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La protection des droits culturels dans la construction européenne : un parent pauvre des droits fondamentaux ?

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par Dominique KAMWANGA KILIYA
Université de Liège - Master Complémentaire en Analyse Interdisciplinaire de la Construction européenne 2008
  

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L'ABSENCE D'UNE LEGISLATION CONTRAIGNANTE AUTONOME EN MATIERE DES DROITS CULTURELS AU CONSEIL DE L'EUROPE ET LEUR PRISE EN COMPTE PAR LE DROIT COMMUNAUTAIRE

Le domaine des droits culturels est très vaste, ce qui, dans une certaine mesure, le rend imprécis. Ainsi, les démarches visant à assurer la « visibilité » et l'« effectivité » de ces droits sont variablement accueillies malgré leur énonciation dans les principaux instruments universels et régionaux relatifs aux droits de la personne humaine, au rang desquels on trouve la Déclaration universelle des droits de l'Homme de 1948, les deux Pactes internationaux de 1966, la Convention européenne des droits de l'homme de 1950.

Les droits et libertés culturels sont, en effet, souvent considérés soit comme porteurs d'une menace au principe d'universalité des droits de l'homme, soit comme une condition de leur effectivité. Cette polarisation suscite alors un enthousiasme pour les uns et une méfiance pour les autres malgré les appels en faveur de la protection de la diversité culturelle à travers l'adoption d'autres instruments de protection plus spécifiques.80(*) Une telle situation se justifie par l'existence des causes.

Section 1 : la carence d'une législative spécifique relative aux droits

culturels : une situation aux causes multiformes

Deux faits pouvant être qualifiés de majeurs sont à retenir. D'abord, il se pose le problème de la nature ambivalente même des droits culturels. Cette nature donne lieu à de multiples approches dans l'appréhension de ces droits dans la législation interne de chacun des Etats qui se considère comme une entité identitaire largement définie par sa composante culturelle et juridique qui la distingue des autres.

Paragraphe 1 : La nature ambivalente des droits culturels

L'ensemble des systèmes de droit ne parvient pas à contourner les ambiguïtés nées des lacunes d'une analyse de la notion de culture. Cela a fait que le droit international ne parvienne pas, jusqu'à ce jour, à offrir de définition claire du contenu des droits culturels, ni à déterminer exactement quels sont les droits qui appartiennent à cette catégorie. Par ailleurs, malgré la définition générale et englobante des droits de l'homme et les démonstrations de la nécessité de reconnaitre aux droits culturels un caractère universel, indivisible et justiciable au Conseil de l'Europe, des réticences demeurent toujours largement exprimées sur leur position à cheval entre droits individuels et droits collectifs, et entre droits-libertés et droits-créances.

A. La dialectique droits individuels-droits collectifs

La protection internationale des droits culturels est apparue en Europe au lendemain des guerres de religions, des luttes armées entre catholiques et protestants aux XVIe et XVIIe siècles. Elle avait abouti à la proclamation de la liberté de conscience au profit des minorités religieuses. Plus tard, avec la montée du nationalisme, les Congrès européens étendront, au XIXe siècle, la protection internationale aux minorités nationales. Ces premiers textes de protection ont eu très peu d'efficacité. Après la première guerre mondiale, le système plus détaillé de garantie des droits des minorités mis en place par la Société des Nations n'avait pas fait mieux. Cet échec a marqué, en réalité, le point de départ du développement de l'action de la communauté internationale dans le domaine culturel. Plusieurs tentatives ont été ainsi entreprises au sein des organisations internationales (ONU, Conseil de l'Europe, l'OIT, etc.) pour s'entendre sur les règles de protection et les expressions à utiliser et les groupes à inclure dans la notion de culture qui concernait plus les minorités.81(*)

Certes, la géographie et l'histoire donnent à certains groupes sociaux leurs caractéristiques et traditions, leurs valeurs distinctes de celles des autres sur le plan culturel. Mais la question essentielle qui se pose dans le débat sur les droits culturels est celle de savoir si les droits à la différence devant leur être reconnus devraient être ceux des groupes pris dans leur ensemble ou alors ceux de chaque individu vivant au sein de ces groupes dans un pays.82(*)

La double considération de la dignité des personnes individuelles (sujets des droits culturels) et de la valeur des oeuvres culturelles collectives ne signifie pas la mise au même niveau des droits individuels et des droits collectifs. L'on est, et cela pour tous les droits de l'homme, au-delà du clivage ancien entre droits individuels et droits collectifs, car tout droit individuel se réalise par un droit, une liberté et une responsabilité d'accès à un système social qui est, lui, collectif.83(*) Il n'existe donc pas une ligne démarcation tranchée entre les droits individuels et les droits collectifs.

Pourtant, la plupart de discours politiques et juridiques tendent à mettre en sourdine les aspects généraux, collectifs que les droits et libertés présupposent. Les juridictions reprennent plus les orientations qui se préoccupent principalement d'un traitement individuel des problèmes éventuels que leur exercice susciterait. Les nomenclatures proposées se déclinent en plusieurs temps qui rejettent la fonction « collective » de certaines libertés ou la réduisent à une forme d'expression : libertés physiques, libertés intellectuelles, libertés relationnelles, libertés de la pensée, libertés à contenu économique et social, libertés de l'expression collective. Même s'il faut admettre que ces présentations n'excluent pas les libertés collectives, elles entretiennent tout de même la réticence déployée envers l'expression de « droit collectif ».84(*)

Les droits collectifs, on le sait déjà, sont ces droits de l'homme « exercés en commun » ou, le cas échéant, « collectivement » et ils sont même repris dans les conventions européennes ou pactes internationaux ratifiés par nombre d'Etats européens. Deux situations différentes expliqueraient la tendance à leur négation : la défense des droits au développement culturel des petits peuples ou des populations autochtones résidant de façon compacte sur leurs territoires historiques et la préservation du caractère culturel original de certains groupes ou communautés intégrés dans le tissu social d'une grande ville moderne ou dispersés dans l'espace de l'un des pays européens. Dans le premier cas, c'est le problème classique de la minorité culturelle qui a besoin d'être protégée alors que dans le deuxième, il s'agit de l'originalité culturelle d'un groupe isolé ou de ses représentants peut souvent devenir un défi par rapport à la culture de la majorité.85(*)

Mais si les particularités culturelles d'un groupe de citoyens qui composent une minorité ou, au contraire, une majorité, sont étroitement liées à la religion ou à une morale basée sur la religion, si elles s'expriment en termes de manière de vivre spécifique et dans des rapports spéciaux entre les membres de ce groupe, alors peuvent surgir des problèmes d'un genre nouveau. Car du point de vue de la vision dominante laïque sur la notion des droits de l'homme, les convictions religieuses étant une affaire privée, elles ne doivent pas dicter à la personne des exigences sur sa conduite et sa façon de vivre qui seraient en contradiction avec les droits et libertés reconnus par tous.86(*)

Or, les droits culturels présentent cette double nature. En tant que droits individuels, ils s'expriment, de façon générique, par le « droit à la différence » qui est le droit d'être soi-même conformément au principe d'égalité et de non discrimination. Dans leur sens de droits collectifs, ils font référence au droit générique à « l'autodétermination culturelle » qui doit toutefois être relativisé pour éviter de prôner la relativisation des droits de l'homme au service de la tyrannie du groupe. L'homme détient alors des droits en tant qu'être humain, mais il ne les réalise, dans toute société, qu'au sein des groupes, dans un jeu d'obligations réciproques entre la personne et les groupes auxquels elle appartient. Ainsi, les droits collectifs sont inséparables de la dimension sociale de l'homme et lui sont bénéfiques, à condition qu'ils ne détruisent pas la personne.87(*)

En droit français, par exemple, la vision de l'individu représente le principal obstacle à la reconnaissance des droits des peuples autochtones en France. Invoquant la primauté des droits de l'individu, si chère au droit français, les représentants de l'Etat se sont toujours appuyés pour refuser la signature de la « Convention N° 169 concernant les peuples indigènes et tribaux dans les pays indépendants, adoptée par l'Organisation internationale du travail en 1989 »88(*). Par ailleurs, les représentants de la France avaient déclaré que les droits collectifs n'existaient pas dans les instruments internationaux relatifs aux Droits de l'Homme pour contester la formulation de tel ou tel article du projet de Déclaration des droits des peuples autochtones lors des travaux préparatoires, en 1995. Ainsi la France oppose toujours à une réception positive des « droits de groupe » le principe selon lequel seul l'individu est titulaire de droits.89(*)

La dialectique droits individuels-droits collectifs en matière des droits culturels est reprise dans les dispositions des différents instruments internationaux. Au-delà de cette réalité, une autre problématique est posée, celle de la situation des droits culturels à l'intersection de deux générations des droits de l'homme.

* 80 BIDAULT M., Op. Cit., p. 3 (prov.)

* 81 OMANGA BOTAKOLA I., « Les droits des minorités : entre droits culturels et droits politiques », Vues d'Afrique, n° 2, Collection Perspectives Régionales, Septembre 1998, http://www.cifedhop.org/publications/perspectives/vuesdafrique2/bokatola.html, consulté le 10 juillet 2009

* 82 DALY C. M., L'accès aux droits sociaux en Europe, Conseil de l'Europe, Strasbourg, 2002, p. 27

* 83 MEYER-BISCH P., « La protection mutuelle de la diversité et des droits culturels », Observation générale de l'Observatoire de la diversité et des droits culturels. Le recueil de l'universalité par la diversité, 06 mars 2008, pp. 6-7

* 84 KOUBI G., « Distinguer entre droits individuels et droits collectifs », Droit Cri Tic, 3 février 2008, http://koubi.fr/spip.php?article13, consulté le 09 juillet 2009

* 85 HÉGOUMÈNE PHILARÈTE B., « Evolution du concept des droits de d'homme », Représentation de l'Eglise Orthodoxe à Strasbourg-Conseil de l'Europe, le 30 Octobre 2006, mise en ligne le 11 novembre 2006, http://www.strasbourg-reor.org/modules.php?name=News&new_topic=42&file=article&sid=401, consulté le 11 juillet 2009

* 86 MESSICA F., « Quelques réflexions au sujet des éthiques religieuses et culturelles, de leur universalisme ou particularités », Centre d'Etudes et d'Initiatives de Solidarité internationale, CEDETIM, le 23 juin 2004, http://www.reseau-ipam.org/spip.php?article381, consulté le 13 juillet 2009

* 87 PIERRÉ-CAPS S., « Les aspects anthropologiques des droits culturels », Actes du 8ème Colloque international sur la Convention européenne des droits de l'homme du 20-23 Septembre 1995, Conseil de l'Europe, Budapest, 1997, pp. 48-49

* 88 Son article 16 aliéna 4 stipule : « quand le retour sur leurs terres traditionnelles est impossible, les collectivités autochtones' doivent être indemnisées sous la forme de terres - ces terres devant être de qualité et de statut juridique au moins égaux à ceux des terres qu'ils occupaient antérieurement et permettre aux collectivités autochtones' de subvenir à leurs besoins du moment et d'assurer leur développement futur ».

* 89 TIOUKA A., « Droits collectifs des peuples autochtones : le cas des Amérindiens de Guyane française », In SCHULTE-TENCKHOFF I., Altérité et droit, contributions à l'étude du rapport entre droit et culture, Coll. « Droits, Territoires, Cultures », n° 2, Bruylant, Bruxelles, 2002, pp. 241-262

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe