizot 366(*) encore que chez ces derniers
nous pouvons noter leur belle philosophie de l'existence, basée sur des
besoins limités ou codés 367(*) ; il fallait d'abord produire pour assurer la survie
du groupe ...
En effet l'agriculture qui était pratiquée dans
le Sénégal traditionnel était celle de subsistance, la
fiscalité était faible car « ils se soucient peu
d'avoir à vendre » Da Mosta traite d'ailleurs ces personnes de
« mauvais laboureurs et des hommes qui ne veulent pas se fatiguer
à semer ...) »368(*). Il y avait aussi des activités de cueillette
369(*). Les techniques
agricoles sont aussi décrites par Da Mosta 370(*), cette méthode ne
semble pas d'ailleurs avoir beaucoup changé.
On note le petit nombre (quatre ou cinq personnes) qui est
employé dans l'exploitation et cela montre qu'il s'agissait
d'exploitations familiales. Mais la propriété des terres
était collective à un niveau beaucoup plus large
dépassant parfois le cadre du village, sous la direction du maître
de la
terre : le « Laman ».
L'élevage occupait également une place
importante dans la vie des populations du Sénégal traditionnel
371(*). Il y avait
à l'intérieur du Grand Djolof de grands élevages de
vaches 372(*).
Mais il y avait très peu de chevaux qui y soient
nés (...) les chevaux étaient paraît-il apportés par
les Chrétiens et les Maures ... 373(*).
Ils étaient principalement utilisés comme
montures de guerre 374(*).
A partir du XV° siècle, il semble que les chevaux
feront l'objet d'échange avec les Européens 375(*). Mais par la suite
l'augmentation du nombre des chevaux modifiera en fait les rapports de force
à l'intérieur même de la société wolof
376(*).
Ainsi l'agriculture, l'élevage, tout comme la chasse et
la cueillette étaient pratiqués par tous les peuples du
Sénégal traditionnel du milieu du XV° siècle
377(*).
Nonobstant la diversité ethnique, une certaine
unité apparaissait quant à la vie et aux moeurs pratiqués
: Da Mosta 378(*)
indique que : « presque tous se conduisent de la manière des
noirs du fleuve Sénégal précité et ils mangent les
mêmes vivres, sauf qu'ils ont plus de riz »379(*).
L'exemple des chevaux est ici très probant dans la
recherche de l'idée de nation, dans la mesure où il confirme
l'idée que des rapports de paix peuvent parfois découler des
rapports de force ; alors que ce qui caractérise la notion de
« peuple » et partant celle de
« nation » c'est « la paix » du groupe.
Nous avons en effet dit plus haut que le « peuple » c'est
cette « frange » sociale qui est débarrassée
de la volonté d'exploitation et d'asservissement de l'autre.
Mais ces activités traditionnelles qui existaient
à côté des activités commerciales, seront
modifiées avec l'arrivée des Européens qui vont introduire
des produits de subsistance qui occuperont une place importante dans le
Sénégal moderne.
Paragraphe 2 : Les activités
commerciales
Dans le Sénégal d'hier, des activités
d'échanges se déroulaient le plus souvent à
l'intérieur du groupe, dans des marchés périodiques ; et
aussi à l'extérieur dans des marchés de proximité,
mais de faible dimension.
En effet, du point de vue commercial 380(*), on peut noter avec Da
Mosta381(*), l'existence
de petits marchés ruraux locaux, et d'autres plus éloignés
; mais il n y avait pas semble-t-il d'assez grands marchés, ces
marchés se tenaient à des jours fixes et on y trouvait surtout
des produits agricoles et artisanaux. C'étaient des marchés
relativement « pauvres » à en croire Da Mosta
382(*).
Cependant Fernandes 383(*) affirme cependant qu'on emportait des produits dans
des pots pour les vendre dans les marchés des autres peuples384(*). Des produits venant
d'ailleurs pouvaient aussi être vendus sur les marchés
locaux 385(*).
Mais il est ici à noter qu'en raison des sources dont
nous avons pris connaissance et surtout de l'opposition entre le système
« communautaire » et
« individualiste », nous pouvons dire que l'Afrique
traditionnelle, au Sénégal en particulier, la circulation des
biens était placée dans une optique toute différente de
celle propre à l'Europe. Car en fait : il n'y avait pas de
système monétaire, c'est le système de troc qui
était utilisé pour le commerce local comme le grand commerce. Da
Mosta 386(*), en
convient de bonne grâce et il se montre très catégorique en
disant au sujet des peuples de la côté occidentale d'Afrique que :
« »...) tout leur marché se fait par
troc »387(*).
Cette observation est aussi confirmée par Fernandès388(*).
Le régime de troc semblait convenir aux gens de
l'époque, les structures sociales étaient de nature à
favoriser des échanges bilatéraux entre agriculteurs et artisans,
entre régions côtières et intérieures. Les
échanges n'avaient pas besoin à la limite, de transiter par les
marchés ; voilà qui explique peut-être la rareté des
produits sur les marchés.
Il en découle que la société africaine
« moderne », marquée par l'introduction d'une
unité de valeur différente des biens d'échange (la
monnaie) et le matérialisme, entraînera une individualisation des
rapports sociaux dorénavant régies par les lois et jeux
économiques nouveaux, parfois « inhumains ». Car
dans l'Afrique d'hier la valeur et la circulation des biens n'avaient
réellement de sens qu'à travers les relations sociales
marquées par des normes de solidarité et d'assistance,
c'est-à-dire dans le cadre d'une ethnique fondée sur
« le don et le contre don »389(*).
Les échanges entre la Sénégambie et les
régions intérieures du Soudan étaient assurés par
les « Ungaros »390(*). C'est-à-dire les Wangara391(*), ces marchands avaient
établi un vaste réseau sur le Soudan, mais les régions
wolofs étaient quelque peu à l'écart et Jean
Boulègue nous dit que « les Wangara n'y sont pas
signalés »392(*).
La société wolof restait elle même
dépourvue de marchands spécialisés ; les échanges
locaux étaient faibles et les échanges extérieures ne
concernaient que très faiblement la population
sénégambienne du milieu du XV° siècle 393(*).
Ainsi, nous entrevoyons que dans l'Afrique d'hier, dans le
Sénégal traditionnel en particulier, l'économie
était très liée au social et à la politique ; il y
avait un « code » d'entraide ou d'obligation sociale, en ce
sens que le commerce était fondée sur cette exigence de
solidarité dans le but de renforcer non seulement la cohésion du
tissu social, mais également pour intégrer d'autres
catégories de personnes au sein du groupe.
C'est dire que le commerce avait une fonction de
« régulation sociale » autrement dit de
rééquilibrage constant de la société. Voilà
qui expliquerait sans nul doute la participation des chefs dans un but
(pourquoi pas) de récupération politique de ces mécanismes
de circulation des biens.
En effet dans le commerce transsaharien avec le
Sénégal d'antan, les souverains y participaient car
c'était pour eux l'occasion de fournir des esclaves capturés
pendant les guerres et aussi d'acheter leurs chevaux ; il semble qu'ils
traitaient directement avec les Berbères et Arabes qui tenaient ce
commerce nord-sud, même jusqu'à l'intérieur de la
Sénégambie.
Da Mosta nous apprend qu'ils venaient sur les marchés
wolof et la Tradition du Kayoor rapporte que les Maures les plus anciennement
établis dans le pays (Naaru Kayoor) avaient entre autres
activités, celle de marchand de chevaux394(*), même les Marabouts
blancs faisaient du commerce à côte de leur activités
religieuses.
Dans cette perspective, nous pouvons croire que le commerce
traditionnel était également un moyen idéologique pour les
souverains, pour les pouvoirs alors en place.
C'était un moyen d'assurer la cohésion sociale
par des solidarités entre famille, entre clans, cités ou
« Etats ».
Voilà qui expliquerait pourquoi la politique comme le
social était dans l'Afrique traditionnelle liés à
l'économie 395(*).
Les rapports de paix sont certes parlants du point de vue de
l'existence de la nation puisqu'il dénotent une certaine
stabilité sociale. Encore, les rapports de force sont-ils des exemples
plus révélateurs quant à la recherche de l'idée de
nation dans le Sénégal traditionnel.
SECTION 2 : LES RAPPORTS DE FORCE : NOUVELLES
FORCES, DISLOCATION DU « GRAND DJOLOF » ET FORMATION
D'UNITÉS NOUVELLES AU SÉNÉGAL
Dans le Sénégal traditionnel, il y a d'une
façon générale comme moyen de répression et aussi
de défense, la Force Armée qui reposait avant tout sur les chefs
396(*).
Il y a enfin toute une conception de l'honneur qui astreint
les dignitaires d'un pays à assurer la liberté et le renom des
terres qu'ils contrôlent. L'encadrement des forces armées sera
ainsi assuré principale-ment par la noblesse et les hauts dignitaires de
l'ordre des hommes libres. Les classes moyennes attachées
essentiellement au travail de la terre ou à d'autres activités
qui les écartent de l'exercice du pouvoir politique en sont pratiquement
exclus. C'est ce qui fait dire à Pathé Diagne que :
« Sur ce plan encore on constate la confusion entre la
détention du pouvoir politique et la capacité de
combattre »397(*).
Ainsi, ce sont les chefs politiques qui doivent
défendre la communauté. Dans le Sénégal d'hier le
chef politique est non seulement un chef de famille mais aussi un chef de
guerre chargé de protéger le groupe dont il a la charge. Ils
peuvent cependant d'entourer des individus qu'ils se sont attachés pour
les servir, tels que les esclaves qui sont leur propriété et les
« Sourga » qui se sont librement subordonnés
à leur autorité ...
Si l'on prend le Kayoor à titre d'exemple, on se rend
compte que les conditions historiques n'ont pas à l'origine
nécessité la mise sur pied d'un appareil de guerre permanent car
: « Les forces combattantes ont pendant longtemps été
mobilisées grâce au regroupement d'éléments dont le
métier de guerrier n'était qu'occasionnel »398(*).
C'est l'instabilité dans laquelle le pays fut
plongé qui amènera progressivement à dégager de
toute activité, partie de ceux auxquels on avait accordé le droit
de se battre ou d'assister les guerriers pour les transformer en combattants
permanents 399(*).
Le métier des armes restait pour eux épisodique
comme pour leurs congénères appartenant aux lamanes et autres
dignitaires du pays. Au fur et à mesure que se renforce cependant
l'autorité du pouvoir central, celui-ci va de plus en plus recourir
à cette caste d'esclaves pour contrôler le pays et réprimer
les tentatives d'autonomie et d'indépendance. Ceci dans le but de
préserver une unité, un état ou plutôt
« l'Etat ». Et qui dit « Etat » dit
quelque part « Nation »400(*).
L'Etat de guerre presque continu que le Kayor connaîtra
au cours des deux derniers siècles de son existence transformera
davantage cette situation. Le pouvoir central va s'appuyer sur eux pour
affirmer sa volonté à l'intérieur et pour réaliser
ses visées à l'extérieur. Ce corps de
« Tiéddo » (guerriers) finira par effacer toutes les
autres forces pour revêtir le caractère d'une institution
politico-militaire permanente et au service surtout du monarque 401(*).
D'une façon générale pour le Grand
Djolof, on sait que le Buurba (le Roi) disposait vers 1506-1508 de quelques 8
000 cavaliers (selon V. Fernandès) ; de 10 000 cavaliers et 100 000
fantassins selon Pereira 402(*).
Jean Boulègue nous précise que ces chiffres sont
tout simplement « théoriques » et
« vraisemblablement exagérés »403(*).
Mais derrière ces chiffres, peut-être excessifs,
recueillis par Pereira, il y a probablement la réalité d'une
pratique de la mobilisation touchant l'ensemble des hommes libres et pouvant
théoriquement les rassembler tous. C'est un système de ce genre
que décrit certainement Almada, à la fin du XV°
siècle, dans le royaume du Saaloum 404(*).
On voit le système entrer en application grâce
à un passage de Donelha, rédigé au début du
XVII° siècle mais rapportant, d'après les traditions orales,
une guerre du Buurba-Jolof contre le royaume voisin du Nammandiru, dans la
moitié du XV° siècle 405(*).
On peut envisager à cette époque, l'existence
à côté de cette armée occasionnelle d'hommes libres,
une force permanente composée de guerriers professionnels. Mais il
faudra attendre la fin du XVI° siècle et Alvares de Almada pour
avoir la mention des « jaami-buur » en tant que corps
constitué jouant un rôle dans l'Etat quoiqu'il s'agisse du royaume
de Kasa (Casamance) 406(*).
Peut-on étendre la portée de cette information
aux royaumes wolof et sereer et au XV° siècle ?
Nous pouvons tout au moins en être assurés pour
le début du XVII° siècle : ils furent déjà
assez puissants pour jouer un rôle dans la déposition d'un roi du
Kajoor 407(*).
On peut estimer que leur existence n'était pas un fait
récent, qu'elle était depuis longtemps liée à
l'Etat 408(*). Mais il
est aussi probable que les changements introduits par le commerce atlantique,
en développant la puissance de l'appareil d'Etat, ont par la suite
développé le nombre et le rôle des jaami-buur, qui
apparaîtront beaucoup plus nettement dans les sources écrites et
orales au XVII° siècle et surtout au XVIII° siècle
409(*).
En moins d'un demi-siècle (première partie du
XV° siècle), la Sénégambie aura subi un important
changement géopolitique qui perdurera jusqu'à la période
coloniale : de ce changement découlera la disparition de
l'hégémonie du Jolof : le Grand Jolof qui regroupait en son sein
d'autres royaumes (Walo, Cayor, Baol, Sine-Saloum) devenait ainsi le petit
Jolof.
De l'intérieur survint une dynastie peule qui
organisera le Takrûr (au nord) en un important État : le Fuuta
Tooro. Cette invasion (fin XV° - début XVI° siècle)
ravagea auparavant les provinces occidentales de l'empire du Mali.
Le « Kajoor » et le
« Siin » gardèrent leur puissance grâce
à l'ouverture atlantique de la Sénégambie. Les
échanges commerciaux qui se passaient sur la côte maritime,
étaient, à n'en pas douter, de nature à augmenter les
moyens économiques et donc militaires des souverains. Ceci les ayant
poussé à la constitution d'un appareil militaire stable
constitué de fidèles.
Leur potentiel militaire était directement
renforcé par les importations de chevaux, partout au premier plan, et
par celles, « plus discrètes » 410(*) de fer d'armes. Nous verrons
plus loin que cet échange « d'armes » favorisera la
dispersion de l'autorité centrale du Grand roi (Buurba)411(*).
Le Djolof, de par sa situation géographique, ne
bénéficiait pas des mêmes avantages. « Buumi
Jeleen » avait parait-il tenté de surmonter les
problèmes de la continentalité. Après lui, « le
Grand Jolof ne sut ou ne put parvenir » et c'est pourquoi nous dit
Jean Boulègue qu'il subit l'action des nouvelles forces »
412(*).
Enfin, sous les coups du Kajoor, l'unité wolof
éclata et le Buurba se trouva même affaibli au point de passer,
pour un temps, sous le contrôle du Fuuta Tooro 413(*).
La complexité événementielle de ces
épisodes laisse subsister des « points
obscurs »414(*), mais les grandes lignes peuvent être
reconstituées grâce à une tradition orale qui
s'étoffe à partir du XVI° siècle 415(*).
« Parmi les personnages historiques de l'Ouest
africain, Koli Tenguela est un de ceux auxquels s'attachent le plus de
traditions, de légendes, de toponymes »416(*).
Après la conquête de la vallée du
Sénégal, certaines sources indiquent que les Peuls
s'attaquèrent au Jolof. D'après le Târîkh
al-sûdân, après la mort de son père, Koli est
allé s'installer auprès du Roi de Jolof et un jour il fomenta une
trahison contre lui et l'exécuta. C'est ainsi qu'il lui ravît le
pouvoir 417(*).
Dans ce passage, Al-sa'di contracte une suite
d'événements qui s'étalèrent en fait sur trois
quarts de siècle : la conquête du Fuuta, une action
éventuelle de Koli contre le Jolof et l'extension de la domination peule
sur le Jolofaprès la défaite de celui-ci devant le Kajoor. En
effet, ce n'est qu'à l'époque de Koli que le Jolof fut
définitivement disloqué mais un peu plus tard, comme nous le
verrons plus loin.
Il reste que le texte d'Al-sa'di suggère que la
présence de Koli dans le Fuuta ne fut pas sans conséquences sur
son voisin, le Jolof. Les traditions orales le confirment 418(*).
La tradition, rapportée par Yoro Dyao, attribue
à Koli chef peul la destruction du royaume wolof du Nammandiru,
situé dans l'actuel « désert » du Ferlo,
à l'est du Jolof proprement dit 419(*).
Le Nammandiru était passé sous la domination du
Jolof au siècle précédent. Son invasion par les peuls
constituait donc une atteinte au Grand Jolof et facilitera certainement la
dislocation définitive de celui-ci sous les coups de Kajoor.
L'expansion peule ne revêtit pas seulement la forme de
la conquête militaire. Elle se fit aussi d'une manière pacifique,
en dehors des possessions des rois peuls et sans rapport avec les ambitions de
ces derniers. Les peuls éleveurs semi-nomades de bovins, se
répandirent dans les pays voisins, notamment wolof et sereer, vivant
parmi les autres peuples à qui ils apportaient les produits de leur
élevage et dont ils gardaient éventuellement les troupeaux. A la
fin du XVI° siècle, Alvarés de Almada décrit ainsi
leur transhumance qui pénètre dans tout Jolof 420(*).
C'est justement le long de la Gambie que devait les
rencontrer, en 1620, le marin anglais Richard Jobson 421(*).
Le statut du Saloum au sein de
« l'empire » du Grand Jolof resta problématique.
Selon la tradition orale422(*), Mbegaan Nduur, fondateur du royaume, y rencontra
des « Laman », chefs de petits territoires.
Dépendaient-ils directement du Buurba sans passer par
l'échelon intermédiaire d'un roi, comme les régions
voisines ? Ou bien y avait-il un roi du Saalum qui fut par la tradition ? La
dépendance à l'égard du Grand Jolof est en tout cas
certaine puisque dans la seconde moitié du XV° siècle, donc
peu avant Mbegaan Nduur, l'autorité du Buurba s'étendait
jusqu'à la Gambie.
Donc l'intervention de Mbegaan Nduur, roi du Siin, pour se
créer un second royaume dans la Saluum témoignerait de
l'effacement de l'autorité de Buurba-Jolof en cette contrée,
effacement peut-être consécutif au choc subi par le Jolof du fait
des peuls de Tengela et Koli. Par ailleurs, déjà dans la
deuxième partie du XV° siècle, J. Boulègue nous dit
que « le Jolof ne contrôlait pas bien le Siin, base de
départ de la conquête du Saluum »423(*).
Contemporain de Koli Tengela, Mbegaan Nduur, le fondateur du
royaume du Saluum, était d'abord roi du Siin (le onzième, suivant
la tradition orale du Siin) 424(*). L'expansion des Gelwaar (déjà
probablement « sérérisés » dans le
Siin) vers le Saalum est à mettre en rapport avec le commerce
atlantique, auquel le Siin participerait activement. Ici comme ailleurs, les
principales importations consistaient en chevaux ; de plus, dès 1460,
Diogo Gomes y fut envoyé pour réprimer la contrebande des
armes425(*).
Au début du XVI° siècle, la puissance
militaire du Buur-siin et des Gelwaar s'était donc accrue. Ce contexte
économique et militaire favorable aux Etats côtiers, qui nous
semble important pour comprendre l'expansion « gelwaar »,
apparaîtra avec beaucoup plus de précautions dans les documents
concernant un épisode analogue, la victoire du Kajoor sur le Jolof.
Ils ne sont connus que par les traditions orales 426(*).
Il est regrettable de ne pouvoir faire de recoupements avec
des sources écrites ; on peut cependant sentir la réalité,
à travers les prismes du mythe et de l'épopée.
La naissance de Mbegaan Nduur est présentée de
manière légendaire: il serait le fils d'une princesse gelwaar,
soeur ou nièce du roi du Siin et d'un chasseur sereer du Saloum, ce
dernier ayant obtenu d'épouser la princesse grâce à ses
dons de guérisseur et de magicien. En lui attribuant un père
originaire de ce pays, la légende « naturalise » le
futur conquérant du Saalum. Devenu roi du Siin à la mort de son
oncle 427(*), Mbegane
entreprit la conquête du Saalum où la population sereer
était alors en butte à la guerre sainte que menait un serigne
(ou marabout tukulër, c'est-à-dire originaire de la vallée
du fleuve Sénégal (qu'on appelait encore Takrür),
nommé Eli-Bana, installé à Kahoon avec ses tabilés
(ou disciples). Eli-Bana fut donc le premier adversaire de Mbegaan Nduur. La
tradition rapporte que la lutte contre ces musulmans fut longue et difficile ;
ne pouvant réduire Eli-Bana par ses armes, Mbegaan Nduur réussit
à le tuer par la magie, se métamorphosant en serpent.
Après Eli-Banes, il eut encore à combattre son
successeur, Jatara Tembedu, qu'il vainquit et le tua près du village de
Ngac (10 km de Kahoon).
Après sa victoire sur les serignes, il restait à
Mbegaan de soumettre les sereer. La tradition retient ses victoires successives
sur les différentes régions constituant le Saalum 428(*).
Les gelwaar donnèrent au nouveau royaume des
institutions semblables à celles du Siin ; ils s'assimilèrent
à la population sereer du Saalum, comme ils l'avaient fait dans le
Siin.
Il y a aussi la fameuse bataille de Danki.429(*).
Des diverses traditions relatives à cette guerre, on
peut dégager l'idée que : le Buurba-Jolof était alors Lele
Fakk et le Damel Decce (Détié) Fu Njoogu Faal. Ce dernier avait
négligé de payer son tribut pendant trois ans, mais il
désirait normaliser les relations. Il avait un fils, un jeune homme
nommé Amari Ngoné Soblel, qui se proposa pour porter le tribut au
Buurba. Il partit avec une forte escorte, mais le Buurba lui infligea l'affront
de ne pas le recevoir durant une semaine. Amari, irrité, prit le chemin
de retour. Le Buurba se lança à sa poursuite. Amari l'attendit et
le vainquit à Danki (Danki est parfois raconté comme une bataille
loyale et violente, tandis que d'autres en font une embuscade où tomba
l'armée de Lele Fuli Fakk). V. Monteil remarque que l'origine
géographique des traditions influe sur la façon dont les
événements sont rapportés 430(*). Mais l'issue n'est
contredite par aucune. Lele Fuli Fakk fut tué dans le combat. Dece fu
Njoogu proclama l'indépendance du Kajjor. Il mourut peu après et
Amari Ngoné lui succéda.
On ne sera pas étonné que la tradition du Bawol
apporte un point de vue différent de celle du Kajoor en faisant d'Amari
le mandataire de son oncle, le Teegne du Bawol, auquel d'ailleurs il
succédé plus tard 431(*). L'auteur fait remarquer que si Amari était
« ajoor », c'est-à-dire habitant du Cayor, par son
père, il pouvait se réclamer autant d'un royaume que de l'autre.
Cette version rejoint le texte de Donelha qui présente cette
révolte comme dirigée par le « gouverneur de
Portudal » et indique la participation des peuples de la Petite
Côte 432(*).
Le point faible de ces récits est l'absence
d'explications pour le refus de paiement de tribut. Alvares de Almada nous
apporte une version plus satisfaisante pour les circonstances qui ont
précédé la rupture : celle-ci fut
préméditée et préparée par le Damel qui
renforça sa puissance et se ménagea, par des cadeaux et des
promesses, le soutien des chefs. Il n'y eut pas de négligence dans la
paiement du tribut, bien au contraire, car « il fallait tromper
l'attention du Buurba en attendant d'être assez fort pour le
vaincre »433(*).
La dislocation du grand Djolof fut ainsi totale ; elle ne se
limita pas à la seule émancipation du Kajoor, tous les autres
royaumes tributaires en profitèrent, d'après la tradition, pour
se rendre indépendants 434(*).
Il ne faut pas surestimer la portée réelle de la
victoire du Kajoor, en ce qui concerne l'empire : Koli l'avait
déjà ? fortement et Mbegane Nduur en avait pratiquement
détaché les royaumes sereer 435(*). Le prestige du Buurba était cependant
resté assez considérable jusque là pour que Danki soit
retenu par les traditions orales comme un grand événement, la fin
d'une époque.
Comment traduire ces faits par rapports à l'idée
de Nation ?
Peut-on dire qu'il y a eu successivement formation et
dislocation d'une nation : le Jolof ; du fait même de l'existence
à un moment donné de la condensation du pouvoir ?
Ainsi avec ses mouvements chaque royaume gardait ses
institutions, ce qui rendait d'ailleurs l'ensemble Kajoor-Bawol assez fragile.
La nation « Jolof » pour ainsi dire s'en trouvait
éclatée, défaite ...
Ces bouleversements de la première moitié du
siècle aboutirent à une restructuration de l'espace
sénégambien, mieux adapté aux conditions nouvelles.
Les Etats eurent désormais une orientation
périphérique : il était vital pour eux de posséder
une façade maritime ou de contrôler la vallée d'un des
grands fleuves. C'est la situation inverse de celle du XV° siècle,
où la prééminence allait à la région
centrale.
La Kayor était divisé comme le reste de l'Ouest
Africain entre les chefs musulmans ou non) qui soutiennent la politique de
conquête, et ceux qui veulent conserver leur liberté. L'effort
d'entente qui regroupe, contre la conquête des éléments qui
s'étaient violemment dressés, les uns contre les autres peu de
temps auparavant restera néanmoins impuissant. La
supériorité technique des soldats du pouvoir colonial et de leurs
alliés, les citadins des escales, sera pour beaucoup dans leur
échec. Mais l'ébranlement de la société et du
système politique n'y aura pas faiblement contribué. Le
démantèlement des institutions sous l'effet du négoce
atlantique a, à l'époque désarçonné
l'aristocratie. Celle-ci a perdu le contrôle d'elle-même pour se
redresser, au début du XX° siècle, en fractions
irréconciliables.
Jusqu'à la fin du XVIII° siècle, les Damels
pouvaient encore être contenus dans les limites raisonnables par les
Diambours. On voit même vers 1797 les kangan du pays imposer encore leur
autorité à un prétendant qui, après avoir
militairement défait le Damel en place, voulait s'emparer du trône
436(*).
A ce stade, la lutte politique se situe dans le cadre
d'institutions acceptées et simplement mises à mal par des
compétiteurs soucieux d'en interpréter ou d'en infléchir
les principes à leur profit, une fois installés sur le
trône. Là « il ne s'agit même pas d'un
déséquilibre qui transfère momentanément ou
définitivement l'exercice du pouvoir de telle ou de telle autre, mais
d'une dislocation de l'Etat »437(*).
L'anarchie était chronique.
Les personnages qui prétendent assumer des fonctions
politiques sont presque à tous les échelons des chefs
contestés qui s'affrontent continuellement. Dans l'ensemble du pays
438(*), pour toute
fonction, il y a un grand nombre d'individus qui prétendent chacun
être investi pour l'exercer le plus légitimement du monde. La
rencontre de Thialaw Dembniane du Diawril M. Boul rapportée par M. de
Serre est ici encore significative à plus d'un titre 439(*).
L'absolutisme du Damel dépend des circonstances. En
fait l'évolution n'avait pas abouti à instaurer une aristocratie,
mais à la faveur de l'ordre de violence qui s'était
installé 440(*).
D'ailleurs ajoute du Kajoor et Tuube du Waalo 441(*). En amont, la
frontière entre Waalo et Fuuta passera, au XVIII° siècle,
à l'intérieur de la localité de Dagana 442(*). Sur la petite côte,
dès le XVII° siècle au moins un petit cours d'eau marquera
la frontière du Bawol et du Siin 443(*). Par contre, dans l'intérieur, les royaumes
étaient séparées par des zones peu peuplées,
où les limites étaient moins précises, que les voyageurs
des XVIII° et XIX° siècles appelleront
« déserts », en fait des espaces boisés
d'épineux 444(*).
Il s'agit ici du lien entre la géographie et l'histoire. Celle-ci
expliquant celle-là. Les wolof se trouvèrent ainsi divisés
en quatre royaumes qui se maintinrent, dans les frontières à peu
près stables445(*) jusqu'à la conquête coloniale. Mais le
souvenir de l'unité restera vivace 446(*).
Donc malgré les nombreuses contestations à
l'intérieur du Jolof, on peut dire qu'il y avait un sentiment
« national » une conscience collective puisque
l'unité, la stabilité et la paix existaient. Pourquoi ? Parce que
la nation nous l'avons déjà dit est un contrat, un accord de
volonté qui se renouvelle chaque jours et la nation cesse le jour
où il n'y a plus volonté de vie en commun. Qui plus est, le
récit de la rupture, véhiculé par la tradition orale, est
évoqué dans de nombreux écrits européens du
XVII° siècle au XIX° siècle ; l'étymologie a
posteriori du titre de Damel n'est pas, dans ce contexte, dénuée
de l'intérêt historique. En effet, une tradition répandue
fait dériver ce terme du verbe « dam » qui signifie
rompre, et affirme qu'il aurait été adopté par le roi du
Kajoor au moment de sa rupture avec le Jolof.
Le fait est discutable « inexact » selon
J. Boulègue puisque bien avant cet épisode le roi du Kajor
portait déjà de titre, ainsi que l'atteste les Européens
du XV° siècle 447(*). Mais est-ce-que cela ne veut pas dire qu'avant le
Jolof, il y avait d'autres pouvoirs centraux et par la suite
« rupture » quand on sait que l'histoire est un
perpétuel recommencement et que l'Empire du Soudan recouvrait cette
partie de l'Afrique au XI° siècle ...
Cette interprétation révèle en tout cas,
l'importance qu'à revêtue la rupture dans la mémoire
historique des wolof ; car on ne rompt ou ne « casse » que
ce qui est déjà « soudé », uni.
Un siècle et demi environ après la rupture, le
marchand portugais Coelho décrivait encore ainsi la place du Buurba
parmi les voisins, pour montrer comment le souvenir du Grand Jolof les a
marqué 448(*).
Commentant une guerre entreprise à la fin du XVII°
siècle par le Buurba contre le Damel, P. Labat l'attribue au
désir du premier de recouvrer des anciennes possessions 449(*).
En 1763, Doumet, officier à Gorée, observait
qu'il existait, malgré les conflits, une convention entre les rois wolof
pour maintenir le statu quo territorial à ceci près que le Buurba
n'avait pas abandonné l'idée « de faire revivre ses
grandes prétentions »450(*).
Enfin l'exil d'Alburi, le dernier Buurba, devant l'avance
française, procède pour certains d'une
« exception »451(*).
A partir du XVIII° siècle, les points de contact
et de commerce se fixent tout au long de la vallée du fleuve
Sénégal. Le fleuve facilitant le transport des marchandises. Les
Français comme leurs concurrents, se lancèrent à
l'époque dans la Traite des Noirs (qui fit la fortune d'un certain
nombre de ports de l'Atlantique)452(*).
En ce qui concerne les rapports de force dans le sud du
Sénégal (Casamance), nous pouvons dire d'après certaines
sources, que les peuples de cette partie du Sénégal ont toujours
été hostiles à « tout principe
d'autorité »453(*). Voilà ce qui explique sans doute leur
attitude « d'isolement » vis-à-vis du pouvoir
central wolof mais nous verrons un peu plus loin 454(*), que la présence
coloniale française (à la fin XIX° - début XX°),
favorisera l'implantation de structures administrativo-politiques et par
là même leur intégration au pouvoir central colonial
455(*). Quel est le
rôle de l'islam dans l'idée de Nation ? C'est ce que nous allons
maintenant voir.
SECTION III : L'ISLAM ET LES RELATIONS ENTRE LES
PEUPLES DANS LE SÉNÉGAL TRADITIONNEL : L'ISLAM COMME SUPPORT
MYSTIQUE DU « NATIONA-LISME » AFRICAIN.
(Renforcement du pouvoir local sous le règne
d'Amari Ngoné au milieu du XVI° siècle, politique
d'indépendance, échec de la tentative d'union du Kayor et du
Bawol, El Hadj Omar ...).
Avec des Africains ancrés dans leurs traditions, leurs
structures, leurs particularismes, la pénétration de l'islam ne
s'organise que progressivement. Descendus des pays maghrébins, les
caravaniers, avec leurs tissus, leurs pierres précieuses, mais aussi
leurs armes, dessinent le profil d'un monde conquérant, soucieux de
diffuser sa parole, sans pour autant imposer toujours son message. En outre, on
ne peut négliger l'un des apports positifs des musulmans en pays noirs ;
ils démocratisèrent, en effet, les échanges, favorisant
ainsi la formation d'une classe « bourgeoise ». L'islam sut
exercer son influence sans brusquer ni briser les cultures. Il s'imposa dans
les villes et dans les ports, avec ses guerriers, ses marabouts et ses
marchands, ou encore ses esclaves. Par contre, dans les campagnes et les pays
de l'intérieur, il passa sans rien transformer.
La terre, il est vrai, ne l'intéressait pas. Aussi les
paysans noirs furent-ils tous côtoyés par les envahisseurs,
à l'exception de certains qui, refoulés, durent se
déplacer.
Du Moyen-Age au XIX° siècle, durant toute cette
période d'invasions, des mutations politiques et religieuses, le
métissage intervient de façon complexe par une sorte
d'assimilation contrainte ou naturelle.
Ainsi « superposé », l'Islam
développe ses marchés et sa culture dans les espaces urbains
456(*). Mais, dans les
campagnes, l'Africain occidental demeure fidèle à ses traditions.
Au XIX°, après les « conquêtes » de
l'islam, il y aura la domination des Européens. Les premiers
colonisateurs français, pour imposer leurs lois, essaieront
d'intégrer les populations islamisées dans leur encadrement
administratif.
Face au monde hostile des Européens, l'Africain
opposera d'abord son indifférence, puis il se révoltera. Plus que
tout autre, le Noir sahélo-soudanais a subi, au cours de son histoire,
l'influence des peuples du Maghreb venus d'Arabie avec leur tradition et leur
religion.
Il convient de voir le rôle de l'islam dans
l'élaboration d'un pouvoir central ; autrement dit le rôle
politique de l'islam dans sa condensation du pouvoir et qui est un des
facteurs essentiels de la formation de l'idée de nation.
Empruntant les mêmes voies que les courants commerciaux,
l'influence musulmane avait atteint le Sénégal quatre
siècles environ avant l'arrivée des Européens. Au XI°
siècle, d'après Al-Bakrî, les habitants des villes de
Takrûr et de Sillâ, sur les rives du Sénégal,
professaient la religion musulmane à laquelle les avait convertis
Wärjâbî, premier roi musulman de Takrûr, mort en
1041-1042 457(*).
Cette date permet d'établir que le début de
l'islamisation en Sénégambie est antérieure aux
Almoravides, dont le mouvement débute en 1048 selon Al-Bakrî.
D'autres part, dans l'Empire du Mali, qui s'étendait jusqu'en Gambie et
dont le rayonnement se fait sentir sur la Sénégambie, l'islam
était implanté au moins depuis la fin du XIII° siècle
458(*).
Le Sahara occidental et l'Empire du Mali ont donc
été à l'origine de la diffusion de l'islam en
Sénégambie. Au milieu du XV° siècle, ils en
étaient encore les principaux agents. Les auteurs portugais ont bien
remarqué la présence de ces personnages qu'ils appellent
bisserins ou bixerins, terme dans lequel on retrouve le mot wolof actuel :
serigne, marabout (bixirim, bisserim, est le terme utilisé par tous les
auteurs portugais pour désigner les personnages religieux musulmans du
XV° au XVII° siècle. On retrouve dans ce mot wolof actuel
serigne : marabout 459(*). Ce mot proviendrait de l'arabe
al'mubashshirîn « ceux qui annoncent la bonne nouvelle,
c'est-à-dire les prédicateurs ou missionnaires. Ces marabouts
étaient particulièrement actifs dans le prosélytisme ; on
les retrouve dans toutes les régions de Sénégambie. Da
Mosto en rencontra dans l'entourage du Damel, lors de son séjour au
Kajoor 460(*).
V. Fernandès, sur la base d'informations plus
diversifiées, a connaissance de leur présence dans le Siin :
« Les Barbacins (...) ont des marabouts c'est-à-dire des
prêtres maures blancs » et chez les Malinké de Gambie.
Parmi ces marabouts arabo-berbères, certains venaient du Maghreb.
Fernandes affirmera donc que : « ces marabouts viennent de loin
à l'intérieur, par exemple du royaume de Fez ou de Marrocos et
viennent convertir ces Noirs à leur foi par leurs
prédications » 461(*).
Ceci dit, il faut voir quel a été le rôle
de l'Islam dans la construction de certaines formes d'idéologies de
construction de l'Etat ou de pratiques
« nationalistes ».
On sait d'après certaines sources que le
prosélytisme était pratiqué, sur une moins grande
échelle semble-t-il, par des prédicateurs originaires des
régions centrales de l'Empire du Mali. Diogo Gomes en rencontrant un
dans le royaume du Gnomi, à l'embouchure de la Gambie, en 1456
462(*).
La tradition orale, de son côté, garde le
souvenir de serignes ou marabouts d'origine « znaga » et
« malinké » ayant fait « souche
wolof » ainsi que d'autres, originaires du Takrûr, plus
tôt et plus complètement islamisés. L'on s'aperçoit
que des familles traditionnellement « maraboutiques » du
Kajoor sont dites d'origine maure, ce sont les
« Naaru-Kajoor » 463(*).
D'autres familles maraboutiques, très anciennes aussi,
appelées xolbit (« kholbite »), sont dites d'origine
malinké et portent des noms malinkés ou soninké, notamment
Jaxate, Xuma, Siisé, Sila 464(*).
Paragraphe I : Amari Ngoné : Premier Damel
unificateur du (XVI° siècle) Kayor et du Baol ; un homme de l'Islam
dévolu à la construction d'un État et
indépendant
Au Baol et au Cayor, les populations locales formaient une
société féodale hautement hiérarchisée.
Chevaliers, hommes libres, marabouts, paysans captifs, affranchis, esclaves de
traite et esclaves de cases constituent une échelle sociale rigoureuse.
« Seules les onze familles nobles ont à leur être un
chef, sorte de souverain local »465(*).
Certaines sources orales rapportent aussi qu'auprès du
premier Damel indépendant, Amari Ngoné Sobel Faal, il y avait un
serigne Fuutanké nommé Amari Ja 466(*).
Il était de même dans le Saluum voisin où
les récits relatant la conquête du pays par Mbegan Nduur (fin
XV° et début XVI°siècle) font état de la
présence de serigne fuutanké d'une part, Jaxanké de
l'autre (Les Jaxanké sont un groupe ethnique spécialisé
dans le commerce et les fonctions religieuses, dispersé de la Gambie au
haut Sénégal. De souche soninké, il utilise la langue
malinké) ...
Alvarès de Almada a fortement insisté sur le
caractère musulman du règne d'Amari qu'il appelle le Budumel
bixirim, c'est-à-dire le Damel Serigne. Il semble imputer à son
attachement à l'islam sa politique méfiante à
l'égard du Portugal 467(*).
Pourtant la tradition attribue à Amari Ngoné un
comportement nuancé sur le plan religieux : il aurait instauré le
« xuli-xuli », bain rituel, et aurait demandé
à un serigne maure de la tribu des Douaïch, Moctar Mbay, de
procéder à la cérémonie 468(*). Le recours à un
serigne témoigne de l'adhésion du roi à l'islam, et l'on
ne sera pas étonné que ce serigne soit maure puisque Da Mosto en
avait déjà rencontré à la cour de rattache à
un ensemble de rites d'intronisation des rois qui relève un autre ordre
de croyances. On retrouve ces rites dans toutes les royautés
sénégambiennes469(*).
Amari Ngoné est donc situé par ce récit
dans la double légitimité suivie, avec des nuances, par des
souverains wolof. Mais il a accentué les signes
d'appartenance à l'islam, notamment en ne consommant pas
d'alcool et en développant ses relations avec les maures. Une influence
culturelle semble confinée par un passage d'André Thevet. C'est
probablement Amari Ngoné qu'il décrit, en 1575, dans un ouvrage
de compilation surchargé d'érudition, comme le « soltan
del Ioloph » qui avait des usages, des habits et un luxe
« moresques » 470(*).
Ainsi Amari Ngoné continuait sur le plan
économique la politique d'indépendance qu'il avait
affirmée par la lutte contre le Jolof et qu'il avait exprimée
symboliquement dans l'usage des tambours royaux (jungjung). Il avait
donné aux siens des noms commémoratifs de sa victoire et
évocateurs de sa puissance. 471(*)
L'acte le plus important de la politique extérieure
d'Amari fut l'union du Kajoor et du Bawol 472(*).
Cette annexion apparaît aussi à travers le
Tratado breve : un roi nommé « Nhogor », ami des
Portugais, régnait sur les ports au Sud du Cap-vert, et le Budumel
bixirim lui succéda 473(*).
Alvarès de Almada donne un détail
précieux au sujet du règne de ce Gnoxor : « il y eut
une grande famine sur la côte causée par des
sauterelles ».
En 1542, Gnoxor régnait encore sur le Bawol et le
rattachement du Kajoor n'intervient qu'après, ce qui est conforme
à la datation approximative établie pour le début du
règne d'Amari 474(*). Cette phrase marque sans nul doute le pas franchi
déjà par l'islam dans la construction d'un État fort.
De ce fait, vers la fin du siècle, la façade
maritime des Etats du Damel-Teegne s'étendait au sud jusqu'à la
pointe Sarène 475(*). Sa limite nord était plus septentrionale que
la frontière kajoor-waalo, telle qu'elle sera connue aux
XVIII°-XIX° siècles ; en effet, la relation de Lavanha montre
que le Kajoor possédait le territoire de l'embouchure, face à
l'île de Saint-Louis, et même plus en amont puisqu'il y avait un
alcide à deux lieues en amont de cette île 476(*).
Alvares de Almada mentionne l'appartenance au Kajoor du port
du Cabaceira, sur le fleuve Sénégal, et, après cet auteur,
ce n'était pas le seul port qui appartînt au Damel sur ce fleuve
477(*).
Ainsi étendus, ces Etats restèrent
divisés en deux royaumes autonomes : Amari, résidant dans sa
capitale Lambaay, gouvernait directement de Bawol tandis qu'il
déléguait à son fils, Amad Malique ( ou Mamalick), le
gouvernement du Kajoor 478(*).
Cette organisation du royaume avait probablement pour but de
permettre au Damel régnant d'imposer son successeur.
Il semble bien que ce fût avec Amari Ngoné que
commença la politique de centralisation menée par les rois wolof,
particulièrement dans le Kajoor et le Bawol. Le pouvoir des rois
était contrôlé par le Conseil du royaume, limité par
l'autonomie des Laman 479(*). Il y a là un rôle unificateur du Roi.
Une concentration du pouvoir qui est un élément important pour
l'unité morale, qui pour nous est le critère qui mérite
d'être retenu.
La tendance des rois fut d'utiliser les ressources
apportées par les échanges atlantiques pour étendre leurs
pouvoirs. Les règnes qui laissèrent le souvenir d'une politique
autoritaire et guerrière, tant dans les témoignages des
contemporains que dans la tradition orale, sont toujours associés par
cette dernière à une étape dans la réduction
progressive du pouvoir des Lamanes.480(*)
Ainsi Amari Ngoné voulut réduire l'importance du
laman de Jamaatil (Jamaatil était le village où résidaient
ses dignitaires) qui présidait le conseil du royaume du Kajoor. A cet
effet, il créa un « Lamanat » à Mbul, sa
capitale, et attribua au bénéficiaire, le Jawrigne-Mbul, une part
des prérogatives détenues jusqu'alors par le Laman-Jamaatil.
Il n'osa pas heurter de front le meen Xagaan, titulaire de
cette charge, mais il en divisa la puissance 481(*).
L'union du Kajor et du Baol fut donc sous le règne
d'Amari Ngoné, le début d'un processus de condensation du
pouvoir, mais ce sont des querelles de successions qui ont été
essentiellement à l'origine de l'échec de cette tentative
d'unité, de fusion, entre ces deux royaumes traditionnels. Les
problèmes de clans ont en effet miné la fusion, la synergie qui
auraient pu exister 482(*).
Ce sont ces exemples de l'histoire africaine qui font dire
à certains auteurs occidentaux 483(*) qu'en Afrique la personnalisation du pouvoir
était si forte qu'elle empêchait la formation de l'idée de
Nation.
Mais même s'il y a eu personnalisation du pouvoir,
c'était due à la forte personnalité des chefs
traditionnels qui détenaient le plus souvent un pouvoir militaire ; mais
sur la formation d'unité nationale ; l'Afrique est pourvue d'exemples
à cet égard, car malgré parfois la confiscation du
pouvoir, les Africains se reconnaissent toujours dans le cadre unitaire ainsi
composé.
Donc dans l'Afrique traditionnelle, nous pouvons dire que si
division il y a eu, c'était dû à des problèmes de
clan comme c'était le cas du Kajor et du Baol sous le règne
d'Amari Ngoné 484(*) ; l'exemple du mauvais souvenir de la rupture que
nous avons cité pour le Grand Djolof 485(*), marque l'importance du sentiment d'unité qui
a existépendant la période des Buurba (rois), au Grand Jolof.
Quant aux contestations à l'intérieur des structures, il y en a
toujours eues et il y en aura toujours même dans les Etats nationaux les
plus modernes, car il n'y a jamais d'amour « pur » ...
Paragraphe 2 : L'Almamia du Fouta Toro : support du
« nationalisme » toucouleur (du XVII° à la fin
du XIX° siècle)
Les Toucouleurs, gens de l'intérieur, se sont
installés sur les rives sud du Sénégal, soucieux de se
protéger des razzias des Maures. Ils parlent la langue poular et ont
également une aristocratie, les « Torobés »,
très métissés par les apports de l'extérieur.
On trouve des Toucouleurs également au Soudan, en
Gambie, au Sine Saloum, à l'Est du Fouta Djalon et en Guinée.
L'Empire toucouleur prendra une énorme extension au milieu du XIX°
siècle, sous l'impulsion d'El-Hadj Omar, qui sonnera le réveil de
l'islam 486(*).
Le mouvement Torodo qui bouleverse sous l'égide de
Souleymane Bal les institutions du Fouta sénégalais renoue au
XVIII° siècle le fil quelque peu interrompu d'une longue tradition
musulmane. L'islam, qui ressuscite ici après une éclipse d'au
moins un siècle, secoue à cette époque l'Ouest africain
dans son ensemble.
A la fin du XVII° siècle, les souverains du Fouta
avaient pu en se tenant à l'écart des guerres entreprises sous
l'investigation d'éléments maghrébins, éviter au
pays la ruine qui devait affecter par la suite les Etats maures et wolof. La
stabilité fragile sera toutefois rapidement
détériorée par la reprise de guerres intestines. Le pays,
en 1720, est devenu, par l'entremise du Satigui de Deklé, entré
en rébellion contre le pouvoir central, un terrain d'excursion pour les
forces insurgées et leurs alliés maures. La sécession y
installe une guerre de dix ans. Le Fouta central qui constitue la partie la
plus exposée aux initiatives du chef rebelle en sortira ruiné
487(*).
Le mouvement Torodo aura exprimé une certaine
volonté d'unité du pays. Il incarnait aussi si l'on
considère certains faits, l'hostilité sourde qu'inspirait une
aristocratie qui, malgré un siècle de règne, reste tenue
pour étrangère. Ce n'est pas un hasard si l'on a conservé
aux communautés conquérantes leur dénomination primitive
pour ne pas les confondre avec les autochtones. L'aristocratie
conquérante est constituée par les Denianké descendants de
Coly et des chefs qui l'entouraient 488(*).
Par ailleurs le choix du terme de Torodo par les chefs de la
Réforme est très significatif. Il y a là une
volonté explicite de s'opposer aux tenants du terme de Fouta. Les tones
anciens habitants du Toro refusent, en tant que Torobe, de s'identifier au
foutankobé, immigrés à la faveur de l'invasion de Coly
Tenguella.
Torodo ou Torobe signifie habitant du Toro. Certaines
lignées du Kayor pour indiquer leur origine se disent ainsi Torodo ou
Dorobe 489(*). L'askia
Mohammed pour indiquer qu'il vient de la même région se dit Torodo
pour les mêmes raisons que O. Dan Fodio. Les étymologies qu'on
propose (ex. torodo = contraction de Torotodo : croyant, etc.) sont fort
intéressantes mais relèvent de constructions à posteriori.
Les idéologies plus tardifs du mouvement en commettront bien d'autres du
reste).
Cependant on peut très difficilement soutenir que les
Dénianké qui ont régné après Coly n'avaient
été presque pas totalement assimilés. L'aristocratie,
à l'instar de Tenguella, lui même marié à la fille
de Lam Toro, avait rapidement contracté des alliances sur place. Le mode
de dévolution successorale qui est ici fondée sur les lignages
matrilinéaires avait tôt fait de réinstaller au pouvoir,
par le truchement des femmes, les éléments même du pays
490(*).
« Parmi les charges qui incombent à un
Almami, la fonction d'Imam est fondamentale »491(*). Il peut
déléguer tout en restant le guide spirituel de la
communauté.492(*)
C'est donc lui qui dirige la prière ...
Outre sa fonction religieuse, l'Almami, dans le contexte
politique du Fouta, est « un élément
d'union »493(*). Il incarne une volonté d'unité.
Vis-à-vis des autres éléments de la communauté qui
participent à la vie des institutions, il est, aussi « un
arbitre ». « Investi dans un État musulman, il est
le chef des croyants et à ce titre a la charge d'étendre par des
moyens militaires ou pacifiques le Darul Islam »494(*). C'est donc dire son
rôle mobilisateur et ses visées
« impérialistes » ou plutôt de
conquérant. Ce qui contribuera à bâtir un État
fort.
Sur le plan interne, c'est lui qui gère le domaine
public. Il distribue les terres acquises, sur les aristocraties locales
soumises et à celle des biens arrachés par conquête sur les
éléments extérieurs ... « L'almami accepte,
maintient, nomme ou destitue les personnages sur lesquels un contrôle
politique lui est reconnu »495(*). Il est bâtisseur et aussi protecteur du pays
; en effet, la construction des édifices publics (mosquées,
écoles, digues, escales, etc.), de même que l'assistance aux
pauvres, les frais d'entretien des hôtes de marque du pays, ceux
consacrés aux cérémonies religieuses officielles, lui
incombent 496(*). C'est
aussi à lui qu'il appartient de doter les chefs religieux chargés
des fonctions de cadi ou d'Imam et les personnages savants auxquels une origine
modeste n'avait pas permis d'accéder à la possession des grandes
richesses 497(*).
C'est dire qu'il y avait une concentration du pouvoir qui
semblait absolue, ce qui conduisit à des rapports de domination.
En effet, outre le transfert de souveraineté qui a
organisé le pouvoir central, l'avènement de l'Almami a
marqué le réaménagement de l'appareil
politico-administratif. Ce réaménagement s'est
opéré sur deux plans. Il a, d'une part, signifié une
redéfinition du contenu des rapports de hiérarchie politique,
d'autre part, il a eu comme conséquence une nouvelle redistribu-tion des
privilèges attachés à un titre compensatoire aux fonctions
politiques.
Ainsi « la redéfinition des rapports de
hiérarchie politique a coïncidé avec la restructuration,
d'un appareil politique progressivement articulé, sur la division du
pays en communautés ou Legnol. Ces communautés sont
familiales.
Cette perspective qui était quelque peu en germe dans
l'administration Denianké prend ici un sens et une portée bien
plus large. Cependant, il n'est pas sûr que la réforme qu'elle
implique fut très avancée sous l'Almamia (c'est une opinion
contraire que A. Tamimou Wane soutient dans l'excellent travail qu'il a
consacré au problème « des Tenures de Terres au Fouta
Toro ». De toutes façons l'unité politique que recouvre
le legnol n'a rien de très original ; ce qui est nouveau et qu'on tente
de souligner c'est la nature du rapport de dépendance qui va
désormais exister entre d'une part d'une unité politique et son
chef et d'autre part du pouvoir central ou ses délégués)
de A. Kader dans la mesure où, à cette époque, l'appareil
Deninanké suivit presque sans changement sur le plan local tout au
moins. Or, dans l'appareil Denianké le pays n'est
généralement pas quadrillé et organisé à
partir des relations entre des chefs de Lagnol, mais entre des chefs de
lignées simplement. Quoi qu'il en soit, l'avènement du nouveau
régime va affecter profondément le contenu du statut et des
droits liés à la plupart des fonctions politiques et
administratives »498(*).
L'acceptation d'une idéologie relativement commune
n'épargne pas la caste Torodo des déchirements. En fait, il
apparaîtra dans le Fouta central une sorte de
« Loby » 499(*) regroupant ainsi quelques familles de
« Grands Électeurs » et qui visera à
transformer l'appareil politique en monopole personnel. Il est arrivé
qu'il y réussisse sous certains Almami, en particulier avec Youssouf. Le
fonctionnement du régime de l'Almami tel qu'il était conçu
au départ n'obéit alors plus aux normes 500(*).
Le nationalisme toucouleur qui avait pour base l'Islam finira
par être dénaturé au profit d'une étroite
équipe. Ainsi le pouvoir sera personnalisé et c'est là que
se perdra le sentiment d'unité. « L'oligarchie absolutiste qui
gouverne exaspère par ses prétentions le reste du
pays » 501(*).
A ce stade l'appartenance à l'Islam n 'aura plus une certaine
grande importance et ne permettra plus d'établir des rapports politiques
sains. La sujétion directe à l'Almami d'une fraction de plus en
plus large des « Serigne », des
« Thierno » et des « Elimane »
constitue en ce sens une indication précise502(*).
Ainsi passera-t-on du nationalisme au racisme car, la
minorité au pouvoir voulait alors dégager une
« race » de Torodo qui n'aurait de rapport avec aucune des
entités ethniques ou de catégories sociales qui lui ont
donné sa substance. « A force de monopoliser le pouvoir elle
finit par se convaincre d'être la quintescence du pays »
503(*). Ce nationalisme
est donc devenu étroit, exclusif...
Cette prétention sera une des causes de
l'éclatement du système. Déjà sous Abdel Kader de
violents remous s'étaient dessinés de la part de quelques
notables de province qui estimaient que le pouvoir central devait limiter son
action le plus possible. Les chefs du Dimar qui s'étaient long-temps
tenus à l'écart du mouvement réformateur refusèrent
sans ambages d'être assujettis à l'Almami. Le Tafsir Ahmat souleva
ainsi cette province contre Abdel Kader. La réaction rencontrée
par l'Almami Youssouf le grand « manipulateur du
système » sera encore plus violente. En 1843 la même
question opposera encore l'héritier du Tafsir Ahmat et les Grands
Électeurs qui désormais ne s'abritent même plus
derrière l'autorité souvent fictive des Almami qu'ils
créent à leur dévotion. « Ces luttes intestines
qui gagnent en ampleur au milieu du XIX° siècle sont
aiguisées évidemment par le pouvoir colonial dont elles
facilitent les visées ». Toujours est-il qu'en 1858 le Dimar
se déclare indépendant et peu après le Toro lui aussi se
détache. Le chaos qui s'installe progressivement est tel qu'en 1879 Alfa
Mohammed Lamine qui accède au pouvoir écrit dans une lettre au
gouverneur : « les gens du Fouta m'ont choisi comme roi parce que
leur pays livré à ses dissensions intestines, n'avait pas de
chef ». Le régime de l'Almami fermait ainsi la dernière
page en annonçant l'instauration d'une monarchie à laquelle la
conquête coloniale pressante ne pouvait évidemment pas permettre
de développer son expérience 504(*).
Ainsi d'un nationalisme positif ou constructif d'un
État fort, on s'est passé à un nationalisme négatif
ou destructif d'un système où l'unité étant de
rigueur. En est-il de même du règne d'El-Hadj Omar ? C'est ce que
nous allons voir. Mais auparavant retraçons l'historique de l'appareil
politico-militaire du Fouta 505(*).
C'est, au début du XVI° siècle que les
peuls sont mentionnés pour la première fois dans l'histoire. Le
chef peul Tenguella nomadisait alors avec sa fraction du Termès à
la région de Nioro et Diara. Il se serait révolté contre
l'autorité de l'Askia Sonrhaï, alors suzerain de cette
région, et aurait attaqué le roi de Diara (un des Etats
« anciennes provinces » issus du démembrement de
l'Empire de Ghana), qui avait accepté cette suzeraineté,
probablement avec l'appui du Mansa de Mali. L'armée de l'Askia Mohammed,
commandée par son frère Amari, marcha contre lui le poursuivit
jusqu'à Diara où il fut battu et tué (1512. D'après
le légende, son fils Koli Tenguella, descendant (dit-on) par sa
mère des « Mansa » du Mali, se serait
réfugié avec les débris de son armée dans la
Badiar, au nord-ouest du Fouta-Djalon (selon la chronologie proposée par
Delafosse. Toutefois, les chroniques portugaises mentionnent un Koli, roi des
Foulas, dès la seconde moitié du XV° siècle, qui peut
difficilement être le même personnage : peut-être y a t-il eu
plusieurs Koli). De là, avec ses peuls et de nombreux partisans Manding,
il serait revenu plus tard vers le Nord : il aurait conquis le Fouta-Toro
(l'ancien « Tekhrour, gouverné par des officiers
sarakholé dépendant du royaume de Diara) : il y fonda un
État peul païen, en 1559, la dynastie des Dénianké
mansa 506(*).
Ce récit, encore que les détails en soient
difficilement contrôlables, paraît témoigner de
transformations sociales notables au moins dans certaines fractions peules :
elles n'avaient point jusque-là fourni de groupements guerriers
organisés pour l'offensive et la conquête. IL faut noter en tout
cas que ces fractions s'associèrent à des éléments
Manding : le titre porté par les Dénianké n'est plus le
titre peul d'«ardo » (que portait encore Tenguella), mais celui,
malinké, de « silatigui » (silatigui : en
mandé, « chef du chemin » = conducteur de
l'immigration venue du Badiar). Ce qui n'empêche pas le Mali,
après avoir favorisé d'abord les efforts de Koli Tenguella
(contre les usurpations du Sonrhaï), s'inquiéta de ses
progrès : le Mans Mahmoud II fit appel au roi Jean III de Portugal
contre ses empiétements sur ce qu'il considérait encore comme une
partie de son Empire. Jean III se contenta de lui envoyer, en 1534, au lieu
d'une armée, un simple ambassadeur, Peros Fernandez. Notons d'autre part
que la formation de cet État militaire dans le Fouta-Toro, dans un
contexte économique général que nous avons défini
plus haut, semble coïncider avec la disparition des villes
(Tékhrour, Sila) mentionnées et nous ignorons aujourd'hui
jusqu'à l'emplacement.
Le processus qui conduisit à la formation de cet
État militaire n'est pas absolument nouveau. Nous en trouvons les
éléments aux stades les plus élémentaires de la
dissolution de la communauté primitive : au sein même de cette
société communauté (du clan ou de la tribu) se
constituent, pour se livrer à des expéditions militaires, des
associations, fondées sur la consanguinité, mais sur un contrat
d'alliance 507(*) : ces
associations réunies sur une base d'égalité, ou par des
liens de patrons à clients. C'est seulement à un stade plus
avancé qu'elles peuvent aboutir à l'assujettissement de peuples
entiers par un fraction dominante. Dans la pratique, de l'aristocratie tribale
formée dans le cadre de la même communauté à cette
aristocratie conquérante, les transactions sont souvent multiples : il
s'agit toutefois, incontestablement, d'un stade qualitativement nouveau de
l'évolution sociale, où les liens gentilices, sans
disparaître, laissent place à des liens d'un type nouveau
contractuel, de patrons à clients, de seigneurs à vassaux ou
à serfs, même si ces liens cherchent une
« sanctification » par une assimilation magique avec les
liens gentilices (pacte du sang). L'évolution interne des
sociétés favorise la constitution de ces groupements
conquérants: ils attirent visiblement nombre de
« déclassés », surtout jeunes gens issus de
familles pauvres ou à qui devient pesante l'autorité croissante
des chefs de famille et des chefs de tribaux 508(*).
Ni l'organisation traditionnelle, ni l'animisme auquel elle
était restée jusque-là farouchement attachée, ne
fournissaient le cadre dans lequel pouvait s'effectuer la révolution
à laquelle les peuls aspiraient. La conversion à l'islam vint
fournir une idéologie et en même temps des règles de vie
sociale parfaitement adaptées à cette transformation, comme elles
l'avaient été jadis pour les Almoravides en Afrique même
et, bien entendu, pour les Arabes du temps de Mahomet 509(*). Le rôle des marabouts
de Mauritanie, maître des futurs chefs du Fouta-Djallon, celui des
musulmans toucouleurs (de langue peule) qui avaient maintenu, sous la
domination des Dénianké, le flambeau de l'Islam, ne fut pas ici
déterminant : ils apportèrent simplement aux peuls
l'idéologie qui convenait le mieux au mouvement social et politique dont
ils étaient les acteurs. Cette conversion à l'islam s'accompagna
de la constitution des peuls (plus exactement de certains groupes et de
certaines familles) en aristocratie guerrière, aboutit enfin à la
prise du pouvoir politique, à la création d'Etats aux mains de
cette aristocratie. Tel fut le processus des révolutions qui
s'effectuèrent, simultanément ou successivement, dans des
régions très diverses ou s'était créée une
situation semblable.
C'est d'abord la révolution qui, à partir de
1725, fait du Fouta-Djalon un État peul, aristocratique, militaire et
théocratique. Ici (comme dans l'entreprise antérieure de Koli
Tenguella), aux éléments peuls infiltrés de longue date ou
venus du Termès et du Macina, s'associèrent des
éléments très divers, vite assimilés (Soussou,
Sarakholé, Toucouleur, Malinké du Haut du Sénégal)
; ils réduisirent à la condition de serfs les cultivateurs
autochtones diallonké (apparentés aux Malinkés).
Puis c'est le Fouta-Toro, où un groupe de Toucouleurs
musulmans, les « Torobé » (pluriel de
« Torodo »), inspirés par le marabout
Souleïmane Bâ, qui renverse la dynastie peule païenne des
Dénianké. L'Almamy Abdoulkader remporta une victoire
définitive sur le dernier des « silatigui »,
Soulé-Boubou, et établit au Fouta-Toro un État
théocratique, sous la forme d'une monarchie élective (1776). Ici,
à vrai dire, la similitude n'est qu'apparente avec le Fouta-Djalon ; car
les vainqueurs toucouleurs, bien que « hal poularen », sont
des cultivateurs noirs, et les vaincus sont des peuls pasteurs.
L'explication que nous avons esquissée plus haut peut
difficilement être invoquée et il faut y voir le jeu d'autres
facteurs : faiblesse de la monarchie peule païenne, appuyée sur une
poignée d'aventuriers, et que n'avait pu consolider une idéologie
adaptée aux conditions du temps ; existence d'une population paysanne
beaucoup plus évoluée que partout ailleurs, marquée par
l'existence ancienne d'une activité urbaine et par le trafic du fleuve
Sénégal, pénétrée enfin de très bonne
heure par l'Islam. En revanche, ce sont les peuls musulmans qui, peu
après, dans le Bundu, réalisaient une révolution toute
semblable et créaient un troisième État
théocratique, dirigé aussi par un Almamy.
Etats théocratiques : n'interprétons pas
tyrannies. Ces monarchies sont électives et déjà Mollien
notait : « le gouvernement du Fouta-Toro est une oligarchie, et le
peuple lui-même n'y est pas sans pouvoir »510(*). De même au
Fouta-Djalon, les conseils d'anciens, contrôlés en bas de
l'échelle par les assemblées générales des hommes
libres, jouaient un rôle décisif. G. Vieillard note à ce
propos : « la vie politique était intense sous l'Ancien
Régime ; pour toutes les décisions à prendre, dans la
confédération et dans chaque missive, on se consultait :
« disondirde », se consulter les uns les autres, revient
à chaque instant dans les récits » 511(*).
Source de faiblesse, dans la mesure où elle favorisait
les dissensions, cette persistance des institutions héritées de
l'époque gentilice 512(*) (et qui rappelle la « démocratie
militaire » telle qu'Engels la définit dans la Grèce
archaïque et chez les Germains) fut certainement un élément
de supériorité pour les Etats peuls par rapport à leur
rivaux, leur assurant une cohésion qui leur manquait 513(*).
Un peu plus tard, en 1810, un parti peul musulman
dirigé par le Cheikh Hamadou Bari (Sékou Hamadou) renverse le
chef (« ardo ») païen du clan des Diallo auquel le
peuple reproche sa soumission et sa veulerie face aux exactions des suzerains
Bambara et Touareg : il s'empare de Djénné et même (pour
peu de temps) de Tombouctou, il construit une nouvelle capitale, Hamdallahi
(Hamdallali = louange à Dieu), sur la rive droite du Bani. Ainsi se
constitue le royaume peul du Maccina, qui avec une « solide
administration et un système financier bien organisé »,
subsistera jusqu'en 1862 514(*).
Peu après la constitution des hégémonies
peules orientales un nouvel Empire se constituait à l'Ouest : son
héros fut El Hadj Omar Saïdou Tall, une des plus grandes figures du
XIX° siècle africain. Dans un certain sens, son entreprise prolonge
celle des réformateurs politico-religieux peuls ou Toucouleurs de la
période précédente ; en même temps, elle la
dépasse et aussi la contredit. Nous le verrons au terme de cet
exposé.
Omar est né vers 1797 aux environs de Podor, dans le
Fouta Toro. C'était le quatrième fils du marabout Saïdou
Tall, dont la famille appartenait au groupe des
« Torobé » qui avait auparavant renversé les
Dénianké.
A vingt trois ans, il entreprend le pèlerinage de la
Mecque ; il s'y fait recevoir dans la confrérie des Tidjaniya et en
revient, non seulement avec la qualité de
« El-Hadj » alors bien rare en Afrique noir, mais avec le
mandat de calife des Tidjaniya pour le Soudan. Ces titres, et au surplus son
savoir réel de lettré musulman, lui valent un retour triomphal.
El Kanemi, maître du Bornou, puis son compatriote Mohammed Bello,
à Sokoto, le comblent d'honneur, de présents, de femmes (Mohammed
Bello lui donnera deux de ses filles comme épouses légitimes). Il
est reçu plus froidement, encore qu'avec honneur par le roi peul du
Macina, Sékou Hamadou, musulman rigide et austère, qui
désapprouve la pompe dont s'entoure le lettré-pélerin et,
peut être surtout appréhende le danger que constitue son prestige
pour les pouvoirs établis : il aurait même tenté de le
faire assassiner après son départ d'Hamdallahi. Le roi païen
de Ségou, lui, prend encore plus mal les choses ; après l'avoir
reçu, il l'emprisonne, puis le relâche, et tente également
de le faire assassiner après son départ. Par contre le chef de
Kangaba (l'héritier lointain des mansa du Mali, de la dynastie presque
millénaire des Keïta) lui fait bon accueil, de même que
l'Almamy du Fouta-Djalon. Ce dernier lui offre une »
Zaouïa » (communauté religieuse et militaire, analogue
aux « ribât » d'où était parti le
mouvement Almoravide). En même temps, Omar exploite les placers
aurifères de la région su Siguiri. Après une
tournée au Sénégal - tournée de propagande et de
recrutement, au cours de laquelle il reçoit du commandant
français de Bakel (1847) un accueil mitigé (probablement pour les
mêmes raisons de chez certains souverains autochtones), il se fixe en
1850 à Dinguiraye où il construit une forteresse. Comment
s'expliquent donc, et le prestige de ce pèlerin, et les
inquiétudes qu'il soulève ? Pour les sociétés
où les vieilles organisations craquent de toutes parts, incapables de
servir de cadre aux réalités sociales nouvelles, l'Islam fournit
un cadre religieux, politique et social mieux adapté : mais il ne
supprime pas les contradictions sur le terrain desquelles il s'est
implanté, au moins pas pour tout le monde. Les vieilles institutions
basées sur le sang continuent à résister ; la substitution
à la vieille noblesse de tribu d'une aristocratie militaire et
religieuse - lorsqu'il n'y a pas, finalement, « fusion »
entre les deux - ne fait que déplacer la contradiction qui renaît
sous une forme « à peine
différente »515(*).
Paragraphe 3 : Le Jihad d'El-Hadj Omar
(XVIII°-XIV° siècles)
Sékou Ahmadou avait désigné comme
successeur son fils Ahmadou II. Celui-ci, à son tour, fut
remplacé par son propre fils. Ahmadou III, en 1852. Malgré la
pureté des pratiques et de l'idéal religieux qui
survécurent au règne de Sékou Ahmadou, le Macina allait
affronter la troisième guerre sainte du Soudan occidental, celle
d'El-Hadj Omar (vers 1797- 1864). Le grand guerrier toucouleur du Fouta-Toro
s'empara du royaume du Niger en 1862, après avoir capturé et
exécuté Ahmadou III 516(*).
Ainsi la conquête du Macina marqua le point culminant
d'une lente évolution. Né à la fin du XVIII°
siècle, El-Hadj Omar était le fils d'un lettré musulman
et, comme Ousmane et Sékou Ahmadou, il reçut une solide
éducation musulmane 517(*). D'après ce nouveau message, le chemin de
Dieu n'était pas réservé à l'aristocratie
intellectuelle, comme l'âme pouvait être obtenue par tout individu
capable de se pilier à une étroite discipline morale et
indifférent aux plaisirs matériels tels que le tabac, l'alcool ou
la possession d'un nombre de femmes supérieur à celui
autorisé par le Coran. On peut déjà noter par là,
la similitude avec Amari Ngoné. On a essayé de bâtir des
Etats forts et conquérants avec pour fondement l'Islam.
Ce message clair et direct du Coran impressionna
profondément Omar qui devint le calife de la confrérie Tidjaniya
pour la Soudan occidental. Il put ainsi jouer un rôle capital dans
l'organisation et la diffusion du mouvement Tidjaniya et aussi dans le
nationalisme africain.
Sur le chemin du retour, Omar s'arrêta au Bornou assez
longtemps pour épouser une file de al-kanemi. Il se fixa ensuite pour
quelques années à la cour de Mouhamed Bello où il prit
pour femme une fille de ce dernier. Il s'imprégna de la philosophie et
des tactiques du Jihad (guerre sainte) de Sokoto. Son rêve d'unification
islamique du Soudan fut renforcé par un bref séjour au Macina en
1838, alors qu'il se rendait au Fouta-Djalon où il resta neuf ans, se
consacra au recrutement et à l'armement des disciples attirés par
la doctrine tidjaniya. « Ses activités furent vite
considérées comme des provocations par les dirigeants locaux
inquiets »518(*). L'armement d'Omar n'était pas moins novateur
que sa doctrine car, à la différence d'autres leaders musulmans ;
il équipait ses talibés (disciples) d'armes à feu en
provenance de la côte ouest-africaine. En 1848, il entreprit
l'hégire vers Dinguiray, base militaire d'où il lança son
Jihad en 1852 519(*).
Ses premiers succès, lui permirent d'établir sa
domination sur plusieurs Etats bambaras et mandingues de la partie
supérieure des bassins du Niger et du Sénégal. De
là, il se dirigea vers le Fouta-Toro où il disposait
déjà de nombreux appuis parmi ses frères de race
toucouleur. Mais il devait aussi y rencontrer les représentants des
intérêts français qui s'étaient installés sur
la rive du Sénégal. « Ce fut le premier jihad soudanais
contre les puissances européennes » 520(*). Il est certain que la
guerre sainte d'El-Hadj Omar était motivée par la volonté
d'étendre l'empire de la tidjaniya aux dépens des autres Etats
africains musulmans ou païens, plutôt que par le désir de
s'en prendre aux Européens infidèles 521(*). Les Français,
cependant, repoussèrent l'offre de coopération d'Omar qui aurait
permis à ce dernier de pacifier et de contrôler le Fouta tout en
ayant accès à l'approvisionnement en armes des entrepôts de
Saint-Louis du Sénégal. A la méfiance des riverains, sans
doute pour se procurer les armes qu'ils détenaient, puis il
assiégea le fort de Médina sur les berges du
Sénégal, et fut repoussé en 1857 par son brillant
défenseur mulâtre, le Saint-Louisien Paul Holle 522(*) .
Omar avait déjà entrepris des opérations
contre les Bambaras du Kaarta et occupé leur capitale en 1854. Il porta
alors son attention vers l'est et renversa le royaume de Ségou en 1861,
entrant directement en conflit avec ses anciens hôtes et
coreligionnaires, les dirigeants peuls du Macina. Ahmadou III de Macina
s'était déjà fortement préoccupé de
l'entreprise et avait persuadé le roi de Ségou de se convertir
à l'Islam. D'après July 523(*) « cette conversion, dictée par
l'opportunisme, ne suffit pas à endiguer la marée du Jihad de
El-Hadj Omar qui submergea le Macina en 1862 ». C'est ainsi
qu'El-Hadj Omar justifiera son intervention en invoquant les mêmes motifs
que le Sokoto contre le Bornou un demi-siècle auparavant : Ahmadou comme
al-Kanemi, s'était allié à un infidèle contre un
vrai croyant et avait donc trahi sa foi. Il mettait donc en avant ses
prétentions religieuses. Pour dire que l'Islam était le support
de ce nationalisme.
Le Macina fut ainsi absorbé par l'Empire toucouleur de
El-Hadj Omar, mais la doctrine de la tidjianiya ne convenait pas aux musulmans
du Macina adeptes de la qadriya. Cette opposition au conquérant fut
à l'origine d'un soulèvement durant lequel Omar fut tué en
1864. D'aucuns disent que ce sont les français qui ont utilisé
cette rivalité interne pour mettre les frères de même
religion en opposition. Sa succession fut assumée avec de grandes
difficultés par son fils Ahmadou qui, dépourvu du prestige
paternel, s'avéra incapable de venir à bout du séparatisme
partisan des populations locales et des manifestations d'indépendance de
ses propres gouverneurs toucouleurs. Toutefois, son habilité politique
lui permit de maintenir, nominalement du moins, la cohésion de son
empire, jusqu'à ce qu'il soit finalement soumis par les troupes
françaises en 1893. Ce qui peut nous amener à nous interroger sur
le rôle joué par les Français dans la chute d'El-Hadj Omar,
ou alors à dire qu'il ne parvint pas réaliser la cohésion
et l'unité du Soudan occidental comme le prouvent d'ailleurs les
tensions politiques qui se furent jour dans son royaume après sa mort
524(*).
Il opéra néanmoins des conversions massives
à la religion musulmane, et si la confrérie tidjaniya
réussit à établir sa prééminence dans toute
l'Afrique occidentale, ce fut en partie grâce à son influence. Et
ceci ne fait pas de doute.
Au Sénégal donc la situation restera confuse et
les royaumes se constitueront, se détacheront de leurs liens de
vassalité avec le Tékhrour, se feront la guerre et se
subjugueront tour à tour : Cayor, Baol, Oualo, Sine Salum. Il faut noter
la pression des Maures qui s'infiltrent au Nord du fleuve, le regroupement des
Lébous dans la presqu'île du Cap-Vert, la progression de l'Islam,
non sans réactions animistes parfois violentes. Les Français
restent intimement liés à cet imbroglio politique. Sur le fleuve,
la « nation » toucouleur, pour ainsi dire continue à
se constituer et à accuser sa personnalité musulmane ; une
résistance religieuse se créera à cause des successeurs de
koli Tenguella qui sont des païens Denianké mais malgré
tout, le nationalisme musulman Toucouleur continuera de s'affirmer.
En 1776, les musulmans renversent le Silatigue et prennent le
pouvoir dans le Fouta-Toro. Ils s'organisent en une confédération
théocratique, sous le commandement d'Abdel Kader le Torodo qui en est le
premier Imam.
Dès lors le pays, qui ne connaîtra jamais une
véritable unité politique, deviendra le grand et belliqueux
propagandiste de l'islam au Sénégal. Les Français
combattront son fanatisme religieux étayé par de solides
qualités guerrières. A un moment donné, El-Hadj Omar
était aux yeux des Français l'ennemi à abattre.
En effet, au moment où Faidherbe prenait son
commandement, la situation était grave, le rétablissement du Fort
de Podor n'avait été qu'un coup d'arrêt. C'est pourquoi
Faidherbe décida de lancer une politique d'expansion vers l'Est, et de
mettre quatre adversaires à la raison ; les Trarza (maures) qui
prenaient pied dans le Walo, les Brikna (maures) qui entravaient le commerce
français, les Toucouleurs qui verrouillaient le fleuve et enfin El-Hadj
Omar. « Ce prophète-guerrier toucouleur » (comme on
le surnommait), qui va tenir la scène politique soudanaise pendant dix
ans. Il s'attaque aux Bambaras, ses talibés opèrent au Galam. Ses
agents recruteurs et politiques se sont infiltrés jusqu'à
Saint-Louis.
En fin 1854 El-Hadj Omar enverra aux musulmans de la ville de
Saint-Louis toute une lettre les incitant à se révolter et
proclamant la guerre sainte contre les Français 525(*). Elles observent :
« ... de fait, il avait beaucoup de partisans dans Saint-Louis
même »526(*). Elles ajoutent que les populations du Fouta Toro et
du Bondou étaient « fanatisées et soulevées par
ses émissaires et disposées à tout entreprendre à
son premier ordre » 527(*).
Il dira « quant à vous, enfants de Ndar, Dieu
vous défend de vous réunir avec eux ». Il a
déclaré que celui qui se réunira avec eux est un
infidèle comme eux en disant : « vous ne vivrez pas
pêle-mêle avec le juif et le chrétien ; celui qui le fera
est lui-même un juif et un chrétien »528(*).
Le contenu de cette correspondance nous donne une idée
très nette de l'opposition d'El-Hadj Omar à la colonisation. La
confrontation était donc inévitable. Les Français
réussiront à diminuer son influence avec les différentes
alliances qu'ils feront avec certains chefs qui leur sont favorables.
Après avoir vaincu la résistance omarienne, les français
continueront à « pacifier » le
Sénégal. Mais les souverains locaux se résignaient mal
à la paix française, ils vivaient l'occupation difficilement.
L'autorité française continuait inéluctablement à
se propager dans le pays « sans incidents » pour certains.
Cependant à la même époque on a vu que, les Toucouleurs
à plusieurs reprises entravèrent la navigation des bateaux
français sur le fleuve. Une colonne de 700 réguliers et des
auxiliaires, sous les ordres du colonel Dodds, se mit en marche le 13 janvier
1891 ; une partie du Bosséa se soumit, Abdoul Boubacar fit offrit un
arrangement mais refusa les conditions. Il fut battu à Rogg, mais
réussit à s'enfuir. Alboury et avec lui des Toucouleurs
réfugiés à Nioro furent battus à Magama. Les
soumissions commencèrent ; Dodds redistribue les cartes, de nouveaux
Almamy sont élus, des traités sont signés avec les chefs
des provinces : avec le Damga le 11 février, le 25 avec le
Bosséa, avec les Irlabés et les Eliabés le 2 mars, avec le
Lao le 5 mars. Le 20 mars les opérations sont terminées, la
situation au Fouta était réglée pour les colons.
On peut dire que c'est dans le Sénégal sous
domination française que s'était accélérée
plus qu'ailleurs la désintégration des structures
traditionnelles, et qu'El-Hadj Omar aurait rencontré les conditions les
plus favorables à la constitution d'un État stable 529(*) ; mais seulement ce qui
avait créé ces conditions c'est-à-dire la présence
française, faisait obstacle à cet objectif. Dépourvu
d'artillerie, El-Hadj Omar était impuissant devant les postes
fortifiés français pourvus de canons 530(*).
Déçu par ses compatriotes, El-Hadj Omar se
tourne vers l'Est : revenu à Nioro, il passe à l'attaque contre
les Bambaras de Ségou (païens) et les Peuls du Macina (musulmans)
dont il avait en vain sollicité l'alliance avant son attaque sur
Médine.
Il détruit leurs Etats, s'empara de Ségou (1861)
et d'Hamdallai (1862). Mais il ne réussit pas à vaincre leur
résistance ; les Bambaras poursuivent le combat dans la brousse, les
Peuls du Macina se soulèvent, le bloquent dans Hamdallahi d'où il
réussit à s'échapper à la faveur d'un incendie, et
finissent par le tuer dans une grotte (Bandiagara) où il s'était
réfugié (1864). Son neveu Tidiane réussira - non sans
peine - à reprendre le dessus, avec l'aide des montagnards Dogon
(païens), ennemis de toujours des Peuls ; fixé à Bandiagara,
il maintiendra la domination toucouleur dans le Macina jusqu'à la
conquête française. Son fils et successeur Ahmadou, demeuré
à Ségou, cachera longtemps la nouvelle de sa mort : pendant plus
d'une génération se maintiendra, favorisée par les
circonstances de sa disparition, la légende de sa survie, et l'attente
de son retour aux côtés du Mahdi 531(*). Ce fait suffit à
montrer ce qu'El-Hadj Omar représentait pour le peuple, surtout dans les
régions du Sénégal soumises à la domination
française ou menacées par elle.
Il ne saurait faire oublier l'opposition acharnée
contre lui, de ses rivaux : au premier rang l'aristocratie du Fouta Toro, et
l'aristocratie peule du Macina : il y a donc erreur certaine à
présenter El-Hadj Omar comme prenant appui sur les Jalons de la
puissance peule, alors que les Etats peuls musulmans ont opposé le plus
rude obstacle à son hégémonie, et que c'est finalement,
non point Faidherbe, mais les Peuls du Macina qui furent cause de son
échec.
L'Etat qu'il avait créé, et à la
tête duquel allait lui succéder son fils Ahmadou, n'allait pas
tarder à montrer d'autres faiblesses. Outre que subsistait la
résistance des aristocraties vaincues, l'égalitarisme tidjane
avait ses limites. Il y eut sans doute parmi les
« talibés » (disciples et lieutenants) d'El-Hadj
Omar des hommes de toutes origines ethniques, liés
indéfectiblement à leur maître par la foi commune
532(*). Mais la
persistance des rivalités ethniques était telle que, les
Toucouleurs formant le gros de ces troupes, ces rivalités allaient jouer
contre lui et ses successeurs, tout spécialement dans le Soudan
nigérian où les Toucouleurs n'étaient qu'une
minorité conquérante. « Talibés »et
hommes d'armes liés à sa fortune constituèrent
bientôt dans les régions conquises une nouvelle aristocratie,
aussi pesante que les anciennes. Après sa mort, les luttes
acharnées que se livrèrent entre eux, ses propres fils
entravèrent la résistance à la pénétration
française. En 1890, quand Archinard prend Ségou, on assiste
à ce paradoxe : au Sénégal, les ouvriers du chemin de fer
et les commerçants font la grève et manifestent ; on craint un
soulèvement général des musulmans. Par contre, au Soudan,
dans les Etats d'Ahmadou, aucune résistance cohérente ne peut
être organisée ; peu de temps auparavant, son frère
Mountaga a préféré se faire sauter sur ses poudres que de
les laisser pénétrer dans son fief de Nioro ; son autre
frère Aguibou, qui avait en garde Dinguiraye, passe du côté
des Français, de même que les Bambaras. Les uns comme les autres
ne tarderont pas à s'en repentir amèrement. Aguibou, promu roi du
Macina par les Français sera rapidement « mis à la
retraite d'office » ; le descendant des rois Bambaras
intronisé à Ségou, ayant pris son rôle au
sérieux, sera fusillé au bout de quelques mois pour
« haute trahison » et les fantoches feront place à
l'«administration directe »533(*).
Il convient maintenant de voir comment Lat Dior a lui aussi
utilisé l'Islam comme moyen de résistance.
Paragraphe 4 : L'utilisation de l'Islam par
Lat-Dyor comme moyen de résistance
Au Sénégal, le principal adversaire de
l'implantation française, après El-Hadj Omar, est Lat-Dior Diop,
né vers 1842, chef de canton du Guet en 1861 ; Lat-Dyor devient Damel
(roi) du Cayor (en 1862) qui était un des plus importants royaumes du
Sénégal.
Lat-Dyor était né dans un milieu animiste
où il s'y soumet au rite de l'initiation. Ensuite, il affronte et bat
une première fois le Damel Ma Dyodyo protégé des
Français et une deuxième fois à Ngolgol. Après cela
il s'exila et finit par se confier au grand Marabout Ma-Bâ.
Lat-Dyor, lui-même s'est converti à l'Islam sans
doute « parce qu'il ne pouvait faire autrement »534(*), lui qui voulait reprendre
son trône.
Les Français annexeront la Cayor dès 1864
535(*) et il sera chef
de canton en 1869 avec l'aide de Pinet Laprade. Seulement, il ne voulait pas se
contenter d'une si petite circonscription. Les français signèrent
alors avec lui un traité lui reconnaissant le titre de Damel du Kayor et
c'est à ce titre du reste qu'il aida ces derniers à
éliminer le marabout toucouleur Ahmadou Cheikhou 536(*) qui sera tué en
1875.
Le Cayor était alors le royaume le plus important du
Sénégal, entre Dakar et Saint-Louis puisque certains Damels comme
Lat Soukabé Fall (1697-1719) avaient régné en même
temps sur le Cayor et sur le Baol.
La société comportait au sommet les nobles,
nés des sept grandes familles royales à succession
matrilinéaire. Le Damel conserve un pouvoir de type magique qui se
marque par le fait que le jour de son intronisation à Mboul la
capitale, il reçoit le turban ainsi qu'un vase de graines, puis
séjourne dans le bois sacré de l'initiation animiste. Les
Lingères, mères, tantes ou soeurs utérines du Damel,
jouent un rôle politique important. Certain n'hésitaient pas
à marcher au combat, telle cette fille de Lat Soukaabe, qui
habillée en homme, se lança à cheval contre les Maures
Trarza et les battit à Gramgram.
La cour est composée de courtisans (Dag) et de
dignitaires (kangam) dont le Fara kaba, chef des esclaves de la couronne (et
esclave lui-même), est le plus important. Les kangam étaient
réputés pour leur intrépide : « Fuir est un
vice » déclaraient-ils.
Mais en 1879, la construction du chemin de fer
Dakar-Saint-Louis le dissociera des Français qui voulaient,
comprenait-il stimuler leur emprise politique.
Il se rebelle donc à nouveau et doit se réfugier
dans le Baol date à laquelle il est remplacé par Samba Yahya Fall
que ses sujets chassent par deux fois. Ainsi, les Français substituent
ce dernier par le neveu de Lat-Dyor, Samba Laolé Fall. Il poursuit la
guérilla jusqu'au jour où à Dekhlé, il tomba le 26
octobre 1886 a quarante quatre ans, entouré des ses guerriers
(tieddos).
La résistance de Lat-Dyor a quelque peu
été spéciale en ce sens qu'il a utilisé l'Islam
pour asseoir son autorité et ensuite il garda quand même ses
pratiques animistes. Par la suite il fera alliance avec les Français
pour lutter contre un marabout musulman (en l'occurrence Ahmadou Cheikhou) et
enfin il se tournera de nouveau contre eux. Ce qui attire ici notre attention
c'est l'utilisation abusive de l'Islam c'est-à-dire uniquement
semble-t-il à des fins politiques ; le reste du jugement revenant
à la Providence.
Paragraphe 5 : Mamadou Lamine Dramé
continuateur de la résistance de Lat-Dyor.
Après Lat Dior, c'est Mamadou Lamine Dramé qui
lui succéda, lui aussi Grand croyant et pratiquant de l'Islam. Mais
très vite les Français s'inquiètent de son armée de
talibés et Galliéni qui imposait le travail forcé aux
populations, réussit parfois à le jouer contre les Toucouleurs
537(*).
C'est après que sa « maman » ait
été capturée à Goundiourou que dix mille de ses
soldats prononcent des assauts furieux sur le fort de Bakel (avril 1886). Et
à quelques doigts du succès, un boulet décime
l'état-major du marabout qui se retire et les Français
terrorisèrent les villages favorables au marabout en tuant son fils
Souaïbou âgé de dix huit ans. Installé en
Haute-Gambie, les attaques se succédèrent contre d'abord le pays
sérèr et celui des Casamançais avec Moussa Mollo comme
chef aidé par les Français. C'est ainsi que le marabout est
achevé, ce qui permit à l'occupation française de
s'étendre vers la Gambie et la Casamance 538(*).
Paragraphe 6 : Le règne d'Ali-Bouri
Ndiaye (fin XIX° siècle)
Ali Bouri Ndiaye est né vers 1842 à Tyal. Il fit
son stage en armes chez le Damel du Cayor Birame Ngoné Latir, grand
frère de Lat-Dyor et se révéla très vite un
guerrier de tout premier ordre. C'est au plus fort du combat de Mbayen dans les
troupes de Ma-Bâ qu'il se convertit à l'Islam en 1864.
Onze ans après sa victoire sur Amadou Cheikhou à
Samba Sadyo, il devenait roi du Djolof (1875).
Dans sa capitale à Yang-Yang il menait un train de vie
royal entouré par les griots, les guerriers et les marabouts.
C'est là où il laissa sa mère Seynabou au
moment où il partait pour affronter Samba Laobé Fall
protégé par les Français. Après la bataille de
Gilé où il vaincra ce dernier, il finit pas signer avec la France
un traité de protectorat en juillet 1889 parce qu'étant
rapproché de Lat Dyor.
Malgré ce traité avantageux, ce dernier
était entré en relations avec le sultan Ahmadou qui tentait de
former contre les Français une vaste coalition musulmane ...
A la suite des pillages organisés, Alboury refusa de
restituer les prises, et une colonne fut organisée sous les ordres du
Colonel Dodds en mai 1890. Alboury se réfugia en Mauritanie chez Abdoul
Boubacar pour rejoindre plus tard Ahmadou.
C'est ainsi que ce traité a facilité la
construction du chemin de fer jusqu'à Bakel. Il a enfin participé
à la résistance contre Archinard à Nioro et à
Kolomina 539(*).
SECTION IV : LES RELATIONS ENTRE LES PEUPLES DANS
LE SUD DU SÉNÉGAL (XVIII°-XIX°
siècle)
Paragraphe 1 : Les rapports entre
« Peuples »540(*) du sud Sénégal
Ainsi, le peuple le plus ancien de la Casamance, les
Baïnoucks, seront harcelés au XVIII° siècle par leurs
voisins belliqueux puis décimés par les Mandingues à
l'Est, refoulés par les Diolas à l'Ouest et les Balants au Sud,
parfois assimilés par les Portugais ; en voie de disparition.
Vers 1885, avec le déclin de l'arachide et l'extension
de la cueillette du caoutchouc dans les forêts de Basse-casamance, les
Diolas supportent mal les contraintes de l'administration et réagissent
en vigueur. L'assassinât en 1886 à Séléki en pays
baynouck du lieutenant Truche et de son escorte leur confère une grande
notoriété. Longtemps encore des troubles agiteront le territoire
des Diolas.
Les Peuls, qui occupent le Fouladou en Haute-Casamance et qui,
à l'appel de Alfa Molo541(*) se libèrent à partir de 1860 du joug
mandingue, appuyés par les Almamys du Fouta Djalon moyennant leur
ralliement à l'Islam.
Alfa Molo étend son royaume du fleuve Gambie au nord de
l'actuelle Guinée Bissau, ce qui contribue à affirmer la
personnalité de la Haute Casamance. Après sa mort et en accord
avec Moussa Molo, son fils, les Français
pénétrèrent au Fouladou en 1883.
Les mandingues, installés depuis le XVIII°
siècle entre les Diolas du Fogny à l'Ouest, les Balants au
Sud-ouest et les Peuls du Firdou à l'Est. A l'instigation du marabout
Fodé Kaba542(*),
les mandingues, fervents agents de l'islamisation et ne parvenant à
mater les peuls, s'étendent sur la rive droite du Soungrougrou ; ils
repoussent les Baïnouks et de 1877 à 1893 luttent contre les
Diolas, installant des colonies mandingues au milieu des villages diolas. En
1893, Fodé Kaba signe un accord avec le gouverneur et évacue le
Fogny, ce qui indirectement sauve les diolas. Mais de son tata de
Médina, il poursuit un rêve de royaume personnel.
Paragraphe 2 : Rapports entre ces
« peuples » du Sud et le pouvoir colonial au XIX°
siècle
Dans les « peuples » du sud on note les
Balants ; repliés sur eux-mêmes sur la rive gauche de la Casamance
au Sud des Baïnouks, les Mandiaques, introduits par les Portuguais
à Ziguinchor ; les Toucouleurs, discrets et isolés,
installées à l'Est de la Casamance ; et les ouolofs dont certains
arrivés individuellement comme agents de maison de commerce ou commis de
l'administration, qui seront parfois traités comme des
« collaborateurs » ou agents impérialistes à
la solde du colonisateur ...
Christian Roche dans sa thèse 543(*) montre comment les
« peuples » du Sud ont été réticents
à obéir à une autorité à moins forte raison
quand celle-ci est étrangère.
Mais malgré les vicissitudes du pouvoir colonial
à leur égard, le système administrativo-politique qui sera
mis en place permettra au colonisateur français de surmonter les
résistances 544(*). Le souvenir de ces faits était inscrit dans
les rues de Dakar jusqu'à une date récente (Thionk et
Sandignery). Il y a eu des réticences pour faire des colonisés
des agents actifs de l'administration coloniale 545(*).
En définitive, il demeure évident qu'aucune
idée d'échange vrai, de rapport vrais avec les habitants,
n'effleurent l'esprit de ceux qui hantent les côtes de l'Afrique
même jusqu'au début du XX° siècle. C'est à
partir de cette idée là qu'on en fera des
« non-individus » avec la privation du droit civique le
plus élémentaire : le droit à la vie politique.
CONCLUSION PARTIELLE
En résumé, par rapport à l'intervention
française, qui avait les moyens matériels de lui faire obstacle,
et allait bientôt étendre sa mainmise, El-Hadj Omar était
venu trop tard pour jouer le rôle d'unificateur. En revanche, par rapport
à l'Etat social du Soudan nigérien, il était venu à
maturité pour qu'il pût surmonter les obstacles
hérités du passé. « C'est la signification de sa
fin tragique », d'après J. Suret Canal 546(*).
L'observation est d'ailleurs valable pour toute l'Afrique
noire 547(*). A la
conquête impérialiste européenne, en effet l'Afrique ne
pouvait opposer aucun obstacle sérieux au colonialisme. ET ce
n'était pas faute de courage, car la chronique de la conquête est
jalonnée d'héroïsme de la part des peuples africains et de
leurs chefs, de témoignages d'une résistance acharnée.
Mais cet héroïsme fut impuissant à faire face à la
domination coloniale.
La solidarité, qui avait permis aux premiers Etats
africains de durer, était en train de disparaître. Mais les
divisions et les haines entre les peuples non seulement n'étaient pas
surmontées, mais se trouvaient au contraire avivées par le
progrès de la différenciation sociale, les haines de peuple
à peuple, de famille à famille, se doublant de haines entre
dominateurs et dominés. Le conquérant européen a dû
se servir des Africains eux-mêmes pour faire la conquête à
son profit, en jouant sur les haines personnelles, familiales ou tribales,
contre ses adversaires du moment, « en attendant que les
« collaborateurs » imprudents de la vieille fussent
à leur tour écrasés sous le talon de fer de la
colonisation »548(*). La conquête se heurta à des
résistances mais qu'elle put écraser une à une, sans
jamais avoir à faire face à une résistance unifiée,
« nationale ». C'est la colonisation elle-même qui
devait créer, par un retour vengeur de l'histoire - mais aussi
après avoir fait subir aux populations asservies « un martyre
de trois quarts de siècle »549(*) les conditions de leur unité et de leur
émancipation. Donc on a brisé toute tentative d'unité pour
créer une situation de faiblesse du fait de la division. Ensuite de
cette division, l'on a tenté de créer une unité avec
l'Etat moderne, mais cette unité est tout simplement fictive et
crée chaque jour les conditions d'un retour à la division.
En ce qui concerne les autres habitants du
Sénégal dans leur rapports avec l'Islam, on peut noter
brièvement les sérères qui sont surtout concentrés
de Thiès à la Gambie. Leur langue est proche du poular, leur type
physique de celui du oualof.
Avec une aristocratie d'origine mandingue, ils formaient une
société hiérarchisée, de type pyramidal et
matrilinéaire. Peu d'entre eux étaient islamisés. Sur le
fleuve Sénégal vivent, à l'Est, les Sarakholé
(littéralement : « hommes blancs »). on
appelle Soninké ces hommes qui, après avoir probablement
fondé l'Empire du Ghana, se sont disséminés. On les
retrouve au Soudan sous le nom de Marka. En Guinée, ils deviennent les
diakhanké et en basse Guinée les Toubakaï. Leur langue
appartient au groupe Mandé.
Très bon commerçants, ils pratiquent le commerce
et la contrebande de frontière. On les retrouve également en
Mauritanie et au Soudan. Bambara et Mandingue de Haute-Volta et de Côte
d'Ivoire sont des sarakholé, ainsi que les Yarsé du Mossi. Bien
mal connu, ce peuple a joué un grand rôle dans l'histoire de
l'Ouest africain. Certains d'entre eux sont islamisés.
Il y a les Mandingues du Nord, qui forment une unité
ethnique et linguistique et ont crée l'Empire du Mali entre le
XIII° et le XVI° siècle. Trois sous-groupes mandingues ont
joué un rôle important au cours de l'histoire africaine : tout
d'abord les Malinké (ou « gens du Mali » en poular),
qui se sont installés en haute Guinée, en Siera Léone et
en Guinée ex-portugaise. Leur origine se situe autour de Bamako et le
long du haut Niger. Les Malinkés se trouvent en Gambie et au Sine Saloum
sous le nom de Socé. Ils se sont également répartis dans
le Sud-Est du Sénégal, au Fouta Djalon, en Casamance et en
Côte d'Ivoire. Pour la plupart, ils sont animistes. Les bambaras sont
également des Mandingues et occupent principalement le haut Soudan. De
Siguiri au Macina, ils ont peuplé toute la région comprise entre
le Niger et le Bani, pénétré vers l'intérieur de la
Côte d'Ivoire jusqu'en Haute-Volta. Très peu islamisés, ils
devront lutter pied à pied, au milieu du XIX° siècle, contre
El-Hadj Omar, qui s'emparera finalement de leur capitale, Ségou
550(*).
Le pouvoir politique a été évolué
avec le temps à deux niveaux différents, chacun d'eux
étant lié à la notion de relations à quelques uns :
les chefs de famille, les membres du conseil des anciens, ou le chef. La
formation de vastes empires était non seulement exceptionnelle, mais
« elle n'avait pas d'incidence directe sur l'exercice de
l'autorité politique au niveau de la relation politique que
s'opérait la liaison avec l'Etat plus vaste »551(*).
Ce second niveau était le lignage ou la classe
d'âge qui regroupait tous les individus ayant un ancêtre commun,
ou qui étaient de la même génération. Les membres de
ces groupes, dispersés dans plusieurs villages, partageaient un
même statut social (dirigeants nobles, serfs), se livraient à des
activités héréditaires depuis longtemps associées
à leur groupe familial (agriculteurs, commerçants, artisans,
chasseurs, etc.) ou, pour des classes d'âge, assumaient
différentes fonctions civiques à mesure qu'ils avançaient
en âge.
L'organisation étatique apparaissait quand le chef d'un
de ces groupes (classes d'âge, ou clan guerrier, par exemple)
réussissait par le persuasion, ou plus souvent par la force, à
imposer son autorité à un nombre croissant de villages
indépendants. Un tel système, fondé sur des devoirs et
responsabilités liés à l'appartenance à un groupe,
constituait selon July « une société politique
très différente de l'Etat, définie par sa dimension
territoriale et la domination, ou d'un groupe politique sur un autre.552(*)
De nombreux groupes politiques, constitués sur les
relations de lignage et d'âge, pouvaient coexister au sein d'un
État, en ayant qu'un faible impact les uns sur les autres ou sur la
communauté villageoise. Un lignage pouvait changer profondément
de caractère, en adoptant l'Islam par exemple, sans que cela marque
véritablement le reste de la société. Le dirigeant ne
cherchait pas tant à assurer une domination totale sur un territoire
donné qu'à maintenir des relations entre clans et qui lui
permettaient de réquisitionner des troupes, de percevoir des tributs et
d'obtenir la main d'oeuvre pour travailler les terres royales ou des serviteurs
pour sa cour 553(*). A
Soudan, « l'Etat n'avait pas de frontières, mais seulement des
zones d'influence »554(*). Il n'avait pas de nom ; on ne connaissait que le
titre de son chef et, en fait de lois établies, « seuls
comptaient les obligations liées à l'organisation familiale et
autres statuts sociaux traditionnels »555(*).
Une telle structure avait bien sûr certaines faiblesses
intrinsèques, d'ailleurs décelables dans d'autres types
d'organisation politique, depuis l'époque de la Perse antique
jusqu'à des temps moins reculés. « Les royaumes de la
savane jouissaient rarement de l'homogénéité ethnique et
culturelle »556(*). Ils étaient édifiés
grâce à des conquêtes militaires ; la volonté
d'expansion dépassait les capacités de l'administration, et ni le
problème de l'organisation politique intérieure, ni celui du
transfert de pouvoir dans le cadre d'un ordre successoral accepté par
tous, n'étaient jamais résolus de façon satisfaisante.
Aussi, il arrivera fréquemment que, soumis à de fortes pressions
extérieures, « ces Etats, faute de cohésion, se
désagrégèrent et disparurent »557(*). Mais, en cela, ajoute-t-il
« ils ne firent qu'emprunter la voie tracée par les empires
d'Alexandre de Macédoine et de Charlemagne558(*).
Il convient maintenant de voir quelle acception donner
à l'idée de Nation dans la vie et les moeurs socio-politiques de
l'Afrique noire moderne, en nous appuyant sur l'exemple
sénégalais.
II. PARTIE : L'IDEE DE NATION DANS LES MOEURS
SOCIO-POLITIQUES DE L'AFRIQUE NOIRE MODERNE : LA SITUATION SENEGALAISE AU
XXe SIECLE
CHAPITRE I : LES RELATIONS ENTRE LES PEUPLES DANS
LE SENEGAL MODERNE (A PARTIR DE 1900)
Cette période de l'histoire africaine, sera
essentiellement marquée par les rapports des Africains avec
l'Europe ; l'Islam s'étant déjà installé...
Au fil du XIXe siècle, tandis que l'influence
européenne s'étendait régulièrement et
pénétrait toujours davantage en Afrique Occidentale, la riposte
africaine se développait parallèlement tant en étendue
qu'en force. Elle fut le fait de deux éléments bien distincts de
la population africaine.
D'un côté, il y avait les
sociétés traditionnelles qui tentaient de contenir la
présence étrangère dans les limites de leur mode de vie et
de leurs usages.
De l'autre, les Africains de l'Ouest formés en Europe,
qui avaient déjà assimilé tout ou partie des normes de la
civilisation occidentale, cherchaient à utiliser leur connaissance pour
renforcer l'Afrique et la protéger de l'anéantissement par les
cultures étrangères.
L'Afrique traditionnelle n'était nullement
antipathique ou stérile, mais le rythme et le sens de son
évolution étaient en porte à faux par rapport aux forces
qui s'exerçaient sur elle. Dés lors, sa riposte, quelque
déterminée qu'elle fut, était condamnée à
l'avance. Tout affrontement direct, militaire ou diplomatique était vain
face à l'écrasante technologie européenne 559(*).
Ainsi, cette puissante administration européenne,
aurait-elle comme semble l'exprimer une certaine opinion, exploité les
rivalités internes, d'autant plus qu'elle avait pour vocation de
s'imposer ? Aussi, les dirigeants d'Afrique de l'Ouest formés
à l'école occidentale, auraient-ils utilisé l'idée
de Nation pour assouvir leurs ambitions politiques ? Voilà des
questions auxquelles nous tacherons de répondre.
SECTION I : L'EXISTENCE DE TENSIONS SOCIO-ETHNIQUES
AUTOUR DU FLEUVE SENEGAL PENDANT LA PERIODE
COLONIALE : LES RAZZIAS
Nous allons ici voir les rapports entre les
différentes ethnies d'une part et les rapports entre ces populations et
l'administration coloniale au niveau des rives du fleuve Sénégal.
Il s'agit de l'existence de conflits inter-ethniques sur les rives du fleuve
Sénégal aux alentours de 1900 560(*). Mais encore, faut-il d'abord rappeler quelques
éléments historiques ?
SECTION II : RAPPORTS ENTRE LES POPULATIONS DE LA
VALLEE DU FLEUVE SENEGAL ET L'EUROPE (FIN XIXe DEBUT XXe : RAPPEL DE LA
SITUATION COLONIALE
En 1990, on est en pleine période coloniale ; il
convient de rappeler que les premiers contacts des mauritaniens avec les
Européens remontent au début du XVe siècle, suite aux
premières incursions et aux voyages de découvertes des portugais
le long des côtes de l'Atlantique.
A partir du XVIIIe siècle, des points de contact se
fixent le long de la vallée du fleuve Sénégal. Les
Français comme leurs concurrents anglais et portugais se
lancèrent dans le commerce de la Traite. Les tribus guerrières
maures joueront un rôle déterminant dans le cadre du renforcement
des relations commerciales car elles fournissaient aux esclavagistes un nombre
très important d'esclaves.
Il n'y avait pas de vrais rapports d'échanges avec les
habitants ; les rapports entre les peuples étaient basés sur
la domination, l'asservissement des uns par les autres...
Le document, dont on trouve ici un extrait est tiré
des archives Nationales françaises et nous permet de mesurer l'ampleur
de la participation des maures à la traite en 1765 561(*).
Dans le Trarza (actuel Portendick), la situation resta
très compliquée. En 1855, les maures s'opposèrent aux
français, l'émir du trarza Mohamed El Habib considérait
les français comme ses tributaires et se vantait de s'emparer de
Saint-Louis du Sénégal quand il voulait. De plus les trarza
continuaient à agir en maîtres, au Walo, (dont le roi avait
épousé la reine Guimbotte). Ils exploitaient le pays, y
organisant de fructueux pillages. Depuis la mort de Guimbotte, bien que la
succession fut passée à sa soeur Ndeti Yalla, le fils de Mohamed
El Habib, Ely, soutenu par cette dernière, était le vrai
souverain du pays et en dirigeait la politique : c'est ainsi qu'à
son instigation, elle intima l'ordre au gouvernement d'évacuer les
voisines de Saint-Louis. C'est ainsi que Faidherbe décida d'agir au
walo : avertis, les maures se dispersèrent 562(*) ; les troupes
françaises convergèrent sur Diekten où ils campaient et le
15 février les battirent et leur enlevèrent tous leurs biens.
La reine du walo fit alors cause commune avec les maures et
le pays se souleva ; le gouverneur accourut ; il voulait s'emparer du
Nder, la capitale ; le 25 il mettait l'armée de N'deti Yalla et ses
alliés maures en fuite à Dioubouldou ; Nder fut pris et
brûlé. La reine s'enfuit.
En mars 1855, les maures se rapprochèrent du fleuve
recommençant leurs pillages : Faidherbe leur porta un premier coup
d'arrêt à Dialakhar ; Mohamed El Habib n'en désarma
pas pour autant ; il répondit aux propositions de paix du
gouverneur par un ultimatum, exigeant entre autres choses le départ des
français du walo, l'augmentation des coutumes et le renvoi de Faidherbe.
Ce plongeon dans le passé nous permet de prendre conscience de
l'état de guerre presque endémique qui régnait dans cette
région. On assista à un bras de fer entre d'une part les forces
coloniales et autochtones et d'autre part entre les maures, les toucouleurs et
le walo. En 1894, Gaston Donnet recevait une mission de reconnaître
l'Adar et de là si possible, pousser jusqu'au Maroc. Mais Donnet,
pillé près du Cap Timris, abandonne et rentre au
Sénégal 563(*).
Dès la fin 1899, une Mauritanie occidentale
était créée, sur le papier, de l'Atlantique à
Tombouctou, du Sénégal à Tindouf. Mais ce projet fut
trouvé trop ambitieux à Dakar et au Quai d'Orsay. Il fut
rogné sous l'influence des affaires étrangères
préoccupées par les revendications espagnoles 564(*).
La consolidation de l'hégémonie
française en Afrique Occidentale au XIXe siècle, en particulier
au Sénégal, va instituer un rapport de forces de plus en plus
favorable à la France dans ses relations conflictuelles avec les
« Etats maures » de la vallée du fleuve. C'est pour
mettre fin aux prétentions des maures sur les royaumes du walo et
créer des conditions de sécurité nécessaires
à la liberté du commerce le long du fleuve que la France
entreprend une série d'offensives contre eux, suivie de contre
offensives de la part des Emirs, qui furent définitivement contenus au
nord du fleuve Sénégal sur la rive droite.
Cet état de faits se perpétuera jusqu'à
la décision prise par la puissance coloniale française, au
début de ce siècle, de « pacifier » la
Mauritanie et de porter la guerre avec les Etats maures sur la rive droite du
fleuve.
SECTION III : CHRONIQUE DE QUELQUES EVENEMENTS
AYANT TRAIT A DES INCIDENTS AUTOUR DU FLEUVE SENEGAL (A PARTIR DE
1903)
Le but immédiat de la colonisation était de
mettre fin à l'instabilité chronique des relations entretenues
par la France et les mauritaniens de part et d'autre du fleuve durant environ
trois siècles, d'assurer la sécurité des
administrés vivant sur la rive gauche et la liberté du commerce
le long de l'axe fluvial.
Mais le problème de la sécurité des
habitants des rives du fleuve Sénégal se posait avec
acuité ; plusieurs lettres et télégrammes confirment
cet état de fait 565(*).
En effet déjà le 10 avril 1903 566(*), une note adressée
à l'administrateur Bakel-Sénégambie et Secrétaire
Général délégué pour la Mauritanie,
révéle que des pillards maures ont tenté de surprendre des
habitants du nord de Guidimakha et ont été repoussés sans
rien enlever ; cette note révèle que les bandes de pillards
maures étaient très nombreuses au nord de ce village
(Guidimakha).
Le 23 juin 1903 567(*), le Directeur des affaires indigènes
écrivait à l'Administrateur de « Dagana à
Sénégambie » pour lui signaler que la situation des
habitants toucouleurs qui craignaient une incursion de pillards maures, en
effet d'après cette lettre qui nous est parvenue des Archives Nationales
françaises, ces habitants toucouleurs sollicitaient des armes à
l'administration coloniale pour pouvoir se défendre.
Le 30 juin 1903 un télégramme 568(*) émanant toujours de
Podor, raconte que six femmes avaient été enlevées par des
maures inconnus, en face du village de Macelle situé sur la rive droite
et deux personnes qui refusaient de suivre avaient été
tuées.
Le 1er juillet, un télégramme
officiel émanant de Bakel et adressé à l'Administrateur de
Sénégambie et Secrétaire Général de
Mauritanie 569(*),
affirme que les maures ont commis des vols (plus de 500 moutons...), ce
télégramme révèle ensuite que les pillards se
multiplient aux environs de Guidimakha depuis que les maures sont forcés
de demeurer sur la rive droite par suite de la crue du fleuve.
L'administration coloniale de Bakel demandait en
conséquence le renforcement de la surveillance 570(*).
D'après un recensement établi le 6 juillet
1903571(*) par
l'Administrateur de Dagana (nord du Sénégal), tous les crimes et
délits commis sur les deux rives du fleuve au mois de juin de cette
année l'avaient été par des maures. Ce qui veut dire que
les populations négro-africaines en général et toucouleurs
en particulier s'étaient montrées paisibles et que
c'étaient elles les victimes des razzias des maures. Sans doute
pouvait-on encore parler d'invasions maures.
Un autre télégramme 572(*) informait l'administrateur,
qu'après une enquête menée sur le terrain, un certain
Mohamet Soulta qui avait d'ailleurs déjà fait l'objet d'un
télégramme 573(*), avait été arrêté par
plus de quarante toucouleurs en armes sur la rive droite du fleuve. Par la
suite les toucouleurs poursuivirent et attrapèrent Mohamet Soulta qui
tira sur eux... Les habitants de Podor avaient alors affirmé qu'ils
avaient de tout-temps pêché sur le marigot et qu'ils payaient
même une coutume (en poissons), à un certain représentant
de Podor.
Le 05 septembre 1903 574(*), un extrait du journal-poste de Matam (nord du
Sénégal) affirme que le 23 août, l'administrateur est
informé par un habitant de Guiraye pris par les maures au début
du mois d'août et qui a pu se sauver, cet habitant disait que Bakar (Chef
maure) se propose si on ne lui donnait pas la « coutume »,
de revenir attaquer les villages de la rive droite, ainsi que Kaëdi
(situé au sud de l'actuel Mauritanie) et Matam (situé au nord du
Sénégal), dès que le fleuve baissera.
Cet habitant ajoute que pendant son séjour chez les
maures, les gens de Bakar se disposaient à venir attaquer le village de
Maghana. Ils en ont été empêchés par la hauteur des
eaux dans le marigot de Gorgol...
Le 6 septembre 1903 575(*), un télégramme officiel informe que
les maures ont enlevé six femmes dans un champ du village de Samba
Kandji ; la trace des pillards n'a pu être suivie de nuit ; les
gardes et une quarantaine de cavaliers et fantassins de ce village sont partis
le matin dès les premières heures à la poursuite des
maures.
Le 8 septembre 576(*) l'Administrateur de Matam (nord du
Sénégal) atteste que dans la nuit précédente, les
maures ont tué un homme et une femme et enlevé un troupeau de
moutons à « Petit Koundel », village situé
sur le rive droite, a environ 25 km de Matam. Cinq cases ont été
brûlées et les maures étaient poursuivis...
Le 27 septembre, l'administrateur est informé que les
pillards ont surpris le chef de « Sack », pour rechercher
des animaux volés dans le cercle de Kayes (nord-ouest du
Sénégal). Ils lui ont pris son cheval, son fusil, ses
vêtements... Bakar aurait demandé à un certain Ould Moctar
de faire alliance contre les toucouleurs, ce dernier aurait refusé et a
été abandonné. Ousmane (fils de Bakar le chef maure),
aurait déclaré que pour la première fois, les
« Abakaks » cultivent, parce qu'ils sont en guerre contre
les toucouleurs et que leur récolte faite, c'est à dire au
commencement de novembre, ils reviendraient tous vers le fleuve pour
recommencer les pillages.
Le 25 octobre 577(*), les maures enlèvent à Sélibaly
deux hommes et trois boeufs et à Baidiam, deux enfants. Des cavaliers
sont partis à la poursuite des pillards, ces actes de brigandage ont
été commis par des pillards isolés d'après les
témoignages.
Les pillages se poursuivaient et c'est ainsi que le 15
novembre, un télégramme informait que des cavaliers maures
avaient encore enlevé une douzaine de femmes et d'enfants qui
travaillaient sur la rive droite du fleuve...
Le 18 novembre 578(*) , rentré à bakel après
avoir parcouru tout Guidimakha, l'administrateur de Bakel informe que les neufs
(9) pillards du chef Rasoumould-Eli ont enlevé des troupeaux
« Sack » (110 boeufs, 400 chèvres....). Ces faits
sont, on le voit bien, des délits importants de par l'ampleur des
dégâts. Le 23 novembre 579(*) une femme et cinq enfants du village de Koundel qui
se trouvaient sur la rive droite du fleuve ont été enlevés
par des cavaliers maures, un surveillant prévenu deux heures
après n'a pu les atteindre. Ce mois de novembre aura donc
été très chaud en actions (razzias) comme c'était
prévu par les pillards.
Le 12 décembre de la même année
580(*), un
télégramme officiel émanant de Podor (lieu situé au
nord du Sénégal actuel), informait l'administrateur de
sénégambie que pendant la nuit du 6 décembre, des maures
(Oulad Seid), ont enlevé un captif sur la rive droite du fleuve dans des
terrains de culture du village de Diara, et que dans la nuit du 8
décembre, ils ont mené une lutte avec les gens d'un village
toucouleur de la rive droite.
Il y eut lors de cet épisode, trois enfants libres et
une captive. Deux toucouleurs furent grièvement blessés...
Après une longue poursuite et n'ayant pu atteindre les ravisseurs, le
chef de canton célobé se serait emparé de quatorze
personnes de tribu maure 581(*). Les actes de brigandage commis surtout du
côté des maures témoignent du fait que ces derniers (les
maures) en raison de leur lointaine origine, sont à considérer
(sans parti-pris) comme des « envahisseurs ». Nous
constatons que les rapports étaient très tendus entre les tribus
maures et toucouleurs. C'est sans doute pour cela que la puissance
colonisatrice (la France), a essayé `apparemment) de calmer ces conflits
qui lui profitaient, dans la mesure même où ils lui ont permis
d'asseoir son autorité et d'organiser son administration (à sa
guise) et ce, pour des considérations, nous le verrons, purement
économiques...
CHAPITRE II : LES SOLUTIONS POLITICO
ADMINISTRATIVES COLONIALES : DE L'INSUFFISANCE OU DE L'INEFFICACITE DES
SOLUTIONS COLONIALES SUR LES TENTATIVES DE FIXATION DES TERRITOIRES EN AFRIQUE
NOIRE
(Etude des textes administratifs et réglementaires sur
la question des frontières ou des limites touchant le
Sénégal, notamment étude des textes administratifs
émanant des Archives Nationales sur les frontières de l'Afrique
Occidentale Française).
SECTION I : APERCU DU PROBLEME
Pour Boutros Boutros GHALI , L'Afrique pré
coloniale n'a pas vraiment connu de frontières à savoir des
lignes délimitant l'espace réservé à la
compétence de l'Etat, dans la mesure où les royaumes africains
n'étaient séparés que par des zones, des confins, aux
contours souples et incertains 582(*).
Ceci s'explique dit-il pour plusieurs raisons à savoir
le sous-peuplement qui entraîne une relative abondance des terres, le
caractère nomade de certaines populations, les données
topographiques rendant le tracé des frontières difficile...
D'où l'on peut tirer la conclusion que
« l'Afrique pré-coloniale a ignoré la frontière
qui divise les peuples » 583(*). Il conviendra de la démontrer.
Ce sont donc les puissances coloniales qui ont imposé
des frontières artificiellement, en se partageant l'Afrique lors du
fameux congrès de Berlin. Ainsi la répartition des ethnies et
tribus, jadis homogènes entre différentes entités
étatiques devait créer un problème de minorité tout
le long des frontières.
Des tribus et ethnies hostiles se sont vues ainsi
associées au sein d'une même entité constituant un Etat
artificiel et économique non viable584(*).
En fait les dirigeants africains actuels ont compris que la
rectification engendrerait des conflits d'où l'intangibilité des
frontières. Pour mieux comprendre les données du problème
il convient de voir les tentatives faites dans le passé pour fixer les
frontières.
SECTION II : LES TENTATIVES DE FIXATION DE
TERRITOIRES OU LES SOLUTIONS POLITICO-ADMINISTRATIVES COLONIALES
Déjà le 20 novembre 1815, le Traité de
Paris rendait à la France le Sénégal et ses
dépendances, ainsi définie par une Instruction du 16 mai 1816
donnée à Schmaltz, le nouveau gouverneur 585(*).
L'attaché d'administration Gaspard Mollien, en 1818,
traversa le Ferlo pour parvenir au Sénégal.
Lat Dior s'était opposé aux français qui
tentaient d'établir une liaison entre Saint-Louis et Gorée.
Pinet-Laprade, adjoint puis successeur de Faidherbe, chassa Lat Dior en 1854 et
fonda le poste de Thiès ; le Cayor était
théoriquement annexé, mais en 1875, Lat Dior fut replacé
à sa tête.
En 1875, le Sénégal avait ainsi atteint et
consolidé la limite du fleuve et atteignait les abords de la Gambie,
tout l'intérieur étant, sous formes variées, soumis
à l'administration ou à l'influence du gouverneur
français586(*).
Les portugais avaient, sur la basse Casamance, un comptoir,
ziguinchor. Des négociantes français fréquentaient
l'embouchure. Le gouverneur Roger s'y rendit et conseilla de s'y
établir. En 1828 on acquit l'île de Diogué, puis celle de
Carabane. Remontant le fleuve en amont de Ziguinchor, les français
fondèrent, en 1838, un poste à Sédhiou 587(*).
La Casamance avait ainsi été annexée peu
à peu au Sénégal et unifiée par les
français. Le comptoir portugais de Ziguinchor était une enclave
peu intéressante pour la métropole. Une convention du 12 mai 1886
opéra un remembrement entre les possessions de la France et du Portugal.
La France abandonnait toute prétention sur les îles Bissagos et
convenait d'une frontière entre les Guinées française et
portugaise. Le territoire de Cabinda, au Congo, était reconnu aux
portugais et délimité ; la France reconnaissait les droits
du Portugal sur les territoires entre l'Angola et le Mozambique. Le nom de
Ziguinchor ne figurait pas dans le texte, mais son abandon à la France
était exclu dans la définition de la frontière entre la
Casamance et la Guinée portugaise 588(*).
Le Traité de Versailles du 3 septembre 1783, qui
terminait la guerre de l'Indépendance américaine, confirmait la
possession du Sénégal et de la Casamance, sauf, la région
de Bathurst, en Gambie » qui appartenait à l'Angleterre.
Le comptoir d'Albréda, sur la rive Nord de cette
rivière était restitué à la France, sans qu'il en
fut fait mention. Une convention franco-anglaise du 7 mars 1857 l'abandonna
à l'Angleterre en échange des droits éventuels de celle-ci
sur Portendick, vieille station de la côte mauritanienne par laquelle les
anglais pouvaient concurrencer les français dans le trafic de la gomme.
Pour dire que la préoccupation du colon était simplement
économique.
Ainsi l'occupation britannique se limitait à la ville
de Bathurst 589(*) et
ses environs, à Albréda et au fort Bareen dans l'embouchure,
enfin à l'île de Mac Carthy à 50 lieues en amont avec
quelques soldats 590(*).
Les populations étaient et sont toujours les mêmes que dans les
contrées voisines du Sénégal et de la Gambie, sauf, dans
la région de Bathurst qui compte un élément
étranger : les « Akou » 591(*).
L'extension du Sénégal vers le Sud posa donc le
problème de la Gambie, enclave entre des territoires d'influence ou de
prétention française sans frontières précises et
où se réfugiaient les pillards et autres bandes armées
opérant sur le territoire du Sénégal. La plus grosse
partie du commerce de Gambie était d'ailleurs aux mains des maisons
françaises.
Les rapports de Faidherbe, de Pinet-Laprade et des marins
Aube et Fleuriot de Langle 592(*) préconisaient l'acquisition de la Gambie en
échange des comptoirs du Golfe de Guinée 593(*).
Le ministre de la Marine d'alors accepta en 1863 de faire
adopter le projet par le gouvernement.
En février 1870, les anglais proposèrent
l'échange de la Gambie contre la Mellacorée et les îles de
Los. Mais, alors que jusque-là et plus tard les échanges
africains s'effectuaient au seul gré des gouvernements d'Europe, on vit
brusquement, contre la cession de la Gambie, se manifester une opposition
locale : celle des commerçants britanniques et celle des Akou,
soulevés par les missionnaires méthodistes. Des pétitions
furent envoyées aux communes, et des campagnes de protestation se
déclenchèrent. Le gouvernement de Londres demanda alors à
la France d'indemniser les habitants de la Gambie. Les français
refusèrent. La guerre de 1870 arrêta tout 594(*).
La question fut reprise en 1875 à cause de la guerre.
Les anglais demandaient en plus le Gabon et une indemnité pour les
commerçants de Bathurst. Les français refusèrent. Les
anglais proposèrent alors que la France renonçât à
toute activité sur le littoral du Golfe de Guinée entre Rio Pongo
et le Gabon, c'est-à-dire non seulement la Guinée et la
Côte d'Ivoire, mais Porto-Novo, le Dahomey et le Delta du Niger où
les commerçants français avaient des visées.
Par la suite, le gouvernement français tenta, en 1880,
une démarche officieuse ; mais Salisbury, quoique favorable,
déclara ne pouvoir reprendre la question devant l'hostilité du
parlement.
Ainsi survécut la minuscule Gambie, dont le refus
permit à la France de créer les immenses colonies de
Guinée, de Côte d'Ivoire et du Dahomey, sans compter le Gabon,
point de départ de l'A.E.F. Pour Deschamps : « on a
rarement vu d'échec plus fructueux » 595(*).
Le Traité franco-anglais u 10 août 1889, dans
son article premier, fixera ainsi les frontières du
Sénégal et de la Gambie 596(*).
Le tracé remontera alors dans la direction de la
Gambie en suivant le méridien qui passe par sandeng jusqu'à une
distance de 10 kilomètres du fleuve.
La frontière suivra ensuite la rive gauche du fleuve
à une même distance de 10 kilomètres jusqu'à et y
compris Yarboutenda ».
L'annexe II à la Convention précise certains
points : sur la Jinnak, la frontière suit le milieu du chenal
jusqu'à un point situé à 10 kilomètres de la
Gambie. Au sud, si la rivière San Pedro n'atteignait pas le 13°10,
ce parallèle servirait de frontière depuis la mer. Sandeng est en
territoire britannique. A Yarboutenda, fin de la Gambie anglaise, la limite
sera tracée par une courbe de 10 kilomètres de rayon à
partir du centre de la ville 597(*).
La Gambie recevait ainsi une forme : « celle
d'un gros et long ver » dira Deschamps, se tortillant dans le
territoire français et coupant du fleuve, leur débouché
naturel, tous les pays d'alentour. Ce n'est pas d'ailleurs ajoutera-t-il
« le seul monstre géographique que la politique ait
enfanté »598(*).
La frontière est sans doute très artificielle,
coupant géométriquement les pays, les peuples et les courants
commerciaux. Elle ne pouvait s'imposer sans malaises. Les dossiers sont pleins
de réclamations des administrateurs français contre les pillages,
les incursions ou les empiétements émanant de la situation ou la
mettant à profit 599(*). Les limites théoriques étaient
foncièrement contestées sur le terrain. Encore le sont-elles
autrement aujourd'hui. Même si les contestations sur le terrain se sont
apaisées, la forme de la contestation est théorique, du fait des
revendications des uns et des autres.
Pour mettre fin à ces troubles, une commission mixte
fut désignée en 1896. Elle opéra la délimitation en
1898-1899 et planta des poteaux-frontières. Elle se heurta à de
nombreuses situations de fait. Le village de Gambissou fut coupé en
deux. De même les Etats de Moussa Molo. De nombreux levés
astronomiques furent nécessaires pour fixer la protection des villages
et rectifier la carte anglaise servant de base. Le rapport de l'administrateur
Adam rendit compte des opérations 600(*).
Une nouvelle mission eut lieu en 1904-1905 et remplaça
les pilliers de bois des bornes en maçonnerie tous les 2600
mètres et sur tous les sentiers. Le capitaine Duchemin rendit compte de
l'exécution 601(*).
Entre-temps était intervenue la nouvelle convention du
8 avril 1904 réglant, dans le nouveau climat de l'entente cordiale, les
problèmes coloniaux franco-anglais 602(*).
En 1910, le gouvernement général attribua
à la Guinée la plus grande partie des Bassari. Ainsi la
frontière suit le cours de la rivière Mits, puis coupe la
montagne Bassari. Elle rejoint ensuite la Falémé et laissant au
Sénégal la plaine torride de Kédougou, de peuplement mixte
en partie mandingue, et à la Guinée les premiers contreforts du
Fouta Djalon peuplé de peuls et de dyalonkés 603(*).
Coppolani, venu d'Algérie et bon arabisant, pensa
pouvoir la
(Mauritanie) pacifier par la religion et la diplomatie. Sur
son rapport, le Ministre, par une lettre du 27 décembre 1899,
prévoyait la création d'une « Mauritanie
occidentale » (le nom était emprunté à
l'histoire romaine) et invitait le gouverneur général de l'AOF
à en faire étudier l'organisation.
C'est la première fois que la fiction d'un
Sénégal commençant au Cap Blanc 604(*) s'effaçait devant la
perspective d'une nouvelle unité administrative dans le nord. Par
arrêté du 20 octobre 1902, le gouverneur général
chargeait Coppolani « d'établir les bases d'une organisation
des populations maures situées sur la rive droite du
Sénégal » 605(*).
Ainsi cette limite du fait de l'occupation française
allait devenir une limite de droit, puis une frontière. Tracée
par la nature sans doute, mais « ethnographiquement
contestable » 606(*). La vallée du Sénégal au nord
comme au sud, est habitée par des cultivateurs noirs, vivant des
alluvions et des inondations, population toute différente de ces nomades
blancs que sont les Maures. Ceux-ci prétendaient à la
souveraineté sur les noirs et on les a crus. Cela n'alla pas sans
soulever des protestations et des conflits dont les administrateurs de Podor et
de Dagana furent saisis. Plus tard, cette dualité ethnique devait causer
des problèmes à la jeune République islamique de
Mauritanie 607(*).
Après les premiers succès de Coppolani en pays
Trarza, le gouverneur général Roume, par arrêté du
12 mars 1903, décidait : « le protectorat des pays maures
du bas Sénégal est placé sous la direction d'un
délégué du gouverneur général »
608(*), on
prévoyait des fonctionnaires civils et militaires et l'assistance des
chefs locaux.
Cela n'empêchait pas les pillages maures de se
poursuivre au Sénégal. Rien que dans le mois de juin 1903, et
dans les seuls cercles de Podor et de Dagana, on comptait, du fait des maures,
10 meurtres, 33 blessés, 48 rapts de femmes et d'enfants, 2 pillages de
chalands, 2 attaques de villages , 6 vols de troupeaux... 609(*).
Coppolani fut assassiné le 12 mai 1905 à
Tidjikla. Mais à en croire nos éléments tirés des
Archives Nationales françaises 610(*) peu avant sa mort, le 16 décembre 1904, Le
Secrétaire Général des Colonies françaises en
mission, délégué en pays maures, rendait compte de sa
décision au gouverneur général de l'Afrique occidentale
française ; il disait que conformément à ses
instructions, il avait prescrit l'application de mesures qui déterminent
d'une part les limites entre la colonie du Sénégal et le
territoire civil de la Mauritanie ; et règlent provisoirement
d'autre part, les conditions dans lesquelles les indigènes
établis sur la rive gauche peuvent être autorisés à
cultiver les terrains qu'ils possèdent sur la rive droite. Ce dernier
avait donc décidé que la limite entre le territoire civil de la
Mauritanie et les pays de protectorat du Sénégal est
déterminée par le fleuve Sénégal depuis le
territoire de la commune de Saint-Louis jusqu'au marigot du Karakoro... Tous
les villages établis sur la rive droite du fleuve Sénégal,
de Ndiago inclusivement jusqu'à la frontière du Haut
Sénégal-Niger, relevait dorénavant des autorités de
la Mauritanie auxquelles ils paient les impôts propres à ces
territoires. Cette décision était assez importante dans la mesure
où elle déterminait les conditions d'établissement des
indigènes de part et d'autre du fleuve ; c'est ainsi que ceux
établis sur la rive gauche du fleuve et qui figuraient sur les
rôles d'impôts propres à la colonie du Sénégal
étaient exceptionnellement autorisés à continuer à
cultiver les terrains dont la possession leur aura été reconnue
par les Résidents de régions, ce qui n'était pas sans
poser quelques difficultés comme nous allons le voir plus loin.
Le Secrétaire Général avait
également décidé que la culture de tout autre terrain par
les indigènes établis sur la rive gauche ferait l'objet d'une
autorisation spéciale de la part des autorités locales de la
Mauritanie. L'exception faite en faveur des indigènes établis sur
la rive gauche soulèvera de nombreuses difficultés. Et le
Secrétaire Général des Colonies n'avait pas manqué
de le signaler au Gouverneur Général de l'AOF. En effet
l'impôt étant territorial, les indigènes maures et noirs
comprenaient difficilement la faveur accordée à quelques uns
d'entre eux. De même que les conséquences fiscales étaient
quelque peu noueuses (question de reversement des impôts...).
Au même mois de la même année (1904), un
projet de décret délimitant le territoire civil de la Mauritanie
et le Sénégal avait été envoyé au Ministre
des Colonies par le Gouverneur Général de l'AOF 611(*). Il signalait au ministre
que par arrêté du 10 avril 1904, il avait prononcé la
suppression du cercle de Kaëdi qui comprenait des territoires
placés sur les deux rives du fleuve et attachés au protectorat
des pays maures les cantons de cet ancien cercle situé sur la rive
droite du fleuve et qui en dépendaient géographiquement
612(*).
En Janvier 1905, le Gouverneur Général soumet
un nouveau projet de décret au Ministre des Colonies lui signifiant
qu'en raison de la progression française dans la rive droite du fleuve,
grâce à l'appui ou à la soumission de tribus
guerrières ou religieuses, il était nécessaire pour des
raisons politiques et ethniques de rattacher au territoire civil de la
Mauritanie les villages des cercles de Podor et de Matam situés sur la
rive droite et le canton de Guidimakha qui, sur la même rive
dépend du cercle de Bakel. Le Gouverneur disait que cette
répartition nouvelle ne préjudiciait en rien aux droits
individuels ou collectifs de jouissances que les populations toucouleurs de la
rive gauche avaient pu acquérir sur des terrains de la rive droite. Ces
droits disait-il, étaient réservés par
l'arrêté du 10 janvier 1905 613(*). Le Gouverneur avait donc décidé que
tous les territoires riverains du fleuve dépendraient de l'unité
administrative à laquelle ils dépendaient
géographiquement. Ceux du Nord feront partie du territoire civil de la
Mauritanie, ceux du Sud de la colonie du Sénégal 614(*).
Le 25 février 1905 615(*), décret du Président de la
République française sur la proposition du Ministre des colonies,
25 février), Clémentel alors Ministre des Colonies,
décrète avec la signature du Président de la
République française que les limites entre la colonie du
Sénégal et le territoire civil de la Mauritanie sont
déterminées au sud de ce territoire par la banlieue de
Saint-Louis, telles qu'elles étaient fixées par le décret
du 13 février 1904, et par le fleuve « à partir du
marigot de Kassack jusqu'au marigot de Karakoro(...) » 616(*).
La limite entre le Sénégal et la Mauritanie fut
définie par un AGG de 1905 organisant le territoire de la
Mauritanie : la limite nord de la commune de Saint-Louis, puis le marigot
de Mouchatio et la rive droite du fleuve Sénégal jusqu'au marigot
de Karakoro 617(*).
Un décret du 4 décembre 1920
réorganisait le Sénégal en supprimant la distinction entre
les territoires d'administration directe et les protectorats. La Mauritanie,
jusque-là territoire, devenait une colonie avec un gouverneur, qui
d'ailleurs siégeait à Saint-Louis, au Faubourg de Ndar Toute sur
la langue de Barbarie, à quelques pas du gouverneur du
Sénégal.
Ensuite il y aura le fameux décret de 1933 618(*) et il faut souligner que la
clarté et la précision de ce décret (délimitant la
frontière entre le Sénégal et la Mauritanie) ne souffre
d'aucune discussion. Ces deux territoires étaient devenus des
Républiques dans la communauté française. L'AOF
disparaîtra et en 1960, la Fédération du
Sénégal avec le mali s'avéra éphémère
et la communauté française disparaîtra également.
Les tracés administratifs deviendront des frontières d'Etats
à l'issue des indépendances. Voilà qui explique le
caractère artificiel des frontières dans l'Afrique, plus
exactement dans le Sénégal actuel.
Même depuis l'accession des deux pays à
l'indépendance, rien n'a été fait pour la
délimitation effective de la frontière par des travaux de bornage
conformément aux recommandations du décret de 1933. En fait la
Mauritanie est une création de la colonisation française et bien
d'autres territoires d'Afrique étaient dans une situation analogue.
A cet égard on peut constater que l'élan
patriotique l'emporte sur la réflexion critique et que l'ardeur de la
conviction étouffe le goût de la recherche scientifique
authentique.
Trop souvent l'histoire est simplifiée voire
falsifiée, pour être sollicitée d'une manière
tendancieuse. Le droit, notamment certains traités internationaux,
décrets parfois ambigus, est interprété et parfois
« torturé », de façon à en tirer les
preuves attendues. Les réalités sociales, culturelles et
politiques sont souvent méconnues ou même niées purement et
simplement, quand elles ne sont pas détruites par la force
conformément à une règle fondamentale de la propagande, la
répétition d'argumentation simpliste ou erronée tient lieu
de démonstration. Il importe d'en examiner les pièces
essentielles (faits historiques, textes juridiques, ralités politiques,
décisions des organisateurs internationaux...) avec toute
l'objectivité requise et l'esprit critique nécessaire.
Cette recherche longue, patiente, et parfois difficile qui
est à la fois de nature historique, juridique et politique est
inspirée par le souci d'analyser les faits d'une manière aussi
complète et exacte que possible d'en fournir une explication et une
interprétation qui les éclairent. Elle voudrait également
aider à mieux comprendre les données essentielles des rapports
sénégalo-Mauritaniens et à entrevoir les
difficultés et les conditions de sa solution.
Volontairement synthétique, elle se propose de
présenter une vue d'ensemble de cette équation, sans
négliger aucun aspect important et en fournissant des indications
pouvant susciter d'autres études.
Elle conduit à la conclusion essentielle que la
majorité des conflits territoriaux en Afrique, est la conséquence
directe de la délimitation fantaisiste et inconsciente de la
frontière 619(*).
C'est pour cette raison d'ailleurs que les exemples de
différends territoriaux sont nombreux en Afrique. Une Afrique
balkanisée, morcelée, en fonction des intérêts des
puissances coloniales...
Voilà pourquoi l'Afrique sera donc victime du syndrome
de Berlin et paralysée par le mythe de l'Etat-Nation, en tant que legs
colonial. Ce qui nous amène à parler de l'insuffisance des
solutions coloniales en matière de territoire.
SECTION III : DE L'INSUFFISANCE OU DE
L'INEFFICACITE DES SOLUTIONS COLONIALES ANCIENNES EN MATIERE DE
TERRITOIRE
L'insuffisance voire l'inefficacité
des solutions coloniales favorisera même à la suite des
indépendances de 1960, une montée vers l'exacerbation d'un
conflit inter-ethnique, alors en gestation 620(*).
Paragraphe 1 : L'exemple de la frontière
nord du Sénégal
Le dernier décret portant délimitation entre le
Sénégal et la Mauritanie date du 8 janvier 1933 621(*).
Son application changerait le statu-quo territorial qui resta
d'ailleurs à l'avantage de la Mauritanie qui n'entendait cependant pas
se conformer aux dispositions mentionnées par le décret.
Auparavant, en plus des différents décrets,
l'administration coloniale avait tenté également des solutions
pour atténuer les tensions ethniques mais des mesures qui
coïncident beaucoup plus avec ses préoccupations qu'avec celles des
riverains (impôts, fixation des populations, maîtrise des flux
migratoires...).
C'est le décret du 18 octobre 1904 qui a
constitué une unité administrative sous le nom de
« territoire civil de la Mauritanie » 622(*).
Un arrêté local a été
organisé et placé sous la direction d'un
délégué du Gouverneur Général le
1er Mai 1905.
La soumission complète des diverses tribus religieuses
a permis d'asseoir de façon plus effective l'action dans ces pays qui
vivaient dans un état de troubles et de luttes 623(*).
Les limites entre la colonie du Sénégal et le
territoire civil de la Mauritanie étaient déterminées par
la banlieue de Saint-Louis 624(*) et du fleuve Sénégal.
L'exécution de ce décret sera insérée au journal
officiel 625(*) par le
Ministre des Colonies 626(*).
Il y a aussi ce refus au rattachement à
l'administration des cercles, villages de liberté, de culture sur la
rive droite du Sénégal. En effet, les actes organiques qui
délimitaient les zones respectives d'action administrative du
Sénégal et de la Mauritanie, n'étaient selon
l'administration coloniale justifiés par aucune situation
particulière.
Les considérations « trop
particularistes » et « trop
intéressées » d'ordre budgétaire se produisirent
« à l'instigation de certains chefs indigènes, en
particulier les populations des deux rives » 627(*).
Les décisions du Gouverneur Général et
du Gouverneur du Soudan avaient réglé, les difficultés au
sujet de l'attribution ancienne de 24 lougans qui étaient sur la rive
droite, des habitants de la rive gauche et la prise de possessions de ces
habitants.
Les habitants du Guidimaka ont été
« punis » depuis 1891 par la distribution de leurs terres
au gens de la rive gauche. La restitution des gens de Khabou avait
assuré l'autonomie territoriale complète de Guidimaka 628(*).
Les territoires riverains du fleuve dépendront
dorénavant de l'unité administrative à laquelle ils
appartenaient. Un projet de décret 629(*) consacre cette délimitation naturelle et
détermine les limites séparatives de la colonie et du territoire
précité 630(*).
Les indigènes étaient sur des listes de
recensement pour 1909. Les chefs avaient reçu des instructions formelles
de n'accueillir personne sur leur territoire. Les tribus qui paraissaient
vouloir s'y installer sans esprit de retour 631(*).
Le 11 juin 1908 632(*) le commissaire de Mauritanie informa
l'administrateur de Dagana que trois factions des Koumleileu de la rive droite
se sont installées sur la rive gauche, canton de Rosso. Le commissaire
voulait savoir les conditions ayant présidé à leurs
déménagements et les motifs qui ont amené l'administrateur
de Bakel à les inscrit sur ses rôles d'impôts. La
correspondance insiste sur la nécessité d'entretenir avec la
colonie de la Mauritanie des relations de bon voisinage. Mais aussi sur le fait
que rien ne doit ni être fait pour exciter les maures à
l'émigration ni pour rendre définitifs des exodes qui peuvent
n'avoir qu'un caractère momentané.
Dans sa réponse, du 12 juin 1908 633(*), l'administrateur des
colonies, Henri Chesse Commandant du cercle de Dagana rappela que ces maures
avaient déjà fait l'objet d'une lettre portant timbre du bureau
politique 634(*) et dont
les instructions formelles ont inspiré sa conduite.
Ces indigènes précisent-il ont
été portés, non au rôle de 1908, mais sur les listes
de recensement pour 1909. Il souligne également que les maures
pourraient présenter une autorisation écrite émanant de
l'administration voisine.
Quant aux maures établis dans le Oualo, leur cas avait
été posé par un avocat défenseur de Saint-Louis
parce qu'ils faisaient l'objet d'une mise en demeure de retourner sur la rive
droite. Nous pouvons noter, que ces mouvements de populations, qui se sont
produits de tout temps entre les rives du fleuve, ne présentaient pas
aux yeux de l'Administration coloniale un tel caractère de
gravité qu'il faille recourir à des mesures exceptionnelles
635(*), pour la solution
des difficultés qui pouvaient momentanément en résulter
pour l'un ou l'autre territoire.
Par ailleurs des instructions strictement conformes aux
prescriptions du 2 mars 636(*) avaient été soumises à
l'administration de Dagana sur les fractions maures en résidence dans le
Walo.
Les mouvements de populations qui s'étaient produits
entre les deux rives du fleuve ne présentaient donc pas en 1909 selon
l'administration coloniale « un tel caractère de
gravité qu'il faille recourir à des mesures
exceptionnelles » 637(*).
Quelques temps après (1911) une rixe s'était
produite au nord du fleuve près de Keur Macène. Les Ahlel
Ndéria et les Ahlel Louli s'étaient affrontés et il y
aurait eu six hommes tués de chaque côté 638(*).
Nous pouvons dire sans ambages qu'entre le
Sénégal et la Mauritanie, la délimitation des
frontières coloniales s'est montrée inefficace à bien des
égards, la preuve : même après les
indépendances, Nouakchott a progressivement étendu sa juridiction
sur l'ensemble des villages situés sur la rive droite du fleuve
où les populations riveraines pratiquaient l'agriculture selon un droit
coutumier très ancien.
Il s'agit ici des différentes péripéties
de l'administration coloniale dans le cadre de la recherche d'une solution
définitive pour une paix durable le long de l'axe fluvial, et aussi
d'une frontière reconnue. Le sud du Sénégal fait aussi
appel à une certaine critique.
Paragraphe 2 : L'exemple des frontières
sud du Sénégal
Le territoire sud du Sénégal est
constitué par la Casamance qui est bornée à l'ouest par
l'océan, au nord par le territoire de la Gambie à l'Est par le
Koulontou affluent de la Gambie, au sud par la Guinée-Bissau (ancienne
portugaise) et la Guinée Conakry (ancienne Guinée
française).
Il convient de faire un bref rappel historique 639(*).
Par rapport à la Guinée Bissau, c'est en 1645
que les portugais s'installeront à Ziguinchor mais ils étaient
présents à Rio Cacheu en 1588 et à cause de
l'hostilité des diolas, la pénétration européenne
se fera du sud vers le nord donc à partir de Rio Cacheu. Ce n'est qu'en
1827 que la marine française empruntera la voie maritime 640(*).
C'est en 1836, que la Guinée portugaise sera
constituée en district dépendant du Gouverneur
Général des Iles du Cap Vert 641(*).
Seulement la France (avec ses commerçants) avait des
convoitises sur ce site privilégié qu'était à leurs
yeux la Casamance cependant il leur fallait beaucoup de tact pour ne pas
agresser les portugais qui risqueraient alors de faire cause commune avec les
anglais. C'est ainsi que le 12 mai 1886, le Portugal cède à la
France Ziguinchor en échange de Rio Cassini qui est aujourd'hui la
Guinée Bissau.
Il faut rappeler que la délimitation des territoires
français et portugais sera l'oeuvre du Docteur Maclaud en 1905
642(*).
Ainsi en remettant son rapport au Ministre des colonies,
Maclaud affirmera que la délimitation donnait satisfaction aux
« légitimes intérêts du Portugal » et
accordait aussi des avantages à la France du point de vue du
« développement économique de la Basse
Casamance » 643(*).
Ce qui, encore une fois, est de nature à confirmer
l'opinion selon laquelle le découpage colonial des frontières en
Afrique n'avait pour but que de satisfaire les intérêts coloniaux
en jeu, il n'y avait pas d'autres objectifs et c'est pour cela que même
les territoires des Etats africains modernes seront tout simplement
« plaqués » sur des micro-Etats à la
recherche « vaille que vaille » d'une
« légitimité nationale ». D'ailleurs ces
délimitations avaient crée et créent encore de nos jours
d'énormes difficultés.
En effet après cette délimitation, la
frontière restait encore perméable car il faut reconnaître
qu'en Afrique d'une façon générale, les frontières
étaient plutôt souples ; d'ailleurs on ne peut pas dire qu'il
y avait des frontières rigoureuses dans l'Afrique précoloniale
mais simplement des zones d'influence des rois et des chefs traditionnels.
D'autant plus qu'il y avait une extrême mobilité des hommes. C'est
ce qui explique pour revenir sur le cas de la frontière sud du
Sénégal ; en 1932 par exemple, une rébellion suivie
de répression, entraîne une émigration en Casamance
644(*).
En sens inverse, en 1943 la population Floup d'Etoc et de
Kabrousse se réfugiera en Guinée Portugaise et le commandant de
cerclce de Ziguinchor n'hésitera pas d'ailleurs à parler
d'autorité locale portugaise « équivoque »
645(*).
C'est ainsi que des incidents persisteront sur la
frontière franco-portugaise avec des razzias, des vols de boeufs comme
ce fut le cas sur la rivière sénégalo-mauritanienne
646(*).
Pour confirmer cette vision africaine des frontières
que nous avons soulignée, il convient de rappeler tout simplement
l'idée des Floups pour qui, la frontière n'existe pas et qui
continuaient à obéir à un seul roi « qu'il soit
français où portugais... La conception est d'ailleurs la
même chez les Balants de Casamance qui persistent à collaborer
plus avec les « frères portugais » qu'avec les
manding qui sont des voisins 647(*).
En ce qui concerne la frontière avec la Gambie, il
convient de rappeler que c'est le traité de Versailles de 1763 qui l'a
attribuée à l'Angleterre. Ensuite le traité de Paris du 20
novembre 1816 rendait à Paris le Sénégal et ses
dépendances, suivi des instructions de 1816 648(*). Dépendant de 1821
à 1883 de la Sierra-Léone, ce territoire s'accroît en 1857
du poste d'Albréda (sur la rive droite) cédé par la France
aux anglais en échange de leurs droits de traiter la gomme à
Portendick (sur la rive mauritanienne). Cet échange privait
temporairement les français de la route du Soudan par la Haute Gambie et
confortait l'enclave gambienne 649(*).
Des projets d'échange de la Gambie anglaise contre les
comptoirs français du golfe de Guinée mobilisent longuement les
gouvernements français et britannique 650(*). Il s'agit pour la France à la fois de
contrôler le commerce des arachides et surtout de battre
définitivement les ennemis de l'expansion française
réfugiés en Gambie. Pour le gouverneur Faidherbe,
« échanger ces comptoirs (au sud de la Sierra-Léone),
ce serait une excellente affaire et nous ferait de la Sénégambie
une belle colonie compacte » 651(*). Entrepris en 1865, les pourparlers interrompus par
la guerre de 1870, échouent en 1876 devant l'hostilité des
négociants de Gambie et la réticence des français ;
ils sont abandonnés en 1882. La France conserve en fin de compte les
comptoirs qu'elle avait proposés en échange, soit la
Mellacorée, Babou, Grand Bassam, Assinie, Porto-Novo et même le
Gabon, soit les territoires qui seront à l'origine des colonies
françaises de la Guinée, de la Côte d'Ivoire, du Dahomey et
du Gabon !
Le 10 août 1889 un arrangement franco-britannique
précise les limites de la Gambie, mais n'empêche nullement les
français de dominer son économie jusqu'en 1914. Une seconde
convention, en 1904, plaçant Yarboutenda en territoire
sénégalais, demeure lettre morte par absence de
délimitation sur le terrain ; elle sera évoquée par
le gouvernement français de Vichy pour recommander aux autorités
locales « prudence et calme 652(*).
Christian Roche, 653(*) montre comment chaque ethnie de Casamance a
lutté avec sa personnalité, notamment les Diolas épris de
liberté, très individualistes et par conséquent peu
enclins en raison du type de leur société à obéir
à une autorité étrangère », et comment le
colonisateur a dû prendre ce facteur en considération. En effet,
il y eut plusieurs résistances même des interventions militaires
françaises avec le gouverneur Faidherbe et surtout des rivalités
entre ethnies au sud du Sénégal.
Déjà en 1901, Médina succombe devant
l'artillerie coloniale et les troupes de Moussa Molo. Fodé Kaba se
retirera en Gambie après avoir contribué au rayonnement de la
civilisation mandingue. En 1906, l'administrateur supérieur de la
Casamance n'hésitera pas à qualifier les Diolas
« d'habitants au tempérament impulsif avec une
répulsion à tout principe d'autorité »
654(*).
En 1906 à Séléki, dans cette même
localité où est mort un officier français 20 ans
auparavant, âme de la résistance locale, Jinaabo, est tué
par les tirailleurs. Son souvenir est demeuré vivace chez les Diolas et
son nom donné au lycée de Ziguinchor 655(*). A deux reprises, en 1906,
et en 1914, les gouverneurs généraux Roume et William Ponty se
déplacent en Casamance.
« Nous n'avons pas affaire à des rebelles
à châtier, estime en 1916 l'administrateur supérieur, nous
avons partout à compter avec un désir latent de
révolte 656(*). Le recrutement des troupes noires
décidé pendant la guerre 1914-1918 par le gouvernement
français ne fait qu'accentuer l'opposition de la population,
particulièrement des Diolas.
Les gouverneurs généraux ne cessent
d'intervenir. Ponty constate en 1910 que les tournées de police ne
donnent aucun résultat satisfaisant et durable. « Comment,
s'interroge le gouverneur général Clozel 657(*) en 1916, arriver à ce
que cette circonscription ne constitue plus une exception et un anachronisme
dans l'ensemble de nos territoires de l'Afrique ». Angoulvant, son
successeur, estime 658(*) que « jusqu'ici l'administration de la
colonie du Sénégal s'est trop désintéressée
de cette portion lointaine, mais riche, de son domaine, et que c'est à
cette négligence regrettable qu'est due la persistance d'une situation
intolérable. Je compte tout particulièrement sur vous,
ajoute-t-il à l'intention du gouverneur du Sénégal, pour
mettre un terme à ces fâcheux errements et pour accorder à
la Casamance la même attention qu'à n'importe quelle autre partie
de la colonie ». Van Vollenhoven l'année suivante, est
obligé de dire ceci : « nous ne sommes pas les
maîtres de la Basse-Casamance. Nous y sommes seulement
tolérés... Il faut que la Casamance ne soit plus une sorte de
verrue dans la colonie dont elle doit devenir le joyau » 659(*). Dans ce but, on tente d'y
introduire des sénégalais
« évolués », des Malinkés et surtout
des wolofs. « Nous mêmes, avouent les administrateurs
(l'administration) 660(*), avons fréquemment favorisé
l'installation de ces étrangers dans la pensée qu'au contact
d'indigènes d'une civilisation moins frustrée, les natifs se
polariseraient quelque peu... Il faut reconnaître aujourd'hui que ce
ferment n'a pas agi sur la masse ». Ce sont là des
éléments qui dénotent des aveux d'insuffisance de la
politique coloniale. En définitive, nous pouvons dire que les pays comme
la Mauritanie et le Sénégal, la Gambie, la Guinée
portugaise comme française ainsi que bien d'autres encore, sont victimes
d'un tracé frontalier manifestement artificiel, tracé pour la
commodité des maîtres coloniaux qui n'a aucun rapport avec les
facteurs organiques qui constituent une Nation 661(*).
Cette situation se retrouve malheureusement partout en
Afrique où l'on voit, découpés en entités
artificielles, ne correspondant à aucune logique, une mosaïque
d'Etats Africains plus ou moins viables tentant de construire des structures
technico-administratives sur une base socio-culturelle difficilement
reconnaissable et leur unité est de pure forme !
La persistance des réalités locales se retrouve
aussi dans la vie politique sénégalaise moderne.
CHAPITRE III : LES COMPETITIONS ENTRE LES GROUPES
SOCIO-ETHNIQUES DANS LA VIE POLITIQUE SENEGALAISE MODERNE (Xxe
SIECLE)
La vie politique sénégalaise est
caractérisée pendant la période 1900-1940... par des
rivalités et compétitions électorales entre groupes
socio-ethniques, les comportements électoraux et les pressions diverses
ont des effets durables ; ils restent actuels...
SECTION I : LES COUTUMES TRADITIONNELLES ET LEURS
UTILISATIONS POLITIQUES PAR L'ELITE LOCALE : PRESSION COLONIALE ET
COMPORTEMENT ELECTORAL DES NOUVEAUX DIRIGEANTS SENEGALAIS
Si le régime colonial portait en
germe l'indépendance de l'Afrique sur la base des idées et des
institutions mêmes de l'occident qui dominaient l'Afrique, il posait
également le problème de la permanence de cette domination.
On peut donc dire que le régime colonial recelait la
promesse de modernisation et de liberté politique, tout comme la menace
de l'anéantissement culturel du reste.
Dans le processus de prise de conscience des
sénégalais autochtones, le clergé catholique a une part,
peut-être involontaire, mais décisive. En lançant le slogan
« L'Afrique aux africains » pour favoriser, en 1896,
l'élection de ses protégés mulâtres contre les
prétentions du « parti euorpéen », il a
déclenché un mouvement irrésistible dont se sont saisies
les jeunes et nouvelles élites autochtones. « Elles l'ont mis
en application, en 1914 662(*).
Dès lors, les hommes qui avaient recours à
l'accommodement étaient condamnés à posséder un
haut degré de raffinement pour pouvoir évoluer avec aisance dans
les deux univers sans jamais perdre leur identité, à se maintenir
entre le refus et l'acceptation de l'Occident sans perdre le sens de
l'équilibre et du juste milieu, à rechercher un mariage heureux
entre les institutions européennes les mieux adaptées au
développement de l'Afrique et les éléments les plus
authentiques de la vie traditionnelle de leur continent.
Il n'est pas surprenant que de telles exigences aient
donné lieu à des réactions variées. D'un
côté, il y avait les africains convaincus de la
supériorité de la civilisation européenne et que le
progrès dépendait du degré d'assimilation de la culture de
l'Occident et de l'ampleur de l'influence occidentale en Afrique. A
l'opposé, il y avait ceux pour lesquels le chant des sirènes de
l'Europe décadente conduisait directement à la damnation. Le
premier groupe était représenté par des africains
assimilés, tels que l'abbé Boilat et Paul Holle au
Sénégal, ou, dans la génération suivante, par le
nigérian Kitoyi Ajassa. Le deuxième groupe trouva ses exemples
dans la génération du nationalisme culturel qui avait foi en la
négritude dans les années qui suivirent la seconde guerre
mondiale. Entre ces deux tendances, il y eut une grande variété
d'opinions qui reflétaient dans une large mesure les conceptions
différentes de la France et de la Grande-Bretagne dans l'administration
de leurs colonies.
Depuis la Révolution de 1789, la politique coloniale
française était fondée sur l'idée d'assimilation
qui s'appuyait sur la supériorité de la langue française
et la nécessité pour tout colonisé de se transformer
rapidement en un français inconditionnel. Là où
l'influence française était directement ressentie, comme ce fut
le cas pour les métis citadins du Sénégal, cette politique
connut une réussite étonnante. Les africains de culture
française avaient tendance à confondre progrès en Afrique
et maîtrise des valeurs occidentales, à faire passer la position
occupée dans la communauté francophone mondiale avant
l'intégrité de la race noire et à considérer le
nationalisme africain comme un non-sens, compte tenu de la
supériorité évidente de la culture française.
De 1871 à 1914, l'histoire politique du
Sénégal est dominée par les « clans
électoraux » c'est-à-dire des
« compétitions électorales entre groupes
socio-ethniques souvent antagonistes » et aussi par « le
clientélisme » 663(*).
Ces clans étaient constitués pour donner
à un candidat un poste électif, le patronage de
notabilités, et pour réunir les fonds nécessaires à
sa campagne, ils prennent vie à partir de 1875 664(*).
La motivation essentielle du chef de clan et de ses
lieutenants est la conquête du pouvoir local en ce qu'il peut influer sur
le statut social ou sur les intérêts économiques. La
confiance réciproque qui concrétise la formation initiale du
groupe, se manifeste par des liens que nouent entre elles les situations et les
fortunes des membres de ce groupe.
Avec l'élection de Blaise Diagne, à la veille
de la première guerre mondiale, les clans de mulâtres cessent
d'exister et doivent laisser place à ceux animés par les
originaires 665(*).
Il était inévitable qu'elles perdent leur
prééminence lors de la prise de conscience de la grande masse des
sénégalais 666(*).
En effet le petit groupe d'africains formés à
l'école occidentale était le plus qualifié pour favoriser
la compréhension entre l'Europe et l'Afrique. Pourtant, dans l'ensemble,
les administrateurs coloniaux répugnèrent à saisir
l'occasion qui leur était offerte, de puiser à cette source de
cadres africains 667(*).
Ceci tenait en partie à la résistance des autorités
traditionnelles, mais le plus souvent, cette attitude était
dictée par l'antipathie éprouvée pour les africains
capables de découvrir et de critiquer les insuffisances de la politique
coloniale. On prétendait que les africains instruits ne jouissaient pas
du respect de leur propre peuple, mais en fait, c'était le soutien des
gouvernements coloniaux qui leur faisait le plus souvent défaut.
Il est inutile d'insister comme le fait remarquer Zuccarrelli
668(*) sur ce que peut
avoir de viciée une vie politique basée sur de tels rapports
inter-personnels qui favorisent, notamment, le parasitisme et le
népotisme et empêchent la naissance d'un esprit de service public
mais à l'époque, toutefois, « ce
phénomène n'avait rien d'exceptionnel » 669(*).
Mais la pérennité du clan, alors qu'il
disparaît en métropole pour laisser place aux partis restera
« une anomalie » 670(*). Elle tient sans doute au
« localisme » 671(*) de la vie publique sénégalaise,
c'est-à-dire au sentiment d'appartenir à un monde distinct de la
métropole, cultivé judicieusement par les groupes sociaux des
mulâtres et des négociants 672(*).
L'habitude ainsi prise se renforce avec l'arrivée de
chefs de clans noirs.
Dès lors, les clivages politiques, en cette
période d'intense bouillonnement des idéologies, apparaissaient
en simples « filigrames » 673(*). Même si pour Justin
Devès 674(*), les
jeunes sénégalais apparaissent comme les
« progressistes » de leur temps et que certains candidats
se réclamèrent du « radicalisme » 675(*), voire du socialisme, cela
n'a pas de conséquence directe sur la détermination des
électeurs, en raison du « localisme ambiant »
676(*).
Autre cause vraisemblable du maintien du clan comme structure
de base des compétitions : le corps électoral restreint
677(*). Il faut y
ajouter l'abstentionnisme qui se situe, selon les compétitions, à
l'égard des institutions électives, spécialement lorsqu'il
s'agit d'élire des conseillers municipaux. Cette absence de
participation tient, aussi, aux conditions de confection des listes
électorales.
Dans un premier temps, jusqu'en 1914, elles sont remplies
d'électeurs malgré eux, inscrits par ceux qui espèrent
leurs voix. Ensuite, il semble que les officiers communaux n'aient pas
apporté toute la rigueur nécessaire à cette fonction,
ajoutant beaucoup plus de noms qu'ils ne pensaient à en trancher. Pour
toutes ces raisons, les citoyens directement intéressés aux
compétitions électorales et participant au clanisme sont donc en
nombre très inférieur à celui des citoyens inscrits.
En effet, dans les années qui suivirent la
première guerre mondiale, le pouvoir colonial n'accorda, aux africains
de l'ouest qui cherchaient à acquérir des droits
économiques et constitutionnels plus importants, qu'une activité
politique « extrêmement réduite » 678(*). C'est la question du
privilégiement « ethnique » au sens large
c'est-à-dire de la domination d'un peuple par un autre.
Il y a face à ce privilègiement, un changement
d'attitude et ce, qu'il s'agisse de fractions du peuple
privilégié ou qu'il s'agisse des populations
colonisées.
L'attitude vis-à-vis du privilégiement peut
varier dans ses formes : la première forme de cette contestation,
de la part de fractions émigrées de la masse
privilégiée, se traduit par deux attitudes, éventuellement
complémentaires. D'un côté le rejet, souvent pour des
motifs économiques de la dépendance des émigrés
vis-à-vis du pouvoir central, rejet aboutissant politiquement à
la sécession ou à l'indépendance.
D'un autre côté l'appropriation de cette
même idée de privilégiement par les émigrés,
au détriment des populations indigènes, peut être traduit
comme le résultat de la confiscation du principe
« national », qui se traduit concrètement par
l'exclusion des indigènes.
L'autre forme de ce refus du privilégiement ethnique,
est, d'après Emile Sicard là où les populations
autochtones n'avaient été ni décimées ni maintenues
en totalité ou en état « sous-humain »
679(*), c'est le rejet
par la classe politique ou « l'intelligentsia » autochtone,
de la politique dite d' »assimilation » : il n'est
plus possible de parler là de « sécession »
revendicative. Il s'agit là de l'apparition au grand jour de formes
politiques nouvelles entre les mains des autochtones (classe politique et
intelligentsia, formées toutes deux à la fois par « les
principes directeurs, venus du coeur des empires » et par
« les faits concrets des pays « 680(*).
Cette forme de rejet de l'assimilation, c'est-à-dire
d'une identité nationale autre que la sienne propre, en gestation dans
ce refus même, représente le cas, numériquement
majoritaire, des « nations » africaines en construction.
Ce fut donc une période difficile pour les
« nationalistes » africains, une époque où la
collaboration avec le gouvernement colonial semblait souvent être la
formule la plus avantageuse 681(*).
C'est au Sénégal que les aspirations de la
population autochtone furent le plus fortement déçues ; en
effet, après avoir espéré des réformes conduisant
à une autodétermination démocratique, elle vit ses espoirs
anéantis par un virement brutal de la politique coloniale
française de l'après guerre. Au printemps 1914, juste avant le
déclenchement des hostilités en Europe, un
événement digne d'être signalé parut annoncer
l'amorce d'une tendance fondamentale en matière de libéralisme
politique en Afrique Occidentale française. Depuis quelques
années, les français avaient pris des mesures visant à
restreindre les droits civils et politiques des originaires (africains vivant
dans les quatre communes de Dakar, Saint-Louis, Gorée et Rufisque) et,
en 1914, la citoyenneté française accordée à ces
sénégalais leur avait été enlevée, tandis
que des restrictions étaient apportées au droit de vote et
à la protection dont ils bénéficiaient jusque-là
devant les tribunaux tués à être traités comme des
citoyens français, s'étaient battus pour recouvrer leurs droits
et avaient fondé le petit parti politique des jeunes
sénégalais, qui obtint quelques succès modestes aux
élections locales. Cependant, dans les communes, le pouvoir politique
avait toujours été aux mains des métis et du groupe des
commerçants français et l'on ne pensait pas les africains
capables de constituer une force politique valable.
Heureusement pour la cause africaine, arriva au
Sénégal au début de 1914, un douanier africain du nom de
Blaise Diagne qui était né à Gorée, mais avait
passé pratiquement toute sa vie d'adulte loin de son pays natal. Diagne
revenait pour briguer le siège de représentant du
Sénégal à la chambre des députés
française, poste qui avait toujours été occupé soit
par un français, soit par un métis. A l'issue d'une passionnante
campagne, où son dynamisme et son imagination jouèrent un
rôle important, Diagne fut élu député, devenant
ainsi le premier africain à accéder à cette fonction.
Dans sa campagne, Diagne était allé
directement au coeur des problèmes, accusant les européens et les
métis à la fois de discrimination politique et économique
à l'encontre des africains et promettant, s'il était élu,
de rendre aux africains la citoyenneté française qu'ils avaient
perdue. « La majorité des électeurs est noire,
disait-il à son auditoire africain ravi ; ce sont leurs
intérêts qui doivent être
représentés ». Sans doute, son père n'avait
été qu'un simple cuisinier, mais lui, Blaise Diagne, était
fier d'être issu d'un milieu aussi humble. « Votre candidat est
le candidat du peuple, aimait-il répéter ; je n'ai pas honte
d'être noir » 682(*).
Parfois, son action en vue de faire respecter
« l'homme noir » paraissait tourner à l'obsession
683(*). Plus tard,
durant la dernière année de la guerre, lors de la campagne qu'il
fit en Afrique occidentale aux fins de recruter des troupes pour la France, il
exigea une stricte observance du protocole pour que «la dignité du
premier député noir ne fût pas
bafouée»684(*). Mais l'important est que, profitant des besoins de
la France en effectifs pour soutenir la guerre de tranchées, Diagne
obtint en 1916 la reconnaissance sans équivoque de la citoyenneté
française pour tous les habitants des quatre communes. « Les
ressortissants des communes intégrées du Sénégal et
leurs descendants sont et demeurent citoyens français »,
disait simplement la loi 685(*).
Ce furent des journées mémorables, non
seulement pour les citoyens des quatre communes, mais pour tous les peuples de
l'Afrique-Occidentale française. Pour la première fois dans la
vie de la plupart des contemporains de Diagne, le sentiment séculaire
d'inférioirté avait fait place à un sentiment de
dignité et de respect de soi. De plus, après avoir reconquis les
droits constitutionnels des habitants des quatre communes, Diagne ne paraissait
pas près d'arrêter son mouvement de réforme.
Idolâtré par un grand nombre de partisans dans les territoires
français d'Afrique occidentale, il paraissait sur le point d'engager le
combat pour que ses frères de race jouissent de droits civiques et
politiques au-delà du cadre restreint des quatre communes.
En 1918, il recruta plus de 60.000 ouest-africains pour
l'armée
française 686(*).
On lui prêtait l'intention de plaider en faveur de
l'extension du droit de vote à tous les africains de l'ouest qui avaient
combattu pour la mère patrie aux heures critiques de son histoire. Bien
plus, il semblait capable de faire aboutir cette réforme. Brillant
stratége politique, il avait rapidement consolidé ses positions
au détriment de la vieille oligarchie conservatrice des quatre communes
et, il se distingua par son soutien au projet du ministre des colonies
d'octroyer la qualité de commune à un certain nombre de districts
en dehors des quatre communes ; dans le même temps, il
réclama l'extension à toute l'Afrique occidentale de la
législation du travail déjà en vigueur en France
métropolitaine, qui garantissait de meilleures conditions de travail,
plus de temps de loisirs et le recours à l'arbitrage dans les conflits
sociaux.
Au cours des années suivantes, les propositions de
Diagne ne dépassèrent guère le stade des discussions. Le
programme de création de nouvelles communes fut abandonné
à la suite du revirement intervenu dans la politique coloniale
française d'après-guerre ; en 1920, l'ancien conseil
général colonial fut remplacé, avec la
bénédiction de Diagne, par le Conseil colonial ostensiblement
plus démocratique, mais destiné, en fait, à permettre
à l'administration d'exercer un contrôle plus étroit
sur les affaires de la colonie.
Dans l'ensemble de l'AOF, le travail forcé, aussi bien
pour les services publics que pour le secteur privé, fut imposé
à la population indigène incapable de défendre ses droits
par l'indigénat, système de justice rendue par l'administration
qui traitait de façon arbitraire les délits mineurs et privait
l'africain de la protection des tribunaux français 687(*).
Telle était la situation dans laquelle se trouvaient
environ 14 millions d'habitants de l'Afrique-Occidentale française dans
les années 20. Considérés comme sujets français
dans le cadre de la politique de l'association, ces peuples n'avaient
pratiquement aucun droit politique ou civil et n'étaient
représentés au Conseil colonial que par les chefs traditionnels
dont « la charge dépendait du bon vouloir de l'administration
coloniale » 688(*). Les quatre communes, avec leurs quelques 50.000
citoyens étaient protégées, et il devint vite
évident que Diagne et ses partisans se désintéressaient
des besoins extérieurs à ce petit groupe. On rapporte qu'en 1923
Diagne conclut un accord avec les négociants de Bordeaux qui
détenaient depuis longtemps des intérêts importants dans le
commerce ouest-africain 689(*). Aux termes de cet accord, le député
recevait le soutien de Bordeaux dans ses activités politiques. En
contrepartie, il s'engageait à ne pas faire obstacle aux
prérogatives économiques des Bordelais au Sénégal.
Par la suite, bien que Diagne ait occasionnellement défendu du bout des
lèvres une libéralisation de la politique coloniale : par
exemple, une plus grande représentation des territoires de l'AOF au
parlement français, « l'essentiel de son éloquence se
limita à faire l'éloge du système colonial
français » 690(*). En 1930, lorsque la France eut besoin d'un
défenseur pour sa politique coloniale du travail à la
conférence sur le travail forcé, organisée par
l'organisation internationale du travail à Genève, il est
significatif qu'elle se soit tournée sans aucune hésitation vers
Blaise Diagne.
Le changement d'attitude du parti de Diagne dans les
années d'après-guerre déçut tout naturellement
beaucoup de ses partisans de la première heure, dont l'impression
était que leur cause avait été abandonnée par un
homme politique opportuniste, « prompt à troquer
l'indépendance pour les honneurs et les profits que procurait l'exercice
d'une charge publique » 691(*). En 1928, puis en 1932, Galandou Diouf, le
fidèle lieutenant de Diagne, se présenta contre son ancien chef,
mais l'appareil du parti était trop puissant et, par deux fois, le
député fut reconduit dans ses fonctions ; Diouf pour sa
part, n'enleva le siège de député qu'en 1934, après
la mort de Diagne.
L'accusation selon laquelle Diagne avait capitulé
devant les pressions exercées par la France n'était que trop
justifiée, mais en un sens, le problème était beaucoup
plus complexe. Diagne était un produit de la politique française
d'assimilation et, comme la plupart des africains formés en
métropole, il était absolument convaincu de la
supériorité de la civilisation française et de la
nécessité de l'intégration des africains au mode de vie
français. Pour lui, l'association n'était qu'une étape
provisoire qui serait suivie en temps voulu par une véritable
assimilation. En fin de compte, il était persuadé qu'il ne
pouvait plus y avoir de différence entre la France métropolitaine
et la France d'outre-mer 692(*). « Je suis de ceux », avait-il
déclaré devant une chambre des députés
enthousiaste, « qui croient que le destin naturel de la France est
dans l'unité spirituelle entre la France et les peuples ou les races
disséminés à travers ses possessions d'outre-mer.
« Pour Diagne , il y avait beaucoup à dire en faveur de la
politique qui faisait enseigner l'histoire aux jeunes africains en leurs
parlant de « nos ancêtres les Gaulois » 693(*).
Une des raisons pour lesquelles les adversaires politiques de
Diagne eurent si peu de succès de son vivant, venait du fait qu'ils
étaient, pour l'essentiel, d'accord avec sa philosophie et sa politique
et ne proposaient donc pas de changement fondamental. Lorsque Galandou Diouf
s'opposa à Diagne, il fut accusé d'être inscrit au parti
communiste, alors que Diagne passait pour être un agent de
l'impérialisme. Une fois député, Diouf devint à son
tour le symbole vivant du pouvoir colonial, et une nouvelle opposition
teintée d'extrémisme se manifesta alors 694(*).
L'opposition la plus sérieuse à Diouf vint de
Lamine Gueye qui, durant les années 20, avait été
tantôt l'allié, tantôt l'adversaire de Diagne et de Diouf,
suivant les fluctuations de la politique locale. Lorsque Diouf devint
député, Gueye s'engagea dans une opposition résolue,
justifiant apparemment l'accusation d'extrémisme portée contre
lui en alignant ses partisans locaux sur la politique du Front populaire
français, à partir de 1936. Son attitude n'était pas le
reflet fidèle d'une orientation à gauche, car son parti, tout
comme ceux de Diagne et de Diouf, rassemblait des citoyens
privilégiés et non des travailleurs ou des paysans. Sans doute,
les relations de Gueye avec le Front populaire l'incitaient-elles à
revendiquer l'octroi de la citoyenneté française aux populations
extérieures aux quatre communes, idée jadis défendue par
Diagne lui-même. Il est cependant plus intéressant de constater
que Gueye était d'avis, avec Diagne, Diouf et les autres dirigeants
politiques, que l'avenir de l'Afrique résidait dans l'assimilation
à la culture française. Ainsi, pour l'essentiel, « la
tendance réactionnaire » de la politique coloniale
française pendant l'entre-deux-guerres était le résultat
des politiques conçues à Paris, mais, dans une certaine mesure,
elle devait son succès au respect que les responsables politiques
ouest-africains d'alors témoignaient aux principes fondamentaux du
colonialisme français 695(*). Cela dit, il y avait de leur part certaines
réactions négatives notamment par le biais du panafricanisme.
SECTION II : L'IMPACT DU PANAFRICANISME DANS LA
VIE POLITIQUE SENEGALAISE MODERNE : DES DEBUTS DE 1900 A L'AVENEMENT DU
SENEGAL A L'INDEPENDANCE EN 1960
Le congrès national de l'Afrique
occidentale britannique avait cherché à améliorer les
droits économiques, politiques et sociaux des peuples de ces territoires
696(*) . En fait, la
direction du mouvement panafricain vint d'une autre source et se manifesta sous
une forme différente. Tout d'abord, il y avait l'intérêt
permanent pour l'Afrique que les Noirs du nouveau monde conservèrent
tout au long des XIXe et XXE siècles. Pour ceux qui avaient subi
l'esclavage et les injustices de la ségrégation et de la
discrimination raciales, l'Afrique demeurait une source permanente
d'inspiration et l'espoir de l'épanouissement et de la solidarité
raciale 697(*).
Le panafricanisme atteignit son plein développement en
1919, lorsque W.E.B. Du Bois réunit à Paris un congrès
panafricain, au moment où siégeait la conférence de la
paix à Versailles. Le but de Du Bois était simple et clair :
saisir l'occasion offerte par la réunion de
délégués des puissances européennes pour
démontrer la solidarité de la race noire et mettre en
évidence l'importance de l'Afrique dans le monde de
l'après-guerre. Dans ses résolutions, le congrès
panafricain invita les grandes puissances à élaborer des codes
des droits que la Société des Nations serait chargée de
faire appliquer, afin de protéger les intérêts raciaux,
économiques et politiques des africains.
Il s'agissait, en l'occurrence, d'espoirs utopiques fort
éloignés des réalités de la politique coloniale de
l'après-guerre en Afrique. En fait, Du Bois avait eu beaucoup de chance
d'obtenir du gouvernement français l'autorisation de réunir cette
conférence à Paris, car la loi martiale était encore en
vigueur en France. Du Bois dut sa réussite à Blaise Diagne qui
intervint auprès du Conseil français, Georges Clemenceau.
Malgré ce modeste début, Du Bois fut satisfait des
résultats acquis. La conférence avait expressément
demandé que les anciennes colonies allemandes fussent confiées
à un organisme international au lieu d'être réparties entre
différentes puissances coloniales, et Du Bois vit dans cette suggestion
le germe de ce qui allait devenir la commission des mandats de la
société des nations.
Deux ans plus tard, en 1921, Du Bois organisa une autre
conférence panafricaine beaucoup plus ambitieuse qui tint ses assises
à Londres, Bruxelles et Paris, avec une représentation plus
importante, notamment en provenance de l'Afrique. Cette fois, pourtant,
l'accueil de l'Europe fut plus réservé. L'adoption d'une
résolution critiquant le système colonial belge provoqua
immédiatement une vive réaction de Bruxelles ; une
résolution plus modérée lui fut substituée et
considérée comme adoptée, alors que Du Bois estimait
qu'une nette majorité s'était dégagée en faveur de
la première version. Cette manoeuvre parlementaire fut l'oeuvre de
Blaise Diagne, président de la séance, qui se rangeait
désormais parmi les critiques du mouvement panafricain de Du Bois. Le
second congrès avait choisi pour thème
« l'égalité raciale en tant que fondement de
l'autodétermination finale de l'Afrique ». Diagne se
déclara opposé à toute critique implicite de la politique
coloniale française et réussit à faire adjoindre aux
résolutions finales de la conférence une déclaration
soulignant ce que Diagne considérait comme le libéralisme de la
France à l'égard de ses colonies.
Diagne prétendait que Du Bois était devenu un
homme dangereux et mal avisé qui, en raison de ses tendances
internationalistes et bolcheviques, dissimulait les bienfaits que les
puissances européennes avaient apportés aux peuples
colonisés. Diagne avait soutenu la première conférence,
car il pensait donner ainsi aux africains des colonies françaises
l'occasion d'instruire leurs frères d'Amérique en comparant le
libéralisme français avec les mesures répressives en
vigueur aux Etats-Unis conte les noirs américains. Selon Diagne,
l'extrémisme tenace de Du Bois et de ses partisans avait rendu cette
démarche difficile, mais il pensait avoir dans une certaine mesure
réussi en obligeant Du Bois à abandonner son attitude
profondément hostile au colonialisme.
Pour l'assimilé qu'était Diagne, seule la
coopération entre Blancs et Noirs avait un sens pour l'Afrique.
« Isoler la race noire, écrivait-il, et lui laisser suivre sa
propre évolution est ridicule... »L'évolution de notre
race, requiert la collaboration de tous » 698(*).
Ce rejet des aspirations panafricaines des noirs
américains se confirma ultérieurement par les échanges qui
eurent lieu entre Diagne et Marcus Garvey ; ce dernier avait essayé
d'obtenir l'appui de Diagne à son mouvement pan-noir qui critiquait
violemment le colonialisme européen et projetait la création d'un
empire noir en Afrique. Une fois encore, Diagne opposa la persécution
dont les noirs américains étaient l'objet à la situation
des africains placés sous la domination française.
Pour Diagne, l'amélioration de la condition des noirs
d'Amérique ne pouvait intervenir en prêchant la révolution,
mais seulement par l'émulation au sein d'un gouvernement pacifique et
progressiste, suivant l'exemple des territoires coloniaux français.
« Nous, français d'Afrique, nous souhaitons rester
français, concluait-il, car la France nous a donné toutes les
libertés et nous a acceptés sans restriction aux
côtés de ses enfants européens. Aucun d'entre nous ne
souhaite voir l'Afrique française confiée exclusivement aux
africains, comme le réclament, sans aucun droit, les noirs
américains », dont Marcus Garvey avait pris arbitrairement la
tête.
Comme tant d'autres tentatives visant dans
l'entre-deux-guerres à promouvoir des réformes
économiques, sociales et politiques en faveur des noirs, le
panafricanisme fut victime des temps. Le mouvement de retour à l'Afrique
de Marcus Garvey disparut en 1925, lorsque celui-ci fut condamné pour
manoeuvres frauduleuses et expulsé vers sa Jamaïque natale par les
Etats-Unis. Pour leur part, les conférences panafricaines de W.E.B. Du
Bois continuèrent à siéger périodiquement sans
grand résultat. Une troisième se réunit à Londres
et à Lisbonne en 1923 et une autre à New-York en 1927, mais
aucune d'elles n'obtint beaucoup de succès sur le plan de la
solidarité ou du progrès social de la race noire.
La réunion de Londres et de Lisbonne fut
gâchée par la scission provoquée au sein du monde noir par
le mouvement de Garvey et par « l'opposition permanente des
puissances coloniales » 699(*).
Entre la seconde guerre mondiale et l'indépendance, le
mouvement panafricain s'attaqua essentiellement aux restrictions politiques et
aux brimades raciales du gouvernement colonial.
Le Ve congrès panafricain de 1945 avait pour
thème « l'anticolonialisme et les droits de l'homme noir en
général », ces thèmes convergeant sur la
revendication de l'indépendance nationale en Afrique. En même
temps, les colonisés francophones d'Afrique et des Antilles
élaborèrent le concept de
« négritude » et créèrent la revue
présence africaine, qui célébrait les réalisations
culturelles africaines, manifestation qui atteignit son point culminant avec
les deux conférences des écrivains et artistes noirs tenues en
1956 et 1959. Dès 1957, cependant, après l'accession du Ghana
à l'indépendance et alors que l'émancipation des autres
territoires était en vue, le panafricanisme évolua rapidement
vers la recherche de l'unité internationale, afin d'atteindre les
objectifs défendus avec éloquence par Kwame Nkrumah 700(*). Nous analyserons d'ailleurs
plus loin ce fameux concept de l'unité Africaine 701(*).
C'est en mai 1963 que trente Etats se rencontrèrent
à Addis-Abéba et signèrent la charte de l'OUA
(Organisation de l'Unité Africaine).
Nous pouvons dire en définitive que les
administrations coloniales françaises et britanniques se joignaient dans
leur opposition aux aspirations nationalistes qui se manifestèrent
après la Première Guerre mondiale. La France, dont
l'économie était gravement atteinte au sortir de la Grande
Guerre, se rallia rapidement aux propositions du ministre des colonies, Albert
Sarraut, qui préconisait « une exploitation économique
intensive des colonies », afin d'assurer le redressement des finances
du pays.
Ce mercantilisme exigeait un contrôle politique total,
en particulier lorsqu'il impliquait l'utilisation du travail forcé
à grande échelle pour la réalisation d'importants travaux
d'infrastructure.
Si l'Angleterre ne procéda pas à une
exploitation similaire de ses colonies, dans ses possessions d'Afrique
occidentale, le commerce était régi par la politique du
laisser-faire, ce qui aboutit en pratique à la prise en main du pouvoir
économique par les firmes européennes. Même si la tendance
du gouvernement colonial à favoriser ces grandes firmes d'outre-mer par
ses réglementations répondait uniquement à un souci de
commodité administrative, il n'en reste pas moins que cette politique
eut un effet désastreux sur les entreprises locales ouest-africaines.
La persistance de ce « localisme »
s'explique à notre sens par les « heurts culturels »
entre l'Afrique noire et la métropole, entre la France et le
Sénégal. Sans doute, le rôle joué par la
colonisation, par l'introduction de système et de structures nouveaux,
en vue de la centralisation du pouvoir dans le but de créer une
identité collective nouvelle, une nation nouvelle nous
éclairera-t-il davantage sur ce plan.
CHAPITRE IV : LE ROLE DE LA COLONISATION DANS LA
CONSTRUCTION DE LA NATION SENEGALAISE MODERNE : (GESTATION D'UNE
« CONSCIENCE NATIONALE » AU SENEGAL ENTRE
1900-1960)
INTRODUCTION : RAPPEL HISTORIQUE
Si comme le fait remarquer Magnant 702(*), en Europe centrale, les
nations furent à l'origine de la naissance des Etats, en Europe
occidentale, comme en Afrique, c'est le cadre étatique qui fit des
hommes des citoyens, des compatriotes. C'est pour cela dit-il, que
« la cohabitation au sein d'une même structure politique est
à l'origine du sentiment national » 703(*). Cependant on peut se
demander si cette conscience collective n'a existé qu'avec
l'arrivée des colons français quand on sait qu'aux alentours du
XVe, XVIe siècles déjà, il y avait en Afrique plus
exactement au Sénégal, des « nations »
petites et grandes, ceci avant donc l'instauration de la
« nation » moderne. Il s'agit par exemple du Grand Jolof
qui a commencé à se disloquer avec l'arrivée des
européens marchands d'armes qui ont sans nul doute contribué
à la dispersion de l'autorité du pouvoir central que
détenait le Buurba (Roi). D'ailleurs Jean Boulègne en fera
discrètement la remarque : « les échanges
favorisaient les Etats qui comme le Kayoor et le Sine disposaient d'une
façade maritime ». Il continuera en disant que
« leurs souverains s'enrichissaient et par là pouvaient se
procurer peu de soldats » 704(*).
Rien d'étonnant jusque là ! Mais le fait
le plus remarquable est que le potentiel militaire de ces
« micro » souverains à l'intérieur toujours
du Grand Jolof était renforcé d'abord par les importateurs de
chevaux (avec le commerce des Arabes), ensuite et surtout « par
celles, plus discrètes de fer et d'armes » 705(*). On sait aussi qu'outre les
Jaa-Oogo de la région du fleuve qui avaient le monopole du fer
706(*) donc des armes
qu'ils mettaient d'ailleurs à la seule disposition des Buurba (Rois de
Jolof), il n'y avait que les marchands européens pour vendre des armes
et le fer et ils ont de ce fait même non seulement ébranlé
les rapports privilégiés qui existaient entre les Jaa-Oogo et les
buurbas car il s'agissait là d'un appui incontestable 707(*) mais ils ont
contribué à l'émiettement du pouvoir central du
Sénégal traditionnel.
Donc c'est seulement par la suite que la puissance coloniale
a modifié les frontières naturelles de cette côte de
l'Afrique, frontières qui n'étaient rien d'autres que des zones
d'influence en raison de la perméabilité des zones et la
mobilité des hommes.
Il faut se demander comment ces frontières nouvelles
ont été ressenties par les populations ? Il semblerait qu'il
y ait eu au Sénégal en tout cas, en raison des
éléments historiques dont nous disposons, formation puis
déformation d'une certaine conscience collective et la
« conscience nationale » fabriquée de toute
pièce par la colonisation ne sont que le prolongement de cette
dialectique de l'ordre et du chaos. En ce sens qu'après avoir
dispersé l'autorité centrale, le colonisateur a bien pris le soin
de ramasser les pièces qui se sont effritées, les a
rattachées par un tracé de territoires que nous avons ici
même démontré 708(*).
C'est pour toutes ces raisons qu'il semble un peu difficile
de dire, en l'absence d'une recherche historique poussée, que les
structures administratives, politiques héritées de la
colonisation constituent le seul cadre d'expression de la conscience nationale
des populations sénégalaises en particulier, africaines en
général.
Cette équivoque levée, il convient maintenant
de voir le rôle, pas toujours négatif d'ailleurs de la
présence coloniale dans la construction d'une certaine
« conscience nationale » qui s'est perpétuée
jusqu'à nos jours et qu'il faut reconnaître en
vérité, quelques superficielles que puissent être ces
frontières.
Il convient de voir, à travers la situation coloniale,
les causes mêmes de l'altération des pouvoirs traditionnels, et de
voir aussi les conséquences de la «pacification de la
société sénégalaise par le colonisateur
français»709(*).
SECTION I : L'ALTERATION DES POUVOIRS
TRADITIONNELS AU SENEGAL : RAPPEL HISTORIQUE
Nous pouvons dire sans conteste que la présence
coloniale au Sénégal, comme ailleurs en Afrique, a en quelque
sorte ébranlé l'ancienne aristocratie de ses pouvoirs.
Dans un premier temps, il faut insister sur l'effritement de
l'autorité centrale dans les anciens royaumes traditionnels, comme
préalable à la mise en place de cadres administratifs politiques
nouveaux.
En effet, la formation politique que les wolofs avaient
édifiée avant l'arrivée des européens (portugais,
français...) était conçue comme « une
hégémonie souple s'exerçant sur des sociétés
et des pouvoirs locaux divers, bien au delà du monde wolof »
710(*).
Le grand roi ou « Buurba » avait une
autorité qui couvrait la quasi totalité du Sénégal,
hormis la partie sud de la Casamance.
Cette grande hégémonie wolof semblait
être déjà constituée au Xie siècle avec un
processus notable d'extension, d'influence, avec l'intégration des
soninkés, malinkés... En fait cela nous renvoit aux grandes
hégémonies soudanaises 711(*).
Il est certes établi l'existence d'un pouvoir central
au Xve siècle au Sénégal mais ce pouvoir central va se
disloquer à partir du XVIe siècle avec l'accroissement des moyens
surtout militaires des petits royaumes qui étaient parties
intégrantes du Jolof. Cet accroissement de moyens militaires s'explique,
nous l'avons dit par l'impact des échanges sur la côte atlantique
avec l'arrivée des commerçants européens (portugais, etc).
Il s'agit ici d'analyser les phénomènes de changement de
l'autorité par la contestation du pouvoir central ; changement qui,
au XVIe siècle a altéré et même
émancipé des pôles de décisions importants. Les
chefs traditionnels et les grands rois comme le « Buurba »
de Jolof étaient impliqués en premier plan.
En effet avec le déclin de l'intervention portugaise
sur la côte atlantique, les autres puissances européennes
(français, anglais, néerlandais) (s'attaquèrent à
ce marché dès la fin du XVIe siècle.
Commença alors la traite humiliante des Nègres,
on échangea alors des esclaves contre des armes dont les chefs
traditionnels avaient grand besoin, car cela permettra de ne plus obéir
au pouvoir central du grand roi ou « Buurba ».
Si nous axons notre analyse de l'idée de nation sur
l'aspect « armement », c'est pour montrer que dans aucune
société, dans aucune « nation », on a mis en
veilleuse le pouvoir militaire. Il n'y a jamais d'Amour
« pur » au sens absolu et voilà qui explique le
recours à la force militaire comme moyen essentiel du pouvoir politique
et partant de la cohésion sociale. C'est d'ailleurs dans ce sens
même qu'il faut définir l'Etat comme moyen de recours à la
violence ou à la contrainte légitime 712(*). Ce qui exclut par ce fait
même l'existence de toute « vendetta » en vengeance
privée. Cela ne veut pas dire la fin de toute contestation. C'est pour
cette raison que nous pouvons dire que le Sénégal a
été dès le début, une société
à « Etat ». Donc la distinction
« société avec ou sans Etat » ne s'applique
ici que pour les raisons sus-mentionnées 713(*)
Mais il s'est passé un phénomène
important dans le Sénégal du XVIe siècle au contact avec
les européens. Ce phénomène c'est justement la dislocation
du Grand Jolof qui, nous l'avons dit, a beaucoup affecté ses populations
714(*).
En effet, la dislocation du grand jolof ne doit pas
s'analyser comme une « simple partition » 715(*) ; mais, il s'agit
plutôt d'une « restructuration » de l'espace wolof et
sénégambien en général » 716(*). Qu'est-ce à
dire ? Sinon que cette restructuration était à notre sens
d'abord « militaire » ; car ce nouveau front de
contact et d'échange constitué par la côte atlantique,
avait fort besoin d'être contrôlé par les européens.
C'est ainsi que nous pourrons lier ce besoin de contrôle des côtes
occidentales d'Afrique à la nécessité de la dispersion de
l'autorité politique centrale déjà constituée. Pour
ce faire, la répartition des armes et du fer était logique pour
enlever à l'autorité traditionnelle le monopole de la contrainte
militaire.
C'est donc au même moment que nous avons pu remarquer
la montée en puissance des petits royaumes qui ont été
intégrés au grand jolof ; cette montée des royaumes
jusque là subjugués est sans aucun doute liée à
l'impact des échanges avec les européens, (d'abord avec les
portugais). Et ce courant d'échanges a
« court-circuité » le courant d'échanges qui
existait auparavant. Cette restructuration du commerce, avait aussi
entraîné une restructuration militaire. D'ailleurs Jean
Boulègue en fera la remarque : « ces échanges
consistaient surtout en étoffes, chevaux et armes blanches contre des
esclaves, destinés à la péninsule ibérique et aux
îles de l'Atlantique, avant que l'Amérique ne prenne le relais.
Les royaumes côtiers étant les mieux placés,
tirèrent profit des avantages militaires que procurait ce
commerce »717(*).
C'est ainsi qu'une nouvelle carte politique s'était
dessinée, de nouveaux rapports entre les centres politiques et leurs
territoires...Après la centralisation, le jolof sera divisé entre
quatre petits royaumes (le petit jolof, le waalo, le kayoor et le bawol). Cette
division existera jusqu'à la colonisation. Ici donc il ne s'est pas agi
de faire une chronique des événements consécutifs à
la dislocation du « Grand jolof » mais de s'attaquer
plutôt aux causes de la désintégration du grand royaume
wolof. Le facteur qui, à nos yeux est primordial et dont on ne fait pas
beaucoup état est constitué, nous l'avons dit, par l'introduction
des armes par les commerçants européens qui a mis fin au monopole
de la contrainte militaire du Buurba qui contrôlait directement les
Jaa-Oogo qui étaient les « maîtres du fer ».
La fin de ce monopole des armes a donc contribué de façon
décisive à la dispersion de l'autorité politique centrale
et partant, de la conscience collective qui existait dans le
Sénégal traditionnel.
Les français trouveront au Sénégal des
alliés de première heure au XVIIe. En effet d'après Yoro
Dyao c'est à partir de 1626 que les français commencent à
avoir de « bonnes relations avec les chefs du pays »
718(*).
Au nord les chefs du « Toubé »
alliés de la première heure, le sont restés :
« partout où les français ont fait la guerre, ou ont eu
des difficultés, ils ont eu à leur côté le
« Diagne » 719(*) de Sor et les gens du
Montaubé ».
Ainsi donc les gens du « Toubé »
ont fourni des volontaires à la France pour la conquête du Oualo,
du Fouta, du Cayor, du Nord du Sénégal et contre les
Trarzas...720(*).
Pour mieux comprendre le phénomène de
désintégration du pouvoir traditionnel au Sénégal,
on peut se référer à un élément
d'analyse : en effet il y a lieu d'approfondir la discussion au sujet de
l'abolition de la Traité négrière qui peut être
conçue comme l'une des dernières phases de l'existence des moyens
de contrainte des rois et chefs traditionnels.
Paragraphe 1 : L'abolition de l'esclavage pour
des raisons autres que philanthropiques : la nécessité pour
les pouvoirs coloniaux de mettre fin à l'entretien des moyens
économiques des chefs traditionnels
Les rois wolofs du Sénégal, entendaient occuper
une place dans la traite atlantique. Ils voulaient aussi par ce biais imposer
leur autorité et accroître leurs moyens économiques. Il est
patent que dans les sociétés à forme
« étatique » comme la société wolof,
les chefs disposaient le plus souvent d'une importante catégorie de
serviles, dont une partie était des « esclaves
publics » soumis aux autorités dirigeantes et travaillant pour
leur compte. Avec la Traite, l'esclavage prit une autre tournure pour les chefs
traditionnels.
Ainsi, à partir de 1677, une compagnie
française s'était installée à Gorée (IIe
prise par les Néerlandais) et à Saint-Louis (fondée en
1659). Elle voulait exercer le monopole de ce trafic humain et fixer les
prix... On ne peut certes pas fixer de façon définitive la part
des rois wolofs dans le commerce des esclaves. Car les documents comptables
relatifs à la Traite, ne permettent pas de dire que tel esclave
provenait de tel royaume... Cependant des estimations par siècle sont
unanimes pour dire qu'entre 1680 et 1780 les royaumes du Kayor et du Baol qui
étaient les principaux fournisseurs chez les wolofs, livraient environ
200 esclaves par an 721(*).
L'objectif pour ces rois wolofs était
évidemment de s'enrichir, d'augmenter leurs moyens économiques.
La vente des esclaves constituait à un moment donné une
très importante source de revenu pour « les trésors
royaux » car le roi avait un avantage réel sur les
activités de la traite, contrôlant la vente des esclaves et
conservant les bénéfices réalisés ou les
contreparties. Ce privilège fiscal renforçait non seulement sa
position financière, mais lui permettait également de disposer
d'une main-d'oeuvre abondante pour les travaux agricoles... Comme l'esclavage
était un moyen d'assurer la situation économique des chefs
traditionnels, il était aussi un moyen d'accroître la force
militaire des rois wolofs. En effet des armes pouvaient être obtenues en
échange d'esclaves noirs ce qui était bien sûr, un moyen
d'accroître la puissance militaire et le nombre des soldats de ces
royautés wolofs et autres... C'est dire combien l'abolition de
l'esclavage a été ressentie pour ces dernières. On
entrevoit comment l'esclavage pouvait être un support économique
et militaire pour les dirigeants de l'Afrique noire traditionnelle, plus
exactement pour les dirigeants du Sénégal traditionnel mais aussi
du Dahomey du Soudan...722(*).
Ainsi dans les Etats africains qui faisaient la traite ou qui
disposaient d'un nombre important de captifs ; l'abolition de l'esclavage
et la liberté rendue à « une main-d'oeuvre dont les
activités étaient utilisées au profit d'une aristocratie,
guerrière » 723(*), ruinèrent cette dernière et lui
enlevèrent la plus grande source de ses revenus.
Après la conquête coloniale, la majorité
des pouvoirs traditionnels ont été vidés de leur contenu
et sont devenus « exsangues ». Ainsi on comprend mieux
cette montée en puissance des petits royaumes (Kayyor, Waalo, Baol...)
avec l'arrivée des commerçants européens aux XVe et XVIe
siècles.
Certes dès le XVIIIe siècle des
européens s'étaient émus de ce génocide que
constituait la traite des noirs. Et Voltaire traduit bien l'esprit de
l'époque 724(*).
Il y avait aussi la célèbre « Société
des Amis des Noirs » qui fit à l'époque une importante
propagande pour libérer les noirs du jong de l'esclavage). Mais la
puissance coloniale avait surtout besoin de mettre fin à toute
prépondérance des chefs traditionnels et l'abolition de
l'esclavage a été à ce point de vue, une étape
décisive.
Il y a aussi cette intervention de la puissance coloniale
dans les communautés de base.
Paragraphe 2 : L'éclatement des
organisations traditionnelles de base : la fin des mécanismes de
régulation à l'intérieur des organisations de base au
Sénégal.
D'un point de vue anthropologique, c'est ce
qu'on pourrait appeler « ethnocide » en ce sens qu'il
s'agit de « l'imposition forcée d'un processus
d'acculturation » 725(*) ; c'est-à-dire la domination d'une
culture par une autre plus puissante avec pour corollaire :
« l'effondrement des valeurs sociales et morales traditionnelles de
la société dominée, à sa
désintégration puis à sa disparition »
726(*).
L'ethnocide a été et est encore
fréquemment pratiquée par les sociétés de type
industriel dans le but d'assimiler de « pacifier » ou de
transformer les sociétés dites « primitives »
ou « retardées », généralement sans le
couvert de la moralité, d'un idéal de progrès ou de
développement ou de la « fatalité
évolutionniste » 727(*).
Le règne colonial enleva aux autorités
traditionnelles donc leur appareil militaire surtout, avec la disparition de
leurs bénéfices tirés de la vente d'esclaves noirs ;
en conséquence elles ne disposaient plus des anciens moyens de
coercition à l'intérieur comme à l'extérieur de
leur organisation de base.
Ainsi à partir du moment où ces
autorités, jadis indépendantes ou en quête
d'indépendance, se virent dépouillées de leur force
militaire, leurs pouvoirs vis-à-vis de leurs peuples furent
exposés et elles étaient même dans l'impossibilité
d'assurer l'exécution de leurs décisions, leurs
légitimités étaient donc remises en cause de même
que les systèmes politico-sociaux qui les encadraient.
En cas de perte d'autorité, il s'ensuit
nécessairement des soulèvements ou révoltes. Dans le cas
du Sénégal ces révoltes se sont traduites au XVIIe
siècle (avant l'abolition de l'esclavage en 1848) par les actions des
« chefs de terre » appelés communément
« Laman ». Leurs agissements étaient en fait le
prolongement d'un malaise paysan qui a fait surtout suite aux recouvrements des
impôts qui étaient synonyme de pillage (Lël). C'est
d'ailleurs lors de ces pillages que les souverains se procuraient des captifs
destinés à la traite. Ainsi, au regard du processus de
démembrement ou d'éclatement du pouvoir central, ces Lamans qui
avaient la gestion des terres collectives, s'opposèrent à la
pression fiscale et à la centralisation du pouvoir 728(*).
A. A l'intérieur de groupes
constitués
L'intervention de l'armée coloniale était
toujours possible pour mettre fin à des rivalités internes. Comme
en cas de conflit interne de succession. Ainsi on sait qu'avec Amari
Ngoné Sobel, l'union du Kayoor et du Bawol échoua à cause
d'un problème successoral.. Sans pour autant être affirmatif, on
peut tout au moins se demander si la puissance coloniale n'était pas au
fond à même d'exploiter cette rivalité interne ? Car
les situations de guerre dès le XVIe siècle et les tensions
déjà évoquées entre les royaumes et le pouvoir
central, malgré les différences d'époque et d'origine,
sont des éléments importants en faveur de cette opinion. En effet
les seuls refus de paiement des tributs n'expliquent pas tout. Pourquoi
justement ces refus de paiement ?
Ce n'était pas seulement pour que le Damel puisse
renforcer sa puissance 729(*) ; peut-être que le Damel du Kayoor a
été tout simplement manipulé pour renforcer la puissance
coloniale, (par delà sa propre puissance), c'est ce qui expliquerait les
nombreux freins à toute tentative d'unification ou de centralisation et
c'est ce qui expliquerait aussi qu'en fin de compte la dislocation du Grand
jolof fut totale. Le pouvoir colonial pouvait créer des rivaux
même dans les mêmes familles, ce qui expliquerait pourquoi les
familles et royaumes tributaires profitèrent de ces circonstances pour
se rendre indépendants 730(*).
Donc ceci est valable pour le XVIe comme pour le XVIIe
siècle où le pouvoir colonial a utilisé les
rivalités internes parce qu'il avait pour vocation de s'imposer. Ces
oppositions constituèrent ainsi une des causes de l'affaiblissement et
même de la disparition des pouvoirs traditionnels. Ces quelques exemples
que nous avons cités à travers l'histoire du
Sénégal, nous montrent les mécanismes et les tensions qui
se sont exercés quant au phénomène
d'insécurité et d'un recours toujours possible à la force
qui s'est instaurée à l'intérieur comme à
l'extérieur des groupes ou organisations. Ceci mettait également
fin à l'arbitrage des grands-rois alors que les héros comme
Njajaan Njaay ou Maysa Wali Joon étaient présentés comme
des arbitres suprêmes chargés de rendre la justice.
B. A l'extérieur des groupes
organisés
La colonisation a éliminé les pressions venues
de l'extérieur pour rendre libre le jeu des forces internes comme nous
l'avons montré plus haut et cette conséquence, comme le fait
remarquer Summer 731(*),
fut préjudiciable au pouvoir coutumier. En effet, les menaces
extérieures consolident sans aucun doute la cohésion du
groupe ; elles créent un transfert des sentiments
d'animosité de la personne du chef à celles des ennemis
étrangers au groupe or les pouvoirs coloniaux, en interdisant les
guerres « inter-tribales » avaient donc par ce fait
même privé les chefs traditionnels, qui la plupart du temps
étaient des chefs -guerriers, du culte du loyalisme autour de leurs
personnes. Ce qui a eu pour effet de supprimer carrément
l'autorité dans la mesure où le besoin de protection et la
recherche de la sécurité constituaient un des fondements
essentiels de l'autorité traditionnelle.
Pour revenir à l'exemple du Sénégal, nous
avons vu qu'une des missions principales des rois était en effet de
protéger le pays contre les attaques des ennemis (outre de rendre la
justice et d'assurer la prospérité). Des fonctions qui, du reste
ne se réduisaient pas au simple maintien de l'ordre mais qui
revêtaient un caractère mythique 732(*).
Ainsi avec la suppression des guerres par le pouvoir colonial,
avec la « paix coloniale », on assistera à une
dépossession des chefs d'une partie de leur revenu, de leur appareil
militaire et à la disparition d'une catégorie d'hommes dont le
métier était les armes. C'est cette « Paix
coloniale » qui sonna en fait, le glas de l'autorité
traditionnelle. C'est cette même paix qui favorisera l'introduction de
valeurs nouvelles, de structures politiques nouvelles et de
« cadres » nouveaux. Tout ceci en flagrante contradiction
avec les systèmes traditionnels.
SECTION II : L'INTRODUCTION D'UN SYSTEME
POLITICO-ADMINISTRATIF NOUVEAU
En Afrique occidentale, l'issue fut invariablement la
défaite et la soumission, qu'elle soit la conséquence des armes
ou le résultat de négociations.
Tous les grands combattants eurent à peu près
le même sort, car, en fin de compte, ils avaient intérêt
à coopérer avec les européens et à s'accommoder du
régime colonial plutôt qu'à susciter des conflits.
L'accommodement avec l'Europe faisait naître beaucoup
de promesses, mais il était aussi accompagné de
difficultés. Il supposait non seulement une profonde connaissance des
deux mondes, l'Afrique et l'Occident, mais aussi une saine appréciation
des avantages que la société africaine pouvait tirer de la
civilisation occidentale. Il se pose là le problème de
l'aliénation culturelle.
L'administration du gouverneur Faidherbe a joué un
rôle primordial dans le développement du colonialisme
français en Afrique occidentale. Avant lui, la présence
française, en dépit de sa durée, était
hésitante, et l'engagement de la France dans ses positions au
Sénégal avait un caractère ambigu. Lorsque prit fin le
mandat de Faidherbe, la colonie était transformée, tant dans son
aspect matériel que dans la conception de la mission qui lui incombait.
Au lieu d'être un point d'appui précaire sur la côte, le
Sénégal était devenu une base permanente d'où
partirait un jour la conquête d'un empire. De plus, dans les
années qui suivirent le départ de Faidherbe, le
développement lent, mais régulier, de l'économie
sénégalaise se précisa, tandis qu'au cours de la seconde
moitié du XIXe siècle, « la colonie se vit enfin
reconnaître une participation active à la vie politique
française, vieille promesse si longtemps
différée » 733(*).
Vers la fin du siècle, à mesure que les
armées françaises contrôlaient en Afrique des territoires
de plus en plus vastes, s'accroissait le scepticisme des théoriciens
français de la colonisation à l'égard du principe
d'assimilation.
Selon eux, il était impossible d'espérer que
des millions d'hommes appartenant à des cultures totalement
différentes et à divers niveaux de civilisation assimilent les
subtilités de la culture française et maîtrisent un
appareil de gouvernement « démocratrique » à
l'image de celui que les français utilisaient. Ils
préconisèrent donc une doctrine de remplacement :
« l'association » ; qui encourageait les peuples
coloniaux à conserver leurs cultures traditionnelles tout en les
plaçant nettement en situation de subordination vis-à-vis de
leurs maîtres blancs. A la fin de la guerre, en 1918, l'association
était devenue le thème central de la politique coloniale
française ; en Afrique occidentale, une administration fortement
cerntralisée et un régime colonial autoritaire furent alors
instaurés. Ils dépendaient du ministère des colonies
à Paris où était décidée toute la politique
coloniale. Dans les territoires d'Outre-mer, on trouvait une administration
coloniale, avec une hiérarchie de fonctionnaires venus de la France
métropolitaine dirigée par un gouverneur et chargée
d'appliquer les directives du ministère des Colonies. Au bas de
l'échelle se trouvaient les chefs de cantons, de districts et de
villages dont la tâche était d'appliquer les décrets de
l'administration : impôts, réquisition de main-d'oeuvre,
maintien de la loi et de l'ordre. Ces chefs étaient nommés par la
puissance coloniale qui, tantôt reconnaissait le chef traditionnel,
tantôt en choisissait un de manière arbitraire lorsqu'il
n'existait aucune autorité indigène acceptable. Dans les colonies
françaises d'Afrique, le critère appliqué pour la fonction
de gouvernement direct exercé par la France tendit non seulement
à devenir autocratique, mais aussi à favoriser l'érosion
des coutumes locales.
L'administration des colonies britanniques procédait
moins d'une théorie précise de colonisation ; mais, comme
dans les possessions françaises, les tendances autoritaires se
précisèrent à la fin de la première guerre
mondiale. Au cours du XIXe siècle, l'Angleterre avait administré
ses possessions ouest-africaines de diverses manières qui
témoignaient d'une démarche profondément pragmatique. En
règle générale, cependant, les possessions coloniales
furent administrées de façon arbitraire par des gouverneurs
nommés, assistés de leur personnel administratif ; dans un
tel contexte, on ne se préoccupa pas vraiment de sauvegarder ou
d'utiliser les institutions et coutumes traditionnelles. Cependant, Sir
Frederick Lugard remédia à ce manque d'unité. Lorsqu'il
prit la tête du protectorat du Nigéria septentrional en 1900, il
institua le système de l'indirect Rule qui allait vite devenir le
modèle type de l'administration britannique dans ses colonies
ouest-africaines dans les années qui suivirent la première guerre
mondiale.
En théorie, l'indirect Rule était
l'antithèse de la méthode française d'administration. Ce
système cherchait à utiliser au maximum le droit coutumier et
l'appareil gouvernemental traditionnel, encourageant la population à
conserver la structure du pouvoir traditionnel, et se bornait à
substituer l'arbitrage de la couronne britannique à celui de la
juridiction détenant jusque -là l'autorité suprême.
Du poin de vue de l'autodétermination nationale ouest-africaine,
toutefois, l'indirect Rule n'offrait guère plus de garanties que
l'administration directe des français. En effet, si à
première vue, l'indirect Rule semblait accorder une autonomie locale
virtuelle, c'était en fait un système où le pouvoir
suprême échappait manifestement aux africains. Des innovations
tels que l'impôt direct, l'organisation administrative de la justice et
le travail forcé furent souvent arbitrairement imposées à
des populations africaines qui ne les comprenaient pas ou ne les acceptaient
pas. Les chefs étaient en général choisis par le peuple,
mais tout le monde savait étaient en général choisi par le
peuple, mais tout le monde savait que leur autorité découlait de
l'administration britannique qui les rémunérait et les
conseillait dans l'exercice de leurs fonctions par l'intermédiaire
d'administrateurs coloniaux spécialement nommés à cet
effet. De plus, l'indirect Rule fonctionnait mieux dans les régions
comme le Nigéria septentrional où les autorités
traditionnelles ressemblaient le plus aux modèles
européens : de vastes Etats dotés d'un pouvoir
centralisé et clairement défini, appliquant un système
d'imposition directe. Dans d'autres régions tel le Nigéria
oriental où l'autorité était décentralisée
et les chefs inexistants, l'indirect Rule était à peu près
impossible à pratiquer, et il fallut lui substituer une forme
améliorée d'administration directe.
Un second défaut fondamental de l'indirect Rule
résidait dans la situation anormale où ce système
plaçait les africains d'éducation européenne dont les
rangs ne cessaient de grossir. Par nature, l'indirect Rule mettait l'accent sur
la légitimité des autorités traditionnelles, alors que
c'étaient justement les chefs coutumiers qui étaient les moins
aptes à s'adapter au changement des structures sociales et politiques
consécutif à l'introduction du pouvoir colonial.
A la fin du XIXe siècle et jusqu'à la
première guerre mondiale, la politique coloniale sera marquée par
un certain souci de respect (relatif) des particularismes et de l'autonomie
locale ; En effet, c'est dans cet esprit que l'Ecole des otages de
Saint-Louis fut créée par Faidherbe pour l'instruction des
« fils de chefs » 734(*). Il fallait donc former des chefs locaux mais
à la française pour pouvoir les mettre au service de
l'Administration coloniale. L'expérience sera plus difficile avec les
peuplades déjà islamisées, ce qui explique les
phénomènes de Jihad dont on a déjà parlés
avec El Hadj Omar... Car ces empires musulmans regroupaient des individus par
delà leur race, leur ethnie, autour d'une croyance commune :
l'Islam. Ce qui, nous l'avons vu, n'était pas sans poser quelques
difficultés à l'administration française.
Après 1900, on peut noter dans l'histoire
administrative ouest-africaine, cette fameuse circulaire de William Ponty en
1909, qui parlait de la nécessité « d'un contact plus
direct entre l'administrateur et l'administré » et aussi pour
« une politique de races » visant à découper
les circonscriptions administratives en fonction des groupes ethniques de
façon à ce que « chaque peuplade garde son autonomie
à l'égard de la peuplade voisine » et ne soit pas
soumise « à la merci d'un individu étranger au pays,
étranger même aux races qu'il administre ». Cette
circulaire fondée sur l'idée de justice prônait un
« libéralisme » comme base de l'action
française en Afrique.
Après cette circulaire, l'organisation administrative
de l'AOF aboutira à une division du territoire en cercles, comprenant
une ou plusieurs subdivisions, circonscriptions à la tête
desquelles se trouvaient des administrateurs européens. Chaque
subdivision comprendra des cantons, regroupant un ensemble de villages en tant
qu'unités administratives dirigées cette fois-ci par des
africains.
L'innovation sera aussi l'introduction de cantons (bien que
ne correspondant pas tout à fait à l'unité territoriale
traditionnelle), qui seront les principaux pivots de l'administration
africaine.
Il y aura deux principaux aspects de cette nouvelle politique
coloniale : d'abord la spécialisation des fonctions et ensuite la
territorialisation des pouvoirs.
Paragraphe 1 : La spécialisation des
fonctions
La disparition des chefferies traditionnelles s'accompagne
d'une apparition de chefferies administratives nouvelles.
A. Les chefs de villages
A un niveau inférieur on peut noter les chefferies de
villages qui étaient placées sous la dépendance des chefs
de cantons. Ils ne servaient plus de relais fiscal que de relais administratif.
Ce qu'on peut noter dans cette chefferie, ce sont les attributions
coutumières et le caractère représentatif. Le chef de
village devait être l'émanation du groupe mais ne devait pas
apparaître comme quelqu'un de nommé par l'échelon
supérieur. Il s'agit d'une sorte de démocratie locale. C'est une
administration proche des populations qui a été ici
organisée. Cependant, on peut parfois relever des cas de chefs de
villages mal acceptés par les populations. Ainsi, en 1946, en pleine
période coloniale, un mouvement d'indiscipline à l'école
de Kagnobou (Casamance) entraînera une plainte pour coups et blessures
contre le chef de village 735(*). A Sédhiou (Casamance) en 1955 une
opération de recensement avait conduit à un sanglant affrontement
entre chefs de villages et chefs de cantons 736(*). Pour dire que le système de chefferie de
village n'était pas si adéquat comme c'était
préconisé. C'était une façon d'insérer les
populations locales dans une organisation étatique parce que
hiérarchique. Il fallait d'abord intégrer les chefs dont le
caractère était familial ou clanique.
B. Les chefs de cantons
Ils supervisaient les chefs de villages et détenaient
un certain pouvoir administratif en raison du rôle de contrainte qu'ils
devaient jouer dans l'établissement et le paiement de l'impôt.
C'est le gouverneur de Côte d'Ivoire qui, en 1900, suggérait le
renforcement de l'autorité des chefs en raison de l'établissement
de l'impôt et il disait qu'il était impossible
« d'instaurer un régime financier indigène sans le
concours d'une autorité indigène » 737(*).
Le chef de canton ne fut pas reconnu comme fonctionnaire mais
comme simple agent administratif 738(*). Seulement, ils appartenaient à un
système hiérarchique ouvert à des propositions... Il
n'était pas tellement un « représentant
coutumier » 739(*) mais plutôt un agent chargé de
recouvrer l'impôt. Il recevait un pourcentage sur l'impôt
perçu. C'était là un intéressement à
exécuter les décisions coloniales.
C. Les chefferies supérieures
C'est honorifique ! Il s'agissait des notables ; ils
n'avaient pas un pouvoir administratif. Ils avaient surtout un caractère
coutumier et percevait une pension
C'était là aussi une façon de
hiérarchiser et d' « étatiser » les
individus qui en fin de compte se reconnaissaient dans ces structures nouvelles
grâce au « rôle corrupteur » du pouvoir
colonial 740(*).
Notons au passage que les chefs religieux musulmans qui
avaient rejeté le droit civil français se sont vu retirer leur
droit politique. Ils étaient de ce fait négligés par le
pouvoir colonial ou tout simplement mis à l'écart.
En somme, ces structures superposées sur le
modèle traditionnel des chefferies s'expliquent, nous l'avons dit, par
le besoin d'autonomie prôné par les colonisateurs. Ce
système favorisera la croissance de la forme française
d'administration, avec une multiplication des circonscriptions et
l'accroissement des tâches de l'administration européenne qui a
pris la précaution de choisir des auxiliaires peu qualifiés et
de bas niveau ; ce qui étendait l'influence des administrateurs
européens. Ces derniers faisaient et défaisaient leur
administration sur mesure. Ce qui explique que certains théoriciens se
sont montrés favorables au système idéologique introduit
par William Ponty qui, selon P. Marty 741(*) en favorisant des groupements artificiels,
« a rendu la main à tous les éléments
ethniques ; il a proclamé (...) leur droit à
l'existence ». D'un point de vue juridique, c'était tout
simplement un moyen d'intégration de cette diversité culturelle
dans un système centralisé mais cette fois-ci de type
européen. La colonisation n'a fait que renforcer artificiellement des
pouvoirs qu'elle avait par ailleurs et nous l'avons dit, largement
réduits.
Ceci fait d'ailleurs penser au fait qu'avec l'arrivée
des rois wolofs il s'était passé le même
phénomène de superposition de nouvelles structures par
l'affaiblissement voire la suppression du lamanat dans certains milieux
traditionnels 742(*).
On assiste donc avec l'arrivée des français au
Sénégal, à l'introduction d'une conception moderne de
gouvernement avec des fonctions spécialisées des agents de
l'administration qui devaient faire face à des fonctions nouvelles alors
que l'autorité était anciennement moins
spécialisée. Naîtront alors des corps de fonctionnaires
intervenant dans des domaines différents. Ces agents africains sous
prétexte d'exercer leurs activités nuiront en fait à la
propre autorité ; ce qui renforçait parallèlement le
pouvoir central européen qui a de ce fait
« territorialisé » les pouvoirs pour ne pas dire
« ghéttoiser » les territoires.
Paragraphe 2 : La structure des pouvoirs dans les
limites territoriales ou la « territorialisation » des
pouvoirs : le commandement de cercle ou de région
Avec l'introduction d'un nouveau système,
l'organisation territoriale se modifie au gré de l'administration
coloniale. Ce qui n'était pas sans susciter quelques difficultés.
En effet, certains chefs avaient des zones d'influence énormes mais ils
virent alors leurs pouvoirs réduits.
Dans le système français, les divisions
régionales furent le cercle ou la région avec des subdivisions.
Ces dernières avaient à leurs têtes des administrateurs
européens sous l'autorité d'un commandant de cercle qui
dépendait directement du gouverneur de la colonie.
On ne retrouvait les chefs africains qu'aux niveaux
inférieurs de la subdivision (au niveau du canton et du village). Alors
que ces unités étaient réduites avec des cantons de
faibles dimensions et créés de toute pièce par les
administrateurs coloniaux. Certains chefs traditionnels qui avaient d'immenses
territoires se retrouvèrent chefs de cantons et en raison même de
l'indépendance des cercles, leur autonomie relative, l'on a
assisté en fait à une
« ghéttoisation » des chefs coutumiers qui n'avaient
plus le droit de contraindre à l'extérieur de leur
circonscription et même s'ils exerçaient leur droit de
contraindre, le faisaient dans l'intérêt exclusif de la
colonie.
Cependant, la faiblesse numérique du personnel
administratif européen avec la guerre et les contraintes exercées
sur les propositions, avec la pression fiscale, les chefs autochtones devraient
prêter main forte à l'administration coloniale. Ainsi, en
Casamance les diolas étaient en révolte depuis 1914 avec leur
particularisme et leur volonté d'indépendance... ce qui faisait
dire en 1917 au gouverneur Van Vollenhoven que « nous ne sommes pas
les maîtres de la Basse Casamance. Nous y sommes seulement
tolérés... »743(*).
C'est par la suite que « la politique des
races » sera progressivement abandonnée. Il fallait donc
introduire un mélange ethnique ou un métissage ethnique. Ainsi en
Casamance par exemple, l'administration coloniale a favorisé
l'installation de sénégalais
« évolués », des Malinkés, des
wolofs... pour retirer aux originaires des terroirs des sentiments de
frustration grâce au mélange ethnique. Entre les deux guerres, la
politique des races sera abandonnée. Ainsi, après avoir
donné aux élus africains une formation politique et
réalisé « la liberté et
l'égalité », la politique française
débordera les limites de la constitution de 1946.
La pression des hommes politiques africains enfoncera des
portes (peut-être déjà ouvertes), et l'évolution se
fera très rapidement vers les indépendances. Il fallait que les
africains prennent eux-mêmes leur propre destin 744(*). Ce système
permettait en fait à chaque territoire d'avoir sa vie politique propre,
son gouvernement propre... ce sont là les éléments qui ont
façonné l'Etat que le colonisateur à pris le soin de
mettre en place avant son retrait en 1960. Au moment où le
Sénégal se préparait à devenir indépendant
dans les limites territoriales fixées par le colonisateur. Beaucoup de
sénégalais ont regretté la « Balkanisation de
l'AOF » mais personne ne proposa concrètement un nouveau
découpage territorial. C'est avec cet Etat que naîtra la notion de
citoyenneté moderne, support de l'idée de Nation.
CONCLUSION PARTIELLE
Pour reprendre l'expression de Balandier,
nous pouvons dire que « la situation coloniale » 745(*) a joué un rôle
déterminant dans la formation de l'identité nationale moderne des
peuples africains. D'aucuns dirons que cela a permis à l'immense
majorité des pays africains d'éviter les grandes
révolutions qui ont marqué les pays d'Europe et les
Etats-Unis .. Mais ce jugement semble peu prudent car la porte de
l'histoire n'est pas encore définitivement close.
D'autant qu'avec « la
démocratisation » en cours dans la plupart des pays africains,
il ne serait pas prudent de défendre une telle assertion. Il peut
paraître « paradoxal » note Lombard 746(*), que la situation coloniale
qui reposait sur des « principes essentiellement
inégalitaires » entre colonisateurs et colonisés,
portait en elle des « germes démocratiques »
747(*) quant aux
rapports entre colonisés eux mêmes.
Il y avait donc là : « deux poids -
deux mesures » et l'aristocratie africaine étouffée par
le poids de la colonisation ne tarda pas à faire sienne la cause
coloniale et à être la
« cheville-ouvrière » du système alors en
place en intégrant les structures de l'administration coloniale.
Mais comme l'issue des indépendances africaines
était inévitable ; les français ne voulaient pas
être colonisés par « les colonisés »
avec la question de l'extension du droit de vote aux peuples colonisés.
Il fallait donc que les africains (eux-mêmes), prennent en charge leur
propre destin et prennent le Fauteuil qui sera laissé vacant par le
colon. Il fallait que ces dirigeants bâtissent une conscience collective
nouvelle par l'intermédiaire de l'Etat-nation en tant que forme moderne
de gouvernement.
C'est ce qui donnera à l'idée de nation en
Afrique moderne toute sa spécificité.
Cet « Etat-nation » est né des
découpages coloniaux artificiels. Les critères de ces
découpages arbitraires ont ignoré et même bafoué les
réalités ethniques, culturelles et économiques du
continent africain 748(*).
C'est pourquoi la notion des frontières, des limites,
soulève par elle même beaucoup moins de problèmes que ne le
fait l'entité territoriale tout à fait nouvelle qui se trouve
ainsi délimitée, à savoir l'Etat moderne, (un Etat
situé à une échelle jusqu'alors inconnue de l'organisation
politique africaine). Les conséquences qui découlent de ces
découpages artificiels sont déplorables : la
solidarité qui apparaît comme une expérience vécue,
support même de la vie de l'individu, dans les sociétés
traditionnelles fondées sur la parenté et l'exploitation des
ressources de la nature, ne correspond pas très exactement à la
solidarité d'une seule minorité au pouvoir dans
l' »Etat-nation ». L'unité
« nationale » évoquée à longueur de
journée, semble singulièrement dépourvue de substrat
sociologique, alors que perdirent tout, en se désagrégeant
lentement, de puissantes solidarités régionales, locales ou
ethniques : « lourd handicap s'il en est que les nouveaux
dirigeants s'efforcent d'emblée de réduire en faisant appel
à une conscience nationale et à une conscience civique (...). La
référence à la « Nation » est devenue
le Leitmotiv des équipes au pouvoir (...) leur impact sur les masses
populaires n'en demeure pas moins superficiel (...) et semble-t-il largement
négatif. Le mot d'ordre demeure en effet la dissolution des
solidarités traditionnelles au profit d'une nouvelle solidarité,
« nationale », englobante ; les obligations d'entraide
mutuelle et la forte cohésion des groupes ethniques, culturels,
régionaux ou locaux, sont maintenant dévalorisées,
reléguées au dernier plan « muées en
contre-valeur, proclamées rétrogrades par l'Etat jacobin et
unificateur » 749(*).
Cet Etat c'est celui qui est issu des indépendances et
qui porte en lui la particularité, c'est-à-dire
l'africanité même de la notion de nation.
CHAPITRE V : LA SPECIFICITE DE L'IDEE DE NATION
DANS L'AFRIQUE NOIRE MODERNE : TRADUCTION OU TRAHISON DE L'IDEE DE
« NATION » ?
SECTION 1 : LE DILEMME AFRICAIN FACE A L'IDEE DE
NATION
L'Afrique noire actuelle est paralysée nous l'avons
dit plus haut par le mythe de l'Etat-Nation, en tant qu'héritage
politique coloniale. Cette paralysie réside, rappelons-le dans
l'inadéquation radicale entre les institutions politiques en place et
les réalités socio-politiques africaines.
Jacques Vernant 750(*) dira que l'Afrique noire est composée d'une
multitude d'Etats parés de tous les attributs de la souveraineté
alors que « les nations dont ces Etats sont l'expression ne sont pas
encore constituées ». Cette assertion paraît
véridique dans la mesure où en Afrique on a semblé
créer l'Etat avant la nation, alors qu'en Europe la nation semble avoir
précédé l'Etat 751(*).
Yves Person quant à lui 752(*) attire notre attention sur
le fait que le grand marxiste français Henri Lefèvre, qui a fait
une étude systématique de l'Etat dans le monde moderne, rappelle
que cette forme historique,
« l'Etat-nation-marché », liée dès
l'origine à l'avènement de la bourgeoisie au XVIIIe
siècle, ne triomphe de façon quasi-universelle qu'au moment
où elle est dépouillée de ce que fut sa fonction
essentielle, c'est-à-dire la constitution d'un marché comme champ
d'action d'une bourgeoisie nationale 753(*).
Plus concrètement, le pouvoir central est privé
de la base indispensable que devrait constituer une culture politique nationale
alors que les cultures politiques existantes sont aujourd'hui
« privées d'efficacité, ne pouvant plus se traduire en
institutions propres » 754(*).
Cette paralysie est la conséquence évidente de
la maladie politique qui décime les tenants du pouvoir. Il s'agit en
fait d'une confiscation des initiatives, des créations, des
responsabilités et surtout « du prophétisme de la base
par les hiérarchies et les appareils par des idéologies de
justification et des structures d'autorités » 755(*).
Cependant les chefs d'Etat des Républiques Africaines
actuelles prennent de plus en plus conscience de la nécessité de
libérer réellement l'Afrique de tout apport transplanté
qui a su briser la culture traditionnelle en désolidarisant, la
localité, la région, le continent. Ils ont conscience de la
nécessité de fonder les institutions et les actions sur la
culture en place et sur les solidarités africaines réelles ;
car les solidarités régionales ou locales constituent la seule
base réelle de mobilisation des énergies sociales, expression
dynamique de la notion de pouvoir et partant de celle de Nation.
Les chefs d'Etat de l'Afrique noire du Xxe siècle se
trouvent, devant cette réalité, face à un dilemme :
faudrait-il l'hybridation de la notion du pouvoir politique, ou jeter tout
apport extérieur, ou alors adopter le meilleur de la notion de pouvoir
occidental pour l'Afrique noire moderne ?
Le problème essentiel réside au niveau du
critère de choix. Il faut un critère de projet de
société conforme à la réalité locale sur
l'évolution de l'histoire. Mais ce projet de société est
sous-tendu par certains concepts ambigus, mal définis ou
prématurément adoptés. C'est le cas de l'Etat et de la
Nation, le parti politique avec ses sous-ensembles : parti unique,
multipartisme ou l'alternance des partis politiques.
Paragraphe 1 : L'Etat et la Nation comme gage de
sécurité politique
Ces deux notions sont ici des motivations politiques
ambiguës. L'Etat, pense Léopold SENGHOR, est surtout le moyen
de réaliser la nation. Construire une Nation consiste
premièrement à fusionner en une solidarité unique les
solidarités parcellaires caractéristiques de la culture
africaine ; deuxièmement, rassembler dans les mêmes mains les
rênes commandant l'ensemble des composantes de l'Etat, afin de pouvoir
mettre en oeuvre une politique de développement homogène sur
toute l'étendue du territoire. La centralisation est, sous cet angle, un
facteur nécessaire de l'efficacité de l'action gouvernementale.
La construction nationale est le sens de l'édification de la puissance
de l'Etat, mais au profit d'une minorité qui en détient les
leviers.
Ce qui fait une Nation, dans son sens le plus
général, ce n'est pas seulement le sol, la race, l'Etat,
l'histoire, l'économie, la culture, l'idéologie et la langue,
c'est tout cela sans doute ; mais plus encore la valeur qu'on y attache en
y voyant une partie qui, pour nous, est nation en tant qu'objet d'amour,
principe spirituel et symbole de l'âme d'un peuple. Assimilée
à l'être humain, personnifiée en quelque sorte, la nation
est une conscience psychologique et une conscience morale. Elle suppose un
passé, elle se résume pourtant dans le présent par un fait
tangible : « le consentement, le désir clairement
exprimé de continuer la vie commune ». Renan dira que
« l'existence d'une nation est un plébiscite de tous les jours
comme l'existence de l'individu est une affirmation perpétuelle de
vie » 756(*).
Mais dans le sens contextuel, la nation est le terme
clé pour justifier l'Etat qui est le royaume sacré de la
minorité au pouvoir. Il s'agit de la nation d'élites
étatiques et non nation du peuple. On le voit, la formule de
l'Etat-nation est bon gré retenue ; car, elle permet toutes sortes
de mystifications des privilégiés. A vrai dire, l'Etat-nation
invoqué jusqu'à l'incantation demeure largement dépourvu
de substrat sociologique concret et incapable de supplanter autrement qu'en
apparence les puissantes et persistantes solidarités
régionales.
« L'inefficacité flagrante » de
l'Etat et « l'immobilisme » qui en découle
paraissent bien, de fait, provenir dans une large mesure nous fait remarquer
Thierry Michalon de « l'inadéquation du concept d'Etat-Nation,
pivot de l'héritage politique colonial, avec les réalités
socio-politiques africaines » 757(*).
Une issue doit donc être trouvée pour permettre
à l'Etat-Nation africaine de résoudre les équations
auxquelles il se trouve confronter avec les contradictions qui découlent
de ce concept.
A. Les contradictions de l'Etat-nation :
contradictions des Etats africains
Le transfert du pouvoir, vers 1960, a donc
entraîné comme le fait remarquer Yves Person 758(*) « la
substitution d'une classe politique africaine, très acculturée,
du groupe dirigeant blanc ». Mais les structures de l'Etat, dont le
caractère colonial, centraliste et autoritaire, est certain, sont
restées généralement en place, entre les mains d'autres
hommes. Le trait remarquable des indépendances africaines est donc qu'il
n'y a pas eu rupture, mais continuation d'un système déjà
établi. Les dirigeants africains ont donc pérennisé, non
pas créé le système étatique que nous
connaissons.
Il y a en effet là une nette continuité au
niveau des mentalités et des structures, alors que la colonisation avait
marqué une rupture profonde avec la société ancienne, la
violence symbolique, dans le domaine culturel, venant largement étendre
les effets de la violence physique initiale. Cela est vrai quand
l'indépendance a été accompagnée d'une rupture
comme en Guinée, et qu'il y a eu tendance à identifier les
structures de l'Etat à celles d'un parti unique et despotique.
Partout aussi des groupes ethniques, qui avaient fait bloc
dans la lutte anti-coloniale, ont marqué de l'inquiétude et ont
exigé des garanties en voyant venir une indépendance qui risquait
de les exclure au profit des rivaux pouvant mettre leur avenir en cause. Cela
montre que « le discours sur la citoyenneté abstraite dans les
frontières coloniales essayait d'effacer une réalité
profonde et durable » 759(*).
On observe que des « bourgeoisies
bureaucratiques » 760(*) prônent un discours nationaliste sur les
problèmes du développement et de la culture, de la
négritude...
Dans les pays les mieux placés et
bénéficiant d'une base agricole prospère,
l'évolution actuelle du capitalisme et la politique des multinationales
permettent désormais une certaine industrialisation, utilisant sur place
la main-d'oeuvre à bon marché, au lieu de l'obliger à
s'expatrier, comme au Sénégal.
La question des Etats devient par là même
internationalisée. Le capitalisme qui rime souvent avec
l'impérialisme opérera donc à l'échelon local,
national et continental. D'où la logique productiviste et individualiste
qui consiste à pousser à dissoudre systématiquement les
communautés de base, ce qui impose « un prix culturel et
social très lourd » 761(*). En outre, faute d'une incitation
systématique de l'Etat, les investissements tendant à se
concentrer en un seul lieu privilégié, comme Dakar, Abidjan et
bien d'autres villes africaines...
La poussée urbaine incontrôlée se trouve
renforcée et les déséquilibres régionaux, à
l'intérieur de chaque Etat, fortement accentués.
L'Etat n'est donc qu'un « espace,
contrôlé avec dureté, et dont il faut tirer le plus grand
profit par tous les moyens » 762(*).
Sous son aspect politique, le projet national implique en
effet, la construction d'un espace commun viable et relié à un
Etat.
Cet espace qu'on appelle communément le territoire,
mais qui a également un sens symbolique par rapport à la Nation,
est celui d'un peuple souverain et il rend possible l'exercice d'une certaine
liberté. C'est bien ce qu'exprime Renan lorsqu'il écrit que
l'homme n'appartient ni à sa race ni à sa langue, mais
qu' »il n'appartient qu'à lui-même »
763(*).
Le modèle Jacobin qui constitue les citoyens en les
arrachant de leur communauté de base est la référence
obligée de cette inscription dans la nation d'une liberté dont on
a déploré le caractère « formel »..
L'Etat-nation doit donc permettre de passer de la condition
de sujet de prince, à celle de citoyen libéré et de jouir
d'un espace politique et juridique... Voilà le legs colonial à
l'Afrique moderne.
B. La question de la souveraineté
nationale
1°) La Nation et la
souveraineté
C'est peu avant la réunion des Etats
généraux français que se précise le concept de
Nation, dans un sens tout différent de celui qui lui était
traditionnellement appliqué. Sieyès en particulier en sera le
grand interprète : la Nation est un corps d'associés vivant
sous une loi commune, formée par le droit naturel et
représentée par une législation. Le Roi fait partie de la
Nation. Il ne s'identifie plus à l'Etat. Pour Sièyes, le tiers
Etat est une nation complète. « La nation existe avant tout,
elle est à l'origine de tout, sa volonté est toujours
légale, elle est la loi elle-même ». Cette nation a une
volonté qui est le « résultat des volontés
individuelles comme la nation est l'assemblage des individus ». Cette
idée de nation repose sur un individualisme total : c'est une
collection d'individus. Cela suppose la suppression des corps, des ordres, des
communautés intermédiaires (naturelles ou juridiques). Ces
individus forment dans leur ensemble une unité qui sera
représentée politiquement : le but de la
représentation est de dégager la volonté nationale qui
sera formulée à la majorité, car dans cette nation tous
les individus se valent pour exprimer la volonté nationale.
L'Etat ne peut s'imposer à la nation, mais il doit
seulement en être l'expression. Par suite d'une conception très
formaliste et purement négative de la liberté, l'on a la
conviction que le fait d'appartenir à la nation assure la liberté
des individus qui la composent. La liberté sera surtout le fait de ne
plus être lié que par la décision de la majorité des
citoyens, et de n'appartenir à aucun corps que celui de la nation.
Cette nation dans son ensemble détient la
souveraineté. Le fondement de l'autorité ne sera donc plus le
droit divin, mais la souveraineté de la nation. Celle-ci possède
en elle-même la raison du pouvoir et la source illimitée des
droits. En tant que souveraine, la nation n'est soumise à aucune
limite : ni celle des lois, ni celle des constitutions, car c'est la
nation qui fait les unes et les autres. Nul corps, nul individu ne peut exercer
d'autorité qui n'émane expressément de la nation.
L'autorité à laquelle le peuple doit obéir ce n'est plus
une autorité personnelle ayant un fondement irrationnel
(théologique ou historique), c'est une autorité
représentant la souveraineté même du peuple, selon un
schéma rationnel (juridique). Le gouvernement n'a donc pas une
souveraineté, mais une simple fonction qu'il tient de la nation. N'est
légitime que le gouvernement qui repose sur cette souveraineté de
la nation. L'administration n'agit plus au nom d'une personne, à
l'égard de sujets qui peuvent seulement s'adresser au Roi pour demander
une grâce, mais elle repose sur la loi, qui est l'expression de la
volonté du peuple, et elle ne s'exerce sur des citoyens que dans les
limites de la loi. En tant que membres du corps souverain les citoyens ont des
droits : ceci leur assure la protection contre les abus et l'arbitraire
des autorités.
Mais cette idée de souveraineté nationale
provoquait quelques difficultés : comment concilier la
prérogative royale et la souveraineté nationale ? Y a-t-il
deux souverainetés ou bien le Roi lui est-il soumis ? C'est en
définitive dans ce sens que l'on s'oriente. De même : comment
dégager la volonté générale ? On admit d'abord
que ce serait la majorité, et non l'unanimité, qui serait
l'expression de cette volonté. Puis que cette souveraineté ne
pourrait s'exercer directement mais par les représentants de la nation.
Le représentant serait investi de la souveraineté nationale, et
par conséquent il représentera la nation toute entière et
non sa circonscription. Enfin, cette souveraineté doit s'exercer
à la fois dans des décisions temporaires et changeantes (lois
ordinaires, décisions politiques) et avec une certaine continuité
qui sera assurée par la Constitution.
La distinction, entre pouvoir constituant et pouvoir
constitué, émanant tous deux de la souveraineté, est
remarquable. Cela permet l'attribution au corps constituant de pouvoirs
exceptionnels, dictatoriaux, tout en maintenant l'Etat dans des limites
restreintes. La Constitution sera la règle imposée par la Nation
à l'exercice du pouvoir par le gouvernement.
Mais avec cette notion de souveraineté, il y a
dès le départ une confusion. En effet, le mouvement
révolutionnaire est orienté dans le sens de la liberté.
Mais seul l'absolutisme monarchique est visé comme obstacle à la
liberté. La notion de souveraineté populaire ne tend pas à
diminuer l'absolutisme de l'Etat. Celui-ci en effet exprimant la
souveraineté. Dès lors une Assemblée peut constituer un
gouvernement absolutiste. Par conséquent le mouvement
révolutionnaire, mettant en avant la souveraineté du peuple, ne
tend pas du tout à restreindre les pouvoirs de l'Etat, à diminuer
l'étatisme. Il tend seulement à changer la forme et le fondement
de cet Etat. En réalité, le mouvement révolutionnaire a
renforcé les pouvoirs de l'Etat et l'on se trouve en présence de
la continuation de la croissance étatique commencée au XIVe
siècle, et non pas du tout d'un bouleversement radical.
« La souveraineté nationale rationalise et
pousse à la limite l'étatisme qui cesse seulement d'être
monarchique » 764(*). La souveraineté renvoie à la question
du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes et donc à celle
de la nationalité. Or, les rapports entre l'élite et les masses
africaines posent justement le problème fondamental de la
nationalité, qui est celui, d'ordre culturel, des identités
collectives.
Ici l'Afrique moderne, faute de courage et principes simples,
s'enfonce dans la confusion totale.
Voilà pourquoi Yves Person dira que :
« l'identité africaine ne peut être définie
autrement que par l'ensemble des langues et des cultures autochtones,
niées et refoulées inégalement par les diverses
colonisations, mais toujours vivantes dans les masses populaires »
765(*). Cela semble vrai
des travailleurs ruraux, mais aussi de ceux des villes.
Mais on peut se demander avec Yves Person, si cette
identité est encore partagée par les élites africaines,
« dont l'ascension sociale a été conditionnée
par la déculturation et l'identification aux valeurs
étrangères766(*) » ?
Pour elles, pense t-il, « les cultures nationales
sont devenues les stigmates d'une condition sociale
méprisée 767(*)».
Une rupture culturelle vient ainsi renforcer l'opposition de
classes sociales, malgré le discours, « aussi trompeur que
constant », sur la fidélité au village natal et
malgré des « gestes résiduels » de
solidarité, dénoncés comme
« parasitisme » au nom de la « rationalité
économique » 768(*). Ce sont ces bourgeoisies qui, en quête d'une
idéologie, n'ont pas eu d'autres recours que d'emprunter le discours
nationaliste de l'Europe. Elles parlèrent de « construction
nationale », sans trop chercher ce qu'il fallait mettre
derrière ces mots, en des circonstances totalement différentes de
celles de l'Europe du XVIIIe siècle 769(*). C'est pourquoi, selon l'expression frappante du
politologue américain Graham Connor, elles se livrent souvent à
une oeuvre de « destruction nationale » 770(*).
Dans la plupart des cas, la Nation est identifiée
à l'Etat, ou plutôt « au loyalisme absolu ».
C'est « une ruée vers l'abstrait, vers le sujet
absolu ». Elle s'exprime par la dénonciation du
« tribalisme », qui est d'après Yves Person, devenu
« la tarte à la crème de la politologie
africaine » 771(*).
En général, on confond systématiquement
le tribalisme avec le népotisme, qui est tout autre chose et qu'il
faudrait étudier en même temps que « la corruption
généralisée des administrations africaines »
772(*).
En réalité, le tribalisme dénoncé
est simplement le sentiment d'appartenance à une ethnie,
c'est-à-dire à une « nationalité
naturelle » 773(*), bafouée par le colonisateur.
En fait ce qu'on reproche à ce tribalisme, c'est de
maintenir les liens de solidarité traditionnelle, d'empêcher la
destruction des communautés de base et surtout de
« gêner la toute puissance de l'Etat ou du parti en faisant
concurrence à leurs réseaux de pouvoirs verticaux »
774(*).
Toute initiative politique ou sociale des communautés
de base est considérée comme un danger pour l'ordre
établi.
De même, toute prise en considération de leur
culture organique est écartée. Si l'on parle de
« culture nationale », on ne la conçoit
d'après Yves Person que comme « un ensemble de slogans et de
valeurs abstraites, qui doivent être transmises du sommet à la
base, et que « celle-ci doit accepter passivement en
renforçant autant que possible ses formes originales de
convivialité » 775(*).
Ce qui signifie que les liens horizontaux s'effacent au
profit des rapports verticaux dans les organisations socio-politiques modernes.
De ce fait les tentations autoritaires voire totalitaires, sont parfois
grandes...Ce qui nous amène à parler de l'idéologie au
sein de l'Etat-Nation.
2°) L'idéologie de
l'Etat-Nation
Très tôt, cette idéologie subit des
tentations totalitaires et impérialistes qu'on traduit souvent par le
terme de nationalisme. Ainsi, autour de 1300, Pierre Dubois, légiste au
service de Philippe Le Bel, préconisait l'abolition du pouvoir papal et
ecclésiastique ainsi que l'hégémonie française dans
le monde chrétien 776(*). Très tôt aussi, le modèle
exerce une séduction irrésistible. Dès le XIVe
siècle, des ethnies pourvues d'Etats bourgeois, mais divisées,
rêvent d'une nation-Etat puissante et unie777(*). Ainsi les italiens
Pétrarque et plus tard machiéval, stimulés par les
souvenirs de la gloire romaine, Marsile de Padoue, dès 1342, donnent
déjà une théorie radicale de l'Etat laïque autonome,
préalable nécessaire à une théorisation
idéologique nationaliste de l'Etat national.
La nation peut exister sans Etat et l'Etat sans la nation.
Dans le premier cas on peut citer la nation polonaise qui
s'est maintenue malgré ses partages en trois Etats 778(*) et ces Etats étaient
étrangers et par ce fait même contribuaient à durcir le
sentiment national autour des ciments internes de la classe politique
polonaise, sinon des partis du moins des groupes religieux.
Dans le deuxième cas, on peut citer bien sûr le
cas des Etats africains issus des indépendances qui s'efforcèrent
et qui même jusqu'à nos jours s'efforcent de bâtir une
« Nation » et le Sénégal n'échappe pas
à cette situation.
Par ailleurs, la suprématie de l'idéologie
ethnico-nationale, qu'on peut désormais appeler nationaliste, fut
assurée par sa théorisation à la fin du XVIIIe
siècle 779(*), en
liaison avec l'évolution des conditions économico-sociales et
avec des situations politiques. L'idéologie universaliste
chrétienne perdait son emprise et les idéologies d'Etat de leur
séduction par suite de leur liaison avec un ordre social devenu
dysfonctionnel.
Les doctrines de la suprématie de la volonté du
peuple trouvent un renforcement bienvenu dans l'appel aux forces profondes de
la « psyché » populaire, en rapport si intime avec
les spécificités culturelles que semblaient délimiter les
formations ethnico-nationales et leurs frontières linguistiques (la
langue étant le plus visible des signes). D'où l'engouement pour
le Moyen Age où cette culture populaire avait affleuré
spontanément. L'universalisme rationaliste du siècle des
lumières, avec sa philosophie de l'Etat monarchique comme structure
utilitaire d'encadrement, est dénoncé comme abstrait, ignorant et
méprisant les dynamismes populaires profonds.
Les doctrines de l'Etat comme totalité organique
exigeant l'adhésion des individus se rencontrent chez Rousseau et, de
façon plus explicite, chez Fichte, liées à l'activisme
moral et à l'idéal Kantien de détermination autonome du
moi. Elles aboutissent chez Herder (Auch eine Philosophie der Geschichte,
1774 ; Ideen zur Philosophie der Geschichte der Menschheit, 1784-1791)
à une apologie de la diversité nationale. Il s'agissait en partie
d'une réaction allemande contre l'impérialisme culturel des
français camouflé sous leur universalisme. Pour Herder, les
nations sont « caractérisées par des langages originaux
en lesquels se coagule leur expérience vécue »
780(*).
Cette exigence de l'adhésion populaire explique
également en Afrique le rôle joué par les dirigeants qui
s'évertuent à dissoudre les solidarités régionales,
locales et parfois même familiales, au profit d'une solidarité
nouvelle à savoir la solidarité nationale.
Si chaque Etat a vocation à former une nation, aussi
chaque nation a vocation à former un Etat qui seul peut lui permettre
d'échapper à l'assimilation. Voici que se pose le problème
de la « nation culturelle » car cette perspective
émancipatoire de l'Etat-nation est aussi celle de la « nation
culturelle » 781(*).
Ce terme formé à l'époque des
lumières a repris actualité à l'épreuve des
événements que traversent les nations d'aujourd'hui.
Ainsi dans ses « propos d'un sans
patrie » 782(*), ce chaud partisan du maintien de la
pluralité étatique des pays Germains, définit l'Allemagne
comme une « nation culturelle » : unité
culturelle ne signifie pas unité politique et ne légitime pas un
processus d'unification étatique dont on a déjà fait la
critique.
Selon Herder, si chaque peuple est défini par sa
langue, cela signifie qu'il n'est défini ni par une dynastie ni par
l'Etat. Autrement dit, le peuple qu'on appelle aussi nation 783(*), ne coïncide pas avec
l'Etat 784(*).
Il faut donc chercher ailleurs la définition du
peuple, c'est-à-dire par delà la langue, ce qui nous renvoit
encore à la conception spirituelle de la Nation à son
unité morale. En effet le conseil constitutionnel français avait
dans une décision relative à la notion de peuple corse (09 mai
1991) eu à dire qu'il ne pouvait y avoir qu'un seul peuple : le
peuple français.
Ceci est significatif puisque cette décision renvoit
à l'exigence d'unité de la nation française moderne pour
faire face au nationalisme étriqué.
Les nationalismes débouchent sur une doctrine
générale du Nationalisme.
La popularité de cette doctrine nationaliste a
été immense. Elle a servi à assurer la victoire de
l'Europe centrale, méridionale et orientale ainsi que de
l'Amérique Latine en leur permettant de légitimer leur pouvoir et
de mobiliser derrière elles les masses profondes de leurs peuples
respectifs. Elle a rendu ensuite le même service aux élites
coloniales qui ont pu ainsi s'affranchir de la domination européenne.
Ici encore, la controverse entre les tenants d'une adoption du modèle
idéologique européen plaqué sur une réalité
différente et ceux d'une croissance spontanée à partir des
conditions locales est inutile. Il y a eu adoption du modèle
idéologique européen parce qu'il répondait aux exigences
des situations du Tiers Monde au XXe siècle.
La doctrine nationaliste a pu être
théorisée en idéologie conservatrice, invoquant cette
même fidélité aux traditions ethnico-nationales qui, dans
d'autres conditions, sert à mener à la révolte contre la
domination étrangère. Elle a pu devenir de ce fait, on le sait,
un rempart contre les tendances révolutionnaires, en Europe notamment.
Elle a permis en particulier de détourner les ferveurs nées des
tensions et problèmes internes vers l'expansion impérialiste. Le
même processus s'observe dans le Tiers-Monde avec des contradictions
nées de l'utilisation révolutionnaire du même type
d'idéologie. Il se poursuivra.
Les conflits nationaux se sont légitimés en
partie par des polémiques sur la définition du groupe national
comme de Renan contre les théoriciens allemands.
La force des idéologies nationalistes en Europe
centrale et orientale a contraint les théoriciens de l'universalisme.
Marxiste à des tentatives pour intégrer ce facteur dans leurs
idéologies (O. Bauer, K. Renner, Staline), dans leur système
éthique de droits et devoirs et dans leur stratégie
(Lénine). Les théoriciens du Tiers-Monde (ou pour le Tiers Monde)
ont eu tendance d'ailleurs, pendant une phase peut-être transitoire,
à donner à leur nationalisme un cadre dépassant celui de
l'Etat-Nation, comme celui de l'ensemble des peuples négro-africains.
Ces conceptions relèvent néanmoins d'une
idéologie ethnico-nationale, le facteur d'unité étant
recherché dans une communauté supposée d'origine.
La suprématie de l'idéologie ethnico-nationale
est aussi assurée pour le moment, avec le déclin peut-être
provisoire de l'idéologie universaliste marxiste qui était
restée son seul concurrent sérieux.
Le marxisme vise l'unité dialectique de l'universel et
du particulier, par la constitution d'un universel qui respecte la
diversité des cultures sans les absolutiser : « un
universel qui ne soit pas la façade du particularisme occidental et qui
soit construit à partir des valeurs authentiques de toutes les
cultures » 785(*).
L'idéologie ethnico-nationale a même
emprunté au marxisme ses méthodes, certaines de ses doctrines
(comme celle de l'impérialisme capitaliste) et une partie de sa
légitimation grâce au procédé syncrétiste
classique de l'identification des buts nationaux aux buts humanistes qu'il
mettait en avant. Le concept d'impérialisme sous forme d'une
caractéristique spécifique et exclusive du monde capitaliste
européo-américain, s'opposant au progrès et à la
liberté de toute l'humanité, rend de grands services dans cette
perspective.
Il y a le « nationalisme » sain
opposé à un nationalisme « pervers » ou
à un « ethnisme » qui réclame la division du
monde selon les frontières de groupes ethnico-nationaux, même
minuscules et même lorsque leurs caractères spécifiques ont
été effacés par l'histoire.
Aux XIXe et XXe siècles l'admission de l'Etat-nation
comme forme « supérieure », a entraîné
la décadence des communautés ethniques ou religieuses... comme
type acceptable de groupement supra-fonctionnel et a conduit à une
société de nations. Cette société traduit autrement
la coexistence des ethnies . On assiste ainsi à la formation de
communautés supra-nationales.
En effet les ethnies aspireront dorénavant à
l'affermissement de l'Etat-Nation. Les ethnies seront intégrées
politiquement et coexisteront pacifiquement dans un ensemble unitaire non plus
éparse.
Il y a une interrogation permanents chez tous les
peuples : « que suis-je » dans cet ensemble parfois
hétéroclite, autrement dit quelle est la volonté
d'être de ces populations ?
Il serait intéressant de calculer combien de fois un
slovaque, un Croate (entre 1815 et 1945) ou un bosniaque d'avant l'annexion de
1878, ou même certains groupes ethniques situés en Amérique
Latine ou en Afrique ont changé de
« nationalité ». Il n'est pas nécessaire
d'ailleurs de s'étendre sur le nombre considérable d'ethnies
englobées dans les « Etats » Africains ou
asiatiques.
Rodinson nous fait remarquer que l'on assiste à une
confusion des concepts : « on confond nationalité et
citoyenneté... »786(*).
Le théoricien des idéologies ne peut que
constater le rôle capital joué par les idéologies
ethnico-nationales à diverses phases de l'histoire, le caractère
contingent de leur suprématie plus ou moins affirmée, leurs
vertus et leurs vices, dont le moindre n'est pas d'aboutir à une vision
d'un monde où s'éternisent les hostilités de groupe, au
mépris des intérêts, des aspirations et même de la
vie des groupes étrangers 787(*).
Cependant, dans la vision marxiste : « la
valeur fondamentale de l'universalité planétaire ou de
l'humanité, est la libération des êtres humains de toutes
les formes d'oppression, de domination, aliénation et
avilissement » 788(*). Il s'agit peut-être d'une utopie
contrairement aux idéologies qui défendent le statu-quo
occidental comme étant « l'universel humain
achevé », la fin de l'histoire, ou « l'esprit absolu
réalité » 789(*).
3°) Etat et unité nationale en Afrique
moderne
On pourrait évidemment espérer que cette
culture nationale définie au sommet, soit du moins une synthèse
acceptable des réalités organiques vécues par l'ensemble
des peuples africains.
Mais du fait même de l'arbitrage colonial, aucun Etat
africain, ou presque, n'échappe à la diversité culturelle.
Celle-ci, au lieu d'être vécue comme une richesse, est ressentie
comme un fardeau et dénoncée comme un danger pour l'unité,
confondue abusivement avec l'uniformisation des individus massifiés dans
le cadre de l'Etat. Même jusqu'à nos jours la question se pose au
Sénégal avec les menaces casamançaises, nonobstant les
accords... Mais la paix semble être revenue depuis le dernier accord. Il
a même fallu l'arbitrage de la France 790(*).
Dès l'instant où un Etat africain refuse de
considérer la réalité organique de son peuple et n'accepte
que l'adhésion passive à un système de valeur unique et
exclusif, deux voies seulement s'ouvrent à lui :
- Ou bien le groupe dirigeant s'identifie, tout en le niant,
à l'une des nationalités (nations-ethnies) et essaie de faire
prédominer son système culturel dans une synthèse
où la culture du colonisateur garde d'ailleurs une large place. Dans ce
cas, les nationalités périphériques ou minoritaires se
voient menacées dans leurs identités collectives et
poussées à l'opposition, à la révolte, à la
sécession.
Ce cas est fréquent dans l'Afrique anglophone, du fait
même que le colonisateur a relativement respecté les cultures
autochtones, sans diffuser cependant le respect des différences et des
valeurs de l'autre. On sait comment en Ouganda, au Nigéria ou au
Soudan, de nombreux groupes minoritaires, qui avaient fait bloc contre le
colonisateur dans une première phase de lutte anti-coloniale, ont
essayé en vain, à la veille de l'indépendance, d'obtenir
des garanties. Dans le cas du Nigéria, l'aveuglement des britanniques
à maintenir la prépondérance absolue des Aoussa sur la
province du nord, jugée plus conservatrice, a préparé la
catastrophe de la guerre du Biafra 791(*).
- Ou bien le groupe dirigeant, tout en s'identifiant plus ou
moins dans la pratique politique à la prépondérance d'une
ethnie, nie cette évidence et n'en tire aucune conséquence
culturelle. Son discours est alors d'identifier la culture nationale à
la culture et à la langue coloniales. On peut ainsi nier la
diversité organique de la nation. Cette politique, poussée
jusqu'en ses dernières conséquences, mène logiquement et
assez vite à un suicide culturel. La classe dirigeante devient
homogène, grâce à une créolisation de la culture
coloniale, et le rejet des cultures nationales devient la condition
nécessaire à l'ascension sociale.
En fait, il s'agit d'une situation schizoïde ; car,
pour être niées et ignorées, les cultures nationales ne
s'éteignent pas d'un seul coup. Mais il n'y a plus aucune
régulation assurant la création, par synthèse de ces
éléments d'origines diverses, qui coexistent dans l'anarchie au
sein de chaque individu et chaque groupe.
Ce modèle, qui est dominant dans l'Afrique
francophone, marque d'ailleurs, derrière le discours de l'unité
abstraite, des politiques ethniques et régionales, qui suscitent des
tensions d'autant plus graves qu'elles sont insolubles. En effet elles
proviennent d'une réalité dont la négation résolue
empêche toute analyse, toute négociation, tout compromis. Sous
prétexte de refuser une diversité organique au nom d'une
unité abstraite, c'est donc ici aussi l'unité concrète qui
est mise en cause. Les disparités économiques dues au centralisme
et au favoritisme ne viennent, bien entendu, que renforcer les frustrations des
identités niées. Dès l'instant où celles-ci croient
leur avenir en danger, un désir de séparatisme naît
spontanément, comme réaction de défense. Le loyalisme ne
se décrète pas. A force de vouloir imposer l'unité
abstraite d'un Etat artificiel, on rend impossible l'unité
concrète qui s'offrait.
On aboutit à ce résultat paradoxal : les
classes dirigeantes des Etats africains croient nécessaire, pour
justifier leurs pouvoirs et leurs privilèges, de tenir un discours sur
la Nation qui n'a jamais correspondu à la réalité,
même en Europe, et de poursuivre la destruction de l'identité
nationale au nom des nécessités du développement. Alors
qu'ils empêchent ainsi tout développement réel en
étouffant les initiatives des communautés de base, qu'il faudrait
au contraire stimuler.
Donc au nom de la Nation, on baptise la Nation...
Mais au nom de la Nation il faut rebaptiser cette
notion !
Nous voyons en effet désormais que la dialectique d'un
développement auto-centré et auto-géré exige le
renforcement des identités collectives pour résister à
l'altérité et la sortie de la diminution culturelle. Chaque
groupe a besoin de réunifier son histoire, au-delà des ruptures
de la domination, de reconstruire une logique nouvelle en unifiant les valeurs
anciennes et modernes, bref de retrouver des racines. Ce qui n'est pas regarder
vers le passé, car, comme l'a écrit Yvon Bourdet, « les
racines sont faites pour lancer des branches nouvelles vers le ciel :
aucune société humaine ne peut s'en passer » 792(*).
Pour échapper à ses impasses,
« l'Afrique doit donc chercher d'autres voies vers un
développement réel, ce qui suppose qu'une priorité soit
donnée à la reconstruction et à l'épanouissement
des identités collectives » 793(*).
Au lieu de répéter des discours
idéologiques sur l'Etat créant la Nation, ou la
nécessité de l'Etat-Nation comme stade dans la marche au
développement à l'exemple de l'Europe, alors que l'histoire ne se
répète toujours pas et que cette vue du passé
européen n'est qu'un schéma éloigné du réel,
il convient de poser quelques principes réellement universels et de les
adapter au cas de l'Afrique.
L'Etat-Nation homogène culturellement et
économiquement n'a jamais réellement existé, et son
idéologie elle-même correspond à une époque et
à des conditions historiques étrangères à l'Afrique
actuelle. Le refus, par l'idéologie centraliste, de la
diversité organique que l'on trouve dans tous les Etats africains,
aboutit simplement à susciter des tensions et des désirs de
séparatisme, qui pourraient être évités par un
compromis clair entre les groupes en présence, respectant leurs
diversités et leurs intérêts réciproques, pour
s'unir dans le projet commun d'un développement véritable.
Or « l'Afrique moderne n'a pas besoin de
micro-Etats et ses frontières ne sont sacrées que pour justifier
l'ordre établi » 794(*). Entre le Sénégal et la Gambie, les
gens vont et viennent éduquer ou s'éduquer dans les
écoles. C'est là un signe...
La Gambie n'est pourtant pas une république
« bananière », mais elle a une forme physique y
correspondant.
Pour échapper à la stagnation et à la
catastrophe, elle a besoin d'unité et de démocratie réelle
au niveau des communautés de base, « afin d'être en
état de négocier sa participation à l'économie
mondiale et d'arriver à un développement réel, qui sera
autant celui de son identité que celui de sa
productivité » 795(*). Les Etats actuels, presque tous beaucoup trop
petits, ne doivent pas être sacralisés pour ne pas bloquer
définitivement toute démarche unitaire. Ils existent comme cadre
d'action politique et administratif. Ils doivent être respectés
simplement comme outils, plus ou moins provisoires, dans la mesure où
ils se mettent au service du peuple dans sa réalité organique,
c'est-à-dire d'un ensemble de communautés de base avec leurs
cultures et leurs convivialités, qui doivent évoluer, mais non
disparaître.
« Le peuple ne doit pas être
considéré comme un assemblage de citoyens abstraits qu'on pousse
vers la massification dans l'individualisme le plus sauvage »
796(*). Cela veut dire
qu'aucun Etat africain ne peut obtenir une légitimité, de toute
façon relative, que s'il se moule sur la réalité organique
de son peuple et s'il se consacre à susciter des processus autonomes de
développement dans les communautés de base. Cela n'est possible
qu'en rejetant toute structure hiérarchique et centralisée et en
recherchant des formules autogestionnaires et fédérales assurant,
pour paraphraser Marx, « que le libre développement de chacun
est la condition du libre développement de tous ». Rendre la
parole et le pouvoir au peuple dans son identité organique n'est pas une
utopie, mais la condition même de tout développement réel
797(*).
Toutes les tentatives sérieuses d'animation rurale qui
ont été faites, même sur une petite échelle, comme
au Sénégal (expérience d'un enseignement moyen
pratiqué à Fissel depuis 1972) ont révélé
les immenses forces latentes de la société paysanne. Au contraire
les grands projets technocratiques, décrétés et
encadrés d'en haut, ont tous plus ou moins échoué. Il
convient d'ajouter, pour ceux qui croiraient que l'on veut multiplier les
structures bureaucratiques, qu'un fédéralisme auto-gestionnaire
assurant le flux des énergies de bas en haut, permet au contraire
d'alléger au maximum l'encadrement et le contrôle. L'incitation et
l'arbitrage se substituent alors largement à la décision et au
commandement, qui nécessitent une structure lourde, comme à
l'enseignement, à la formation et à la structuration des
communautés. Mais cet enseignement doit être pratique et, en fait,
au départ, un auto-enseignement partant « d'une greffe sur les
communautés de base, par conséquent de leurs cultures
propres » 798(*). C'est ce que tente actuellement la Guinée
Bissao, dans l'espoir de supprimer rapidement les structures culturelles
héritées de la colonisation.
Dans cette perspective, l'Etat, qui n'a pas une valeur
absolue et figée peut, si les circonstances, les hommes, le veulent,
être remplacé par des structures fédérales plus ou
moins larges, acquérir une certaine
« légitimité-nation, mais non le statut de sujet
absolu » 799(*).
Au lieu d'être le cadre de la domination culturelle,
politique et économique d'une minorité qui s'est proclamée
nationale, dans le mépris et l'ignorance du peuple, il devient en effet
« le lieu de conjonction, de coordination et d'entraide des courants
provenant de la libération des forces populaires » 800(*).
La diversité des cultures en présence,
étant soigneusement respectée, on peut parler de leurs
échanges fécondants, ce qui définit sinon une
« Nation » dont le monde a beaucoup souffert après
l'expérience des deux derniers siècles, du moins « une
société nationale faite d'une conjonction de
nationalités » 801(*).
Assurées de leur avenir et de leur libre
développement, celles-ci n'auront aucune raison de rêver de
séparatisme, et « les forces communes pourront être
utilisées à stimuler leurs initiatives, au lieu d'être
gaspillées dans le contrôle et la répression »
802(*). C'est alors
qu'on pourra parler de reconstruction nationale, alors que la persistance des
méthodes et la poursuite des buts remontant à l'époque
coloniale ne peuvent être définies que comme
« destruction nationale » 803(*).
Ainsi on quitterai les violences tribales ... pour aller
vers l'humanité (ou l'universalité) mais en passant par la
nationalité.
La nationalité est donc une phase qui doit être
dépassée pour émanciper l'homme et le débarrasser
du nationalisme borné ou « de clocher » 804(*) ; des culturalismes
étriqués, mieux : les ethnocentrismes
déphasés. Ce qui pose la question de l'unité nationale et
partant de la nationalité.
4°) De la nationalité à
l'humanité
C'est dans les processus d'expansion qu'apparaissent les
violences caractérisant les conflits internes...
En effet « l'idée de nation enveloppe celle
de nature » 805(*). Cela renvoit à l'imaginaire où les
peuples et les nations sont représentés comme s'il s'agissait
d'organisme biologique ou de corps immuables par delà les divisions et
l'histoire.
Celui qui parlait de l'homme en disant « cet animal
social » (Aristote), n'avait-il pas raison ? Quant on
connaît la nature de l'homme et sa fonction première (ainsi que
celles des groupements humains) ; qui est de ravir, d'asservir de dominer
et d'exclure...
Quand la Nation se présente elle même comme un
pseudo-animal ; le Peuple comme un
« peuple-organisme » 806(*) auquel on appartiendrait en fonction d'une
prétendue qualité biologique : le droit du sang. Quand une
nation elle même rejette les êtres et les groupes qui lui sont
étrangers. Ne glisserait-elle pas vers une sorte
d'animalité ? A partir de ces représentations on pourrait
parler non seulement d'une arène politique mais d'une bestiaire
politique.
La formation des Etats-nations s'est faite en effet dans une
succession de conquêtes et d'acquisitions tantôt magnifiées
tantôt occultées par la mémoire collective 807(*).
Ce mouvement qui se voulait porteur de civilisation, s'est
poursuivi au-delà des limites territoriales de l'Etat-Nation.
C'est ainsi que les revendications nationales viennent
légitimer ces guerres interminables ; ces massacres et tortures qui
ont rempli ces siècles de l'histoire humaine...
La nationalité devient quelque chose d'étroit
et de confus 808(*).
On peut aussi parler de ces mêmes familles que le
fleuve Sénégal sépare et qui se disent tantôt
sénégalais tantôt Mauritaniens... Absurdité de
l'histoire ! Ambiguïté de l'Etat-Nation !
Le principe des nationalités est un dogme suivant
lequel Etat et Nation doivent coïncider dans les mêmes groupements
politiques. Nous avions vu se former la notion de nationalité au cours
des siècles... et la dérive impérialiste a toujours
menacé le projet national ainsi que le droit des peuples à
disposer d'eux-mêmes. Il risque toujours de s'exercer contre des
minorités ou des voisins plus faibles. On peut noter dès le Moyen
Age des manifestations de sentiment national, mais celui-ci apparaissait plus
comme une réaction contre une menace extérieure, que comme une
conviction raisonnée et permanente.
Durant l'ancien régime en effet, l'idée
nationale fut éclipsée par la notion d'Etat ; les guerres se
traduisaient en fin de compte par des partages de territoires dans lesquels les
intérêts des populations n'étaient pas foncièrement
pris en compte. Mais qu'en est-il des nationalités en Afrique
moderne ?
5°) La question des nationalités
africaines modernes
Notion complexe, la nationalité procède de
données diverses. Certaines d'entre elles s'inscrivent dans les faits.
D'autres données résultent de la volonté du
législateur qui oriente son action au mieux de ses
intérêts, en tenant compte de l'idée qu'il se fait de sa
propre nationalité.
Certes, les facteurs d'élaboration du droit de la
nationalité ne sont pas différents en Afrique et ailleurs. Mais,
en les examinant séparément, on s'aperçoit qu'ils n'ont
pas en tous lieux la même valeur. La volonté législative
prend en Afrique une importance particulière. Elle est beaucoup plus que
la source du lien d'allégeance. Elle devient son support
irremplaçable, son unique chance de survie dans un contexte
singulièrement défavorable à l'éclosion des
nationalités nouvelles.
Les frontières naturelles, sauf à les
définir de façon nette et précise, ont pu servir parfois
de référence pour la délimitation de la catégorie
des nationaux. Souvent aussi, on invoque entre les habitants d'un même
pays l'existence d'une communauté de vie, de langue, de race, de
religion, de mentalité ou de civilisation.
L'esprit le moins averti des problèmes africains est
bien obligé de constater qu'aucun de ces facteurs favorables n'a pu
jouer de façon décisive pour l'élaboration des nouvelles
nationalités d'Afrique.
Ainsi les frontières des Etats africains apparaissent
comme l'exemple le plus typique de frontières artificielles
perméables dans tous les sens. Tracées à l'époque
coloniale suivant les parallèles et les méridiens,
multipliées à l'infini, elles ne correspondent pas à grand
chose sur le terrain et sont même susceptibles de provoquer des conflits
fratricides. Nous l'avons longuement démontré au cours de notre
analyse historique.
Sur l'existence d'une mentalité commune, comment
oublier que les Etats africains n'ont d'autre unité de langue que celle
résultant de la colonisation ? C'est un fait évident,
patent. Dans le même Etat, on pratique deux religions ou plus. La
population se divise et se subdivise en groupes ethniques souvent très
différenciés, parfois rivaux. En Afrique plus qu'ailleurs, un
abîme de plusieurs siècles séparent ceux qui vivent en
ville et dans les campagnes. « Comment parler de mentalité
commune entre les gens qui vivent les uns à l'âge de l'atome et
les autres à l'âge de pierre ?»809(*).
La nationalité de fait, politiquement si puissante
pour l'élaboration d'une nationalité de droit, prend souvent en
Afrique «l'allure d'un mythe»810(*).
Il y a plus encore à dire en ce sens, sur le plan
démographique. Par définition, la nationalité est
destinée à délimiter la population de chaque Etat. Or, il
n'est pas sûr que les Etats africains connaissent ou même puissent
connaître exactement leur population. Des statistiques ont certes
été établies : mais, leur élasticité et
leurs variations selon les publications autorisent à avoir quelques
doutes sur leur exactitude. De mauvais esprits pense-t-on seraient même
tentés de croire qu'il s'agit simplement d'approximations, voire
d'appréciations subjectives.
L'Africain moderne risque même d'avoir plusieurs
nationalités à la fois en raison de la diversité des
règles d'attribution de la nationalité dans chacun des Etats. En
effet, « les codes africains ne luttent guère contre le cumul
des nationalités, dont les dangers ont été si souvent
dénoncés » 811(*).
Cependant, quand on réfléchit aux
difficultés que les législateurs africains ont dû vaincre
pour constituer leur nationalité à l'intérieur de
frontières artificielles, dans « la nébuleuse d'une
démographie mal connue, d'une population en perpétuelle
migration, d'un état civil incomplètement organisé, aux
confins d'un droit moderne et d'un droit traditionnel séparés par
des siècles d'évolution » 812(*), on est donc tenté de
réviser notre jugement ; car une meilleure connaissance des
réalités africaines est nécessaire pour comprendre les
difficultés liées à l'idée de Nation dans l'Afrique
moderne.
Puissent nos efforts ne pas être vains, nous souhaite
Décottingnies et inciter les Etats africains à se mettre d'accord
pour chasser « les brumes qui entourent les nouvelles
nationalités » 813(*).
Notons que cette ambiguïté de l'Etat et de la
nation en Afrique est ressentie au niveau d'un de leurs moyens
d'expression : le parti politique.
Paragraphe 2 : La notion de nation au sein du
parti politique
Nous définissons avec Roger-Gérard
Schwartzenberg dans un de ses célèbres ouvrages le parti
politique comme une organisation durable, agencée du niveau national au
niveau local, visant à conquérir et à exercer le pouvoir
et recherchant à cette fin, le soutien populaire. La volonté
d'exercer le pouvoir différencie le parti politique des groupes de
pression. Le parti politique a pour objectif direct de s'emparer du pouvoir et
de participer à son exercice, à figurer au parlement, à
participer au gouvernement même à le diriger. Les groupes de
pression, quant à eux ne visent pas à conquérir
eux-mêmes le pouvoir : ils cherchent simplement à exercer une
influence sur les détenteurs du pouvoir, à faire pression sur
eux. En clair, les partis recherchent le pouvoir ; alors que les groupes
de pression cherchent à agir sur le pouvoir, à l'influencer tout
en lui demeurant extérieurs.
En Afrique noire, la notion de parti politique est trop
récente. La plupart des partis d'Afrique sont des partis de
création extérieure. La Palombara et M. WEINER pensent que le
parti politique en Afrique est à la fois un effet et une condition de la
poussée vers la modernisation 814(*). Nous distinguons les partis
révolutionnaires-centralisateurs et les partis
pragmatiques-pluralistes.
D'un côté se trouvent les partis dits
révolutionnaires centralisateurs. Ils se caractérisent d'abord,
par une préoccupation constante pour les problèmes
idéologiques, de manière à modifier profondément la
société. Ils se caractérisent d'après
Schwartzenberg ensuite par une organisation monolithique et fortement
centralisée : « ils s'efforcent à intégrer
les autres organisations et à fonder les structures du parti et celles
de l'Etat » 815(*).
A l'opposé, se trouvent les partis
pragmatiques-pluralistes (Sénégal, Côte d'Ivoire,
Cameroun...). Qui, en premier lieu, sont moins préoccupés par les
questions idéologiques et moins portés aux transformations
radicales. Qui, en second lieu, possèdent une organisation peu
structurée et peu hiérarchisée :
« encadrant et mobilisant moins fortement des populations, ils
pratiquent un pluralisme contrôlé qui laisse une certaine
autonomie aux autres groupes sociaux » 816(*).
Ces partis politiques sont d'inspirations occidentales et
profondément dénaturées. Par conséquent, ils sont
incapables de susciter une réelle prise de conscience nationale. Au lieu
que le parti soit l'expression directe des masses, qu'il soit le porte parole
énergique et le défenseur incorruptible des masses ; il se
contente jusqu'à présent, d'avoir des contacts avec les masses et
d'être une administration chargée de transmettre les ordres du
gouvernement. Ils ne jouent pas encore le rôle de véhicule de
développement. Leur fonction est de consolider le pouvoir central,
l'autorité des dirigeants.
Leur finalité réelle se trouve ainsi
déviée, mal adoptée au nom d'un centralisme occidental
défiguré. Ces partis politiques s'expriment dans la plupart des
cas, par les partis uniques. En Afrique noire, le parti unique marque
l'aboutissement d'une évolution qui part du multipartisme
inégalitaire, pour en arriver au parti unifié, dernière
étape avant le parti unique ? Trois arguments de taille retiennent
notre attention.
a - Le parti unique apparaît comme un
instrument d'intégration nationale. Il est le creuset de l'unité
et permet de concilier l'unité nécessaire et la diversité
réelle. Le parti unique est le lieu privilégié où
doivent se fondre les particularismes.
b - Le parti unique, apparaît encore
comme un instrument de modernisation économique et sociale, mobilisateur
assermenté des énergies. Encadrées par lui, les masses
acceptent mieux la discipline nécessaire au succès d'une
politique de développement planifiée.
c - Enfin il apparaît comme
l'unité partisane qui refléterait
l'homogénéité sociale.
Mais en réalité, le parti unique en Afrique
noire au lieu d'être la réalité initiale et principale,
apparaît comme un élément second et annexe. Instrument
plutôt que moteur, le parti unique sert de rouage subordonné au
pouvoir présidentiel. Pour mieux imposer son autorité dans tout
le pays, le Président a besoin d'un parti à son service. Ce parti
doit être unique, sans rival. Contrairement au schéma
Léniniste, le parti unique, géré collégialement,
était le véritable centre du pouvoir. Ici il devient plutôt
un instrument dont dispose le pouvoir présidentiel. Nous faisons
honnêtement des réserves sur deux cas, celui de la Guinée
de Sékou TOURE et celui du Mali jusqu'à la chute de Modibo KEITA
car dans ces deux cas, il s'agit des pays nés avec le parti unique et
avec une constitution de type démocratique populaire. Pour le reste des
pays africains noirs, le parti unique s'est constitué
ultérieurement pour renforcer le pouvoir présidentiel. Ce parti
unique ne joue-t-il pas un rôle instrumental ? Pour cerner cette
question nous devons plutôt répondre à celle-ci :
Quelle est la notion de Nation au sein du parti Unique ou dominant.
A) La notion de Nation au sein du parti
unique
Le Sénégal a connu le parti unique jusqu'en
1975.
En général, les partis africains se
réclament du centralisme démocratique, en tant qu'ils entendent
concilier la liberté (du niveau des élections des dirigeants
à tous les niveaux, de la discussion des décisions à
prendre) et l'autorité qui consiste en la soumission de la
minorité à la majorité. Mais en réalité, le
centralisme l'emporte nettement sur la démocratie en ce sens que
l'organisation est très centralisée, hiérarchisée
et entraîne aussi une entrave à la démocratie interne.
Certes, il existe un débat dirigé et les dirigeants sont
formellement élus. Mais il s'agit d'élections de ratification. En
fait, le choix des dirigeants et la prise de décision constituent
l'apanage de la minorité du centre. En clair, le pouvoir ne monte pas,
il descend du haut vers le bas.
La démocratie interne supposerait que les dirigeants
soient élus par la base et que la politique du parti soit définie
sous le contrôle des adhérents. Certes, les dirigeants sont
élus, mais ces élections sont peu significatives, car
« les candidatures sont présentées par des organes
directeurs et l'opération ne fait intervenir qu'un petit nombre de
personnes contrôlant les divers échelons de la
hiérarchie » 817(*). La grande masse des adhérents reste
totalement étrangère à la vie du parti. Il y a donc note
Lavroff « une tendance à la cristallisation du personnel
dirigeant qui devient oligarchique » 818(*). Le fait qu'aucun dirigeant
de niveau élevé n'ait été renversé par un
vote de la base est la preuve de cette interprétation. Tous les
changements sont le « résultat d'une décision prise au
sommet par un petit nombre du personnel 819(*).
Aujourd'hui, il semble y avoir une démocratie mais le
sort des élections reste toujours lié à celui des
dirigeants. Le pouvoir au sein du parti unique est de type oligarchique
beaucoup plus dominé par une personnalité dont l'autorité
est incontestée. Cette personnalité est le chef historique qui a
dirigé la lutte pour l'indépendance et qui incarne à la
fois la nation, l'Etat est le parti ; il s'identifie au groupe qui se
reconnaît en lui. Ce chef historique jouit d'un pouvoir charismatique. Ce
pouvoir repose sur la croyance dans la grâce personnelle, dans les
qualités exceptionnelles d'un individu ; comme dans l'Afrique
traditionnelle le chef est obéi à cause de son prestige, de son
ascendant, de son rayonnement personnel ; il force l'admiration et
l'adhésion. En réalité, ce pouvoir charismatique n'est pas
un pouvoir national fondé sur l'institutionnalisation de
l'autorité, la participation de la base, la prise de conscience de leurs
responsabilités par les citoyens. Il est plutôt l'expression d'un
paternalisme pédagogique et d'une aliénation des masses :
paternalisme pédagogique suprême, car le
« leader-précepteur » procrée
l'Etat-Nation.
Ici les relations entre le chef et la masse ne sont pas des
relations d'échange mais des relations d'allocution. Il n'y a pas
échange d'information qui suppose deux moments. Il y a juste la
projection du message. « La lumière vient d'en
haut ». Cette pédagogie est incapable d'émanciper une
société aliénée par le traditionalisme et la
colonisation. Elle n'est guère apte à instaurer une culture de
participation, une culture vraiment nationale.
Le pouvoir au sein du parti unique devrait être
l'autorité qui maintient la communication entre les dirigeants et les
masses. L'armature pyramidale des cellules ou des sections devrait jouer dans
le sens descendant et ascendant.
En diffusant la propagande du sommet vers le bas ; en
informant le sommet des réactions de la base, le pouvoir du parti unique
devrait être cette lumière qui préserve l'unité
nationale contre les ténèbres du pluripartisme qui risque de
prendre pour fondements des divisions ethniques ou régionales, pour
mobiliser les efforts en vue du développement économique et pour
instaurer la justice sociale. Mais dans les faits, le parti unique est le parti
de la minorité, il est l'expression des individus au pouvoir. Ici la
notion de Nation sert à préserver le pouvoir et à le
légitimer en quelque sorte.
C'est en évacuant, avec le pluripartisme, la
confrontation des conceptions politiques que les régimes africains
paralysèrent tout débat d'idées. La vie politique s'en
trouve rapidement réduite en « un champ clos d'intrigues de
cour » 820(*).
Un parti qui est très hiérarchisé et centralisé,
à la fois « omniprésent et inactif »
821(*), encadre certes
la population, mais n'a d'autre latitude idéologique que celle de
« gloser bien pauvrement sur les discours officiels eux-mêmes
peu inspirés », il s'avère ainsi incapable de mobiliser
tant soit peu les masses... Dans de telles conditions, « le parti ne
constitue guère qu'un facteur supplémentaire de
stérilisation des énergies existantes au profit d'un
supposé dynamisme étatique » 822(*). Et aussi au profit d'un
dynamisme national.
Le parti unique conçu comme une structure
centralisée, monolithique s'imposant d'en haut aux personnes et aux
groupes d'hommes réticents, devrait laisser place à des
associations politiques communautaires ; car la notion
d'intérêt général ressentie par les citoyens de
l'Etat-Nation, demeure théorique et étrangère à
chacun des intérêts particuliers. Il ne s'agit pas de transformer
les intérêts égoïstes en intérêt
général. Sinon, il en résultera un décalage entre
les statuts et la réalité. Ceci explique très clairement,
l'usage inadapté dans le contexte de l'Afrique moderne du parti unique.
Pourtant le parti unique est généralement un des fondements du
pouvoir de plusieurs Etats ou « Nations » de l'Afrique
noire moderne. Il se comporte comme une option politique, comme une philosophie
sociale leur permettant de préserver l'unité nationale, son
intégration et l'homogénéité sociale. Il est
l'idéologie pour ces Etats. C'est « le creuset
national ».
Devant cette inadéquation entre les concepts d'emprunt,
la réalité concrète africaine et les ambitions des chefs
d'Etats africains, la notion de pouvoir se trouve en situation fort
ambiguë : il ne s'agit pas d'une hybridation sans privilégier
la part décisive que doit jouer la notion de pouvoir de l'Afrique noire
traditionnelle. Il ne s'agit pas non plus d'adopter sans examen critique la
conception de Pouvoir de Marx ou de Hegel. Pour l'instant
l'Afrique noire moderne n'est pas mal partie, elle se trouve plutôt
à la croisée des chemins par rapport à l'Africanité
du Pouvoir. Elle doit choisir une notion de pouvoir et partant, une notion de
Nation qui engage son avenir.
B) La notion de nation au sein du parti
dominant
Après la violence qui débarrasse le
colonisé de son complexe d'infériorité, vient la phase de
construction nationale. Sur le plan institutionnel, la bourgeoisie sera mieux
armée pour prendre les devants. C'est ainsi que dans un certain nombre
de pays sous-développés, le jeu parlementaire est faussé
fondamentalement. Incapable de mettre à jour des relations sociales
normales, réelles, la bourgeoisie choisira la solution la plus facile
celle du parti unique « le creuset national », en fait il
s'agit du « parti dominant » selon la terminologie des
« politistes français » 823(*).
On parlera à propos de constitutions africaines de
pouvoir exécutif composé, simple ; de constitutions
parlementaires, présidentielles en essayant de les opposer les uns des
autres. Pour Bakary TRAORE : « ce sont des régimes de
dictatures » (c'est le trait commun) 824(*).
La machine du parti se montre rebelle à toute
innovation . La minorité révolutionnaire se retrouve seule
face à une direction angoissée par la perspective d'une tourmente
dont elle n'imagine pas même les aspects, la forme ou l'orientation.
Nous en arrivons à une phase d' insurrection dans
laquelle les dirigeants de l'insurrection prennent conscience de la
nécessité d'étendre cette insurrection à la
campagne.
Ainsi les hommes venus des villes se mettent à
l'école du peuple et en même temps oeuvrent à l'intention
du peuple... mais aussi parfois contre le peuple et les malheureux paysans
reprennent contact avec la réalité et un jour s'adonnent à
la lutte armée.
Sans utiliser la violence comme le préconise Fanon,
nous pouvons dire avec Bakary TRAORE qu'il y a nécessité de
retourner aux masses paysannes. Parce que « c'est dans les masses
paysannes que se trouve la vérité de la Nation »
825(*).
C'est elles que les dirigeants politiques peuvent aider
à organiser la Nation selon une forme de socialisme africain qu'il
faudra définir... ce qui a déjà été
tenté et que nous tenterons de faire plus loin !
« Hors des contacts avec les masses paysannes, il
n'y a point de salut » selon Fanon. Aussi hors d'elle dirons-nous, il
n'y a point de Nation. Ce qui nous amène à parler de la question
des terres.
Paragraphe 3 : L'édification du Domaine
National sur
"les ruines" des droits coutumiers :
le cas de la Loi sur le Domaine National au
Sénégal
La connaissance du milieu sociologique est une condition
nécessaire pour appréhender les problèmes du régime
foncier ; s'agissant du Sénégal, on a tendance à
oublier comme le rappelle Mamadou NIANG826(*) que"malgré l'unification nationale
réalisée par la structure étatique, des diversités
subsistent"
Au niveau des régions, des particularismes demeurent
encore et les anciennes provinces traditionnelles gardent jusqu'à
présent leur originalité (Kayoor, Baol, Jolof, Sine Saloum).
Avec l'idéologie de l'acculturation introduite par le
système colonial, vivre moderne, c'était (et c'est sans doute
encore ) vivre à l'Occidental et sur le plan politique, on invoqua
après les indépendances : l'"unité nationale". Et
c'est au nom de l'"unité nationale", qu'on fait du droit de la
majorité "un droit minoritaire d'exception" 827(*) La coutume devenant ainsi
"le laissé-pour compte du droit" 828(*).
Les coutumes avaient servi de "rempart" 829(*) à la
pénétration du droit occidental ; "les chantres de la
négritude y voyaient une arme de défense dans la lutte pour la
libération culturelle" 830(*).
Mais ce combat pour le maintien des coutumes cessa quand les
Africains furent maîtres de leur destin. D'aucuns penseront d'ailleurs
que les organisations socio-familiales traditionnelles seront la cause du
sous-développement.
La loi devait donc permettre la transformation de la
société africaine traditionnelle en vue du "développement"
831(*).
C'est ainsi que la loi sénégalaise de 1964 est
intervenue pour créer un domaine foncier national, rejetant
l'organisation rurale existante et créant des troubles.
La démocratie rurale, rejetée par la
réforme foncière sénégalaise demeure dans
l'ensemble inappliquée. Il semble bien que l'affectation de droits
d'usage sur les champs de la collectivité suscite de graves tensions
entre paysans et que le développement d'une mentalité
individualiste s'oppose à l'instauration d'une démocratie
paysanne ; les divers programmes de développement communautaire se
heurtent au Fouta-Toro au fait que la "nouvelle classe dirigeante a
préféré le soutien politique et l'oligarchie tooroodo au
risque que représentait pour elle une prise de conscience et une
mobilisation des masses rurales". A Aéré-Lao, nous dit Christian
Coulon 832(*) les
droits fonciers de l'oligarchie tooroodo demeurent intacts et il y a une
véritable "conspiration du silence" entre les grandes familles ;
l'auteur ajoute : toute tentative pour faire connaître la nouvelle
réglementation est perçue comme une atteinte à la coutume
ancestrale. Lorsque nous avions interrogé ceux qui
bénéficient de l'assakal , sur ce point, il nous fut
répondu que cette redevance n'était pas obligatoire, mais qu'elle
continuait à être versée sur une base volontaire.
Cependant, si l'on aborde la même question avec ceux qui paient l'assakal
on s'aperçoit qu'ils le considèrent bel et bien comme obligatoire
et qu'ils ignorent tout des dispositions de la loi de 1964 833(*).
La propriété collective des terres, fondée
sur des traditions locales se verra ainsi en cause et les sérères
trouveront comme réplique à l'autorité administrative
chargée de mettre en application la loi sur le Domaine national le
slogan : "la terre appartient à tout le monde »
834(*).
Face à l'Etat centralisateur et unitaire les
collectivités traditionnelles ont perdu leur prérogative
835(*).
Cependant on peut constater des réticences et des
résistances. Aussi on peut tout simplement dire au sujet de
réforme foncière sénégalaise de 1964 "rien n'a
changé, sinon que l'Etat est devenu chef de terre 836(*)", puisque la loi a
supprimé de façon brutale du reste les droits fonciers coutumiers
et, en nationalisant toutes les terres non immatriculées, a
incorporé d'office au domaine national 98% des terres 837(*) . Et même aujourd'hui,
plus de 80% des terres sénégalaises relèvent du Domaine
National pour dire que rien n'a pratiquement changé dans ce domaine
depuis l'Indépendance.
En effet lorsque le Sénégal accédait
à une réelle autonomie préfigurant l'indépendance,
se dirigeants souhaitèrent que fût établi un
véritable inventaire afin de dégager pour le pays un plan de
développement cohérent, dont ils avaient le vif sentiment qu'il
avait fait cruellement défaut à l'époque coloniale.
Le volet le plus détaillé de ce rapport
d'inventaire fut consacré au monde rural. Parmi les recommandations les
plus urgentes, le rapport insistait sur la nécessité d'une
réforme du régime foncier.
L'entreprise de réformation foncière fut
entamée dès l'année 1959. le 23 novembre un comité
de réforme du foncier rural remettait un premier rapport, dans un esprit
qui se voulait technocratique 838(*).
La note de la présentation commençait par observer
que la législation domaniale et foncière, telle qu'elle avait
été réformée par le décret 55-580 du 20 mai
1955, était bloquée au Sénégal faute de mesure
d'application. Elle rappelait ensuite que le gouvernement inscrit au nombre de
ses préoccupations essentielles le développement de la production
agricole, et les structures foncières coutumières ne permettaient
pas de promouvoir avec efficacité et dans des délais brefs, une
quelconque politique de développement.
Le but à atteindre était celui du
développement économique et social, le point de départ
étant une organisation foncière archaïque de forme
féodale ou seigneuriale, que devait être le contenu de la
réforme à promouvoir ; le rapport dégageait trois
propositions :
La première celle préconisée par le
Député Mamadou Alassane Ndoye appuyé par de nombreux
notables. Elle prévoyait la remise en route du système colonial
bloqué depuis 1955 avec en retour le certificat administratif.
Cette proposition fut rejetée par le comité qui la
jugeait contraire aux impératifs de la politique économique et
sociale.
La deuxième proposition était celle d'une
collectivisation complète des terres non appropriées au sens du
code civil ou de la loi foncière. Ce régime exigeait la
disparition totale ou définitive de tous les droits fonciers coutumiers
quels qu'ils fussent. Il en résulterait la proclamation d'un droit
exclusif de l'Etat dans le but d'assurer une meilleure utilisation du sol. La
terre devait être affectée à des communautés rurales
de base dont l'action suivrait les directives générales du
gouvernement.
Un tel régime aurait pu permettre à l'Etat de faire
des plans d'aménagement, mais on lui reprochait de faire une part trop
belle à l'Etat et de ce fait d'étouffer l'initiative
privée. Une troisième formule s'efforçait de maintenir une
sorte de juste milieu entre les deux premières. Il s'agissait d'abroger
uniquement les droits coutumiers éminents, dont il était reconnu
qu'il freinait toute évolution, pour ne conforter que ceux des occupants
réels du sol ; les droits confirmés seraient librement
exercés sans l'intervention de l'Etat mais la loi réservait
à la puissance publique les terres vacantes et celles abandonnées
depuis plus de dix ans 839(*).
Au début de l'année 60, ces propositions furent
soumises à l'examen des différentes missions d'études afin
d'aboutir à un rapport définitif. C'est "la commission de
réforme du foncier rural"qui a finalement remis le rapport
définitif au Président du conseil (Mamadou Dia), le 4 juin
1960.
Cependant, la problématique restait toujours
technocratique ; le gouvernement du Sénégal qui venait
d'accéder à la souveraineté nationale était
désireux de passer au stade de l'indépendance réelle pour
l'obtention d'une économie qui ne soit plus
télécommandée de l'extérieur alors que la situation
domaniale n'était pas en adéquation avec cet objectif à la
veille des indépendances.
La conclusion reconnaissait l'avantage qui se dégageait en
faveur de la formule créant le domaine national, le plus large possible
840(*)
La formule créant un large domaine national fut retenue
par le Président du conseil M. Mamadou Dia qui, le 14 juin donna des
instructions à son gouvernement pour mettre en place les textes
législatifs et réglementaires qui la mettraient en oeuvre
841(*)...
Ce premier projet de conclusion indiquait qu'il n'était de
solution au problème sénégalais qu'en puisant largement
dans la tradition africaine, seule garante de l'évolution progressive
des ruraux sénégalais vers une démocratie authentique.
Dans la création d'un domaine national et dans
l'affectation des terroirs à des communautés de base, cette
conclusion ne voyait pas simplement des mesures techniquement
appropriées, mais des propositions révolutionnaires qui
s'appuyaient étroitement sur les réalités fondamentales et
authentiquement africaines du régime des terres au
Sénégal.
Dès la fin de l'année 1960, le premier projet de
loi rédigé en application des instructions données par le
président du conseil s'appuyait sur un exposé des motifs qui
reprenait largement les termes de la conclusion rejetée par la
commission de réforme en dénonçant l'héritage
colonial et en projetant l'espérance de tout le peuple
sénégalais dans la tradition africaine, la culture qui (par
delà les aspects politiques, économiques et sociaux) était
au du centre du débat relatif à la loi sur le domaine
national.
La critique virulente du système individualiste colonial
et l'exaltation de la tradition africaine furent les fondements de
l'exposé des motifs et les principaux discours prononcés. Par les
dirigeants sénégalais à l'occasion du vote et de la
promulgation de la loi. Le projet de loi comprenait deux aspects : d'abord
une étude critique du système existant qui était
d'inspiration individualiste. Ensuite un exposé des fondements de la
réforme proposée qui réalise une association des
traditions naturelles et coutumières du peuple sénégalais
et des données politiques et économiques de son évolution
842(*).
Mais des années après, lorsque le
Sénégal se penche sur la question foncière, ces questions
ont peut être plus de force en raison de la prise de conscience de
l'échec des premiers efforts de développement.
Mais à quelle tradition faisait-on appel ?
"Puisqu'il n'y avait pas de possibilités de recourir
à des modèles, on s'orientait vers un recours de type spirituel"
843(*).
On essaierait donc de retrouver l'esprit traditionnel afin de
créer des normes et des institutions...
Quand on parle de la tradition négro-africaine, "il s'agit
selon Bernard Moleur 844(*), de revenir au droit négro-africain,
...à la conception de l'Afrique noire traditionnelle".
Cette référence à la tradition
n'était pas sans poser quelques problèmes, car le premier effet
à la loi promulguée le 17 juin 1964 était
d'anéantir purement et simplement les droits coutumiers traditionnels.
La Cour Suprême s'en était d'ailleurs émue deux ans
auparavant le 16 mars 1962 et avait considéré alors que l'article
12 de la constitution du 22 août 1960 faisait passer le respect de la
tradition négro-africaine par le respect des droits coutumiers, ce qui
n'était pas d'ailleurs le cas du projet gouvernemental instituant un
vaste domaine national. La Cour Suprême avait dû
nécessairement changer sa position et rallier la conception de la
Tradition que les dirigeants sénégalais voulaient voir triompher
845(*).
Quelle est donc cette tradition africaine qui va et qui vient
selon les constitutions ; qui sert à préserver ou à
anéantir les droits fonciers coutumiers ?
Disons tout d'abord qu'il est difficile de donner un contenu
précis à cette "tradition" car "le régime foncier d'une
société donnée n'est pas une abstraction, c'est un produit
de l'histoire ... ses particularités demeurent toujours les avatars de
la société qui a secrété ce régime et nul
autre" 846(*). Il faut
noter que la réalité sénégalaise au moment de
l'indépendance offre à cet égard un bon exemple
d'étude. Pourquoi ? parce que pour la plus large part, la tradition
foncière sénégalaise gravite autour de la notion de
Lamanat.
Ce système "Lamanal"a bien subi des changements au fil du
temps mais "il porte quand même selon Monsieur Mbaye Diao 847(*) la marque du système
traditionnel sénégalais".
Le Lamanat incarne t-il pour autant la tradition ? Et
qu'est-ce que le Lamanat originel ?
A l'origine, le Lamane était celui qui, émigrant
sur une terre vierge, fonde un établissement afin d'y vivre lui et les
siens. On ne s'installe pas impunément sur une terre vierge car celle-ci
est habitée par les génies ; le chef de groupe joue le
rôle d'intermédiaire entre le groupe et les génies avec
lesquels il a passé une alliance ; il est maître de la
terre : "Borom Day" où "Lamane". La perennité du pacte
mystique est la seule garantie de la fertilité des terres...
Dans ce lamanat le groupe familial du fondateur défriche
plus soigneusement une zone pour la mise en culture. Par cette action de
défrichement, la communauté adjoint à son"Day", un
"Ngadio" ou droit de hache .
Un étranger au lignage qui vient s'adjoindre à
l'établissement, sollicite du Lamane une concession sur son lamanat. Il
n'est pas question d'une concession car la terre n'appartient pas au Lamane
mais aux génies véritables maîtres de la terre.
Le lamane accomplit un rite agraire pour connaître la
réponse des génies à la demande de l'installation. Une
fois l'accord obtenu, le lamane entaille les arbres de la zone non
défrichée par son lignage matérialisant ainsi les limites
de la concession du nouveau venu.
Progressivement, une nouvelle communauté se crée
sous la direction générale du lamane, et le sentiment
d'appartenir à celle-ci n'est pas moins intense que le sentiment par le
sang 848(*)
Le Lamanat des origines apparaît donc selon Bernard Moleur
849(*), comme une
cellule dont les préoccupations sont dirigées vers une survie qui
ne peut être assurée que de l'intérieur. L'homme y est
avant tout préoccupé de la terre. Le Lamane est avant tout un
paysan qui rend grâce au sol des moyens de sa subsistance. Les quelques
rapports politiques qui se développent avec l'arrivée des
immigrants restent orientés vers l'intérieur, pour organiser les
communautés agraires 850(*) .
Très vite, les Lamanats originaux ont été
entraînés dans des changements qui les dépassaient.
L'empire du Djolof fondé selon les uns au milieu du XIIIe
siècle, selon les autres au XIVsiècle aurait
réalisé un premier équilibre dominant la structure
Lamanale : "le royaume du Sénégal ou Géloffa
s'étendait du fleuve Sénégal au Nord, à la Gambie
au Sud, du Tékrour à l'Est à l'Océan atlantique
à l'Ouest ... chaque royaume (ou"province"), restait gouverné par
un Lamane" 851(*).
Cette phrase extraite des récits de Ca da Mosto traduit la
nouvelle réalité lamanale au milieu du XVe siècle.
C'est la preuve que les lamanats ont toujours été
des cellules de base, mais par delà leur rôle de communauté
agraire, ils se situent dans un ensemble plus vaste dont la perspective
essentielle est le contrôle de l'espace.
L'éclatement de l'empire du Djolof au milieu du XVIe
siècle, l'avènement du Cayor en royaume indépendant,
marquent la dégradation irrémédiable du Lamanat paysan
852(*).
Certes les Lamanes ne disparaissaient pas mais étaient
intégrés à un système politico-administratif plus
vaste et dont ils subiront toutes les avanies.
Bientôt le Damel saisira toutes les terres en dehors de
toute tradition agraire ; on assistera même à des expulsions
de Lamanes ... à la faveur de lignages dynastiques.
Ainsi le Lamane du XVIIIe siècle diffèrera de celui
d'avant les ensembles politiques ... les premiers sont des émanations du
terroir, les autres des éléments d'un espace politique.
Par ailleurs au XIX e siècle, l'installation du pouvoir
colonial se traduisit au Cayor par la disparition des structures politiques
"traditionnelles". On assistera alors à un pullulement de Lamanes se
réclamant de vielles traditions agraires ... sans oublier de percevoir
les dîmes plus ou moins liées à la religion musulmane
(assaka) ; ... Ces Lamanes se transformeront sous l'influence de
l'économie monétaire en banales locations.
Aucun de ces Lamanes ne trouvera grâce en 1964 devant les
initiateurs de la réforme foncière 853(*)
D'après Bernard Moleur, si l'on peut absolument trouver un
contenu positif à la tradition africaine évoquée par les
dirigeants sénégalais, il faut rappeler les deux "grands
principes"du système foncier pré-colonial 854(*).
L'un est l'aspect spirituel du lien foncier traditionnel ;
l'autre principe est celui de la communauté : la terre appartient
à une grande famille dont beaucoup de membres sont morts, quelques-uns
uns sont vivants et la plupart est à naître. Le droit africain
reste donc "un doit essentiellement communautaire qui interpelle les vivants
mais aussi les morts" 855(*)..
Faut-il aller plus loin et dire que, le lien foncier
dépendait du "bon usage"de la terre, principe qui pour certain est
fondamental pour la survie de la communauté ?
D'aucuns l'avaient fait pour légitimer la loi sur le
Domaine national, dans la mesure où les autorités ont
formé le projet d'assurer l'utilisation des terres et leur mise en
valeur rationnelle conformément aux dispositions du plan 856(*).
Nous observons en tout cas avec Bernard Moleur que "la tradition
négro-africaine invoquée par les dirigeants
sénégalais est de nature différente, dans la mesure
où elle ne suppose pas une opposition irréductible et une
subordination du temps présent devant les préceptes des temps
passés" 857(*).
La tradition évoquée par les dirigeants
sénégalais repose sur la conviction africaine que le temps est
un, ce qui n'est pas sans effet sur les institutions, en effet la famille est
composé des vivants et à la limite de ceux qui sont
conçus ; En Afrique elle comprend aussi les morts et ceux à
naître.
La législation invoquée à l'appui de la
législation sénégalaise est : "l'affirmation d'une
solution que les anciens et les êtres à venir ne sauraient
être en mesure de reprocher aux vivants compte tenu des
réalités auxquelles ils sont confrontés" 858(*). C'est d'ailleurs cette
tradition que le professeur J. Schacht appelait "la tradition vivante"
859(*).
C'est Ahmadou Hampaté Bâ qui disait que :
"essayer de comprendre l'Afrique et l'africain sans l'apport des religions
traditionnelles serait ouvrir une gigantesque armoire vide de son contenu le
plus précieux" 860(*).
Mais M. Lamine Diakhaté Ministre de l'information du
Sénégal dira le 29 avril 1964 que "ces institutions portent des
traditions, usages et coutumes qu'il faut réactiver sous le soleil de
1964. Il fut suivi en cela par le Président de la République du
Sénégal Léopold Sédar Senghor qui, le
1er mai 1964, affirme qu'il "s'agit de revenir au droit
négro-africain en l'adaptant aux exigences de notre
développement" 861(*) .
Il convient de voir comment s'exprima cette tradition vivante
lors de la promulgation de la loi relative au domaine national en 1964 et
comment continue-t-elle à s'exprimer ? ...
D'abord par la liquidation du passé dans ses formes
inadaptées aux nécessités du temps présent :
c'est dans ce sens que le Président Senghor avait affirmé devant
le groupe parlementaire UPS le 10 juin 1964 que les projets de loi tendaient
à " libérer les paysans des servitudes ancestrales862(*)" ; et peu après
le vote de la loi, le Président de la République invitait
vigoureusement les gouverneurs de régions à expliquer aux
populations que ces textes, "mettaient fin irrémédiablement
à l'ancien état de fait caractérisé par le paiement
des dîmes aux Lamanes 863(*)".
En fait ces textes, au-delà de la condamnation des
« servitude », anéantissaient tous les droits
coutumiers jugés globalement inadaptés au XXe siècle, ce
que le colonisateur n'aurait pas pu faire faute d'incarner la tradition vivante
dans le concept de "Nation".
« L'originalité de notre action gouvernementale
réside dans le fait qu'elle cherche à refléter le
tréfonds des structures socio-économiques de notre peuple.
La réussite de notre plan ne peut avoir d'autre
impératif. Il s'agit de réactiver le principe communaliste qui
est à la même base de l'éthique de notre NATION (...) la
terre appartient donc à la nation, ce concept de permanence, de
perpétuel devenir...
Le concept est d'ailleurs la même dans la plupart des pays
négro-africains »8(*)62
L'expression moderne de la tradition ne devait pas se borner
à cette notion ; en effet deux jours plus tard, dans son discours
adressé aux travailleurs à l'occasion du 1er mai, le
Président Senghor considérait que la notion de socialisme
constituait un volet complémentaire : "le droit écrit a
introduit la notion romaine de la propriété individuelle... Il
s'agit très simplement de revenir à la conception socialiste qui
est celle de l'Afrique noire traditionnelle"8(*)63. Rien n'est moins fortuit que ces deux concepts
à la base de la réforme foncière : Nation et
Socialisme", n'étaient-t-ils pas les deux concepts clefs du programme
exposé par le président Senghor peu avant l'accession à
l'indépendance(1960) 864(*).
Il y a une sorte de projection de la dimension spirituelle du
lien de l'homme et de la terre dans le culte de développement national
dont l'Etat qui avait anéanti les Lamanes, était tout simplement
le grand-prêtre. L'incorporation de la majorité des terres dans le
domaine national ne signifiait pas que l'Etat devienne "propriétaire
à la romaine", mais qu'il reprend les fonctions de maîtres du sol
pour "les adapter aux nécessités du "développement
national" 865(*)
Le bon usage du sol, c'est-à-dire l'emploi du sol de
façon à contribuer au développement national devait
remplacer les " offrandes traditionnelles" pour la garantie des droits de
l'occupant 866(*).
Les droits de la communauté se trouvent donc
réalisés dans un cadre plus moderne : celui de la Nation.
Derrière l'expression domaine national, se profile le
changement fondamental dans l'orientation du développement, d'un domaine
propre à servir l'intérêt du colonisateur on est
passé à un domaine propre à servir les
intérêts de la NATION sénégalaise et qui
« s'édifiant sur les dépouilles des droits coutumiers
n'eut pas été concevable sans la légitimité
conférée par la tradition vivante
négro-africaine » 867(*).
L'Etat sénégalais est le gérant du domaine
"national"pour le compte dit-il de la NATION, mais ne peut-on douter d'une
confiscation des terres par l'Etat en raison de la tendance de ce dernier
à vouloir régler d'en haut le problème du
développement ? ne peut-on redouter un exercice
dévoyé des prérogatives de l'Etat en faveur de ceux qui
détiennent directement ou indirectement les leviers ?
Autrement dit, la loi sur le domaine National sert-elle la nation
incarnée par l'Etat ?
Puisqu'il semble régner aujourd'hui l'Etat- Nation,
c'est-à-dire la Nation incarnée par l'Etat, on peut redouter
l'utilisation des terres au profit des dirigeants de l'Etat
sénégalais et non pas à celui du peuple. Mais sans doute,
le Président de la République du Sénégal lors de
son message à la Nation du 3 Avril 1992, vient-il à son
heure ! Seulement, il conviendra de trouver un juste équilibre
entre l'autonomie de la gestion préconisée au profit des
communautés de base, et l'action de contrôle de l'Etat qui sans
être propriétaire "jaloux", doit demeurer "Maître du sol" en
tant qu'attribut de sa souveraineté 868(*).
SECTION II : L'IDEE DE
« NATION » EN AFRIQUE NOIRE MODERNE, A LA CROISEE DES
CHEMINS OU LA HANTISE D'UNE SYMBIOSE
Le colonialisme contenait le germe de sa propre
destruction ; en fait, le système colonial constituait dans son
ensemble un vaste mécanisme conçu pour l'édification d'une
Afrique moderne autonome. Par la conquête, le colonialisme avait
éveillé le désir de liberté. Par l'exploitation, il
avait provoqué une résistance croissante à la tyrannie. En
insérant l'Afrique dans le monde moderne, il avait fait naître la
vision d'une vie meilleure trouvant sa plénitude dans la liberté.
En faisant la preuve de ses propres faiblesses, il engendra l'espoir qui
conduisit à l'autonomie. Par l'éducation, il développa les
aptitudes à la gestion autonome.
En Afrique, l'instruction fut une des causes de
l'indépendance. Les missionnaires, commençant leur action en
Afrique occidentale au début du XIXe siècle, firent de
l'alphabétisation le point de départ de
l'évangélisation, mais avec l'instruction, arrivèrent des
idées et des idéaux qui devaient changer définitivement le
monde africain.
L'humanitarisme européen, illustré par le
mouvement abolitionniste, et le libéralisme occidental,
énoncé dans les principes démocratiques de la France de
1789, avaient converti rapidement de nombreux Ouest-Africains instruits, comme
Paul Holle, l'évêque Crowther et Samuel Lewis. Cependant,
l'admiration pour la civilisation occidentale s'accompagnait du désir
d'avoir part à ses avantages matériels et à ses principes
d'autonomie ; plus tard, certains observateurs comme James Johnson, John
Chilembwe ou Harry Thuku ne tardèrent pas à voir le fossé
qui était creusé entre les idéaux chrétiens et les
réalités de la colonisation 869(*).
A mesure que l'enseignement se développait, il propageait
l'idée de changement en l'ancrant de plus en plus profondément
dans la nouvelle psychologie africaine. La société
traditionnelle, « pauvre et malade », selon une certaine
opinion paralysée par le tribalisme et la désuétude de ses
valeurs, n'était plus acceptable . A côté de ces
perspectives peu brillantes, se dressait le système européen avec
sa technologie toute-puissante, sa richesse, sa médecine moderne, son
dynamisme et son optimisme. Ceux qui entrevoyaient les avantages de la
modernisation demandaient plus : l'accroissement du développement
économique, davantage d'équipements collectifs, une plus grande
liberté d'expression politique et, par-dessus tout, une instruction plus
généralisée, car s'était le préalable
à l'émancipation politique, sociale et économique.
Ces exigences se manifestèrent progressivement, en
fonction du degré de propagation de l'éducation
occidentale ; mais d'autres facteurs, qui devaient finalement conduire
à l'indépendance nationale, militaient aussi en faveur du
changement. Les missionnaires étaient venus pour soi disant
« libérer les esclaves et sauver les âmes »,
mais ils étaient restés pour promouvoir des réformes
économiques et sociales, appuyées, en leur temps, par les
intérêts commerciaux européens et l'administration
coloniale. Un de ces changements résida dans le passage progressif, mais
prodigieux, d'une économie fondée sur des cultures industrielles
orientées vers le marché international.
A long terme, nous fait remarquer July, « cette
évolution eut des conséquence qui débordèrent
largement le cadre de l'économie » 870(*).
L'accession à l'indépendance était à
la fois une fin et un commencement. Tout en venant heureusement couronner le
combat nationaliste, elle marquait aussi le point de départ vers des
objectifs demeurés jusque-là inaccessibles pour un peuple
colonisé.
Le colonialisme avait introduit le concept
révolutionnaire du développement économique, mais
l'autonomie matérielle échapperait aux africains tant que la
liberté politique n'aurait pas garanti à l'Afrique d'être
le premier bénéficiaire des fruits de son économie. La
domination européenne avait été à l'origine de
nouveaux découpages territoriaux et de propositions sans
précédent sur l'importance et les fonctions du gouvernement, mais
seule la rigueur de la direction autochtone était capable d'assurer
finalement la stabilité politique. C'était également
l'impérialisme occidental qui avait ouvert à l'Afrique un monde
plus vaste, mais il n' y avait que les pays indépendants qui pouvaient
prétendre jouer un rôle effectif dans les affaires
internationales.
En un siècle et demi, l'Occident avait dominé des
secteurs de plus en plus larges de la vie africaine ;
l'indépendance politique n'était donc que le premier pas vers une
plus grande liberté sociale, économique et intellectuelle,
débouchant sur « la création et l'affirmation d'une
identité authentiquement africaine dans la civilisation
mondiale » 871(*).
En pleine inflation démographique, insuffisamment
équipée, longtemps exploitée et agie par des instructions
transposées de l'Europe, l'Afrique noire moderne se doit, tant au nom de
la dignité humaine que pour assurer sa place dans la politique
internationale, de choisir, après un examen sans complaisance, une
notion de Nation aussi réaliste qu'efficace. Il s'agira
premièrement d'élaborer une idéologie qui permettra
d'asseoir les institutions sur un support socio-politique concret et de
reconnaître aux communautés villageoises la prise en main de leurs
propres affaires, leur assurerait, sur les décisions qui les concernent,
une maîtrise qui leur échappe jusqu'à ce jour.
Deuxièmement, l'Etat central devrait être partiellement dissout
dans les institutions régionales, locales élues par les
populations en transférant des responsabilités administratives et
économiques à ces institutions. Au Sénégal, une
décentralisation est en cours depuis quelques années et ce projet
de régionalisation sera sans doute, si cela réussit, un facteur
décisif dans un but salutaire.
Enfin le parti politique centralisé,
hiérarchisé, monolithique devrait faire place à un parti
politique décentralisé au sein duquel doivent être
poursuivies les transformations nécessaires à un débat
politique beaucoup plus responsable, un débat ouvert dans lequel les
populations intéressées - elles-mêmes prendront part et
chaque membre de l'ensemble jouera son rôle pleinement.
Paragraphe 1 : Le besoin d'idées nouvelles
pour l'Afrique : l'idéologie comme support
socio-politique
L'Afrique nouvelle a besoin d'une idéologie qui assure sa
propre cohérence interne pour se libérer effectivement de
l'impérialisme sous toutes ses formes. La philosophie en
général, l'Anthropologie en particulier doit jouer le rôle
d'instrument qui sert à établir une idéologie de la
libéralisation et un type de cohésion sociale, soit qu'elle
fournisse une base théorique à un système socio-politique,
soit qu'elle prenne elle-même la forme d'une philosophie politique ou
d'une éthique. Elle doit jouer le rôle d'une théorie
sociale du devenir africain non seulement sur la formation économique et
sociale, mais aussi sur les problèmes liés à
l'avènement d'une culture nationale vivante et révolutionnaire.
Cette culture, produit de la société et synthèse dynamique
que la conscience sociale élabore et fixe, implique une
révolution idéologique et techno-scientifique. Elle suppose que
soit opérée une révolution dans les rapports de production
existant dans la société africaine actuelle. La culture nationale
est le fondement de l'idéologie dont l'Afrique noire actuelle a besoin
et le pouvoir qui répondra à ses aspirations concrètes.
A. Le rôle de la culture dans l'avènement
d'une idéologie adaptée aux réalités sociales
africaines
C'est Jean Paul Sartres qui disait à juste titre que
« quand la classe montante prend conscience d'elle-même, cette
prise de conscience agit à distance sur les intellectuels et
désagrége les idées dans leurs têtes »
872(*). Ce rôle
est en réalité la responsabilité qui incombe à
l'homme de culture, mieux à l'intellectuel africain. Il s'agit en fait
d'articuler notre effort dans l'action de libération des peuples
colonisés ou ex-colonisés en combattant pour la dignité
des peuples opprimés pour la vérité de leur histoire et
pour leur reconnaissance. C'est aussi pour le monde tout entier que nous devons
combattre pour le libérer de l'oppression, de la tyrannie, de
l'injustice, de la haine et du fanatisme. Nous voulons un monde rajeuni et
rééquilibré, comme le disait Aimé
Césaire : « sans quoi rien n'aurait aucun sens, rien et
pas même notre victoire de demain. Alors et alors seulement nous aurons
vaincu et notre victoire finale marquera l'avènement d'une ère
nouvelle » 873(*). Nous aurons contribué à donner un
sens aux mots Etat et Nation de façon large. Ainsi :
« nous aurons aidé à fonder l'humanisme universel»
874(*).
Il s'agit de rendre au peuple sa souveraineté, de le
conscientiser en lui faisant assimiler une doctrine et un programme
adaptés à ses besoins réels, de le politiser en rendant la
« nation » globale présente à chaque citoyen,
en faisant l'expérience de la nation, l'expérience de chaque
citoyen.
Pour ce faire, un programme est nécessaire à un
gouvernement qui veut vraiment libérer politiquement et socialement son
« peuple ». Il faut un programme économique certes
mais aussi une « doctrine sur la répartition des richesses et
sur les relations sociales » 875(*).
Il s'agit, pour les dirigeants de se mettre au service du peuple,
de se sacrifier pour le peuple, de le mobiliser pour une action efficace et
inaliénable. Ils doivent favoriser l'incorporation de chaque citoyen
dans la société dont ils sont le moteur car : le
gouvernement national, s'il veut être national doit « gouverner
par le peuple et pour le peuple, pour les déshérités et
par les déshérités » 876(*). Aucun leader, quelle que
soit sa valeur, ne peut se substituer à la volonté populaire et
le gouvernement populaire doit, avant de se préoccuper de prestige
international, redonner dignité à chaque citoyen,
c'est-à-dire « meubler les cerveaux, emplir les yeux de choses
humaines, développer un panorama humain parce qu'habité par des
hommes conscients et souverains » 877(*).
Cette culture du développement doit s'appuyer sur ces
citoyens déshérités sur leurs besoins et aussi sur la
science et la technique modernes adaptées. Elle doit naître d'un
enseignement dont les programmes, le contenu et les méthodes traduisent
le milieu et le vécu des masses et s'y insèrent solidement. Cela
veut dire que tout ce qui se fera dans le domaine de l'enseignement à
tous les niveaux, devra être en fonction des impératifs du
développement économique intimement liés aux
intérêts culturels et matériels des classes populaires
africaines.
Comme le dit H. Hegbo Nlend, « Il faut être
résolument moderne dans la fidélité à l'Afrique
d'hier » 878(*). Nous devons reformer notre mentalité
« pré-industrielle et fataliste », susciter la
créativité, progresser et faire l'histoire.
Une telle culture vise à harmoniser les rapports entre la
personnalité de chaque membre de la société et la
personnalité du peuple tout entier d'une part, d'autre part à
responsabiliser le peuple et ses dirigeants pour une cause commune, en
socialisant les consciences et en moralisant les moeurs en vue de bâtir
une « nation » dont l'édification sera sortie des
muscles et du cerveau des citoyens.
Cette nation sera le fruit d'une évolution adaptative
concertée. Enfin elle sera une orientation de l'idéologie que
l'Afrique noire contemporaine réclame avec la dernière
énergie.
B. Le socialisme démocratique comme
idéologie adaptée aux réalités de l'Afrique noire
moderne
Le socialisme sera pour nous comme le préconise Durkheim
879(*), « une
contestation permanente ». Ainsi, l'idéologie servira
l'idéologie en tant que système de pensée servant à
introduire un ordre spécifique dans toute la vie sociale, et pour ce
faire, emploiera de nombreux moyens ; elle se déploiera dans la
pensée politique, sociale et morale... Elle se manifestera par la
« structure de classe, l'histoire, la littérature, l'art, la
religion » 880(*).
Dès lors, nous pouvons dire que toute
société repose sur une idéologie, idéologie dont
elle n'a pas nécessairement et à tout prix conscience. L'Afrique
noire nouvelle doit prendre conscience de son idéologie. Lors du
congrès Panafricain de 1958 à Accra, la question suivante a
été posée : quelle voie suivra l'Afrique ? Du
Bois répondait en disant : « avant tout, il faut
souligner que l'Afrique moderne n'a pas le choix entre le capitalisme
privé et le socialisme » et que « le monde entier y
compris les pays capitalistes marchent vers le socialisme
inéluctablement, implacablement » 881(*).
Les mentalités, les structures socio-économiques et
les cosmogonies constituent déjà les pierres d'attente qui
spécifient la vocation des masses africaines ; plus
précisément, négro-africaines pour le socialisme. En
Europe, le socialisme est le résultat d'une longue évolution. Ce
socialisme est comme un phénomène
« élaboré à partir de constructions
doctrinales » ou une « technique reposant sur des lois, une
réglementation et des institutions écrites ». La
situation africaine est très différente. Ici, le fait
communautaire est « naturel », « accord et
harmonie », insertion, c'est-à-dire, « participation
de l'individu au groupe social » 882(*).
Il ne fait donc pas de doute que c'est le socialisme qui est la
voie à suivre pour l'Afrique noire moderne. Mais de quel socialisme
s'agit-il ? Assurément, pas d'un socialisme transplanté,
transféré d'Europe. Le socialisme marxiste orthodoxe par exemple
est conçu pour les pays industrialisés. Il serait d'une
application malaisée aux sociétés non
développées car en fait on ne peut nationaliser des moyens de
production là où ils n'existent guère. On ne saurait non
plus collectiviser les compagnes là où la propriété
privée proprement dite n'est guère connue. Ce socialisme ne se
servira pas d'instrument mensonger et réactionnaire de
l'impérialisme : les régimes politiques africains
procèdent de la démocratie bourgeoise représentative.
Cette démocratie est formelle et abstraite. Elle est autoritaire,
basée sur l'exploitation économique et nécessairement
nationaliste. Il ne s'agit même pas d'un socialisme spécifique et
régional. Car ceux qui bénéficient de sa
spécificité et de son aspect régional, sont les dirigeants
bourgeois. Les masses populaires non éduquées restent
éloignées du pouvoir et stagnent dans leur misère et leur
ignorance...
« Combien de politiciens bourgeois, dans divers pays,
masquent leur politique bourgeoise derrière une phraséologie
socialiste » ? Se demander Khroutchev 883(*). Ils annoncent
l'avènement du socialisme et en même temps ils jettent les
communistes en prison dit-il... et ils déclarent qu'ils combattent pour
le socialisme... utilisent largement le mot d'ordre :
« édification du socialisme pour duper les
travailleurs » 884(*).
Le socialisme sera original et particulièrement
symbiotique car comme le dit si bien Nkrumah :
« L'idéologie de la révolution africaine... est, enfin
le produit de la personnalité africaine, autant que des principes du
socialisme scientifique » 885(*).
Nous entendons porter cette idéologie au niveau de la
science afin de développer les principes universellement valables de
socialisme scientifique dans le cadre des catégories
élaborées par le milieu social africain. Le premier acte
libérateur de l'Afrique n'est possible que si cette idéologie
socialiste de révolution africaine, anime les masses africaines de la
volonté de changement des structures sociales qui sont la cause de leur
exploitation et partant, détruit le mythe importé et
accepté d'une société globale : sans parler de
« monstre à une seule tête qui, dans l'inconscient
collectif, a succédé à la province comme puissance
tutélaire et totalité omnisciente » 886(*) ; nous pouvons dire que
l'Afrique profonde est demeurée dans une large mesure, un pays de
« micro-sociétés » et de
« micro-nations », où il y avait des structures
familiales, des communautés villageoises, des solidarités
ethniques, des associations naturelles ou
spontanées d'épargnes collectives... qui
constituent d'après Thierry Michalon «les seules institutions
authentiquement vécues ou acceptées» 887(*).
C'est à ce prix que ce corps social, en respectant les
structures réelles de la société africaine traditionnelle
pourra les intégrer positivement dans un processus de l'universel. Ce
socialisme exige le dialogue jusqu'à l'extinction de la voix et le
respect de la personnalité nationale.
Il est le sens de la démocratie, comme l'indique
l'étymologie grecque : un système politique qui
considère le peuple comme la source et le but final du pouvoir.
Il s'agira d'un socialisme vivant et créateur, l'oeuvre
des masses populaires elles-mêmes. Il sera essentiellement
autogéré sur le plan politique et préconisera la
conscientisation de type nouveau et la participation effective de la base aux
affaires de l'Etat. Sur le plan économique, il prône la
constitution d'organismes qui ne soient ni privés, ni étatiques
mais gérés par les usagers eux-mêmes groupés en
communautés de base ; les communautés naturelles recevraient
la maîtrise de leur propre développement, et les initiatives
prises localement se traduiraient par une meilleure mise en valeur des
potentialités locales.
En claire ce socialisme voudrait créer pour chaque homme
son espace de liberté pour assumer son existence et celle des autres,
attribuer à chaque négro-africain, le rôle de participation
(méritocratique). Il est pour réaliser un développement
où l'on s'accomplit sans se nier, pour devenir un moment de
l'universel : savoir adopter et adapter. Il définit l'orientation
de l'Etat pour l'Afrique noire telle qu'elle devrait être...
Socialisme et unité africaine sont organiquement
complémentaire. En effet au coeur du concept de l'unité africaine
se trouve le socialisme et la définition socialiste de la nouvelle
société africaine.
Le socialisme implique 888(*) :
1. La propriété commune des moyens
de production, de distribution et d'échange. La production pour le
besoin et non pour le profit.
2.La planification par l'Etat, des moyens de
production basée sur l'industrie et l'agriculture modernes.
3. Le pouvoir politique aux mains du peuple
grâce à la transformation, par la masse totale des travailleurs,
de l'appareil gouvernemental nécessaire en un appareil exprimant leurs
besoins et leurs aspirations. Il s'agit d'un concept qui va de pair avec
l'esprit humaniste et égalitaire qui caractérise la
société africaine traditionnelle. Encore qu'il doive être
appliqué dans un contexte moderne.
4. L'application des méthodes
scientifiques à toutes les sphères de pensée et de
production.
Le socialisme doit fournir une nouvelle synthèse dans
laquelle la société technique avancée est atteinte sans
les maux épouvantables et les profonds clivages de la
société industrielle capitaliste.
Le socialisme est devenu une nécessité dans le
discours des dirigeants politiques africains bien qu'aucun d'entre eux ne
pratique une politique socialiste. Nous devons alors rester sur nos gardes
contre les mesures qualifiées de socialistes mais qui en fait ne
favorisent pas le développement économique et social.
Il y a différentes voies au socialisme et des ajustements
doivent être faits pour convenir à différentes
circonstances. Mais elles ne doivent pas être décidées ou
être soumises à la fantaisie des goûts.
Peut être que sous le socialisme, nous pourrons accumuler
le capital dont nous avons besoin pour notre développement, nous assurer
que les profits des investissements sont affectés au bien-être
général et atteindre notre « objectif de continent
libre et uni » 889(*).
C. Le Panafricanisme et le concept de l'Unité
africaine
Les limites du nationalisme ont été depuis
longtemps reconnues par les plus évolués des dirigeants des
mouvements de libération ; mais partout où les conditions de
passage à un niveau idéologique supérieur et à une
forme plus globale de lutte n'existaient pas, le nécessaire ne pouvait
être fait et le nationalisme ne pouvait être transcendé.
Entre la seconde guerre mondiale et l'indépendance, le
mouvement panafricain s'attaqua essentiellement aux restrictions politiques et
aux brimades raciales du gouvernement colonial.
Le Ve congrès panafricain de 1945 avait pour thème
l'anticolonialisme et les droits de l'homme noir en général, ces
thèmes convergeant autour de la revendication de l'indépendance
nationale en Afrique. En même temps, les colonisés francophones
d'Afrique et des Antilles élaborèrent le concept de
« négritude » et créèrent la revue
présence africaine, qui célébrait les réalisations
culturelles africaines, manifestation qui atteignit son point culminant avec
les deux conférences des écrivains et artistes noirs tenues en
1956 et 1959. Dès 1957, cependant, après l'accession du Ghana
à l'indépendance et alors que l'émancipation des autres
territoires était en vue, le panafricanisme évolua rapidement
vers la recherche de l'unité internationale, afin d'atteindre les
objectifs défendus avec éloquence par Kwame Nkrumah.
1°) Les visées panafricaines et
l'idée de Nation
Si l'on a cherché à instaurer des gouvernements
forts pour assurer l'assise nécessaire au développement
économique, l'unité panafricaine n'a cessé, depuis
l'indépendance, d'être un instrument utilisé par l'Afrique
pour surmonter les faiblesses nationales dans un monde dangereux. La plupart
des hommes d'Etat africains ont constamment plaidé en faveur de
l'unité panafricaine, mais c'est Kwamé Nkrumah qui a
été le porte-parole le plus éloquent de ce mouvement. Pour
Nkrumah, les nouveaux Etats africains, en raison de leur faiblesse
individuelle, n'étaient guère en mesure d'influencer les grandes
puissances, ni pour les amener à renoncer à une course aux
armements dangereux et absurdes, ni pour les inciter à consacrer leurs
crédits militaires à la solution des problèmes
économiques du monde en développement. Par contre l'Afrique unie
pourrait réaliser beaucoup. Elle pourrait être une voix puissante
au sein des Nations Unies, une troisième force de l'Est et de l'Ouest,
et une communauté économique qui élèverait
l'Afrique du rang d'Humble fournisseur de matières premières
à celui de zone industrialisée, moderne, riche et
prospère. De ce fait, Nkrumah critiquait l'association économique
et politique avec les anciens maîtres coloniaux, soulignant par exemple,
qu'un marché commun africain était préférable
à la qualité de membre associé de la CEE qui avait les
faveurs des anciennes colonies françaises.
L'année 1958, fut marquée par plusieurs initiatives
importantes, qui, pour la plupart, avaient un lien direct avec Nkrumah et le
Ghana. En avril, la conférence des Etats africains indépendants,
tenue à Accra, reconnut le gouvernement révolutionnaire, Front de
libération nationale (FLN), comme le représentant légitime
de l'Algérie et souligna le caractère réel de
l'unité africaine en constituant un groupe spécial aux Nations
Unies, composé des ambassadeurs africains. Le mois de septembre vit la
création d'un autre groupement, le Pan-African Freedom Movement of East
and Central Africa-PAFMECA (Mouvement panafricain de libération de
l'Afrique Orientale et Centrale), qui avait pour but de soutenir les mouvements
d'indépendance dans cette zone ; puis, après que la
Guinée eut choisi l'émancipation de la tutelle française,
l'Union Ghana-Guinée de novembre 1958 démontra de manière
spectaculaire la capacité et la volonté des africains de s'unir
pour se prêter assistance.
Le point culminant de l'année se situe cependant en
décembre avec la conférence des Etats indépendants
africains à Accra, à laquelle participaient des
délégués représentant les formations politiques et
les syndicats de 28 pays ayant encore, pour la plupart, le statut de colonie.
Cette rencontre fournit à Patrice Lumumba l'élan qui contribua
à accélérer l'évolution rapide du Congo vers
l'indépendance, tandis que la prestation remarquable de Tom Mboya,
président de la conférence, attira l'attention sur le combat
nationaliste au Kenya, alors dans « une phase cruciale »
890(*).
Après ce premier accès d'enthousiasme, le mouvement
panafricain changea à nouveau de caractère. L'accroissement du
nombre des Etats indépendants provoquait à la fois l'apparition
de problèmes locaux prioritaires et l'extension du groupe des leaders
africains, qui, par leurs ambitions personnelles, leur tempérament ou
leur formation, rendaient la coopération internationale « de
plus en plus difficile » 891(*).
Il y a eu alors plus de vingt cinq Etats africains
indépendants qui s'interrogeaient sur l'opportunité de la
révolution ; d'où la conférence panafricaine
réunie à Monrovia en 1961 et 1962, fut consacrée à
la fois à la non-ingérence dans les affaires intérieures
et à une relance de l'unité continentale. C'est ainsi qu'en mai
1963, trente Etats se rencontrèrent à Addis-Abéba et
signèrent la Charte instituant l'OUA. Il s'agit du concept de
l'unité africaine qu'il faut approfondir par rapport au concept de la
Nation africaine, ce que nous tenterons de faire.
Les vraies dimensions de cette lutte ont été
définies au Ve Congrès Panafricain tenu à Manchester,
Angleterre, en 1945, lorsque les résolutions adoptées
spécifièrent que l'objectif ultime de ce mouvement de
libération nationale était de tracer la voie de la reconstruction
nationale et de promouvoir la démocratie et la prospérité
pour les masses populaires, à travers un combat panafricain contre le
colonialisme et toutes les nouvelles manifestations de l'impérialisme.
Aucune référence n'avait été faite au
néo-colonialisme en tant que tel, parce que celui-ci ne s'est
considérablement développé en Afrique qu'après
1957. Mais le panafricanisme qui s'est exprimé au Congrès de
Manchester et à la Conférence Panafricaine des Peuples (1958)
s'inspirait de la très ancienne aspiration à l'unité de
tous les peuples d'origine africaine exploités en tant que travailleurs
et en tant que race.
2°) Le concept de l'unité africaine face
à l'idée de nation
L'unité africaine, concrètement implique :
1. Que l'impérialisme et l'oppression
étrangère soient éradiqués sous toutes leurs
formes.
2. Que le néo-colonialisme soit démasqué et
éliminé.
3. Que la nouvelle nation africaine se développe un cadre
continental. Ce qui suppose cette renaissance 892(*).
Cependant le contenu spécifique du nouvel ordre social au
sein des nations africaines en développement reste à
définir 893(*).
Certains penseurs africains 894(*) pensent qu'une nation africaine ne peut se former
qu'autour d'une langue commune ... Il semblerait qu'ils aient opté pour
la conception objective de la nation en posant le critère de la langue
comme le facteur essentiel de l'intégration des peuples d'Afrique dans
une "nation" commune.
Seulement, cette intégration ne doit pas uniquement se
faire par la langue, la race, l'histoire ... Mais avec les langues, les races,
les diversité acceptées comme "facteurs intégrants" et
pour une unité qui parce qu'elle se voudra réaliste, sera d'abord
psychique, c'est-à-dire qu'elle se fera au niveau de la conscience, au
niveau moral 895(*).
Sinon on risquerait de glisser vers les nationalismes en Afrique. Mais
qu'est-ce que justement le Nationalisme en Afrique ? C'est ce que nous
allons tenter ici d'élucider.
D. Le nationalisme et le concept de la Nation africaine
En Afrique, le nationalisme a été le cadre
idéologique de la lutte anti-colonialiste et traduisait le besoin
d'indépendance nationale des peuples colonisés.
C'est un concept plus facilement accepté par les
populations des territoires où le bas niveau de développement des
forces productives (et pourtant, l'implantation capitaliste), et de l'absence
d'éléments autochtones dans les sphères du pouvoir
politique ont été des facteurs favorisant la formation d'un front
uni de militants, une des conditions primordiales de la victoire d'un mouvement
de libération.
1°) Le nationalisme et la question
démocratique en Afrique moderne :
Il convient d'abord de rappeler qu'en Europe, en même
temps que l'Etat Libéral, se développe le Nationalisme
896(*). Ce n'est pas
seulement une coïncidence, les deux phénomènes sont
liés. Nous avons vu leur origine commune dans la Révolution de
1789. Or, le Nationalisme est rigoureusement contradictoire au
libéralisme politique. Le Nationalisme populaire, beaucoup plus
important que la doctrine nationaliste, est un sentiment de masse qui ne
tolère pas la liberté pour ce qui n'est pas national.
C'est un sentiment d'exclusivité et de discrimination. La
Nation devient une valeur qui permet de jurer de ce qui est bien et mal. La
Nation exige la fidélité suprême de l'homme, de tous les
hommes qui sont absorbés en elle. Ce qu'exprime le Nationalisme
croissant de 1800 à 1870, c'est une conscience de groupe qui ne
tolère aucun pluralisme, ni à l'extérieur, ni à
l'intérieur. Vers l'extérieur, c'est le rejet de tout ce qui est
étranger, le durcissement des frontières, la rigueur juridique
des statuts de national et d'étranger, un prosélytisme qui
prétend imposer les trouvailles politiques françaises à
l'étranger (le nationalisme porte sur la République par rapport
à l'Etranger ). A l'égard de l'intérieur, c'est la
volonté d'unification de la Nation qui s'exprime. La Nation ne peut
être fédérale ou pluraliste. Elle doit être
unitaire.
Ce Nationalisme dominera même la politique
étrangère conçue en fonction des "nationalités"
(par exemple la politique de Napoléon III ). Et ceci conduira en
réalité l'Etat libéral à une politique
impérialiste (car le nationalisme est impérialiste), dont nous
connaissons les fondements économiques.
A l'intérieur il faut une seule structure nationale, une
langue nationale exclusive, une éducation nationale qui accroît ce
sentiment d'unité.
L'instruction publique fut considérée comme un
instrument de propagande. "Elle doit constituer la Nation" 897(*). Elle est le ressort moral
du gouvernement. C'est "une machine puissante dans le système
politique", « un gouvernement des esprits par l'esprit »
898(*).
Il y a donc formation volontaire d'un sentiment national avec un
corps d'enseignement «formé à l'Etat soumis par l'Etat et
payé par l'Etat»899(*).
Auparavant le sentiment de nationalité existait (jusqu'au
XVIIIè siècle ) mais il est conscient, inarticulé. Le
XIXè siècle en fait un sentiment cultivé volontairement,
avec un contenu systématique. En effet c'est seulement vers 1848 que le
Nationalisme sera érigé en doctrine.
L'aspect sentimental de la manifestation de l'idée de
nation est le patriotisme, et l'Etat libéral est celui, où,
historiquement, le patriotisme a atteint son exaltation et l'on tend à
confondre Nation et Partie jusqu'alors dissociées.
Le Nationalisme qui demande le sacrifice total à
l'individu constitue en compensation la Nation en absolu.
Mais cette Nation ne peut être forte, puissante,
admirée, etc.... que si l'Etat qui l'a dirige est lui-même
puissant. « le Nationalisme est une doctrine qui érige
l'égoïsme étatique en vertu et subordonne tout à
l'accroissement de la puissance de l'Etat » 900(*).
Cet égoïsme commande aussi bien la politique
commerciale que les alliances ou les programmes scolaires, et son agent
d'exécution est l'Etat. Où en effet s'incarne la Nation ?
où devient-elle visible ? Dans l'Etat ou dans le peuple ? il
est vrai qu'entre 1815 et 1818, au moment de l'occupation de la France par les
troupes alliées, les intellectuels de l'époque comme le dit P.L.
Courrier 901(*)
s'étaient indignés pour réclamer l'incarnation de la
nation par le peuple et non par les représentants de l'Etat qui avaient
"trahi la patrie". C'est uniquement dans l'Etat qu'aujourd'hui se manifeste la
Nation car l'on ne connaît clairement la puissance, la richesse et la
vérité de la Nation que par la puissance, la richesse et la
justification de l'Etat. Il y a une assimilation idéologique des deux,
qui existe déjà en 1848 et qui prépare le complexe
ultérieur de l'"Etat -Nation". Mais ceci est la négation
même de l'Etat libéral.
"Un Etat libéral ne peut être l'incarnation de la
Nation" 902(*) , il ne
peut pas mener une politique de puissance, "il ne doit pas faire de la Nation
un bloc unitaire" 903(*).
Il y a donc contradiction radicale entre ces deux mouvements
pourtant conjugués 904(*).
Les peuples colonisés ne se différencient pas
profondément du point de vue social et sont exploités
pratiquement sans discrimination par la puissance coloniale. De ce fait le
slogan : "la Nation doit être libérée du
colonialisme" est un cri de ralliement dont l'influence est accrue par le
fait que l'agent du colonialisme exploitant le territoire de l'intérieur
est connu de tous. C'est donc le peuple tout entier qui se révolte et
lutte en tant que "classe-nation" contre l'oppression coloniale et obtient
l'indépendance.
La phase nationaliste est une étape nécessaire dans
la lutte de libération, mais ne doit jamais être
considérée comme une solution finale aux problèmes
posés par l'exploitation économique et politique des peuples. Car
le "nationalisme" est très limité opérationnel qu'à
l'intérieur d'un cadre géopolitique crée par les
puissances coloniales selon le découpage effectué en 1884
à la conférence de Berlin où la carte politique de
l'Afrique actuelle fut tracée.
Les divers peuples d'Afrique ne sont pas et n'ont historiquement
jamais été confinés à l'intérieur de
frontières rigides scellant des territoires appelés "Nigeria",
"Togo", "Sénégal" et autres. Certaines populations l'acceptent
mal.
Les mouvements naturels des peuples africains et de leurs
sociétés se sont, depuis des temps immémoriaux,
déroulés de façon extensive le long d'axes tels que du Nil
au Congo, du Sénégal au Niger et du Congo au Zambèze.
Cette opinion a été beaucoup développée ici au
cours de notre étude de l'histoire des peuples du
Sénégal... Il s'agit de la perméabilité des
frontières.
Les "nations" africaines d'aujourd'hui, créées
artificiellement ne répondent pas aux habitudes d'échange ou au
genre de vie africain. Nous l'avons longuement démontré au cours
de notre analyse. Cependant, elles continuent à se battre
séparément chacune dans une tentative
désespérée de faire du progrès, alors que le vrai
obstacle à leur développement, l'impérialisme,
principalement à son stade néocolonialiste, est en train
d'opérer à l'échelle panafricaine. Déjà, de
vastes zones de l'Afrique sont économiquement intégrées
dans l'intérêt exclusif du capital financier international. Une
étude sur l'organisation et le fonctionnement de la plupart des grandes
firmes commerciales, de trusts miniers ou de cartels industriels opérant
en Afrique démontrent qu'ils fonctionnent tous, directement ou
indirectement, à une échelle continentale. Beaucoup d'entre eux
font partie d'une infrastructure générale étendue sur
plusieurs continents (...). Il s'agit des multinationales.
Il est temps que les Africains aussi planifient leur
développement économique et politique sur une échelle
continentale.
Le concept de "l'Unité Africaine" englobe semble-t-il les
besoins fondamentaux et caractéristiques de la civilisation et de
l'idéologie africaines et en même temps satisfait toutes les
conditions nécessaires pour une avance économique et
technologique accélérée 905(*).
Un tel développement maximal assurerait sans doute une
utilisation rationnelle des ressources matérielles et des
potentialités humaines de ce continent dans le cadre d'une
économie intégrée et à l'intérieur de
secteurs complémentaires de production éliminant toute forme
inutile de compétition, d'aliénation économiques et de
double emploi.
L'idée n'est pas de détruire ou de
démanteler les complexes miniers et compagnies industrielles
étrangères à travers l'Afrique, mais de les reprendre et
de les exploiter dans le seul intérêt des peuples africains.
En fin de compte, les limites du "nationalisme" peuvent
être observées dans l'extérieur des pays qui ont
réussi à se défaire d'un impérialisme seulement
pour être opprimés par un autre. Changer seulement de
"Maître" n'est pas une solution à la pauvreté coloniale ou
à l'étouffement néocolonialiste, même si
l'exploitation est conséquemment pratiquée d'une manière
plus subtile.
Le Concept de "l'unité africaine"offre donc une
indispensable dimension continentale au concept de la nation africaine. Et
aussi une alternative à la démocratie africaine 906(*).
2°) Comment distinguer les nationalismes dans
l'Afrique noire moderne ?
Il convient par-là de comprendre dans quelles mesures
l'idéologie marxiste peut nous fournir un fil conducteur dans le cadre
des passions nationalistes contradictoires en Afrique.
Tout d'abord, le marxisme opère une distinction capitale
entre le nationalisme des oppresseurs et celui des opprimés. Cette
distinction reste pertinente et constitue une boussole précieuse pour
s'orienter dans la tempête actuelle. Mais son utilisation est souvent
compliquée par un aspect bien connu du nationalisme moderne :
Chaque nation opprimée, à peine libérée (ou
même avant) n' a rien de plus pressé et urgent que d'exercer une
oppression analogue sur ses propres minorités nationales.
Fréquemment, lors des conflits inter-ethniques modernes, chaque
côté persécute sa minorité appartenant à la
nation rivale, tout en manipulant ses compatriotes de l'autre côté
de la frontière. Le Sénégal, nous l'avons vu, offre un
exemple de cette douloureuse expérience. Ainsi, en est-il d'autres pays
de l'Afrique moderne ?
Comme l'observe lucidement Etienne Balibar dans un livre
récent907(*). On
se gardera de confondre nationalisme de conquête et de libération,
nationalisme des dominants et des dominés. Mais aussi d'ignorer les
effets de mimétisme et de renversement que rend possible toute situation
d'affrontement entre des nationalismes adverses, ainsi que, là encore,
les effets pratiques meurtriers que comporte la dénonciation exclusive
du nationalisme des autres, sur le mode de la dénégation et de la
projection 908(*)
Il est donc nécessaire de fixer un critère pour
démêler l'écheveau des revendications contradictoires et
mutuellement exclusives. Ce critère ne peut être que celui commun
aux socialistes et aux démocrates du droit à
l'autodétermination (jusqu'à la séparation) de toute
nation, c'est-à-dire toute communauté qui se considère
telle. Indifférent aux mythes du sang et du sol, ne reconnaissant aucune
légitimité purement religieuse ou historique sur un territoire
donné, ce critère a l'immense avantage de ne se
référer qu'aux principes universels de la démocratie et de
la souveraineté populaire et de prendre uniquement en
considération les réalités démographiques
concrètes d'un espace habité quelconque.
Ce principe n'empêche pas les socialistes de
défendre l'option qui leur semble la plus désirable ou la plus
progressiste à un moment historique donné : la
séparation étatique (indépendance ), la
fédération, la confédération. L'essentiel c'est que
ce soient les nations et communautés intéressées qui
décident, librement de leur avenir. L'Afrique moderne est
confrontée à cette difficulté. Pour s'en défaire,
il lui faut une voie nouvelle.
La suite logique d'une tentative de création d'un
continent bien proprement divisé en Etats territoriaux cohérents,
chacun d'eux étant habité par une population distincte plus ou
moins homogène sur le plan ethnique et linguistique, était
l'expulsion ou l'extermination massive des minorités. Les Etats sont
jaloux de leur souveraineté : « tel était, et
reste, la reductio ad absurdum meurtrière du nationalisme dans sa
version territoriale, bien que cela n'ait pas été totalement
démontré avant le années 1940 » 909(*). Les conflits en Afrique
moderne en sont une tragique illustration. A titre d'exemple, il y a le cas de
la Somalie, de l'Ethiopie, des pays expulsant des populations entières,
au Gabon, au Nigeria, ... enfin le Sénégal et ses voisins comme
la Mauritanie et tout récemment la Gambie ... Ces pays expulsent de leur
territoire jusqu'à présent des milliers de personnes en fonction
des événements. C'est ce que le président du Bénin
actuel Monsieur Nicéphore Soglo appelle "le nationalisme de clocher"
910(*) ou le
nationalisme étroit, incapable de réaliser à quelque
échelon que ce soit, le concept de l'unité africaine et à
moins forte raison le concept de la nation africaine. Ce qui pose la question
des aspirations nationales en Afrique.
3°) La question des "aspirations nationales" en
Afrique moderne :
La remontée de ce qu'il est convenu d'appeler les
nationalismes ne sauraient effacer les différences essentielles entre
les questions nationales qui relèvent d'une révolte
légitime contre la domination et le pillage impérialiste, celles
qui traduisent le rejet du joug bureaucratique, et celles qui participent
à la crise des Etats-Nations dominants. En politique, ces
différences sont essentielles. Même si, dans un monde aux
relations de domination de plus en plus imbriquées, l'opprimé
d'hier peut vite devenir l'oppresseur de demain, partout où s'exerce une
oppression nationale, le droit à l'autodétermination,
c'est-à-dire le droit à la séparation et à la
formation d'un Etat indépendant, doit être inconditionnellement
soutenu. La reconnaissance active d'un tel droit en Afrique moderne peut seule
dissiper méfiances et ressentiments accumulés.
Lénine soulignait seulement "l'asymétrie de ce
combat" 911(*). Dans la
nation qui opprime, l'accent est mis sur le soutien des opprimés et la
défense active de leur souveraineté, sans en négocier
l'usage éventuel. Inversement, dans la nation opprimée, la
défense révolutionnaire des revendications nationales n'implique
pas de céder aux sirènes de l'union sacrée, mais
d'insister au contraire sur la solidarité de classe avec les
exploités de la nation dominante et sur les perspectives d'union
volontaire. C'est pour "le B - A - BA de l'internationalisme"912(*).
Du point de vue des classes sociales, il faut reconnaître
qu'une nation n'est pas un tout homogène. Elle est formée
d'exploiteurs et d'exploités. L'autre n'est jamais un ennemi absolu. Il
est toujours aussi un autre soi-même. Autrement dit, le point de vue de
la classe sociale exclut l'escalade aux extrêmes des conflits nationaux
et religieux. Il appelle une démarche de fraternisation et
d'universalisation contraire aux "guerres totales dont Guibert avait,
dès la fin du XVIIIe siècle, prévu l'infernale logique"
913(*).
Justement effrayé par cette perspective, Renan 914(*) ne trouvait à lui
opposer que le "doux symbole"de la légitimité dynastique, la
subtilité tempérée des "petites guerres" en dentelles, et
l'espérance abstraite d'une fédération pacifique des
nations. Il avait pourtant entrevu la portée "pacificatrice" de la
"question sociale" : "le mouvement de l'histoire contemporaine est une
sorte de balancement entre les questions patriotiques d'une part, les questions
démocratiques et sociales de l'autre. Ces derniers problèmes ont
un côté de légitimité et seront peut-être en
un sens la grande pacification de l'avenir" 915(*). Il s'agit de rendre la paix aux hommes, à
tout homme car comme le dit si bien Lévi Strauss 916(*) :
« l'humanité peut être une ». Pour ce faire,
il suffit qu'elle se fixe un "objectif commun" pour un "intérêt
commun" et pour « une patrie commune » 917(*). Cela dit, quelle conception
de la patrie faut-il pour l'Afrique moderne ?
4°) Quelle conception de la "Patrie" pour l'Afrique
moderne ?
Patrie vient de "Pagus", c'est-à-dire le pays natal
918(*). Ici le choix
n'est pas entre "cosmopolitisme" et "nationalisme" mais entre des formes
d'attachement à une patrie, c'est-à-dire à une histoire,
à un paysage, à un projet pour ce cadre géographique et
humain. Si l'échelon national est détruit ou abandonné
sous le poids conjoint des mécanismes du marché et que l'africain
moderne pense s'y adapter en ne tentant même pas de les imiter... , on
voit mal se construire l'"après national", de l'Africain moderne.
Certes, par-dessus les poteaux frontières abattus,
circulent librement les capitaux, les marchandises et plus ou moins les
hommes ; mais dans l'espace des anciens territoires nationaux, par le
phénomène qu'ont bien du mal à expliquer nos
idéologues réductionnistes, on voit se reconstituer des petites
"nations", non plus celles-là fondées sur des principes citoyens
919(*) mais sur la race,
le sang, l'Ethnie donc. D'où l'on purifie, l'on exclut, l'on meurtrit,
l'on expulse ou tue...
La crise de l'Etat national, sa remise en cause les nations
dépassées, l'impuissance à résoudre les
problèmes qui s'y posent, le manque de solution à la crise d'un
pays africain dans le cadre national... tout ceci provoque cette poussée
de xénophobie et cet émiettement en "petites nations". Les
apprentis sorciers de l'"après-national" peuvent être satisfaits.
Eux qui s'en vont disserter sur le choix qui serait à faire entre
"l'Europe et les tribus" 920(*),se retrouvent sans Europe mais avec des tribus. Il
est indéniable que les nations soient en crise. Les Nations
d'aujourd'hui seront peut-être les micro-nations de demain.
Le choix à faire est entre une nation fermée,
recroquevillée sur son territoire, sur "sa" race, sa langue, une nation
rabougrie, crispée, et qui parce qu'elle se veut "peuple" selon le sang,
chasse l'étranger, le méprise ou le soumet à une situation
inférieure ; ou bien alors une nation ouverte, intégrant
dans un peuple de citoyens souverains, ceux qui acceptent les principes
républicains qui la définissent. C'est cela l'exemple
français. C'est « la liaison entre d'une part une histoire
millénaire et d'autre part l'aventure bi-séculaire de la
République ouverte sur l'universel » 921(*). Ainsi se pose le
problème de l'acception et du contenu qu'il convient de donner à
L'Etat-Nation en Afrique en général, au Sénégal en
particulier.
Paragraphe 2 : L'Etat central partiellement dissout
dans des institutions régionales élues par les populations
où la nécessité d'une dialectique de l'Etat-nation et de
l'Etat-fédérateur :
Cet Etat ne sera pas plaqué sur un peuple comme un masque
et un carcan. Car il sera considéré comme une tyrannie et cette
non-correspondance Etat-Nation entraîne le plus souvent les
révolutions et les bouleversements politiques. Il ne sera pas de forme
autocratique, de peur que le groupe d'hommes détenant le pouvoir, seuls
à délibérer, décider, agir, sans aucune
intervention obligatoire d'autres instances, ne convertisse leurs
intérêts égoïstes et particuliers en
intérêt général ; moins encore de forme
démocratique directe du peuple c'est-à-dire de la
communauté elle-même. Ce gouvernement direct ne serait possible
que dans les sociétés réduites. C'est pourtant
l'état idéal. Même pas de forme oligarchique mal
dissimulée par un constitutionnalisme de pure façade. Il s'agira
d'un Etat décentralisé accepté par l'ensemble du corps
social et qui respecte les structures réelles de la
société. Cet Etat est l'organisation politique de la nation avec
comme buts l'aménagement de l'existence collective et le
développement des services publics. Sa légitimité est dans
la volonté librement exprimée de ses citoyens, de se donner une
structure politique et inversement dans la garantie donnée par l'Etat de
réaliser au mieux le bien commun sans sacrifier les droits et les
libertés de ses membres. Il sera l'expression institutionnalisée
de la nation en tant que celle-ci est la conscience collective.
Cet Etat se doit de transférer une large part de sa
substance aux solidarités locales ou régionales pour pouvoir
asseoir ses institutions sur un support socio-politique concret de l'Afrique
noire ; car l'Etat centralisé et unificateur comme sa capitale, est
coupé des réalités de l'Afrique noire. Frantz Fanon
définit en quelques mots cette attitude de refus des structures
centralisées : « dans un pays
sous-développé, les membres dirigeants du parti doivent fuir la
capitale comme la peste. Ils doivent résider à l'exception de
quelques-uns, dans les régions rurales » 922(*). C'est-à-dire qu'on
doit éviter de tout centraliser dans les grandes villes.
Amilcar Cabral est plus clair et plus décisif. Il pense
que toutes les décisions concernant les structures de cette
administration nouvelle doivent être prises en fonction des besoins et de
la situation de la masse paysanne qui forme la plus grande partie des peuples
africains. Ainsi il ne devra plus y avoir de chaînes de commandement
issues de la période coloniale c'est-à-dire les gouverneurs de
province et autres (....). Il faut surtout décentraliser autant que
possible. (...). Pourquoi les ministères se seraient-ils
dispersés, se demande-t-il ? Pourquoi nous encombrerions-nous du
palais résidentiel, d'une concentration des ministères ? Ce
sont là pense-t-il les « manifestations évidentes d'une
élite montante qui deviendrait bientôt un groupe
privilégié » 923(*).
La récente expérience comorienne
caractérisée par des choix extrêmement radicaux dans le
sens du démembrement des structures administratives
héritées de la colonisation, est un exemple illustrant d'une
approche de décentralisation au maximum 924(*).
Cette expérience représente et cela est essentiel,
un mouvement dialectique pour « vidanger »
résolument les institutions centrales de l'Etat et transférer une
large part de leurs fonctions à des institutions nouvelles
implantées en milieu rural, issues de ce milieu et chargées d'un
rôle fondamental d'animation et de promotion. Ce transfert devra
déboucher sur une prise en main par les communautés naturelles de
leurs propres affaires. Il pourra se traduire concrètement sur trois
plans.
1.Au plan économique, les communautés naturelles
recevraient la maîtrise de leur propre développement, et des
initiatives prises localement se traduisaient par une meilleure mise en valeur
des potentialités locales ou régionales.
2.Au plan administratif. Les groupements
spontanés devraient fournir à la fonction publique un fondement
tangible autre que son allégeance toute fictive à
l'Etat-Nation.
3.Au plan politique. Il s'agira de concevoir des
structures de conscientisation et de participation d'un nouveau visage prenant
la place des partis uniques sclérosés et démobilisateurs
combien policiers.
Ces institutions nouvelles, régionalisées ou
fédérales devraient conférer aux populations rurales
prises dans leurs structures spontanées, les moyens de mettre en oeuvre
par elles-mêmes les réelles potentialités d'un
développement décentralisé et agricole. Elles exigent en
outre, un transfert des responsabilités administratives.
L'administration africaine se présente comme fondement
hétérogène de la nation : le service public ne
s'exerce qu'à travers le filtre des affinités individuelles
parfois, collectives perçues comme homogènes, comme
indifférenciées. C'est pourquoi, l'Etat de l'Afrique noire
moderne a le devoir impératif de remettre aux communautés
naturelles l'essentiel des responsabilités administratives. Il s'agit
de : substituer à la fonction publique une et centralisée,
paralysée par « la mosaïque d'affinités qui le
compartimentent à l'infini » 925(*), une série de
fonctions publiques locales ou régionales, permettrait de fonder
l'administration publique sur « un authentique sentiment
communautaire » 926(*). Insérés dans la collectivité
même dont ils sont issus, investis devant les leurs des tâches de
service public, responsables devant une communauté concrète et
non plus devant l'abstraction de l'Etat-Nation, « ces agents publics
manifesteraient enfin cette conscience professionnelle qui leur manque de toute
évidence aujourd'hui » 927(*).
Cet Etat fera émerger de la base les fins de la
société et le sens de la vie. Il est de forme constitutionnelle.
Son gouvernement se considère et est considéré par les
citoyens comme tenu à l'observation des règles qui limitent sa
liberté d'action par l'intervention obligatoire d'autres institutions et
d'abord par un parlement ayant un rôle législatif et comportant
une opposition jouissant d'un statut politique reconnu. Cet Etat devrait
être structuré et organisé.
A. Structures et organisation de cet Etat
1°) Structure de l'Etat : Souveraineté
et Egalité
L'Etat est un pouvoir, il exige, il commande, il
décrète et il en a le droit. Ce droit est appelé
souveraineté. Cette souveraineté est loin de satisfaire
intégralement la théorie du contrat social, l'individualisme
classique de Esmein. Elle se rapprochera en y ajoutant une note nouvelle au
réalisme intégral de Duguit.
a) La théorie du contrat social
Pour Thomas Hobbes, le souverain, qu'il soit un chef, une
oligarchie ou une assemblée, a tous les droits par
délégations et abandons des droits naturels des hommes qui s'en
remettent à lui. Jean-Jacques Rousseau reprit la théorie du
contrat 928(*) pour
montrer que la souveraineté appartient à la nation. Par ce
contrat, chaque membre accepte de renoncer à faire tout ce qui lui
plaît ou d'user à son gré de ses forces physiques. De cet
abandon total et de ce renoncement loyal, le groupe prend acte.
L'autorité du corps collectif est constituée virtuellement
dès cet instant. Par cet engagement, qui est une aliénation de
l'individu comme tel, et qui est l'émergence de cet être nouveau,
le citoyen, le sujet accepte de ne vouloir désormais que
l'intérêt de la nation, c'est-à-dire,
l'intérêt commun. Or la volonté commune ne peut se
manifester que par le vote de tous les membres. Pour savoir ce que veut le
groupe, il faut qu'il le dise ; le citoyen reçoit en échange
de son aliénation des intérêts individuels, le droit de
vote sur l'intérêt collectif et, pour voter, son devoir de citoyen
consiste à se placer non plus au point de vue de son
intérêt particulier mais au point de vue de l'intérêt
collectif. Selon Rousseau, l'homme va ainsi vers la maturité politique
du citoyen. De ce point de vue de Jean-Jacques Rousseau, il apparaît deux
objections.
La première est une objection pratique : ce
système n'est applicable qu'à de petites communautés. La
seconde est d'ordre de la logique : ce système n'est pas logique,
parce qu'en principe, chacun a voté en son âme et conscience, en
se plaçant, autant qu'il le peut, au point de vue de
l'intérêt commun. Il accepte l'idée de pouvoir se tromper.
La proclamation de l'avis majoritaire lui « ouvre les
yeux » sur le véritable intérêt commun et,
dès lors, il reconnaît que c'est cet intérêt
même qu'il avait cherché sans pouvoir le formuler. Quant à
l'Etat, il se trouve ainsi investi du double rôle de préparer les
propositions de loi puis de faire exécuter la loi. Esmein acceptera-t-il
les notions de conscience collective et de contrat social ?
b) L'individualisme de Esmein
Dans les éléments de droit constitutionnel (1899),
Esmein refuse les notions de conscience collective et de contrat social. Pour
lui, le droit public comme le droit privé a son point de départ
dans l'individu considéré comme un être moralement libre,
raisonnable et responsable. L'Etat serait la personnification juridique, ce
qu'est la volonté pour l'individu, Duguit, dans « Manuel de
Droit Constitutionnel » (1923) apporte une note assez
réaliste.
c) Le réalisme intégral du
Duguit
Pour lui, la nation est un élément de l'Etat mais
non pas en ce qu'elle serait la substance personnelle de l'Etat mais en ce sens
qu'elle est le milieu social où se produit le fait Etat. C'est la
théorie de l'Etat comme fait, substituée à celle de
l'Etat-personne investie d'une autorité de droit.
Ainsi quand le chef exprime sa volonté, on ne doit pas
dire qu'il exprime celle de l'Etat qui n'est qu'une abstraction ni celle de la
nation qui n'est qu'une fiction, mais sa propre conviction. L'ordre implique
l'existence d'une volonté qui s'impose à une autre. D'une
volonté de « qualité supérieure ». Il
impose ainsi son pouvoir comme un pouvoir de droit quand il n'est
qu'un pouvoir de fait.
Loin de recourir à la seule volonté de puissance
arbitraire du chef, un fait s'impose aux gouvernants comme aux gouvernés
c'est le fait de la solidarité sociale africaine . Une loi
suprême s'en dégage pour l'Etat de la nouvelle Afrique
noire : organiser, sauvegarder, défendre cette solidarité
africaine. Elle est l'expression de la notion de souveraineté et par
là même exprime l'égalité des citoyens.
Quant à la notion d'égalité, elle n'implique
nullement un nivellement absolu ; il ne s'agit pas d'arracher au riche sa
richesse... il s'agit ici de justice distributive beaucoup plus que de justice
commutative. Ce qu'exige l'idéal démocratique, ce n'est pas du
tout que tout le monde soit mis sur le même rang, mais au contraire que
les diversités naturelles ou morales ne soient pas masquées ou
remplacées par les inégalités artificielles du rang social
ou de la fortune qui empêcherait l'être humain de développer
au maximum ses aptitudes ; réaliser l'égalité des
chances de manière à ne constituer l'élite dirigeante
qu'avec des supériorités réelles ou supposées
c'est-à-dire des individus dotés d'une supériorité
arithmétique (avec des facteurs qui son numériquement
supérieurs), puisqu'il n'y a que deux facteurs qui rentrent ici en ligne
de compte : le matériel et le spirituel : l'Etre et l'Avoir
dont la combinaison donne le Pouvoir. Ainsi être savant, sage et avoir
des moyens pourrait entraîner des formes de supériorité
réelles ou supposées. Telle serait l'exigence fondamentale de la
nation démocratique telle qu'elle devrait être pensée pour
l'Etat de l'Afrique noire moderne ; son organisation dépendrait
essentiellement de cette structure.
2°) Organisation de cet Etat
Ici cette question fondamentale se pose : à qui
faut-il confier la tâche de diriger le peuple ? Comment le
dirigera-t-il ?
Nous partirons du critère de la vérité,
qui est la réalité pour définir ceux qui doivent diriger
le peuple Africain actuel . Ce sont ces hommes et ces femmes qui ont un
projet de société concret à réaliser, une
idée plus claire de la réalité africaine qu'ils sont
appelés à gouverner ou à subir.
L'Etat doit être gouverné par ceux qui ont le
maximum de compétence et qui maîtrisent les problèmes du
peuple.
Comme le préconise René Dumont, il faut trouver
parmi les dirigeants, et les jeunes cadres de l'administration africaine,
« le noyau pur et dur, assez fort pour éliminer les corrompus,
suffisamment dévoués à l'intérêt
général du futur continent » 929(*) pour s'y dévouer et
enfin un esprit d'initiative, de créativité, d'invention. Il
s'agit pour lui de mener à terme les solutions à ces
problèmes nouveaux. Il lui faut un esprit de rigueur, souvent
défini par certains dirigeants africains en ces termes :
« Par rigueur, j'entends l'utilisation efficace des
ressources humaines et matérielles » 930(*), il s'agit d'un effort accru
de productivité et de rentabilité, de l'établissement des
budgets réalistes, du recouvrement systématique des recettes de
l'utilisation judicieuse des crédits. Il s'agit enfin du respect des
délais, des normes et de la qualité des réalisations ainsi
que de l'entretien des équipements, des infrastructures, des
bâtiments et des espaces. Cette rigueur apparaît ainsi
comme : « l'une des exigences fondamentales de la
croissance, celle par laquelle se trouvent assurés la
ponctualité, l'assiduité au travail, l'accomplissement rapide des
tâches, la discipline individuelle et collective qui sont les clés
du progrès » 931(*).
Il doit être au service de l'Etat et de son peuple
grâce à la volonté duquel il tient les leviers du
gouvernement.
Il diminuera au maximum la distance entre les gouvernants et
les gouvernés en associant au maximum les citoyens surtout ceux des
villages aux tâches de direction et de conception d'une manière
rationnelle et méritocratique. Ceci favorisera le contact entre les
masses laborieuses et le gouvernement d'une part et d'autre part, l'association
directe des travailleurs à la gestion de l'entreprise si celle-ci
appartient à l'Etat .
L'expérience de la nation sera celle de chaque
citoyen.
Le dirigeant de cet Etat aura une expérience qui sera
l'expression de la vérité de sa nation et même du monde
car, l'expérience individuelle parce qu'elle sera nationale, cessera
d'être individuelle , limitée, rétrécie et pourra
déboucher sur « la vérité de la nation et
du monde » 932(*).
Pour définir la forme et la finalité de cet
Etat, élaborer un modèle de développement
économique et social similaire, prendre une position claire vis à
vis de la tradition, de la religion et du passé , concevoir ensemble
l'avenir culturel, le dirigeant de l'Afrique noire moderne se verra le devoir
de décentraliser démocratiquement son pouvoir. Cette
décentralisation est nécessaire car, il importe que les citoyens
soient amenés à prendre une part plus active à la vie
politique locale et régionale, à prendre collectivement les
responsabilités qui concernent leur quartier, leur village, leur ville,
leur canton. « Ils apprendraient ainsi à concevoir
très concrètement les rapports qui existent entre les
problèmes à petite échelle et les grands problèmes
nationaux et internationaux » 933(*). La démocratie économique sera le
complément de cette démocratie politique : elle consistera
à « faire participer les travailleurs aux décisions
que comporte la gestion des entreprises » 934(*).
La tâche fondamentale des dirigeants de l'Afrique noire
nouvelle sera d'inventer des institutions et des moeurs politiques capables
d'assurer la participation effective au pouvoir de tous ceux qui , par leur
travail, participent sans considération tribale, régionale,
religieuse, idéologique à l'activité sociale . C'est la
voie « nationale », la voie démocratique. Elle
n'est jamais une solution de facilité, qui semblerait la voie à
suivre pour qui veut diriger le peuple déjà conscient de l'
Afrique noire du Xxe siècle .
Pour y parvenir, il s'impose au préalable une
éducation civique et politique, une information claire et honnête
du peuple. Il faut un encadrement des masses par une formation et une
information. Il faut établir un dialogue responsable entre le sommet et
la base. C'est au sein d'un parti politique décentralisé qui
devrait s'instaurer ce dialogue...
B. Le Parti Politique décentralisé
Nous avons déjà défini le parti politique
comme étant une organisation durable, agencée du niveau national
local. Son but étant de conquérir et d'exercer le pouvoir,
recherchant à cette fin le soutien populaire. Cette définition
peut avoir sa raison d'être lorsque le parti politique a atteint un
certain palier de développement socio-économique et politique
lorsqu'il possède une origine électorale et parlementaire c'est
à dire qu'il naît et se développe avec l'extension des
prérogatives parlementaires et du suffrage populaire. Cependant cette
maturation progressive est encore absente dans beaucoup d'Etats de l'Afrique
noire contemporaine. Les partis naissent en même temps que l'Etat dans
une sorte de vide institutionnel. Ces partis sont de création
extérieure. Ils sont en dehors des élections
réfléchies et du parlement local. Les jeunes Etats africains s'en
remettent à leurs conseillers techniques dénués parfois de
tout esprit d'initiative.
En effet, « le manque d'imagination des
conseillers européens » aurait conduit les jeunes Etats
à copier la constitution française ou anglaise qui est un
véritable « cadeau empoisonné » et où
« Aucune représentation économique des paysans n'est
prévue » 935(*). Ainsi les équipes au pouvoir sous
prétexte d'homogénéité politique et
d'humanité autour des objectifs de développement, ont
sacrifié toute possibilité d'expression des solidarités
traditionnelles sur « l'autel de la sacro-sainte unité
nationale » 936(*), ce qui a amené ainsi à nier les
énergies et les créativités locales, au profit d'une
entité nationale « plaquée... privée de tout
soutien populaire »937(*).
Ces partis politiques sont très
hiérarchisés , centralisés, omniprésents et
inactifs. Ils constituent un facteur supplémentaire de
stérilisation des énergies existantes au profit d'un quelconque
dynamisme étatique, ou plutôt d'un étroite
équipe.
Le parti politique de l'Afrique noire nouvelle doit
être décentralisé. Pour cela il doit dissoudre le blocage
instauré par le parti politique très centralisé et
monolithique à l'évolution des sociétés africaines
pour imposer la réconcialition de la superstructure avec le réel
social. Le parti politique centralisé doit laisser place à des
associations politiques plus communautaires.
A ce niveau, en effet l'identification de
l'intérêt général communautaire à chacun des
intérêts particuliers devient une réalité plus
concrète, et « l'association de tous en une organisation qui
assurerait la participation de chacun au gouvernement de la collectivité
ne devrait dès lors soulever aucune réticence »
938(*), puisque chacun y
trouverait son intérêt.
Il suffit tout simplement que ces associations politiques
locales incarnent chacune le consensus d'une population. Elles peuvent
fédérer au niveau régional sans qu'apparaisse en son sein
une hétérogénéité réelle
d'intérêt et de conceptions. Ces partis régionaux ainsi
fédérés donneraient naissance au parti politique national
au sein duquel doivent être amorcées et poursuivies les
transformations nécessaires à un débat politique beaucoup
plus responsable au niveau national.
Pour être accepté, il faudrait qu'il ait une
assise populaire réelle, qu'il organise les paysans, les aide à
se défendre ; que leurs doléances arrivent à se
faire entendre du gouvernement. Il devrait faciliter le dialogue de la base au
sommet et en sens inverse : d'abord pour transmettre aux agriculteurs
les directives, les nécessaires disciplines culturales et
économiques. Mais aussi pour faire savoir.... Ce que pensent les
paysans, les moyens dont ils ont besoin.
On peut trouver par là, « Les structures les
mieux capables de les mettre tous au travail » 939(*).
Le parti politique ainsi décentralisé aura pour
tâche de ressusciter et de structurer l'esprit de communauté, le
profond consensus qui doit être toujours présent aux nouvelles
institutions de l'Afrique noire moderne.
Ainsi parler de l'africanité de la Nation, c'est
dégager la notion de nation à l'africaine. Autrement dit c'est
opérer une dialectique de l'Etat-Nation fédérateur. Il
s'agit plus nettement de transférer une large part des attributions de
l'Etat et de sa substance même aux collectivités naturelles
traditionnelles, métamorphoser le parti politique centralisé et
hiérarchisé en une confédération de Partis
politiques régionaux pour instaurer une notion d'Etat en tant que
pouvoir politique tendant à résorber les blocages et à
« libérer les créativités internes »
des sociétés de l'Afrique noire. Ce pouvoir politique doit
être l'apanage du peuple, des hommes-pour-le peuple, ceux-là qui
ont un projet de société regorgé des
réalités concrètes, qui ont une parfaite maîtrise
par une connaissance profonde des problèmes réels de la
localité, de la sous-région, de la région, de la nation,
et du continent dont ils sont des fils naturels .
Il sera, parce que lié aux idées locales ,
reflet de la réalité africaine, pour les personnes et la
société humaine, pour et par les personnes . Ce pouvoir sera
enfin l'expression de la démocratie ouverte qui s'apprend tous les
jours./.
C. Le Domaine National dissout dans des institutions
villageoises (ou paysannes) et urbaines.
Au départ, la constitution du domaine national
s'était faite dans la perspective d'un processus de distribution et
d'affection des terres au monde paysan.
Cependant, l'Etat sénégalais n'a pas su
résister à la tentation de conduire le développement par
le haut et à accepter bon nombre de projets ruraux qui excluaient le
monde rural.
Mamadou Niang nous fait remarquer que « la
connaissance du milieu sociologique est nécessaire pour
appréhender les problèmes du régime foncier »
940(*).
Et s'agissant plus particulièrement du
Sénégal, on a tendance à oublier que, malgré
l'unification nationale réalisée par la structure
étatique, des diversités subsistent.
L'inefficacité des concepts à traduire les
réalités sociales africaines a souvent été
signalée comme une entrave sérieuse pour la compréhension
de nos institutions.
C'est ce qui fait dire à Bernard Moleur
que : « l'Etat sénégalais a progressivement
mis en place une structure d'encadrement du paysanat qui s'est
révélée inadaptée et paralysante »
941(*).
Au niveau des régions, le poids des traditions demeure
encore et les anciennes provinces traditionnelles gardent jusqu'à
présent leurs particularités (jolof, walo, kayoor, sine saloum).
Examinant le système foncier de ces régions, M. Niang constate
une certaine diversité. Sans s'appesantir sur les détails, citons
l'exemple du lamanat le plus connu et le plus mal compris : dans la
terminologie consacrée, le laman représente le premier occupant
de la terre, c'est-à-dire le propriétaire au sens occidental.
Cependant, ce système de « lamanat » connu surtout
du Kayoor (ancienne province centralisée des damels) n'existe pas dans
les autres régions . Il n'est connu ni au Jolof, ni au Sine Saloum, ni
au Walo d'après certaines sources.
Au niveau des ethnies, le système foncier fait
apparaître des traits spécifiques 942(*).
Le système « Séreer »
présente une certaine homogénéité due à
l'ancienneté de sa civilisation . Pour le paysan sereer l'unité
familiale correspond chez lui le plus souvent à l'unité
d'exploitation de telle sorte que toute tentative de démembrement si
elle ne tient pas compte de ses facteurs peut lui être
préjudiciable.
Par contre dans le système Wolof en raison du brassage,
les litiges fonciers ne prédominent pas semble-t-il dans la mesure
où le wolof émigre assez facilement.
Pour les toucouleurs du Fouta, on note d'abord un fort poids de
la tradition islamique, les régimes des terres sont marquées par
les féodalités religieuses 943(*).
Au Fouta on note donc l'existence de
« propriétaires terriens » qui exploitent des
unités familiales ; et le système de castes crée une
inégalité dans l'exploitation des terres en créant une
sorte de hiérarchisation des droits.
Ces trois systèmes (Wolof, Sereer et toucouleur ),
révèlent, selon M. Niang les particularismes qu'il faut prendre
en considération pour l'étude du domaine national.
La connaissance du milieu sociologique ne suffit pas pour rendre
l'application des lois sur le domaine national plus efficace, dit-il
« il faut aussi analyser les actions de développement, il
faut une coordination des services et structures étatiques. C'est ainsi
qu'il y a l'installation des communautés rurales » 944(*).
La loi sur le domaine National vise ainsi trois objectifs d'ordre
juridique , économique et social 945(*).
Ces objectifs de la loi brièvement esquissées
permettent d'identifier les grands traits de l'économie de la loi.
L'appellation « Domaine National » fait
référence d'après M. Niang à un patrimoine national
qui serait propre à l'Etat. En effet le domaine National comprend une
majorité des terres de l'Etat mais pas la totalité des terres
situées sur le territoire national.
L'objectif du développement apparaît dans la loi de
son article2 « l'Etat détient des terres du domaine national
en vue d'assurer leur utilisation et leur mise en valeur rationnelle,
conformément aux plans de développement et deux programmes
d'aménagement » 946(*).
La loi a également délimité le domaine
national en plusieurs catégories dont :
Les zones de terroir destinées à l'habitat,
l'élevage et à l'agriculture.
Les zones forestières destinées aux forêts
classées.
Les zones pionnières pour les projets de
développement.
Les zones urbaines à vocation urbaine.
La gestion des terres est confiée à des conseils
ruraux, objet d'une loi qui interviendra plus tard en 1972. En effet la loi de
1972 introduit la réforme de l'administration régionale et locale
qui crée des communautés rurales à la tête
desquelles se trouvent des conseils ruraux chargés de l'affectation et
de la désaffectation des terres . Les communautés rurales
constituent les structures d'accueil de la loi sur le Domaine National. A
travers les communautés rurales, l'Etat sénégalais a voulu
traduire la volonté de susciter des structures de participation en
donnant la possibilité aux paysans de gérer leurs propres
affaires.
Est-ce là la volonté de l'Etat de jeter les bases
d'un socialisme africain s'appuyant sur les valeurs propres aux populations
paysannes ?
« L'inefficacité ou l'inaptitude des concepts
à traduire nos réalités sociales a été
souvent signalée comme entrave sérieuse pour la
compréhension de nos institutions » 947(*).
Dans le domaine des codifications les conséquences de
l'acculturation de nos systèmes juridiques par la perpétuation
de l'héritage colonial, on aboutit à l'inefficacité de nos
législations. Des concepts empruntés au droit occidental ont
maquillé nos institutions de façon à les rendre inaptes
à traduire les réalités des populations auxquelles elles
sont destinées... 948(*).
Sur le terrain il y a un conflit qui illustre bien cette forme de
contrainte à la loi moderne. Il s'agit du conflit de Thiabougel opposant
agriculteurs mourides et éleveurs Peuls dans l'arrondissement de Darou
Mousty (Département de Kébémer et région de Louga
949(*).
Le véritable fondement du conflit de Thiabougel est selon
lui à rechercher plutôt les modifications qui ont
bouleversé la hiérarchie des droits sur le sol . Les peuls ont
essayé de défendre légitimement des droits qu'ils ont
acquis de leurs ancêtres comme droits de premiers occupants du sol de
Thiabougel, quant aux Mourides ils ont utilisé le droit de hache c'est
à dire dans le langage foncier traditionnel, le Ngoref équivalant
aux droits de mise en valeur...
Le litige de Thiabougel est bien le symbole de tous les litiges
permanents qui surgissent dans les zones rurales où s'appliquent la loi
sur le domaine national. C'est l'une des meilleures illustrations pratiques de
cette résistance de la coutume à la loi moderne...
Pour mieux expliquer ce phénomène il faudrait
peut-être remonter au droit colonial et tenir compte de cette observation
de Raymond Verdier qui fait remarquer que : « face
à la loi du colonisateur, le droit du colonisé devint coutume et
on le baptisa droit coutumier dans le contexte assimilationniste de la
politique coloniale » 950(*). Il s'agissait par là d'une juxtaposition ou
plutôt d'une superposition du droit occidental français à
la coutume. Bernard Moleur 951(*) démontre comment certains droits coutumiers
dûment constatés pouvaient être transformés en droit
de propriété avec le décret du 29 Juillet 1932. Mais les
certificats administratifs étaient à la discrétion de
l'administration coloniale (le commandant de cercle )qui devait rassembler des
témoignages de notables, lever les oppositions, recueillir le profil de
l'intéressé ...conformément au décret de 1932 sus
mentionné . Ce qui déjà ne plaisait guère aux
« indigènes » en raison de la forte présence
dans ces procédures du droit occidental (français). Ce
décret a d'ailleurs fait l'objet de plusieurs contestations de la part
des autochtones952(*).
M. Bernard Moleur toujours dans sa thèse consacrée
au droit de propriété sur le sol sénégalais
953(*) montre aussi
comment au moment de la décolonisation les indigènes surtout les
lébous du Cap Vert Sénégal se sont opposés
à cette notion de terre vacante, en tant que restruction au droit de
propriété du sol alors traduite par la notion
d' « emprise évidente et permanente »(934).
Cette notion faisait du droit de propriété du sol un droit
précaire aux yeux des Africains alors même que le droit de
propriété du sol demeurait absolu en métropole 954(*). C'est ainsi que le droit
du colonisé devint coutume et on le baptisa droit coutumier. D'où
également cette opposition du droit externe, au droit interne.
Ainsi comme le note si bien M. Raymond Verdier 955(*) : « l'opposition
du droit externe et du droit interne prit la forme du conflit loi /
coutume », qui devint synonyme de l'antithèse évolution
/ stagnation » 956(*).
Cette opposition « loi / coutume »,
continuera avec l'accession des pays africains aux indépendances,
à être cette antithèse « évolution /
stagnation » exprimée de façon différente, car
après les indépendances on ne parle plus
d' « assimilation » ou
d' « association » mais de «
développement ». De là l'idée, que :
« l'idéologie du développement a pris la relève
de l'idéologie civilisatrice » 957(*) dans le cadre de l'Etat
Africain, unificatrice et centralisatrice d'autant que « la loi
était assurée de triompher comme instrument
privilégié de gouvernement contre la coutume »
958(*).
Mais la loi ainsi créée nonobstant la modernisation
issue des indépendances, continuera à entraîner des
oppositions au plan social et pour ainsi dire, sociologique.
En effet, l'application de la loi est parfois
détournée au profit d'autorités traditionnelles,
religieuses ou politiques dont le statut social peut permettre de
déposséder des cultivateurs. Certains fonctionnaires
réussissent à obtenir des terres dans des communautés
rurales auxquelles ils n'appartiennent pas 959(*).
La réforme de l'administration régionale et locale
a réaménagé l'espace rural en créant des
entités économiques au profit des paysans 960(*).
La configuration même de l'emplacement des villages a
changé suivant les nécessités socio-économiques.
Beaucoup de villages sont maintenant crées à l'intérieur
des pôles de développement (autour des forages, des projets, du
chemin de fer, etc) .Par ailleurs les sièges des communautés
rurales font l'objet de dispute entre villageois et le choix de leur site
dépend du statut social, religieux, politique du village. « Le
découpage administratif malgré la réforme ne correspond
pas quelquefois aux réalités géographiques, historiques
des communautés rurales » 961(*).
Cependant des solutions peuvent être envisagées
962(*) .
Dans la recherche de solutions nous voulons d'abord dira Mamadou
Niang : « mentionner une meilleure lecture de nos valeurs
culturelles afin d'envisager leur mode d'intégration dans le processus
de développement économique et social 963(*).
Il y a aussi la question de la réceptivité des
règles juridiques au sein des populations concernées964(*).
Réunir toutes les conditions pour favoriser la
réception de cette loi, paraît une nécessité.
L'adage « nul s'est sensé ignorer la
loi » ne devrait-il pas là être
révisé ? On peut tout au moins s'interroger sur sa
portée.
Il y a également le problème de la langue
965(*).
Seule une vulgarisation de la loi s'avère donc comme un
moyen efficace pour favoriser la réception au niveau des populations
rurales. Un contact permanent entre paysans et cadres de développement
rural formés à cet effet pourrait par un système
d'échange d'idées, accélérer la
compréhension des textes législatifs.
L'information par le canal de la radio peut aussi s'avérer
efficace si elle sait parler le langage de ceux qui sont concernés.
« Les présidents des communautés rurales pourraient eux
aussi joindre à leur mission celle de vulgarisateur de la
loi » 966(*).
A l'action de vulgarisation de la loi, doit s'ajouter une action
d'information permanente recueillie sur les résistances qui s'opposent
à l'application de la loi.
Les opérations-tests peuvent être efficaces sur le
plan de la méthodologie mais elles risquent de s'avérer sans
utilité pratique pour assurer une stratégie de
développement en matière foncière. L'étude des cas
devrait privilégier les régions où les problèmes
fonciers présentent le plus d'acuité. C'est ainsi par exemple
que travailler dans un village homogène où l'unité
parentale correspond à l'unité de sol ne permet de dégager
aucun élément éclairant pour comprendre les
problèmes complexes que le régime foncier. La loi doit être
expérimentée là où se trouvent réunies les
plus nombreuses résistances. C'est par ce biais qu'on peut arriver
à identifier les principaux facteurs qui favorisent la
réceptivité aux changements dans les zones rurales 967(*).
Les représentants des pouvoirs publics (gouverneur,
préfet) devraient à chaque fois rendre compte par des rapports
périodiques des problèmes soulevés par l'application de la
loi sur le domaine national au niveau de leur région ou
département . Enfin, l'Etat se doit d'utiliser les compétences
des chercheurs qualifiés pour recueillir les suggestions
nécessaires à l'application de ces décisions.
L'étude fonctionnelle du statut traditionnel des terres
permet de mieux cerner la réalité sociologique, et suivant une
approche purement africaine, dépouillée de toute
référence aux catégories étrangères
968(*). Il y a l'aspect
dynamique qui consiste à situer le régime des terres dans
l'optique du développement en étudiant tous les
éléments évolutifs depuis son islamisation jusqu'à
l'instauration d'un ordre nouveau par la mise en place d'une loi sur le domaine
national 969(*).
Nous nous permettrons pour finir, de lancer un appel aux
différents dirigeants africains, qui dans le souci de créer ou
plutôt de consolider la « nation » moderne issue des
indépendances, ont la plupart, par la
« nationalisation » de l'espace 970(*), détaché
l'homme de la terre 971(*), en rattachant justement cette terre à la
nation (concept qui reste encore vague dans l'esprit des Africains). Nous leur
disons que : pour avoir sa bénédiction, peut-être
qu'elle devra être libérée : la terre étant au
début et à la fin de la vie de l'homme.
Ainsi, la décentralisation et la régionalisation en
cours dans un pays comme le Sénégal, permettront-elles dans un
plus ou moins long terme, de résoudre l'équation homme-terre,
grâce à une plus grande participation des masses rurales et aussi
urbaines à un nouveau « processus de
développement »972(*).
L'Etat deviendrait ainsi le gagnant parce que le garant ou le
« gardien » des terres ; il sera chargé de son
administration c'est a dire de sa surveillance mais pas de sa gestion ; en
ce sens qu'il veillera tout simplement à la bonne gestion des terres par
l'exercice de sa prérogative de « puissance
publique » : c'est à dire le contrôle de police
parce que l'Etat doit rester le garant du territoire en tant
qu'élément de sa souveraineté.
Cela dit sans pour autant essayer de dévoiler un
quelconque aspect mythique lié à la terre, nous pouvons dans un
premier temps penser au rôle idéologique, aux outils et techniques
juridiques pour allier le droit ancien au droit actuel pour en faire un droit
nouveau : « Le droit coutumier » tel qu'il
était appliqué dans la politique coloniale révèle
une situation conflictuelle entre le droit local ou autochtone et le droit
occidental français. La coutume telle qu'elle était
appliquée en période coloniale en tout cas, crée des
réticences de la part des dirigeants africains nouveaux, la
« loi moderne » sur le domaine national crée des
résistances ou des réfractions que nous avons essayées de
démontrer d'un point de vue sociologique 973(*). N'est-ce-pas pourquoi, il
faudrait peut être comme l'envisage Raymond Verdier essayé d'
« aller au delà de ce droit tampon » que
constitue le « droit coutumier » colonial hybride et dans
le but de mieux appréhender les « notions, catégories,
institutions et pratiques juridiques des cultures africaines
traditionnelles » afin « de remonter à l'ancien
droit » 974(*).
D'ailleurs une réforme est à l'étude et il
serait bien de mettre le passé au service de l'avenir. Et comme le
disait Marc Bloch : « l'histoire est le lien entre les vivants
et les morts et l'homme doit s'en servir ».
Donc même en matière de terres, vivre moderne ce
serait pour l'africain moderne vivre avec l'Afrique d'hier, avec son
passé qui serait ainsi mis au service du présent et surtout de
l'Avenir par une coexistence, une connaissance des valeurs ou
références.
Vivre moderne : c'est maintenant vivre au passé
975(*). Et comme le
disait Fustel de Coulange : « L'homme est le
résumé du passé ».
Seulement, le risque demeure de voir l'Etat
Sénégalais mettre en avant les critères modernes et livrer
la terre aux capitalistes autochtones et étrangers et de là comme
nous le font remarquer Marc Debéne et Monique Caverivrière :
« aux « champs » comme en ville, la
propriété pourrait donc triompher. La civilisation juridique
occidentale finirait par s'imposer sonnant le glas de l'originalité du
système foncier Sénégalais » 976(*).
CONCLUSION GENERALE
L'Afrique occidentale, à l'entrée du XIXè
siècle, apparaît morcelée entre plusieurs civilisations,
plusieurs Etats, plusieurs cultures.
De grands royaumes sont morts ou disparaissent. Des peuples
multiples se cherchent une identité et une unité. Deux mondes
s'affrontent ou se juxtaposent : celui des animistes et celui de
l'islam.
Pourtant géographiquement, l'Afrique de l'Ouest se
présente comme un bloc, un ensemble spécifique de territoires
différenciés.
Sa seule frontière véritable, l'Afrique occidentale
la porte en elle : une grande bande forestière, en effet, coupe le
territoire, transversalement, d'Ouest en Est.
Malgré la diversité du peuplement Wolof, Pullo,
Tukulleur, Manding, Séreer, Soninké, Joola, Nalu, Baga, Beafada,
Baïnuk,Bassari etc., la sénégambie connaît une
certaine unité de civilisation dans le cadre de cet espace
géopolitique forgé par plusieurs siècles de vie commune.
L'organisation de la vie économique, politique et sociale est fortement
marquée par l'influence du Mali et de l'Islam.
La dislocation de la confédération du Jolof
intervient à la suite de la rébellion contre l'autorité
du Buurba Jolof des provinces du Kajoor, du Waalo, du Bawol au milieu du
XVIè siècle. Chaque province devient ainsi un royaume
indépendant avec à la tête du Kajoor le Damel, au Waalo le
Brack et au Bawol le teigne, obligeant le Buurba à confiner son
autorité sur le seul royaume du Jolof. Du même coup,
l'autorité du Jolof se relâche sur les royaumes séreer du
Sine et du Saloum qui assument désormais leur destin sous
l'autorité respective des Buur 977(*).
Par contre au Fuuta Tooro, la dynastie Dényanké,
après le Tékrur de War Jaabi, donne à la moyenne
vallée du Sénégal son unité politique et les bases
durables de son organisation économique et sociale.
A côté de la présence européenne,
l'islam développera ses marchés et sa culture dans les espaces
urbains. Tombouctou, Kano, Djenné, Sokoto témoignent de cette
emprise. Mais, dans les campagnes, l'Africain occidental demeure fidèle
à ses traditions et à ses croyances. Dans les dernières
décennies du XIX° siècle, aux
« conquêtes » de l'islam succédera la
domination des Européens. Les premiers coloniaux français, pour
imposer leur commerce, leurs lois et asseoir leur prestige, essaieront
d'intégrer les populations islamisées dans leur encadrement
administratif.
Face à ce monde hostile, l'Africain opposera d'abord son
indifférence. Puis il se révoltera ouvertement contre le
colonisateur.
Désormais l'Etat de type occidental se substituera
à la famille et au clan, l'organisation économique
s'individualisera et l'intérêt individuel ainsi que la loi du
profit gagneront du terrain... Une nouvelle nation sera ainsi née qui
marquera rapidement une unité tout aussi nouvelle dans la conscience des
masses africaines.
Nous avons ici essayé en fait de démontrer qu'en
reprenant l'idée qu'avait déjà avancée Thierry du
XIX° siècle, en définissant la nation comme une
« ligue », une « union d'effort » vers
« un intérêt commun » 978(*) et en poussant l'analyse
à une autre échelle, nous pouvons penser que tous les peuples de
la terre pourraient à la limite former une « nation
humaine » à condition qu'ils tendent de concert à la
réalisation d'un intérêt commun et ce serait sans nul doute
poser les bases, les premières pierres de l'édification d'une
« nation » nouvelle, d'un humanisme
« nouveau ». Mais nous avons voulu en partant des nations
étriquées, fondées sur les unités de base (la
famille, le clan, l'ethnie) élargir le concept. L`exemple des
« peuples » du Sénégal nous aura
édifié sur ce concept qui est parfois
« flou » aux yeux des gens. Il s'est agit ici de combattre
l' « égoïsme » national et de contribuer
un tant soit peu, à faire tomber
cette « barrière » que constitue « la
nation » qui au lieu de réunir les hommes, les divise et les
appauvrit... 979(*).
On se rend compte que ce qui fait une
« nation » dans son sens le plus large, ce n'est pas
seulement le sol ; la race , la langue, le sang, l'histoire,
l'économie, la culture, l'idéologie, pas plus que l'Etat ;
c'est tout cela sans doute ; mais plus encore : la valeur qu'on y
attache en y voyant une partie qui, pour nous, est nation en tant qu'Objet
d'Amour, principe spirituel et symbole de l'âme d'un peuple.
Assimilé à l'être humain, personnifié en quelque
sorte, la nation est une conscience psychologique et une conscience
morale : « elle suppose un passé, elle se résume
pourtant dans le présent par un fait tangible : le consentement, le
désir clairement exprimé de continuer la vie commune.
Former une nation signifie « naître »
au sens originel du mot 980(*) mais pour former une nation nouvelle ou moderne il
faut « naître de nouveau » au sens de
« renaître ». Mais la renaissance suppose la
co-naissance ; car « l'existence de l'individu est une
affirmation perpétuelle de vie » 981(*).
Les nations d'hier sont devenues les micro-nations d'aujourd'hui
et les nations d'aujourd'hui seront peut-être
les «micro-nations» de demain982(*).
Ainsi même aux plus durs moments des crises
économiques, religieuses, sociales et même politiques des
sociétés modernes puissent les « nations »
d'Afrique qui ne désespèrent pas pour n'avoir pas trop
espérer, se dire que le soleil brillera pour elles.
Pour le cas spécifique du Sénégal ,
nous pouvons dire en définitive que la société
sénégalaise traditionnelle a connu l'existence d'un pouvoir
centralisé.
A la tête de l'organisation politique, il y avait un roi
issu d'une grande famille où le lignage surtout maternel était
déterminant. Mais au cours de l'histoire, cette société
traditionnelle s'est désintégrée avec l'introduction d'une
économie monétaire individualiste et surtout, d'un système
politique administratif nouveau qui servira de fondement à l'Etat
moderne.
Ces ainsi que le Sénégal se dotera d'institutions
et de lois modernes en vue de son « développement »
mais le poids de la Tradition demeurera. D'où l'inadaptation des
institutions modernes surtout en milieu rural où l'effet de la loi est
parfois compromise par la persistance des coutumes locales...
Ces « difficultés
d'application » découlent de l' « ignorance
d'une pensée juridique sénégalaise » 983(*). Alors du côté
de la tradition, les solidarités premières ont
subsisté : celles de la terre et des groupes humains qu'elle porte,
celles des parentés et alliances, celles des classes d'âges,
celles résultant des croyances...
Voilà pourquoi nous pouvons dire que la
société sénégalaise est une société
intégrée et qu'il s'est crée « un sentiment de
cohésion qui est plus qu'une ébauche du sentiment
national » 984(*).
Il faudrait signaler que concernant des notions comme la Nation,
l'Ethnie... il faut tenir compte du fait historique : la nation est le
résultat d'une évolution historique.
Le Sénégal n'était pas, rappelons-le, un
territoire défini, mais une co-existence de plusieurs royaumes dont les
frontières dépendaient des aventures des peuples.
Les modes de cultures, la religion(surtout l'islam comme
conception du monde), ont été ici des facteurs unificateurs d'un
peuple pourtant divers. D'aucuns diront même que la Géographie est
déterminante à ce niveau, car le Sénégal est un
pays de plaines contrairement au Rwanda où il y a milles collines.
Aussi, il y a l'urbanisation, (car les villes sont un creuset de
façonnement des identités), la consolidation de la
citoyenneté des individus qui ont renforcé la cohésion
sociale déjà existante autour du fait national. Aujourd'hui c'est
la qualité de « citoyen » qui réunit les
hommes autour d'un destin commun. Une nation n'est donc pas une simple addition
de différences : C'est une communauté, même si
ça découle d'une unification politique de foyers
différents. Sur le plan de la langue nous avons démontré
que dans toute société il y a des concessions
linguistiques ; au Sénégal le wolof s'est imposé
naturellement dans le processus de rencontre entre les ethnies.
L'ethnicité doit être le passé qui permet justement de
dépasser le particularisme. Ainsi, le fait que la langue wolof soit
celle parlée par tous les habitants du Sénégal est
à ce sujet révélateur de la cohésion sociale.
Aujourd'hui il y a au Sénégal, par delà la
communauté linguistique, une autre, qui est psychique et qui, avons-nous
dit, est le fondement de la nation. Mais n'y a t-il pas là justement une
particularité de la société sénégalaise, par
rapport aux autres « nations » de l'Afrique noire
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: «Quel Etat pour l'Afrique»
Présence Africaine, 3° trimestre 1978.
Moleur Bernard : «Traditions et Loi relative au
domaine national
au Sénégal» in Revue Droit et Cultures
DC 3
1982.
Niang Mamadou : «Conférence
E.N.A.M » Dakar 25 fev. 1987.
: «Le régime des terres au
Sénégal »
Conférence E.N.A.M. «La notion de Mbok »
: «La notion de parenté chez les Wolofs du
Sénégal » , Bull. IFAN...
Nyerere ( JK ) : «Les fondements du socialisme
africain »
Présence Africaine, 3° trimestre 1963.
Person Yvzes : «Etat et Nation en
Afrique ...» Congrès de
Kinshasa1978 EDT Berger Levraul. Berger.
Rodinson ( M ) : «Sur la théorie marxiste
de la Nation», in
Voies nouvelles, N° 2 , mai 1958 / ou in
l'Home et la Société N° 7 Jan/mars 1968.
Senghor ( LS ) : Conférence de Presse, 29 Avril 1964.
Sicard Emile : «Essais d'analyse des
éléments principaux des
constructions nationales actuelles », in
l'année sociologique n° 18, paris, 1967.
: «Essais sur une théorie de la construction
nationale à partir des pays en voie de
décolonisation », in l'année
sociologique, tome 3, Rome 1971.
Sylla Assane : «La philosophie morale des
Wolofs », IFAN
1994.
Thiam Iba Der : «Comment les structures
traditionnelles
peuvent féconder la reconstruction de l'Afrique
moderne» dans «Affirmation de l'identité
culturelle..» pub UNESCO 1980.
Thomas ( LV ) : «Les diolas de Casamance
... » in revue de
psychologie
des peuples 3° trimestre 1968.
Tolédano ( AD ) : «Nation» , Revue
de Synthèse historique
pages 25/36
Touré Sékou : «Discours
Radio-télévisé »
Traoré Bakary : «La construction
nationale », présence
africaine,
I° trimestre 1963.
Vernant (J) : EHESS
«Revue de Défenses Nationales »octobre 1960.
Encyclopédie
Universalis :
«L'Idée de nation » par Georges
Burdeau...
: « La construction de la
Nation », p.9 et
suivantes, Par Emile Sicard.
Encyclopédie :
«Les Grands
Révolutionnaires »
Nathalie Reyss : « Lat Dior »,
p.9-54 et
Modibo DIALLO : « krumah »,
p.55/128
COLL Martinsard
Presses de l' UNESCO : «Le pouvoir en
Afrique ».
« Afrique Contemporaine »
Paris.
« L'Afrique Littéraire et
artistique », Paris.
« Bulletin de l'Afrique noire »,
Paris.
« Chronologie politique
africaine »,
Fondation nationale des sciences politiques.
L'hebdomadaire : « Jeune
Afrique ».
« Marchés tropicaux du
monde », Paris.
« Revue française d'études
politiques
africaines, Paris.
Bulletin quotidien « Afrique »,
Agence
France Presse Paris.
Journal Dakar - Matin, 13 juin 1964.
Journal officiel de l'AOF n°1540 du 27
janvier 1993.
« Le Monde » et « Le
Monde
diplomatique », Paris.
« Témoignage de la France de Jacques
Charpy ».
D. ARCHIVES
1) DOCUMENTS DES « ARCHIVES NATIONALES
FRANCAISES »
- ANF, Fonds Sénégal, Note du 10 août 1903 du
Gouverneur Général à l'administrateur - Bakel à
Sénégambie et Secrétaire Général
délégué pour la Mauritanie, n°601.
- ANF, Fonds Sénégal, le Directeur des Affaires
Indigènes à l'Administrateur - Dagana à
Sénégambie, 23 février 1903 (Affaires
Indigènes).
- ANF, Fonds 9 Sénégal, le Directeur des Affaires
Indigènes à l'Administrateur - Dagana à
Sénégambie, 23 juin 1903 (Affaires Indigènes).
- ANF, Fonds Sénégal, Télégramme du
Gouverneur Général à l'Administrateur - Podor à
Sénégambie, 30 juin 1903.
- ANF, Fonds Sénégal, Télégramme
officiel n°455 du Gouverneur Général à
l'administrateur - Bakel à Sénégambie et Secrétaire
Général - Mauritanie, 1er juillet 1903.
- ANF, Fonds Sénégal, Télégramme
n°369.
- ANF Fonds Sénégal, Recensement des crimes et
délits : Rive droite, Rive gauche, 6 juillet 1903, signé de
l'Administrateur de Dagana.
- ANF, Fonds Sénégal, Télégramme
n°891 du 17 juillet 1903.
- ANF, Fonds Sénégal, Télégramme du
Gouverneur Général à l'Administrateur - Podor à
Sénégambie, 19 juillet 1903.
- ANF, Fonds Sénégal, Extraits du
journal de Poste de Matam, 23 août 1903.
- ANF, Fonds Sénégambie, 05
septembre 1903.
- ANF, Fonds Sénégal, Télégramme
officiel n°707 du Gouverneur Général à
l'Administrateur - Bakel à Sénégambie, 06 septembre
1903.
- ANF, Fonds Sénégal, Note de
l'Administrateur-Matam au Gouverneur Général, 8 septembre
1903.
- ANF, Fonds Sénégal, Télégramme
officiel n°619 du Gouverneur Général à
l'Administrateur - Bakel à Sénégambie et Secrétaire
Général - Mauritanie, 25 septembre 1903.
- ANF, Fonds Sénégal, 27 septembre 1903.
- ANF, Fonds Sénégal, Note Administrateur - Bakel
à Sénégambie, E. 869, 25 octobre 1903, N°8,
1293.
- ANF, Fonds Sénégal, Télégramme
officiel n°19 de l'Administrateur - Matam à
Sénégambie au Gouverneur Général, 08 novembre 1903,
(E.969).
- ANF Fonds Sénégal,
Télégramme officiel de l'Administrateur Général -
Bakel à Sénégambie au Gouverneur Général
n°6, 18 novembre 1903, (E.1028).
- ANF Fonds Sénégal, Télégramme
officiel de Mr. l'Administrateur de Matam en Sénégambie au
Gouverneur Général, 23 novembre 1903, (E.1038).
- ANF, Fonds Sénégal, Télégramme
officiel de l'Administrateur Bakel au Gouverneur Général, 26
novembre 1903, (E.1046).
- ANF Fonds Sénégal,
Télégramme officiel de Mr. l'Administrateur Général
- Podor au Gouverneur Général, 12 décembre 1903,
(E.1173).
- ANF Fonds Sénégal, Télégramme
officiel n°2 de l'Administrateur de Dagana, 11 juin 1908, 7.
- ANF, Fonds Sénégal, Note Saint-Louis, 1° Mai
1909, 24
- ANF, Fonds Sénégal, Note du Gouverneur
Général aux Administrateurs (Dagana, Podor, Matam, Bakel), 27
juillet 1904, n°3, 32.
- ANF, Fonds Sénégal, copie
télégramme officiel du Gouverneur Général - Dakar
au Secrétaire Général Délégué au pays
des Maures à Saint-Louis, 21 juillet 1904, 10.
- ANF, Fonds Sénégal, Lettre du Secrétaire
Général des colonies en mission, délégué du
Gouverneur au pays Maures au Gouverneur Général de l'AOF , 19
décembre 1904, 8 B-P.
- Analyse : A.S. des limites entre
le Sénégal et le territoire civil de la Mauritanie.
- ANF, Fonds Sénégal, Lettre du
Gouverneur Général de l'AOF au Ministère des colonies,
Saint-Louis, Décembre 1904, 6.
- Objet : projet de décret
délimitant le territoire civil de la Mauritanie et le
Sénégal.
- ANF, Fonds Sénégal, Lettre du Gouverneur
Général de l'AOF au Ministre des Colonies, Saint-Louis, 31
janvier 1905, 1.
- Objet : Projet de décret
portant sur la délimitation du territoire civil de la Mauritanie et du
Sénégal.
- ANF, Fonds Sénégal, lettre du 31 janvier 1905
(Gorée), 1e Direction - 1e Bureau, 5.
- Objet : Ibidem.
- ANF, Fonds Sénégal
Décret du Président de la République française sur
la proposition du Ministre des Colonies, 25 février 1905, 2.
- ANF, Fonds Sénégal, lettre du commissaire du
gouvernement général en territoire civil de la Mauritanie au
Gouverneur Général, 20 octobre 1905.
- Objet : Rattachement au cercle de
Bakel de villages et terrains situés sur la rive droite du
Sénégal (Affaires publiques) ,9.
- ANF, Fonds Sénégal, Lettre du Commissaire du
Gouvernement Général en territoire civil de la Mauritanie au
Gouverneur Général de l'AOF, o8 novembre 1906, 15.
- Objet : A.S. de contestation de
terrains de culture dans le Guidimaka.
- ANF, Fonds Sénégal, lettre du Gouverneur de
Colonies (Lieutenant - Gouverneur du Haut-Sénégal et Niger au
Gouverneur Général de l'AOF, 10 janvier 1907.
- Analyse : Au sujet de contestation
entre indigène du Guidimaka et du Kaméra.
- ANF, Fons Sénégal, lettre de
l'Administrateur des Colonies, Henri CHESSE, commandant de cercle de Dagana au
Lieutenant - Gouverneur du Sénégal, n°124, 12 juin 1908,
9.
- A.S. de l'exode de certains tribus maures.
- ANF , Fonds Sénégal, Recensement (Population
et bétail) des Koum-Leïleu de la province de Rosso - cercle de
Dagana - le 29 juin 1908.
- ANF, Fonds Sénégal, lettre du Lieutenant -
Gouverneur du Sénégal au Gouverneur Général de
l'AOF, le 30 avril 1909 52.
- Analyse : A.S. de maures
établis dans le Oualo.
- ANF, Fonds Sénégal, lettre du Lieutenant -
Gouverneur du Sénégal au Gouverneur Général de
l'AOF, 16 octobre 1911, 1.
- Analyse : A.S. d'une rixe sur la
rive droite.
- CAOM, Affaires politiques 1030. Rapport Maclaud au Ministre de
colonies.
- CAOM, Affaires politiques, 638/5, incidents 1942.
2. ARCHIVES NATIONALES SENEGALAISES
- ANS, Fonds Sénégal, 11D 1226.
- ANS, Fonds Sénégal, 11D 1226. Note du commandant
de cercle de Ziguinchor du 06 octobre 1943.
- ANS, Fonds Sénégal, 11D 1239, exemple en 1949,
1954, 1956, 1957, 1961.
- ANS, Fonds AOF, 2B 33 bis, 23 avril 1864.
- Lettre du Gouverneur Général au gouverneur du
Sénégal, 08 avril 1916.
- Lettre du Gouverneur Général au Gouverneur du
Sénégal, 29 mai 1916.
- Lettre du Gouverneur Général au gouverneur du
Sénégal, 29 septembre 1916.
- Lettre du Gouverneur Général au gouverneur du
Sénégal, 17 novembre 1917.
- Circulaire du Président SENGHOR du 31 juillet 1964.
TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION GENERALE 1
I. Le concept de nation et le contexte
idéologique africain 3
II. La Nation comme fait social 7
1. Naissance de l'idée de nation 8
2. Evolution de l'idée de nation en Europe 12
a) En Europe de l'Est 13
b) En Europe de l'Ouest 15
3. Evolution de l'idée de nation à travers le monde
17
4. La contribution de l'anthropologie à
la compréhension de l'idée de nation 19
III. Problématique de l'idée de nation en Afrique
26
Ière PARTIE : L'IDEE DE NATION DANS L'HISTOIRE
POLITIQUE DE L'AFRIQUE NOIRE TRADITIONNELLE (LE SENEGAL AUX ALENTOURS DU XVe
SIECLE 38
CHAPITRE I : LA NOTION DE « PEUPLE »
DANS
LE SENEGAL PRE-COLONIAL 41
SECTION I : DEFINITION ET FONDEMENT DU
POUVOIR DANS LES MONARCHIES TRADITIONNELLES AU SENEGAL 44
SECTION II : STRUCTURES SOCIALES 51
Paragraphe I : Niveau hiérarchie sociale
(les statuts sociaux) 51
Paragraphe II : Niveau moral : (la justice et le
pouvoir comme expression
de toute la société. La question
des liens sociaux 68
Paragraphe III : Niveau économique : (la
question
de la propriété des terres 82
Paragraphe IV : Niveau politique : l'effort
d'organisation et de perfectionnement
de la société 88
SECTION III : LA QUESTION DE « LA
CONSCIENCE »
D'UN PEUPLE 94
Paragraphe I : Niveau linguistique 96
Paragraphe II : Niveau ethnique 112
A. Approche historique : Formations
ethniques dans le Sénégal traditionnel
112
1. Formation ethnique au Fouta traditionnel 114
2. Les minorités ethnico-culturelles
du Kayor et du Baol 115
3. Peuplement du Waalo 118
4. Composition ethnique du Saloum 119
B. Approche anthropologique : l'intégration
ou la cohésion sociale 122
C. Approche sémantique ou essai de définition
de la nation : Naissance - (Re) naissance et
(Co) naissance 132
1. Considérations sociologiques 132
2. Considérations ethnographiques 134
Paragraphe III : Niveau politique : liaison du fait
politique et du fait linguistique,
de l'Etat et de l'Ethnie 139
Paragraphe IV : Niveau religieux : les croyances
comme facteur d'unité 145
A. Le roi comme « symbole vivant »
de la prospérité du pays 147
B. Le souverain comme guide ou
« arbitre suprême » du pays 148
Paragraphe V : Essai de définition du
« peuple »
ou l'équation :
« ethnie-peuple-nation » 151
CHAPITRE II : LES RAPPORTS ENTRE LES PEUPLES
DANS LE SENEGAL TRADITIONNEL
(XVIe SIECLE) 160
SECTION I : LES RAPPORTS DE PAIX
(COOPERATIONS, COMMERCE) 160
Paragraphe I : Activités traditionnelles 160
Paragraphe II : Activités commerciales 164
SECTION II : LES RAPPORTS DE FORCE :
NOUVELLES FORCES, DISLOCATION
DU « GRAND-JOLOF » ET FORMATION
D'UNITES NOUVELLES AU SENEGAL 169
SECTION III : L'ISLAM ET LES RELATIONS ENTRE
LES PEUPLES DANS LE SENEGAL TRADITIONNEL : L'ISLAM COMME
SUPPORT MYSTIQUE DU
«NATIONALISME» AFRICAIN 192
Paragraphe I : Amari Ngoné : Premier Damel
unificateur du Kayor et du Baol :
un homme de l'Islam dévolu à la
construction d'un Etat fort et
indépendant 197
Paragraphe II : L'Almamia du Fouta Toro : support du
« nationalisme » toucouleur (du XVIIe
à la fin du XIXe siècle) 205
Paragraphe III : Le Jihad d'El Hadj Omar
(XVIIIe XIXe siècle) 223
Paragraphe IV : L'utilisation de l'Islam par Lat Dior
comme moyen De résistance
au XIXe siècle 234
Paragraphe V : Mamadou Lamine DRAME
continuateur de la résistance
de Lat Dior 237
Paragraphe VI : Le régne d'Ali Bouri NDIAYE
(fin XIXe siècle) 238
SECTION IV : LES RELATIONS ENTRE LES PEUPLES
DANS LE SUD DU SENEGAL
(XVIIIe - XIXe SIECLE 240
Paragraphe I : Les rapports entre
« peuples »
au sud du Sénégal 240
Paragraphe II : Rapports entre ces peuples du
Sud et le pouvoir colonial au
XIXe siècle 242
CONCLUSION PARTIELLE 244
IIe PARTIE : L'IDEE DE NATION DANS LES MOEURS
SOCIO-POLITIQUES DE L'AFRIQUE NOIRE MODERNE : LA SITUATION
SENEGALAISE
AU XXE SIECLE 251
CHAPITRE I : LES RELATIONS ENTRE LES
PEUPLES DANS LE SENEGAL
MODERNE (AU DEBUT DE 1900) 251
SECTION I : L'EXISTENCE DE TENSIONS
SOCIO-ETHNIQUES AUTOUR DU FLEUVE SENEGAL LA PERIODE COLONIALE
253
SECTION II : RAPPORTS ENTRE LES POPULATIONS
DE LA VALLEE DU FLEUVE SENEGAL
ET L'EUROPE (FIN XIXe DEBUT
XXe SIECLE) : RAPPEL DE LA
SITUATION COLONIALE 253
SECTION III : CHRONIQUE DE QUELQUES
EVENEMENTS AYANT TRAIT A DES
INCIDENTS AUTOUR DU FLEUVE
SENEGAL (A PARTIR DE 1903) 258
CHAPITRE II : LES SOLUTIONS POLITICO-
ADMINISTRATIVES COLONIALES :
DE L'INSUFFISANCE OU DE
L'INEFFICACITE DES SOLUTIONS
COLONIALES SUR LES TENTATIVES DE FIXATION DES TERRITOIRES EN
AFRIQUE NOIRE (A PARTIR DE 1900) 265
SECTION I : APERCU DU PROBLEME 265
SECTION II : LES TENTATIVES DE FIXATION DE TERRITOIRES OU
LES SOLUTIONS
POLITICO-ADMINISTRATIVES
COLONIALES 267
SECTION III : DE L'INSUFFISANCE OU DE
L'INEFFICACITE DES SOLUTIONS
COLONIALES ANCIENNES EN
MATIERE DE TERRITOIRE 284
Paragraphe I : L'exemple de la frontière
nord du Sénégal 284
Paragraphe II : L'exemple des frontières
sud du Sénégal 290
CHAPITRE III : LES COMPETITIONS ENTRE
LES GROUPES SOCIO-ETHNIQUES
DANS LA VIE POLITIQUE SENEGALAISE MODERNE (XXE SIECLE)
299
SECTION I : LES COUTUMES TRADITIONNELLES
ET LEURS UTILISATIONS POLITIQUES
PAR L'ELITE LOCALE : PRESSION
COLONIALE ET COMPORTEMENT
ELECTORAL DES NOUVEAUX
DIRIGEANTS SENEGALAIS 299
SECTION II : L'IMPACT DU PANAFRICANISME
DANS LA VIE POLITIQUE SENEGALAISE MODERNE : DES DEBUTS DE
1900 A L'AVENEMENT DU SENEGAL A L'INDEPENDANCE EN 1960 317
CHAPITRE IV : LE ROLE DE LA COLONISATION DANS LA
CONSTRUCTION DE LA NATION
SENEGALAISE MODERNE :
(Gestation à d'une « conscience
nationale »
au Sénégal entre 1900-1960 325
SECTION I : L'ALTERATION DES POUVOIRS TRADITIONNELS AU
SENEGAL :
RAPPEL HISTORIQUE 325
Paragraphe I : L'abolition de l'esclavage pour
des raisons autres que
philanthropiques : La nécessité
pour les pouvoirs coloniaux
de mettre fin à l'entretien des moyens
économiques des chefs
traditionnels 334
Paragraphe II : L'éclatement des organisations
traditionnelles de base : la fin des mécanismes de
régulation à
l'intérieur des organisations
de base au Sénégal 338
A. A l'intérieur des groupes constitués 340
B. A l'extérieur des groupes organisés 342
SECTION II : L'INTRODUCTION D'UN SYSTEME
POLITICO-ADMINISTRATIF NOUVEAU 344
Paragraphe I : La spécialisation des fonctions
351
A. Les chefs de villages 351
B. Les chefs de cantons 351
C. Les chefferies supérieures 353
Paragraphe II : La restriction des pouvoirs dans
les limites territoriales ou la
« territorialisation » des pouvoirs :
Le commandement du cercle ou de région 355
CONCLUSION PARTIELLE 359
CHAPITRE V : LA SPECIFICITE DE L'IDEE DE NATION
DANS L'AFRIQUE NOIRE MODERNE : TRADUCTION OU TRAHISON DE
L'IDEE
DE « NATION » ? 362
SECTION I : LE DILEMME AFRICAIN FACE A
L'IDEE DE NATION 362
Paragraphe I : L'Etat et la Nation comme gage
de sécurité politique 365
A. Les contradictions de l'Etat-nation : contradictions des
Etats africains 367
B. La question de la souveraineté nationale 370
1°) Nation et souveraineté 370
2°) L'idéologie de l'Etat Nation 377
3°) Etat et unité nationale en Afrique
Moderne 387
4°) De la nationalité à l'humanité
396
5°) La question des nationalités africaines
modernes 399
Paragraphe II : La notion de nation au sein du parti
politique 403
A. La notion de nation au sein du parti unique 407
B. La notion de nation au sein du parti
dominant 412
Paragraphe III : L'édification du Domaine National
sur « les ruines » des droits
coutumiers :
le cas de la loi sur le Domaine National
au Sénégal 414
SECTION II : L'IDEE DE « NATION » EN
AFRIQUE
NOIRE MODERNE, A LA CROISEE DES CHEMINS : OU LA HANTISE
D'UNE
SYMBIOSE 437
Paragraphe I : Le besoin d'idées nouvelles
pour l'Afrique : l'idéologie comme
support socio-politique 442
A. Le rôle de la culture dans l'avènement
d'une idéologie adaptée aux réalités
sociales africaines 443
B. Le socialisme démocratique comme idéologie
adaptée aux réalités de l'Afrique noire
moderne 446
C. Le panafricanisme et le concept de l'unité
Africaine 453
1. Les visées panafricaines et l'idée de Nation
454
2. Le concept de l'unité africaine face à
L'idée de Nation 458
D. Le nationalisme et le concept de la nation africaine 459
1. Le nationalisme et la question
démocratique en Afrique moderne 460
2. Comment distinguer les nationalismes
dans l'Afrique noire moderne ? 468
3. La question des « aspirations nationales »
en Afrique moderne 471
4. Quelle conception de « la patrie » pour
l'Afrique moderne ? 473
Paragraphe II : L'Etat central partiellement dissout
dans des institutions régionales élues par les
populations où la nécessité d'une dialectique
de l'Etat-nation et de l'Etat-fédérateur 475
A. Structures et organisation de cet Etat 481
1. Structure de l'Etat : souveraineté
et égalité 481
a) La théorie du contrat
Social 481
b) L'individualisme de
Esmein 483
c) Le réalisme intégral
du Duguit 483
2. Organisation de cet Etat 485
B. Le Parti politique décentralisé 489
C. Le domaine national dissout dans
des institutions villageoises
(ou paysannes) et urbaines 493
CONCLUSION GENERALE 510
BIBLIOGRAPHIE 518
TABLE DES MATIERES 556
* 1 D'après Diderot
dans son « plan d'une université pour le Gouvernement de
Russie », cf. Dictionnaire historique de la Révolution
française par Albert Soboul, page 781.
* 2 Cf. Ch. Wondji :
« Le peuple et son histoire », « Godo
Godo » Bulletin de I.H.A.A. n° 1, octobre 1975, pages 13/14
cité par Jean Devisse Ethnocentrismes ... in « Recherche,
Pédagogie et Cultures » Mars-avril, 1980, page 35.
* 3 D'après Yves Person,
Congrès de Kinshasa 1978, Publication A.C.C.T., pages 56/71.
* 4 Voir Thierry Michalon
dans « Quel État pour l'Afrique », in
Présence Africaine, Paris 1978, 3è trimestre.
* 5 Cf. Léon Duguit dans
le manuel du Droit constitutionnel « Théorie
générale de l'Etat ».
* 6 Senghor ne donne ici que
la deuxième partie de son rapport au Congrès Constitutif du Parti
de la fédération africaine tenue à Dakar le 1er juillet
1959. La première partie était intitulée : « Se
vouloir comme Nation » et la deuxième « Se
réaliser comme Nation ». Cf. Senghor, Liberté 2 :
« Nations et voies africaines du socialisme »
Édition Seuil, page 232.
* 7 CF. définition
ethnocentrisme infra page 77 et note 144.
* 8 Cet effort apparaît
à travers les discours politiques ...
* 9 Voir Pierre Timbal dans
« l'idée de nation » in : Encyclopédie
Universalis, pages 6/8.
* 10 D'après
Gérard Cost cité par Timbal, Ibidem
* 11 Au début du
XIIè siècle, le mot « Francus » est de plus
en plus délaissé pour « Francigena » et pour
« Franceis » que l'on trouve dans la chanson de Rolland et
qui deviendra « François » ; à la même
époque, le chroniqueur Guilbert de Nogent qualifie la Normandie
récemment conquise par Franciae et bientôt le monarque
capétien est appelé aussi bien « Rex
Franciae » que «Rex Francorum ». Cf. Ibidem.
* 12 Voir Ibidem.
* 13 Voir Ibidem.
* 14 Rapporté par
Timbal Ibidem.
* 15 Cf. Ibidem.
* 16 Sinon de façon
claire et précise du moins distinctement d'après Timbal
précité.
* 17 Cf. Ibidem.
* 18 D'un point de vue
comparatif, il convient de signaler que les peuples anglo-saxons ont un
côté pratique qui leur fait inventer des formes de droit capitales
alors que dans les révolutions française et allemande, les
idées, les concepts, priment le droit quand bien même il y aurait
une marge entre anticipations de philosophes et les décisions des hommes
politiques ...
* 19 Sources : Marcel Mauss
dans « Cohésions sociales et divisions de la
Sociologie », page 575 et Dictionnaire de la Révolution
française de Albert Soboul, page 782.
* 20 En ce sens que la
nation était considérée comme : « la seule
puissance légitime puisque c'est en elle que se situait le fondement de
l'autorité ». D'après G. Burdeau Encyclopédie
« Universalis » page 8.
* 21 En effet, les Serbes
divisés en quatre (Slovénie, Bosnie, Croatie,
Monténégro) : les Roumains divisés en trois sont devenus
des « Nations » que dans des noyaux d'attraction, vieux
royaumes, principautés. Les Bulgares ont été plus vite
massés mais ils ne sont indépendants, les uns des autres que
depuis 1878, les autres que depuis 1885 ; quant aux Grecs, ce n'est que du
siècle précédent et de la guerre balkanique que date une
unification qui s'est étendue à l'Empire, à la Thessalie,
à la Thrace et aurait pu le faire à la
Macédoine ». Cf. Mauss, op-cit, page 586.
* 22 D'après Albert
Soboul « Dictionnaire de la révolution
française », page 781.
* 23 Comme Thierry dans le
journal « Le Censeur européen », 1817.
* 24 Marcel Mauss. - Op-cit,
page 587.
* 25 Nous nous
référons à Mauss « Cohésion sociale et
Divisions de la Sociologie », page 587.
* 26 Mauss ibidem, page 587.
* 27 D'après Marcel
Mauss, op-cit pages 576/577.
* 28 Cf. Ibidem.
* 29 Mauss, op-cit, page
577.
* 30 Durkheim dans ses cours, a
touché lui aussi à ce problème. Nous nous inspirons de ses
idées, qu'on trouvera éparses dans les douze tomes de
« L'année sociologique » dans ses critiques de
publication sur l'organisation politique. Rapportées par Marcel Mauss
dans « Cohésion sociale et Divisions de la
Sociologie », page 578 et suivantes.
* 31 Cf. Ibidem.
* 32 Marcel Mauss. - Op-cit,
page 579.
* 33 Cf. Marcel Mauss. -
Op-cit, page 578.
* 34 Marcel Mauss. - Op-cit,
page 588.
* 35 Cf. Ibidem.
* 36 Comme c'était le
cas de la France sous l'occupation entre 1815 et 1818.
* 37 Ibidem.
* 38 P. Hagan
« Cultures and développement » article
rédigé pour une conférence que l'administration
culturelle, tenue au GIMPA, Accra (Ghnana) en février 1978 par le
même auteur dans « Affirmation de l'identité culturelle
... » UNESCO, page 86.
* 39 Voir Thierry Michalon dans
« Quel État pour l'Afrique », page 23.
* 40 Voir Presses de
l'U.N.E.S.C.O., « l'affirmation de l'identité culturelle et
formation de la conscience nationale dans l'Afrique contemporaine page 10 et
suivantes.
* 41 Voir Cheikh ANTA Diop
dans « les fondements économiques et culturels d'un
État fédéral d'Afrique Noire » Présence
africaine, pages 17 / 19.
* 42 D'après Frantz
Fanon dans : « Les Damnés de la terre », ed.
Maspéro 1966, page 184, cité par Georges P. Hagan dans sa
communication dans les presses de l'U.N.E.S.C.O. précité page
89.
* 43 Cf. Cheikh Anta Diop
Ibidem.
* 44 Cf. Ibidem.
* 45 Pathé Diagne
cité par Bernard Moleur dans la Revue « Droit et
cultures », 1983, n°5, page 110.
* 46 Frantz Fanon, Op-cit,
pages 174/175 cité par Georges P. Hagan dans sa
« communication, U.N.E.S.C.O. » déjà
cité. 1981, page 87.
* 47 Voir Thierry dans le
Journal « Le Censeur européen », vol II (1817)
pages 222/246.
* 48 C'est en effet, sous
l'influence des idées françaises ou en réaction contre
elles que s'ouvrit une nouvelle période ; le conflit entre le principe
d'autorité et la liberté ; l'opposition entre le droit
monarchique et le principe des nationalités dominèrent la
politique européenne. Avec le congrès de Vienne sous l'influence
de Metternich, la solidarité contre-révolutionnaire des monarques
sembla ruiner les espoirs de construire une Europe conforme aux aspirations
nationales des peuples. La nouvelle carte dessinée par la
Sainte-Alliance provoqua des protestations indignées d'une foule
d'écrivains qui cherchèrent à justifier le droit des
« nations » à l'unité et à
l'indépendance ... Tel est d'ailleurs le sens de notre étude de
1991 sur l'idée de Nation et l'occupation française 1815-18181,
mémoire personnel de D.E.A soutenu à Paris X en 1991 sous la
direction de M. Guillaume Maitairie.
* 49 Ainsi en Allemagne,
à propos des duchés danois, le principe des nationalités
ne coïncidait pas avec le droit des peuples à disposer
d'eux-mêmes.
* 50 Cf. André
Thépot dans Encyclopédie Universalis Page 24.
* 51 A l'époque
pré-coloniale, en effet, tout le continent était couvert de
monarchies et d'empires. Cf. Cheikh Anta Diop dans l'«Afrique noire
précoloniale »Présence Africaine, page 74 et
suivantes.
* 52 Voir Nkrumah dans
« Consciencisme ». Ed. Payot, Paris, 1965, page 109.
* 53 Celle de Hegel et de
Marx qui tourne autour de l'idée de « l'arbitraire de la
décision de la volonté » du souverain. Cf. Karl Max
« Critique » de la philosophie de l'Etat de Hegel,
ed.Méga, I, page 427 et suivantes.
* 54 Dans l'Afrique moderne.
* 55 Voir Jean Boulègue,
résumé Thèse Doctorat 1986.
* 56 Hormis la
société casamançaise qui peut être
considérée comme une société « sans
État » c'est-à-dire ici sans pouvoir politique
centralisé. En effet la société diola traditionnelle est
pour reprendre l'expression de M. Fortes et E. Evans Pritchard :
« dépourvue d'autorité centralisée, de
mécanismes administratifs et d'institutions judiciaires
constituées » cité par L. V. Thomas « Revue
de psychologie des peuples », n° 3, troisième trimestre
1968 page, 248.
* 57 Voir acceptions.
* 58 Voir Yoro Dyao, 1912,
pages 16 / 17 sur l'épisode de l'installation de la dynastie des Njaay
dans le Jolof par une sorte d'éviction dans le Walo suivie de
l'extension de cette dynastie sur l'ensemble de la Sénégambie.
* 59 Propos confirmés
par Jean Boulègne « Le grand Jolof » page 71.
* 60 C'est ainsi que dans le
Cayor qui était soumis au Jolof jusqu'au VI° siècle date de
son indépendance aux côtés du Damel Chefroi,
l'administration centrale était regroupée de la façon
suivante :
« - Le premier Ministre nommé par le roi
présidant le Conseil des Grands Électeurs avec une voix
prépondérante, Commandant des troubles libres, contrôleur
de l'administration locale.
- Le chef de la sécurité intérieure ;
- Le Ministre chargé des problèmes
économiques : ravitaillement, redevances et esclaves. (Il ne faut pas
oublier qu'à l'époque les captifs étaient un objet de
commerce très important) ;
- L'intendant du Palais et des richesses du Damel, homme de
confiance du roi bien entendu ;
- Enfin le Chef du protocole ; tous membres du Conseil des
Grands Électeurs ». CF. Nathalie Reyss « Les Grands
Révolutionnaires », Ed. Martinsard Romorantin 1985, pages
12.
* 61 Cf. Jean
Boulègne dans « Le Grand Jolof », page 57.
* 62 Ici Jean Boulègne
se réfère à Yves Person qui a ainsi désigné
le Jamau malinké pour l'utilisation du terme clan. Cf. Yves Person dans
« Samory une révolution dyula ». Dakar I.F.A.N,
1968, pages 53 54, rapporté par Jean Boulègne Ibidem.
* 63 Il s'agit notamment de
l'interdit alimentaire animal. Cf. Ibidem.
* 64 Yoro Dyao, 1929 page 170
cité par Jean Boulègne Page 58.
* 65 Cf. Ibidem.
* 66 Cf. Oumar Ndiaye Leyti,
1966 dans le « Djolof et ses Bourbas ». Bull. I.F.A.N B, t
XXVIII 3 & 4 page 973.
* 67 Cf. Jean Boulègne,
précité page 58.
* 68 Cf. note n° 27, Jean
Boulègne précité page 58.
* 69 Cf. Ibidem.
* 70 Cf. Jean Boulègne,
op-cit, page 59.
* 71 Cf. tableau de Martin et
Becker cité par Jean Boulègne. op-cit, page 60.
* 72 Cf. Ibidem.
* 73 Voir Hegel : «
La phénoménologie de l'esprit ». Ed. Aubin, 1941
traduction de J. Hypolite, page 140.
* 74 Balandier cité
par Iba Der Thiam dans « Comment les structures traditionnelles
peuvent féconder la reconstruction de l'Afrique moderne »
communication publiée par U.N.E.S.C.O. dans « Affirmation de
l'identité culturelle ... » 1981, page 184.
* 75 Pour la
société wolof traditionnelle nous nous référons
essentiellement à Jean Boulègne qui a pris le soin de recueillir
des témoignages dont la qualité scientifique et
l'objectivité ne font aucun doute. Sa vision sera
complétée par un bref rappel des structures sociales du Fouta
sénégalais et de la Casamance qui sont devenus des
éléments de la « Nation »
sénégalaise. Pour les raisons déjà
évoquées nous pouvons dire qu'en ce qui concerne es structures
socio-politiques de la société du Jolof traditionnel, nous lui
sommes redevables. Cf. Jean Boulègne dans le « Grand
Djolof » diffusion Khartala, Paris, ed. Façade, Blois 1987,
page 53 et suivantes.
* 76 Cf. Infra supra, pages 39
/ 41.
* 77 Cf. Voir L. V. Thomas
dans « Revue de psychologie des peuples » N°3,
troisième trimestre 1968, page 249.
* 78 Il y avait dans le
système traditionnel diola quatre sous-groupes :
- 1°) Le clan maximal - Il se confond
avec l'ethnie diola répartie sur un territoire délimité,
donné - à l'origine des temps - par Dieu (domaine du mythe).
- 2°) Les clans nominaux - ils sont
représentés par « les animaux
totémiques », symboles des ancêtres lignagers
fondamentaux et distribués par villages ou groupes de villages. Avec eux
apparaissent les premières divisions territoriales, fruit le plus
souvent de conquêtes militaires (domaine commun du mythe et de
l'histoire).
- 3°) Les lignages étendus, (4 à 6
générations) - ils sont nés de
l'éclatement démo-géographiques des clans nominaux et
constituent les Hukin, liés territorialement au village ou
organisés en quartiers (...).
- 4°) Les lignages restreints - Ils
répondent à deux structures sociales qui demeurent les centres de
référence concrets et nettement localisées de la tenure
foncière :
a)- Le Hâk ou concession, c'est-à-dire la
famille large, indivise occupant « le carré » et
soumis au patriarche-prêtre. Il se désagrège rapidement de
nos jours.
b)- Le butôg ou famille conjugale vivant dans la case
et devenant rapidement le « groupe dominant ». Cf. L. V.
Thomas, précité, p. 248-249.
* 79 En effet, la
philosophie diola était basée sur l'oralité,
c'est-à-dire le débat démocratique, la discussion
jusqu'à l'extinction des voix. Parce qu 'au début
était le verbe : pour eux « c'est le verbe, en effet, que Dieu
a crée le monde et commande la pluie qui féconde les
rizières ». Cf. Thomas dans « Revue de psychologie
des peuples », n°3 troisième trimestre, 1968, page
246.
* 80 Voir au niveau des
rapports de force.
* 81 Cf. Yaya Wane dans le
« Fuuta Toro : Stratification sociale et structures
familiales », Dakar, I.F.A.N., 1969, page 43 et suivantes.
* 82 Ibidem.
* 83 Fernandes Valentin,
Trad. Th. Monod, A. Teixeira Da Mota et R. Mauny « Description de la
côte occidentale d'Afrique » par Fernades (1506-1507) Bissau
Centro de estudo de Guine Portugal, 1951, page 11, rapporté par Jean
Boulègne page 53.
* 84 Ca Da Mosto 1966, pages 42
/ 43 rapporté par Jean Boulègne, ibidem.
* 85 D'après Yoro Dyao
publ. R. Rousseau « le Sénégal d'autrefois.
Études sur le Oualo », 1929 page 185.
* 86 Cf. Almada 1964, op-cit,
page 265.
* 87 Cf. Louis Chambonneau
de « Traité de l'origine des nègres du
Sénégal Côte d'Afrique ... suivi de « l'histoire
de Toubenan ... » en 1677 bibliothèque municipale de Dieppe ms
66 et « deux textes sur le Sénégal
1673-1677 » publ. Carson I. A. Ritchie B. IFAN B t XXX 1968, 1 p.
289-35. Mais surtout l'édition de 1968 disponible aux archives
Nationales du Sénégal qui asemble-t-il supprimé certains
passages devenus illisibles. Cependant, il existe un manuscrit à la
bibliothèque municipale de Dieppe ms f 15 que nous n'avons pas pu
consulter mais que J. Boulègne nous rapporte dans le « Grand
Jolof », page 54.
* 88 G. Balandier dans
« Anthropologie politique ». Ed. P.U.F, 1967, page 100.
* 89 Cf. L. V. Thomas sur les
diolas, précité.
* 90 Louis Dumont
« Homo hiérachicus » Paris Gallimard 1967, pages 271
/ 272.
* 91 Voir Jean
Boulègne, précité page 56.
* 92 CF. Mamadou Diouf :
« La Kayor au XIX siècle » Thèse, Paris 1,
1980, page 165.
* 93 Ceci expliquerait donc
que les relations matrimoniales soient plus fréquentes entre
« geer » et « jaam » qu'entre
« jaam » et « gnegno », même
actuellement les descendant des «géér » se marient
plus facilement avec les descendants des « jaams » qu'avec
ceux des « gnegno ». Confirmé par Abdoulaye Bara
Diop « La société wolof » tome 1 Paris
Karthala 1981, page 208.
* 94 Voir Théodore
Molliendans « l'Afrique occidentale en 1818 vue par un explorateur
français ». Présentation de Hubert Deschamps, Paris
Calmann-Lévy, 1967, page 80.
* 95 Cf. Pathé Diagne
dans « Le pouvoir politique traditionnel en Afrique
noire », Paris, Présence Africaine, 1967, pages 61 / 71.
* 96 Confirmé par Jean
Boulègne, précité, page 57.
* 97 Cf. Mamadou Niang :
« La notion de mbok », bull. IFAN, octobre 1972, page 820
et suivantes.
* 98 Termes rapportés
par Mamadou Niang, ibidem.
* 99 Cf. Ibidem.
* 100 Cf. Ibidem.
* 101 Assane Marokhaya Samb
nous rapporte que le prince Latsoucabé Ngoné Dièye
cherchait de nombreuses femmes et enfants dans plusieurs villages en vue de
bénéficier de l'aide des habitants en cas de conflits. Cf.
Ibidem.
* 102 CF. Mamadou Niang,
précité.
* 103 Lire à ce
sujet Histoire du Oualo, lutte contre le Cayor, Bull. com. et histoire
scientifique, A.O.F, 1920, pages 242 / 252.
* 104 Pathé Diagne,
op-cit page 132.
* 105 CF. Infra
témoignages de Yoro Dyao sur l'alliance entre les Européens et
les gens du Toubé, chapitre IV.
* 106 Cf. Ibidem.
* 107 Cf. Mamadou Niang,
précité.
* 108 Cf. Ibidem.
* 109 Selon Mamadou Niang
ibidem.
* 110 CF. Ibidem
* 111 Seulement le lignage
paternel sera revalorisé notamment avec l'islamisation du
Sénégal ainsi que le guégno (lignage paternel) se
substituera progressivement au meen (lignage maternel) avec l'oncle maternel
grand responsable du droit coranique. Le « meen » subsista
encore par son rôle de tuteur, de protecteur de ses neveux mais il vit
à côté de lui l'oncle paternel qui emprunte d'ailleurs le
même terme « nijaay » pour assurer les mêmes
fonctions.
* 112 CF. Mamadou Niang
Ibidem.
* 113 Cf. Nathalie Reyss dans
« Les Révolutionnaires, page 12.
* 114 Cf. Pathé Diagne
dans « Pouvoir politique traditionnel en
Afrique »,Op-cit page 61.
* 115 Cf. Pathé Diagne,
op-cit, page 64.
* 116 Aujourd'hui le terme
« alkatis » signifie policier en wolof.
* 117 D'après
Pathè Diagne, ibidem, page 64.
* 118 Surtout aussi, nous
précise Pathé Diagne du fait des droits que leur confère
l'appartenance à la même lignée que celle des maîtres
de terres. Cf. Pathé Diagne, op-cit page 66.
* 119 Note Pathé
Diagne, dans « Pouvoir politique traditionnel en Afrique »,
p. 67 et qui fait remarquer que : « les esclaves des
communautés sont propriété des lignées. Ils ne
peuvent être redistribués quelle que soir l'époque ancienne
ou tardive à la quelle les familles qui les constituent ont
été acquises et aussi quelles que soient les modalités de
cette acquisition. Toutefois, ce qui les caractérise procède
surtout du fait qu'ils forment un corps plus ou moins cohérent qui
donne non seulement un contenu au patrimoine de la lignée mais lui
confère sa continuité et son seul élément
d'unité réelle ». Il poursuit en disant que :
« les esclaves des communautés se classent dans des
hiérarchies qui épousent en tout point de vue de point celles de
leurs maîtres. Les esclaves de la communauté Guelwar l'emportent
en noblesse, si l'on peut dire, sur ceux des autres communautés. De
façon générale, l'autorité et le prestige du chef
de famille rejaillit sur les personnes détenues par sa
lignée ». Cf. Ibidem.
* 120 En effet le respect de
cette hiérarchisation était telle que « les alliances
entre esclaves des différentes communautés » ne
pouvaient se faire « au hasard des rencontres mais comme celles de
leurs maîtres en tenant compte des positions respectives des partenaires
dans les structures sociales » Cf. Pathé Diagne, Op-cit, page
69.
* 121 « Elles
n'en ont pas été moins fréquentes sous des formes plus ou
moins légitimes. Comme l'a déjà dit nombre de domi Bour de
père donc Guelwar sont de mère esclave. Mais en principe dans les
familles peu aisées, le fils d'une esclave conserve la condition de sa
mère. Cf. Pathé Diagne, op-cit, page 70.
* 122 Cf. Pathé Diagne,
op-cit, page 71.
* 123 L. V. Thomas
« Le socialisme et l'Afrique », tome 1, Paris 1966, page
8.
* 124 Comme le Damel du
Cayor.
* 125 La royauté
s'était établie tout naturellement dans la famille d'abord, dans
la cité plus tard. Elle ne fut pas imaginée par l'ambition de
quelques-uns, elle n'aquit d'une nécessité qui était
manifeste aux yeux de tous. Pendant de longs siècles elle fut paisible,
honorée, obéie. Les rois n'avaient ni armées, ni finances,
mais soutenues par les croyances qui étaient puissantes sur l'âme
; l'autorité était sainte et inviolable ». Cf. Fustel
de Coulanges / « La cité antique », Paris 1930, page
208, Ed. Hachette.
* 126 Voir Langenhove dans
« Conscience tribale et conscience nationale en
Afrique ».
* 127 Cf. Dictionnaire de
l'ethnologie de Michel Panoff et Michel Perrin, Petite bibliothèque
Payot, page 96.
* 128 Cf. Infra, page
96/97.
* 129 Voir Léopold
Sédar Senghor dans «Libertés I, Négritude et
Humanisme ». Ed. Seuil, 1964, page 29.
* 130 Après un bain
rituel (xuli xuli) qui était censé commémorer le
séjour de Njajaan Njaay dans le fleuve Sénégal, le roi
recevait des armes qu'il tenait en sa main gauche, puis il gravissait le tertre
où il recevait `l'investiture définitive. Cf. « Cahiers
de Yoro Dyao ». Publ° H Gaden
« Légendes et coutumes
sénégalaises », 1912, page 27.
* 131 Cf. Geodefroy de
Villeneuve René « L'Afrique ou l'histoire des moeurs, usages
et coutumes des Africains. Le Sénégal, Paris Nepveu, 1814, tome
III, page 44.
* 132 Cf. « Le
Sénégal d'autrefois. Études sur le Cayor. Les cahiers de
Yoro Dyao ». Publ° R. Rousseau, 1933, page 280.
* 133 Rapporté par Jean
Boulègne « Le Grand Jolof », page 61.
* 134 Jean Baptiste Labat
« Nouvelles relations de l'Afrique occidentale » Paris
Cavalier, 1728, tome IV, page 134.
* 135 Rapporté par Jean
Boulègne, op-cit, page 70.
* 136 La plupart des
auteurs que nous avons rencontrés sont unanimes sur ce point et c'est
confirmé par Jean Boulègne. Cf. Ibidem.
* 137 Cf. Ibidem.
* 138 Cf. Ibidem.
* 139 Cf. Infra, pages
39/40.
* 140 Il s'agit des
« grands » dont parlent les textes européens
d'après J. Boulègue précité, page 70.
* 141 Cf. Infra, chap. IV.
* 142 Voir Chap. IV infra
... Notons aussi que les Kangams formaient un véritable réseau
de percepteurs mais ceci était la situation du XIX° siècle.
Jean Boulègue nous fait remarquer qu'ils étaient
« certainement moins nombreux au moment où la fiscalité
était embryonnaire, c'est-à-dire quatre siècles
plutôt » Cf. J. Boulègue, op-cit page 71.
* 143 Cf. Ibidem
* 144 Mot introduit par W.
G. Summer, dans Folkways (1907). Attitude des membres d'une
société qui ramènent tous les faits sociaux à ceux
qu'ils connaissent ou qui estiment que leur culture est meilleure et
préférable à toute autre. L'Ethnocentrisme peut être
considéré comme un phénomène universel, mais il a
revêtu dans certaines sociétés en particulier dans la notre
un aspect activiste et conquérant qui justifié à la seule
vue de notre supériorité technique, s'exerce au détriment
des autres peuples sous la forme de racisme. La plupart des sciences
occidentales sont rarement à cette attitude. Voir : acculturation,
ethnocide, génocide. Cf. Définition Dictionnaire de l'Ethnologie
précité.
* 145 Voir niveau
religieux.
* 146 Cf. Jean Devisse
« Ethnocentrisme ... » in « Recherche,
Pédagogie et Cultures », mars-avril 1980, pages 38/39.
* 147 Dicton cité par
J. Nyéréré.
* 148 « De ce que
j'ai dans la conduite des Noirs. Les actes d'injustice sont rares chez eux ; de
tous les peuples, c'est celui qui est le moins porté à en
commettre et le Sultan (roi nègre), ne pardonne jamais à
quiconque s'en rend coupable. De toute l'étendue du pays, il
règne une sécurité parfaite ; on peut y demeurer et
voyager sans craindre le vol ou la rapine. Ils ne confisquent pas les biens des
hommes qui meurent dans leur pays, quand même la valeur serait immense,
ils n'y touchent pas, au contraire, ils préposent à
l'héritage des curateurs choisis parmi les hommes blancs et il reste
entre leurs mains jusqu'à ce que les ayants-droits viennent les
réclamer ». Ibn Batouta « Voyage au
Soudan », Traduction slane p. 36 coté par Cheikh Anta Diop
« L'unité culturelle d'Afrique noire ». Collection,
Présence Africaine, Paris V° 1959, page 153.
* 149 « La
corruption apparaît ... le long de la côte d'Afrique,
peut-être parce qu'elle est depuis plus longtemps au contact de
l'influence corruptrice du colonialisme de traite de ses compradores et de ses
prostituées » René Dumont « L'Afrique est mal
partie » Ed. Seuil, Paris 1962, page 78.
* 150 « La
société africaine traditionnelle était parvenue à
ce résultat, riches et pauvres y étaient les uns et les autres en
sûreté ... Nul n'était privé de nourriture ou de
dignité humaine par simple manque de richesse de la communauté
dont il était membre ... Cf. Julius Nyeréré
« Les fondements du socialisme africain » in
Présence Africaine, 3° trimestre, page 10.
* 151 Cf. Ibidem.
* 152 Cf. Pathé Diagne
dans « Pouvoir politique traditionnel en Afrique », page
77.
* 153 Pathé Diagne
affirmera que « ni le Mad du Sine, ni le Bour du Saloum ne sont des
incarnations de Rogsen ; encore moins les prêtres de son
sacerdoce » et que « tout le monde s'accorde sur ce point
de vue ». Mais il semblerait qu'une contestation existe sur ce
point.
Mais « la conscience d'institutions simplement
élaborées par des hommes et aménagées sur la base
du droit de conquête et selon les intérêts alors en
présence est restée vivace. Elle est attestée par toute
une série de faits. La magistrature suprême personnifiée
par le Mad n'est pas héréditaire mais
élective ». Ibidem.
* 154 Pathé Diagne,
op-cit, pages 75-76.
* 155 Pathé Diagne,
op-cit, page 77
* 156 Voir L. V. Thomas dans
« Le socialisme et l'Afrique », Livre africain, Paris 1966,
page 7.
* 157 Voir Rousseau,
« Le Sénégal d'autrefois » dans
« les Cahiers de Yoro Dyao, P. S. tome XIV 10, juillet-septembre
1931, Ed. Larose 1932.
* 158 Voir Rousseau, op-cit
pages 6-7, autour du village de Toubé (Nord), d'autres villages s'y
fondèrent Ndiakhère, Maka, Gaye-Gaye, Balèle. Ce
début de peuplement a en croire notre chroniqueur est de peu
antérieur à la formation du Grand Jolof.
* 159 CF. J.
Nyéréré « Les fondements du socialisme
africain », Présence Africaine, 3° trimestre 1963, page
11.
* 160 Voir Basile J. Fouda
dans « la philosophie africaine de l'existence : thèse de
doctorat de troisième cycle Lille 1967.
* 161 Voir titre
d'intronisation des rois wolofs, infra, page 128. ...
* 162 En effet «
ce ne sont pas seulement les lointaines conséquences politiques de la
Réforme, c'est le développement économique des
États allemands qui fit l'unité allemande ; ce n'est pas un
hasard si la notion de l'Économie nationale (Nationalökonomie)
apparaît avec Liszt peu après que la notion de la Nation allemande
se fut clarifiée dans l'esprit de Fichte et dès 1813 ... Mauss
« Cohésion sociale » ..., op-cit page 589.
* 163 Il fallait que
l'idée de nation fût présente à la masse
française et allemande pour qu'elles se donnassent une unité
économique ; il fallait réciproquement que l'unité
économique fût une nécessité matérielle pour
prévaloir sur les intérêts établis dans les
économies fermées des villes, des petits États et des
provinces ... Non seulement c'est l'histoire moderne qui est
résumée ici » d'après Mauss « mais
encore l'histoire économique générale de l'humanité
... « Mauss précité page 590.
* 164 Cf. Ibidem.
* 165 Cf. Ibidem.
* 166 La coïncidence
du nationalisme et du protectionnisme, l'idée que l'économie
nationale doive être fermée n'est qu'une forme, sans doute
pathologique, mais sûrement fréquente, et fort naturelle, une
simple exagération du phénomène normal qui, naturellement,
unifie économiquement les membres d'un même groupe ou d'une
même nation, sans distinction de classe ou d'origine ... Mauss pages
590-591 in « Cohésion sociale et divisions de la
sociologie ».
* 167 Voir E. Renan
« La Revue », précité.
* 168 CF. J.
Nyéréré dans « Les fondements du socialisme
africain » dans Présence africaine, 3° trimestre 1966,
page 12.
* 169 Cf. Supra, page 46.
* 170 D'après Joseph
Ki-Zerbo, « Histoire de l'Afrique noire », Paris, Hatier,
1978, page 636.
* 171 Voir
« L'esprit des lois » de Montesquieu. Paris, Ed. Garnier,
1922.
* 172 Pathé Diagne,
« Pouvoir politique traditionnel en Afrique », op-cit, page
99.
* 173 En effet,
« les fonctions restent dans une large mesure les émanations
et classes des catégories sociales en présence. Tout l'appareil
politique et administratif semble être pensé pour trouver une
expression équilibrée des trois ordres noble, libre et servile.
Cf. Pathé Diagne, ibidem.
* 174 « Au
départ, il y a cette conquête Mandingue évoquée
à propos de l'origine des Guelwar. Elle se situe au XIV°
siècle. Les armées des Mansas qui conquièrent le pays
mettent en veilleuse l'aristocratie locale des lamanes qui exerçaient
jusqu'alors des pouvoirs épars. Ce sont les Farba, esclaves de la
couronne du Mali, qui sont chargés de l'organisation et du
contrôle du pays. Les principes qui sont mis en oeuvre ici restent
typiques du pouvoir plus ou moins autocratique des Mansa. Ceux-ci ne
procèdent pas différemment au Sine, dans les provinces
tékrouriennes ou dans les régions arabo-berbères du
Sahara. L'appareil politique dans ses différents cas semblent toujours
être constitué par un personnel de condition servile. La
présence de cette caste qui domine et exerce un pouvoir sans partage ne
manquera pas d'avoir des effets sur les phénomènes
socio-politiques. Elle déclare peut-être l'absence de complexe
dont les descendants des Farba feront preuve par la suite et aussi la
tolérance très large que le monde sérère a
traditionnellement montrée à leur égard. La
fréquence des unions entre les éléments de cet ordre et
des ordres libres puise peut-être là l'essentiel de ses motifs.
L'aristocratie, on le sait ne s'est pas épargnée de telles
unions. Les « Sérères Refo Rekk »
écartés de tout pouvoir et même méprisés
comme des sujets conquis, le seront encore moins ». Ibidem.
* 175 Cf. Ibidem.
* 176 C'est le moins ce que
rapporte la tradition orale. Les dépositions de Y. Dyao confirment cette
hypothèse.
* 177 « Les
nouveaux suzerains auraient peut-être simplement contribué
à réajuster les institutions politiques dans des perspectives
telles, que la Monarchie qui s'installe ou se réinstalle partage le
pouvoir avec la caste d'esclaves attachés à l'appareil
d'État. Cette intervention des Bourba explique que les historiens locaux
soutiennent une opinion que nous avions contestée à tort et qui
fait de l'Empire wolof le pourvoyeur des institutions politiques
sèréres ». Pathé Diagne, ibidem.
* 178 « Il manque
encore des précisions pour déterminer la période à
partir de laquelle des éléments constitutifs d'une Monarchie
commencent à être mis en place. Il n'est pas impossible qu'un
processus ait été déclenché en ce sens dès
l'avènement de l'Empire Wolof avec la présentation des
éléments immigrés au sein des institutions (Pathé
Diagne, op-cit, pages 73/74.
* 179 Cf. A. Spirkine
« Le matérialisme dialectique », Éditions du
progrès Moscou 1986, page 172.
* 180 A. Spirkine, op-cit,
page 173.
* 181 Cf. « Discours
de la Méthode » Le Livre mondial.
* 182 Citation
rapportée par Spirkine, op-cit, page 174.
* 183 Remarquez que dans la
religion la conscience peut aussi se définir par rapport à la
capacité de distinguer le Mal du Bien.
* 184 Cf. A. Spirkine,
ibidem.
* 185 Cf. Ibidem.
* 186 A. Spirkine, op-ci page
177.
* 187 Voir P. Timbal dans
Encyclopédie Universalis, page 7.
* 188 La « Patria
Juris scripti », soumise au « droit
écrit » fortement marquée par le droit romain englobe
les ays où l'on parle « la lingua occitana » ; elle
est constamment opposée à la « patria »
consuetudinaria » pays de coutume où l'on s'exprime en langue
d'oil. Ibidem.
* 189 Voir Joseph Greenberg
dans « Présence Africaine », 1° trimestre 1963,
pages 35 et suivantes.
* 190 Ainsi dit-il les
langues romaines actuelles comme la français ..., ont commencé
par être des dialectes du Latin qui était à l'origine la
langue de Rome.
* 191 Cf.Greenberg dans
« Présence Africaine », op-cit, pages 39/44.
* 192 Cité par A.
Spirkine dans le « Matérialisme dialectique » in
Manuel des Sciences sociales, Ed.° du progrès, Moscou, 1986, page
217.
* 193 Cf. Ibidem.
* 194 Cf. Ibidem.
* 195 Voir notamment Cheikh
Anta Diop dans « Les fondements économiques et culturels
d'un État fédéral en Afrique noire » Ed.
Présence Africaine, 1974, page 19.
* 196 Cf. Ibidem.
* 197 Cf. Développement
: niveau ethnique infra page 96.
* 198 Cf. Infra
nationalité page 368.
* 199 CF. Supra intro, page
7.
* 200 CF. Dictionnaire de
l'Ethnologie de Michel Panoff et Michel Perrin Petite Bibliothèque
Payot, page 96.
* 201 Voir Marcel Mauss
dans « cohésions sociales et divisions de la
sociologie ». Ed. Minuit, page 577.
* 202 Cf. Ibidem.
* 203 Cf. Ibidem.
* 204 M; Mauss
précité, page 596.
* 205 Cf. Ibidem.
* 206 Cf. Ibidem.
* 207 Mauss, ibidem, page
597.
* 208 Les débats
à la Conférence de la Paix mirent ceci en lumière : les
critères linguistiques ont servi d'arguments, le nombre de mots de
vocabulaire, de « l'onomastique géographique »
(selon l'expression de Mauss) prouvant ceci ou cela ont fait l'objet de
débats. « Telle population fut-elle deslavisée,
dégermanisée, ou tel ou tel sol fut-il autrefois peuple de tels
ou tels peuples dont la proportion linguistique a changé, c'est une
raison suffisante pour revendiquer une frontière, une province dont les
habitants n'ont pas le moindre souvenir ou le moindre goût de telle ou
telle nationalité ... » Mauss op-cit, page 599.
* 209 Cf. C. A. Diop
« Les fondements économiques et culturels d'un État
fédéral d'Afrique noire » Chapitre II, pages 20-21.
* 210 Voir Infra, page 102.
* 211 Terme usuel au
Sénégal.
* 212 « Une masse
britannique à laquelle se superposent de toutes petites masses compactes
ici, s'étendent là, d'abord angles et saxonnes, ensuite normandes
et danoises, enfin franco-normandes. Voilà ce que fut l'histoire
réelle de l'Angleterre. Ce fut aussi l'histoire réelle de la
langue. Cette masse bretonne qui avait renoncé à sa langue pour
l'anglo-saxon, prononçait tout de même celui-ci à sa
façon (par exemple avec « th » que les dialectes
celtiques de Grande-Bretagne avaient et conservent) ».
Elle gardait aussi une toute petite part de vocabulaire et
simplifiait forcément morphologie et syntaxe.
Puis ce furent les invasions normandes et danoises de l'Est :
elles ne laissent guère de trace que dans le vocabulaire, dans certains
éléments correspondant plus spécialement au droit et
à la technique surtout maritime. Enfin, ce sont les Normands en
réalité de purs français de bonne souche gallo-romaine,
équipés et entraînés par une poignée de
Normands plus ou moins métissés. Guillaume lui-même n'avait
qu'un ancêtre sur quatre pur Normand. Et du coup, le vocabulaire change,
s'accroît, s'altère dans ses proportions, et la langue anglaise en
même temps que l'Angleterre se forme avec ce caractère
spécial d'avoir un vocabulaire en grande partie latin, des verbes
germaniques, une phonétique à soi, une morphologie
particulière où le genre et le nombre disparaissent presque et
une syntaxe qui n'a presque plus rien des couches primitives ». Cf.
Mauss précité.
* 213 Cf. Mauss, Ibidem.
* 214 Cf. Mauss
précité
* 215 « Le fait
est général en Australie où tous les observateurs
s'accordent à dire que lorsqu'un de ces drames primitifs dont nous avons
parlé se transmet, il se transmet dans sa langue, telle qu'ait
été la distance des tributs créatrices et des tributs
intermédiaires. Et de ce fait, ce sont les rythmes australiens que
Strehlow vient d'enregistrer dans deux tributs du centre. Cela montre
l'énorme extension, à presque tout le rituel, de cette
règle, les Aruntas employant nombre de mots, de phrases, de chants
entiers des Loritzas et inversement. Ce n'est pas aujourd'hui que la messe a
été dite en latin. L'opéra se chante en Italien et
halte » est un mot germanique ». Cf. Mauss, ibidem.
* 216 Comme par exemple la
rhétorique, la logique grecque, la dialectique et la sophistique sont
devenues la base de notre raisonnement.
* 217 Le russe a moins de
chances d'être la langue panslave qu'il n'en avait il y a six ans
à peine. l'Allemand continue à rester fidèle aux consignes
de Guillaume II proscrivant l'emploi des mots latins et français,
même sur les livres de cuisine. Cf. Mauss, idem.
* 218 Cf. Jean Devisse dans
« Ethnocentrisme ... » in Recherche, Pédagogie et
Cultures, Mars-Avril 1980, page 36.
* 219 Cf. Ibidem.
* 220 Mauss op-cit pages
573-638.
* 221 Comme les sciences,
les techniques ont leurs divers étalons et méthodes. En plus de
ce langage, « l'extension des formes d'art, d'économie et de
droit ne va pas sans un langage particulier emprunté aux civilisations
originaires comme nous empruntons au vocabulaire politique anglais le mot
« Parlement » dans un autre sens que celui où nous
employions ce mot lorsque les parlements n'étaient plus que des cours de
Justice. En fait, il s'est crée, en théologie, en morale, en
philosophie, non pas seulement dans la science et les beaux-arts, un
vocabulaire généralement équivalent. L'islam, le
bouddhisme ont véhiculé des idées avec des mots dans
l'Orient et l'Extrême-Orient, tout comme la philosophie et le
christianisme, en partie héritier comme celle-ci. Et non seulement des
mots, mais encore des formules, des lieux communs ; ou bien des civilisations
peuvent se rencontrer et se compléter. En fait, un bon tiers de notre
vocabulaire moderne au moins, une bonne partie de notre conversation est pleine
de ces aphorismes, de ces tournures identiques, de ses raisonnements, de ces
problèmes et solutions, qui sont l'acquis même de la raison pur et
de la raison pratique et du jugement humain. Les idées sont non
seulement traduisibles, elles sont identiques. Il n'y a aucune espèce de
raison de supposer qu'avec le développement considérable des
sciences, des arts, y compris la politique et le morale des beaux-arts et de la
raison, fruit de l'éducation et de la traduction humaine, cette part
universelle de notre esprit n'aboutisse à un langage unique trouvant
partout des équivalents, même dans les détails du
discours ». Cf. Mauss, Ibidem.
* 222 Cf. Mauss, Ibidem.
* 223 Voir Renan cité
par la « Revue Janvier 1993 », page 28.
* 224 Nous nous
référons ici aux témoignages rapportés par Jean
Boulègue dans l'ouvrage précité « Le Grand
Djolof » (XII°-XVI° siècles). Les anciens royaumes
wolof (Sénégal), Diffusion Karthala, Paris 1987, page 18 et
suivantes.
* 225 D'après Jean
Boulègue, précité.
* 226 Cf. Ibidem.
* 227 Cf. Ibidem.
* 228 Cf. Niveau
linguistique.
* 229 Rapporté par Jean
Boulègue, ibidem, page 18.
* 230 Cf. André de
Almada : de «Tratado breve dos Rios de Guine do Cabo verbe ... »
( 1954). In Brasio 2° série, Vol. III 1964, pages 329/378.
* 231 Cf. Infra citation
Dictionnaire de l'Ethnologie page 87.
* 232 CF. Almada, Ibidem.
* 233 CF. Mouhamadou
Diallo, cours de 3° année de Lettres, UCAD sur La stratification
sociale ou la division en castes » voir niveau hiérarchie
sociale supra.
* 234 Cf. Ibidem.
* 235 Cf. Ibidem
* 236 Cf. Ibidem.
* 237 D'après
Pathé Diagne dans « Pouvoir politique traditionnel en
Afrique », pages 120/121.
* 238 Cf. Ibidem.
* 239 Cf. Ibidem.
* 240 Les Ardo
Wodabé, chef politique de la faction des nomades reste le plus connu. Il
en existait d'autres: ardo du Ndiambour, ardo de Coki, etc.
* 241 D'après
Pathé Diagne, ibidem.
* 242 Cité par Jean
Boulègue, op-cit, page 19.
* 243 « On
pourrait diviser le royaume de Damel en trois provinces qui ont des idiomes
différents, à savoir les Lébous, les Iolofs et les
Nones ». D'après Douet de Siblas Jacques, « La Kayor
et les pays voisins au cours de la deuxième moitié du XVIII°
siècle » 1974, p. 37, cité par J. Boulègue,
op-cit, page 19.
* 244 D'après J.
Boulègue, ibidem.
* 245 - Les
« Noon (Nones) peuplent la région boisée qui
s'étend autour de Thiès et le Nord de Jabaas (Diobas), une partie
des « noon » (lexaar) se situent au Nord du pays des
« Ndut ».
Le nom de « noon » signifie
« ennemi » en wolof, il a aussi servi à
désigner les « Ndut » et les
« Saafen ».
- Les « safeen » peuplent un petit massif
de collines en bordure de l'Océan, autour de Njas (Diass), et plus
à l'intérieur au niveau des collines du Jobaas.
* 246 « Nous
avons rien pour apprécier au XVII°, avant ma saignée
démographique engendrée par la traite négrière,
l'importance numérique des Waloo-Waalo (habitants du Waalo » note
Boubacar Barry dans : « Le royaume du Waalo. Le Sénégal
avant la conquête », Ed. Karthala, page 45.
* 247 Cf. Ibidem.
* 248 D'après
Pathé Diagne « Pouvoir politique traditionnel en Afrique
occidentale », page 58.
* 249 Cf. Ibidem.
* 250 Cf. Ibidem.
* 251 Cf. Page 96.
* 252 Cf. Pathé Diagne,
précité, page 58.
* 253 Cf. Ibidem.
* 254 Jean Boulègue,
op-cit, pages 19/20.
* 255 Une fois
passée, ce petit golfe, cette côte du Cap-Vert est habitée
par deux générations, l'une appelée Barbacini, l'autre
séséri. Quoique Noirs, ils ne sont pas soumis au roi de
Sénégal. Ceux-ci n'ont pas de roi ni de seigneur particulier,
mais ils honorent certains plus que d'autres selon la qualité et la
condition des hommes. Ils ne veulent aucun seigneur parmi eux, afin que leurs
épouses et leurs enfants ne leur soient pas retirés pour
être vendus comme esclaves, comme font les rois et les seigneurs dans
tous les autres lieux des Noirs ». Ca Da Mosto 1966, pages 75/76
cité par Jean Boulègue, page 20.
* 256 Cf. Sens
wébérien du terme.
* 257 Cf. Mauss
précité.
* 258 Proposée par Jean
Boulègue déjà cité.
* 259 Comme était
Israël avant d'entrer à Canaan, les futurs Romains avant la
fondation de Rome, les anciens Germains ...
* 260 En effet là,
« le tribu ne se ressemble que rarement, ne s'administre que
temporairement et le totémisme, dont la nature commence à
être connus, les cultes des espèces animales ou
végétales assimilées ne symbolisent que des clans et
n'arivent que par de pénibles évolutions à symboliser et
fort rarement la tribu ». De ce nombre sont els
sociétés australiennes, mélanésiennes, un bon
nombre des sociétés indiennes d'Amérique. Cf Mauss
« Cohésions sociales » ... » page 580.
* 261 Cf. Ibidem.
* 262 Voir sens occidental.
* 263 Cf.
Compétitions dans la vie politique sénégalaise, infra page
... et l'idée de même de : « une République
Africainee au XIX° siècle. République
léboue » (1795-1857), cf. A. Seck in Présence Africaine
1-2, 1955, pages 47/65.
* 264 Voir conclusion
générale.
* 265 Cf. Aristote cité
par Mauss, op-cit, page 582.
* 266 Cf. Ibidem.
* 267 Mauss, op-cit pages
582/583.
* 268 Mauss, op-cit, page
583.
* 269 Cf. Ibidem.
* 270 Voir dans
« Histoire comparative des Institutions », Diffusion
Karthala, P. A.
* 271 Cf. Infra, pages
164/165.
* 272 Cf. Ibidem.
* 273 Cf. Ibidem.
* 274 Mauss, op-cit, page
584.
* 275 Cf. Ibidem.
* 276 D'après Joseph
Ki-Zerbo dans « Histoire de l'Afrique noire ». Hatier,
Paris 1978, page 129.
* 277 Cf. Ki-Zerbo, ibidem.
* 278 Cf. Mauss ibidem.
* 279 Voir par exmple, la
Chine la plus ancienne, l'Egypte la plus ancienne, les tribus les plus
primitives de la Grèce sont sûrement des sociétés
déjà intégrées ; ainsi toutes les
sociétés indo-européennes à leur entrée dans
l'histoire.
* 280 Par exemple , la
Chine la plus ancienne, l'Égypte la plus ancienne, les tribus les plus
primitives de la Grèce sont sûrement de sociétés
déjà intégrées ; ainsi toutes les
sociétés indo-européennes à leur entrée dans
l'histoire.
* 281 Mauss, op-cit, page
581.
* 282 Cf. Ibidem.
* 283 Il faut donc, dit-il,
« écouter le blé qui lève, encourager les
potentialités secrètes, éveiller toutes les vocations
à vivre ensemble (...) Levis Strauss « Race et
Histoire » U.N.E.S.C.O, Paris, 1952, page 49.
* 284 Cf. Ibidem.
* 285 Cf. Levis Strauss,
op-cit, page 13.
* 286 Voir Jean Devisse :
« Ethnocentrismes ... » in « Recherche,
Pédagogie et Cultures », Mars-avril 1980, page 35.
* 287 Cf. Mauss, page 584
précité.
* 288 Cf. Ibidem.
* 289 Ainsi, en est-il de
toutes les sociétés de l'Asie sauf (peu-être) l'Inde, la
Chine et le Japon qui sont en ce moment à des degrés divers de
transition, en voie de former des Etats.
* 290 Cf. Mauss
précité.
* 291 Voir
développement infra I° partie.
* 292 Cf. Cheikh Anta Diop
dans « Nation, Nègres et Cultures II ».
* 293 Mauss, op-cit page
595.
* 294 Cf. Ibidem.
* 295 Cf. Fondements du
pouvoir dans le Sénégal traditionnel.
* 296 Cf. Gérard Cost
cité par Pierre Timbal dans Encyclopédie Universlis Page 7/25.
* 297 Du Latin extranei
cité par Pierre C. Timbal dans Encyclopédie Universalis, pages
7/25 à propos de la « patria » communauté
territoriale.
* 298 Cf. Ibidem.
* 299 « Mais en
est de même ainsi les Juifs sionistes quand ils revendiquent pour leur
nationalité des quantités de Juifs parfaitement adaptés
à leur pays. Mais tous ces paradoxes, ces paralogismes et ces sophismes
de l'intérêt politique sont produits par un fait fondamental
qu'ils traduisent : de nouvelles races de forment au sein des nations
modernes ».
* 300 « Tels ces
Australiens avec qui nous eûmes l'honneur de vivre, et qui
mélangent en eux les qualités physiques et morales des Anglais,
des Ecossais et les Irlandais qui s'unissent là-bas comme ils ne
s'unissent pas dans les vieux pays ... Mauss ibidem, page 596.
* 301 Cf. Ibidem.
* 302 cf. « De la
nationalité à l'humanité », infra page 365.
* 303 CF. Mauss, page 596
ibidem.
* 304 Voir Ernest Renan
dans « Qu'est-ce-qu'une nation » cité par Daniel
Bensaïd. « La Revue » Janvier 1993, page 28.
* 305 Sur la définition
de l'Ethocentrisme, cf. Infra page 365.
* 306 C'est ainsi que
« les nations sont traditionnelement au nombre de quatre : la
française, la normande, la picarde et l'anglaise remplacée par
l'allemande. Dans les mines on appellera « allemands » tous
ceux qui parlaient une langue germanique ». Cf. P. C. Timbal,
Encyclopédie Universalis page 6 sur l'apparition de l'idée de
Nation.
* 307 Voir J. Strayer :
« The laïcisation of french and english society in the thortheen
century » in speculum 1940, cité par Georges Burdeau dans
Encyclopédie Universalis pages 6 et 9.
* 308 Cf. Michel Panoff et
Michel Perrin, précités.
* 309 Cf. infra.
* 310 Micronationalisme qui
semblerait persister chez les diolas de Casmance.
* 311 Le mot
« nascere » est basé dans notre vision africaine sur
cette « famille élargie » : l'Ethnie. Cf. infra
page 134.
* 312 Renaître =
naître de nouveau.
* 313 Au sens de
« natio » qui vient de « nascere » qui
signifie naître.
* 314 Cf. Développement
au niveau ethnique infra, page 96.
* 315 Cf. Almada cité
ppar Jean Boulègue, « Le Grand Djolof », page 18.
* 316 Voir E. Lemberg
cité par M. Rodinson dans Encyclopédie Universalis page 16.
* 317 On insiste
générlement sur la loyauté ethnique et l'on impose des
rites communs. Cf. Universalis Ibidem.
* 318 Les ethnies sont des
nations mais on peut les appeler des « quasi nations » au
regard de la nation moderne.
* 319 CF.
Encyclopédie Universalis pages 5/25.
* 320 Cf. Pathé Diagne
dans « Pouvoir politique traditionnel en Afrique », page
90.
* 321 Cf. Ibidem.
* 322 La place qu'occupent
les chefs de caste est exceptionnelle dans la vie politique. Ceci pour des
raisons nombreuses et différentes. Socialement les gens de caste
contrôlent l'opinion publique, monopolisent l'information. Ils sont
dépositaires des traditions. Quiconque brigue une
notoriété politique cultive nécessairement leur
amitié et les craint du fait d'un contexte très sensible aux
notions d'honneur, de dignité et de noblesse du sang. Par ailleurs les
gens de caste sont les éléments qui exercent des métiers
dont les techniques sont nécessaires dans un pays où une fraction
croissante de la population abandonne les activités rurales et
pastorales pour le métier des armes ». Cf. ibidem.
* 323 L 'Etat au sens de
royaume ou d'empire.
* 324 Voir niveau moral
I° partie.
* 325 Amadou
Hampathé Ba est un célébre auteur
sénégalais. Il est cité par Bernard Moleur dans la Revue
« Droit et Cultures », DC 3 de l'année 1982, page
36.
* 326 CF. Bernard Duirand
« Histoire comparative des Institutions », page 368.
* 327 Cf. Ibidem.
* 328 Comme l'écrit
J. Strayer : « d'abord et avant tout, je suis un chrétien
ensuite un Bourguignon et enfin un Français ». Cf. J. Strayer
déjà cité.
* 329 Nous ne pouvons citer
guère ici disposer d'écrits. Car la société
africaine est basée sur la « tradition orale ». Les
enseignements se transmettent par le biais de l'éduation au sein
même du groupe. Il est donc nécessaire de ce point de vue de
conaître réellement la mentalité africaine et surtout
locale.
* 330 Cf. niveau moral supra
pages 59 et suivantes.
* 331 Cf. Ibidem.
* 332 Exemple Lat Dior au
XX° siècle.
* 333 Bernard Durand, op-cit,
page 369.
* 334 Cf. Ibidem
* 335 Cf. Supra, page 129.
* 336 Cf. Ernest Renan
précité.
* 337 Cf. Ibidem.
* 338 Cf. Supra pages 167
et suivantes.
* 339 Cela dit les
nationalismes s'exercent au regard de leurs prétentions dans un cadre
plus grand qui transcende les simples frontières, alors que celles-ci
constituent justement les limites de la nationalité.
* 340 Cf. Dictionnaire de
l'Ethnologie déjà cité.
* 341 Voir
« Atlas-Historique », Plèbe = Fili, Terra =
paysan.
* 342 Le terme
« plébisciter » vient de là du reste, quand
un dirigeant fait appel à l'adhésion populaire : c'est l'exemple
du vote direct par le peuple.
* 343 Observation qui
découle des discours politiques de certains dirigeants ou même des
cadres africains.
* 344 D'après le
Dictionnaire usuel illustré Flammarion.
* 345 Cf. Dictionnaire de
l'Ethnologie déjà cité.
* 346 Cf. Dictionnaire usuel
illustré Flammarion précité.
* 347 Dictionnaire de
l'Ethnologie précité.
* 348 Cf. Dictionnaire
Flammarion précité.
* 349 « On dira le
peuple Juif » ... cf. ibidem
* 350 Là, il faudra
sans doute faire appel à l'anthropologie physique qui donne des traits
physiques communs etc., mais malheureusement avec des abus. Ce n'est pas
là l'aspect sociologique et surtout institutionnel du problème
pour éviter tout débordement.
* 351 Cf. Dictionnaire de
l'Ethnologie précité.
* 352 Cf. supra page 120.
* 353 Voir Bernard Durand dans
« Histoire comparative des Instituions » page 380.
* 354 Cf. Ibidem.
* 355 Education dont les
griots entre autres, avaient la charge.
* 356 Cf. Bernard Durand,
précité
* 357 Cf. A Tourraine
cité par M. Rodinson dans Universalis, page 16.
* 358 Voir Sékou
Touré dans son discours radio-télévisé ....
* 359 D'après
l'expression de Marcel Mauss dans « Cohésion sociale et
divisions de la sociologie », op-cit page 581/582.
* 360 Cité par M. Mauss
ibidem.
* 361 Cf. supra page 120.
* 362 Cf supra 120.
* 363 Renan
précité dans « La Revue » janvier 1993, page
28.
* 364 Cf. niveau religieux
supra page 126.
* 365 Les Yonomami sont des
Indiens d'Amérique.
* 366 Voir Jacques Lizot,
Journal de la société des américanistes - 9 - 1973, pages
137/175, rapporté par Pierre Clastres dans « La
Société contre l'Etat » Édition Minuit, page 167
et suivantes.
* 367 Car chez les Yonomami,
en cas d'introduction d'un nouvel outil de production, ils n'accroissent pas
leurs productions comme dans la mentalité occidentale, non !, ils
produisent juste ce dont ils ont besoin et consacrent le reste de leur temps
à des « palabres » ou à des activités
ludiques ... cf. article de Jacques Lizot précité.
* 368 Cf. Da Mosto Alvise,
Publ° Tulia « le navigazoni atlantique del Venezino »
Alvise Da Mosta. Roma, Instituto poligrafico del Stato, 1976 Da Mosta 1976 p.
59 rapporté par Jean Boulègue le Grand Djolof, page 78.
* 369 Il y avait
également un artisanat local et même des activités
minières d'après Iba Der Thiam dans une communication
intitulée « Comment les cultures traditionnelles africaines
peuvent-elles féconder la reconstruction de l'Afrique moderne
? » - Publié par l'Unesco dans « Affirmation de
l'identité culturelle et formation de la conscience nationale en Afrique
« 1981, page 192.
* 370 Cf. Da Mosta, op-cit,
pages 59/60 cité Jean Boulègue « le Grand
Djolof », page 78, cette méthode ne semble pas d'ailleurs
avoir beaucoup changé.
* 371 Dès le
XI° siècle, Al Bakri nous dit que les habitants de Silla
possédaient beaucoup de boeufs. Cf. Cuoq Joseph « Recueil des
sources arabes concernant l'Afrique occidentale du VII° au XVI°
siècle », 1975 page 97, cité par Jean Boulègue,
op-cit page 78.
* 372 D'après
Fernandès Valentin, Trad Monod. A Teixeira Da Mota et R. Mauny
« Description de la côte occidentale d'Afrique
(Sénégal), (Cap de Monte Archipels) Centro de Estudo de Guine
Port. 1951 page 13. Rapporté J. Boulègue
précité.
* 373 Toujours d'après
Fernandès op-cit pages 7 et 21.
* 374 Ils étaient de ce
fait source de prestige ...
* 375 D'après Jean
Boulègue, op-cit page 79.
* 376 Cf. Ibidem.
* 377 Cf. Ibidem.
* 378 Cf. Da Mosto
rapporté par Jean Boulègue, op-cit page 76.
* 379 Cf. Da Mosto, Alvise,
Publication Tullia « Le Navigazioni atlantique del
Veneziano » Alvise Da Mosto. Roma, Instituto poligrafico del Stato,
1976, page 102.
* 380 Jean Boulègue,
op-cit, page 85 et suivantes.
* 381 Jean Boulègue,
op-cit page 68.
* 382 Cf. Ibidem.
* 383 Cf. Fernandès
cité par Jean Boulègue, op-cit, page 85.
* 384 Cf. Fernandès
Valentin : «Description de la Côte occidentale d'Afrique »
(1506-1507) déjà cité p. 29.
* 385 Notamment or, colas
...
* 386 Rapporté par Jean
Boulègue, op-cit page 86.
* 387 En effet
d'après Da Mosto, op-cit page 68 : « Et l'on ne vend rien pour
de l'argent car il n'y a aucune monnaie, on a seulement l'habitude de troquer
une chose pour une autre chose et deux choses contre une chose et tout leur
marché se fait par troc ».
* 388 Fernandès
op-cit 1951 p. 43 dans « Prescription de la Côte occidentale
d'Afrique ... » qui dit ceci : « Il n'y a pas de monnaie
dans cette terre ni dans toute la Guinée, il n'y a que des
échanges ».
* 389 Terme emprunté
à Iba Der Thiam dans sa communication : « Comment les cultures
traditionnelles africaines peuvent-elles féconder l'Afrique moderne ?
Presses de l'Unesco « Affirmation de l'identité culturelle
... » page 193 déjà cité.
* 390 D'après Valentin
Fernadès, op-cit page 75.
* 391 Nom donné par les
Soudanais aux marchands de langue Malinké et Soninké.
* 392 Jean Boulègue,
op-cit page 92.
* 393 Cf. Ibidem.
* 394 Cf. A. Bamba Diop,
1966, p. 496 « Lat Dior et le problème musulman ».
Bull. Ifan B, TXXXVIII 1966 1-2, pages 493/539 rapporté par J.
Boulègue, op-cit page 90.
* 395 Voir analyse niveau
économique.
* 396 Leur appartenance aux
ordres supérieurs fait d'eux les premiers citoyens concernés,
dans la défense des biens du pays. Par ailleurs le droit de mener la
guerre est d'abord le faits des hommes libres et nobles qui sont seuls
susceptibles d'arracher ou de conserver des droits.
* 397 Cf. Pathé Diagne,
op-cit pages 102.
* 398 Pathé Diagne,
op-cit pages 102/103.
* 399 C'est ce qui se
passera avec l'apparition au sein de la classe des esclaves de la couronne des
corps de guerriers Tieddo. En fait les esclaves de la couronne n'étaient
pas essentiellement des hommes de guerre. Au départ ils sont simplement
les serviteurs attachés à la couronne qui les a acquis par achat
ou capture pour en faire soit des travailleurs dans les champs, soit des
fonctionnaires chargés de l'administration des biens de l'Etat. cf.
Ibidem, Pathé Diagne.
* 400 Voir État et
Nation en Afrique infra pages 333 et suivantes.
* 401 D'après
Pathé Diagne, op-cit pages 102-103.
* 402 Cf. Valentin
Fernadès : « Description de la Côte occidentale
d'Afrique », 1951 page 7 et Peireira « Côte
occidentale d'Afrique du Sud marocain au Gabon ... (vers 1506-1508) »
1956 page 51 cités par Jean Boulègue op-cit page 72.
* 403 D'après Jean
Boulègue ibidem.
* 404 « Il (le
roi du Saluum) est maître d'un grand royaume ; il a trois nations qui lui
obéissent, à savoir Barbacins, Jalofos et Mandigas, et il les
gouverne avec une très bonne organisation par l'intermédiaire de
deux capitaines-généraux appelés chez eux Jagarafes. L'un
gouverne dans la paix et la guerre les Barbacins, l'autre les Jalofos et les
Madingas, et ceux-ci ont sous leur autorité beaucoup de gouverneurs
répartis par tout le royaume dans les localités où ils
vivent dans de très beaux villages ; on les appelle Jagodis, ils servent
de capitaines et de gouverneurs de ces localités. Ils rendant compte
à leurs supérieurs de tous ce qui se passe et entrent sur leur
terres et ces supérieurs en rendent compte au roi, et, grâce
à cette organisation et méthode, le roi sait tout ce qui se passe
dans son royaume et combien de gens de guerre il a. Et il ne faut rien de plus
pour les réunir que donner à ces capitaine généraux
la consigne de ce qu'ils doivent faire et ensuite ceux-ci la transmettent par
relais aux autres gouverneurs et ils n'oublient pas le jour et l'endroit
où chacun doit accourir avec ses gens. Et de cette manière, et
avec très peu de peine, ils réunit beaucoup de gens, à
pied et à cheval ... » Cf. A. Almada, « Tretado
breve dos rios de Guiné do Cabo Verde (1594) » in B<rasio
2a série, vol III 1964, pp. 219-261 ». Rapporté par
Jean Boulègue, op-cit page 178.
* 405 Le Damel apporta son
aide au Buurba et amena avec lui « beaucoup de Jareos et de Bilebos
du Cabo Verde et du Cabos dos Mastros », c'est-à-dire des
Sereer et des Lebu Donelha André, « Descricçao da serra
leao e dos Rios de Guiné do Cabo Verde (1625) » Trad. Texeira
Da Mota, P. E.H Hair et L. Lourdon, Lisboa, Junta de Investigaçoes de
Ultramar, 1977, page 135. Source rapportée par Jean Boulègue
précité.
* 406 Almada Op-cit 1964, page
135.
* 407 Épisode connu
par la tradition orale, grâce à Yoro Dyao, « LE
Sénégal d'autrefois. Études sur le Cayor »,
Publication 1933, 2, BCEHSAOF, pages 269/273.
* 408 sans doute les trente
cavaliers qui accompagnaient Damel, venus accueillir Alvise Da Mosto,
étaient-ils des jaami-buur ? Cf. Da Mosto, op-cit 1976, page 50.
* 409 Cf. Jean Boulègue
précité.
* 410 Note cependant Jean
Boulègue, op-cit page 155.
* 411 Cf. infra Chap. IV,
II° partie page 294 et suivantes.
* 412 D'après J.
Boulègue, op-cit p. 155 qui dit à propos du Grand Djolof :
« Frontaliers du Takrûr, il fut d'abord atteint par les
prolongements de l'expansion peule sur cette région. Puis, très
peu de temps après, les opérations militaires menées par
le roi du Siin dans le Saloum, qu'il constitua en un second royaume pour son
clan, les Gelwaar, furent à la fois la preuve de l'affaiblissement du
Jolof et une nouvelle étape dans son déclin. Il se trouva alors
réduit aux seuls pays wolof ».
* 413 Cf. Ibidem.
* 414 D'après J.
Boulègue précité.
* 415 « Aux
listes dynastiques succèdent les chroniques où chaque souverain
fait l'objet d'une courte rubrique indiquant des faits que l'on peut recouper
avec les sources écrites » d'après Boulègue,
op-cit page 156.
* 416 Cf. Ibidem.
* 417 Koli
« (...) se réfugia dans le Fuuta, nom d'un vaste voisin de
l'Océan Atlantique et appartenant au Sultan du Jolof machiné une
trahison contre le Sultan, il réussit à s'emparer de sa personne
et le mit à mort. Depuis lors, le pays de Djolof fut
divisé » en deux parties : une moitié sur laquelle
régna Kalo, fils de Salta-Tayenda, et l'autre moitié eut pour
souverain Damel, le principal Caïd du Sultan de Djolof ».
Al-Sa'Di, 1964, pages 127/128 ». Rapporté par J.
Boulègue, op-cit page 160.
* 418 Ainsi la plus
ancienne recueillie, celle que rapporte Raffanel : « ... il devint
bientôt la terreur de tous les peuples voisins et notamment des Yoloffs
qu'il défit en plusieurs batailles. Il ajouta les belles contrées
qu'ils occupaient à ses conquêtes sur les Maures et Yolofs
n'auront plus dès lors en propriété que les terres du Sud,
éloignées du fleuve et des affluents. Cf. A RAFFENEL,
« Voyage au pays des nègres » Paris, Chaix, 1856,
pages 317/318 ».
* 419
« Étant devenu satigi et maître incontesté du
Fouta, Koli attaqua le Namandiru, royaume dont les souverains appartenaient
à la famille des Ndâo et portaient le titre de ber-lab Wali-Mberu
Mbake, qui était Tedyek par sa mère, ayant refusé de faire
sa soumission à Koli, celui-ci le tua et dispersa son armée. Les
habitants du Nammandiru se réfugièrent alors dans le Djolof, le
Siin et le Saluum, et leurs pays devint le désert qui sépare
aujourd'hui le Fouta du Djolof » Y. Dyao, in S.A. SOH 1913, page 123.
Rapporté ici par Jean Boulègue, op-cit page 161.
* 420 « Ces fulos
pénètrent dans tout le pays de la Côte des Jalofos,
Barbacins et Mandingas, avec leur bétail ; en hivers, ils s'approchent
de la Côte et, en été, retournent lentement dans
l'intérieur, menant le bétail le long de quelques mares d'eau et
marécages que fait l'hiver. Beaucoup de ces deux beaux fleuves, celui
de Sanaga et celui de Cantor, ou de Gambia, faisant paraître le
bétail sur les bords » Almada, op-cit 1964, page 245.
* 421 Cf. Jobson, 1932, pages
45/50 rapporté par J. Boulègue précité.
* 422 Cf. Ibidem.
* 423 Cf. Jean Boulègue
Ibidem.
* 424 Cf. F. Brigaud dans
« Histoire traditionnelle du Sénégal »,
Saint-Louis C.R.D.S. - Études sénégalaises n° 9,
1962, page 160.
* 425 Gomes Giogo :
« De la première découverte de la Guinée (fin
XV° siècle), Trad° Th. Monod, R. Mauny, et G. Duval, Bissau
Centro de Estudo da Guiné portuguesa, 1959, page 50 rapporté par
Jean Boulègue précité.
* 426 Les principaux
auteurs qui ont recueilli les traditions orales concernant l'histoire du
Saluum, et en particulier la fondation de ce royaume par Mbegaan Nduur, sont :
E. Noirot, 1982, pp. 444-445 ; L. Aujus, 1931, pp. 293-333 ; J. BOURGEAU, 1933,
pp. 8-9 ; Ch. Cros, 1934, pp. 43-51 : entretien Mamadou Mbengue - J.
Boulègue, Kahone, mars 1967.
* 427 « Sur ce
point les traditions du Siin et du Saluum se rejoignirent »
d'après J. Boulègue précité.
* 428 On se
réfère notamment à Ch. Cros, 1934 : le pays du Sine
Saloum.
* 429 « Le seul
texte à peu près contemporain est un passage du
« Tratado breve » de Almada, 1964, p.234-235 : il est
néanmoins postérieur aux événements et s'appuie,
comme les autres, sur des récits oraux. Mais ceux qui informèrent
Almada avaient bien pu être contemporains des événements.
IL est dommage qu'Almada ne s'étende guère sur le
déroulement de ceux-ci, mais il donne des indications utiles sur leurs
causes et conséquences.
Par la suite, la tradition orale a fort bien conservé
la mémoire de cet épisode. On le retrouve, brièvement
rapporté, dans la description de la Nigritie du père Gaby
(voyage effectué en 1686) et dans la Nouvelle Relation de l'Afrique
Occidentale du père Labat (1728) (J. B. GABY, 1689, p. 50 : LABAT, 1728,
p. 248). Mais cette tradition a été recueillie de façon
beaucoup plus détaillée par le Brasseur (1778) (Le Brasseur,
1977, pages 95-96). et par Yoro Dyao ( à la fin du XIX) siècle)
(Y. DYAI, 1864 (et 1933, pp. 254-258). Plusieurs versions ont été
recueillies de nos jours (A. Marokhaya SAMB, 1964, pp. 4-9 ; Kany SAMB, 1969 ;
pp. 9-14 ; O. NDIAYE LEYTI, p. 272 ; L. GUISSE in Monteil, 1966, page 128). La
concordance de ces récits sur l'essentiel, malgré les
différences d'époque et d'origine, est un point important en leur
faveur ». D'après J. Boulègue « Le Grand
Jolof p. 167-169).
* 430 Cf. V. Monteil, 1983
page 128 par J. Boulègue précité.
* 431 Cf. R. Fall, 1983, page
48 entretien J. Jeey-R.
* 432 Par J. Boulègue
ibidem.
* 433 Cf. Ibidem.
* 434 « Alors les
autres vice-rois se déclarent indépendants. Yérim
Kodé-m-Ndyouréane était à cette époque Brack
du Ouâlo et Mbegane Ndour, roi du Sine et du Saloum » Y. Dyao,
1912, page 16 Ibidem par J. Boulègue.
* 435 Cf. Ibidem.
* 436 « Cette
tentative n'en marquera pas moins la fin des « règnes
tranquilles » au Kayor. Les fonctions politiques et celles de Damel
plus particulièrement sont désormais ouvertes à ceux qui
savent prendre des initiatives. Les règles de la tradition cèdent
le pas aux solutions militaires. Les fractions qui se forment s'appuient avant
tout sur des corps de guerriers. Le Damel qui s'impose est celui qui se rallie
à la fraction la plus importante des Tieddo attachés au service
de la couronne. Il est un chef de guerre redouté des Kangam que
désormais, il nomme ou destitue à sa guise. Il est soutenu en
cela par ses Tieddo qu'il rétribue largement en plaçant à
la tête des régions acquises ou en leur fournissant l'occasion de
pillier des hommes libres ». Cf. Pathé Diagne, pages 142/144,
« Pouvoir politique traditionnel » déjà
cité.
* 437 Cf. Ibidem.
* 438 D'après
Pathé Diagne précité.
* 439 « Le
renforcement de l'autorité du Monarque qu'on note à cette
époque ne s'inscrit pas dans le cadre d'une évolution
acceptée des institutions ni même imposée à
l'ensemble du pays. Il procède simplement de l'état de la
violence qui désormais confère l'autorité la plus forte au
chef de guerre le plus puissant. On comprend que Thialaw conteste que le Damel
ait le droit de décider de tout, contrairement à ce que soutient
le Diawril Mboul » Cf. Ibidem Pathé Diagne.
* 440 On s'est surtout
préoccupé d'analyser les processus internes de dislocation du
système. Il reste évidemment acquis selon Pathé Diagne
que « la pression politico-militaire de l'administration coloniale a
ici une part prépondérante. Ses interventions dans la politique
intérieure remontent, comme on l'a dit, à l'époque
reculée ». Ibidem.
* 441 Cf. R. Boy, R. Publ.
Rousseau. « Le Sénégal d'autrefois. Étude sur le
Toubé. Papiers de Rawane Boy ». BCEHSAOF. - Paris, Larose,
1932, pages 8/9.
* 442 Cf. A Wade in V.
Monteil, Esquisses sénégalaises, Dakar, IFAN 1966, page 64.
* 443 « A
mi-chemin, il y a une rivière séparant ces deux royaumes, qui
s'appelle la rivière de Sereno et le pays s'appelle pays de Sereno avec
des villages sur chaque rive : ceux du Nord appartenant au roi de Baol et ceux
de Joalla ». Cf. Coelho, Francisco de Lemos : « la petite
côte d'après Francisco de Lemos Coelho (XVII°) ».
Bulletin IFAN B, T. XXXV Trad° de N. I. de Moraes 1973, 23, page 247.
1973, page 252).
* 444 Cf. V. Bomba,
Victoria. History of the Wolof state of Jolof until 1860. PH D., The Univ. of
Wisconsin, 1969, 395 p. Au début du XIX° siècle, Le voyage
de Mollien en donne de bonnes descriptions (Mollien, 1967, pp. 62-64 et
109-115) Rapporté par J. Boulègue, op-cit p. 181.
* 445 Voir note
précédente.
* 446 Voir récit
rupture véhiculé par la tradition orale, infra pages 164-165.
* 447 Cf. J. Boulègue
ibidem.
* 448 « Ceux-ci
étaient tous ses vassaux d'autrefois, car il n'y avait chez ce peuple
pas d'autres roi souverain que celui du Grand Jalofo, mis tous se
rebellèrent contre lui et devinrent seigneurs souverains, en sorte
qu'aujourd'hui, il ne possèdent pas plus de pouvoir que les autres rois
de ce peuple. Ils le reconnaissent seulement, et lui attribuent un
caractère sacré et aucun ne lui fait jamais la guerre ... COELHO,
op-cit, page 247.
* 449 Cf. Jean Baptiste
Labat : « Nouvelles relations de l'Afrique Occidentale ». -
Paris Cavalier 1728, tome IV, page 131.
* 450 Cf. Doumet de Siblas
Jacques, Publication de Ch. Becker et V. Martin : « Mémoires
inédits de Doumet (1769). Le Kayor et les pays voisins au cours de la
deuxième moitié du XVIII° siècle ». Bull.
IFAN B, t. XXXVI, 1, 1974, page 38.
* 451 D'après
Boulègue précité.
* 452 Toujours dans
l'optique des rapports entre l'Europe et la Côte Atlantique, notons que
l'établissement du comptoir d'Arguin, en 1455, intensifiera les
relations commerciales entre l'Europe et les émirs. La concurrence et
les rivalités européennes, s'intensifiant au XVIII) siècle
en Afrique à la faveur de l'introduction d'un nouveau produit : la
gomme. C'est un produit très prisé par les colons qui va exciter
la convoitise des négociants).
* 453 D'après
Christian Roche dans « Histoire de la Casamance ».
Cité par Jacques Charpy conservateur Général du Patrimoine
dans « Témoignage historique sur la Casamance. Déc.
1993, page 14.
* 454 Cf. Infra, chap. IV.
* 455 Cf. II ème
partie, chap. IV infra pages 294 et suivantes.
* 456 Tombouctou, Kano,
Djenné,Sokoto témoignent de l'emprise.
* 457 In CUOQ, 1975, page 96
cité par Jan Boulègue « Le Grand Djolof »,
page 93.
* 458 Cf. J. L. Triaud.
« Quelques remarques sur l'islamisation du Mali des origines à
1300 » B. IFAN B, t. XXX, 1968, 4, pp. 1329-1352, 1968,
rapporté par Jean Boulègue ibidem.
* 459 D'après Monod in
Fernadès, 1951, page 151, note 17. Rapporté par J.
Boulègue, ibidem.
* 460 Et il m'arrive que
par la grande familiarité que je pris avec ce Seigneur Bodumel, il me
laissa entrer dans le lieu où il fallait faire sa prière. Quand
le soir approchait, il appelait ses Azenegi ou Arabes qu'il tient en permanence
à la maison, presque comme nous disons nos prêtres car ce sont
ceux qui lui montrent la loi, et on entrait dans une grande cour avec quelque
uns des principaux Noirs. Cf. Da mosto, op-cit p. 50. Il précise ensuite
: « surtout des Znaga, peu d'Arabes. » Rapporté par
J. Boulègue, ibidem.
* 461 Cf. Fernandès,
1951, op-cit page 9.
* 462 « Il y
avait là un certain évêque de son église (du roi)
originaire de Melle qui m'interrogea sur le Dieu des chrétiens. Je
répondis selon l'intelligence que Dieu m'a donnée. Puis je
l'interrogeais, loin sur Maffomet en ce que croient les gens du pays. Cf.
Gomes, déjà cité 1959, page 42, rapporté par J.
Boulègue ibidem.
* 463 Cf. Y. Dyao, 1949,
pages 129/132 ; A. Bamba Diop, 1966, page 496. Sources rapportées par
J. Boulègue, ibidem.
* 464 Cf. Y Dyao,
précité page 125/129.
* 465 D'après I. Baba
Kaké « Les grands résistants », Coll.
Histoire générale de l'Afrique, vol. 9, p. 9/13.
* 466 Cf. A. Bamba Diop,
op-cit 1966, page 494 ; K. samb, S.D.; page 9. Cf. J. Boulègue
précité p. 94.
* 467 « Celui-ci
était bixirim, il ne buvait pas de vin, il appréciait la
fréquentation et l'amitié des bixirim et des mouros plus que des
nôtres et, en son temps, le trafic de marchandises dans son pays fut
perdu pour les nôtres ». Cf. Almada, op-cit 1964, page 238.
* 468 La scène est
décrite par Y. Dyao, op-cit 1933, pages 258/260.
* 469 La séjour de
Njajaan Njaay dans le fleuve servant de référence.
* 470 Cf. Thevet,
déjà cité 1575, pages 75/76.
* 471
« Dahne-Djeule » signifie en wolof
« réservé au vainqueur ». Le Damel-Teigne
voulait dire aux héritiers du titre impérial qu'ils ne pourraient
subjuguer ses deux royaumes qu'après l'avoir battu.
- Dègg Daou est l'effrayant. Il voulait dire au Buur Ba
Djoloff que le jour où ils l'entendront sera celui de leur fuite ou de
leur mort.
- « Diandiari » ou le retentissant.
L'énigme traduit que la présence d'anciens »
dioungioung » ne pourra dorénavant faire taire les siens. Cf.
Y. Dyao déjà cité 1929, page 201.
- Il préconise que, littéralement,
« dahne-djeule » (daan-jël signifie après sa
victoire « battre-prendre » et
« dègg-daou » (dega daw) signifie
« entendre-s'enfuir ».
* 472 A la mort de son
oncle maternel, Gnoxoor Njaay, qui survint peu après la victoire du
Kajoor sur le Jolof, Amari pénétra dans le Bawol à la
tête d'une forte armée. Il fut alors reconnu roi sans opposition
par les habitants de Bawol et devint ainsi Dame-Teegne (probablement la
présence d'une armée n'était pas étrangère
au déroulement des événements). La version la plus
détaillée se trouve chez Yoro Dyao, op-cit 1933, page 260.
* 473 Cf. Amalda,
déjà Cité 1964, pages 250/251.
* 474 Voir J. Boulègue
précité.
* 475 Cf. Almada,
déjà cité 1964, page 239 et 249.
* 476 Cf. Lavanha, Joao
Batista. Trad. de J. Boulègne. « Relation du port du fleuve
Sénégal de Joao Barbosa faite par Joao Lavanha (vers
1600) ». B. I.F.A.N, B T. XXIX, pages 501-509.
* 477 « Ce
royaume du Budumel a beaucoup de ports de mer, hors ceux du fleuve de Sanaga
... » ALMADA, 1964, déjà cité page 239.
* 478 « Il eut un
fils, appelé de son vivant Amad Malique ; comme chez eux, il n'y a pas
de titre de prince, sauf celui du roi, il le proclama de son vivant roi
d'Encalhor qui est le coeur des royaumes de Jalofos et celui-ci y réside
toujours. Après la mort de son père, ayant un fils nommé
Chilao, il le proclama roi de Lambaia ; celui-ci se trouve à gouverner
ce que gouvernait son grand-père Budumel après avoir fait son
père roi d'Enclahor », Alamada, Op-cit 1964, page 239.
* 479 D'après J.
Boulègue, précité.
* 480 Cf. J. Boulègue
précité.
* 481 « Le Damel
teigne rentré à Mboule (après son mariage) créa peu
après un diaourigne Mboule gorre. Peu après mourut Biram Khari
Ndoye (Lamane ou diaourigne Diamatile) doyen d'âge (par rapport) au
nouveau diaourigne Mboule ; tous deux étaient du même khagane.
- A partir de (cette mort), le titre de diaourigne Mboule et
les plus importants des droits naguère (auparavant) attribués au
lamane-Diamatile, se transmirent dans ladite famille même Khagane,
d'oncle en neveu maternel. Celui de Lamane-Diamatile et les débris des
droits que lui laissa de diaourigne Mboule (étaient donnés)
quelquefois dans la même famille Khagane, mais le plus communément
dans les familles subalternes de ce même familles Guêt de
Diouktoune ou dans les quatre branches seugtêhff du guégno Fall
(et alors à des hommes) dont les mères étaient des
captives de la couronne.
- Le lamane-Diamatile conservait cependant la
supériorité honoraire sur le diaourigne Mboule dans les
conférences concernant les affaires gouvernementales (à cause) de
la très longue antériorité du titre de lamane-Diamatile
...
- Le Diourigne Mboule exerçait le pouvoir
exécutif et la force nécessaire partout où ils avaient
à intervenir ensemble : ceci vient à l'extinction des anciens
droits les plus importants du Lamane-Diamatile en faveur du diaourigne Mboule
... » Y. Dyao, déjà cité 1933, pp. 263-264
cité par Jean Boulègue « le Grand Jolof »,
page 177.
* 482 Les
événements sont ainsi décrits par la tradition,
rapportée par Y. Dyao : Amari avait pour fils et héritier normal
Massamba Tako qui réunissait les conditions d'être
sëgtêg (patrilignage royal), mais son meen garmi était celui
des Muyoy tandis que son père était Wagadu. Amari eut recours
à un subterfuge en faisant procéder à une substitution
entre l'épouse de son fils et sa propre soeur, qui était donc
Wagadu comme lui, Massamba Tako eut donc, à son insu, un fils Mamalick
Coro (Thierno), de meen wagadu comme son grand-père. Mamalick fut
élevé en secret puis nommé à la tête du Baol,
au nom d'Amari, avec le titre de Calaw (Thialao), dévolu, il
hérita en effet du Baol, mais Massamba Tako fut élu au Kayoor
Mamalik attaqua alors son père et le fit tuer. Mais les trois autres
fils de Massamba nés d'une autre mère) refoulèrent Mamalik
dans le Bawol et l'un d'eux, Maxureja Kuli, fut reconnu Damel. Y. Dyao, op-cit
1933, pages 265/269.
* 483 Comme B. Durand dans
« Histoire comparative des Institutions » diffusion
Khartala.
* 484 Cf. Règne d'Amari
Ngoné.
* 485 Cf. Supra, page 164.
* 486 D'après I. Baba
Kaké, « les Grands Résistants », vol. 9,
pages 9/13.
* 487 D'après
Pathé Digane, « Pouvoir politique traditionnelle en Afrique,
pages 81-82.
* 488 Les Kolyades sont le
menu peuple, issus des soldats qui l'avaient rallié du Fouta Djallon, du
pays Diola, du Niani, du Badiar ou du Namandirou
* 489 Cf. Anta Diop dans
« L'Afrique noire précoloniale ».
* 490 Ibidem, Pathé
Diagne, « Pouvoir politique traditionnel en Afrique »,
pages 184/185.
* 491 Cf. Ibidem.
* 492 Ce caractère
religieux explique que, du point de vue de certaines traditions islamiques,
acceptées ici souvent pour des raisons de conviction profonde et parfois
pour des motifs de stratégie politique, l'on ait refusé de
concevoir que le personnage ainsi investi comme Almami puisse soumettre sa
charge à une transmission héréditaire. Cf. Ibidem.
* 493 Cf. Ibidem.
* 494 Cf. Ibidem.
* 495 Cf. Ibidem.
* 496 D'après
Pathé Diagne ibidem.
* 497 Pathé Diagne,
op-cit pages 203/204.
* 498 Pathé Diagne,
op-cit page 207.
* 499 Selon Pathé
Diagne ibidem.
* 500 Cf. Ibidem.
* 501 Cf. Ibidem.
* 502 Cf. Ibidem.
* 503 Cf. Ibidem.
* 504 Pathé Diagne,
op-cit page 222/223.
* 505 Notre ouvrage de
référence sera à ce propos Jean Suret Canal dans
« Essais d'Histoire africaine ». Problèmes,
Éditions sociales.
* 506 C'est du moins la
version des initiateurs de la « guerre sainte » qui les
renverseront : en fait, les documents publiés depuis vingt ans montrent
que les Dénianké du XVII° et du XVIII° siècles
étaient des musulmans (1978).
* 507 On en observe un
exemple typique chez les Bamiléké du Cameroun, où
coexistent des associations traditionnelles à caractère religieux
d'origine gentilice (Komze) ou fondées sur les classes d'âge, et
les associations contractuelles guerrières ( à effectifs
limités) remontant à deux ou trois générations. F.
R. Delarozière, « Les Institutions politiques et sociales des
populations dites Bamiléké », Études
Camerounaises, Douala, 1949, n° 25-26, p. 5-68 et n° 27-28, pages
127/176. Rapporté par J. Suret Canal, précité.
* 508 D'après Jean
Suret Canal « Essais d'Histoire africaine », pages
53/54.
* 509 Cf. critique dans
Rodinson, Mohamet et les origines de l'Islam, Cahiers rationalistes, n°
164, 1957, p. 173-183. Rapporté par Jean Suret Canal dans
« Essai d'Histoire africaine ».
* 510 Cf. G. Molien, op-cit,
tome I , page 193, rapporté par Jean Suret Canal,
précité.
* 511 Cf. G. Vieillard, page
131, rapporté par Jean Suret Canal, précité page 60.
* 512 Et qui rappelle la
« démocratie militaire » telle qu'Engels la
définit dans la Grèce archaïque et chez les Germains.
* 513 Cf. G. Vieillard, op-cit
page 132, par Jean Suret Canal, ibidem.
* 514 D'après jean
Suret Canal, ibidem.
* 515 Jean Suret Canal, op-cit
page 62-63.
* 516 Notre ouvrage de
référence sera à ce propos July dans « Histoire
des peuples d'Afrique II », pages 46/56.
* 517 « Encore
Jeune homme, il entreprit un long pèlerinage à la Mecque. Ce
voyage eut de grandes répercussions sur son destin et, par voie de
conséquence, sur toute l'histoire de l'Islam au Soudan occidental. Au
cours d'une halte en Égypte, Omar rencontra les sages et les savants de
la Mosquée Azhar du Caire et observa sans nul doute les efforts de
Méhémet Ali pour renforcer la position internationale de son
État musulman d'Afrique. Il fut très impressionné par la
visite des lieux saints en Arabie, mais prit également note du mouvement
réformateur des activités wahhabites. Tandis qu'il se trouvait
à la Mecque, son initiation et son admission au sein de la
confrérie Tidjanyia PAR Sidi-Mohammed Ghali, Calife
(représentant) de Al-Tidjani, le fondateur de l'ordre, furent des
événements d'une grande portée. Omar devint un adepte
fervent de la doctrine tidjaniya : d'inspiration égalitaire et puritaine
dans ses valeurs, elle était animée d'un profond morale de ses
adeptes sur les membres des autres confréries ».
* 518 D'après July
Précité
* 519 D'après July
Précité
* 520 Cf. Ibidem.
* 521 Cf. Ibidem.
* 522 Cf. Ibidem.
* 523 Cf. Ibidem.
* 524 D'après July
Ibidem.
* 525
« Maintenant le me sens de la force, et je ne cesserai que lorsque
la paix me sera demandée par votre tyran qui devra se soumettre à
moi-même suivant les paroles de mon maître » :
« Faites la guerre aux gens qui ne croient ni en Dieu ni au jugement
dernier ou qui ne se conforment pas aux ordres de Dieu et son prophète
au sujet des choses défendues, ou qui, ayant reçu une
révélation, ne suivent pas la vraie religion, jusqu'à ce
qu'ils payent la Djezia (le tribut religieux) par la force et qu'ils soient
humiliés », écrivait El-Hadj Omar dans sa lettre. Voir
« Annales sénégalaises », Paris Maisonneuve
et Leclerc, 1885.
* 526 A. S. Op-cit page
104.
* 527 A. S. op-cit page
103.
* 528 Voir El Hadj Omar,
Correspondance 1854.
* 529 Cf. J. Suret Canal,
Essai d'Histoire Africaine, Édition sociale, page 64.
* 530 En 1855, El Hadj Omar
devait seulement envoyer cette fameuse lettre aux habitants musulmans de
Saint-Louis. C'est en 1862 que ses partisans déchaînaient une
révolte générale dans le Fouta Toro.
* 531 Source Jean Suret
Canal, op-cit page 65.
* 532 Citons l'exemple du
Chef Bambara converti Bamdiougou Diara, défenseur pour le compte
d'Ahmadou de la place d'Ouossébougou, qu'il défendra avec
héroïsme - jusqu'à la mort - contre les assaillants
français.
* 533 Jean Suret Canal, op-cit
page 66.
* 534 D'après Ki-zerbo
dans « Histoire de l'Afrique noire », Hatier, Paris, 1978,
page 417.
* 535 Cf. Ibidem.
* 536 Cf. Ibidem.
* 537 Ki-Zerbo, op-cit page
418.
* 538 Ki-Zerbo, op-cit,
ibidem.
* 539 Ki-Zerbo, op-cit pages
418/419.
* 540 Ici peuple est
utilisé au sens étroit de « ethnie ».
* 541 Cf. Pelissier,
« Les paysans du Sénégal », page 519/
Christian Roche, « Portraits de chefs
casamançaise », dans la « Revue française
d'histoire d'outremer », 1971, n° 213, pages 451/467.
* 542 Cf. Pelissier,
ibidem.
* 543 Voir Christian Roche :
« Histoire de la Casamance de 1820 à 1850 ».
* 544 En 1860, deux
expéditions dégagent les abords de Sédhiou contre les
« balants » et les « Mandingues ». En
1865, Diembering sera soumis aux tirailleurs .... - Cf. Jacques Charpy :
« Témoignage historique sur le Casamance »,
publié par le Ministère de la communication du
Sénégal, décembre 1994, page 14.
* 545 Voir la division
territoriale « village », « canton »,
« chefferies supérieures » avec l'introduction de
système administrativo-politiques, chap. IV infra page ... / Aussi la
question des délimitations territoriales sera traitée dans la
deuxième partie de notre analyse infra pages 237 et suivantes.
* 546 Cf. Jean Suret Canal,
« Essais d'histoire africaine ». Ed. Sociale,
déjà cité page 66.
* 547 Cf. ibidem
* 548 Cf. Ibidem.
* 549 Cf. J. Suret Canal,
op-cit pages 67.
* 550 Voir Ibrahima Baba
Kaké, « Les grands résistants », vol. 9,
pages 9/13.
* 551 D'après July
« Histoire des peuples d'Afrique noire, vol. 1 pages 92/94.
* 552 Selon July
Précité.
* 553 Cf. Ibidem.
* 554 Cf. Ibidem.
* 555 D'après July
Ibidem.
* 556 Cf. Ibidem
* 557 Cf. Ibidem.
* 558 D'après July,
« Histoire des peuples d'Afrique noire », tome I, pages
92-94.
* 559 Cf. R. W. July dans
«Histoire des peuples d'Afrique noire» tome 3, pages 9/10.
* 560 Nous nous
référons essentiellement à des éléments
d'archives.
* 561 Le document est
intitulé « État des esclaves que peuvent retirer de la
côte occidentale d'Afrique les nations d'Europe en 1765 ». Et
poursuivi de « pays des Arabes au nord du
Sénégal » : « Les incursions des maures,
excités par des avances de fusils et toiles bleues, par les anglais ont
procuré en moins de six mois plus de 8.000 noirs enlevés dans
différents royaumes notamment dans celui du Brack, du Fouta, du Walo
mais comme ces villages ne peuvent se renouveler souvent on ne peut compter que
sur 400 annuellement ».
* 562 A l'exception cependant
des Azouna.
* 563 Source : Marcel
Challey dans « Histoire de l'Afrique occidentale »
Edt° Berger Levrault.
* 564 De fait, un accord
était passé avec l'Espagne le 27 mai 1900 qui réservait
à son influence une zone limitée au sud par une ligne qui partait
de la baie des lévriers et dirigeait vers l'Est contournant au nord les
salines de la Sebkha d'Idjil qui étaient réservées
à la France. Cet accord ne réglait rien, il ne fera que
gêner les français, car les espagnols n'occupèrent que
quelques points sur la côte et ne contrôlèrent point
l'intérieur ; celui-ci servait de place d'armes et de refuge aux
français, à qui les espagnols avaient refusé le droit de
poursuite. Il faut encore insister sur l'anarchie qui déchirait les
populations de la Mauritanie et les quelques éléments qui
essayaient de s'y opposer. Ibidem.
* 565 Voir Archives Nationales
françaises/ANF.
* 566 Cf Anf, Fonds
Sénégal, Note du Gouverneur Général à
l'Administrateur-Bakel à Sénégambie et Secrétaire
Général délégué pour la Mauritanie.
* 567 Cf. ANF ? Fonds
Sénégal, Note du Directeur des Affaires Indigènes à
l'Administrateur - Dagana à Sénégambie.
* 568 Voir ANF ? Fond
Sénégal, télégramme n°766 du Gouverneur
Général à l'Administrateur-Podor à
Sénégambie.
* 569 Voir ANF ? Fonds
Sénégal, télégramme officiel n°455 du
Gouverneur Général à l'Administrateur -Bakel à
Sénégambie et Secrétaire
Général-Mauritanie.
* 570 Cf Ibidem.
* 571 Voir ANF, Fonds
Sénégal, Recensement des crimes et délits Rive droite,
Rive gauche, signé par l'Administrateur de Dagana.
* 572 Voir ANF ? Fonds
Sénégal, télégramme n°891 du 17 juillet.
* 573 Voir anf, Fonds
Sénégal, télégramme n°343 du 8 juillet.
* 574 Voir ANF ? Fonds
Sénégal.
* 575 Cf. ANF,
télégramme officiel n°707 du 06 septembre du Gouverneur
Général à l'Administrateur-Bakel à
Sénégambie.
* 576 Voir ANF, Fonds
Sénégal.
* 577 Cf. anf, Fonds
Sénégal , Note n°6 du 25 octobre de
l'administrateur-Bakel à Sénégambie, E.869.
* 578 Voir ANF ? Fonds
Sénégal, télégramme officiel n°6 du 18
novembre de l'Administrateur-Bakel à Sénégambie au
Gouverneur Général, E.1028.
* 579 Voir ANF ? Fonds
Sénégal, télégramme officiel E. 1046 du 23 novembre
de l'administrateur-Matam à Sénégambie au Gouverneur
Général.
* 580 Voir ANF ? Fonds
Sénégal, télégramme officiel E.1173 du 12
décembre 1903 de l'Administrateur-Podor au Gouverneur
Général.
* 581 Télégramme
de Podor n°575 signé Dulaurent et en date du 12 décembre
1903.
* 582 Voir B. GHALI pages 8/9
dans « les conflits de frontières en Afrique »
Edition technique et économique 1972.
* 583 Cf. B. GHALI Ididem.
* 584 Cf. B. GHALI ibidem.
* 585 « Par le
Sénégal et dépendances, on entend cette partie de la
Côte d'Afrique comprise entre le Cap Blanc et les Rivières de
Sierra Léone et qui comprend :
1er Le Sénégal proprement dit, qui
s'étend jusqu'au Cap Vert.
2e L'île de Gorée et les comptoirs de
Rufisque, Portudal, Joal et Saloum, ainsi que le comptoir d'Albréda
à l'embouchure de la Gambie.
3e La rivière de Casamance, îles
Bissagos, celles dites des Idoles (îles de Los), le continent
vis-à-vis duquel ces îles sont placées (tous lieux
où la France a le droit de placer des comptoirs) et enfin la
rivière de Sierra Léone où nous avions celui de Gambie.
Cf. « Les frontières de la
sénégambie », Hubert Deschamps, Revue française
d'études politiques Africaines, page 44.
* 586 D'après Hubert
Deschamps, « Les frontières de la
Sénégambie », op, cit., p.46.
* 587 Cf. Ibidem.
* 588 « ... Une
ligne qui, partait du Cap roxo, se tiendra, autant que possible, d'après
les indications du terrain, à égale distance des rivières
Casamance et san Domingo de Cacheu, jusqu'à l'intersection du
méridien 17°30 de longitude Ouest de Paris avec le parallèle
12°40' de latitude Nord. Entre ce point et le 16° de longitude Ouest
de Paris, la frontière se confondra avec le parallèle 12°40'
de latitude Nord. » cf. H. Deschamps, op. cit., pages 47/48.
* 589 6000 habitants, dont
quelques dizaines d'Européens.
* 590 Entre les deux, quelques
stations commerciales occupées par des traitants indigènes
appointés par des commerçants européens. Cf. Ibidem.
* 591 Ceux-ci, comme les
« recaptives » de Sierra léone, avaient
été trouvés sur les navires négriers
capturés ; on les avait débarqués là.
Originaires, en majorité, de la Côte des Escclaves, ils avaient
été pris en main par les pasteurs méthodistes, parlaient
anglais et professaient le protestantisme. CXf. H. Deschamps, ibidem, page
48.
* 592 D'après H.
Deschamps précité.
* 593 Bissagos,
Mellacorée, Dabou, Grand Bassam, Assinie, qui coûtaient à
la France un demi-million par an sans rien lui rapporter. D'après H.
Deschamps , op. cit., pages 48/49.
* 594 Cf. H. Deschamps,
ibidem, page 49.
* 595 Cf. H. Deschamps, op.
cit., pages 49/50.
* 596
« ...1er Au Nord de la Gambie (rive droite) le
tracé partira de Jinak-Creak pour suivre le parallèle qui,
passant en ce point de la côte (environ 13°36' Nord), coupe la
Gambie dans le grand cercle qu'elle fait vers le nord, en face d'une petite
île située à l'entrée de Sarmi Creek, dans le pays
de Niamena.
A partir de ce point, la ligne frontière suivra la rive
droite jusqu'à Yarboutenda, à une distance de 10
kilomètres du fleuve.
2e Au sud (rive gauche) le travé partira de
l'embouchure de la rivière San Pedro et suivra la rive gauche jusqu'au
13°10' de latitude nord. La frontière sera établie ensuite
par le parallèle qui, partant de ce point, va jusqu'à Sandeng
(fin de Kintang-Creak, carte anglaise). Cf. H ; Deschamps, op. Cit., p.51
et suivantes.
* 597 Cf. Ibidem.
* 598 Cf. Ibidem.
* 599 En 1893,
l'administrateur de Nioro du Rip signale que l'influence anglaise grandit dans
la Pakal et que les habitants de certains villages se sauvent à
l'arrivée des français ; le chef de Niania, nommé par
les français, s'est sauvé dans un village dépendant de lui
situé en Gambie. Cf. Ibidem.
* 600 Cf. Ibidem.
* 601 Cf. Ibidem.
* 602
« 1er Les limites administratives du Sénégal
à l'Est avaient été singulièrement variées
dans cette période d'inflation spatiale et d'improvisation. Le Soudan de
Gallieni, en 1888, occupait tout le Sud-Est ; le cercle de Bakel, le
Bondou et la Haute Gambie. Le décret de 1895 créant l'AOF
restituait ces pays au Sénégal. Puis, avec la disparition du
Soudan en 1899, la limite se trouva projetée jusqu'au voisinage de la
Volta et de Tombouctou.
En 1904, la limite Est redevint celle de 1895 : le fleuve,
puis la Falémé. A l'Est de la Falémé, une petite
partie du Bambouk, relevant de Sénoudébou, faisait partie du
Sénégal. Ce sont les limites actuelles.
2° La limite avec la Guinée française
prolongea grossièrement vers l'Est, jusqu'à la
Falémé, la frontière Casamance-Guinée portugaise.
Solution géométrique fort discutable. Les Conlagui
fréquentaient les comptoirs de Gambie et de Casamance. Païens, ils
avaient toujours repoussé les tentatives des peuls du Fouta Djalon pour
les asservir. En 1897, ils avaient accepté un traité de
protectorat proposé par l'administrateur Adam, venu de Casamance.
Néanmoins, en 1898 le gouverneur général attribua les pays
Badyan et Conlagui à la Guinée. Cette décision, fortement
critiquée, entraîna la malheureuse expédition de 1901, qui
fut massacrée, puis la répression de 1904 » cf. H.
Deschamps, op. cit., pp.54/55.
* 603 H. Des champs,
Ibidem.
* 604 Selon les termes de
l'instruction de 1816 citée en tête de cet article rapporté
par H. Deschamps Ibidem.
* 605 Cf. Ibidem.
* 606 Cf. Ibidem.
* 607 Des affrontements
sanglants auront même lieu en effet en avril 1989.
* 608 Voir arrêté
du 12 mars 1903.
* 609 Se reporter aux
documents des Archives au niveau des tensions ethniques 1°, supra.
* 610 Cf. Ibidem.
* 611 Cf. Archives Nationales
françaises.
* 612 Cf. Archives Nationales
françaises.
* 613 Cf. ANF Ibidem.
* 614 ANF, Fonds
Sénégal, décret du Président de la
République française sur la proposition du Ministre des colonies,
25 février 1905.
* 615 Cf. Ibidem.
* 616 Cf. Ibidem.
* 617 Arrêté du
Gouverneur Général, 1905, ANF.
* 618 Voir Journal officiel
de l'AOF n°1540 du 27 janvier 1934.
* 619 En l'occurrence entre le
Sénégal et la Mauritanie.
* 620 Ne serait-ce que les
récents événements sanglants d'avril 1989 entre la
Mauritanie et le Sénégal.
* 621 Cf. Journal officiel de
l'AOF n°1540 du 27 janvier 1934.
* 622 Source ANF, Fonds
Sénégal, lettre du Gouverneur Général de l'AOF au
Ministre des colonies, Saint-Louis, 31 janvier 1905.
* 623 Voir projet de
décret portant délimitation du territoire civil de la Mauritanie
et du Sénégal : Saint-Louis, 31 janvier 1905. Source ANF,
Fonds Sénégal, lettre du Gouverneur Général de
l'AOF au Ministre des colonies, Saint-Louis, 31 janvier 1905.
* 624 Voir article 2 du
décret du 13 février 1904.
* 625 Voir bulletin des lois
et bulletin officiel du Ministère des Colonies.
* 626 Cf. Projet de
décret portant modification des limites entre le Sénégal
et la Sénégambie-Niger : Paris, 25 février 1905.
Source ANF, Fonds Sénégal, décret du Président de
la République française sur la proposition du Ministre des
colonies, 25 février 1905.
* 627 Il s'agit là d'un
rattachement au cercle de Bakel de villages et terrains situés sur la
rive droite du Sénégal : Saint-Louis, le 20 octobre 1905.
Source ANF, Fonds Sénégal, Lettre du Commissaire du Gouvernement
général en territoire civil de la Mauritanie au Gouverneur
Général, 20 octobre 1905.
* 628 Cf. note A/S de
contestations de terrains de culture dans le Guidimaka : Saint-Louis, le
08 novembre 1906. Source ANF, Fonds Sénégal, Lettre du
Commissaire du Gouvernement Général en territoire civil de la
Mauritanie au Gouverneur Général, 20 octobre 1905.
* 629 Joint au dossier.
* 630 Contestation entre
indigène du Guidimaka et du Kaméra : Kayes, le 10 janvier
1907. Source ANF, Fonds Sénégal, Lettre du Gouverneur de colonies
- Lieutenant - Gouverneur - du Haut-Sénégal et Niger au
Gouverneur Général de l'AOF, 10 janvier 1907.
* 631 Voir A/S de l'exode de
certaines tribus maures : Dagana, le 12 juin 1908. Source ANF, Fonds
Sénégal, Lettre de l'Administrateur des colonies, Henri CHESSE,
commandant de cercle de Dagana au Lieutenant gouverneur du
Sénégal, 12 juin 1908.
* 632 Cf ANF, Fonds
Sénégal, télégramme officiel n°2 du 11 juin de
l'Administrateur-Dagana au Gouverneur Général.
* 633 Cf. ANF, Fonds
Sénégal, lettre de l'Administrateur des colonies, Henri CHESSE,
commandant le cercle de Dagana au lieutenant-gouverneur du
Sénégal, 12 juin.
* 634 Cf. n°646 du
février écoulé.
* 635 Cf. Fonds
Sénégal, Lettre du commissaire du Gouvernement
Général en territoire civil de la mauritanie au Gouverneur
Général, 20 octobre 1905.
* 636 Cf. n°391.
* 637 Voir A/S. de Maures
établis dans le walo : Saint-Louis, le 30 avril 1909. Source ANF,
Fonds Sénégal, Lettre du Lieutenant Gouverneur du
Sénégal au Gouverneur Général de l'AOF, 30 avril
1909.
* 638 Voir A/S d'une rixe
entre Haratines de la rive droite et de la rive gauche du
Sénégal : Saint-Louis, 16 octobre 1911. Source ANF, Fonds
Sénégal, Lettre du Lieutenant Gouverneur du Sénégal
au Gouverneur Général de l'AOF, 16 octobre 1911.
* 639 Voir Christian Roche
dans son « Histoire de la Casamance ».
* 640 Cf. ibidem.
* 641 Cf. Ibidem.
* 642 Cf. Meyreuil A.
« La mission Maclaud : la délimitation de la
Frontière entre la Guinée française, la Casamance et la
Guinée portugaise, dans « l'Afrique française.
Renseignements coloniaux » n°11, 1904 pages 253/254.
* 643 Voir CAOM Affaires
politiques 1030 Rapport Maclaud au Ministre de colonies.
* 644 D'après document
Archives Nationales sénégalaises ANS Fonds Sénégal
11 D 1 226...
* 645 « Après
une courte période de coopération précise le commandant,
l'autorité locale portugaise continue à jouer un rôle
équivoque » cf ANS Fonds Sénégal 11 D 1 226 Note
du commandant de cercle de Ziguinchor 06/10/1943...
* 646 «Cf. ANS 11 D 1239
Exemples en 1949, 1954, 1956, 1957, 1961.
* 647 Voir Hoursiangou
(Léo) français et portugais en Casamance et en
Haute-Guinée. Mémoires de l'ENFOM, Paris 1953, pages 1/43,
rapporté par Jacques Charpy « Témoignage Historique sur
la Casamance » op., cit., p.11.
* 648 Cf. infra
« Sur la fixation du territoire » page 237 et en note
Hubert Deschamps « Les frontières de la
Sénégambie » in Revue française d'études
politiques africaines page 44.
* 649 Cf. Coste (Jean),
« Problèmes et perspectives de l'administration du
Sénégal ».. cité par J. Charpy op. cit.,
p.12.
* 650 D'après Cartala,
La question de l'échange de la Gambie britannique contre les comptoirs
français du Golfe de Guinée de 1866 à 1876, dans
« Revue d'histoire des colonies », 1948, n°122, pages
114/137.
* 651 Voir ANS, Fonds AOF, 2 B
33 bis, 23.04.1864.
* 652 Cf. CAOM, Affaires
politiques, 638/5, incidents 1942.
* 653 D'après Christian
Roche dans « Histoire de la Casamance de 1850 à
1920 ».
* 654 Cité par Roche
(Christian), Histoire de la Casamance...
* 655 Voir Christian Roche,
« Histoire de la Casamance... ».
* 656 Cf. Christian Roche,
précité.
* 657 Cf. Lettre du Gouverneur
Général au Gouverneur du Sénégal, 08.04.1916.
* 658 Cf. Lettre du Gouverneur
Général au Gouverneur du Sénégal, 29.05.1916.
* 659 Cf. Lettre du Gouverneur
Général au Gouverneur du Sénégal , 17.11.1917.
* 660 Cf. Lettre du Gouverneur
Général au Gouverneur du Sénégal, 29.09.1916.
* 661 Des familles ou ethnies
se sont vues divisées tout d'un coup, pour appartenir à des
« nationalités » différentes.
* 662 Voir Zuccarelli dans
« Histoire de la vie politique sénégalaise
(1914-1940) » page 99.
* 663 D'après
Zuccarelli, « La vie politique sénégalaise
(1789-1940) », publication CHEAM, voir note de présentation de
l'ouvrage.
* 664 Cf. Gaspard et Justin
Devès, Gasconi, Couchard, Descemet, Carpot, puis Blaise Diagne, Galandou
DIOUF et Lamine GUEYE, pour citer que les principaux, en sont les leaders. Cf.
Zucarrelli op., cit., p.149.
* 665 L'examen de la liste
électorale de Gorée pour 1909 montre que sur 266 électeurs
inscrits, il y a 15 métropolitains et 18 mulâtres. Ces deux
catégories socio-ethniques représentent donc 12% de
l'ensemble.
* 666 Voir Zuccarelli ibidem
page 99 sur la période 1914-1940.
* 667 Voir à ce propos
July « Histoire des peuples d'Afrique » tome 3, page
159.
* 668 Voir Zuccarreli, op.,
cit., p.149.
* 669 Cf. ibidem.
* 670 Cf. ibidem.
* 671 Cf. ibidem.
* 672 En feuilletant les
journaux locaux, Le Réveil du Sénégal, l'Afrique
Occidentale ou le Petit sénégalais on constate que les nouvelles
de l'extérieur y tiennent peu de place. Les facilités à
donner au commerce de l'arachide, les travaux du chemin de fer ou du port de
Dakar, le rattachement du Soudan à la colonie du Sénégal,
voilà les sujets qui agitent le jour des notables à
responsabilité politique.
* 673 Zuccarelli, op., cit.,
p.150.
* 674 Cf. Zuccarelli
ibidem.
* 675 Cf. ibidem.
* 676 Cf. ibidem.
* 677 Qui oscille entre 4.726
inscrits en 1848 et 20.754 en 1937.
* 678 Voir July
« Histoire des peuples d'Afrique » tome 3, p.160.
* 679 Empires coloniaux
français et britanniques.
* 680 Cf. Emide Sicard dans
Enclyclopédie Universalis page 10.
* 681 « En
côte de l'or, par exemple, dix années de lutte en vue d'obtenir
des réformes politiques, économiques et sociales n'avaient
guère donné de résultats, alors qu'au
Sénégal une petite minorité s'était
contentée d'obtenir une position privilégiée dans
l'élite politique locale en établissant de bonnes relations avec
l'administration coloniale française. Les succès qu'au
Nigéria, mais là encore ils avaient dû se contenter de
résultats modestes, alors que certains de leurs compatriotes, plus
accomodants avec le pouvoir britannique, avaient été promus
à des postes de responsabilité gouvernementale et couverts
d'honneurs ». Voir R. July tome 3 « Histoire des peuples
d'Afrique » précité p.160.
* 682 « Une fois
élu, Diagne poursuivit sa lutte. Critiquant sans relâche dans la
presse l'exploitation économique, les préjugés sociaux et
les discriminations politiques contre les africains des quatre communes, Diagne
offrit l'exemple mémorable d'un africain capable de tenir tête aux
européens », cf.R.W. July, op., cit., p.162.
* 683 « Par exemple,
il faillit provoquer une émeute à Dakar, en considérant
comme une offense personnelle le fait qu'un résident européen ait
donné à son chien le nom de Blaise » Ibidem.
* 684 Cf. ibidem.
* 685 Cf. Loi 1916
citée par J.W. July, op., cit., p.163.
* 686 « Pendant la
première guerre mondiale, la France et la Grande-Bretagne
reçurent toutes deux le soutien loyal et l'assistance matérielle
de leurs colonies ouest-africains, tant sur le plan des approvisionnements
nécessaires au soutien de l'économie de guerre que pour la
mobilisation de troupes nombreuses, en effet, plus de 180.000 ouest-africains
furent recrutés dans les rangs des forces françaises pendant les
quatre années du conflit. Les soldats de l'Afrique anglaise se battirent
courageusement au Togo, au Cameroun, de même qu'en Afrique
orientale ». Voir July, op., cit., pp.153-163.
* 687 R.W. July, op., cit.,
tome 3, p.164.
* 688 Cf. ibidem.
* 689 Cf. ibidem.
* 690 Cf. ibidem.
* 691 R.W. July, op., cit.,
tome 3, p.165.
* 692 Cf. Débats
parlementaires rapportés par July précité.
* 693 Cf. ibidem.
* 694 D'après July,
op., cit., pp.166-167.
* 695 July, op. cit.,
p.167.
* 696 Voir July, op. cit.,
tome 3, pp.183-184.
* 697 « Elle
était aussi le but de tous les projets d'émigration qui, de temps
à autre, étaient élaborés au sein de la
communauté noire américaine. De plus, la notion de
solidarité raciale, transcendant les limites continentales, se
concrétisa avec la première conférence panafricaine,
réunie en 1900 à Londres par l'avocat antillais Henry Sylvester
Williams. Organisée dans le but de protester contre le pouvoir colonial
en Afrique, cette conférence regroupa pour l'essentiel des noirs des
antilles et des Etats-Unis, mais elle permit de définir
concrètement la notion d'unité noire exprimée pour la
première fois au sein d'un congrès panafricain » cf.
July, op., cit., p.184.
* 698 Rapporté par July
précité.
* 699 Le congrès de
New-York, patronné par les organisations féminines noires
américaines, traita abondamment des questions sociales en Afrique, mais
la participation du continent africain était limitée. En 1929, un
cinquième congrès fut annulé en raison de la crise
économique aux Etats-Unis. Ce ne fut qu'à la fin de la seconde
guerre mondiale que ce cinquième congrès put tenir ses assises. A
ce moment-là, le cours des événements mondiaux avait
totalement transformé l'aspect du mouvement panafricain et les
aspirations nationalistes des peuples d'Afrique. Cf. July, op., cit.,
pp.184/189.
* 700 Cf. July, op. cit., tome
4, p.121.
* 701 Cf. infra, p.428.
* 702 Cf. Revue
« Droit et cultures », 1984, n°8, p.41.
* 703 Cf. Magnant ibidem.
* 704 Voir J. Boulègue
« Le Grand Jolof », p.155.
* 705 Cf. J. Boulègue
ibidem.
* 706 J. Boulègue, op.
cit., p.31.
* 707 J. Boulègue, op.,
cit., p.32.
* 708 Cf. Tentative de
fixation des territoires infra.
* 709 Cf. Lombard dans
« Autorités traditionnelles... », p.66.
* 710 Cf. Note intro page 1
thèse Paris I, 1986 Jean Boulègne sous la direction de Jean
Devisse : c'est du reste ce que les premiers navigateurs européens
appelaient « le royaume du Sénégal » et ce
que les historiographes appelaient « l'empire » du
Jolof.
* 711 Cf. J. Boulègue
ibidem note pages ½, intro thèse, Paris I 1986 qui dit que les
sources européennes ne font pas état de cette
hégémonie et que ce sont les sources orales en premier lieu, le
mythe de fondation, les indications de géographes arabes... qui ont
permis de retracer le processus d'extension dans la vallée du
Sénégal dès le Xie siècle.
* 712 Conception
wébérienne.
* 713 Hormis peut-être
le sud casamançais qui est resté une société
tribale.
* 714 Cf. Récit rupture
infra, p.164.
* 715 Cf. note Boulègue
intro Thèse Paris I, 1986, p.2. précité.
* 716 Cf. J. Boulègue
ibidem.
* 717 J. Boulègue, op.,
cit., note intro thèse Paris I 1986, p.2.
* 718 Jusqu'à cette
date, note-il, « il y avait des échauffourés entre
blancs et rois ». Yoro Dyao « Le Sénégal
d'autrefois » précité, p.84
* 719 Le Diagne avait droit
d'entrer dans le gouvernement avec son sabre à la main.
* 720 Yoro Dyao, op. Cit.,
p.25.
* 721 Ainsi la traite qu'ils
faisaient en Gambie à Saint James avec les anglais ne peut être
estimée, ni la traite maure. Cf note intro. Thèse J.
Boulègue p.5, Paris I, 1986.
* 722 Voir à ce sujet
les études de Lombard : « Structures de type
féodal en Afrique noire », Paris Mouton, 1964. Car ce fut le
cas pour les sociétés Bariba du Dahomey du nord et pour beaucoup
d'autres Etats islamisés de la Savane.
* 723 Cf. ibidem.
* 724 La citation
ci-après dénote l'esprit des abolitionnistes :
« Nous leur disons qu'ils sont des hommes comme nous, (...), et
ensuite on les fait travailler comme des bêtes de somme ; on les
nourrit plus mal ; s'ils veulent s'enfuir on leur coupe une jambe et on
leur fait tourner à bras l'arbre des moulins à sucre, lorsqu'on
leur a donné une jambe de bois. Après cela nous osons parler de
droit des gens ! » Cf. Voltaire « Essai sur les
moeurs.... » (1756) Chap. CL IIe ed. Moland, t.XII, p.417.
* 725 Cf. Dictionnaire de
l'ethnologie de Michel Panoff et Michel Perrin Edt. PAYOT, p.97
* 726 Cf. ibidem.
* 727 Cf. Jaulin (1970-1972)
cité par le Dictionnaire de l'Ethnologie précité,
ibidem.
* 728 J. Boulègue nous
fait remarquer que dans la première moitié du XVIIe siècle
« la déposition d'un roi du Kayoor, succès provisoire
en regard du processus en cours et la révolte, vaincue, contre un roi du
Bawol en furent deux manifestations (...) », Cf. J. Boulègue,
intro thèse Paris I, 1986.
* 729 Cf. Almada
rapporté par J. Boulègue, p.169.
* 730 « Alors les
autres vices-rois se déclarèrent indépendants.
Yérim Kodé, M-Ndyouréane était à cette
époque Brak du Ouâlo et Mbègane Ndour, roi du Sine et du
Saloum ». Cf. Cahiers de Yoro Dyao : « Légendes
et coutumes sénégalaises » Par H. Gaden 1912, Paris
Leroux, p.16.
* 731 Cf. Summer
« Conférence ou african administration King's college
Cambridge 1957 The place of chief in African administration - rapporté
par Lombard dans : « Autorités traditionnelles et
pouvoirs européens en Afrique noire » dans « Cahiers
de la fondation nationale en sciences politiques ». Edt° Armand
Colin, p.73.
* 732 Cf. « Bain
Xuli suli » dans le rite d'intronisation des rois wolofs,
rapporté par Yoro Dyao « Légendes et coutumes
sénégalaises, par H. Gaden 1912 Paris Leroux, p.27 par
Boulègue, p.60. Le Roi recevait des armes qu'il tenait à sa main
droite et des grains qui symbolisaient la prospérité dans sa main
gauche.
* 733 Voir R.W. July
« Histoire du peuple d'Afrique » tome 33, p.13.
* 734 Il entendait donner
« aux anciennes dynasties indigènes des successeurs capables,
connaissant quelque peu notre pays, sa langue, ses usages mais en touchant le
moins possible à leur coutume et à leur religion » A.
Villard « Histoire du Sénégal » Dakar 1943,
p.127.
* 735 Cf. ANS, Fonds
Sénégal 11, D 1, 163.
* 736 Cf. CAOM Affaires
politiques 2199/2 Evènement des 18-19-01-1955.
* 737 Cf. Journal officiel,
Côte d'Ivoire, 15 septembre 1900, rapporté par Lombard
« Autorités traditionnelles... », op., cit.,
p.110.
* 738 Cf. Lombard ibidem,
p.110
* 739 Cf. ibidem.
* 740 Ici il s'agit de
l'utlisation des acteurs locaux (surtout des chefs de cantons) comme agents du
fisc, ceci moyennant un certain intéressement.
* 741 Cf. P. Marty «La
politique indigène du gouverneur général Ponty en AOF,
Paris, Ed. Leroux, 1915, p.7.
* 742 Cf. infra Amari
Ngoné, p.172.
* 743 Cf. Lettre du Gouverneur
Général au gouverneur du Sénégal, 17/11/1917.
* 744 Cf. La loi cadre
créait en 1956 (le 23 juin) dans chaque territoire un conseil de
gouvernement élu par l'Assemblée territoriale, conseil
présidé par le gouvernement avec un via Président. Au
Sénégal, ce fut Mamadou DIA...
* 745 Cf. G. Balandier
« Sociologie Politique de l'Afrique noire », Paris PUF,
1955 cité par Jacques Lombard « Autorités
traditionnelles et pouvoirs européens en Afrique », p.11
déjà cité.
* 746 Voir Lombard
« Autorités traditionnelles et pouvoirs européens en
Afrique », op., cit., intro, p.11.
* 747 Cf. ibidem.
* 748 A ce propos, voir la
question de la fixation des territoires.
* 749 Voir Thierry
Michalon : « Quel Etat pour l'Afrique »
présence afrciaine, 3e trimestre, Paris, 1978, pp.32/33.
* 750 Dans la Revue de
Défense Nationale d'octobre 1960 citation recueillie verbalement
auprès d'un éminent professeur malien à l'ENAM de Bamako
lors d'un colloque de juristes à Dakar oct-déc.1992.
* 751 Voir à ce propos
intro. Supra pp.6/7.
* 752 Voir dans
« Congrès de Kinshasa 1978... ».
* 753 Voir à ce propos
Henri Le févre, « De l'Etat », Paris 1977.
* 754 Cf. Thierry MICHALON,
op., cit.,, p.35
* 755 Cf. Roger GARAUDY,
Parole d'homme, ccll Points, pp.195/196.
* 756 Voir Renan cité
par Meynard (L) « La connaissance et l'Action », Livre de
philosophie séries C et D, p.405.
* 757 D'après Thierry
Michalon, op., Cit., p.18.
* 758 Yves Person,
congrès de Kinshasha 1978 Ed. Berger Levrault, pp.65/69.
* 759 Cf. Yves Person
ibidem.
* 760 Cf. Ibidem.
* 761 Cf. ibidem.
* 762 Cf. ibidem.
* 763 D'après Renan
cité par S.D. HERZBRUN 3La Revue » Janvier 1993, p.45.
* 764 Cf. Jacques Ellul dans
« Histoire des Institution » PUF , tomes 5,
pp.10/13.
* 765 Cf. Yves Person
congrès Kinshsha 1978 ACCT , p.66.
* 766 D'après Yves
person « Congrès de Kinshasha » déjà
cité, p.67.
* 767 Cf. Yves Person
ibidem.
* 768 Cf. ibidem.
* 769 Cf. ibidem.
* 770 Cf. Conor, Nation
building or Nation destroying, in world Politics 1972. Article
intéressant, mais marquant un peu d'analyse conceptuelle. La Nation-Etat
et la nationalité ne sont pas distinguées.
* 771 Cf. Yves Person
ibidem.
* 772 Cf. ibidem.
* 773 Cf. ibidem.
* 774 Cf. ibidem.
* 775 Cf. Yves Person
précité.
* 776 Voir Emile Sicard dans
Encyclopédie Universalis, p.4.
* 777 Cf. ibidem.
* 778 Emile Sicard, op. cit.,
p.11.
* 779 Cf. Yves Person,
Congrès de Kinshsha, précité, p.62.
* 780 Cf. Herder
précité.
* 781 Terme utilisé par
Sonia Herzbrun, « La Revue », Janvier 1993, p.45 et s.
* 782 Voir Ed. Seuil, 1991.
* 783 Le Dictionnaire de
l'Ethnologie de Michel Panoff et Michel Perrin, Ed. Payot, dit que
« ethnie » vient du grec « ethnos » qui
signifie peuple, nation : un groupement d'individus appartenant à
la même culture, c'est-à-dire la même langue, les
mêmes coutumes, etc...
* 784 Cf. infra essai de
définition de la nation p.114.
* 785 D'après Michel
Lowy, « La Revue » janvier 1993,p.40.
* 786 Cf. M. Rodinson dans
« Encyclopédie Universalis », pp.13-17.
* 787 Cf. M. Rodinson
ibidem.
* 788 D'après Michel
Lowy « La Revue » Janvier 1993, p.40.
* 789 Cf. ibidem.
* 790 Cf.
« Témoignage historique sur la Casamance... »
déjà cité.
* 791 Cf Ibrahim Baba KAKE
« L'effroyable guerre du Biafra » et Remy Boutet dans
collection Afrique Contemporaine, Vol.14.
* 792 Les hommes de bonne
volonté qui essaient d'animer les paysans misérables du Nord-est
brésilien en font chaque jour l'expérience. Le père
Gérardo, écrit « Le Monde » (10 août
1977), « souhaiterait que ses compatriotes revendiquent une origine,
se donnent des racines, une base. Ainsi pourraient-ils résister à
ce qui tend à les briser ». Voir Le Monde, 10 août
1977.
* 793 Yves Person, op. cit.
p.69.
* 794 Cf. Ibidem.
* 795 Cf. Ibidem.
* 796 Cf. Ibidem.
* 797 Cf. ibidem.
* 798 Cf. ibidem.
* 799 Cf. ibidem.
* 800 Cf. ibidem.
* 801 Cf. ibidem.
* 802 Cf. ibidem.
* 803 Ibidem Yves Person.
* 804 Comme le dirait le
Président du Bénin Nicéphore Soglo lors du sommet de la
CEDEAO à Dakar en 1992.
* 805 D'après Sonia
Dayan Herzbrun « La Revue » déjà cité,
p.47.
* 806 Tel est le sens des
remarques formulées par Hannah Arendt contre les thèses
développées par Herzl dans « l'Etat juif »
rapporté par S.D. Herzbrun ibidem.
* 807 C'est le cas
respectivement des Etats-Unis et de la France.
* 808 Comme chez ces
malheureuses personnes de l'ex-URSS qui se disaient juifs orthodoxes..., soit
de nationalité juive et de religion orthodoxe (anecdote rapportée
par Pierre Rolle « La Revue » janvier 1993, p.46,
citée par S.D. HERZBRUN.
* 809 R. Décottignies,
Doyen de la Faculté de Droit et des Sciences Economiques de Dakar dans
son article intitulé : « Les nouvelles
nationalités africaines », Ed. Berger Levrault, pp.10/20.
* 810 Cf. Ibidem.
* 811 Ainsi, tout conspire,
selon Décottignies pour ajouter aux difficultés de celui qui veut
connaître sa nationalité en Afrique ou que la curiosité
entraîne sur un terrain miné par l'activité de quatorze
législateurs qui agissent en ordre dispersé. La conclusion
à laquelle on arrive semble dès lors, se teinter de
pessimisme : « Le tableau des nationalités que l'on
s'était efforcé de brosser se brouille. Les codes en se
superposant fondent les nationalités africaines dans une sorte de brume
qui fait penser à la moiteur pourrie de l'hivernage des
tropiques ». Cf. ibidem.
* 812 Cf. ibidem.
* 813 Cf . ibidem.
* 814 Voir Roger-Gérard
Schawartzenberg dans « Sociologie politique » Ed.
Montchrestien, Paris 1977, p.480.
* 815 Cf. Roger-Gérard
Schawartzenberg ibidem.
* 816 R.G. Schwaetzenberg, op.
cit., p.510.
* 817 D.G. Lacroff cité
par Roger-Gérard Schwartzenberg, op. cit., pp.304/305.
* 818 Cf. ibidem.
* 819 Cf. ibidem.
* 820 Thierry Michalon
déjà cité.
* 821 Cf. ibidem.
* 822 Thierry Michalon, op.,
cit., p.52.
* 823 Cf. Fantz Fanon
* 824 Voir Bakary TRAORE
« A propos des damnés de la terre », Présence
Africaine, Ie trimestre 1963, pp.200 et s. sur la « Construction
Nationale ».
* 825 Cf. ibidem.
* 826 M. Niang dans Bulletin
I.F.A.N 1975, n°1 série B/ T. 37, page 149.
* 827 voir Raymond Verdier
"Congrès de Kinshasha
* 828 Cf. ibidem.
* 829 Note M. Raymond Verdier
précité.
* 830 Cf. ibidem.
* 831 Voir notre étude
sur l'idée que le domaine national devrait être dissout dans des
institutions villageoises et urbaines, infra page 463
* 832 Cité par Raymond
Verdier précité
* 833 Cf. Raymond Verdier
précité.
* 834 En effet, "chez les
serer de Mbayar, la suppression de la redevance foncière a conduit les
paysans à interpréter la loi de la manière suivante :
"la terre appartient à tout le monde" ; il est ainsi
prévisible qu'un conflit opposera les villageois aux
représentants de l'administration centrale, le jour où une
"communauté rurale"sera installée ; les premiers accepteront
difficilement de se dessaisir d'une terre qu'ils se sont attribuée de
leur propre autorité
Verdier op cit page 131
* 835 "Les droits sur la terre
tendent de plus en plus à être revendiqués par les
individus exploitant en tant que citoyens et non en tant que membre de ces
collectivités". Ibidem
* 836 Cf. Verdier Ibidem
* 837 R. Verdier op cit page
342.
* 838 D'après Bernard
Moleur Revue "Droit et Culture"Dc3 1982 page 28 et suivantes.
* 839 Voir B. Moleur
précité
* 840 La commission avait
reconnu que cette formule était la plus adaptée pour permettre
l'application rapide et profonde par l'Etat de ses plans de
développement
* 841 Cf. B. Moleur
précité
* 842 Le directeur des
impôts et des domaines à Monsieur le Ministre des finances 2
179/DID. Retrouvé à la direction des domaines versée aux
A.N.S cit par B
* 843 Ndibu, avocat
près de la Cour et Président de l'union des écrivais
Zaïrois article Pub dans congrès de Kinshassa 1978 pub ACCTpage
160
* 844 Cf. Bernard Moleur
précité, article page 32, Revue "Droit et Cultures ".
* 845 Cf. article 12 de la
constitution du 29 août 1960 NOTE 19 B. Moleur.
* 846 Cf Denise Paulme dans
"régimes fonciers traditionnels en Afrique in Présence Africaine
n°48e trimestre 1963 page 109 cité par Bernard Moleur
page 33.
* 847 Cf. M. Diao dans "Etude
du système foncier traditionnel chez les wolofs du Cayor"Mémoire
EPHE 1973 intro. Page 4
* 848 Sur la notion de Mbok,
cf Mamadou Niang "structures parentales et stratégie juridique du
développement". Etude appliquée aux wolofs du
Sénégal" Thèse Paris, 1970.
* 849 B. Moleur op cit page
34
* 850 D'après B. Moleur
"Droit et Culture"1982 DC3, page 34.
* 851 Cf Ca da Mosto
"Relations de voyage à la côte occidentale d'Afrique"1 445 - 1
457, pub par Schefer Leroux, 1895. Rapporté par Bernard Moleur
précité.
* 852 En effet "Sur le plan
institutionnel, le cayor était province indépendante avec un chef
élu par ses pairs les Lamanes cayoriens ..." Cf Pathé Diagne dans
"Pouvoirs politiques traditionnels" Présence Africaine 1967, page 97.
* 853 Ainsi, une circulation
du Président de la République à Messieurs les gouverneurs
dira qu'il faut surtout que les populations "prennent conscience du fait que
l'entrée en vigueur de ces textes met fin irrémédiablement
à l'ancien état de fait caractérisé par le paiement
de dimes aux Lamanes ..., je vous demande ...d'être impitoyables à
l'égard de tous les mystificateurs qui prétendront se
prévaloir de privilèges passés et essaieront d'abuser de
la bonne foi des paysans pour exiger le paiement des dimes". Cf. circulaire
82/PR/SG/JUR du 31 juillet 1964.
* 854 Cf. B. Moleur page 36
revue "Droit et Culture" 1982 DC3.
* 855 Cf . Ibidem.
* 856 A ce propos cf . Mohamed
Sonko auditeur à la Cour Suprême du Sénégal in "Le
Soleil" 6 novembre 1980 : "dans cette conception "négro-africaine"
les droits du sol sont la conséquence directe du travail effectué
sur le sol"
* 857 Cf. B ; Moleur dans
la revue "Droit et Cultures" page 37
* 858 Cf. B. Moleur ibidem.
* 859 voir J. Schacht in
"Esquisse du Droit Musulman", Institut des Hautes Etudes Marocaines, 1952,
pages26/27.
* 860 Cf. Hampaté
Bâ déjà cité.
* 861 Cf. Discours
prononcés à l'occasion du projet de loi en 1964.
* 862 In Journal "Dakar-Matin"
13 juin 1964.
* 863 Cf. Circulaire
Présidentielle du 31 juillet 1964 déjà citée
* 862 Cf. Conférence de
presse précitée, 29 Avril 1964.
* 863 Cf. Discours
précité dans le Journal "Dakar-Matin ", 2 mai 1964.
* 864 Cf. B. Moleur
précité.
* 865 Cf. Ibidem.
* 866 Cf.
Interprétation de B. Moleur précité
* 867 Cf. Ibidem.
* 868 Cf. Ibidem.
* 869 Cf. R.W. July
« Histoire des peuples d'Afrique noire » PUF, tome 4,
p.10.
* 870 R.W. July, op., cit.,
tome 4, p.12.
* 871 R.W. July, op., cit.,
tome 4, p.87.
* 872 Cf. Jean Paul Sartres,
« Critique de la raison dialectique », Ed. Gallimard, tome
1, p.23.
* 873 Voir Aimé
Césaire, Extrait d'un article intitulé : L'homme de culture
et ses responsabilités, in Présence Africaine, n°s 24/25,
Février-Mars 1959, p.12.
* 874 Cf. Aimé
Césaire ibidem.
* 875 Cf. Frantz Fanon,
« Les Damnés de la terre », Ed. Maspéro,
Paris, 1961, p.150.
* 876 Cf. Frantz Fanon, op.,
cit., p.151.
* 877 Cf. F . Fanon
ibidem.
* 878 Voir H. Hegbo Nlend,
« Pour un développement intégral », Paris
1964, p.25.
* 879 Cf. Durkheim
« Le socialisme », PUF, intro.
* 880 K. Nkrumah,
« Le consciencisme », Payot, Paris 1965, p.59.
* 881 Cf. Du Bois cité
par L.V. Thomas, « Le socialisme et l'Afrique », Le livre
Africain, Paris 1966, p.11.
* 882 Cf. D. Thiam,
« La politique extérieure des Etats africains, Paris, PUF
1962, pp.33/34.
* 883 Cf. N. Khroutchev
cité par L.V. Thomas, p.37.
* 884 Cf. ibidem.
* 885 Voir K.Nkrumah,
« La lutte des classes en Afrique », Présence
Africaine, Paris 1972, p.48.
* 886 D'après Thierry
Michalon op. cit., p.38.
* 887 Cf. Thierry Michalon
ibidem.
* 888 Voir Modibo Diallo dans
« les grands révoutionnaires africains », Ed.
Martinsart, p.127.
* 889 Cf. In Nkrumah Handbook
of Revolutionary welafre, Guide to the armed phase of the African Revolution,
Panaf books, 1968. Traduction de Modibo Diallo rapporté par «Les
Grands Révolutionnaires africains, p.127.
* 890 D'après R.W.July,
« Histoire des peuples d'Afrique noire », PUF tome 4,
p.122.
* 891 R.W.July, op. cit., tome
4, p.123.
* 892 Cf. Supra
Définition Nation.
* 893 Cf. Modibo Diallo :
"Kwamé Nkrumah" dans "les grands Révolutionnaires africains"
déjà cité page 127.
* 894 Comme Cheikh Anta Diop
précité.
* 895 Voir notre
développement au niveau moral, supra page 59
* 896 Cf. J. Ellul dans
"Histoire des Institutions", tome 5 page 355 à propos des contradictions
de l'Etat libéral.
* 897 Jacques Ellul op cit
page 173.
* 898 Jacques Ellul ibidem.
* 899 Cf. Ibidem.
* 900 Cf. Ibidem.
* 901 Cf. Pamphlets de P.L.
Courier pat Armand Carrel, Paris Garnier-Frères, 1886, pages 30 et
suivantes.
* 902 J. Ellul op cit tome 5,
pages 354-355.
* 903 Cf. Ibidem
* 904 D'après J. Ellul
ibidem à propos des contradictions de l'Etat libéral
précité
* 905 Voir le concept de
l'Unité africaine, supra page 428.
* 906 Voir le socialisme
supra page 415.
* 907 Cf. Etienne Balibar,
"Les frontières de la démocratie", Paris, la Découverte,
en 1992, page 80.
* 908 Cf. Ibidem.
* 909 Voir Eric Hobsbawn,
« Nations et nationalisme depuis 1780, pp.171*172, cité par
Michel Lowy « La Revue », Janvier 1993, p.41.
* 910 Cf. Président de
la République du Bénin Nicéphore SOGLO déjà
cité.
* 911 Par Daniel Bensaïd
dans « La Revue » Janvier 1993, pp.29/30.
* 912 Cf. ibidem.
* 913 Ibidem par Bensaïd
précité.
* 914 Cf. ibidem.
* 915 Daniel Bensaïd, op.
Cit., pp.29/30.
* 916 Cf. L. Strauss
« Race et histoire » Presse de l'UNESCO, p.12.
* 917 Voir Thierry dans
« le Censeur » 1817 sur « la notion
d'intérêt commun », déjà cité.
* 918 Voir Gérard Cost
cité par Pierre C. Timbal dans Encylcopédie Universalis, p.7.
* 919 Ainsi dans la
République française, est français celui qui
reconnaît les lois et les principes de la République.
* 920 Naturellement plus
question de nation dans ce colloque organisé à Paris, sous
l'égide du Président de la République et de tous ceux qui
allaient se rassembler autour du « oui » à
Maastricht.
* 921 Cf. Max Gallo
« La Revue » Janvier 1993, pp.24/25.
* 922 Cf. Frantz Fanon,
« Les Damnés de la terre » Ed. Maspéro, Paris
1961, p.138.
* 923 Cf. A. Cabral
cité par Thierry Michalon, op., cit., p.41.
* 924 Ici l'organigramme
administratif a été totalement refondu et des structures
originaires opérationnelles, qu'un noyau politico-administratif fort
simplifié, proportionné à l'ampleur réelle des
tâches imparties à l'Etat : un comité central des
affaires intérieures chargé de l'enseignement fondamental et
secondaire et des structures sanitaires de base ; un comité central
des affaires extérieures, compétent en matière de
diplomatie et de co-opération ; la Présidence de la
République, regroupant le centre de planification économique et
la défense nationale. Au plan territorial, l'administration est souple
et décentralisée. Cf. Ph. Leymarie,
« Décentralisation et lutte antiféodale aux
Comores », Le Monde diplomatique novembre 1977.
* 925 Thierry Michalon, op.,
cit., pp.49/50.
* 926 Cf. ibidem.
* 927 Cf. ibidem.
* 928 Rousseau d'après
« Du contrat social 1762 ».
* 929 Cf René Dumont,
« l'Afrique noire est mal partie »Ed. Seuil, Paris 1966,
page 88.
* 930 Cf . Paul Biya, Message
dans Jeune Afrique n° 1168, Page 178.
* 931 Cf Ibidem.
* 932 Cf . F. Fanon
« Les Damnés de la terre » Ed. Maspéro,
Paris 1961 ,Page 117.
* 933 Voir W. Lapierre,
« Le pouvoir politique » PUF, Paris 1969, Page117.
* 934 Cf. Ibidem.
* 935 Réné
Dumont op cit page 204.
* 936 cf. Ibidem.
* 937 Thierry Michalon op cit
page 51.
* 938 Thierry Michalon op cit
page 52.
* 939 René Dumont op
cit page 204.
* 940 Cf. Mamadou NIANG,
« Régime des terres » p.149.
* 941 Cf. B. moleur
, « Tradition et loi relative au domaine
national »dans la revue « Droit et cultures »
DC3, 1982, p.53.
* 942 D'après Mamadou
niang dans « régime des Terres » Bulletin IFAN T37,
série B N°1, 1975 Page 149.
* 943 comme le fait remarquer
Jean Louis Bouteiller dans « Les rapports du système foncier
toucouleur et de l'organisation sociale et économique traditionnelle,
leur évolution actuelle » cité par mamadou Niang op cit
« régime des terres » p. 150.
* 944 Voir Mamadou
Niang « Conférence du 25 Février 1987 faite
à l'ENAM, Dakar Sénégal.
* 945 L'objectif juridique
consiste à unifier les droits traditionnels musulman et moderne en vue
de réaliser une législation unique, harmonisée par l'Etat
sénégalais.
* 946 Voir loi 1964
déjà cité.
* 947 cf. Mamadou Niang
ibidem.
* 948 cf .Mamadou Niang
« Conférence du 25 Février 1987 précitée
page 7.
* 949 Thiabougel est un petit
village peul situé au nord de Darou Mousty habité par une
population peulh d'environ 200 personnes réparties sur une superficie de
1.000 hectares. L'origine du litige est très ancienne et remonte au
19è siècle avec l'implantation du colonat mouride . Les peuls
reprochent aux mourides d'utiliser leurs terres comme espaces agricoles et les
Mourides revendiquent le droit de mise en valeur en empiétant sur
l'espace habité par les peuls. Les autorités préfectorales
ont réussi à asseoir des mesures d'ordre public pour
éviter les confrontations sanglantes mais le conflit subsiste
malgré les régles de délimitations opérées
par l'administration préfectorale cf. M. Niang Ibidem
* 950 Cf Raymond
Verdier : « Acculturation juridique et dépendance.
L'exemple du droit parental et foncier ». Congrès de Kinshasha
EDT Berger Levrault Publication ACCT 1978 Page 338.
* 951 Voir Thèse de
Bernard Moleur sur le droit de propriété sur le sol
sénégalais Faculté de Dijon 1978 pages 339 et
suivantes.
* 952 Cf. Ibidem
* 953 Thèse de B.
Moleur précité.
* 954 Cf. Ibidem.
* 955 Raymond Verdier
Précité.
* 956 Cf.Ibidem.
* 957 Cf. Ibidem.
* 958 Cf. Ibidem.
* 959 c'est ainsi que dans la
zone de Sangalkam des fonctionnaires ont réussi de par leurs moyens et
par leur statut à transformer les zones de terroir en vergers de
Dimanche. Cf Mamadou Niang précité.
* 960 C'est ainsi que la loi
de 1972 (Loi 72-28 du 19 avril 1972) définit la communauté rurale
comme : « (...) un certain nombre de villages appartenant au
même terroir, unis par une solidarité résultant notamment
du voisinage possédant des intérêts communs et capables de
trouver les ressources nécessaires à leurs
développements ». « Si nous restons dans le domaine
des implications sociologiques quelles sont les leçons à tirer de
la loi créant les communautés rurales ? On pourrait
d'abord constater que l'approche sociologique qui était le
critère de base de la création des communautés rurales a
laissé progressivement la place à l'approche sectorielle ou
même politique. Cf. IBidem C'est ainsi que la loi de 1972 (Loi 72-28 du
19 avril 1972) définit la communauté rurale comme :
« (...) un certain nombre de villages appartenant au même
terroir, unis par une solidarité résultant notamment du voisinage
possédant des intérêts communs et capables de trouver les
ressources nécessaires à leurs développements ».
« Si nous restons dans le domaine des implications sociologiques
quelles sont les leçons à tirer de la loi créant les
communautés rurales ? On pourrait d'abord constater que
l'approche sociologique qui était le critère de base de la
création des communautés rurales a laissé progressivement
la place à l'approche sectorielle ou même politique. Cf.
Ibidem.
* 961 Pour en citer que
quelques exemples les habitants de la communauté de Rao, (
sous-préfecture située à 18 km de Saint-Louis) sont
obligés de se rendre à Dagana (150 km de rao) pour des
pièces administratives parce que Dagana est le département dont
dépend la sous-préfecture de Rao. D'autres exemples sont nombreux
et peuvent être cités au Sénégal. Cf. Ibidem M.
Niang.
* 962 Ici les esquisses de
solutions consistent à un modeste catalogue ou inventaire de
recommandations.
* 963 Cf . M. Niang Conclusion
Conférence tenue à l'ENAM le Mercredi 25 Février 1987-
Dakar intitutlée : « La loi sur le domaine National et
ses implications sociologiques
* 964 Certes, l'application
d'une loi n'est pas toujours immédiate et il arrive que des lois
s'appliquent plusieurs années après ou parfois même
restent « lettre morte ». Il arrive aussi qu'une loi
devance l'avenir et soit prise sans tenir compte des réalités
socio-économiques du pays auquel elle est destinée. C'est ainsi
qu'un droit du développement s'assignant la tâche de favoriser le
développement, en s'alliant parfois, les valeurs traditionnelles, aurait
pour but d'orienter les mentalités. En ce qui concernent une loi
foncière, son objectif devrait être différent. Une
réforme foncière est souvent une révolution
économique destinée à favoriser la promotion rurale c'est
à dire celle du monde paysan. Ses effets doivent être en
conséquence immédiats. Cf. Ibidem.
* 965 En effet si l'on voulait
s'aventurer à établir des statistiques, on se rendrait compte que
la loi sur le domaine national écrite en français et
formulée en termes juridiques,, n'est pas connue du tiers des citadins
habitant le Sénégal et encore moins des analphabètes
ruraux. Certes, la majeure partie des paysans ont la volonté de
participer activement à son application mais ont rarement l'occasion de
discuter de son contenu. En effet si l'on voulait s'aventurer à
établir des statistiques, on se rendrait compte que la loi sur le
domaine national écrite en français et formulée en termes
juridiques,, n'est pas connue du tiers des citadins habitant le
Sénégal et encore moins des analphabètes ruraux. Certes,
la majeure partie des paysans ont la volonté de participer activement
à son application mais ont rarement l'occasion de discuter de son
contenu.
* 966 Cf.Mamadou Niang
Ibidem
* 967 Cf. Ibidem.
* 968 Cf. Ibidem
* 969 Il faut féliciter
Mamadou Niang non seulement, parce que l'étude que nous avons ici
décortiquée n'a pas manqué à son but ; mais
parce que également à la partie descriptive se sont
ajoutés des éléments suggestifs, fruits de
réflexion favorisée par le contact permanent avec le terrain.
Nous sommes heureux d'avoir pû profiter de cette riche
expérience.
* 970 Loi
sénégalaise de 1964, loi ivoirienne de 1963, ordonnances
camerounaises de 1974, ordonnance togolaise de 1974 Loi
sénégalaise de 1964, loi ivoirienne de 1963, ordonnances
camerounaises de 1974, ordonnance togolaise de 1974.
* 971 Notons qu'il n'a pas
été question d'expropriation à proprement parler,
mais : l'attribution des droits fonciers dépend de la mise en
valeur des terres, qui n'est qu'une perpétuation de la vielle notion d'
« emprise évidente et pertinente » d'avant les
indépendances.
* 972 C'est le souhait
formulé en tout cas par le Président Abdou Diouf lors de son
message à la Nation du 3 Avril 1992 puis dans son discours inaugural
devant l'Université d'Eté du parti Socialiste prononcé le
24 Septembre 1992. Le chef de l'Etat sénégalais a donc
décidé de soumettre en son temps à l'assemblée.
* 973 Voir litige de
Thiabougel.
* 974 Voir raymond
Verdier : « Acculturation juridique et dépendance en
Afrique noire. L'exemple du droit parental et foncier ». Publ°
ACCT Edt° Berger Levrault : « La Dépendance de
l'Afrique et les moyens d'y remédier » ( Congrès de
Kinshasha 1978), page 344
* 975 Il revient donc aux
historiens de mettre le passé au service de l'avenir Africain
* 976 Marc Debéne et
Monique Caverivière : « Foncier des villes, foncier des
champs », in Annales Africaines 1989-90-91, P. 93 Revue de droit de
la Faculté des sciences juridiques et Economiques de Dakar.
* 977 « Ce
démembrement territorial, qui intervient au cours du XVIè
siècle sous l'influence du commerce atlantique, est examiné plus
loin. Cela ne change pas fondamentalement les données sur les
institutions économiques, politiques et sociales de la
Sénégambie (...) avant l'instrusion
européenne ». D'après Boubacar Barry, LA SENEGAMBIE DU
XV° AU XIX° SIECLE, page 35.
* 978 Cf .Thierry dans journal
« le censeur » 1887 Déjà cité.
* 979 Et comme disait le
philosophe Sénéque : « on divise le peuple en
tribus, l'armée en centuries. Tout ce qui a pris un certain
accroissement est plus facilement compris une fois divisé ; mais
ces divisions (...) ne doivent pas être nombreuses ni trop petites.
Diviser à l'excès présente le même
inconvénient que ne pas diviser du tout. Et il n' y a plus que confusion
dans un objet qui a été divisé en poussière...
« Cf. Sénéque dans « Lettre à
Lucilius » P.U.F.
* 980 Voir nos études
sur l'étymologie du « Nation ».
* 981 Cf. Renan, cité
par Meynard (L) dans : « La connaissance et
l'action. » Librairie Berlin, Paris 1963 Page 405.
* 982 C'est possible comme
dans l'Afrique d'hier par une sorte de traité ou de
« compris » signé et chaque chef politique pourrait
malgré tout, garder une partie de sa souveraineté et entrer dans
une sorte de pacte ou d'alliance...
* 983 M. Niang, , IFAN
« place du droit islamique dans la vie juridique
sénégalaise contemporaine confrontation des modèles
(autochtone, musulman et occidental in « recherche et
cultures », page 175) M. Niang, , IFAN « place du droit
islamique dans la vie juridique sénégalaise
contemporaine confrontation des modèles (autochtone, musulman et
occidental in « recherche et cultures », page 175).
* 984 Cf. Balandier in
préface du livre de Jamo Kenyatta : « Au pied du Mont
Kenya », page 9, Maspéro, Paris 1960, rapporté par
Assane Sylla dans « la philosophie morale des wolofs »,
IFAN, 1994 page 138.