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Evolution et mutation de l'inspection du travail

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par Anne Claire Michaut
Université Paul Cézanne - Aix Marseille III - Master Droit social 2008
  

Disponible en mode multipage

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    UNIVERSITE PAUL CEZANNE - AIX MARSEILLE III

    FACULTE DE DROIT ET DE SCIENCE POLITIQUE D'AIX - MARSEILLE

    Master recherche Droit Social

    EVOLUTION ET MUTATION DE L'INSPECTION DU TRAVAIL

    Mémoire d'Anne-Claire MICHAUT

    Directeur de recherche :

    Madame le Professeur Claude ROY-LOUSTAUNAU

    Maître de conférences

    Année universitaire 2007-2008

    SOMMAIRE :

    Introduction

    Première partie : L'inspecteur du travail : un homme « indépendant » ?

    Chapitre 1 : Les missions traditionnelles revisitées

    Section 1 : L'indépendance relative de l'inspecteur du travail quant aux décisions administratives 

    Section 2 : Vers l'effacement du rôle de l'inspecteur du travail dans les réformes récentes

    Chapitre 2 : Des missions en concertation avec d'autres organismes : un homme entouré dans son action 

    Section 1 : La mise en place de services tendant à compléter son action 

    Section 2 : La « pluridisciplinarité » : une complémentarité utile ?

    Deuxième partie : L'inspecteur du travail : un officier de police judiciaire ?

    Chapitre 1 : Des missions traditionnelles de l'inspecteur en matière pénale 

    Section 1 : Les compétences de l'inspecteur en matière pénale 

    Section 2 : La répression de l'inspecteur : un rôle en marge de sa mission 

    Chapitre 2 : Vers l'extension de nouveau pouvoir de police de l'inspecteur

    Section 1 : Le contrôle d'identité des personnes présentes dans l'entreprise : une innovation récente 

    Section 2 : La modification de ses compétences en matière de travail illégal 

    Conclusion

    Liste des abréviations :

    ANI

    Accord National Interprofessionnel

    Arr.

    Arrêté

    Art.

    Article

    BIT

    Bureau International du Travail

    BS Lefebvre

    Bulletin Social Lefebvre

    BTP

    Bâtiments et Travaux Publics

    Bull. crim.

    Bulletin des arrêts de la Cour de cassation, chambre criminelle

    Cass. crim.

    Cour de cassation, Chambre criminelle

    Cass. Soc.

    Cour de Cassation, Chambre sociale

    Cconso

    Code de la Consommation

    CDI

    Contrat à Durée Indéterminée

    CE

    Conseil d'Etat

    CHSCT

    Comité d'Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail

    Circ.

    Circulaire

    Circ. DGT

    Circulaire de la Direction Générale du Travail

    Circ. DRT

    Circulaire de la Direction Régionale du Travail

    Circ. IGT

    Circulaire de l'Inspection Générale du Travail

    CNIT

    Conseil National de l'Inspection du travail

    COLTI

    Comité Opérationnel de Lutte contre le Travail Illégal

    Conv.

    Convention

    CP

    Code Pénal

    CPP

    Code de Procédure Pénale

    CR

    Code Rural

    CRAM

    Caisse Régional d'Assurance Maladie

    CT

    Code du Travail

    D.

    Décret

    DDTEFP

    Directeur Départemental du Travail, de l'Emploi et de la Formation Professionnelle

    DGT

    Direction Générale du Travail

    DILTI

    Délégation Interministérielle de Lutte contre le Travail Illégal

    Dir.

    Directive

    Dr adm. comm.

    Droit Administratif Commentaire

    Dr. Ouv.

    Revue de Droit Ouvrier

    Dr. Soc.

    Droit social

    DRTEFP

    Directeur Régional du Travail, de l'Emploi et de la Formation Professionnelle

    DRTEFP

    Direction Régionale du Travail, de l'Emploi et de la Formation Professionnelle

    éd.

    Edition

    IPRP

    Institution de Prévention en Risques Professionnels

    J-Cl.

    Juris-Classeur

    JCP E

    Juris-Classeur périodique édition entreprise

    JCP S

    Juris-Classeur Périodique édition sociale

    JO AN Q

    Journal Officiel, Assemblée Nationale, Question

    JO CE

    Journal Officiel de la Communauté Européenne

    Jurisp. Soc. UIMM

    Jurisprudence sociale de l'UIMM

    L.

    Loi

    Liaisons Soc.

    Liaisons sociales

    MIRT

    Médecin Inspecteur Régional du Travail

    Numéro

    OCLTI

    Office Central de Lutte contre le Travail Illégal

    OIT

    Organisation Internationale du Travail

    OPPBTP

    Organisme Professionnel de Prévention du Bâtiment et des Travaux Publics

    Rép. min.

    Réponse ministérielle

    RPDS

    Revue Pratique de Droit Social

    RSC

    Revue de Sciences Criminelles

    TA

    Tribunal Administratif

    TGI

    Tribunal de Grande Instance

    VLEP

    Valeur Limite d'Exposition Professionnelle

    Introduction :

    L'inspection du travail naît de la carence dans l'application du droit du travail, à savoir le manque d'un contrôle administratif. Un premier corps avait été créé, pour contrôler l'application de la loi du 22 mars 18411(*), qui manquait d'indépendance. La loi du 19 mai 1874 créé l'inspection du travail en instituant un service de quinze inspecteurs divisionnaires et des inspecteurs départementaux. Suite à la Conférence internationale sur le travail de Berlin, du 15 mars 1890, prévoyant d'instituer une législation internationale du travail, le législateur français2(*) créa un corps d'inspecteurs, fonctionnaires d'Etat. L'inspection du travail a été rattachée ensuite au Ministère du Travail, lors de sa création en 1906. Si la création de l'inspection du travail résulte d'une volonté internationale, il s'avère qu'elle était devenue nécessaire au plan national, bien avant. Depuis 1841, la France avait pressenti la nécessité de se doter d'un Ministère du travail, qui ne verra véritablement le jour qu'en 1906, institué par un décret de Clémenceau3(*). Aux heures difficiles de la Première Guerre Mondiale, le Ministère du travail a bien faillit disparaitre, et avec lui, les inspecteurs du travail. Cependant, par force de persévérance, la fin de la guerre marque le commencement de la pérennisation. En 1936, le gouvernement avance d'un pas supplémentaire en résolvant le conflit par une politique sociale qui a su perdurée. La seconde Guerre Mondiale est marquée par son lot de difficultés. Le Travail est au centre des préoccupations de l'Etat français, mais nous connaissons les tristes dérives du Régime. Il faudra attendre la fin de la guerre pour que s'engage la reconstruction et la modernisation. Le Ministère du travail s'est toujours trouvé au coeur d'importantes réformes, négatives comme positives, de notre société.

    La Convention internationale N°81, adoptée en 1947, de l'Organisation Internationale du Travail (OIT) oblige tous les pays l'ayant ratifié à « organiser un système d'inspection du travail chargé d'assurer l'application des dispositions légales relatives aux conditions de travail et à la protection des travailleurs dans l'exercice de leur profession ». La France ratifia cette Convention par la loi du 10 août 19504(*). Peu à peu, les missions de l'inspecteur du travail se sont modifiées, passant de protecteur des salariés, puis acteurs aux multiples facettes : relation collective et individuelle, emploi et formation professionnelle.

    Aujourd'hui, l'inspection du travail est un corps interministériel relevant de trois ministères : le ministère du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle ; le ministère de l'agriculture et le ministère des transports. Fondée à l'origine sur la diversité des législations, cette division du corps fait l'objet d'une réflexion quant à la possible fusion des trois services en un service unique. La particularité des domaines de chacun ne permet pas selon nous d'envisager une fusion des trois services, au risque de voir disparaître la particularité de chacun.

    L'inspection du travail a pour mission première de veiller à l'application du droit du travail5(*), dans son intégralité. Pour ce faire, la Convention internationale 81 confère, aux agents auxquels incombe cette mission, une indépendance. La première est l'indépendance vis-à-vis du Gouvernement6(*), mais également vis-à-vis des entreprises placées sous leur contrôle7(*). De ce principe d'indépendance découle la liberté d'appréciation donnée aux inspecteurs, en matière pénale, soit de conseiller, soit d'intenter des poursuites8(*). Si la Convention lui confère indépendance et protection, elle le contrait à obligations de discrétion et de secret professionnel, quant aux informations qu'ils seraient susceptibles de connaître lors des contrôles, tel que les secrets de fabrication.

    La compétence généraliste propre à l'inspection française du travail tient une part importante dans les modalités d'exécution de leur mission. Ces missions se composent essentiellement du contrôle, du conseil et de la conciliation. Si le conseil et la conciliation sont écartés de notre étude, ce n'est pas parce qu'ils ne revêtent pas un intérêt particulier, mais parce qu'ils sont beaucoup plus sujets à controverse dans l'actualité juridique. D'autant que certaines missions de l'inspecteur du travail revêtent un régime dérogatoire par rapport aux services avec lesquels ils collaborent. Missions qui sont tournées sur la spécificité même de l'inspection du travail : la liberté de décision.

    L'inspecteur du travail est présenté de nos jours, comme étant une institution en danger au regard des réformes engagées par l'Etat, depuis le début des années 2000. Si certains n'hésitent à pas parler de « mort programmée de l'inspection du travail 9(*)», nous verrons que le péril est moins imminent qu'il n'y paraît. Par contre, il est incontestable que certaines réformes engendreront une perte d'autonomie de l'inspecteur du travail quant aux suites données à ses décisions, mais aussi un effacement de son rôle dans des réformes récentes, tel que l'accord nationale interprofessionnel (ANI)10(*) de modernisation sociale. La réforme de l'inspection est trop souvent cantonnée à des domaines restreints, comme la santé au travail ou le travail illégal. Il faudrait une réforme globale du système pour redorer le blason des inspecteurs, aujourd'hui en prise à des incompréhensions de la part du public11(*). Mais il faut aussi comprendre pourquoi ces deux domaines sont autant mis en lumière par le gouvernement. Il faut arriver à redynamiser l'action de l'inspecteur du travail mais en l'incorporant dans les politiques publiques qui touchent à ces domaines d'intervention12(*). Mais « il faut associer les inspecteurs du travail à la refondation de leur légitimité 13(*)». Pour y parvenir il faut comprendre les tenants et les aboutissants des politiques publiques, ce qui n'est pas chose aisée.

    L'objet de notre étude, loin d'avoir la prétention de résoudre les problèmes de l'inspecteur du travail, tente de mettre en exergue les difficultés que ce dernier rencontre dans ses missions au quotidien. Si l'on considère aujourd'hui que les inspecteurs sont délaissés par leur Ministre, ce n'est pas nécessairement sans raison mais nous ne nous attarderons pas à relancer le débat sur cette question ; ils ont pour habitude de travailler « seuls ». Entendons par là, qu'ils ne travaillent pas sous l'autorisation expresse de quelqu'un ou sous la coupe d'un autre ministère. Pourtant cette indépendance par rapport au gouvernement apparait aujourd'hui menacée par des réformes inquiétantes (1ère partie). Notons d'ors et déjà, qu'une partie de ces réformes ce fait l'écho de la croissance du droit pénal du travail. Si l'inspecteur du travail était déjà doté de pouvoirs de polices judiciaires, nous verrons que ceux-ci subissent une influence suite aux politiques publiques en matière de fraudes à la législation du travail. Modifications qui laissent penser que le gouvernement tente de transformer l'inspecteur du travail en un officier de police judiciaire (2nde partie). Ce qui dénaturerait l'image de service de proximité et de prévention que l'on veut encore lui donner.

    Première partie : L'inspecteur du travail : un homme « indépendant » ?

    L'article 8 de la Convention OIT n°81, ci-après la Convention, offre une indépendance aux inspecteurs du travail, tant vis-à-vis des entreprises contrôlées, que du Gouvernement. Une indépendance que nous comprenons aisément en ce qui concerne les entreprises. En effet, on ne peut « être juge et partie ». Celle relative au Gouvernement nous paraît cependant discutable dans la mesure où les règles que l'inspecteur doit faire respecter émanent de celui-ci, entendu au sens générique du terme. Ainsi, de manière imagée, l'inspecteur serait en quelque sorte le bras du Gouvernement. L'inspecteur veille au respect des règles édictées, mais permet aussi de faire remonter l'information sur les pratiques engendrées par ces mêmes règles. De plus, un des rôles de l'inspecteur est de conseiller sur la législation en vigueur. De sorte que celui-ci participe d'une certaine façon à l'interprétation faite des textes. Le Gouvernement, par les textes qu'ils adoptent, fixe la ligne directrice de l'action de l'inspecteur. Ce même Gouvernement contribue à élargir ou restreindre les missions et les moyens d'action de l'inspecteur.

    La mission essentielle de l'inspecteur du travail est de conseiller, que ce soit en recevant les salariés ou les employeurs, mais aussi lors des contrôles effectués. En effet, les statistiques montrent que, sauf infraction grave ou danger imminent, l'inspecteur commence par émettre des observations sur ce qu'il constate, avant d'envisager toute mesure coercitive. Des missions lui sont confiées depuis sa création (I), missions traditionnelles de l'inspecteur, mais le Gouvernement influe sur celles-ci (II) soit en les revisitant, soit en les augmentant ou les diminuant.

    CHAPITRE 1 : Les missions traditionnelles revisitées :

    Les missions de l'inspecteur sont variées, tantôt conseiller, tantôt conciliateur, mais aussi un rôle répressif non négligeable. Celui-ci collabore avec des contrôleurs du travail, sous la direction d'un Directeur Départemental du Travail, de l'Emploi et de la Formation Professionnelle (DDTEFP). Si son indépendance est clairement affirmée par la Convention, cela ne signifie pas que l'inspecteur ne doit pas rendre compte de ses activités.

    Le problème actuel est que cette indépendance est souvent mise en avant par les inspecteurs pour rejeter des missions ou pouvoirs que le Gouvernement souhaite leur conférer. De plus, s'il est vrai que l'inspecteur bénéficie d'une garantie de liberté, il n'est pas toujours aussi libre que l'on pourrait le croire (I). De surcroît, l'intervention du Gouvernement dans ses missions n'est pas non plus forcément accueillie avec le succès escompté par ce dernier par les inspecteurs du travail (II).

    Section 1 : L'indépendance relative de l'inspecteur du travail quant aux décisions administratives :

    En tant qu'agent de contrôle, l'inspecteur est amené au quotidien à prendre des décisions. Si cela entre dans ses fonctions traditionnelles, la motivation de ces décisions réside parfois dans son appréciation souveraine des faits qui lui sont soumis (§1). Bien qu'il soit indépendant, il n'en reste pas moins soumis à une hiérarchie, qui à ce titre effectue une action de contrôle sur ses décisions, par la voie de recours (§2).

    § 1 : Le choix des décisions administratives : une question d'opportunité ? :

    Les décisions administratives sont variables, mais les plus importantes, selon nous au vue de leur caractère exorbitant de droit commun, sont l'autorisation de licenciement d'un salarié protégé (A), mais aussi les dérogations que ce dernier accorde (B), concernant par exemple, les quotas imposés pour la création d'organisation représentative du personnel.

    A : Le licenciement d'un salarié protégé : la nécessité de l'autorisation de l'inspecteur :

    Si nous pouvons comprendre aisément la nécessité d'obtenir l'autorisation de licenciement, il n'en reste pas moins que certaines espèces peuvent porter à discussion (1). De plus, l'autorisation est entourée d'un formalisme dont le non-respect entraine des conséquences juridiques surprenantes(2).

    1 : L'autorisation de licenciement : une jurisprudence constante parfois critiquable :

    Le code du travail prévoit, pour chaque institution représentative du personnel, lorsque l'employeur souhaite licencier un salarié élu bénéficiant de la protection légale, qu'il doive impérativement saisir l'inspecteur du travail pour autorisation. Quelque soit le motif de licenciement, individuel ou économique, il est nécessaire d'obtenir, au préalable, l'autorisation de l'inspecteur. En cas de refus de sa part, le salarié devra être maintenu à son poste. A défaut, il s'agirait d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, entraînant la réintégration et/ou une indemnisation.

    Fort de ce constat, certains employeurs tentent de passer outre soit en ne prenant pas en compte la décision administrative, soit en contournant le statut protecteur. L'employeur est donc tenu au respect du formalisme du licenciement. De plus, le salarié ne peut renoncer à sa protection.

    La jurisprudence veille cependant à donner une application des plus strictes à cette protection légale à la fois exceptionnelle et exorbitante de droit commun. Elle interdit à l'employeur de poursuivre la rupture du contrat de travail par tout autre moyen. Même si, dans les faits, cela peut engendrer une problématique importante pour l'employeur. Imaginons qu'un salarié, ayant commis un vol au sein de l'entreprise, mais dont l'inspecteur du travail interdit le licenciement au regard de la modestie du vol et eu égard aux qualités dont ce salarié a fait preuve depuis son embauche14(*). Nous comprenons aisément la position de l'employeur. L'inspecteur se placerait alors sur le plan subjectif pour fonder sa décision. Mais le salarié, fort de cette fin heureuse, ne serait-il pas tenter de recommencer, se sentant protéger ? Il nous semble plus juste de concilier le pouvoir de direction de l'employeur avec un raisonnement plus objectif de l'inspecteur.

    S'il est vrai que la carence de représentant du personnel dans les entreprises n'est pas sans leur porter préjudice, il n'est pas certain que le maintien de ceux, qui coupables d'une faute, leur soit plus bénéfique. Loin d'être une hypothèse d'école, au vue de la multiplication des affaires concernant le vol des salariés dans le cadre de leur fonction, cela engendre souvent des solutions, bien que justifiaient en droit, qui apportent encore un peu plus de limite aux pouvoirs de l'employeur. Solutions d'autant plus critiquables en fait, que comme le dit l'adage « qui vole un oeuf, vole un boeuf », ce n'est pas l'importance du vol qui entre en ligne de compte, mais simplement l'acte en lui-même. Admettre qu'un salarié ne soit pas licencié pour faute lorsqu'il a commis un vol, aussi modeste soit-il, au sein de l'entreprise revient finalement à imposer son maintien. Une telle décision est sans conteste de nature à porter atteinte à la liberté de l'employeur, mais aussi à son pouvoir de direction. Il nous apparait donc que la clémence de la Cour de cassation n'aille pas dans le sens le plus profitable aux acteurs du monde du travail. Si l'on admet volontiers la protection des salariés par la Cour, en tant qu'ils sont la partie faible au contrat de travail, nous ne pouvons abonder dans son sens lorsqu'elle protège un acte délictueux.

    Dans un arrêt de 200715(*), une salariée élue délégué syndical avait adhérée volontairement à un protocole prévoyant son départ en préretraite. L'inspecteur avait autorisé le licenciement de la salariée. Mais cette dernière avait ensuite saisit le juge prud'homale de diverses demandes d'indemnités de rupture et pour non respect de son statut protecteur. La Cour de cassation casse l'arrêt d'appel au motif que l'autorisation de l'inspecteur ayant été acquise, la rupture du contrat ne pouvait s'analyser en un licenciement pour motif économique, mais bel et bien comme une rupture amiable. Cette solution semble conforme à la jurisprudence de la Cour de cassation16(*). Ainsi, l'employeur doit toujours respecter la procédure de licenciement d'un salarié protégé, autorisation de l'inspecteur du travail et consultation du préalable du Comité d'entreprise, selon le statut du salarié (délégué du personnel ou comité d'entreprise).

    Toutefois, la position de la Cour de cassation est critiquable, puisqu'elle autorise le salarié protégé licencié pour motif économique, ayant adhéré à une mesure de départ volontaire, a demandé réparation de la violation de son statut protecteur lorsque le licenciement n'a pas été autorisé par l'inspecteur. Solution critiquable, puisque nous ne saurions imaginer qu'un salarié, bénéficiant de la protection légale, ignore que son inscription volontaire ne puisse porter atteinte à la procédure de licenciement. Solution d'autant plus surprenante que nous savons que la Cour de cassation a autorisé les salariés protégés à prendre acte de la rupture de leur contrat de travail : procédure par laquelle, selon les termes de la doctrine, le salarié « s'auto-licencie ».

    Ce qui prime, c'est donc l'obtention ou non de l'autorisation de l'inspecteur. Il se fonde sur des éléments de droit, mais peut également se baser sur des éléments de faits, beaucoup plus subjectifs, lui laissant ainsi une marge de manoeuvre plus grande. Cependant, au vue d'une jurisprudence largement favorable aux salariés, celui-ci peut prendre des décisions allant dans le sens de celles de la Cour de cassation. Lorsque l'inspecteur du travail est saisi d'une demande d'autorisation de licenciement, si le débouché de cette demande se situe entre ses mains, il doit veiller à respecter une enquête contradictoire, envers laquelle les juges se montrent particulièrement rigoureux.

    2 : Le formalisme de l'autorisation : l'enquête contradictoire :

    Lorsque l'inspecteur est saisi d'une demande d'autorisation de licenciement, il doit procéder à une enquête contradictoire17(*), au cours de laquelle il entend le salarié, assisté d'un représentant de son syndicat. Cela suppose donc qu'il doit entendre personnellement et individuellement le salarié et l'employeur18(*). Le Conseil d'Etat est venu préciser qu'un entretien ne pouvait suppléer l'enquête contradictoire19(*). Mais quelle est véritablement la différence, puisque l'inspecteur procède bien à l'audition du salarié ou de l'employeur, lors d'un entretien. Cette exigence, voulue par le Conseil d'Etat, reflète en vérité l'importance que doit accorder l'inspecteur à son enquête, mais qui ne contredit pas pour autant le respect des droits de la défense, à notre sens. En effet, l'inspecteur du travail n'est pas tenu de confronter le salarié et l'employeur. Dés lors, il nous apparait que le simple entretien permet à chacun de faire valoir ses arguments, sans ressentir le mal-être que peut engendrer la partie adverse. Ce qui importe au fond, pour que les droits de la défense soient respectés, c'est avant tout que chacun puisse expliquer les faits sur lesquels portent le différend, et non pas tant la forme que cela revêt.

    Pour permettre à l'intéressé d'assurer sa défense, le Conseil d'Etat est venu imposer à l'inspecteur d'informer l'intéressé des faits et motifs ayant fondé la demande de l'employeur, y compris, le cas échéant, de l'identité des personnes qui se sont plaintes de son comportement20(*). De nouveau le Conseil d'Etat accentue le rôle de l'inspecteur du travail, puisque l'employeur est tenu de notifier, dans la lettre de licenciement, les motifs de sa décision. Une telle obligation doit surement avoir pour effet de s'assurer que le salarié a bien compris les raisons de son licenciement. Mais alors l'inspecteur pourrait être tenté de conseiller le salarié, perdant ainsi toute objectivité quant à l'enquête. L'inverse est vrai également, puisqu'en entendant l'employeur, l'inspecteur pourrait également se transformer en conseiller. Or, ici, il n'intervient pas comme conseiller des parties, mais plutôt comme un arbitre sur la procédure.

    Le fait d'entendre personnellement les deux parties permet un respect effectif des droits de la défense de chacun. Cependant, il est surprenant que le Conseil d'Etat ne vienne pas ici imposer la confrontation du salarié avec son employeur21(*). La confrontation est laissée à l'appréciation souveraine de l'inspecteur.

    Dans l'arrêt Rodriguez22(*), le Conseil d'Etat apporte des précisions quant aux exigences de l'enquête contradictoire. Outre l'obligation d'informer le salarié, « de façon suffisamment circonstanciée », des griefs formulés contre lui par l'employeur et de l'identité des témoins, le salarié doit également pouvoir prendre connaissance de l'ensemble des documents produits par l'employeur à l'appui de sa demande. Sauf si ces documents risquent de porter préjudice à leurs auteurs, l'inspecteur doit alors simplement l'informer, mais toujours de « façon suffisamment circonstanciée », de leur contenu.

    Nous l'aurons compris, ce qui risque de poser des difficultés réside dans cette formule vaste du Conseil d'Etat : « de façon suffisamment circonstanciée ». A partir de quel moment l'information sera-t-elle suffisamment circonstanciée ? Nul doute que les juges ont souhaité ici se laisser une porte ouverte sur leur appréciation souveraine. D'autant que cette formulation leur permettra de remettre en cause la présentation des documents au salarié, ou au contraire leur non présentation. Laissant ainsi l'inspecteur dans le doute de ce qu'il doit réellement faire pour que l'enquête soit respectée. Cet arrêt présenté comme apportant des explications, laisse finalement l'inspecteur du travail dans l'expectative.

    Cette affaire a donné lieu à une circulaire23(*) de la Direction Générale du Travail, laquelle a pour objet de « donner aux inspecteurs du travail des éléments de méthode dans l'instruction des demandes d'autorisation de licenciement des salariés protégés pour tenir compte de cette jurisprudence ». Ainsi, la circulaire révèle que le Conseil d'Etat énonce le caractère contradictoire de l'enquête. Curiosité de la circulaire, puisque le code du travail visait déjà ce caractère contradictoire. La circulaire vient également préciser, en reprenant les conclusions du Commissaire du Gouvernement, dans quelles hypothèses l'inspecteur peut ne pas fournir les éléments du dossier. Cette mesure devra donc permettre aux inspecteurs du travail de savoir quand ne pas communiquer les documents. Mais rien ne les éclaire sur les circonstances qui les obligeraient à les fournir. Là encore, il nous semble qu'un éclaircissement soit nécessaire. De plus, lorsqu'il n'aura pas la possibilité de les communiquer, il devra quand même informer le salarié de leur teneur. Dans tous les cas, nous l'aurons compris, il doit quand même communiquer une partie de l'information. La question étant : quel degré d'information remplira la condition « de façon suffisamment circonstanciée » ? En outre, elle nous éclaire sur le fait, comme nous l'avions pressentie à la lecture de l'arrêt, qu'il appartiendra bien au juge administratif de se prononcer sur « la façon suffisamment circonstanciée ».

    Maintenant que nous avons étudié le cas très particulier du salarié protégé, du fait de son élection, qui prend une place importante dans les missions de l'inspecteur ; voyons d'autres aspects de ses missions traditionnelles, pour lesquelles là encore, l'inspecteur dispose de prérogatives, que l'on pourrait qualifier d'exorbitantes de droit commun.

    B : Les dérogations accordées par l'inspecteur :

    Les dérogations accordées par l'inspecteur du travail touchent à la fois le domaine collectif et le domaine individuel des relations de travail. Ainsi, dans le domaine individuel (1), l'inspecteur peut accorder des dérogations concernant l'horaire de travail ou encore l'emploi de jeune salarié. Mais dans le domaine collectif (2), l'inspecteur peut autoriser ou être à l'initiative de la création d'institution représentative du personnel lorsque les quotas égaux ne sont pas atteints.

    1 : Les dérogations dans les relations individuelles du travail :

    Quant à l'aménagement du temps de travail, rappelons tout d'abord que la durée du temps de travail est définie légalement et que les possibilités d'y déroger sont également strictement encadrées par la loi24(*). Mais dans le cas qui nous intéresse, l'inspecteur va jouer un rôle d'adaptateur des dispositifs mis en place par le Gouvernement. Il s'agit de l'octroi de dérogations. Ainsi l'inspecteur du travail va statuer sur le principe et les modalités de l'application de la dérogation25(*) à la durée maximale hebdomadaire moyenne dans un secteur d'activité au niveau local, départemental ou interdépartemental. Mais dans ce cas la dérogation est réellement adoptée par le directeur régional du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle. Cependant, l'inspecteur ne perd pas vraiment son pouvoir d'appréciation, puisqu'il nous est dit qu'il « statue sur le principe ». Ainsi, s'il estime que dans sa compétence territoriale, la dérogation est utile, il pourra l'accorder, mais dans le cas inverse il reste libre de la refuser. De plus, il intervient dans le processus de dérogation accordée pour permettre le dépassement de la durée maximale hebdomadaire absolue. La décision revient en fait au DDTEFP, lequel se fonde sur le rapport de l'inspecteur du travail. Donc si celui estime que la dérogation ne doit pas être accordée, il est fort probable que le directeur départemental du travail aille dans son sens, gardant la aussi un poids sur les dérogations accordées.

    Il intervient de manière autonome pour la pratique des horaires individualisés26(*) dans les entreprises ne disposant pas de représentant du personnel. A ce titre, il endosse finalement ce poste, ce qui en pratique correspond bien à sa mission de veiller au respect de la législation du travail mais aussi au respect des droits et libertés des salariés, mais il nous semble que découle de cette possibilité un problème de partialité. En effet, comme nous l'avons vu, l'inspecteur du travail ne doit pas être juge et parti. Mais ce faisant, il assume en quelque sorte les missions des représentants du personnel, ce qui ne sera pas sans nuire à son indépendance, à torts ou à raison selon les espèces.

    Il intervient encore pour autoriser ou non le dépassement de la durée maximale quotidienne du travail, visée à l'article L212-1 et D212-12 et suivants du Code du travail, du contingent d'heures supplémentaires visé à l'article L212-6 du Code du travail. Cependant, il peut interdire le recours au dépassement du contingent en vue de permettre l'embauche de travailleurs sans emploi. Cette décision est susceptible de recours27(*) devant le DRTEFP. Il nous semble que le refus, justifié légalement, engendrerait une création d'emploi qui ne sera pas sans lien avec la politique de l'emploi actuel, à savoir retrouver l'équilibre du plein emploi à long terme. Même si le législateur de 2007 vient de défiscaliser les heures supplémentaires de manière à pouvoir les rendre fiscalement avantageuses, aussi bien pour le salarié que pour l'employeur, il nous apparait plus judicieux que lorsqu'une entreprise se retrouve contrainte de recourir de manière permanente aux heures supplémentaires, de lui refuser la dérogation. Dés lors, il apparait que dans cette hypothèse, il s'agit bien d'un besoin structurel de main d'oeuvre, et que de ce fait, le refus de la dérogation ne devrait pas donner lieu à un recours hiérarchique. Cela peut traduire en effet un refus de la part de l'employeur d'embaucher, refus qui se fonde finalement sur la préoccupation de ne pas voir ses charges salariales augmentées, mais qui perturbe l'entreprise, au tel point que les salariés se retrouvent alors contraints d'effectuer des heures supplémentaires. Selon nous, dans une hypothèse où les salariés de l'entreprise ne souhaitent pas effectuer d'heures supplémentaires, mais où l'employeur y a quand même recours parce que confronté à un problème structurel de main d'oeuvre ; l'inspecteur du travail devrait pouvoir avoir des moyens de coercition pour imposer à l'employeur l'embauche de salarié lorsqu'il a refusé la dérogation aux heures supplémentaires. Cela pourrait se traduire par une mise en demeure de procéder à l'embauche. Mais soucieux de respecter le pouvoir de direction et la liberté de l'employeur, nous optons plutôt pour des sanctions administratives ou le retrait de dérogation précédemment accordée pour inciter l'employeur à procéder à l'embauche effective de salarié.

    Bien que les dérogations dans les relations individuelles accordées par l'inspecteur du travail représentent une majorité de ses missions, il se retrouve également en position d'accorder des dérogations dans les relations collectives de travail, qui vont concerner la mise en place des institutions représentatives du personnel.

    2 : Les dérogations dans les relations collectives de travail :

    Dans ce domaine, l'inspecteur du travail intervient pour la mise en place des institutions quant aux conditions d'électorat et d'éligibilité (a), mais aussi dans la mise en place du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (b).

    a : La mise en place des institutions :

    Pour être électeur dans l'entreprise, le salarié doit avoir plus de 16 ans, travailler depuis au moins trois mois dans l'entreprise et n'avoir encouru aucunes condamnations précisées par des textes spécifiques28(*). Cependant la loi a prévu qu'un accord collectif puisse déroger aux conditions légales29(*) dans un sens plus favorable. Cette possibilité légale pour les délégués du personnel est également applicable aux élections du comité d'entreprise30(*).

    Pour être éligible dans l'entreprise, le salarié doit être électeur, avoir plus de 18 ans, avoir au moins un an d'ancienneté, ne pas avoir de parenté avec le chef d'entreprise et ne pas avoir été déchu de ses fonctions syndicales, et, pour les élections du comité d'entreprise, ne pas avoir été condamné pour indignité nationale.

    L'inspecteur du travail dispose d'un pouvoir d'appréciation limité en ce qui concerne l'électorat, mais d'un pouvoir d'appréciation très large quant à l'éligibilité31(*).

    L'inspecteur peut, après consultation des organisations syndicales représentatives, « autoriser des dérogations aux conditions d'ancienneté pour être électeur, notamment lorsque leur application aurait pour effet de réduire à moins des deux tiers de l'effectif le nombre de salariés remplissant ces conditions. Il peut également, après avoir consulté les organisations syndicales représentatives, autoriser des dérogations aux conditions d'ancienneté pour l'éligibilité lorsque l'application de ces dispositions conduirait à une réduction du nombre des candidats qui ne permettrait pas l'organisation normale des opérations électorales. 32(*)» Il peut donc octroyer des dérogations pour éviter une carence des représentants du personnel au sein des entreprises. A notre sens, l'initiative prise ici par le législateur paraît plus que satisfaisante. D'autant que la dérogation vise une finalité louable, qui veut que les salariés soient représentés par des personnes qu'ils auront choisies pour veiller aux mieux à leurs intérêts.

    Mais les dérogations de l'inspecteur du travail, outre d'éviter une carence des représentants qui sont parfois le seul lien entre les salariés, peuvent intervenir dans une autre institution, non moins importante : le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail.

    b : La mise en place du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail :

    Normalement, comme nous le savons le CHSCT ne peut être mis en place que lorsque certaines conditions sont remplies. A titre de rappel, La mise en place d'un comité n'est obligatoire que si l'effectif d'au moins cinquante salariés a été atteint pendant douze mois consécutifs ou non au cours des trois années précédentes33(*). A défaut de sa mise en place, ce sont les délégués du personnel qui assurent les missions du CHSCT34(*).

    Au-delà des ces règles, l'inspecteur du travail dispose d'un pouvoir de décision de création du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail35(*). Il intervient lorsque l'effectif n'est pas atteint, mais que la création du CHSCT est rendue nécessaire du fait de la nature des travaux, de l'agencement ou de l'équipement des locaux. La mesure prise par le législateur nous parait ici reposer sur la particularité de l'entreprise. Ce qui peut être regrettable, pour celles ne justifiant pas d'une telle particularité, au regard des missions qui incombent au CHSCT, à savoir : contribuer à la protection de la santé et de la sécurité des salariés de l'établissement, ainsi qu'à l'amélioration des conditions de travail. En outre, l'inspecteur du travail se retrouve ici sans marge de manoeuvre, puisque sa décision doit se fonder sur les besoins de l'entreprise. Le législateur permet toutefois l'existence d'un reliquat de CHSCT en faisant peser ses missions sur les délégués du personnel. Mais il n'est pas certain qu'une telle mesure soit d'une efficacité incontestable, compte tenu des missions qui pèsent légalement sur cette institution. Pour autant nous ne pouvons qu'apprécier la possibilité pour l'inspecteur du travail d'imposer la création du CHSCT lorsque les conditions légales ne sont pas remplies.

    L'inspecteur du travail peut être amené également à intervenir dans les entreprises occupant habituellement 500 salariés et plus, en cas de désaccord entre le comité d'entreprise et l'employeur. Il va déterminer, le cas échéant, le nombre de comités distincts et les mesures de coordination de l'activité entre les différents comités. Mais à ce stade, il n'accorde pas de dérogation, se contentant finalement d'arbitrer un différend le conduisant à décider des missions de chaque comité et de leur nombre. Ces derniers ayant donc déjà été créés.

    Ainsi, l'inspecteur du travail dispose de pouvoirs de décisions qui lui appartiennent en propre, ce dont il résulte un pouvoir de décision, parfois dérogatoire au droit commun. Mais l'inspecteur du travail fait partie d'une structure hiérarchique, en tant que services déconcentrés de l'Etat. Ainsi, il est sous l'autorité d'un directeur départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle (DDTEFP), lui-même sous l'autorité d'un directeur régional du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle (DRTEFP). L'ensemble étant placé sous la tutelle du Ministre du Travail, de l'emploi et de la formation professionnelle. Au vue de cette hiérarchie, l'inspecteur du travail se retrouve donc avec un supérieur à qui il doit notamment rendre compte de ses activités. Mais au delà de cet aspect formel, il peut arriver dans des occasions diverses, que nous allons étudier, que celui-ci intervienne postérieurement aux décisions de l'inspecteur du travail : soit parce qu'il est saisi d'un recours hiérarchique, soit pour constater et conforter la décision de l'inspecteur du travail. Mais il dispose également de pouvoir et de compétence propres qui peuvent parfois court-circuiter les pouvoirs de l'inspecteur du travail.

    § 2 : Les rôles du DDTEFP et du DRTEFP36(*):

    Le DDTEFP regroupe son activité autour de deux attributions essentielles : contrôler l'application de la réglementation de travail et mettre en oeuvre une politique active de l'emploi. Dans ce but, il intervient dans les relations de l'inspecteur du travail avec le Parquet (A), mais aussi en amont des décisions de l'inspecteur du travail (B).

    A : Le contrôle du DDTEFP : un contrôle hiérarchique ou d'opportunité ? :

    L'inspecteur du travail bénéficie de pouvoirs de police judiciaire de par la loi, ce qui le conduit à constater des infractions et lui confèrent l'autorité nécessaire pour dresser procès verbal. La transmission des procès verbaux met en exergue le rôle du DDTEFP, puisque c'est à lui qu'incombe leur transmission aux intéressés et notamment au Parquet. En vertu de l'article 7 alinéa 2 d'un décret de 199437(*), le directeur départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle « est chargé des relations avec les services judiciaires ». Dans ce cadre, il reçoit les procès verbaux dressés, soit par l'inspecteur du travail, soit par le contrôleur du travail, dont il doit faire l'examen. Mais il assure également le suivi des procès verbaux. L'examen constitue à la fois un contrôle de la légalité mais aussi un contrôle d'opportunité du procès verbal.

    Selon une circulaire de 197138(*), le contrôle de légalité porte sur le caractère pénal de ce dernier. Quant au contrôle d'opportunité, comme son nom l'indique, tient à l'appréciation personnelle du DDTEFP. De plus, ce contrôle se révèle obligatoire puisque la pratique administrative veut ici que l'auteur du procès verbal ne le transmette pas personnellement et directement au Parquet. Pratique étrange, puisque l'inspecteur du travail dispose de pouvoir de police judiciaire, il lui faut quand même soumettre son procès verbal au contrôle d'un supérieur. On comprend alors pourquoi les inspecteurs du travail se montrent peu enclin à verbaliser, mais aussi la lenteur administrative de la suite donnée aux procès verbaux. Le terme d'opportunité semble ici perdre de son poids, puisque le DDTEFP est tenu de procéder au contrôle de la légalité, mais en aucun de l'intérêt ou non de transmettre le procès verbal au Parquet. Il résulte d'une instruction ministérielle de 198639(*) que le DDTEFP ne pourra effectuer « un filtrage en opportunité40(*) ». De sorte que la tentation de ne pas transmettre le procès verbal parce qu'il estime, personnellement, qu'il n'y a pas lieu de dresser procès verbal ou tout simplement parce qu'il estime que l'inspecteur du travail aurait pu user d'une simple mise en demeure, est écartée.

    Lors de l'examen du procès verbal, le DDTEFP peut émettre des observations. Dans ce cas, il renvoie le procès verbal à son auteur pour que ce dernier y apporte les rectifications nécessaires. Mais l'observation ne lie pas l'agent verbalisateur, ce qui nous surprend, dans la mesure où lui incombe un contrôle de légalité. Si le procès verbal n'est pas conforme aux prescriptions légales, il y a fort à parier que l'auteur rectifiera son procès verbal, faute de le voir aboutir. Mais rien ne l'oblige cependant à le faire. De sorte que le procès verbal peut arriver sur le bureau du Parquet, avec l'avis du DDTEFP que ce dernier aura pris soin de joindre, sans pour autant que les modifications n'aient été apportées. Cependant, lorsqu'il transmet ses observations au Parquet, il est tenu de transmettre cet avis à l'auteur du procès verbal. Mais le fait pour le DDTEFP ne notifier au Parquet son avis ne risque-t-il pas de discréditer l'agent verbalisateur ? On comprend alors mieux pourquoi aujourd'hui le corps de l'inspection s'offusque de ne pas voir ses procès verbaux aboutir. Mais en même temps, il apparait que la communication de ces derniers manque un peu de rigueur.

    Le DDTEFP joue donc un rôle de contrôle dans les relations pénales de l'inspecteur du travail. Rôle qui se limite finalement à la correction du procès verbal, mais qui en aucune façon ne porte vraiment atteinte à la libre appréciation de l'inspecteur du travail, puisque ce dernier peut passer outre les avis du directeur. Le DDTEFP assume également un autre rôle, celui de promouvoir la politique sociale du Gouvernement. De ce fait, il influe en amont sur les décisions de l'inspecteur du travail, mais aussi en aval, lorsqu'il est saisi d'un recours hiérarchique.

    B : L'orientation par le directeur départemental de l'inspecteur du travail :

    Le DDTEFP en tant que supérieur hiérarchique va influer sur l'action de l'inspecteur (1), lorsqu'il doit prendre la décision qui servira de base à celle de l'inspecteur du travail. Mais il peut également apporter des explications sur la façon de procéder que doive suivre les agents placés sous son contrôle, lorsqu'il est saisi d'un recours hiérarchique (2), selon la suite donnée à ce recours.

    1 : L'influence en amont du DDTEFP:

    En vertu de l'article 7 du décret de 199441(*), le DDTEFP « organise, coordonne et suit les actions d'inspection de la législation du travail ». A ce titre, il est en charge de préparer et de mettre en oeuvre les différents programmes d'action de l'Etat42(*) en matière d'emploi et de formation professionnelle avec d'autres services, tels que l'Agence Nationale Pour l'Emploi (ANPE) par exemple, et il doit en suivre l'exécution. Ainsi, DDTEFP assure le rôle de relais entre l'inspecteur du travail et l'Etat. Ce faisant, il oriente aussi l'action des inspecteurs en adéquation avec les circulaires DRT qu'il reçoit, lesquelles ont pour objet de donner des lignes directrices et l'interprétation qui doit être faite des textes à appliquer. Une telle communication au sein de l'inspection du travail apparaît fort avantageuse pour les particuliers qui bénéficient des conseils de l'inspecteur du travail. Ce faisant, cela limite d'une certaine façon la liberté d'appréciation conférée à l'inspecteur du travail, celui-ci se retrouvant obligé de suivre l'interprétation, qui notons le, n'est ni une loi, ni un texte règlementaire et n'a donc pas, par conséquence, force législative. Ainsi, par exemple, une circulaire de 189243(*) dispose que « bien que les inspecteurs ont le droit et le devoir de dresser procès verbal, lorsqu'ils se trouveront en présence de contraventions graves ou d'un mauvais vouloir évident, ils doivent néanmoins tendre à donner à leur action un caractère plus préventif que répressif ». S'il est vrai que le rôle primordial accordé à l'inspecteur du travail est avant tout celui de conseiller et de concilier, il n'en reste pas moins investi du pouvoir de dresser procès verbal. Et nous comprenons mal l'orientation ainsi donnée : l'inspecteur du travail doit-il accorder moins de place au caractère répressif de sa fonction alors même qu'il serait en présence d'une infraction ? Imaginons que les officiers de police judiciaire soient amenés demain à suivre de telle directive, cela engendrerait des situations dramatiques. Et, en toute hypothèse, nous imaginons mal que le Ministère de l'intérieur autorise ses agents à ne pas verbaliser en cas de flagrant de délit ou lorsqu'il relève une infraction. Même si nous estimons que le conseil et la conciliation restent les moyens les plus diplomatiques de résoudre les difficultés, il n'en demeure pas mois qu'en présence de violation manifeste de la loi, il faut appliquer celle-ci. Et peut-être même de façon plus sévère en présence d'une infraction délibérée, accomplie en toute connaissance de cause. Les chiffres sont ici d'ailleurs révélateurs de l'autocensure des inspecteurs du travail en matière de procès verbaux : en 200544(*), sur 757 538 contrôles en entreprise, seulement 9629 infractions ont été relevées par procès verbal sur 14 793 qui auraient du en faire l'objet. Ce qui représente seulement 65% des infractions. Le chiffre est honorable, mais de quelle manière ont été traitées les infractions restantes ? Le plus souvent il s'agira d'observation ou de mise en demeure. Une telle décision relève de l'appréciation personnelle de l'inspecteur du travail lors de sa visite. Il n'en reste pas moins qu'une telle prérogative demeure un risque pour l'application de la législation et qu'on se saurait tolérer que, sous couvert d'une appréciation personnelle, un agent ne donne pas les suites légales à ce qu'il constate.

    Le rôle du DDTEFP en amont influence de façon notable l'inspecteur du travail dans son action, bien qu'il ait souvent pour mission de relayer l'information. Le DDTEFP se trouve sous l'autorité du DRTEFP, lequel peut être saisi d'un recours hiérarchique contre les décisions de l'inspecteur du travail. Le recours peut avoir des conséquences remarquables sur les pouvoirs de l'inspecteur du travail, mais aussi remettre en cause son travail de manière significative.

    2 : L'influence postérieure : le recours hiérarchique devant le DRTEFP :

    Lorsque l'inspecteur du travail prend une décision, celle-ci est susceptible de recours devant le DRTEFP, et éventuellement devant le DDTEFP selon l'organisation adoptée par la région45(*). Lorsque le recours est porté devant le directeur régional, nous parlons alors de recours hiérarchique. L'inspecteur du travail peut éventuellement accueillir des recours gracieux des décisions qu'il aurait pris. Le recours hiérarchique est d'abord instruit par le DRTEFP, avant d'être porté devant le ministre du travail. Dans certaines hypothèses, le recours devant le DRTEFP est obligatoire : c'est le cas notamment des recours formés contre des décisions touchant au règlement intérieur ou encore au dépassement du contingent annuel d'heures supplémentaires. Mais le recours devant le ministre est toujours facultatif : l'autorisation des heures supplémentaires, la mise en demeure de faire procéder à des analyses...

    Certaines décisions ne sont pas susceptibles de recours, telle que les observations46(*), bien que quelques décisions isolées semblent admettre le recours pour excès de pouvoir47(*). Cependant, il nous semble qu'une simple observation n'est pas un acte administratif faisant grief, de sorte que si le Conseil d'Etat était saisi un jour du contentieux, il y a de forte chance pour que celui-ci ne valide p as l'admission du recours. De plus, le recours hiérarchique semble la encore exclu puisque l'observation se borne à décrire ce que l'agent a constaté, mais ne lui enjoint pas d'exécution.

    Lorsque l'inspecteur du travail intervient dans le cadre de la protection des droits et libertés fondamentales des salariés, et notamment pour faire retirer ou modifier des dispositions qui seraient contraire aux articles L122-34 et L122-35 du code du travail, le recours de cette décision est porté devant le DDTEFP48(*). La décision de l'autorité hiérarchique va alors se substituer à celle de l'agent49(*) et le DRTEFP pourra exercer les pouvoirs normalement dévolus à l'inspecteur du travail. Sa décision pourra, en outre, porter sur des éléments qui n'auraient pas fait l'objet d'observations de la part de l'inspecteur du travail. Il nous semble que le recours va alors au delà de son objet, puisqu'il ne porte pas uniquement sur ce qui en fonde l'objet. D'autant que concernant le recours contre les décisions touchant au licenciement de salarié protégé, la décision du ministre est cantonnée aux conditions limitant l'inspecteur du travail. Ainsi, selon l'objet il peut plus ou moins approfondir les moyens du recours. Si l'on comprend aisément l'utilité d'un recours hiérarchique, on comprend mal par contre pourquoi l'autorité supérieure se retrouverait avec des compétences plus grandes. Mais au-delà de cet aspect, le recours hiérarchique offre aussi la possibilité pour les autorités supérieures d'infirmer ou non la position de l'inspecteur du travail. De sorte que selon les suites données au recours, ce dernier saura si ses décisions apparaissent légales ou non. Un moyen, certes, de contrôler leur action, mais aussi d'orienter leur action. Il parait naturel que si les décisions d'un inspecteur du travail se retrouvent souvent attaquer et que le demandeur obtient raison, c'est que la hiérarchie estimera aussi que l'inspecteur du travail se montre trop borné, trop laxiste ou même trop généreux, selon les cas d'espèce. Lorsque l'une de nos décisions se voit confirmer à une échelle supérieure, nous en ressortons avec la satisfaction d'avoir bien fait notre travail, mais si, en sens inverse, la majorité se retrouve condamner, c'est qu'il y aura surement une difficulté dans les méthodes de travail, ou autre. De plus, il nous apparaît étrange que le DRTEFP puisse se substituer à l'inspecteur du travail en cas d'infirmation de la décision de ce dernier. Il aurait sans doute était plus juste de demander à l'agent dont la décision est sanctionnée de revoir sa copie plutôt que de lui enlever tout pouvoir de décision, et par la même toute possibilité de modification.

    Fonctionnaires de l'Etat, les inspecteurs du travail agissent dans un cadre organisé, sous la tutelle d'un ministère, qui insuffle l'action sociale. L'indépendance des inspecteurs doit donc se combiner d'abord pour rendre cohérent la politique du Ministre en terme de politique du travail, mais aussi avec les nécessités d'un service déconcentré. Cette conciliation ne semble donc pas porter atteinte à l'indépendance du corps de l'inspection du travail. Il apparait aujourd'hui que, ce qui porte le plus à contestations de la part des inspecteurs, soit la multiplication de leurs missions ou leurs modifications. Aujourd'hui encore, une partie des professionnelles50(*) estiment qu'il faut garder ce système à « la française », qui forte de son expérience doit maintenant « refonder sa légitimité ». Et pourtant, l'on constate toujours un effacement du rôle des inspecteurs au cours des réformes actuelles.

    Section 2 : Vers l'effacement du rôle de l'inspecteur du travail dans les réformes récentes :

    Un projet loi, visant à réformer le statut de l'inspection du travail51(*), avait pour but de recentrer la mission des inspecteurs sur la sécurité, l'hygiène et la lutte contre le travail illégal, en insistant sur le fait qu'ils ne devaient plus s'interposer entre l'employeur et le salarié, dans le but de ne pas nuire au bon fonctionnement de l'entreprise. Ce texte prévoyait en outre la constitution d'un Conseil National de l'Inspection du Travail (CNIT), comprenant des représentants d'employeurs, dont la mission aurait été de surveiller et sanctionner les inspecteurs. L'accueil fait à ce texte fut plus qu'hostile de la part du corps des inspecteurs, mais aussi de leur syndicat, pour lesquels ce texte voulait « la mort de l'inspection du travail52(*) ». Ce texte n'a pas vu le jour. Aujourd'hui, deux nouveaux textes viennent à leur tour troublait la profession, soit parce qu'ils effacent le rôle de l'inspecteur (§1), soit parce qu'ils touchent à l'indépendance du corps (§2).

    § 1 : L'ANI : le nouveau rôle de l'inspecteur :

    L'accord National Interprofessionnel du 11 janvier 200853(*) instaure un nouveau mode de rupture du contrat de travail, dite « rupture conventionnelle54(*) ». Par cette création, l'employeur et le salarié pourront convenir d'un commun accord des conditions de la rupture du Contrat à Durée Indéterminée (CDI). La rupture du CDI fera l'objet d'un formulaire type dont chaque partie conservera un exemplaire, et dont un troisième sera transmis au DDTEFP pour homologation. Cette nouvelle démarche écarte donc l'inspecteur du travail du contrôle de la rupture, alors que celui-ci est l'institution par excellence qui doit veiller au respect des droits des parties. Si nous pouvons comprendre que l'accord soit transmis pour homologation à la direction départementale du travail, nous comprenons mal pourquoi l'inspecteur du travail n'est pas chargé du contrôle de la légalité de cet accord. D'autant qu'en matière de contrôle d'accord dérogatoire à l'ordre social minimal, l'inspecteur du travail dispose du pouvoir d'en contrôler la légalité pour vérifier sa conformité avec les normes légales. Il nous aurait donc paru logique que l'homologation d'une rupture, que l'on pourrait qualifiée de dérogatoire au droit commun, relève de l'inspecteur du travail. Mais il semble que le législateur veuille maintenir la prépondérance du DDTEFP. En effet, si le texte est encore en discussion55(*), il n'en reste pas moins que l'inspecteur du travail n'a pas remplacé le DDTEFP, pour l'instant tout au moins. Notons quand même qu'il reste compétent dans le cas de la rupture conventionnelle des salariés protégés : son autorisation reste nécessaire. Cette mesure nous apparaît étrange, l'inspecteur du travail devra quand même donner son autorisation, alors même que le salarié serait d'accord. Pourtant, nous devinons que sa mission sera ici tout naturellement de vérifier que l'accord respecte bien les droits du salarié protégé et ne porte pas atteinte à son statut protecteur. Donc, par voie de conséquence, il veille ici au respect de la législation. Mais comme nous l'avons vu en étudiant le salarié protégé56(*), la Cour de cassation n'a pas admis qu'un salarié protégé ayant accepté volontairement un accord prévoyant sa mise à la retraite ne puisse par la suite attaquer la convention au motif que celle-ci n'aurait pas respecté son statut protecteur. Dans l'hypothèse de la rupture conventionnelle, le salarié pourrait-il quand même attaquer l'accord la prévoyant, alors même qu'il aurait obtenu l'autorisation de l'inspecteur du travail ? Il nous semble concevable que la Cour de cassation ira dans ce sens au vue de sa jurisprudence57(*). Cette mesure de rupture conventionnelle appelle une autre réflexion : l'ANI prévoit qu'il s'agit d'un mode de rupture « exclusif » des autres modes de rupture. Il s'agit donc de rajouter une nouveau mode de rupture à l'arsenal déjà existant. De ce fait, nous rejoignons les propos François TAQUET58(*) pour qui « loin de simplifier le départ négocié, cette disposition ne fait que compliquer le droit existant ».

    Une autre disposition de l'ANI nous semble revêtir une importance particulière : il s'agit de la sécurisation du portage salariale. Cette technique permet à une personne, le porté, d'apporter de manière temporaire sa compétence à des entreprises, clientes, sans en devenir pour autant salarié, en se faisant embaucher par une entreprise intermédiaire. Jusqu'à maintenant l'entreprise de portage risque, dans certains cas, une condamnation pour marchandage ou pour prêt de main d'oeuvre illicite. Nous approuvons qu'un cadre légal soit enfin donné à cette activité, qui du même coup va permettre aux inspecteurs du travail de clarifier leur contrôle lorsqu'ils étaient en présence d'un portage. Cette mesure nous semble simplifier son action, ce qui à notre avis va dans un sens voulu par le corps d'inspecteur.

    Une dernière disposition de l'ANI requière notre attention, celle concernant la possibilité pour les entreprises de « déroger à la durée légale du travail, à condition que cette disposition dérogatoire soit prévue par un accord de branche et fondée par un accord majoritaire dans l'entreprise 59(*)». Rappelons que l'inspecteur du travail est compétent pour autoriser les entreprises à effectuer des heures supplémentaires au-delà du contingent annuel et que les autorisations de dérogations aux durées maximales du travail hebdomadaire, moyennes et absolues relèvent de la compétence du DDTEFP, sur rapport de l'inspecteur du travail. Si le législateur permet demain aux entreprises de déroger par voie conventionnelle à l'obtention de ces dérogations, il y a fort à craindre que cela n'amoindrisse de manière significative une partie des missions dévolues aux services de l'inspection du travail en matière d'organisation du travail.

    Cette réforme n'a pas fait l'objet de commentaires de la part des services de l'inspection du travail, mais nous pouvons légitimement penser que devant la masse de travail qu'accomplissent les agents, une simplification de leur mission sera accueillie avec succès si elle ne les évince pas totalement de l'application de certaines mesures. Evincement qui selon nous, va à l'encontre de la mission généraliste que l'on a souhaité leur confier. D'autant que l'étendue de leur mission caractérise cette inspection du travail française. Il n'est pas sans craindre que ces nouvelle dispositions ne remettent, peut être malgré elle, en cause cette administration, souvent contestée et pourtant si nécessaire au quotidien. Cependant, une autre réforme actuelle fut un tôlé général, tant dans la forme que sur le fond. Elle a même donné naissance à un contentieux initié par les syndicats de la profession.

    § 2 : L'inspecteur du travail sous la tutelle d'un autre ministère :

    Le décret du 31 mai 200760(*) relatif aux attributions ministérielles du Ministre de l'immigration liste les services placés sous son autorité et ceux mis à sa disposition. L'article 1er du présent décret stipule « qu'il prépare et met en oeuvre les règles relatives aux conditions d'entrée, se séjour et d'exercice d'une activité professionnelle en France des ressortissants étrangers. Il est chargé (...) en liaison avec le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales et le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité, de la lutte contre le travail illégal des étrangers ». Au terme de l'article 4 dudit décret, le ministre de l'immigration dispose, pour l'exercice de ses attributions, de la direction générale du travail parmi d'autres administrations. Les syndicats agissant au nom des inspecteurs du travail demandent l'annulation de ces dispositions au motif d'une part qu'elles porteraient atteinte aux fonctions dont ils sont investies, et d'autre part, au motif qu'elles porteraient atteinte à leur indépendance.

    Le Conseil d'Etat61(*) rejette la requête au motif que le syndicat n'avait pas intérêt à agir. Cependant, il estime selon lui que les dispositions attaqués ne portent atteinte ni aux droits ni à la liberté des inspecteurs du travail.

    Si sur la forme nous adhérons à la solution du Conseil d'Etat, elle est critiquable sur le fond. En effet, le décret qui permet au ministre de l'immigration de disposer de la direction générale du travail, sans affecter la hiérarchie du ministère du travail, n'emporte moins des conséquences importantes. Pour mieux les appréhender, plaçons-nous dans le cas d'une entreprise, travaillant en trois/huit. L'inspecteur du travail lors de sa visite peut relever l'existence de travail illégal et est compétent pour le verbaliser. Mais la particularité de l'inspection du travail tient au fait que celle-ci puisse entrer, en toute légalité, de nuit dans les entreprises, lorsque celles-ci fonctionnent en continue. Or nous ne sommes pas sans savoir, que pour un officier de police judiciaire cela est impossible : il lui faut respecter les horaires légaux, soit après six heures du matin et avant vingt deux heures. N'est-il pas à craindre que, sous couvert de présomption de travail illégal, le ministre de l'immigration puisse ordonner aux services de l'intérieur et du ministère du travail de coordonner leur ? Ce faisant, il permettrait aux services de police de contourner les horaires légaux. Il nous apparait que cette conséquence, qui ne nuit pas en soit à l'indépendance des inspecteurs, pourrait engendrer des situations d'abus. Dans une autre hypothèse, nous savons que l'inspecteur du travail du travail peut entrer dans un lieu d'habitation62(*), dés lors qu'il y soupçonne, de façon suffisamment fondée, un travail illégal. Si par extension, nous admettions que cette prérogative lui soit ouverte de nuit, en cas de soupçon de travail clandestin, cela permettrait alors aux officiers de police judiciaire de pouvoir l'accompagner en dehors des horaires légaux. Qui plus est, les services de police disposent d'un arsenal juridique leur permettant de perquisitionner au domicile de présumé coupable, mais également de dérogation pour les heures de nuit, telle que par exemple, les cas de dangers graves et imminents ou encore la présence d'un flagrant délit. Cette mesure nous apparait peu utile sur le fond et la forme est plus que mal choisie. Peut-être qu'une autre tournure de phrase, comme par exemple « sous réserve des attributions du ministre du travail », aurait amené moins de réticence de la part de l'inspection du travail.

    L'inspecteur du travail, depuis sa création à vue ses missions évoluées de manière étroitement liée aux évolutions affectant les relations du travail. Créé pour ne faire respecter qu'une seule loi, celui-ci se trouve aujourd'hui confronté à un éventail juridique de plus en plus grand et de plus en plus complexe. Cette complexité se traduit également par la polyvalence de la profession qui va de conciliateur à répressif, en passant par médiateur. Bien que les textes lui confèrent des missions en propre, il n'en reste pas moins que ses directeurs hiérarchiques ont obtenu eux aussi des missions. Ce faisant, certaines décisions incombent dorénavant au DDTEFP et au DRTEFP. Mais si pour l'usager du service public, que constitue la section d'inspection du travail, le principal interlocuteur reste l'inspecteur du travail ; ce dernier n'est pas pour autant dénué de collaborateurs. N'oublions pas un point important de cette administration : l'inspecteur du travail est un agent, mais aussi un chef de service. Par voie de conséquence, il dispose d'un corps placé sous ses ordres : les contrôleurs du travail. La multiplication des missions qu'exercent l'inspection du travail ont entrainé la création de services soit externes à l'entreprise, soit internes. Ses services voient souvent leurs missions se recouper avec celles de l'inspecteur du travail. De sorte que l'inspecteur du travail, indépendant dans son action, se voit obligé de travailler avec d'autres organismes.

    Chapitre 2 : Des missions en concertation avec d'autres organismes : un homme entouré dans son action :

    Face aux préoccupations importantes que manifestent les inspecteurs du travail quant à leur indépendance, le Ministre délégué du travail en 2006, Gérard Larcher, a proposé un plan de modernisation et de développement de l'inspection du travail. Ce plan marque l'aboutissement d'une démarche initiée en 2004. Il comprend la création d'un Conseil National de l'Inspection du Travail (CNIT), qui devrait renforcer l'indépendance des inspecteurs mais aussi les soutenir dans leur action. Outre cet aspect véritablement administratif, la lutte contre le travail illégal, devenue une priorité du Gouvernement ces dernières années, a donné naissance à des organismes spécialisées, travaillant de concert avec les services de l'inspection du travail (section 1). Dans un second temps, le Gouvernement s'est tourné vers la nécessité d'adopter un système plus efficace en matière de santé et de prévention des risques professionnels. Cette initiative répond à l'exigence communautaire de mettre en place des acteurs internes de la prévention des risques dans les entreprises. Ainsi depuis 200263(*), le législateur a érigé en obligation la « pluridisciplinarité » (Section2).

    Section 1 : La mise en place de services tendant à compléter son action :

    Si la Convention n°81 de l'OIT prévoit que les inspecteurs du travail doivent être totalement indépendants des Gouvernements successifs, ce principe d'indépendance a souvent connu des atteintes auxquelles il a fallu faire face. Ce faisant, depuis 1983, le législateur avait prévu la création d'un CNIT, qui n'a vu le jour qu'en 2007 (§1). Sa réaction fut beaucoup plus rapide en matière de lutte contre le travail illégal. La politique de lutte contre le travail illégal a été élaboré et mise en oeuvre dans le cadre d'une coopération interministérielle. Le dispositif institutionnel de la lutte contre le travail illégal s'organise autour de la Commission Nationale de Lutte contre l Travail Illégal64(*) (CNLTI) et de la Délégation Interministérielle à la Lutte contre le Travail Illégal65(*) (DILTI). On retrouve ses organismes au niveau départemental, sous la forme de Comité Opérationnel de Lutte contre le Travail Illégal (COLTI). La CNILTI élabore les grandes orientations des politiques publiques sur les rapports établis par la DILTI, laquelle anime le dispositif interministériel national et départemental. Dernière création en date du gouvernement : l'Office Central de Lutte contre le Travail Illégal (OCLTI) : un bilan contestable selon les inspecteurs du travail (§2).

    § 1 : La mise en place d'un Conseil National de l'Inspection du Travail (CNIT) : service appuyant la mission de l'inspecteur :

    La création d'un CNIT résulte d'un décret de 198366(*). Rattaché auprès du Ministre du travail67(*), il a pour mission de donner son avis sur l'état d'application du droit du travail, l'orientation du programme de l'Institut National du Travail et se prononce sur les rapports établis par les ministres responsables des services d'inspection68(*). Bien qu'acquis, le principe du CNIT n'a vu le jour que le 4 février 200869(*). En 1983, le CNIT aurait du être composé des ministres chargés de l'agriculture, des transports, de l'industrie, de la mer, du logement et de la justice, du président de section du Conseil d'Etat, des représentants des organisations d'employeurs et des organisations syndicales représentatives. Depuis 1983, sa mise en place a été souhaitée à maintes reprises, mais le Ministre du travail, en réponse à une question écrite en 199670(*), a émis des réserves qui ont eu pour effet la non-création du CNIT. D'abord parce qu'il estimait que certaines compétences dévolues au CNIT relevaient déjà d'autres institutions71(*) ; ensuite parce qu'il pensait que la création du CNIT devait s'inscrire dans une réorganisation des services de l'inspection du travail72(*). Dans la mesure où elle n'était pas encore engagée, sa mise en place était alors inopportune. Depuis lors, le décret de 1983 est resté lettre morte. Il faudra attendre 2008 pour que Xavier Bertrand73(*) installe de manière effective le CNIT.

    Sa création ne s'est pas faite dans la simplicité et a connu quelques péripéties, tenant notamment à la présence de représentant d'employeurs dans sa composition. Les syndicats d'inspecteurs du travail74(*) étaient montés au créneau, estimant qu'il s'agissait la « d'un moyen pour diriger l'action des agents de l'inspection afin que celle-ci soit en phase avec les priorités patronales et gouvernementales ». Si nous rejoignons leur idée selon laquelle le code du travail rééquilibre un contrat où les forces n'étaient pas égales, il nous semble également qu'admettre la présence de représentants d'employeurs auraient constitués un nouveau déséquilibre dans le rapport employeur-employé. Fort heureusement, le Ministre n'a pas été sourd à ces revendications. De fait, le CNIT, dans sa version actuelle, est composé d'un conseiller d'Etat, d'un conseiller à la Cour de cassation, d'un inspecteur générale des affaires sociales, d'un membre du corps de l'inspection du travail (exerçant les fonctions de directeur régional ou de chef de service régional), d'un inspecteur du travail et d'un contrôleur du travail. Ainsi, le CNIT reste en propre un organisme appartenant aux services de l'inspection du travail, ce qui nous parait justifié eu égard aux missions qui lui incombent.

    En effet, en vertu de l'article 2 du décret de 2007, il est compétent pour rendre un avis sur « tout acte d'une autorité administrative qui serait de nature à porter directement et personnellement atteinte aux conditions dans lesquelles (l'inspecteur du travail) doit pouvoir exercer sa mission ». Il est donc le garant de l'indépendance de l'inspecteur du travail vis-à-vis des administrations. A ce stade, cela ne comprend pas le débat houleux des représentants d'employeurs. Mais l'article 1 du décret de 2007 dispose que « Il contribue à assurer, par ses attributions consultatives auprès du ministre, l'exercice des missions et garanties de l'inspection du travail ». Dans cette formulation, il est clairement confirmé que l'inspecteur du travail doit être indépendant. Dés lors, il est exclu que des représentants, notons qu'ils s'agissent des employeurs comme des salariés, puissent être intégrés dans sa composition. Car, selon nous, la rogne provoquait par ce texte résultait dans la présence de représentants d'employeurs. Mais il nous apparait plus impartial d'exclure également les représentants des salariés. S'il est vrai, comme nous l'avons déjà souligné, qu'il faille rétablir l'équilibre au profit des salariés, cela ne doit pas aboutir à déséquilibrer de nouveau les rapports contractuels au profit des salariés. Cet article 1er met à mal un autre argument soutenu par les syndicats, lesquels craignaient que le Ministre ne veuille faire de l'inspection du travail une administration soumise à ces ordres, sans respecter les principes posés par la Convention n°81 de l'OIT. Nous ne pensons pas que le but poursuivi par le Ministre fut de museler les inspecteurs, tout au contraire de leur garantir par une institution qui leur est dévouée le respect de tous leurs droits, tant dans l'exercice de leur mission que vis-à-vis des gouvernements successifs. De cette manière, ce texte rend effective la protection des inspecteurs du travail et la défense de leurs intérêts.

    Si nous pouvons regretter l'entrée en vigueur tardive d'un texte instituant véritablement le CNIT, nous pouvons féliciter le gouvernement, qui tout en démontrant qu'il était à l'écoute de son administration, vient de poser un statut d'exception permanent à la fonction d'inspection du travail. Cette nouvelle mesure n'est pas sans renforcer la particularité de l'inspection française du travail. Ainsi, en garantissant aux inspecteurs une indépendance pleine et entière dans l'exercice de leurs missions, il vient par la même renforcer l'idée selon laquelle une telle institution garde toute sa nécessité dans notre société. Confortant l'inspection du travail dans les missions qui sont les siennes, il n'en a pas moins oublié que nouveaux enjeux étaient apparus, notamment en matière de travail illégal. Nouveaux enjeux qui méritent l'attention de tout à chacun dans le gouvernement, quelque soit le ministère dont ils sont en charge : les ministres doivent dorénavant travailler de concert.

    § 2 : La mise en place de la DILTI : quel impact sur les pouvoirs de l'inspecteur dans sa mission traditionnelle ?:

    « Prévenir et réprimer le travail illégal constituent pour l'Etat la condition primordiale de sa capacité à réguler le marché du travail et à préserver la cohésion sociale de la collectivité française 75(*)». N'en doutons pas les enjeux sont aussi énorme, tant sociaux qu'économiques. Dés lors le gouvernement s'est donné les moyens de parvenir à ses fins : un véritable service déconcentré de lutte contre le travail illégal a été créé. La DILTI a un rôle important dans la coordination des actions des différents agents compétents en matière de répression du travail illégal76(*). Dans chaque département, nous retrouvons un COLTI qui réunit les corps de contrôle habilités, dont fait partie l'inspecteur du travail.

    La DILTI fait aussi office de formateur pour les agents de contrôle. S'il est vrai que l'inspecteur du travail a déjà reçu une formation en école quant à l'exécution de ses missions, il est louable de voir que la complexité du travail illégal fasse l'objet d'une formation plus approfondie. Toutefois, il ne faut pas que la volonté de perfectionner le corps de l'inspection du travail se traduise par sa modification en police du travail. Loin de sa conception initiale, l'inspecteur du travail perdrait alors toute la subjectivité dont il peut faire preuve, mais par la même perdrait tout ce qui fait son essence même. Notons que dans son rapport77(*), Jean Bessière, directeur de l'institut national du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, argumente pour conforter et préciser la notion d'inspection du travail généraliste. Dans notre conception française, l'inspection du travail est déjà divisée en trois domaines qui requièrent chacun des compétences particulières : l'inspecteur du travail de droit commun, celui de l'agriculture et celui des transports. Les formations initiées par la DILTI ne doivent pas avoir pour effet de créer un quatrième corps d'inspecteurs, spécialisés en droit pénal du travail. Nous risquerions alors de basculer vers un éclatement de la profession, à l'heure où tous souhaitent l'unifier pour la simplifier.

    La seconde mission essentielle de la DILTI est d'apporter « toute assistance utile aux services de contrôle78(*) ». Ce rôle d'assistance est principalement tourné vers l'amélioration des services de contrôle, sans pour autant empiéter sur leurs actions. Ainsi, la DILTI, véritable service administratif des agents de contrôle, agit dans le but de soutenir et de simplifier leur action. Une telle mesure nous apparaît fort utile dans un domaine qui se complexifie de jour en jour, et pour lequel il est indispensable de connaître les fondements du droit pénal du travail. Mais en apportant les précisions utiles aux différents corps habilités à la verbalisation, elle permet également à chacun de conserver son identité propre ainsi que ces prérogatives. Il serait à craindre que cela engendre une guerre des services, dans un souci de productivité plus importante qu'un autre, au détriment du respect du droit. Il incombe donc à chaque agent de ne pas entrer dans cette puérile guerre, et de promouvoir l'efficacité de leur service en conservant leur impartialité. Impartialité qui caractérise l'inspection du travail, et qui permet à l'inspecteur du travail de ne pas se retrouver « pieds et poings liés » devant une situation juridique donnée. Mais d'apporter un regard humain sur une cette situation, aspect d'autant plus important dans la profession, que celle ci a été conçue dans un souci de faire perdurer la paix social.

    Un autre organisme de lutte contre le travail illégal a reçu un accueil des plus défavorables de la part des inspecteurs du travail : l'OCLTI79(*). Ce dernier est confié à la Gendarmerie et a pour domaine de compétence la lutte contre le travail illégal sous toutes ses formes. Pour ce faire, il coordonne et anime les investigations de police judiciaire et assiste les directions de tous ministères intéressés. En vertu de l'article 2 du présent décret, « il agit en concertation avec la DILTI pour les questions relevant de sa compétence ». Le syndicat SNU-TEF des inspecteurs du travail est monté au créneau lors de la sortie du texte. Il lui reproche de transformer l'inspection du travail en un « service extérieur du ministre de l'intérieur ». Si le terme est fort et sans ambiguïté, l'argument manque un peu de profondeur, puisqu'au terme de l'article 3 dudit décret, l'assistance fournit par l'Office ne « dessaisit pas les services investis des recherches », au nombre desquels l'on compte l'inspection du travail. La où le bas blesse, c'est que l'article 6 dudit décret dispose que « Les services de la police, de la gendarmerie, des ministères du travail, de la santé, de la défense, de l'économie, de l'équipement, des transports, de l'agriculture, ainsi que les autres administrations publiques et organismes de protection sociale concernés adressent à l'office, dans les meilleurs délais et selon des procédures définies conjointement, toutes informations dont ils ont connaissance ou qu'ils détiennent, relatives aux infractions de travail illégal , à leurs auteurs et à leurs complices ». Le syndicat s'inquiète de voir passer sous la coupe du ministre de l'intérieur l'organisation du système de contrôle. Et nous rejoignons, avec moins de véhémence, l'opinion syndicaliste. N'est-il pas à craindre que la dérive possible de ce texte soit d'obtenir de l'inspecteur du travail une verbalisation systématique ? Nous verrons que cela relève pour une part de son appréciation personnelle. S'il est vrai que l'inspecteur du travail n'en reste pas moins soumis au droit pénal, comme le commun des mortels, sa fonction lui offre de ne pas verbaliser ou de ne le faire qu'en dernier recours, sa fonction étant essentiellement tournée vers la conciliation. En admettant que ce décret permette encore à l'inspecteur du travail de jouir de sa prérogative de ne pas verbaliser, le simple fait de transmettre une information concernant une infraction en matière de travail illégal qu'il n'aurait pas verbaliser, va nécessairement entraîner comme conséquence, que les services de police verbaliseront eux-mêmes. Et l'on comprend alors tout l'inquiétude du syndicat face à un tel constat. L'OCLTI, conçu pour améliorer la coordination des services en matière de travail illégal risque bien de vider l'inspection du travail d'une partie de sa substance. L'avenir confirmera ou infirmera nos propos.

    De plus en plus tourné vers la coopération des services ayant des missions communes, ou à tout le moins se recoupant, le gouvernement s'oriente semble-t-il vers une mise en commun des informations. Les nouvelles communications entre les différents acteurs de la mise en oeuvre de la politique publique n'est pas sans appeler quelques réserves, au moins sur le fond. S'il est louable de voir que la coordination des services se fait dans un souci d'amélioration de leurs actions, elle ne doit pas pour autant aboutir à réduire au rang de reliquat certaines activités dans tel ou tel service. Il serait regrettable de voir un service s'enrichir de nouvelles informations, accroissant son action en matière de travail illégal au détriment d'autres services, dont l'inspection du travail. Depuis 200380(*), le gouvernement s'est doté d'un système similaire, cette fois tourné vers la santé au travail, obligeant les différents acteurs compétents à travailler ensemble dans le cadre d'une « pluridisciplinarité ».

    Section 2 : La « pluridisciplinarité » : une complémentarité utile ?

    En 2003, un décret81(*), se basant sur une directive européenne82(*), est venu créer des collèges interrégionaux qui vont délivrer des habilitations à une personne ou un organisme pour la prévention des risques professionnels. C'est dans ce cadre que s'organise la pluridisciplinarité. Mais cette notion encore floue appelle quelques remarques quant à sa définition et son mécanisme (§1). Une telle mesure implique nécessairement des conséquences sur les missions de l'inspecteur du travail en matière de santé et de préventions de risques professionnels (§2).

    § 1 : Présentation de la « pluridisciplinarité » :

    Qu'entend-t-on par pluridisciplinarité ? Selon le Professeur Malchaire83(*), la pluridisciplinarité « consiste en des actions en commun de plusieurs spécialistes de différentes disciplines, vers un même objectif. » Selon lui, elle peut s'organiser de deux façons : soit les différents acteurs travaillent ensemble mais chacun dans son service, c'est ce qu'il appelle la juxtadisciplinarité, soit ils travaillent ensemble en imbriquant les outils de travail les uns avec les autres, ce qu'il nomme l'interdisciplinarité. Dans tous les cas, quelque soit le mode de travail retenu, leurs actions tendent vers un même objectif, en l'espèce l'amélioration de la santé au travail. Selon le Professeur Malchaire, dans cet éventail de possibilité chacun des acteurs demeurent libre de défendre leur vision de leur action, ce qui ne sera pas sans poser des difficultés quant aux finalités recherchées par les différents acteurs.

    La pluridisciplinarité comprend des enjeux importants pour la médecine du travail, mais aussi pour son organisation et son efficacité. Notamment parce qu'elle pose la question délicate de sa place, d'autant que l'institution connait une pénurie de médecins. Nous pouvons nous demander si une telle mesure de coordination ne risque pas à long terme de conduire à la disparition de cette médecine, du fait de la présence, par exemple, de médecins appartenant déjà au corps de la fonction publique : ceux des caisses maladies pour ne citer qu'eux.

    Mais il constitue également un enjeu social et professionnel fort pour les nouveaux intervenants de la prévention de la santé à travail : les Institutions en Prévention des Risques Professionnels (IPRP). Il s'agit soit de personnes physiques, soit d'organismes qui vont obtenir une habilitation par les collèges interrégionaux84(*). Le système français en matière de prévention de la santé dispose déjà d'un panel d'intervenant dans ce domaine : le CHSCT, l'inspection du travail, la Caisse Régionale d'assurance maladie (CRAM), la médecine du travail... La nouvelle réforme vient donc ajouter un nouvel acteur dans la prévention des risques de la santé au travail. Nous pouvons légitimement nous demander si cela était nécessaire. Aujourd'hui on distingue trois groupes principaux d'IPRP personnes physiques : celles travaillant dans un service de santé interprofessionnel, celles travaillant dans une entreprise et celles indépendantes travaillant soit en tant qu'experts habilités, soit en cabinets conseils. La première et la dernière catégorie sont donc existantes avant la réforme et déjà compétentes en la matière. La seconde catégorie se divise en les personnes physiques qui travaillent déjà dans un service de santé de l'entreprise (déjà compétente elles aussi), soit dans un autre service de l'entreprise. Cette dernière catégorie représente 21,6% des IPRP existantes : nous pouvons donc en conclure que la réforme n'a engendré qu'un accroissement mineur de nouveaux acteurs de la prévention de la santé au travail. En terme concret, cela représente 136 personnes, au plan national. Le chiffre alarmant de cette étude est que seulement 2,2% des personnes, soit 13 personnes, appartiennent au CHSCT. Nous aurions pu croire que cette institution vouée à la sécurité et aux conditions de travail se mobilisent pour la santé au travail. Sur 1546 IPRP enregistrée, seulement 2,2% sont des médecins du travail : voilà qui abonde dans le sens de notre propos : déjà d'autres institutions se sont emparées de cette fonction, laissant bien présager une diminution des médecins du travail pour d'autres professions dont les trois premières sont : les ergonomes, les consultants en évaluation des risques professionnels et les responsables hygiène, sécurité et environnement.

    En outre, les IPRP sont majoritairement compétentes dans les domaines techniques et organisationnels que dans le domaine de la santé85(*). Ce qui apparait regrettable, puisqu'il s'agit tout de même de la santé et des risques professionnels. Il semble donc que les collèges interrégionaux privilégient les risques professionnels. Notons cependant que les habilitations sont données en fonction des compétences du demandeur. Nous pouvons donc penser que peu de demandeurs aient la compétence pour exercer une habilitation en matière de santé. Et pourtant parmi les IPRP personnes physiques on recense des infirmières (46 personnes), des médecins du travail (34 personnes), des médecins (9 personnes) et des conseillers médicaux (3 personnes). Même si nous nous en tenons à la lettre du cigle, Institution en Prévention Risques Professionnels, il est à déplorer que les services de santé soient aussi peu représentés et que ce domaine soit délaissé au profit du technique et de l'organisationnel.

    La mise en place de la pluridisciplinarité n'est pas sans poser quelques réflexions quant à sa forme en propre. Si la France a voulu satisfaire la contrainte européenne, le travail du législateur nous semble encore imparfait et peu satisfaisant eu regard d'une médecine du travail, service de l'inspection du travail, qui semble avoir du mal à trouver sa place dans ce nouveau système. Il est cependant encourageant de voir que cette nouvelle réforme s'appuie sur une ouverture sur des compétences nouvelles, mais on peut se demander si cette diversification des moyens ne va pas conduire à éclatement de la réforme, lui faisant perdre toute cohérence, tant les acteurs y sont multiples. Notons qu'en matière des sites à risques industriels majeurs, l'explosion d'AZF à Toulouse le 21 septembre 2001, a donné lieu à de nombreuses interventions en matière de sécurité des travailleurs sur les sites à risques industriels majeurs86(*) en vue de renforcer la prévention des risques professionnels. Que de ces réflexions est née la loi de 200387(*) relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages. Cette loi s'inscrit dans le panel de texte relatif à la prévention des risques professionnels. Le législateur bien qu'insistant sur le rôle de « clé de voute » de la médecine du travail quant à la prévention en entreprise opte pour une « approche globale de la santé »88(*). Mais des sa préparation les textes encadrant cette pluridisciplinarité ont fait l'objet de vives critiques de la part des acteurs de la prévention qui poursuivent des buts contraires, sans compter que nous puissions craindre un impact sur les missions de l'inspecteur du travail en matière de santé et préventions des risques professionnels.

    § 2 : Son impact sur la mission de l'inspecteur du travail en matière de santé et de préventions des risques professionnels :

    La Convention de l'OIT n°81 met à la charge de l'inspecteur du travail « d'assurer l'application des dispositions légales relatives aux conditions de travail et à la protection des travailleurs dans l'exercice de leur profession89(*) ». La Convention poursuit en précisant que l'inspecteur du travail pourra recourir à des experts et techniciens90(*) en médecine, mécanique, électricité et chimie pour assurer sa mission. Les inspecteurs du travail interviennent soit en prenant des mesures tendant à rectifier les défectuosités constatées lors de leur visite, soit par la mise en oeuvre de mesures immédiatement exécutoires dans les cas de danger imminent91(*). En outre pour assurer sa mission de prévention, il doit être tenu informé des tous les accidents du travail et des maladies professionnelles92(*). L'importance de la mission de protection de la santé et de la sécurité au travail est réaffirmée régulièrement par le Ministre du travail93(*). Pour atteindre les objectifs fixés par la loi, l'inspecteur du travail combine son action avec l'information et le conseil des employeurs mais aussi des salariés et de leurs représentants. Il s'agit donc d'avoir une meilleure connaissance de la règlementation et d'obtenir le bon fonctionnement des institutions de prévention. Pour ce faire, l'inspecteur du travail dispose de moyens d'actions particuliers : l'observation, la mise en demeure, les arrêts de travaux dans certaines situations particulièrement dangereuses et définies limitativement94(*), les procès verbaux en cas d'infractions et enfin la possibilité de saisir le juge des référés en cas de risques d'atteinte à l'intégrité physique des salariés. Mais il est amené à travailler en collaboration avec les représentants de divers organismes institutionnels de prévention, internes ou externes à l'entreprise. La pluridisciplinarité existait donc déjà avant sa mise en place légale : à l'échelon régional, on assistait à des réunions des comités régionaux de coordination et de prévention95(*) ayant pour rôle d'engagée et de suivre l'action conjointe des différents services. Avant le décret instituant la pluridisciplinarité, l'inspecteur du travail travaillait déjà en collaboration avec la CRAM, avec les Organisme Professionnel de Prévention du Bâtiment et des Travaux Publics(OPPBTP), les Médecins Inspecteur Régional du Travail (MIRT) et des ingénieurs de prévention de la DRTEFP.

    La circulaire de 200496(*) prévoit que « au même titre que les médecins du travail, l'IPRP participe à la prévention de la santé et de la sécurité des salariés et à l'amélioration des conditions de travail dans un objectif exclusif de prévention ». La circulaire apporte donc déjà une première précision : les IPRP n'ont qu'une vocation préventive et n'empièteront donc pas sur les pouvoirs ni de l'inspecteur du travail, ni du médecin du travail. Elle continue en posant le principe que la pluridisciplinarité a pour objet de compléter les compétences apportées par les médecins du travail97(*) : voila donc un soulagement supplémentaire, il n'est pas à l'ordre du jour de faire disparaître la médecine du travail, branche importante de l'inspection du travail. Notons d'ailleurs que les IPRP personnes physiques interviennent à 8,5% accompagné d'un médecin du travail et que 21% des IPRP personnes morales interviennent avec lui98(*). Celle-ci reste donc présente dans la mission de prévention.

    La circulaire précise que « l'intervention d'un IPRP doit répondre à un besoin commun et que doit être recherché l'assentiment de l'employeur et du service ». Cela nous apparait curieux, dans le sens où l'employeur est tenu de procéder à l'évaluation des risques99(*). Est-ce à dire que l'on entend demander son avis à l'employeur sur son bon vouloir de procéder à cette évaluation ? Cette idée nous parait plus qu'insatisfaisante. L'employeur y étant tenu de par la loi, nous ne saurions admettre que celui puisse refuser impunément toute intervention d'une IPRP dans son entreprise. Sauf alors à admettre que la prévention des risques professionnels ne mérite pas toute l'importance qu'on lui accorde.

    Le bilan sur la pluridisciplinarité de 2007 recueille également l'avis des DRTEFP100(*) quant à la mise en oeuvre de cette mesure. Nous pouvons y lire que les médecins du travail s'estiment satisfait du soutien des IPRP, mais si l'on déplore le fait que les services de la médecine du travail reste attaché à une approche, jugée « très médical ». En même temps, il faut rester lucide, les services de la médecine du travail, comme leur nom l'indique, interviennent dans le domaine médical, nous voyons mal comme il pourrait en être autrement. Par ailleurs, « les médecins inspecteurs notent des progrès dans l'évaluation des risques avec la pluridisciplinarité ». Pouvons-nous penser légitimement que ce constat permet aux services de l'inspection du travail de se concentrer sur d'autres missions, n'étant pas toujours chez l'employeur pour lui imposer la tenue du document sur l'évaluation des risques ? Dans les DRTEFP rencontrées, il semble que oui. Ainsi donc la pluridisciplinarité, bien que renforçant l'éventail d'acteurs en matière de prévention de la santé et de risques professionnels, ne porte pas atteinte aux services de l'inspection du travail, de plus celle-ci leur permet même de voir leur mission se simplifier.

    L'évolution législative montre un intérêt tout particulier pour l'inspecteur du travail. Ce nouvel élan résulte malheureusement du profond traumatisme de la profession suite à l'assassinat de deux contrôleurs101(*). Cet évènement tragique fut le point de départ de nombre de réflexions, dont notamment celle portant sur les moyens de l'inspection du travail, en termes d'humain. Beaucoup de réformes étaient cependant déjà entrée en vigueur avant ce drame. L'inspecteur du travail, souvent considéré, peut être à tort, comme le « Zorro » des salariés, et comme un ennemi pour les employeurs, se voit aujourd'hui renforcer dans son action de conciliateur et de conseiller. S'il reste indépendant dans son action et dans ses décisions, cela ne se fait pas toujours sans mal. Le gouvernement s'introduit un peu plus dans le débat en créant de nouvelles missions, qui sont souvent décriés par les inspecteurs du travail, comme nous l'avons vu, mais qui tant bien que mal, finisse toujours par être appliquées. Aujourd'hui le gouvernement tourne l'inspecteur du travail vers une collaboration renforcée avec d'autres services. Il est à regretter que cela se fasse parfois au détriment de l'avis des inspecteurs. Si nous comprenons bien qu'il est quasiment impossible de satisfaire l'ensemble, il faut au moins rechercher la satisfaction de la majorité avant de mettre en place des réformes. Lesquelles ont pour finalité de compléter son action, de la renforcer, mais aussi parfois de la faire tendre vers des buts bien différents de la conception de l'inspection du travail. Aujourd'hui, bien qu'apparemment seul dans son action, l'inspecteur du travail est en réalité un homme très entouré, et ceci avec comme volonté profonde du législateur de faire bouger les choses vers une amélioration des conditions de travail en général. La réforme de l'inspection du travail s'inscrit dans la continuité des actions actuellement menées par le ministère : la lutte contre le travail illégal et le plan pour la santé au travail, y apparaissent comme prioritaires. L'inspecteur du travail voit également ses pouvoirs en matière pénale se modifier au fil des années, au point de le voir tendre vers une police du travail.

    2ème partie : L'inspecteur du travail : un officier de police judiciaire ?

    Pour pouvoir mener à bien ses missions, il a été reconnu aux inspecteurs du travail un droit d'entrée et de visite dans tous les établissements102(*) où sont applicables les règles au régime du travail. Cette liberté d'accès conditionne l'ensemble de l'action de l'inspecteur du travail : s'il ne peut pas entrer dans une entreprise, il ne peut alors pas effectuer de contrôle, et par voie de conséquence il ne sera pas en mesure de réaliser sa mission. La Convention OIT n°81 a prévu et organiser les missions, que nous qualifierons de traditionnelles, de l'inspecteur du travail en matière pénale (Chapitre 1). Certains relèvent de la constatation de faits au sein de l'entreprise, mais la suite qui leur est donnée est à géométrie variable. Les gouvernements successifs n'ont eu de cesse de modifier, renforcer et rajouter des missions ou des moyens d'actions aux inspecteurs du travail (Chapitre 2), si bien qu'une partie de la doctrine pénale n'hésite pas à qualifier l'inspection du travail de police du travail, ce qui n'est pas sans heurter les inspecteurs du travail. Comme nous l'avons vu, certains syndicats craignent de devenir une administration à la disposition d'autres services, notamment les services du Ministère de l'Intérieur, ce qui ne sera pas sans porter atteinte à l'autonomie et l'indépendance de l'inspection du travail.

    Chapitre 1 : Des missions traditionnelles de l'inspecteur en matière pénale :

    Gérard Larcher103(*) prévoyait que « les activités de contrôle soient programmées dans le cadre d'un plan pluriannuel permettant une adéquation des priorités nationales de l'action publique aux orientations locales ». Le choix des contrôles des inspecteurs du travail était jusqu'à présent laissé à la discrétion des inspecteurs, en fonction notamment des spécificités du secteur et de la région. Cette évolution souleva une vive protestation des syndicats qui y voyaient une violation du principe d'indépendance des agents, affirmée dans la Convention OIT n°81. Aujourd'hui l'inspecteur du travail dispose de pouvoirs de police judiciaire en matière de répression pénale (Section 1), pouvoirs qui lui appartiennent en propre. Au demeurant, même s'ils sont investis de tels pouvoirs, les inspecteurs du travail préfèrent laisser la prépondérance de leur action à leur mission de conseiller et conciliateur, plutôt que de devenir véritablement des agents répressifs (Section 2).

    Section 1 : Les compétences de l'inspecteur en matière pénale :

    L'inspecteur du travail a donc le droit d'entrer dans les entreprises assujetties aux dispositions légales et règlementaires du travail, sans qu'il lui soit nécessaire d'annoncer sa visite, sur la simple présentation de pièces justificatives de leur fonction104(*). On comprend aisément que cette prérogative soit la plus male perçue de nos jours, même si ce caractère inopinée permet une action plus efficace. D'autres droits lui sont conférés qui sont similaires à ceux d'un agent de police judiciaire (§1), mais, comme une fois n'est pas coutume, l'inspecteur du travail dispose également de prérogatives (§2) qui sont propres à la profession.

    § 1 : Les droits de police judiciaire :

    En tant qu'agent de contrôle, l'inspecteur du travail a le droit de procéder à la vérification de tous documents qu'ils estiment nécessaires de vérifier. Le droit d'entrée dans les établissements ne reposent pas sur la présomption d'une infraction, alors que d'autres de ces prérogatives lui font jouer un rôle d'officier de police judiciaire. Ainsi, il est en droit de procéder à des enquêtes et des auditions (A), mais en plus il est même autorisé à exercer un droit de prélèvement dans l'entreprise (B).

    A : Le droit d'enquêter et d'auditionner :

    Le législateur avait pourtant autorisé l'inspecteur du travail à entrer dans les établissements afin d'y assurer les enquêtes dont ils ont la charge105(*), et la Convention OIT106(*) les habiliter à « interroger soit seuls, soit en présence de témoins de l'employeur ou le personnel de l'entreprise ». Si le droit d'enquête était donc déjà bien établi au regard du texte initial, c'est le droit positif qui est venu leur reconnaître le droit d'enquête.

    Un arrêt de la chambre criminelle107(*) réaffirme que « les inspecteurs du travail ont mission de veiller à l'application de la législation et de la réglementation du travail, ainsi que de constater, concurremment avec les officiers et agents de police judiciaire, les infractions à ces dispositions. En vertu de l'article L 611-8 du même code, ils ont accès dans tous les établissements où ces règles sont applicables, à l'effet d'y assurer les surveillances et les enquêtes dont ils sont chargés. Pour l'exécution desdites surveillances et enquêtes, la loi n'apporte aucune restriction à leur pouvoir d'investigation à l'intérieur des entreprises. Justifie, en conséquence, sa décision l'arrêt qui condamne un chef d'entreprise pour avoir refusé à un inspecteur du travail l'autorisation de procéder à l'audition de témoins à l'intérieur de son établissement ». Ainsi, si le droit d'enquête et d'audition sont définis par les textes, leurs formes de mise en oeuvre font l'objet de peu de précision.

    Cependant, une instruction technique du 28 mars 2002108(*) est venue délimiter certaines formes des pouvoirs d'enquête et du droit d'audition. Ainsi, l'instruction précise que les inspecteurs du travail, n'ayant pas la qualité d'officier de police judiciaire, ne peuvent faire témoigner les témoins sous serment. Mais par contre, ils peuvent tirer de ses entretiens des éléments complétant le contenu de leur procès verbal, en veillant toutefois à ce que les déclarations recueillies n'entraînent aucune conséquence dommageables pour les témoins. Dans ce but ils sont tenus au principe de confidentialité des plaintes. En cela, l'inspecteur du travail diffère d'un officier de police judiciaire. Ce dernier n'est pas tenu de ne pas nuire au plaignant, et il est de principe en droit pénal de donner l'identité de la personne qui porte plainte, et ceux dans un souci de respect des droits de la défense. Il est alors surprenant que ce principe soit écarté en droit pénal du travail. Mais rappelons tout de même que l'inspecteur du travail, s'il dispose de pouvoirs de police judiciaire demeure très libre quant à l'application de ses pouvoirs et peu même, le cas échant, ne pas en user.

    Sur la forme cette fois, il apparait que l'intitulé du document dans lequel l'inspecteur du travail recueille ses témoignages prêtent à confusion avec les effets que lui donnent le code de procédure pénale. En effet, ce document qui s'intitule « procès-verbal d'audition » ou « recueil de témoignage » correspondent à des concepts pénaux bien différents du sens qu'on entend leur donner en droit du travail. Au sens de la procédure pénale, de tels documents ont force probante, alors qu'au sens de l'inspecteur du travail il s'agit simplement d'apporter des informations reconnues comme telles par la personne interrogée. Notons aussi que l'inspecteur du travail ne peut pas exiger la signature de ce document par l'intéressé, ce qui démontre aussi la différence de valeur des deux documents. Une telle confusion n'est pas sans laisser présager que ces documents auront peut être vocation à devenir plus officiel en matière de droit du travail, voire acquérir une force probante qui leur est déjà reconnue en droit pénal général. Pour l'heure rien n'est moins sur.

    Cette première compétence n'a pas le caractère pénal d'une enquête judiciaire, puisque l'instruction technique précise « qu'en ce qui concerne les déclarations, recueillies et consignées dans le procès-verbal, leur sincérité peut être discutée, et la personne qui se rétracte ne peut être poursuivie pour faux témoignages ». Elle s'apparente pourtant bien à la procédure pénale, mais ne revêt pas les mêmes conséquences juridiques : preuve du statut particulier conférait à l'inspecteur du travail en ce domaine. Pourtant, il peut également procéder à des prélèvements109(*) aux fins d'analyse.

    B : Le droit de prélèvement aux fins d'analyse :

    En vertu de la Convention OIT n°81, l'inspecteur du travail est autorisé « à prélever et à emporter, aux fins d'analyse, des échantillons des matières et substances utilisées ou manipulées, pourvu que l'employeur ou son représentant soit averti que des matières ou substances ont été emportées à cette fin ». Les prélèvements doivent être exécutés en respectant les procédures instituées par les décrets pris en application de la loi du 1er aout 2005 sur la répression des fraudes110(*).

    Le droit de prélèvement s'inscrit dans le cadre de deux procédures légales. La première111(*) consiste en un recueil de résultats d'analyse. Le prélèvement est ici effectué par un organisme agréé à la suite d'une mise en demeure de l'inspecteur du travail de faire procéder à l'analyse des produits. Cette procédure n'est possible qu'en présence d'un texte ad hoc112(*). Dans cette hypothèse, il s'agit de produits dont les effets sont connus pour être très toxique pour la santé des salariés. La seule limite apportée étant toujours l'information de l'employeur des prélèvements effectués. Nous comprenons aisément l'intérêt d'informer l'employeur, mais encore plus le fait de ne pas requérir son consentement. Cette procédure vise uniquement la protection de la santé des salariés, puisqu'elle ne concerne « les travailleurs exposés ou susceptibles d'être exposés au cours de leur travail à des agents cancérogènes, mutagènes ou toxiques113(*) ».

    La seconde procédure est un prélèvement directement effectué par les inspecteurs du travail114(*) eux-mêmes. Mais la lourdeur de la mise en oeuvre de cette procédure lui a fait perdre son intérêt. Outre une procédure lourde pour le recueil d'échantillon, un agrément accordé par le Ministre du travail au préalable est requis. Nous pouvons regretter que cette procédure ne soit pas plus souvent utilisé, puisqu'elle permet aux inspecteurs d'assurer, non seulement la prévention de la santé des travailleurs, mais elle couvre ici un domaine beaucoup plus large puisqu'elle vise également « les produits distribués ». Cette formulation nous laisse penser que cette procédure va au-delà de la mission classique de l'inspecteur du travail. Les produits distribués sont, nous le pensons, les produits destinés à la vente. Ainsi par voie d'extension, l'inspecteur du travail assure-t-il aussi un rôle de protection des consommateurs.

    L'intervention de l'inspecteur du travail dans ce domaine si particulier a entraîné de la part du législateur la création d'un arrêt temporaire de l'activité115(*) mis en oeuvre par l'inspecteur du travail si, après les résultats des analyses et une mise en demeure adressé à l'employeur, l'exposition des salariés à ces substances restent encore supérieure aux valeurs limites116(*). Cette procédure d'arrêt d'activité temporaire117(*) a fait l'objet d'une circulaire de la DGT, dans laquelle il est précisé les différentes étapes de la procédure : prescription d'un contrôle de la valeur limite d'exposition professionnelle (VLEP), mise en demeure, décision d'arrêt temporaire d'activité si persistance de la situation dangereuse et enfin autorisation de reprise d'activité. Dans ce cas l'inspecteur du travail reste lié aux VLEP. Il perd de fait son pouvoir d'appréciation, mais nous ne saurions admettre le contraire, tant l'enjeu est vital pour les salariés.

    L'inspecteur du travail dispose de pouvoirs spécifiques en matière pénale, qui restent cependant attaché à la logique de contrôle dans laquelle s'inscrit son action. Celui-ci, bien que pouvant opter selon son choix personnel, reste soumis dans certaine hypothèses à un respect stricte des textes. Cette obligation de se conformer au texte se justifie par la nature particulièrement dangereuse des produits qu'il contrôle. Cependant il reste libre dans son droit d'enquête de procéder à toutes vérifications qu'il estime utile à son action. Un autre droit caractérise la mission pénale de l'inspecteur du travail, celui du droit de visite, qui s'exerce de manière parfois dérogatoire au droit commun.

    § 2 : Le régime dérogatoire de l'inspecteur du travail quant aux missions classiques de police judiciaire:

    Investi de pouvoir de police judiciaire, il résulte de ses droits qu'il puisse entrer dans les établissements soumis aux règles dont il surveille l'application. Lui est donc reconnu implicitement le droit de circuler librement dans l'entreprise et sans information préalable de l'employeur. Une première prérogative, puisqu'un policier de la police judiciaire doit demander le consentement du propriétaire118(*). Notons une particularité : les textes relatifs au contrôle des régimes de protection social confèrent aux agents de contrôle de l'inspection en agriculture le droit d'entrée dans les établissements n'employant pas de salariés119(*). En matière d'inspection, l'inspecteur contrôle avant tout que les dispositions législatives et réglementaires soient respectées dans une relation employeur-employé. Il est alors étrange d'autoriser les inspecteurs en agriculture de pénétrer dans des locaux où aucun salarié ne travaille. Le contrôle des installations justifient donc à lui seul ce droit. Mais en matière d'inspection général du travail, notre inspecteur de droit commun ne se voit pas octroyer la même possibilité. Ainsi il ne peut pas contrôler des installations où personne ne travailleraient. Solution d'autant plus critiquables, que dans un raisonnement pénal, il pourrait exister l'organisation d'un travail clandestin, dans des locaux où un employeur peu scrupuleux saurait qu'il ne risque aucune visite. Cependant le législateur a veillé à cette hypothèse, en accordant à l'inspecteur du travail le droit d'entrée dans tout établissement où il soupçonne un travail dissimulé.

    Le droit d'entrée dans l'établissement s'effectue de jour comme de nuit, dès lors que l'entreprise est connue pour être assujettie aux dispositions dont l'inspecteur du travail a à assurer l'exécution. Mais s'il n'est pas connu des services de l'inspection du travail, le contrôle ne pourra s'exercer que de jour. Curiosité la encore discutable. Que l'établissement soit connu ou non des services, le rôle de l'inspecteur du travail reste le même : veiller à l'application de la législation sociale. Estimerions nous donc que la nuit il y aurait une présomption de non-assujettissement, au motif que l'entreprise n'est pas connue des services ? Cette limite au droit de visite la nuit nous semble contestable d'autant plus que si l'entreprise est soumise au contrôle de jour une fois, elle pourra par la suite être contrôlée de nuit. Nous aurions pu penser que la condition que l'entreprise fonctionne du nuit pour qu'elle puisse être contrôlée aurait du être suffisante pour autoriser son entrée. Dans un premier temps, la Cour de cassation avait autorisait le droit d'entrée nocturne dans les entreprises travaillant de nuit120(*). Elle a également admis la possibilité d'entrer dans une entreprise, bien que ne travaillant pas de nuit, dès lors qu'il dispose de sérieux indices de soupçonner un travail dissimulé121(*). Ainsi, « le code du travail avait refusé de reconnaître plus de droit aux inspecteurs du travail qu'aux officiers de police judiciaire »122(*), c'est la Cour de cassation qui est venu préciser les modalités de son droit d'entrée.

    Le droit d'entrée est aussi limité au lieu de travail123(*). Si le local de travail est aussi un lieu d'habitation, il faut alors l'autorisation du propriétaire124(*), sous peine de tomber sous le coup d'une violation de domicile125(*). Il en est de même pour le domicile de l'employeur, « sauf soupçons inhérents au travail dissimulé ». Donc si l'inspecteur du travail ne peut, en principe rentrer dans un lieu d'habitation sans l'accord des propriétaires, ce principe ne résiste pas aux soupçons de travail dissimulé qui lui permette de passer outre le refus du propriétaire. Voila qui nous semble bien étrange. Si l'inspecteur du travail soupçonne effectivement l'existence d'un travail illégal, il n'en demeure pas moins soumis au droit et doit de ce fait respecter l'avis du propriétaire. Le recours possible serait alors de demander tout simplement le soutien de la force publique. La Chambre criminelle aménage la charge de la preuve du refus opposé à l'inspecteur du travail à celui qui s'en prévaut126(*). Cette charge de la preuve est d'autant plus protectrice pour l'inspecteur du travail, qu'en règle générale, nous imaginons que le refus est opposé verbalement lors de la visite et que, sauf présence de témoins, il ne sera pas simple de prouver que l'inspecteur a pénétré illégalement dans le domicile. Nous constatons qu'en la matière le droit d'entrée est plus étendu que celui accordé aux agents et officiers de police judiciaire pour lesquels une ordonnance du Président du TGI est requise pour procéder à des visites domiciliaires, perquisitions et saisies de pièces à conviction dans les lieux de travail. D'un côté le code du travail refuse de donner plus de droits aux inspecteurs du travail qu'aux officiers de police judiciaire, mais de l'autre l'action de l'inspecteur se voit simplifier sur la forme et, malgré tout, est plus souple sur le fond.

    La Cour de cassation a été amenée, au fil des espèces, a précisé ce qu'il fallait entendre par domicile privé pour l'inspecteur du travail. Ainsi, la qualification de lieu de travail nécessite la présence d'une activité de nature professionnelle et permanente127(*)et « l'absence d'équipements nécessaires à une habitation effective ».

    S'agissant des salariés à domicile, l'inspecteur du travail doit recueillir leur consentement avant de pénétrer dans le domicile. En laissant entrer l'inspecteur du travail sans opposition le propriétaire d'un local professionnel habité est censé avoir donné de façon tacite son consentement prévue par le code du travail128(*).

    Dans un arrêt de 2006129(*), la Cour de cassation va encore plus loin, en affirmant que « les dispositions des articles L611-13 et L231-1 du Code du travail autorisent les opérations de contrôle en lieux de travail de quelque nature qu'ils soient, publics ou privés, compris au domicile d'un particulier ». La Haute juridiction semblait déjà ouvrir la porte aux inspecteurs du travail en estimant qu'il bénéficiait d'un « droit de regard » sur ce qu'il pouvait voir de l'intérieur de l'habitation, sans pour autant y pénétrer. Elle admettait donc déjà une atteinte au domicile privé en matière de contrôle. Pour ce faire, elle se fondait sur l'article L231-1 du code du travail qui visait les « établissements industriels, commerciaux et agricoles ». La nouvelle codification a remplacé ces termes par « employeurs de droit privé ». Dés lors, il n'est pas certain que dans des faits similaires, la Cour tranche dans le même sens, encore qu'ayant reconnu à une maison le caractère d'établissements industriels, elle pourrait qualifier d'employeur de droit privé un particulier qui ferait réaliser des travaux de rénovation chez lui par exemple.

    Les pouvoirs de l'inspecteur du travail peuvent se classer selon deux catégories : ceux qui sont liés à son fonction de contrôle et ceux qui sont liés à son pouvoir de décision. Comme nous venons de le voir, les pouvoirs attachés à sa mission de contrôle de l'application de la législation en matière de droit pénal du travail, le rapproche de plus en plus d'un officier de police judiciaire sans pour autant lui conférer les mêmes prérogatives. Comme le révèle Monsieur CESARO dans sa note, « Répression du travail dissimulé : la police à domicile130(*) », le droit social répressif est plus large pour l'exercice des inspecteurs du travail que pour les officiers de police judiciaire. Il est un autre critère qui les différencie, et non des moindre, puisque l'It reste libre d'engager ou non la procédure pénal : prérogative fermée aux officiers de police judiciaire. Comme le dit très justement Valérie BOUCHARD131(*), « la finalité préventive des pouvoirs de l'inspecteur du travail débute par la reconnaissance de moyens à procéder à la constatation des infractions », pour autant c'est cette finalité qui prime sur le côté répressif de sa mission.

    Section 2 : La répression de l'inspecteur : un rôle en marge de sa mission :

    Les droits que nous avons évoqués dans la première section et le développement qui va suivre montrent vraiment la mise en oeuvre des pouvoirs de police judiciaire. Cependant, même s'ils sont calqués sur ceux de la police judiciaire, il n'en demeure pas moins spécifique eu égard au particularisme du droit pénal du travail et à la mission de l'inspecteur du travail. Une première particularité est le choix que peut opérer l'inspecteur de ne pas engager les poursuites pénales (§1). Même si ce choix laissé est très souvent apprécié par les acteurs du droit social, l'inspecteur du travail n'en reste pas moins un acteur de la mise en mouvement de l'action pénale (§2).

    § 1 : Le choix entre conseil et poursuite : une liberté d'appréciation :

    S'il est vrai que l'inspecteur du travail dispose de pouvoirs de police qui lui permettent de relever par voie de procès verbal les infractions qu'ils constatent lors de ses visite, il reste libre de préférer la voie de la mise en demeure ou de la simple observation. En effet, se fondant sur les faits et le droit, l'inspecteur du travail a tendance à relativiser les situations qu'ils rencontrent. En outre, la Convention OIT n°8132(*)1 précise qu'il est libre de donner des conseils ou avertissements plutôt que de recourir à la verbalisation ou de recommander des poursuites. Ainsi l'inspecteur du travail peut intervenir selon des modes de dénonciation officieux.

    Tout d'abord l'inspecteur peut émettre des observations qui demeurent la principale dénonciation d'infraction133(*). Si cette pratique est critiquée par la doctrine pénaliste, puisque le code de procédure pénale précise que tout fonctionnaire ayant d'un crime ou d'un délit dans l'exercice de ses fonctions doit en aviser le Procureur de la République134(*). Mais cette disposition est en contradiction avec la fonction même de l'inspecteur du travail, qui tend vers une pratique tournée vers la prévention et non la répression. Le recours majoritaire aux observations traduit cette pratique de prévention. L'utilisation de la répression n'est envisagée qu'en dernier recours. Selon certains auteurs, la répression pénale constitue une « arme symbolique135(*) ». Certains vont même jusqu'à qualifier « d'échec136(*) » le recours à la répression pénale. Si nous rejoignons la doctrine pénaliste qui veut que tout agent ayant connaissance d'infractions les transmettent au Procureur, il ne faut pas pour autant oublier que l'inspecteur du travail n'est pas un officier de police judiciaire, ni un gendarme, et que cette liberté d'opportunité repose sur sa compétence propre. La Convention OIT n°81 lui autorise de rechercher plutôt la voie de la conciliation que celle de la répression. Ce texte est en contradiction avec le droit pénal français certes, mais il n'en demeure pas moins applicable. Et puisque l'on reconnait la possibilité de choisir à l'inspecteur du travail, il serait mal venu de lui imposer, en droit français, de recours systématiquement à la verbalisation. D'autant que cette systématicité risquerait de faire glisser l'inspecteur du travail vers une police du travail, au sens strict, lui interdisant ainsi toute marge de manoeuvre factuelle. Cette appréciation de l'opportunité des poursuites pénales découlent aussi directement du principe d'indépendance des inspecteurs du travail. Il est à noter que le législateur a créé une « obligation de signalement 137(*)», pesant sur tous les services de l'Etat, « des menaces imminentes pour la santé de la population dont ils ont connaissance, ainsi que les situations dans lesquelles une présomption sérieuse de menace sanitaire grave leur apparaît constituée ». Par cette loi, le législateur restreint la possibilité des inspecteurs du travail de ne pas donner de suites pénales à leur constatation. En matière de santé, ils y sont tenus. Il est aussi à noter que l'inspecteur du travail peut recourir au juge des référés pour faire cesser toutes situations graves et notamment en cas de risques d'atteinte à l'intégrité physique des travailleurs138(*). Mais cette procédure exceptionnelle n'intervient qu'après le refus de l'employeur de faire cesser la dangerosité de la situation constatée par l'inspecteur du travail. Donc ce dernier reste encore libre de déterminer si la situation en cause nécessite ou nom l'intervention du juge. Cette procédure concerne un domaine bien particulier : l'hygiène et la sécurité de manière générale et le BTP de manière plus spécialisée. En outre, il peut prendre toutes mesures utiles, y compris l'arrêt des travaux, lorsqu'ils constatent une situation de danger grave et imminent découlant du non-respect de la réglementation relative aux chutes de hauteur ou aux risques d'ensevelissement sur un chantier du BTP, ou sur un chantier de confinement ou de retrait d'amiante139(*).

    L'inspecteur du travail dispose d'une troisième contrainte avant de dresser procès-verbal, il s'agit de la mise en demeure. Elle permet d'accorder un délai supplémentaire à l'employeur pour se mettre en conformité avec la loi. Il s'agit la aussi d'une appréciation laissée au bon vouloir de l'inspecteur du travail. Cependant, elle constitue un préalable obligatoire au procès-verbal. Concernant le domaine de l'hygiène et la sécurité140(*), il faut qu'un texte prévoit la mise en demeure et, la encore, l'inspecteur du travail peut dresser directement procès-verbal s'il constate un danger grave ou imminent pour l'intégrité physique des travailleurs141(*) : il dispose donc ici aussi d'une opportunité de décision. L'inspecteur du travail peut ainsi notifier des mises en demeure de mise en conformité, des mises en demeure de vérification opérée par un organisme agréé et des mises en demeure de vérification des équipements de travail. Il dispose donc d'un large éventail de mise en demeure lui offrant la possibilité de ne pas recourir au procès verbal en attendant que l'employeur se soit exécuté.

    Cette liberté laissée aux inspecteurs du travail est contestée par certains auteurs142(*) : selon eux, la situation que vise l'article 17 de la Convention OIT n'existe pas en droit français parce que l'inspecteur du travail n'a pas la maîtrise du déclenchement de l'action pénale. Position critiquable, puisque si l'inspecteur du travail adresse ses procès-verbaux au Procureur, ce qui implique qu'il fait partie de la mise en mouvement de l'action pénale. Mais selon Monsieur Cohen, l'article L611-10 du code du travail emporte l'obligation pour l'inspecteur du travail de dresser procès-verbal chaque fois qu'il constate une infraction. Pourtant le droit positif conserve à l'inspection du travail une « opportunité des constats ».

    Le choix entre conseil et poursuite est finalement le corollaire du principe d'indépendance des inspecteurs du travail. Cela consacre également une indépendance vis-à-vis des institutions pénales. Comme nous l'avons vu précédemment, certains syndicats s'offusquent de devoir communiquer à l'OCLTI toutes les informations dont ils disposent. En conservant cette possibilité de ne pas recourir à la voie pénale, le gouvernement insiste aussi sur le fait que l'inspection du travail est investie d'une mission particulière qui nécessite des modalités d'action différentes de celles d'autres services. On lui autorise donc à décider de l'opportunité des poursuites et donc des procès-verbaux, ce qui explique le faible nombre de procès verbaux dressés. Dans le même temps, certains auteurs estiment que le recours au procès-verbal demeure et doit rester l'arme ultime de l'inspecteur. Car, même si la pratique est de ne pas recourir à la verbalisation, l'inspecteur du travail n'en reste pas moins un acteur de la mise en mouvement de l'action pénale.

    § 2 : L'inspecteur : acteur de la mise en mouvement d'une action pénale parfois dérogatoire :

    L'article L611-1 du code du travail définit les pouvoirs conférés en matière de constatation des infractions en matière de droit pénal du travail à l'inspecteur du travail. Du fait de l'existence de prérogatives de police judiciaire conférées à l'inspecteur du travail, nous pourrions en déduire que les règles de droit commun en matière pénale lui sont applicables. Pourtant, il existe des dérogations au droit commun, notamment le fait que les règles relatives à la transmission immédiate des procès-verbaux en cas de flagrant délit imposées à la police judiciaire sont inapplicables à l'inspecteur du travail143(*). S'il est vrai que l'inspecteur du travail dispose d'une liberté en matière de dresser ou non un procès-verbal, il ne décide pas véritablement de la suite pénale donnée à sa verbalisation. Le législateur lui reconnait en réalité le droit de constater ou non une infraction. En cela, son rôle est dérogatoire au droit commun, mais répond parfaitement à la volonté conciliatrice voulue pour l'inspection du travail.

    Les procès-verbaux dressés par les inspecteurs du travail font foi jusqu'à preuve du contraire144(*). Mais cette force probante se limite aux seules constatations faites par l'auteur du procès-verbal. Pourtant, sa régularité est difficile à remettre en cause. La Cour de cassation estime en effet que de simples doutes ne suffisent pas à remettre en question sa régularité145(*). En outre, elle suppose que les allégations de l'inspecteur du travail soient confrontées aux arguments de l'employeur, dans le cadre d'un débat contradictoire organisé par le juge146(*). La force probante conférée au procès-verbal de l'inspecteur du travail diffère de celle donnée aux procès-verbaux de la police judiciaire, puisqu'en matière de crime et délit, ils n'ont que valeur de simple renseignement147(*). Alors que pourtant on ne souhaite pas donner plus de pouvoirs aux inspecteurs qu'aux officiers de police judiciaire, la force probante accordée est beaucoup plus importante aux procès-verbaux des inspecteurs. Ce qui appuie un peu plus notre idée de dérogation quant au droit pénal général. En fait le procès-verbal de l'inspecteur du travail « ne peut être remis en cause dans la mesure où il ne permet ni d'engager des poursuites, ni même de les recommander au Parquet 148(*)». Ainsi, ils sont difficiles à remettre en cause, bénéficient d'une force probante plus importante, en dans le même temps, ils ne permettent pas d'engager les poursuites. Curiosité en la matière au vue de l'importance qu'on leur donne, et du peu d'effet dont ils sont revêtus. En réalité, les procès-verbaux de l'inspecteur du travail sont transmis au Parquet149(*), après examen effectué par le DDTEFP, qui décidera de façon souveraine des suites à donner. Ce qui a posé quelques difficultés quant à la transmission des procès-verbaux, c'est que les textes parlent soit d'une information, soit d'une transmission directe au Parquet. Or le DDTEFP est chargé des rapports avec les services judiciaires, ce qui implique que le procès-verbal lui soit d'abord transmis, mais lui interdit tout contrôle d'opportunité sur les suites à donner. Pour la Chambre criminelle, la transmission au DDTEFP est dépourvue de valeur légale, puisqu'elle n'est pas imposée par la loi150(*). Alors que pour le Conseil d'Etat, si le DDTEFP est chargé des relations avec le Parquet, cette mission ne s'exerce que sous réserve des attributions légales dévolues à l'inspecteur du travail151(*). Donc, bien que le DDTEFP doive apposer son visa sur le procès-verbal de l'inspecteur du travail, le défaut de visa n'entraîne pas la nullité du procès verbal. Cet oubli peut seulement être la cause d'une faute disciplinaire. Une instruction de 2002152(*) a pour « objectif primordial ... de donner aux services des règles simples et rigoureuses d'établissement et de transmission de leurs procès-verbaux, de façon à garantir une bonne prise en charge des procédures par les magistrats ». Elle organise la transmission des procès verbal qu'elle encadre dans des délais préfix. Cependant, concernant la transmission des procès verbaux, l'instruction utilise une formulation qui mérite quelques réflexions. « Cependant, il est évident que le parquet et la juridiction saisie sont d'autant plus sensibilisés et enclins à réprimer les infractions aux dispositions de la réglementation du travail que les faits poursuivis sont plus récents. La célérité mise à établir, examiner et transmettre un procès-verbal est pour eux la manifestation de l'intérêt et du degré de gravité que nous (les services de l'inspection du travail) prêtons à l'infraction constatée153(*)». La première interrogation porte sur la conclusion que doivent tirer les inspecteurs de cet article. Doivent-ils dénoncer au plus vite les infractions, faute de quoi, le Parquet estimera que l'infraction ne requière pas autant d'intérêt que l'on veut lui en donner ? Veut-on faire croire aux inspecteurs que de leur attitude dépend le résultat des suites pénales données par le Parquet ? Cette formulation, fort maladroite, est sans conteste hors propos. Imaginons qu'un officier de police judiciaire qui « traînerait » à clore une enquête pour meurtre verrait son comportement entraînait une relaxe du prévenu au motif que son attitude dénoterait du peu d'importance de l'infraction ? Une telle idée n'est pas concevable. Pourquoi alors le serait-elle en matière de droit pénal du travail ? L'article poursuit par « l'exemplarité des peines infligées est de la même façon directement fonction du délai entre la constatation de l'infraction et la condamnation ». Pourtant, la loi pénale est d'application stricte et il n'est écrit nulle part que la peine soit fonction du délai écoulé entre sa constatation et la condamnation de l'auteur du délit. Les textes pénaux prévoient des quantum en fonction des crimes et délits commis. Quelle étrange manière de faire croire aux inspecteurs du travail que leurs procès verbaux auront plus de chance de conduire à des peines sévères, s'ils se dépêchent de transmettre leur rapport au Parquet. Voila une conception bien étrange du droit pénal du travail que l'on veut donner aux inspecteurs.

    D'ailleurs le législateur a entendu désolidariser l'inspecteur du travail des suites pénales, puisque si la procédure de la police judiciaire est entachée de nullité cela n'affecte pas la validité du procès verbal de l'inspecteur qui en serait le point de départ. De plus, il peut être entendu, en qualité de témoin, lors de l'instance pénale « sans qu'aucun grief de partialité ne lui soit reproché 154(*)». Cela nous apparaît tout à fait normal, dans la mesure où, intervenant en tant que témoin, il ne prend pas partie à l'instance.

    Lorsque le Parquet est saisi d'un procès verbal d'un inspecteur, il diligente une enquête complémentaire pour se prononcer sur l'opportunité d'engager la procédure. Ce faisant, cela alourdit la vitesse de la procédure. A la suite de cette enquête, il peut soit engager la procédure pénale, soit classer sans suite. Selon Madame BOUCHARD, le classement sans suite « traduit un désaveu pour l'inspecteur du travail, mais le discrédite également aux yeux de l'employeur contrôlé 155(*)». Nous comprenons ici tout l'enjeu que comporte le procès verbal. Si l'inspecteur du travail transmet un procès verbal, classé sans suite par le Parquet, il est fort à craindre qu'une telle fin ait des conséquences malheureuses sur les relations entre l'inspecteur du travail et l'employeur contrôlé. Ce dernier pourrait remettre en cause alors la capacité de l'inspecteur du travail a exécuté sa mission et serait peut être d'autant plus incité à attaquer les décisions de l'inspecteur. Malheureusement, contrairement à d'autres pays, la France refuse aux inspecteurs du travail le droit de décider de l'opportunité des poursuites au nom de l'ordre public social156(*).

    L'inspecteur du travail dispose de moyens divers pour constater les infractions, allant du simple rappel à la législation jusqu'à la mise en oeuvre de moyens beaucoup plus contraignant. Il apparaît comme l'échelon le mieux approprié pour veiller à l'application du code du travail, et du même coup pour constater les infractions relatives au droit pénal du travail. Si, dans ce but, le législateur l'a doté de prérogatives de police judiciaire, il est clairement établi qu'il n'est pas un officier de police judiciaire, même si, comme nous l'avons vu, il en est très proche. « Le droit n'existe qu'à travers son application157(*) », l'inspecteur du travail a donc pris son partie de faire exister de manière certaine le droit du travail, et de manière parsemée l'existence du droit pénal du travail. Mais comme la logique de l'inspecteur est à la fois globale et préventive, il use des recours pénaux qui lui sont offerts avec parcimonie. Ainsi, seulement certaines situations donneront lieux à des constatations officielles d'infraction, par la voie des procès verbaux, « où la logique répressive est la seule qui soit efficace 158(*)». Malgré un délaissement notable de la voie pénale par l'inspecteur au profit d'autres procédures plus dissuasives, comme par exemple, l'arrêt de chantier, le législateur est quand même venu accroître ses pouvoirs.

    Chapitre 2 : Vers l'extension de nouveau pouvoir de police de l'inspecteur :

    Depuis maintenant quelques années, le législateur renforce les moyens d'actions de tous les services luttant contre le travail illégal, l'inspecteur n'est pas en reste. Devenue une priorité gouvernementale, elle a donné lieu à un Plan national pour 2004-2005, reconduit pour 2006-2007 et 2008-2009. A coté de Plan, le législateur était déjà intervenu auparavant, notamment en matière de contrôle d'identité (Section 1), mais les interventions successives entraînent aussi une modification de la compétence de l'inspecteur en matière de travail illégal (Section 2).

    Section 1 : Le contrôle d'identité des personnes présentes dans l'entreprise : une innovation récente :

    La loi du 26 novembre 2003159(*) est venue modifier le Code du travail et à « doter les agents de l'inspection du travail de nouveaux moyens juridiques leur permettant de mener à bien160(*) » la lutte contre le travail illégal. Cette loi confère aux inspecteurs le droit de demander à toute personne occupée dans l'entreprise de justifier de son identité (§1), mais la logique de contrôle des inspecteurs est ici encore différente de la logique pénale (§2).

    § 1 : Le dispositif législatif mis en place par le législateur pour lutter contre le travail illégal :

    L'article 62 de la loi de 2003161(*) avait créé un nouvel alinéa à l'article L611-8 du Code du travail, ainsi rédigé : « les inspecteurs du travail sont habilités à demander aux employeurs et aux personnes occupées dans les établissements assujettis au présent code de justifier de leur identité et de leur adresse ». Une première limite s'impose donc aux inspecteurs, ils n'ont le droit de demander justification de l'identité qu'aux personnes « occupées » dans l'entreprise. Cela sous-entend qu'il faut que la personne travaille effectivement dans l'entreprise, dés lors sont tenus de procéder à cette justification tous les stagiaires et employés intérimaires qui seraient présents. Du fait que l'inspecteur est le droit de se faire communiquer tous documents dont la tenue est obligatoire par l'employeur162(*), et notamment le registre du personnel163(*), il a la faculté de connaître nominativement les salariés de l'entreprise. Mais si la personne contrôlée n'en fait pas partie, l'inspecteur sera-t-il tenu de signaler sa présence dans l'établissement, en présumant l'existence de travail illégal ? En théorie, il nous semble que oui, mais les faits peuvent aller à l'encontre de nos propos, s'il s'agissait d'une personne présentée comme un client ou un simple visiteur de l'entreprise. De plus, dans ce cas précis, ni le client ni le visiteur ne sont « occupés » par l'entreprise au sens de la loi : l'inspecteur n'est alors pas en droit de lui demander de justifier son identité. La note du 4 juillet 2004 estime que sont visées « d'une manière générale, toute personne se trouvant en situation d'activité au sens de l'article L231-1 du Code du travail ». La formulation de la loi nous semble confuse quant à la délimitation des personnes « occupées » dans l'entreprise. Nous aurions plutôt préféré « le droit de contrôler l'identité de toutes personnes présentes dans l'entreprise lors du contrôle effectué par les agents de contrôle de l'inspection du travail ». Ainsi, l'inspecteur aurait eu un texte clair quant à ses pouvoirs en la matière.

    Une autre faiblesse de la loi attire notre attention. En effet cette dernière ne précise pas les documents par lesquels les intéressés peuvent prouver leur identité. Paul Ramackers et Laurent Vilboeuf164(*) optent pour des documents officiels, tels que la carte nationale d'identité, passeport, permis de conduire, carte grise ou encore titre de séjour. Mais la note du 4 juillet 2004 précitée fait aussi mention de « toute autre pièce probante », voire même « le témoignage d'un tiers » qui ne vaut alors que commencement de preuve. Le recours au document officiel nous paraît plus souhaitable, parce que beaucoup plus sûr quant à sa véracité. Une intervention du législateur en la matière nous paraît opportune.

    Une autre limite est apportée à la vérification d'identité, puisque les inspecteurs ne sont pas dotés de moyens coercitifs. De fait, si la personne refuse de produire les documents en question, l'inspecteur ne pourra pas accomplir son rôle. De nouveau la loi connaît quelques lacunes. De fait, dans une telle hypothèse, l'inspecteur ne peut que dresser procès verbal de délit d'obstacle, laissant ainsi le temps à l'intéressé de disparaître, si nous sommes bien en présence de travail illégal. Sinon, il doit recourir à un officier de police judiciaire, et ceux s'il a demandé au préalable le concours des services de police ou de la gendarmerie165(*). Donc pour que l'inspecteur ne se retrouve pas pris au dépourvu, il lui faudrait demander le soutien systématique de la force publique, de sorte que celle-ci aurait un accès permanent aux entreprises, en compagnie de l'inspecteur.

    Il apparaît regrettable que le législateur n'ait pas donné tous les moyens de police judiciaire à l'inspecteur pour mener à bien le contrôle d'identité dans l'entreprise. Si nous admettons qu'une telle limitation puisse se justifier par la volonté de ne pas faire de l'inspecteur un véritable officier de police judiciaire, il faut malgré tout reconnaître que l'absence de moyens coercitifs ne sera pas sans impact sur cette nouvelle mission. D'autant que l'inspecteur ne dispose pas de moyens propres lui permettant d'obtenir communication desdits documents. Une nouvelle intervention du législateur précisant les modalités et les moyens de la vérification d'identité par les inspecteurs nous semble plus que souhaitable.

    Le législateur a manqué de précision dans l'élaboration de la loi de 2003. Précisions qui s'avèrent être utiles sur le fond au vue du nombre d'interrogations qu'elles soulèvent. Mais une autre ambiguïté résulte de cette loi en ce que la portée qui lui est donnée n'est pas selon que l'on se place du côté du droit du travail ou du coté de la doctrine pénaliste.

    § 2 : L'approche différente de la doctrine pénaliste

    La loi de 2003 parle de justification d'identité et non d'un contrôle d'identité. Or, en Droit pénal français constitue un contrôle d'identité166(*) celui effectué par la police judiciaire dans le cadre de recherches ou de poursuites d'infractions. Le contrôle d'identité est pratiqué sur instruction du Procureur de la République pour la recherche d'infractions précises, dans des lieux et pour une période déterminée.  La justification d'identité au sens du droit pénal s'effectue lors d'un contrôle, la personne a alors l'obligation de justifier de son identité. Si elle ne le peut pas ou que les pièces présentées ne sont pas suffisantes, il est alors procédé à une vérification d'identité167(*). La vérification d'identité est une recherche coercitive, effectuée par un officier de police judiciaire, de l'identité d'une personne qui ne peut ou ne veut en justifier. Elle implique la rétention de l'intéressé sur les lieux du contrôle ou dans les services de police. Il en résulte que pour la doctrine pénaliste, la justification de l'identité effectuée par l'inspecteur du travail est bien un contrôle d'identité.

    Mais le législateur n'a pas doté de prérogatives de police judiciaire l'inspecteur. En outre son contrôle n'intervient sur instruction de personne. De plus, il ne dispose d'aucun moyen coercitif pour l'effectuer et encore moins du droit de maintenir sur place la personne refusant de justifier de son identité, ni même de la possibilité de le maintenir dans la section d'inspection du travail. Du fait des différences de définition et de moyens, l'inspecteur du travail n'effectue pas un contrôle d'identité identique à celui d'un officier de police judiciaire. Ce qui semble marquer un peu plus la particularité de l'inspection du travail, le législateur refusant une fois encore d'assimiler l'inspecteur à un officier de police judiciaire.

    De plus, la note du 4 juillet 2004, précitée, précise que le contrôle des travailleurs étrangers constitue un contrôle de situation administrative et de titre de travail et non un une demande de justification de l'identité. Ainsi donc le ministère de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale met en garde contre toutes dérives : elle ne fera pas la traque des travailleurs clandestins dans les entreprises sous couverts d'obligation de demander aux personnes occupées dans l'entreprise de justifier de leur identité. Elle se bornera à continuer à contrôler que « l'obligation incombant à une personne, en raison de état ou de sa profession, de détenir un document valant titre d'exercice d'une liberté ou d'une activité168(*) » est satisfaite. La note va même plus loin en affirmant que « les opérations de vérification d'identité n'entrent pas dans les prérogatives des agents de contrôle de l'inspection du travail ». Le ministère du travail refuse donc de se voir confier des prérogatives de police judiciaire qui lui permettrait d'effectuer une vérification d'identité, au sens pénal du terme. Cette note met en exergue la volonté du ministère du travail de ne pas voir se faire un amalgame entre l'inspecteur du travail et l'officier judiciaire : à chacun son rôle, à chacun ses finalités. 35

    Il est à noter également que le texte de loi parle « d'habilitation » des inspecteurs à demander aux personnes de justifier de leur identité, elle ne lui impose pas un contrôle systématique. Elle l'autorise donc à le faire, mais cela reste une simple possibilité pour l'inspecteur, lequel n'est jamais tenu de procéder à une telle demande. Par la même, le législateur tend à rappeler que l'inspection du travail est un service autonome, particulier et indépendant de tous services de police. Ce qui explique en partie, selon nous, pourquoi l'inspecteur n'a pas reçu de moyens coercitifs pour procéder à la justification d'une identité.

    Si le travail illégal n'est pas en augmentation, il n'en demeure pas moins constant au regard des statistiques169(*). Compte tenu des enjeux économiques, sociaux et humains, le dispositif institutionnel et juridique de lutte contre les différentes formes de travail illégal a été renforcé en vue d'améliorer les moyens de contrôle et les pouvoirs des agents habilités, ce qui a conduit de fait à la modification des compétences de l'inspecteur du travail.

    Section 2 : La modification de ses compétences en matière de travail illégal :

    Le 26 mars 2008, les ministres de l'Intérieur, de l'Immigration, du Travail et de la Justice ont adressé une circulaire aux préfets et aux procureurs, traitant de la « Lutte contre le travail illégal intéressant des ressortissants étrangers » et de la « mise en oeuvre d'opérations conjointes en 2008 ». La circulaire se base sur des éléments chiffrés qui démontrent la croissante implication des services de l'Etat et de ses partenaires dans la « lutte contre le travail illégal intéressant des ressortissants étrangers ». Cette nouvelle tendance du gouvernement s'est accompagnée de mesures d'extension des missions de l'inspecteur du travail, notamment en matière de répression de l'aide à l'entrée et au séjour irrégulier (§1). Le nouveau plan national de lutte contre le travail et ces nouvelles dispositions rencontrent un accueil, ci ce n'est mitigé, plutôt froid de la part du corps de l'inspection du travail (§2).

    § 1 : Les nouvelles mesures de lutte contre le travail illégal :

    L'expression de « travail illégal » a été consacrée par la loi de 2005170(*) en faveur des petites et moyennes entreprises (PME). Cette loi a créé un chapitre V de l'ancien code du travail intitulé « Répression du travail illégal ». En vertu des dispositions de cette loi, les inspecteurs du travail sont au nombre des agents compétents pour en effectuer le contrôle. Ils sont donc compétents pour constater toutes les infractions relatives au travail illégal, sauf celle relative à la traite des humains, laissées exclusivement aux services de police. Dans le plan national de lutte contre le travail illégal pour 2008-2009, le Ministre du travail, Xavier Bertrand a annoncé qu'une partie des missions de la DILTI allait être transféré à la DGT. La lettre de mission adressée par le Président de la République au Ministre du budget précise qu'elles seront réparties entre la DGT, le ministère des comptes publics et potentiellement le ministère de l'immigration. Il est surprenant que la DILTI, en ce qu'elle mène une action contre le travail illégal, puisse revenir au ministre de l'immigration, à moins de sous-entendre que ce ministère se verra confié toute la partie sur le travail illégal de clandestins. Pourtant, le travail clandestin n'est pas l'immigration irrégulière. Un tel amalgame est d'autant plus inquiétant que « les politiques semblent ramener la pluralité des problèmes sociaux sur une seule obsession : les étrangers irrégulièrement installés en France 171(*)». Même si la pratique montre que le gouvernement tend à apprécier la régularisation de ses salariés bien particuliers au cas par cas172(*). Dés lors on peut se demander quelle est la justification du transfert d'une partie des missions de la DILTI au ministère de l'immigration.

    Le plan national de lutte contre le travail illégal pour 2008-2009 ne fait pas mention de la création d'un nouvel organisme : la Délégation Nationale de Lutte contre les Fraudes (DNLF)173(*). Elle a pour missions174(*), notamment, de contribuer à la mise en oeuvre d'une politique nationale de prévention et de communication, de piloter l'activité des COLTI. Elle reçoit également le concours, en particulier, de la DGT pour l'exercice de ses missions. Elle réalise également des actions en concertation avec l'Office central pour la répression de l'immigration irrégulière et de l'emploi d'étrangers sans titre (OCRIIEEST), ainsi qu'avec l'OCLTI, pour les questions relevant de leur compétence. La boucle est bouclée. L'inspecteur du travail ne restera donc plus libre de ne pas engager des poursuites en règle générale, et en particulier dans le domaine de travail illégal impliquant des sans-papiers. La crainte des syndicats des inspecteurs du travail était donc bien justifiée et le gouvernement a fait la sourde oreille à leur avis. Le décret va même plus loin, dans son article 5, puisque « Il est institué un Comité national de lutte contre la fraude chargé d'orienter la politique du Gouvernement en matière de lutte contre les fraudes portant atteinte aux finances publiques, qu'elles se rapportent aux prélèvements obligatoires et autres recettes des collectivités publiques ou aux prestations sociales ». Ainsi, l'on tend vers un système unique. L'inspecteur du travail sera de nouveau sous l'emprise d'un service qui n'est pas rattaché au ministère du travail175(*). Et du fait des conséquences économiques qu'entraine la non déclaration d'un salarié par l'employeur, celui-ci se verra contraint une nouvelle fois de céder ses prérogatives à un autre service, le tout en ayant des finalités différentes. Car sous couvert de procéder à la restitution des sommes dues par l'employeur au titre des charges salariales et patronales, la DLNF pourra informer l'OCRIIEEST. L'inspecteur du travail perd donc une partie de son pouvoir d'appréciation quant aux suites à donner aux constatations qu'il fait lors de ses visites.

    L'article 7 appelle aussi quelques réflexions. « Lorsqu'il se réunit pour examiner les questions relatives à la lutte contre le travail illégal, le CNLF est dénommé Commission nationale de lutte contre le travail illégal (CNLTI) et est chargée de : 1° Déterminer les orientations de contrôle et de prévention relatives à la lutte contre le travail illégal et s'assurer de leur mise en oeuvre coordonnée ; 2° Définir les actions incombant prioritairement aux comités opérationnels de lutte contre le travail illégal mentionnés à l'article 8 ainsi qu'aux services de contrôle ; 3° Veiller à la mobilisation des administrations et organismes chargés de la lutte contre le travail illégal et s'assurer de leur coordination ». La pratique de ce texte revêtira une grande importance sur la liberté des inspecteurs du travail. En effet, si elle détermine les orientations de contrôle et s'assure de leur mise en oeuvre coordonnée, cela signifiera-t-il que l'inspecteur du travail devra impérativement travailler avec d'autres services ou lui sera-t-il permis de décliner la coordination souhaitée ? Rien n'est moins sur. Tant qu'il reste libre de la refuser, le principe d'indépendance de l'inspecteur du travail est maintenu, mais dans le cas contraire, il sera relégué au rang de reliquat, alors qu'il constitue tout de même un principe général du droit.

    En s'appuyant sur de nouveaux fondements juridiques, tels que l'existence d'un délit « de travail dissimulé des étrangers » qui n'existe pourtant pas dans le code du travail, le gouvernement oriente sa politique de lutte contre le travail illégal vers une « chasse aux clandestins ». Comme nous l'avons déjà vu, les syndicats d'inspecteurs sont assez prompts à répondre aux assauts gouvernementaux touchant à leurs pouvoirs ou indépendance. Le même accueil fut réservé à cette nouvelle mesure.

    § 2 : Une approche contestée par les inspecteurs du travail :

    A Lyon c'est formé un réseau, le Réseau des Services de l'Emploi, de la Formation et de l'Insertion (Refi), fonctionnant selon un système d'alarme depuis octobre 2007. Il s'agit selon leur propre terme d'un « outil de communication destiné à résister collectivement contre toutes tentatives de pression visant à nous détourner de nos missions de service public au profit du contrôle des étrangers considérés, à priori, comme suspects176(*) ». Le Refi est constitué d'agents du service public, notamment des inspecteurs du travail, et regroupe différents syndicats, dont le SNU-Travail et SUD-Travail. Et comme le signale le Refi, dans des propos que nous approuvons, « même sans papiers, un travailleur reste un travailleur ».

    Si l'organisation de ce mouvement peut surprendre, il est en parfaite harmonie avec la pensée des inspecteurs du travail dans leur ensemble. En effet, en mars 2006, lors de la réunion des premiers états généraux de l'inspection du travail, une résolution177(*) a été adoptée dans les termes suivants : « Rien dans les missions de l'inspection du travail ne nous oblige à participer à l'éloignement des étrangers en situation irrégulière. L'inspection du travail a un rôle dans la régularisation de la situation des travailleurs en situation irrégulière au regard du droit du travail, et non, à ce jour, par rapport au droit au séjour. Le code du travail a été historiquement construit pour protéger le salarié en situation de subordination. L'inspection du travail ne participera pas à une remise en cause de ce principe de protection. » Les termes sont sans équivoques, il n'est pas question d'accepter de devenir une police du travail à la recherche de salarié sans papiers. Une autre motion adoptée laisse peu de doutes quant à la pensée profonde de la profession face à la circulaire délivrée aux préfets : « La circulaire interministérielle datée du 27 Février 2006, adressée aux préfets de région sur des opérations conjointes visant à lutter contre l'emploi d'étrangers sans titres et le travail illégal s'inscrit dans une politique de répression des immigrés ». Une autre motion quant à elle affirme que « L 'Inspection du travail ne peut partager ces objectifs aux relents discriminatoires et nationalistes ».

    De plus pour les inspecteurs du travail, le travailleur illégalement employé (serait-il étranger et/ou illégalement présent sur le territoire français) doit rester bel et bien une victime d'infraction. Le code du travail ne prévoit aucunement l'incrimination pénale du travailleur étranger sans titre. Il précise par contre que « le salarié étranger employé en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 est assimilé, à compter de la date de son embauche, à un salarié régulièrement engagé au regard des obligations de l'employeur définies par le présent code178(*) ». Le code du travail reconnaît donc lui aussi un statut différent que le simple salarié clandestin : dès lors qu'il est embauché, mais qu'il ne connaît pas les procédures à suivre pour son embauche, il doit être considéré comme embauché régulièrement. Voila qui devrait apaiser les syndicats d'inspecteurs.

    En 2006 également, les rapporteurs de la commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations de la Conférence internationale du travail de l'OIT avertissent : «  dans certains pays, le gouvernement donne la priorité à la lutte contre le travail clandestin ou l'emploi illégal qui est fréquemment liée à l'application du droit de l'immigration. Toutefois, cette tâche ne devrait pas prendre une importance telle qu'elle détourne l'inspection du travail de sa mission essentielle de protection de l'ensemble des travailleurs179(*) ». Ils vont même plus en loin, en affirmant que : «  les inspecteurs du travail continuent encore trop souvent de se voir confier des tâches supplémentaires étrangères à leurs missions principales de contrôle, d'.information et de conseil prévues par les instruments, et ces tâches nuisent au plein accomplissement de leurs fonctions principales ».

    Si les réformes engagées par l'Etat français avaient déjà provoqué une levée de bouclier de la part des inspecteurs du travail, il lui faudra dorénavant compter l'OIT au nombre des mécontents. Selon le rapport de l'OIT, précité, les inspecteurs du travail peuvent encore jouer un plus grand rôle, que par le passé, s'ils assurent la protection des travailleurs dans tous les secteurs et à tous les niveaux. Il met ainsi en exergue que le rôle premier de l'inspecteur du travail doit demeurer la protection des salariés, et aujourd'hui cette protection doit passer par le refus de voir leur fonction ou leur mission être dénaturée par des finalités qui leurs sont étrangères. De surcroît lorsqu'il s'agit de vouloir les transformer un inspecteur de police spécialisé dans la recherche des salariés clandestins.

    Conclusion:

    Les services de l'inspection du travail sont au coeur de la législation du travail, par l'apport sur le terrain des normes. S'il lui a fallu du temps pour trouver ses repères au fil des années, elle aujourd'hui profondément ancrée dans ses principes et conviction. Forte de son indépendance et de son autonomie, elle n'entend pas se laisser démanteler au profit d'autres ministères. Le problème majeur des réformes que nous avons évoqué est qu'elle touche majoritairement ces deux points sensibles. L'inspecteur du travail, en étant l'interlocuteur privilégié des employeurs et des salariés, craint de se trouver relégué au rang de simple informateur pour les services de police ou de perdre sa liberté d'appréciation des situations qu'ils rencontrent. Si tout tourne autour de ces deux aspects, il ne faut pas pour autant oublier le rôle essentiel que joue l'inspecteur. Tantôt « vulgarisateur » de la norme quand celle-ci est trop complexe, tantôt conseiller sur la bonne marche à suivre dans les méandres que peuvent présenter les législations sociales successives pour les profanes, il n'en reste pas moins un agent attaché à des valeurs humaines.

    Le refus de se voir confier de nouvelles missions ou le fait de les contester ne doit pas être regardé comme une remise en cause profonde des réformes successives, certaines étant pourvues de très bonnes intentions. Cependant, il est regrettable de voir les missions de l'inspecteur du travail fondre comme neige au soleil en matière de travail illégal, au profit d'une meilleure répression de celui-ci. C'est la toute la particularité de l'inspection française du travail : savoir appliquer le droit tout en tenant compte de facteurs humains et sociaux, dont la prise en compte fait parfois défaut à d'autres services. N'oublions pas non plus que la tryptique première de l'inspecteur du travail est « contrôle, conseil, conciliation ». Elle fonde sa compétence. Au-delà, s'ajoute aujourd'hui des missions dont il fut doté tout au long des différentes conjonctures sociales et économiques. Le fort taux de chômage actuel lui permet ainsi de refuser de déroger à l'organisation du travail pour pouvoir créer des emplois. A ce titre, il intervient donc contre la lutte du chômage. L'inspecteur tient également beaucoup à ses prérogatives qu'il tient de la Convention OIT n°81. Notamment en matière de dérogation, mais aussi en matière d'indépendance des suites données à son contrôle. Si ces procès verbaux ne donnent lieu que rarement à des suites, et à des condamnations, il n'en reste pas moins investi de pouvoirs de police judiciaire qui déroge à ceux dont sont investis les officiers de police judiciaire. Et le doute est sérieux de voir détourner ses missions au profit d'autres qui ne recueillent pas l'unanimité du corps de l'inspection. Tout au long de notre étude, nous avons vu que l'inspecteur du travail n'hésite pas à monter au créneau lorsqu'il est en désaccord avec les réformes qui le concernent. Fort de leur indépendance, les inspecteurs peuvent se permettre de donner leur sentiment, ce qui n'est pas sans leur faire d'ennemi, quand nous savons que dans la fonction publique, les agents sont souvent soumis à un devoir de réserve vis-à-vis des mesures gouvernementales. Malheureusement, les répétitions de ses accrocs avec le gouvernement sont surtout le résultat du constat que les modifications apportées à leur mission se font sans leur accord ou au moins sans écouter leur crainte et préoccupations. Il serait donc louable que le gouvernement, dans la mesure du possible, intègre les inspecteurs du travail dans les réformes les concernant, par exemple par le biais de comités auxquels seraient soumises les réformes. Il demeure incontestable que l'avenir de l'inspection du travail ne peut pas se faire sans les inspecteurs.

    Table des matières :

    Introduction

    Première partie : L'inspecteur du travail : un homme « indépendant » ?

    Chapitre 1 : Les missions traditionnelles revisitées

    Section 1 : L'indépendance relative de l'inspecteur du travail quant aux décisions administratives 

    § 1 : Le choix des décisions administratives : une question d'opportunité ?

    A : Le licenciement d'un salarié protégé : la nécessité de l'autorisation de l'inspecteur

    1 : L'autorisation de licenciement : une jurisprudence constante parfois critiquable

    2 : Le formalisme de l'autorisation : l'enquête contradictoire

    B : Les dérogations accordées par l'inspecteur

    1 : Les dérogations dans les relations individuelles du travail

    2 : Les dérogations dans les relations collectives de travail

    a : La mise en place des institutions

    b : La mise en place du Comité d'Hygiène et de Sécurité des Conditions de Travail

    § 2 : Le rôle du DDTEFP et du DRTEFP

    A : Le contrôle du DDTEFP : un contrôle hiérarchique ou d'opportunité ?

    B : L'orientation par le directeur départemental de l'inspecteur du travail

    1 : L'influence en amont du DDTEFP

    2 : L'influence postérieure : le recours hiérarchique devant le DRTEFP

    Section 2 : Vers l'effacement du rôle de l'inspecteur du travail dans les réformes récentes

    § 1 : L'ANI : le nouveau rôle de l'inspecteur

    §2 : L'inspecteur sous la tutelle d'un autre ministère

    Chapitre 2 : Des missions en concertation avec d'autres organismes : un homme entouré dans son action 

    Section 1 : La mise en place de services tendant à compléter son action 

    § 1 : La mise en place d'un CNIT : service appuyant la mission de l'inspecteur

    § 2 : La mise en place de la DILTI : quel impact sur les pouvoirs de l'inspecteur dans sa mission traditionnelle ?

    Section 2 : La « pluridisciplinarité » : une complémentarité utile ?

    § 1 : Présentation de la « pluridisciplinarité »

    § 2 : Son impact sur la mission de l'inspecteur du travail en matière de santé et de préventions des risques professionnels

    Deuxième partie : L'inspecteur du travail : un officier de police judiciaire ?

    Chapitre 1 : Des missions traditionnelles de l'inspecteur en matière pénale 

    Section 1 : Les compétences de l'inspecteur en matière pénale 

    § 1 : Les droits de police judiciaire

    A : Le droit d'enquêter et d'auditionner

    B : Le droit de prélèvement aux fins d'analyse

    § 2 : Le régime dérogatoire de l'inspecteur du travail quant aux missions classiques de police judiciaire

    Section 2 : La répression de l'inspecteur : un rôle en marge de sa mission 

    § 1 : Le choix entre conseil et poursuite : une liberté d'appréciation

    § 2 : L'inspecteur : acteur de la mise en mouvement de l'action pénale parfois dérogatoire

    Chapitre 2 : Vers l'extension de nouveau pouvoir de police de l'inspecteur

    Section 1 : Le contrôle d'identité des personnes présentes dans l'entreprise : une innovation récente 

    § 1 : Le dispositif législatif mis en place par le législateur pour lutter contre le travail illégal

    § 2 : L'approche différente de la doctrine pénaliste

    Section 2 : La modification de ses compétences en matière de travail illégal 

    § 1 : Les nouvelles mesures de lutte contre le travail illégal

    § 2 : Une approche contestée par les inspecteurs du travail

    Conclusion

    Annexes

    Bibliographie

    ANNEXES :

    I - Annexe 1 :

    Exemples de décisions susceptibles d'être prises par les membres du corps de l'inspection du travail

     

    Emploi

    Organisation du travail

    Relations professionnelles autres

    IT

    Ø Interventions dans le cadre de licenciement collectif pour motif économique

    Ø Autorisations d'effectuer des heures supplémentaires au-delà du contingent annuel.

    Ø Autorisation de pratiquer les horaires individualisés, en l'absence de représentant du personnel

    Ø Contrôle du règlement intérieur.

    Ø Licenciement de salarié protégé.

    Ø Mise en place des institutions représentatives.

    DDTEFP

    Ø Contrôle préalable en cas d'embauche suite à certains licenciements.

    Ø Retrait d'agrément pour l'accueil d'apprentis.

    Ø Dérogations aux durées maximales du travail hebdomadaire.

    Ø Suppression du Comité d'entreprise ou du délégué syndical.

    DRTEFP

     

    Ø Décisions sur les recours en matière de durée du travail.

    Ø Recours sur les décisions concernant le règlement intérieur.

    Source : « L'inspection du travail », P. Ramackers et L. Vilboeuf, éd. PUF, p.98.

    II - Annexe 2 :

    Question de Monsieur le Député Deprez au Ministre du Travail et des affaires sociales, concernant le Conseil National de l'Inspection du Travail :

    Question N° : 35297

     de M. Deprez Léonce (UDF)

     

    Ministère interrogé : 

    travail et affaires sociales

    Tête d'analyse : 

    Inspection du travail

    Analyse : 

    Conseil national de l'inspection du travail. fonctionnement. perspectives

    Texte de la QUESTION :

    M. Léonce Deprez appelle l'attention de M. le ministre du travail et des affaires sociales sur la situation du Conseil national de l'inspection du travail. Cree par décret en 1983, charge de donner son avis sur l'état d'application du droit du travail, il n'a jamais fonctionne puisque ses membres n'ont jamais été nommés. Il lui demande la suite qu'il envisage de réserver à l'examen de cette situation afin de mettre fin à un tel dysfonctionnement.

    Texte de la REPONSE :

    Ainsi que le remarque l'honorable parlementaire, le Conseil national de l'inspection du travail, créé par le décret du 24 février 1983, n'a pas été mis en place. En effet depuis cette date il n'a pas paru opportun de constituer cet organisme consultatif dont les attributions ne sont pas très claires et font, pour partie, double emploi avec celles du Conseil supérieur des risques professionnels et de la Commission nationale de la négociation collective, notamment en ce qui concerne les avis sur l'état d'application du droit du travail et l'examen des rapports présentés par les ministres compétents. Par ailleurs, il serait prématuré de mettre en place ce conseil tant que le processus envisage de réorganisation des services de l'inspection du travail n'est pas engage, dans la mesure où cette instance, ainsi que le précise le décret de 1983, doit assister l'autorité centrale de l'inspection du travail, en application de la convention no 81 de l'Organisation internationale du travail. La création d'un Conseil national de l'inspection du travail pourrait à nouveau être mise à l'étude, lorsque ce processus sera entrepris, avec de sensibles modifications de ses attributions par rapport au texte actuel ; celles-ci pourraient fort utilement s'inspirer des recommandations formulées par le Conseil économique et social, dans son rapport sur l'inspection du travail, présenté le 23 janvier 1996

    Source : www.questions.asemblee-nationale.fr

    III - Annexe 3 :

    Organigramme des missions de la DILTI :

    Source : Plaquette de présentation de la DILTI, janvier 2006.

    IV - Annexe 4 :

    Quelles structures emploient les IPRP, personnes physiques ?

    Etude réalisée sur 631 personnes, dont 64% d'hommes et 36% de femmes, et de 83% de salariés au total.

    Les principaux profils de ces IPRP personnes physiques :

    Source : « Bilan de la mise en oeuvre de la pluridisciplinarité en matière de santé et de prévention des risques professionnels », pour la DGT, décembre 2007.

    V - Annexe 5 :

    Le domaine d'habilitation des IPRP :

    Source : « Bilan de la mise en oeuvre de la pluridisciplinarité en matière de santé et de prévention des risques professionnels », pour la DGT, décembre 2007.

    VI - Annexe 6 :

    L'intervention des IPRP personnes physiques :

    L'intervention des IPRP personnes morales :

    Source : « Bilan de la mise en oeuvre de la pluridisciplinarité en matière de santé et de prévention des risques professionnels », pour la DGT, décembre 2007.

    VII - Annexe 7 :

    Sur les modalités d'intervention de l'inspecteur du travail :

     

    Observations

    PV

    1990

    1038151

    34694

    1991

    947399

    32827

    1992

    921891

    23315

    1993

    763580

    27693

    1998

    744243

    30316

    2004

    613748

    4809

    2005

    736203

    7409

    Source : élaboration personnelle.

    VIII - Annexe 8 :

    Sur l'évolution des infractions relevées par secteurs d'activité depuis 1992 :

    Source : Rapport DILTI, Analyse de la verbalisation du travail illégal en 2006, août 2007.

    Bibliographie :

    I - Traités, manuels, dictionnaires et ouvrages généraux :

    LARDY-PELISSIER, B.

    - Le code du travail annoté, Groupe revue fiduciaire, 2005.

    LINGREY, P.

    - La règlementation de travail, éd. Ellipses, 2005.

    RAMACKERS, P. - VILBOEUF, L.

    - L'inspection du travail, Jurisclasseur Travail, Traité, Fasc. 10-20 et 10-22, juillet 2005.

    II - Ouvrages spéciaux :

    DANZER-KANTOF, B. - LEFEBVRE, V. - TORRES, F.

    - Un siècle de réformes sociales : une histoire du ministère du travail : 1906 - 2006, La documentation française, 2006.

    RAMACKERS, P. - VILBOEUF, L.

    - L'inspection du travail, PUF, 1997.

    REVOSTEAU, P.

    - Conceptions et mutations de l'inspection du travail, Ministère de l'emploi et de la solidarité, DAGEMO-BECI, 1997.

    III - Articles et rapports :

    BESSIERE, J.

    - L'inspection du travail, DAGEMO, janvier 2005.

    BERTRAND, X.

    - Plan santé au travail, Liaisons soc. N°15/2005, 4 mars 2005.

    BUTAUD, G. - PERIN, F. - THERY, M.

    - Les funambules du travail: pratiques de l'inspection du travail, Dr Soc, 1985, p.274.

    COHEN,

    - Les effets du procès verbal de l'inspecteur du travail, Dr Soc, 1997, p.457.

    COURREGES, A.

    - Inspection du travail et attributions ministérielles, Dr Soc, n°1, janvier 2008, p.117.

    DILTI

    - Plaquettes de présentation de la DILTI, janvier 2006.

    - Le travail illégal : lutte et prévention, janvier 2008.

    FAVENNEC-HERY, F.

    - Le nouveau régime de la rupture conventionnelle du contrat de travail, SSL, 21 janvier 2008, n°1337.

    HUSSON, R.

    - Les poursuites pour infractions à la législation du travail, RPDS, avril 2002, p.122.

    LAZERGES, C.

    - La constatation de l'infraction et les poursuites pénales, Dr Soc, 1984, p.482.

    MERIAUX, P.

    - Réforme ou contre-réforme ?, RDT, 2006, n°359.

    SILHOL, B.

    - L'inspecteur du travail et le choix de l'action pénale, Dr Soc, n°11, novembre 2000, p.959.

    STRUILLOU, Y.

    - Licenciement d'un salarié protégé : les exigences de l'enquête de l'inspecteur du travail, Dr Soc, n°1, janvier 2007, p.25.

    TIANO, V.

    - Quel avenir pour l'inspection du travail ?, Liaisons soc. Magazine, février 2005, p.8.

    TRIOMPHE , C-E.

    - Sur la réforme de l'inspection du travail, RDT, 2006, n°356.

    IV - Notes, conclusions, commentaires de jurisprudence :

    BOUCHARD, V.

    - Des pouvoirs de police judiciaire de l'inspecteur du travail, RSC, 2005, p.273.

    CESARO, J-F.

    - Note sous Cass. Crim. 28 novembre 2006 : JCP S, 2007, n°25, 1471.

    MILLET, L.

    - Note sous Cass. Crim. 27 mars 2007, Crédit foncier de France : Dr Ouv, 2007, p.436.

    V - Sites internet :

    - Site de la Cour de cassation : www.courdecassation.fr

    - Base des données règlementaires : www.cnpp.ysance.com

    - Site de la législation française : www.legifrance.gouv.fr

    - Site du journal l'Express : www.lexpress.fr

    - Site d'informations libres : www.legrandsoir.info

    - Sites d'informations libres : www.mediapart.fr

    - Site d'informations libres : www.monde-solidaire.org

    - Site des questions de l'Assemblée Nationale : www.questions.assemblee-nationale.fr

    - Site du service public : www.service-public.fr

    - Site d'un syndicat d'inspecteur du travail : www.sudtravail.joueb.com

    - Site du ministère du travail : www.travail.gouv.fr

    * 1 L. 22 mars 1841 sur la protection des enfants au travail dans les manufactures, usines et ateliers employant plus de vingt salariés.

    * 2 L. 2 novembre 1892.

    * 3DANZER-KANTOF B., LEFEBVRE V., TORRES F : « Un siècle de réformes sociales : une histoire du Ministère du travail 1906-2006 », La Documentation française, 2006, p26.

    * 4 L. n°50-927, 10 août 1950 autorisant la ratification de la Convention n°81 de Genève du 11 juillet 1947 : inspection du travail dans l'industrie et le commerce.

    * 5 Art L611-1 al 1 Code du travail : « Les inspecteurs du travail sont chargés de veiller à l'application des dispositions du code du travail et des lois et règlements non codifiés relatifs au régime du travail, ainsi qu'à celles des conventions et accords collectifs de travail répondant aux conditions fixées au titre III du livre 1er dudit code. Ils sont également chargés, concurremment avec les agents et officiers de police judiciaire, de constater, s'il y échet, les infractions à ces dispositions. »

    * 6 Art 6 Conv. OIT 81 : « Le personnel de l'inspection sera composé de fonctionnaires publics dont le statut et les conditions de service leur assurent la stabilité dans leur emploi et les rendent indépendants de tout changement de gouvernement et de toute influence extérieure indue. »

    * 7 Art 15 a) Conv. OIT 81: « Sous réserve des exceptions que la législation nationale pourrait prévoir, les inspecteurs du travail n'auront pas le droit d'avoir un intérêt quelconque direct ou indirect dans les entreprises placées sous leur contrôle. »

    * 8 Art 17 §2 Conv. OIT 81 : « Il est laissé à la libre décision des inspecteurs du travail de donner des avertissements ou des conseils au lieu d'intenter ou de recommander des poursuites. »

    * 9 Article du 22 juillet 2003, « mort programmée de l'inspection du travail » : www.monde-solidaire.org.

    * 10 Liaisons Soc. n°22/2008, conventions et accords, p1

    * 11 Note « Réforme ou contre réforme ? », P. Mériaux : RDT, 2006, n°359.

    * 12 Note « Sur la réforme de l'inspection du travail », C-E. Triomphe : RDT, 2006, n°356.

    * 13 Propos de V. Tiano : Liaisons soc., magazine, fév. 2005, p.9 : « Quel avenir pour l'inspection du travail ? ».

    * 14 Cass. Soc. 21 février 2006, n°03-40293 : la Cour de cassation estime que les vols imputés à un salarié qui justifiaient d'une grande ancienneté étaient de faible importance; de sorte que la Cour d'appel a pu en déduire qu'ils ne constituaient pas une faute grave et estimer qu'ils ne caractérisaient pas une cause réelle et sérieuse de licenciement.

    * 15 Cass. Soc. 27 mars 2007, Crédit Foncier de France, Dr. Ouv. 2007 p.436 n. L. Milet.

    * 16 Cass. Soc. 22 févr. 2006, n° 04-42464 Crédit Lyonnais ; Cass. Soc. 13 sept. 2005, Dr. Ouv. 2006 p.360.

    * 17 Art R436-4 code du travail : « L'inspecteur du travail procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat. »

    * 18 CE 29 déc. 1997 : RJS 3/98 n°329.

    * 19 CE 22 févr. 1983 : Jurisp. Soc. UIMM 84-448.

    * 20 CE 20 avr. 2005 : RJS 8-9/2005 n°869.

    * 21 CE 2 nov. 1992 Abert : RJS 1/93 n°56 : l'inspecteur n'est pas tenu de confronter le salarié avec son employeur.

    * 22 CE 24 nov. 2006, Rodriguez n°284208 : Dr. Soc. 2007 p25 ; JCP S 2007, 1188.

    * 23 Circ. DGT n°2007-03, 27 janv. 2007 relative au déroulement de l'enquête contradictoire conduite par l'inspecteur du travail suite à l'arrêt Rodriguez du 24 novembre 2006.

    * 24 Art L212-1 du code du travail.

    * 25 Art R212-6 et Art R212-7 du code du travail

    * 26 Art L212-4-1 du code du travail.

    * 27 Art R212-11-1 et R212-11-2 du code du travail.

    * 28 Art 336 de la loi 92-1336 du 16 décembre 1992 et Art L6 du Code électoral.

    * 29 Art L426-1 al 1 du Code du travail : « Les dispositions du présent titre ne font pas obstacle aux clauses plus favorables résultants de conventions ou d'accords collectifs et relatives à la désignation et aux attributions des délégués du personnel ».

    * 30 CE, avis, 22 mars 1973, n°310-108.

    * 31 Circ. DRT n°93/12 du 17 mars 1993 relative aux élections professionnelles précise dans chacun des domaines de compétence le rôle et les pouvoirs de l'autorité administrative et de l'inspecteur du travail lorsqu'il s'agit de pouvoirs propres qu'il tient de la loi.

    * 32 Art L2314-20 code du travail.

    * 33 Art L4611-1 du nouveau code du travail.

    * 34 Art L4611-2 du nouveau code du travail.

    * 35 Art L4611-4 du nouveau code du travail.

    * 36 Pour mieux comprendre les décisions susceptibles d'être prises par les membres du corps de l'inspection du travail, V. annexe 1.

    * 37 D. n°1166 du 28 décembre 1994, JO 30 décembre 1994.

    * 38 Circ. IGT du 23 juillet 1971.

    * 39 Instr. conjointe des ministères de la Justice et du Travail du 14 mars 1986 sur l'élaboration et le suivi des procès verbaux.

    * 40 RAMACKERS P. et VILBOEUF L., « L'inspection du travail », éd. PUF, 1997, p 92.

    * 41 D. n°94-1166, 28 décembre 1994 relatif à l'organisation des services déconcentrés du ministère du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle.

    * 42 Art 9 du décret n°94-1166 précité.

    * 43 Circ. 19 décembre 1892, cité par Pierre PREVOSTEAU in « Conception et mutation de l'inspection du travail », p149.

    * 44 Rapport du BIT 2005.

    * 45 Circ. DRT du 3 octobre 2003.

    * 46 CE 22 février 1989, Rec. CE 1989, p61 ; TA Clermont Ferrand 8 février 1996 Fondation Alice Tessier.

    * 47 TA Nantes, 24 octobre 2000, req. n°95.3212, à propos d'une lettre d'observation d'un contrôleur du travail, suivie d'un procès verbal.

    * 48 Art L122-3-8 du code du travail.

    * 49 TA Paris 6 octobre 1987 Crédit Lyonnais.

    * 50 Liaisons Soc., magazine, fév. 2005, p8.

    * 51 Proposition de loi n°914 visant à réformer le statut d'inspection du travail et à en changer la dénomination, déposée le 13 juin 2002 et proposée par le député M. Richard MAILLIE.

    * 52 Propos de Gérard FILOCHE, inspecteur du travail, auteur de « Carnets d'un inspecteur du travail », éd. Ramsay, 2004 ; « On achève bien les inspecteurs du travail... », Éd. Gawsevitch, 2004 

    * 53 Liaisons Soc. n°22/2008, conventions et accords, p1

    * 54 Art. 12 a) de l'ANI : « ... il convient, par la mise en place d'un cadre collectif, de sécuriser les conditions dans lesquelles l'employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie. »

    * 55 Il est prévu la convocation d'une commission mixte paritaire qui sera chargée de proposer un texte sur les dispositions restant encore en discussion du projet de loi portant modernisation du marché du travail. Projet de loi n°743, déposé à l'Assemblée Nationale le 26 mars 2008.

    * 56 V. p6.

    * 57 Cass. Soc. 27 mars 2007, Crédit Foncier de France, Dr. Ouv. 2007 p.436 n. L. Milet.

    * 58 JCP E n°4, 24 janvier 2008, act. 41, « L'accord du 11 janvier 2008 sur la modernisation du marché du travail : évolution ou révolution dans le droit du travail ? ».

    * 59 J.-Cl. Dépêches, 24 janvier 2008, n°119, « Rapport Attali : principales préconisations ».

    * 60 D. n°2007-999 du 31 mai 2007, relatif aux attributions du ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement, art 4.

    * 61 CE, 14 novembre 2007, « Union Nationale des Affaires Sociales CGT et autres » : Dr. Soc., 2008, p117.

    * 62 Cass. crim. 28 novembre 2006 : JCP S, 2007, n°25, 1471, note de Jean-François CESARO.

    * 63 L. 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale.

    * 64 Créée par le décret n°97-213 du 11 mars 1997, elle est présidée par le Ministre du travail et de l'emploi.

    * 65 Créée par le décret n°97-213 du 11 mars 1997, elle est placée sous l'autorité du Ministre l'emploi et de la cohésion sociale.

    * 66 D. n°83-135 du 24 février 1983 portant création d'un Conseil National de l'Inspection du Travail.

    * 67 D. n°83-135 précité, art. 1er : « Il est institué auprès du ministre chargé du travail un Conseil national de l'inspection du travail ».

    * 68 D. n°83-135 précité, art. 2.

    * 69 D. n°2007-279 du 2 mars 2007 instituant le Conseil National de l'Inspection du Travail.

    * 70 Question n°35297 du 19 février 1996, JO AN Q, 19 février 1996, p.875. V. annexe 2.

    * 71 Rép. min. n° 35297, JO AN Q 13 mai 1996, p.2636.

    * 72 Rép. min. n°35297 précitée.

    * 73 Ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité.

    * 74 Notamment UNAS-CGT-inspecteurs du travail, dans un article du 2 janvier 2006, « Code du travail, Inspection du travail : la vérité sur les « réformes » du gouvernement », www.legrandsoir.info.

    * 75 Plaquette de présentation de la DILTI, janvier 2006.

    * 76 V. Annexe 3.

    * 77 Rapport « L'inspection du travail », à l'attention du Ministre du travail, janvier 2005.

    * 78 Rapport DILTI, « Le travail illégal : lutte et prévention », 3 janvier 2008.

    * 79 D. n°2005-455 du 12 mai 2005.

    * 80 Arr. 24 décembre 2003 relatif à la mise en oeuvre de l'obligation de pluridisciplinarité dans les services de santé au travail.

    * 81 D. n°2003-546 du 24 juin 200, pris pour l'application de l'article L241-2 du code du travail : création des articles R241-1-1 à R241-1-7 du code du travail, relatifs aux dispositions de droit commun des services de santé au travail.

    * 82 Dir. 89/391/CEE du Conseil, du 12 juin 1989, concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail ; JOCE n° L 183 du 29/06/1989 p. 0001 - 0008

    * 83 « Inter, multi, pluridisciplinarité au service du bien être au travail », Professeur J. Malchaire, Université catholique de Louvain, Journées interdisciplinaires de Lorient, 13 mai 2003.

    * 84 Pour la répartition des structures employant les IPRP personnes physiques, V. annexe 4.

    * 85 V. annexe 5.

    * 86 Circ. DRT, n°2006/10 du 14 avril 2006 relative à la sécurité des travailleurs sur les sites à risques industriels majeurs ; Circulaire DRT n°2001/5 du 15 novembre 2001 relative au contrôle des entreprises à risques ; Note DRT du 14 décembre 2001 relative au contrôle des entreprises à risques.

    * 87 L. n°2003-699, du 21 juillet 2003, promulguée le 30 juillet 2003.

    * 88 « Bilan de la mise en oeuvre de la pluridisciplinarité en matière de santé et de préventions des risques professionnels », décembre 2007, pour la DGT.

    * 89 Art 2 et 3, Conv. OIT n°81.

    * 90 Art 9, Conv. OIT n°81.

    * 91 Art 13, Conv. OIT n°81.

    * 92 Art 14, Conv. OIT n°81.

    * 93 V. Plan Santé au travail, présenté le 17 février 2005 par le Ministre du travail au Conseil Supérieur de la Prévention des Risques Professionnels : Liaisons soc. n°15/2005, 4 mars 2005.

    * 94 Art L231-12 du code du travail.

    * 95 Circ., 6 mai 1965, relative à la politique de prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles.

    * 96 Circ. DRT 2004/01 du 13 janvier 2004 relative à la mise en oeuvre de la pluridisciplinarité dans les services de santé au travail : Liaisons soc., 13 février 2004 n°8458.

    * 97 Circ. DRT 2004/01 précitée, §2.2.2.

    * 98 Sur l'accompagnement en intervention, V. annexe 6.

    * 99 Art L230-2 III du code du travail.

    * 100 Bilan sur la pluridisciplinarité, précité, p.101.

    * 101 Le 2 juin 2004, en Dordogne.

    * 102 Art 12, Conv. OIT n°81, Art L611-8 et L611-12 du code du travail.

    * 103 Ministre délégué aux relations de travail du 31 mars 2004 au 31 mai 2005, puis ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes du 2 juin 2005 au 15 mai 2007.

    * 104 Art 12, Conv. OIT n°81.

    * 105 Art L611-8 du code du travail.

    * 106 Art 12-1, Conv. OIT n°81.

    * 107 Cass. crim., 22 juillet 1981: Bull. crim. 1981, n°237.

    * 108 Instr. technique DAGEMO/MICAPCOR n°2002-3 du 28 mars 2002 concernant les procès verbaux de l'inspection du travail.

    * 109 Art 12 iv), Conv. OIT n°81.

    * 110 Art L611-8 du code du travail, et ArtL213-1 et s. du Code de la consommation.

    * 111 Art L231-7 du code du travail.

    * 112 Pour le benzène et substances cancérigènes ou présentant un risque mutagène, ou toxique pour la reproduction : art R231-56 et s. du code du travail ; pour le plomb : D. n°88-120, 1er février 1988 : JO 5 février 1988 ; amiante : D. n°96-98, 7 février 1996 : JO 8 février 1996.

    * 113 Art R231-56 al 1 du code du travail.

    * 114 Art 611-8 al 3 code du travail : « ... ils ont qualité pour procéder, aux fins d'analyse, à tous prélèvements portant sur les matières mises en oeuvre et les produits distribués ou utilisés. »

    * 115 L. n°2002-73, 17 janvier 2002, de modernisation sociale.

    * 116 Art R231-58 du code du travail.

    * 117 Circ. DGT n°2007/15, 6 décembre 2007 relatif à l'arrêt temporaire d'activité mentionné au II de l'article L.231-12 du code du travail.

    * 118 Art 76 CPP.

    * 119 Art L722-1 et s. du Code rural.

    * 120 Cass. crim. 14 décembre 1912.

    * 121 Cass. crim, 12 juillet 1912.

    * 122 Cass. Ch. Réunies, 29 juin 1911, « Des pouvoirs de police judiciaire de l'inspecteur du travail », V. BOUCHARD, RSC, 2005, p.273.

    * 123 Art L611-8 al 3 code du travail.

    * 124 Cass. crim. 19 mars 1985 : Bull. crim. 1985, n°113.

    * 125 Art 226-4 CP.

    * 126 Cass. crim. 4 janvier 1994, pourvoi n°92-86290.

    * 127 Cass. crim. 17 octobre 1995 : Bull. crim. 1995, n°310. « Un atelier de ciselure et une fonderie, dépourvus des équipements nécessaires à une habitation effective et dans lesquels les personnes mises en examen n'exercent aucune activité permanente, ne sauraient constituer un domicile. »

    * 128 Cass. crim. 4 janvier 1994 : Jurisp. soc. UIMM, n°94-572.

    * 129 Cass. crim. 28 novembre 2006 : JCP S, 2007, n°25, 1471, note de J.-F. CESARO.

    * 130 Note sous Cass. crim. 28 novembre 2006 : JCP S, 2007, n°25, 1471.

    * 131 Note « Des pouvoirs de police judiciaire de l'inspecteur du travail » : RSC, 2005, p.273RSC, 2005, p.273.

    * 132 Conv. OIT n°81, art 17.

    * 133 Sur la répartition des modes d'intervention de l'inspecteur, V. annexe 7.

    * 134 Art 40 al 2 CPP.

    * 135 Butaud G., Perin F., Thery M., « Les funambules du travail : pratiques de l'inspection du travail », Dr. Soc, 1985, p.274.

    * 136 Lazerges C., « La constatation de l'infraction et les poursuites pénales », Dr. Soc., 1984, p.482 : « c'est le constat d'échec des efforts de l'inspecteur du travail pour amener l'employeur à se conformer à la loi ».

    * 137 Art. 17 et 36, L. 2004-806, 9 août 2004 relative à la politique de santé publique.

    * 138 Art L236-1CT.

    * 139 Art. L.231-12 code du travail.

    * 140 Art. L231-4 al 1 code du travail.

    * 141 Art. L231-4 al 2 code du travail.

    * 142 M. COHEN, « Les effets du procès-verbal d'un inspecteur du travail » : Dr. Soc., 1997, p.457.

    * 143 Cass. crim., 28 mai 1991 : BS Lefebvre, 1991, p.316.

    * 144 Art. L611-10 code du travail.

    * 145 Cass. crim. 10 avril 1959 : Bull. crim., 1959, n°207.

    * 146 FORTIS E. « Droit pénal : infractions, constatations et poursuites »,J-Cl, Travail, Fasc. n°82-10, p12 et 13, §67 et s.

    * 147 HUSSON R., « Les poursuites pour infractions à la législation du travail » : RPDS, avril 2002, p.122.

    * 148 BOUCHARD V., « Des pouvoirs de police judiciaire de l'inspecteur du travail » : RSC, 2005, p.273.

    * 149 Art. L611-10 al 2 code du travail.

    * 150 Cass. crim, 28 janvier 1997, pourvoi n°95-84257.

    * 151 CE, 3 octobre 1997, Mme Gaillard Bans : Dr. adm, 1998, comm. n°108.

    * 152 Instruction ministérielle technique DAGEMO/MICAPCOR no 2002-3 du 28 mars 2002 concernant les procès-verbaux de l'inspection du travail : BO travail 2002/11 du 20 juin 2002, p.281-11 et 315-21.

    * 153 Art v.2 de l'instruction ministérielle technique DAGEMO/MICAPCOR no 2002-3 du 28 mars 2002, précitée.

    * 154 Cass. crim., 26 septembre 1995 : RJS, 1995, n°1271.

    * 155 BOUCHARD V., « Des pouvoirs de police judiciaire de l'inspecteur du travail » : RSC, 2005, p.273.

    * 156 Ramackers P. et Vilboeuf L., « Inspection du travail : moyens d'action », J-Cl Travail, Fasc. n° 10-20,p.21, §126.

    * 157 FRISON-ROCHE

    * 158 REVOSTEAU P., « Conceptions et mutations de l'inspection du travail », DAGEMO et BECI, p.206.

    * 159 L. n°2003-1119, 26 novembre 2003, relative à la maîtrise de l'immigration, publiée au JO du 27 novembre 2003.

    * 160 Note du 4 juillet 2004 présentant des dispositions des lois récentes modifiant le code du travail : BO Travail 2004/16 du 5 septembre 2004.

    * 161 L. n°2003-1119, précitée.

    * 162 Art L611-9 du CT.

    * 163 Art L620-3 du CT.

    * 164 Ramackers P. et Vilboeuf L., « Inspection du travail : moyens d'action », J-Cl Travail, Fasc. n° 10-20, précité.

    * 165 Art 78-2 et 78-3 CPP.

    * 166 Art 78-1 à 78-5 CPP.

    * 167 Art 78-3 et 78-4 CPP.

    * 168 Note du 4 juillet 2004, précitée.

    * 169 V. annexe 8.

    * 170 L. 2005-882, 2 août 2005, en faveur des petites et moyennes entreprises, Art. 86 : JO n°179, 3 août 2005, p.12639.

    * 171 Article « Le travail dissimulé des étrangers : obsession du gouvernement », 9 mai 2008, de P. DAQUIN, publié sur www.mediapart.fr.

    * 172 Article « Travailleurs sans-papiers : premières régularisations » paru dans l'Express, 1er mai 2008, www.lexpress.fr.

    * 173 D. 2008-371 18 avril 2008, relatif à la coordination de la lutte contre les fraudes et créant une délégation nationale à la lute contre la fraude (DNLF).

    * 174 Art 3 du D.2008-371, précité.

    * 175 Art 2 du D.2008-371, précité : « La délégation nationale à la lutte contre la fraude, placée par délégation du Premier ministre auprès du ministre chargé du budget ».

    * 176 www.refi.over-blog.org.

    * 177 Résolution adoptée lors des Etats Généraux de l'Inspection du Travail les 21 et 22 mars 2006 : www.sudtravail.joueb.com.

    * 178 Art L8252-1 CT

    * 179 Conférence internationale du Travail, 2006, 95ème session, p.126.






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