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Evolution et mutation de l'inspection du travail

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par Anne Claire Michaut
Université Paul Cézanne - Aix Marseille III - Master Droit social 2008
  

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Section 2 : La « pluridisciplinarité » : une complémentarité utile ?

En 2003, un décret81(*), se basant sur une directive européenne82(*), est venu créer des collèges interrégionaux qui vont délivrer des habilitations à une personne ou un organisme pour la prévention des risques professionnels. C'est dans ce cadre que s'organise la pluridisciplinarité. Mais cette notion encore floue appelle quelques remarques quant à sa définition et son mécanisme (§1). Une telle mesure implique nécessairement des conséquences sur les missions de l'inspecteur du travail en matière de santé et de préventions de risques professionnels (§2).

§ 1 : Présentation de la « pluridisciplinarité » :

Qu'entend-t-on par pluridisciplinarité ? Selon le Professeur Malchaire83(*), la pluridisciplinarité « consiste en des actions en commun de plusieurs spécialistes de différentes disciplines, vers un même objectif. » Selon lui, elle peut s'organiser de deux façons : soit les différents acteurs travaillent ensemble mais chacun dans son service, c'est ce qu'il appelle la juxtadisciplinarité, soit ils travaillent ensemble en imbriquant les outils de travail les uns avec les autres, ce qu'il nomme l'interdisciplinarité. Dans tous les cas, quelque soit le mode de travail retenu, leurs actions tendent vers un même objectif, en l'espèce l'amélioration de la santé au travail. Selon le Professeur Malchaire, dans cet éventail de possibilité chacun des acteurs demeurent libre de défendre leur vision de leur action, ce qui ne sera pas sans poser des difficultés quant aux finalités recherchées par les différents acteurs.

La pluridisciplinarité comprend des enjeux importants pour la médecine du travail, mais aussi pour son organisation et son efficacité. Notamment parce qu'elle pose la question délicate de sa place, d'autant que l'institution connait une pénurie de médecins. Nous pouvons nous demander si une telle mesure de coordination ne risque pas à long terme de conduire à la disparition de cette médecine, du fait de la présence, par exemple, de médecins appartenant déjà au corps de la fonction publique : ceux des caisses maladies pour ne citer qu'eux.

Mais il constitue également un enjeu social et professionnel fort pour les nouveaux intervenants de la prévention de la santé à travail : les Institutions en Prévention des Risques Professionnels (IPRP). Il s'agit soit de personnes physiques, soit d'organismes qui vont obtenir une habilitation par les collèges interrégionaux84(*). Le système français en matière de prévention de la santé dispose déjà d'un panel d'intervenant dans ce domaine : le CHSCT, l'inspection du travail, la Caisse Régionale d'assurance maladie (CRAM), la médecine du travail... La nouvelle réforme vient donc ajouter un nouvel acteur dans la prévention des risques de la santé au travail. Nous pouvons légitimement nous demander si cela était nécessaire. Aujourd'hui on distingue trois groupes principaux d'IPRP personnes physiques : celles travaillant dans un service de santé interprofessionnel, celles travaillant dans une entreprise et celles indépendantes travaillant soit en tant qu'experts habilités, soit en cabinets conseils. La première et la dernière catégorie sont donc existantes avant la réforme et déjà compétentes en la matière. La seconde catégorie se divise en les personnes physiques qui travaillent déjà dans un service de santé de l'entreprise (déjà compétente elles aussi), soit dans un autre service de l'entreprise. Cette dernière catégorie représente 21,6% des IPRP existantes : nous pouvons donc en conclure que la réforme n'a engendré qu'un accroissement mineur de nouveaux acteurs de la prévention de la santé au travail. En terme concret, cela représente 136 personnes, au plan national. Le chiffre alarmant de cette étude est que seulement 2,2% des personnes, soit 13 personnes, appartiennent au CHSCT. Nous aurions pu croire que cette institution vouée à la sécurité et aux conditions de travail se mobilisent pour la santé au travail. Sur 1546 IPRP enregistrée, seulement 2,2% sont des médecins du travail : voilà qui abonde dans le sens de notre propos : déjà d'autres institutions se sont emparées de cette fonction, laissant bien présager une diminution des médecins du travail pour d'autres professions dont les trois premières sont : les ergonomes, les consultants en évaluation des risques professionnels et les responsables hygiène, sécurité et environnement.

En outre, les IPRP sont majoritairement compétentes dans les domaines techniques et organisationnels que dans le domaine de la santé85(*). Ce qui apparait regrettable, puisqu'il s'agit tout de même de la santé et des risques professionnels. Il semble donc que les collèges interrégionaux privilégient les risques professionnels. Notons cependant que les habilitations sont données en fonction des compétences du demandeur. Nous pouvons donc penser que peu de demandeurs aient la compétence pour exercer une habilitation en matière de santé. Et pourtant parmi les IPRP personnes physiques on recense des infirmières (46 personnes), des médecins du travail (34 personnes), des médecins (9 personnes) et des conseillers médicaux (3 personnes). Même si nous nous en tenons à la lettre du cigle, Institution en Prévention Risques Professionnels, il est à déplorer que les services de santé soient aussi peu représentés et que ce domaine soit délaissé au profit du technique et de l'organisationnel.

La mise en place de la pluridisciplinarité n'est pas sans poser quelques réflexions quant à sa forme en propre. Si la France a voulu satisfaire la contrainte européenne, le travail du législateur nous semble encore imparfait et peu satisfaisant eu regard d'une médecine du travail, service de l'inspection du travail, qui semble avoir du mal à trouver sa place dans ce nouveau système. Il est cependant encourageant de voir que cette nouvelle réforme s'appuie sur une ouverture sur des compétences nouvelles, mais on peut se demander si cette diversification des moyens ne va pas conduire à éclatement de la réforme, lui faisant perdre toute cohérence, tant les acteurs y sont multiples. Notons qu'en matière des sites à risques industriels majeurs, l'explosion d'AZF à Toulouse le 21 septembre 2001, a donné lieu à de nombreuses interventions en matière de sécurité des travailleurs sur les sites à risques industriels majeurs86(*) en vue de renforcer la prévention des risques professionnels. Que de ces réflexions est née la loi de 200387(*) relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages. Cette loi s'inscrit dans le panel de texte relatif à la prévention des risques professionnels. Le législateur bien qu'insistant sur le rôle de « clé de voute » de la médecine du travail quant à la prévention en entreprise opte pour une « approche globale de la santé »88(*). Mais des sa préparation les textes encadrant cette pluridisciplinarité ont fait l'objet de vives critiques de la part des acteurs de la prévention qui poursuivent des buts contraires, sans compter que nous puissions craindre un impact sur les missions de l'inspecteur du travail en matière de santé et préventions des risques professionnels.

* 81 D. n°2003-546 du 24 juin 200, pris pour l'application de l'article L241-2 du code du travail : création des articles R241-1-1 à R241-1-7 du code du travail, relatifs aux dispositions de droit commun des services de santé au travail.

* 82 Dir. 89/391/CEE du Conseil, du 12 juin 1989, concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail ; JOCE n° L 183 du 29/06/1989 p. 0001 - 0008

* 83 « Inter, multi, pluridisciplinarité au service du bien être au travail », Professeur J. Malchaire, Université catholique de Louvain, Journées interdisciplinaires de Lorient, 13 mai 2003.

* 84 Pour la répartition des structures employant les IPRP personnes physiques, V. annexe 4.

* 85 V. annexe 5.

* 86 Circ. DRT, n°2006/10 du 14 avril 2006 relative à la sécurité des travailleurs sur les sites à risques industriels majeurs ; Circulaire DRT n°2001/5 du 15 novembre 2001 relative au contrôle des entreprises à risques ; Note DRT du 14 décembre 2001 relative au contrôle des entreprises à risques.

* 87 L. n°2003-699, du 21 juillet 2003, promulguée le 30 juillet 2003.

* 88 « Bilan de la mise en oeuvre de la pluridisciplinarité en matière de santé et de préventions des risques professionnels », décembre 2007, pour la DGT.

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