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Evolution et mutation de l'inspection du travail

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par Anne Claire Michaut
Université Paul Cézanne - Aix Marseille III - Master Droit social 2008
  

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§ 2 : L'inspecteur : acteur de la mise en mouvement d'une action pénale parfois dérogatoire :

L'article L611-1 du code du travail définit les pouvoirs conférés en matière de constatation des infractions en matière de droit pénal du travail à l'inspecteur du travail. Du fait de l'existence de prérogatives de police judiciaire conférées à l'inspecteur du travail, nous pourrions en déduire que les règles de droit commun en matière pénale lui sont applicables. Pourtant, il existe des dérogations au droit commun, notamment le fait que les règles relatives à la transmission immédiate des procès-verbaux en cas de flagrant délit imposées à la police judiciaire sont inapplicables à l'inspecteur du travail143(*). S'il est vrai que l'inspecteur du travail dispose d'une liberté en matière de dresser ou non un procès-verbal, il ne décide pas véritablement de la suite pénale donnée à sa verbalisation. Le législateur lui reconnait en réalité le droit de constater ou non une infraction. En cela, son rôle est dérogatoire au droit commun, mais répond parfaitement à la volonté conciliatrice voulue pour l'inspection du travail.

Les procès-verbaux dressés par les inspecteurs du travail font foi jusqu'à preuve du contraire144(*). Mais cette force probante se limite aux seules constatations faites par l'auteur du procès-verbal. Pourtant, sa régularité est difficile à remettre en cause. La Cour de cassation estime en effet que de simples doutes ne suffisent pas à remettre en question sa régularité145(*). En outre, elle suppose que les allégations de l'inspecteur du travail soient confrontées aux arguments de l'employeur, dans le cadre d'un débat contradictoire organisé par le juge146(*). La force probante conférée au procès-verbal de l'inspecteur du travail diffère de celle donnée aux procès-verbaux de la police judiciaire, puisqu'en matière de crime et délit, ils n'ont que valeur de simple renseignement147(*). Alors que pourtant on ne souhaite pas donner plus de pouvoirs aux inspecteurs qu'aux officiers de police judiciaire, la force probante accordée est beaucoup plus importante aux procès-verbaux des inspecteurs. Ce qui appuie un peu plus notre idée de dérogation quant au droit pénal général. En fait le procès-verbal de l'inspecteur du travail « ne peut être remis en cause dans la mesure où il ne permet ni d'engager des poursuites, ni même de les recommander au Parquet 148(*)». Ainsi, ils sont difficiles à remettre en cause, bénéficient d'une force probante plus importante, en dans le même temps, ils ne permettent pas d'engager les poursuites. Curiosité en la matière au vue de l'importance qu'on leur donne, et du peu d'effet dont ils sont revêtus. En réalité, les procès-verbaux de l'inspecteur du travail sont transmis au Parquet149(*), après examen effectué par le DDTEFP, qui décidera de façon souveraine des suites à donner. Ce qui a posé quelques difficultés quant à la transmission des procès-verbaux, c'est que les textes parlent soit d'une information, soit d'une transmission directe au Parquet. Or le DDTEFP est chargé des rapports avec les services judiciaires, ce qui implique que le procès-verbal lui soit d'abord transmis, mais lui interdit tout contrôle d'opportunité sur les suites à donner. Pour la Chambre criminelle, la transmission au DDTEFP est dépourvue de valeur légale, puisqu'elle n'est pas imposée par la loi150(*). Alors que pour le Conseil d'Etat, si le DDTEFP est chargé des relations avec le Parquet, cette mission ne s'exerce que sous réserve des attributions légales dévolues à l'inspecteur du travail151(*). Donc, bien que le DDTEFP doive apposer son visa sur le procès-verbal de l'inspecteur du travail, le défaut de visa n'entraîne pas la nullité du procès verbal. Cet oubli peut seulement être la cause d'une faute disciplinaire. Une instruction de 2002152(*) a pour « objectif primordial ... de donner aux services des règles simples et rigoureuses d'établissement et de transmission de leurs procès-verbaux, de façon à garantir une bonne prise en charge des procédures par les magistrats ». Elle organise la transmission des procès verbal qu'elle encadre dans des délais préfix. Cependant, concernant la transmission des procès verbaux, l'instruction utilise une formulation qui mérite quelques réflexions. « Cependant, il est évident que le parquet et la juridiction saisie sont d'autant plus sensibilisés et enclins à réprimer les infractions aux dispositions de la réglementation du travail que les faits poursuivis sont plus récents. La célérité mise à établir, examiner et transmettre un procès-verbal est pour eux la manifestation de l'intérêt et du degré de gravité que nous (les services de l'inspection du travail) prêtons à l'infraction constatée153(*)». La première interrogation porte sur la conclusion que doivent tirer les inspecteurs de cet article. Doivent-ils dénoncer au plus vite les infractions, faute de quoi, le Parquet estimera que l'infraction ne requière pas autant d'intérêt que l'on veut lui en donner ? Veut-on faire croire aux inspecteurs que de leur attitude dépend le résultat des suites pénales données par le Parquet ? Cette formulation, fort maladroite, est sans conteste hors propos. Imaginons qu'un officier de police judiciaire qui « traînerait » à clore une enquête pour meurtre verrait son comportement entraînait une relaxe du prévenu au motif que son attitude dénoterait du peu d'importance de l'infraction ? Une telle idée n'est pas concevable. Pourquoi alors le serait-elle en matière de droit pénal du travail ? L'article poursuit par « l'exemplarité des peines infligées est de la même façon directement fonction du délai entre la constatation de l'infraction et la condamnation ». Pourtant, la loi pénale est d'application stricte et il n'est écrit nulle part que la peine soit fonction du délai écoulé entre sa constatation et la condamnation de l'auteur du délit. Les textes pénaux prévoient des quantum en fonction des crimes et délits commis. Quelle étrange manière de faire croire aux inspecteurs du travail que leurs procès verbaux auront plus de chance de conduire à des peines sévères, s'ils se dépêchent de transmettre leur rapport au Parquet. Voila une conception bien étrange du droit pénal du travail que l'on veut donner aux inspecteurs.

D'ailleurs le législateur a entendu désolidariser l'inspecteur du travail des suites pénales, puisque si la procédure de la police judiciaire est entachée de nullité cela n'affecte pas la validité du procès verbal de l'inspecteur qui en serait le point de départ. De plus, il peut être entendu, en qualité de témoin, lors de l'instance pénale « sans qu'aucun grief de partialité ne lui soit reproché 154(*)». Cela nous apparaît tout à fait normal, dans la mesure où, intervenant en tant que témoin, il ne prend pas partie à l'instance.

Lorsque le Parquet est saisi d'un procès verbal d'un inspecteur, il diligente une enquête complémentaire pour se prononcer sur l'opportunité d'engager la procédure. Ce faisant, cela alourdit la vitesse de la procédure. A la suite de cette enquête, il peut soit engager la procédure pénale, soit classer sans suite. Selon Madame BOUCHARD, le classement sans suite « traduit un désaveu pour l'inspecteur du travail, mais le discrédite également aux yeux de l'employeur contrôlé 155(*)». Nous comprenons ici tout l'enjeu que comporte le procès verbal. Si l'inspecteur du travail transmet un procès verbal, classé sans suite par le Parquet, il est fort à craindre qu'une telle fin ait des conséquences malheureuses sur les relations entre l'inspecteur du travail et l'employeur contrôlé. Ce dernier pourrait remettre en cause alors la capacité de l'inspecteur du travail a exécuté sa mission et serait peut être d'autant plus incité à attaquer les décisions de l'inspecteur. Malheureusement, contrairement à d'autres pays, la France refuse aux inspecteurs du travail le droit de décider de l'opportunité des poursuites au nom de l'ordre public social156(*).

L'inspecteur du travail dispose de moyens divers pour constater les infractions, allant du simple rappel à la législation jusqu'à la mise en oeuvre de moyens beaucoup plus contraignant. Il apparaît comme l'échelon le mieux approprié pour veiller à l'application du code du travail, et du même coup pour constater les infractions relatives au droit pénal du travail. Si, dans ce but, le législateur l'a doté de prérogatives de police judiciaire, il est clairement établi qu'il n'est pas un officier de police judiciaire, même si, comme nous l'avons vu, il en est très proche. « Le droit n'existe qu'à travers son application157(*) », l'inspecteur du travail a donc pris son partie de faire exister de manière certaine le droit du travail, et de manière parsemée l'existence du droit pénal du travail. Mais comme la logique de l'inspecteur est à la fois globale et préventive, il use des recours pénaux qui lui sont offerts avec parcimonie. Ainsi, seulement certaines situations donneront lieux à des constatations officielles d'infraction, par la voie des procès verbaux, « où la logique répressive est la seule qui soit efficace 158(*)». Malgré un délaissement notable de la voie pénale par l'inspecteur au profit d'autres procédures plus dissuasives, comme par exemple, l'arrêt de chantier, le législateur est quand même venu accroître ses pouvoirs.

* 143 Cass. crim., 28 mai 1991 : BS Lefebvre, 1991, p.316.

* 144 Art. L611-10 code du travail.

* 145 Cass. crim. 10 avril 1959 : Bull. crim., 1959, n°207.

* 146 FORTIS E. « Droit pénal : infractions, constatations et poursuites »,J-Cl, Travail, Fasc. n°82-10, p12 et 13, §67 et s.

* 147 HUSSON R., « Les poursuites pour infractions à la législation du travail » : RPDS, avril 2002, p.122.

* 148 BOUCHARD V., « Des pouvoirs de police judiciaire de l'inspecteur du travail » : RSC, 2005, p.273.

* 149 Art. L611-10 al 2 code du travail.

* 150 Cass. crim, 28 janvier 1997, pourvoi n°95-84257.

* 151 CE, 3 octobre 1997, Mme Gaillard Bans : Dr. adm, 1998, comm. n°108.

* 152 Instruction ministérielle technique DAGEMO/MICAPCOR no 2002-3 du 28 mars 2002 concernant les procès-verbaux de l'inspection du travail : BO travail 2002/11 du 20 juin 2002, p.281-11 et 315-21.

* 153 Art v.2 de l'instruction ministérielle technique DAGEMO/MICAPCOR no 2002-3 du 28 mars 2002, précitée.

* 154 Cass. crim., 26 septembre 1995 : RJS, 1995, n°1271.

* 155 BOUCHARD V., « Des pouvoirs de police judiciaire de l'inspecteur du travail » : RSC, 2005, p.273.

* 156 Ramackers P. et Vilboeuf L., « Inspection du travail : moyens d'action », J-Cl Travail, Fasc. n° 10-20,p.21, §126.

* 157 FRISON-ROCHE

* 158 REVOSTEAU P., « Conceptions et mutations de l'inspection du travail », DAGEMO et BECI, p.206.

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote