WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

La protection des droits culturels dans la construction européenne : un parent pauvre des droits fondamentaux ?

( Télécharger le fichier original )
par Dominique KAMWANGA KILIYA
Université de Liège - Master Complémentaire en Analyse Interdisciplinaire de la Construction européenne 2008
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

Section 2 : La protection des droits culturels par le droit communautaire

La Communauté Européenne s'est construite autour d'un modèle de société assez original. Ce processus historique de la construction européenne s'est réalisé par une intégration qui s'appuyait d'abord sur l'économie avant de voir ensuite apparaitre l'idée de projet politique en 1992 avec la signature du Traité de Maastricht. Le préambule de ce dernier mentionne, en effet, que les Etats membres confirment « leur attachement aux principes de la liberté, de la démocratie et du respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et de l'Etat de droit » en se déclarant « désireux d'approfondir la solidarité entre peuples dans le respect de leur histoire, de leur culture et de leurs traditions ». A ce titre, l'Union européenne promeut la sauvegarde des droits de l'homme qui inclut la garantie des droits des personnes appartenant aux minorités nationales, l'affirmation de l'identité culturelle européenne qui sont comptés parmi les éléments qui la constituent.109(*)

En effet, l'Union européenne est présentée comme le berceau de l'Etat de droit. Elle est considérée comme la patrie des droits fondamentaux de l'homme. L'article 6 UE du traité d'Amsterdam, repris par le Traité de Nice, a marqué le franchissement d'une nouvelle étape en introduisant, dans ses deux premiers alinéas, ce qui suit110(*) :

« L'Union est fondée sur les principes de la liberté, de la démocratie, du respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que de l'Etat de droit, principes qui sont communs aux Etats membres. L'Union respecte les droits fondamentaux, tels qu'ils sont garantis par la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales signée à Rome le 04 novembre 1950, et tels qu'ils résultent des traditions constitutionnelles communes des Etats membres, en tant que principes généraux du droit communautaire ».

C'est dans le même contexte qu'il été pensé à la proclamation de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

Paragraphe 1 : La Charte des droits fondamentaux de l'union européenne et la

garantie des droits culturels

Proclamée le 07 décembre 2000 à Nice, la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (texte de 54 articles) a pour but d'affirmer solennellement et symboliquement l'engagement de l'Union pour la protection des droits fondamentaux. Elle amplifie les principes déjà reconnus dans les traités constitutifs et les convertit en « valeurs » en ces termes : « L'union se fonde sur les valeurs indivisibles et universelles de dignité humaine, de liberté, d'égalité et de solidarité ; elle repose sur le principe de la démocratie et de l'Etat de droit ». Mais cet instrument est dépourvu de portée contraignante.111(*)

Toutefois, le Traité de Lisbonne lui reconnait la même valeur juridique contraignante que celle reconnue aux traités. A défaut de l'intégrer dans le corps du texte comme le prévoyait la Constitution européenne, il y fait référence dans son article 6 TUE et le reprend comme protocole dans ses annexes.112(*) La ratification du Traité de Lisbonne lui donnera donc la valeur de droit positif contraignant en définissant le fonds commun de valeurs propres aux peuples de l'Union, la valeur morale hautement symbolique que monsieur Braibant a désignée comme « l'âme de l'Europe ». Elle lui donnera une force essentielle à la cohésion européenne.113(*)

Il faut reconnaitre que, comme l'a fait remarquer le professeur Annie Humbert-Droz Swezey114(*), la question des droits culturels relève encore des compétences de l'ONU, de l'Unesco et du Conseil de l'Europe et non de celles des institutions de l'Union européenne. Pour cette dernière, en effet, la culture est essentiellement l'affaire des nations car elle est souvent génératrice de possibles revendications identitaires (du point de vue de la langue, de la religion, du territoire, du pouvoir ou de l'information) qui pourraient mettre en péril le lien politique existant déjà entre les Etats membres et leurs citoyens. Même si les droits culturels préservent les conditions d'une communication interculturelle entre les individus sans laquelle l'idée d'une Europe unie dans sa diversité revendiquée par l'Union européenne ne pourrait se concrétiser, la culture suscite encore des craintes aux pays qui rechignent à laisser filer un contrôle qu'ils s'octroient au nom de l'identité nationale. Ainsi, le chapitre des droits culturels est inexistant dans les textes fondateurs de l'Union. L'article 22 de la Charte ne fait état que du « respect de la diversité culturelle, religieuse, linguistique ».

Mais, dans son contenu, la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne reconnait près de cinquante droits et/ou libertés fondamentales regroupés en trois catégories. D'abord, il s'agit des droits à la dignité (la dignité humaine, le droit à la vie et à l'intégrité de la personne, l'interdiction de la torture ou traitements inhumains ou dégradants, de l'esclavage et du travail forcé), des libertés (droits à la liberté et à la sûreté, respect de la vie privée et familiale, libertés de pensée, de conscience, de religion, d'expression et d'information, d'association et de réunion, des arts et des sciences, professionnelles et d'entreprise, droits à l'éducation, de propriété, de travailler, d'asile, protection en cas d'éloignement, d'expulsion et d'extradition) et de l'égalité (égalité en droit, non-discrimination, diversité culturelle, religieuse et linguistique, égalité entre hommes et femmes, droits de l'enfant, des personnes âgées, intégration des personnes handicapées). Ils sont similaires à ceux garantis par la Convention européenne des droits de l'homme et résultent des traditions constitutionnelles communes des Etats membres en tant que principes généraux de droit (essentiellement les droits civils et politiques). Ensuite, on a les droits fondamentaux réservés aux citoyens de l'Union ou droits à la citoyenneté européenne (droits civiques liés à la participation politique). Enfin, elle contient les droits sociaux qui renvoient à la Charte sociale européenne et à la charte communautaire des droits sociaux fondamentaux.115(*)

Il est dit dans le préambule de la Charte que pour les droits qui résultent de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, dans l'explication figurant à l'article 52, al. 3, leur sens et leur portée sont déterminés par le texte de la Convention européenne et de ses protocoles qui les garantissent ainsi que par la jurisprudence de la Cour de Strasbourg.116(*) Cette disposition vise donc à assurer la cohérence entre la Charte de l'Union et la Convention du Conseil de l'Europe. Elle pose le principe selon lequel « chaque fois que les droits de la Charte correspondent à des droits garantis par la Convention, leur sens et leur portée deviennent les mêmes que ceux que prévoit la Convention ».117(*)

Or, ainsi qu'il a été démontré dans la première partie de la présente étude, certaines dispositions relatives aux droits civils et politiques (articles 8 à 11 et article 2 du protocole n° 1) de la Convention consacrent des droits ayant un contenu à la dimension culturelle et mettent en évidence les droits culturels. Puisque la Charte attribue une portée identique aux droits de la Convention qui correspondent à ceux qu'elle garantit en application du principe de cohérence qu'elle pose et que le niveau de protection qu'elle fournit ne peut en aucun cas être inférieur au niveau qui est garanti par la Convention (les dispositions permettant des restrictions ne peuvent pas être inférieures au niveau garanti dans cette Convention)118(*) ; on peut donc déduire, du point de vue juridique, que lesdits droits de la Charte obtiennent aussi une dimension culturelle et sont de nature à mettre en évidence l'épanouissement des droits culturels au sens où l'interpréterait la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme.

Ainsi, l'application des droits de nature culturelle sont mis en oeuvre, de manière indirecte, grâce aux différents articles sur le respect de la vie privée et familiale, la liberté religieuse renforcée par les libertés d'expression et d'information, de réunion et d'association, le droit à l'éducation (articles 7 à 14). Ceux-ci sont même renforcés par les dispositions relatives aux principes d'égalité, de non discrimination et à la reconnaissance de la diversité culturelle, religieuse et linguistique (articles 20 à 22). Les deux premiers principes acquièrent même une portée autonome, c'est-à-dire qu'ils sont protégés indépendamment des autres droits et liberté garantis par le texte de proclamation. La Cour de Justice des Communautés Européennes est appelée à suivre la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme lorsqu'elle interprète les dispositions de la Charte qui sont « empruntées » à la Convention européenne des droits de l'homme, ce qui, d'ailleurs, est déjà la pratique courante.

En effet, la Charte est souvent invoquée par les avocats généraux de la Cour de Luxembourg. Mais compte tenu du fait qu'elle est dépourvue du caractère obligatoire au stade actuel des choses, elle n'est que très peu appliquée. Elle n'a donc, pour le moment, qu'une valeur indicative offrant aux institutions et aux juridictions communautaires une grille de lecture destinée à appuyer, en tant qu'élément confortatif, un raisonnement dans le cas d'espèce. Une telle situation n'est tout de même pas appelée à durer car la ratification attendue du traité de Lisbonne aura résolu cette imperfection.119(*)

Dans son élaboration, la Charte reprend aussi la notion de citoyenneté européenne déjà instituée par le traité constitutif de l'union européenne. Cette notion reconnait un certain nombre de droits aux citoyens européens en guise de consécration de leur participation au processus de la construction européenne. Il reste à savoir si elle, avec les droits qui y sont reconnus, est de nature se substituer à la reconnaissance et la garantie des droits culturels en tant que droits fondamentaux de la personne humaine tels qu'envisagés par les instruments de protection.

* 109 SÉGUIN P., « Construction européenne et modèle de société », Conférence des Présidents de Assemblées européennes, Budapest, 7-9 juin 1996, p. 4

* 110 s.a, Les traités de Rome, Maastricht, Amsterdam et Nice. Le traité sur l'Union européenne et le traité instituant la Communauté européenne modifié par le traité de Nice. Textes comparés, La Documentation française, Paris, 2002, p. 15

* 111 LOCHAK D., Les droits de l'homme, 3e Ed., La Découverte, Collection Repères, Paris, 2009, p. 53

* 112 BERTONCINI Y., CHOPIN T., DULPHY A., KAHN S. & MANIGAND C. (dir.), Dictionnaire critique de l'Union européenne, Armand Colin, Paris, 2008, p.128

* 113 CLERGERIE J-L., GRUBER A. & RAMBAUD P., L'Union européenne, 7e Ed., Dalloz, Paris, 2008, pp. 93-94

* 114 HUMBERT-DROZ SWEZEL A., « Les droits culturels dans l'espace public européen », In DACHEUX E., L'Europe se construit : réflexion sur l'espace public européen, Laboratoire CNRS Communication et Politique, 2e Ed., Université de Saint-Etienne, Paris, 2003, pp. 57-60

* 115 DONY M., Le droit de l'Union européenne, 2e Ed., Editions de l'Université Libre de Bruxelles, Bruxelles, 2008, pp. 51-52. Lire aussi CLERGERIE J-L., GRUBER A. & RAMBAUD P., Op.cit., pp. 91-92

* 116 Voy. JOCE, 18.12.2000, C 364/22

* 117 DUTHEIL DE LA ROCHERE J., « Droits de l'homme dans la Charte des droits fondamentaux et au delà », Jean Monnet Working Paper, N° 10/01, The Jean Monnet Program, European Union Jean Monnet Chair, Paris, novembre 2001, p. 17

* 118 CARRASCO MACIA L., « Le projet de charte des droits fondamentaux de l'Union européenne », Eipascope, 2000/3, p. 24

* 119 GAÏA P., « La Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne », Revue Française de Droit Constitutionnel, n° 58, 2004/2, P.U.F., Paris, p. 238

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe