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La protection des droits culturels dans la construction européenne : un parent pauvre des droits fondamentaux ?

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par Dominique KAMWANGA KILIYA
Université de Liège - Master Complémentaire en Analyse Interdisciplinaire de la Construction européenne 2008
  

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Paragraphe 2 : Des différences d'approches dans l'appréhension des droits

culturels dans le droit interne des Etats

Dans l'espace culturel européen contemporain, la notion de nécessité du respect et de la défense des droits de l'homme est devenue un axiome. Les principaux droits sont inscrits non seulement dans des instruments internationaux, mais également dans des constitutions nationales. Chaque État a, en effet, l'obligation de garantir à ses citoyens le respect de leurs identités culturelles et en encourager l'accès. Il lui est reconnu le droit de mener des politiques culturelles qui leur sont propres et de prendre tout un éventail de mesures qui visent à protéger et promouvoir la diversité des expressions culturelles, allant des aides financières publiques à la sensibilisation de la société civile, en passant par le soutien des artistes et des industries culturelles nationales ainsi que la promotion de la diversité des médias. Les droits culturels représentent ainsi la pointe la plus avancée des concepts sous-tendant la protection de groupes culturels. En réalité, ceux-ci font partie de la catégorie minoritaire. Ce sont donc ces mesures qui empêcheraient que le champ des relations interculturelles et des relations entre majorité et minorités ne soient livrées aux interprétations et agissements des Etats et des populations majoritaires.95(*)

Ici, le discours juridique est présenté comme un discours social central car il fixe les règles de jeu essentielles d'une société. Il s'offre comme un condensé de la culture commune et du système des valeurs. La norme juridique privilégie une interprétation de la réalité sociale dans un espace donné.96(*) Compte tenu de l'hétérogénéité des Etats qui composent la communauté internationale en général et la Communauté européenne en particulier, des obstacles apparaissent pour avoir une même vision juridique pour la définition des droits culturels et pour leur accorder une reconnaissance comme droits humains au même titre que les autres. Cela s'explique par le fait que certains Etats ont une tradition juridique fondée sur la lecture individualiste ou républicaine tandis que d'autres insistent sur le communautarisme des droits culturels.

A. La vision individualiste ou républicaine des droits culturels : une moindre garantie des droits collectifs

La vision républicaine pose le principe que seul l'individu est titulaire des droits. Cette lecture individualisante des droits fondamentaux fait en sorte que la fonction solidaire et la nature plurielle de certains de ces droits, parfois dits de la « deuxième génération » (les libertés collectives ou les droits collectifs) se voient peu à peu négligées. Ce positionnement des analyses conduit à écarter du champ d'investigations les dimensions solidaires. Elle contribue à la fermeture du débat sur les compositions collectives des droits culturels. Cette dernière typologie de droits culturels n'en est certes pas désavouée. Elle se voit plutôt peu à peu remodelée et retravaillée : l'objectif étant de l'incorporer à la proposition initiale de l'individualisme au vu d'une certaine conception du libéralisme politique et économique alors que la force des droits de l'homme, c'est leur cosmopolitisme.97(*)

Ce modèle centralisé et aussi hostile aux particularismes politico-culturels se trouve au coeur du système juridique de Français qui se réfère à l'ensemble des textes politiques et/ou juridiques qui datent de la Révolution, à commencer par la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen du 26 août1789. Cette perspective conduit les pouvoirs publics à contenir, au moins dans leurs discours, les bouleversements qu'une inscription des droits des groupes introduirait dans l'ordonnancement juridique. Conformément à la théorie de la « chose publique » et la dénégation des minorités, le peuple français devrait s'identifier à un « individualisme anthropologique ». C'est la notion d'un individu abstrait, détaché de tout lignage ou de toute identité culturelle particulière et supposé adhérer, par transfiguration ou transmutation, à une communauté politique, une sphère publique ou chose publique, république que toute reconnaissance publique des appartenances multiples (religieuses, linguistiques, régionales) menacerait, dans son existence même.98(*)

Le Conseil constitutionnel avait même hissé l' « unicité » du peuple français au rang de principe constitutionnel. Les articles premier et deuxième de la Constitution consacrent le principe d'égalité sans aucune distinction en ces termes : « la France (...) assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. La langue de la République est le français (...). La devise est « Liberté, Egalité, fraternité » ». Cela justifie les réticences de l'Etat français à l'égard de toute reconnaissance juridique des « groupes distinctifs » parmi les collectivités humaines. Ceux-ci sont considérés comme des lieux de dislocation entre les nations, les peuples, les peuples autochtones, les minorités, les communautés au sein de l'Etat.99(*) Il n'existe donc pas, en droit français, une garantie juridique pour le droit à une propre vie culturelle communautaire et à la pratique de la propre langue en faveur des personnes appartenant à une minorité linguistique.

Bien que le principe de la libre communication des pensées et des opinions soit reconnu par la Constitution, le Conseil Constitutionnel a estimé qu'il doit se concilier avec le principe qui énonce que « la langue de la République est le « français » »100(*). D'où, la subordination de la liberté d'expression linguistique à l'obligation de reconnaître au français une place prééminente. Cette interprétation a été développée par le Gouvernement français au début des années 1990 pour émettre une réserve à l'article 27 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966. Elle a été confirmée par l'avis du Conseil d'État sur la Convention-cadre relative aux Minorités Nationales du 6 juillet 1995. Cette situation juridique explique pourquoi la France ne peut pas ratifier la Charte Européenne des Langues Régionales et Minoritaires ni, a fortiori, la Convention-cadre précitée.101(*)

Si par hasard une appréhension relative des actions ciblées et ponctuelles menées par un « collectif » est autorisée, elle permet surtout de réfuter une transcription juridique de l'action des « groupes » constitués autour d'une notion d'appartenance. Dans ces conditions, la France s'isole de plus en plus par rapport aux principes et aux valeurs reconnus par les autres pays européens en ce qui concerne la reconnaissance des droits culturels. Elle se retrouve en position de lanterne rouge avec les États rétrogrades d'Europe en matière de reconnaissance des langues régionales comme droits culturels. Elle ne saurait rendre, à moins d'un miracle ou de la révision de son texte fondamental, aisée l'adoption d'un instrument autonome et contraignant de protection des droits culturels qui prend en compte cet aspect linguistique.

Ce système juridique qui retient jusqu'alors une lecture individualiste des droits de l'homme et des droits culturels, est donc amené ainsi à gérer la confrontation avec les droits des groupes.

* 95 BOURQUIN J-F., Violence, conflit et dialogue interculturel, Editions du Conseil de l'Europe, Strasbourg, 2003, p. 46

* 96 HENRY J-R., « Le changement juridique dans le monde arabe ou le droit comme enjeu culturel », Droit et Société, n° 15, 1990, pp. 158-159

* 97 KOUBI G., « Distinguer entre droits individuels et droits collectifs », Op.Cit.

* 98 KOUBI G., « Droits culturels et droits des minorités », Droit Cri Tic, 23 décembre 2008, http://koubi.fr/spip.php?article186, consulté le 09 juillet 2009

* 99 KOUBI G., « A la recherche des droits culturels. Entre diversité d'une culture et pluralité des cultures », Droit Cri Tic, 18 février 2008, http://koubi.fr/spip.php?article27, consulté le 09 juillet 2009

* 100 PIERRÉ-CAPS S., « Les figures constitutionnelles de l'Etat-Nation », Les mutations de l'Etat-nation en Europe à l'aube du XXIe siècle : Actes du Séminaire UniDem organisé à Nancy du 6 au 8 novembre 1997, en coopération avec l'Institut de recherches sur l'évolution de la nation et de l'Etat en Europe (IRENEE), Faculté de droit, Université de Nancy, Conseil de l'Europe, Strasbourg, 1998, p. 28

* 101 WOEHRLING J-M., « Le droit constitutionnel français à l'épreuve des langues régionales », Revista de Llengua I Dret, n° 35, Septembre de 2001, Barcelona, pp. 79-83

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