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La protection des droits culturels dans la construction européenne : un parent pauvre des droits fondamentaux ?

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par Dominique KAMWANGA KILIYA
Université de Liège - Master Complémentaire en Analyse Interdisciplinaire de la Construction européenne 2008
  

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Paragraphe 4 : Les principes d'égalité et de non discrimination : un

complément à la protection des droits culturels par

rapport à la liberté d'expression

La Déclaration française des droits de l'homme et du citoyen accorde les mêmes droits et devoirs à tous les citoyens sans les conditionner à l'appartenance à une quelconque communauté (article 6). Ce principe d'égalité s'appuie sur une vision universaliste des droits et n'autorise pas la reconnaissance de droits spécifiques à une fraction de la population. Il s'inspire du droit naturel qui considère que la raison humaine est à la base de la dignité de l'homme indépendamment de ses origines culturelles ou religieuses. Des gens de cultures ou de religions différentes peuvent, grâce aux principes d'universalité et d'égalité, accepter la référence à une citoyenneté commune. Les particularismes relèvent de la sphère privée et laissent la place, pour le bien commun, à l'universalisme.70(*)

Au niveau européen, l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme essaye au mieux de rendre effectif ce principe en accordant à l'égalité et à la non discrimination une attention non moins importante. Il dispose, en effet, que :

« La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race , la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toute autre opinion, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ».

De sa lecture, il résulte toutefois que cette disposition n'a pas de caractère autonome. Elle est inapplicable si elle n'est pas invoquée en liaison avec une autre disposition de la Convention. Elle n'a pas non plus de caractère absolu malgré son libellé très général. Elle ne protège que contre le traitement discriminatoire des personnes placées dans des situations analogues dans l'exercice des droits et libertés reconnus par la Convention et ses protocoles : vie, liberté, sécurité, vie privée, libertés de pensée, de religion, d'expression, etc.71(*)

L'avancée majeure en matière de non discrimination est marquée par l'adoption du Protocole n° 12 à la Convention signé à Rome le 4 novembre 2000, avec le 50ème anniversaire de la Convention. Il est entré en vigueur le 1er avril 2005 pour les Etats qui l'ont ratifié. Son article premier prohibe toute discrimination reposant sur toute autre situation. Le Protocole offre à la Cour une base juridique explicite pour reconnaitre des allégations de discrimination et pour élaborer une jurisprudence qui ne pourra qu'aider les Etats contractants à lutter contre la discrimination sous toutes ses formes : celles fondées sur la race et autres motifs de ce genre, mais aussi sur le sexe, l'orientation sexuelle, le handicap, l'appartenance à une minorité, etc.72(*)

Même s'il n'a pas été possible d'inclure explicitement un principe d'égalité libellé de façon positive dans le nouveau protocole, celui-ci devrait, comme l'indique le préambule, contribuer à la concrétisation du principe d'égalité de tous sur tous les plans, y compris en matière des droits culturels, au-delà de la simple interdiction de la discrimination. Pour la Cour européenne des droits de l'homme, organe qui est chargé d'appliquer les dispositions du texte, ce Protocole constitue « une mesure supplémentaire importante permettant d'assurer la garantie collective des droits fondamentaux au travers de la Convention européenne des droits de l'homme ».73(*)

Ainsi, la jurisprudence de la Cour offre une protection à des individus ou à des groupes spécifiques culturellement en application du principe de non discrimination. Cela leur permet de se trouver sur un pied d'égalité avec les membres des autres groupes sociaux.

L'affaire linguistique Belge74(*) a débouché sur l'un des principaux arrêts rendus, pour la garantie des droits culturels, en matière de discrimination en vertu de l'article 14 CEDH combiné avec l'article 2 du premier Protocole sur le droit à l'éducation (avec usage de la langue de formation dans une région donnée). Les requérants, des parents agissant en leurs noms et en ceux de leurs enfants mineurs, désiraient que ceux-ci soient instruits dans la langue française parce qu'ils sont francophones alors qu'ils vivent dans une région néerlandophone où l'enseignement public devrait être dispensé dans la langue locale en vertu du principe constitutionnel de la territorialité. En son temps, la Commission avait estimé la législation linguistique belge incompatible avec le droit à l'instruction. Elle avait notamment condamné la décision de suspendre des subsides aux écoles publiques de la région néerlandophone dispensant l'enseignement en français, l'accès à l'enseignement en fonction de la résidence dans les communes à facilité de la région de Bruxelles et le refus d'homologuer les certificats sanctionnant des études secondaires non conformes aux prescriptions linguistiques en matière d'enseignement. Quant au grief sur la discrimination, la Cour fit remarquer que l'article 14 se contentait d'interdire les différences de traitement qui ne poursuivent pas un but légitime. Celles-ci étaient dépourvues de justification objective et raisonnable et révélaient une absence de rapport de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé. Puisque le but des deux dispositions litigieuses combinées était plutôt d'assurer le respect du droit à l'éducation par chaque partie contractante à l'intérieur de sa juridiction sans discrimination et n'avaient pas pour effet de garantir une instruction dispensée dans une langue choisie par les parents et leurs enfants, la Cour avait estimé que la législation linguistique belge poursuivait un but légitime. L'enseignement privé n'était pas affecté par la législation concernée. Par contre, elle releva une discrimination dans l'accès à l'enseignement dans les communes francophones entourant Bruxelles où les enfants néerlandophones avaient accès aux écoles enseignant en néerlandais alors que l'inverse n'était pas vrai.75(*)

L'arrêt Natchova et autres c. Bulgarie76(*) du 6 juillet 2005 est celle où la Cour a combiné l'article 2 avec l'article 14 sous son volet procédural en ce qui concerne un crime de haine. La Grande Chambre a estimé que tout élément indiquant que des représentants de la loi ont proféré des injures racistes dans le cadre d'une opération impliquant le recours à la force contre des personnes d'une minorité ethnique ou autre revêt une importance particulière lorsqu'il s'agit de déterminer si on est ou non en présence d'actes de violence illégaux inspirés par des sentiments de haine. Lorsque de tels éléments apparaissent au cours de l'enquête, il faut les vérifier et - s'ils sont confirmés - procéder à un examen approfondi de l'ensemble des faits afin de mettre au jour un mobile raciste éventuel. En l'espèce, la Cour estime que les autorités ont manqué à l'obligation qui leur incombait en vertu de l'article 14 de la Convention combiné avec l'article 2 (Protocole 1er) de prendre toutes les mesures possibles (obligation positive) pour rechercher si un comportement discriminatoire avait pu ou non jouer un rôle dans les événements.77(*)

Par ailleurs, dans les affaires Gütl c. Autriche (Req. n° 49686/99)78(*) et Löffelmann c. Autriche (Req. n° 42967/98)79(*), deux ressortissants autrichiens et tous deux Témoins de Jéhovah, les requérants se plaignaient d'avoir été forcés d'accomplir un service civil au lieu du service militaire alors que des membres d'autres communautés religieuses reconnues exerçant des fonctions religieuses comparables aux leurs étaient dispensés de cette obligation. Ils invoquaient notamment les articles 9 sur la liberté de pensée, de conscience et de religion, et 14 de la Convention. La Cour conclut à l'unanimité à l'existence d'une violation de l'article 14 combiné avec l'article 9 de la Convention au motif que les requérants ont été victimes d'une discrimination fondée sur leur religion.

En définitive et au regard de ce qui précède, il ressort de l'analyse de la jurisprudence de la Cour de Strasbourg que la défense des droits de l'homme est d'autant plus visiblement encrée dans la culture des citoyens et des institutions européennes. Les droits culturels, bien qu'ils ne soient protégés de manière directe, sont dans une certaine mesure et dans certains de leurs aspects, pris en compte par la Convention européenne des droits de l'homme. Le droit à la liberté d'expression compense, en effet, l'absence de protection explicite des droits culturels.

Il permet, comme cela a été démontré à travers la jurisprudence, de garantir plus les droits liés à l'identité culturelle tels que l'expression de la langue, de la religion, de la différence ethnique ou raciale, etc. Cette identité concerne le plus souvent les minorités au sein d'une société où l'Etat et la majorité ont tendance à imposer leur loi. Le droit à la liberté d'expression est utilisé et interprété soit seul, soit en combinaison avec d'autres droits à dimension culturelle comme la vie privée, le droit à l'instruction/à l'éducation, le principe d'égalité et de non discrimination.

Par ailleurs, bien que souvent présentés comme des droits collectifs, les aspects des droits culturels pris en charge par la Cour, en vertu de la liberté d'expression, se revendiquent plutôt individuellement que collectivement. Mais les arrêts rendus sont, certes, profitables à toutes les communautés concernées, aussi les recours collectifs ne sont pas, en principe et d'emblé, irrecevables devant la juridiction de la Cour de Strasbourg. Donc, tous les individus, seuls ou en communauté, qui se sentent lésés par un acte de nature culturelle dont la liberté d'expression garantit le respect ont la possibilité d'introduire un recours.

Cela confirme que les droits culturels, aussi bien que les autres catégories des droits de l'homme ont une matrice commune, un noyau « uniforme » bien qu'il faille reconnaitre qu'un effort supplémentaire mérite d'être fait pour parvenir à leur garantie complète. En effet, ce ne sont pas tous les droits culturels qui sont contenus dans la Convention européenne des droits de l'homme. En plus de ceux qui sont pris en compte par la liberté d'expression, le droit à l'éducation et le principe de non discrimination, il convient de reprendre tous ceux qui sont éparpillés dans les instruments européens et internationaux dépourvus de caractère obligatoire. Mais cela n'est possible qu'après avoir compris les raisons qui empêchent réellement la reconnaissance formelle et explicite des droits culturels au même titre que les autres droits de l'homme ainsi que l'apport du droit communautaire dans ce domaine non moins important pour l'édification d'une parfaite construction européenne.

DEUXIEME PARTIE :

* 70 EL MOUNTACIR H., « Citoyenneté européenne et laïcité », Colloque de Belley, Cercle Républicain Edgar Quinet - Aristide Briand, le 14 mars 2007,    http://90plan.ovh.net/~republiq/index.php?option=com_content&task=view&id=95&Itemid=38, consulté le 06 juillet 2009

* 71 DUTERTRE G., Extraits clés de jurisprudence : Cour européenne des droits de l'homme, Editions du Conseil de l'Europe, Strasbourg, 2003, pp. 344-346

* 72 LARRALDE J-M., « La Convention européenne des droits de l'homme et la protection des groupes particuliers », Revue Trimestrielle des Droits de l'Homme, 56/2003, pp. 1255-1256

* 73 Protocole n° 12 à la Convention européenne des droits de l'homme (adopté par la Cour lors de sa réunion plénière administrative du 6 décembre 1999), Doc. 8608, 5 janvier 2000, Communication Comité des ministres.

* 74 CEDH, 23.07.1968, série A, n° 6

* 75 PENTASSUGLIA G., Op. Cit., pp. 131-132

* 76 CEDH, 06.07.2005, n° 43577/98 et 43579/98

* 77 TULKENS F., Op.Cit., pp. 16-17

* 78 Voy. CEDH, 12.03.2009, n° 49686/99

* 79 Voy. CEDH, 12.03.2009, n° 42967/98

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