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LA Cour de Strasbourg et la Cour du Luxembourg dans la protection juridictionnelle des droits de l'Homme:duo ou duel ?

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par Eric NGANGO. Y
Université Libre de Bruxelles - Master en Droit 2008
  

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SECTION II L'ACTE UNIQUE EUROPEEN ET LE TRAITE

DE MAASTRICHT : LES PREMISSES D'UN DUEL

L'Acte unique européen dans son préambule fera référence aux droits fondamentaux ; l'évolution se poursuivra avec la traité de Maastricht qui vient intégrer la dimension des droits fondamentaux dans le corps même des traités , c'est d'ailleurs sa principale innovation . L'art 6§2 (ancien article F-2) est clair : «  L'Union respecte les droits fondamentaux tels qu'ils sont garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales signée à Rome le 4 novembre 1950, et tels qu'ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux Etats- membres, en tant que Principes généraux du droit communautaire »186(*) . Cet article est une synthèse de la jurisprudence de la Cour .Il est clair, l'évolution est nette dans l'interférence et partant dans les rapports entre les deux systèmes de protection des droits de l'homme, par rapport à la situation qui prévalait dans les traités de base. Il importe aussi de souligner que cette compétence de la Cour de justice s'est affirmée au prix d'un « bras de fer jurisprudentiel »entre la Cour de justice et les Cours constitutionnelles nationales (particulièrement la Cour constitutionnelle allemande). Certains auteurs constatent d'ailleurs la fin avec le fameux arrêt Solange II, qui laissait toutefois persister une inquiétude en raison de la réserve (reserverzuständigheit) de la juridiction allemande ,réserve pouvant lui autoriser un retournement de la manivelle au cas où elle constaterait une défaillance de protection au niveau communautaire .Cette inquiétude à été en partie jugulée avec l'arrêt du 7 juin 2000 où la Cour allemande pose clairement les conditions qui peuvent lui permettre de renverser la présomption de l'équivalence de protection des droits fondamentaux par le droit communautaire (supra )187(*).Quoiqu'il est soi, cette consécration jurisprudentielle, accompagnée de cette formalisation conventionnelle est source d'interférences . Le cap le plus décisif, nous semble t'il, se fera avec le traité d'Amsterdam.

SECTIII LE TRAITE D'AMSTERDAM : UN DUEL PLUS OUVERT

Le traité d'Amsterdam est certainement celui qui a le plus légitimé les soupçons d'un duel discret entre les deux Cours européennes, eu égard aux importantes innovations qu'il apporte, sous l'angle de la protection des droits de l'homme dans l'ordre juridique communautaire. On ne va pas se borner à une recension de toutes ces nouveautés, elles sont bien connues188(*)Renucci les énumèrent en trois points189(*) . Pour notre part, la légitimité des soupçons tient en une série d'éléments :-d'abord, en ce qui concerne l'affirmation des droits fondamentaux comme l'un des principes de l'Union .Dans ce sens, ce traité amende l'art 6, pour affirmer de manière explicite que l'Union est fondée sur les principes de liberté, de démocratie, du respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que de l'Etat de droit190(*) ; -ensuite sous l'angle de la protection de certains droits fondamentaux, il convient de noter que l'art F par 2 du traité sur l'Union européenne était limité par l'ancien article L (article 46 après numérotation) qui prévoyait que la compétence de la Cour ne s'étendait pas à cet article. Dans ce contexte, la protection des droits fondamentaux s'en trouvait réduite. Le traité d'Amsterdam garantit l'application de l'art 6 par 2, en modifiant l'art 46 du traité. Ce qui rend désormais la Cour compétente en cas de manquement des Institutions communautaires aux droits fondamentaux.

Dans ce même registre, on peut citer l'instauration d'un mécanisme préventif des violations des droits de l'homme, mais aussi la sanction (art 7) en cas de violation par un Etat- membre des valeurs sur lesquelles l'Union est fondée. Cette importance reconnue aux droits de l'homme et surtout cette extension des compétences de la Cour est source d'interférences avec la Cour EDH ;- le comble du duel à notre humble avis semble être dans le contenu même des droits instaurés par le traité d'Amsterdam : l'art 13, par exemple ,qui est souvent appelé « clause générale de non discrimination » , même s'il n'a vocation à s'appliquer que dans le cadre du droit communautaire , énumère des motifs de discrimination peu affirmés jusque- là ( ex : interdiction de discrimination fondée sur le handicap ) aussi bien par le PIDCP que par la CEDH191(*) . En réalité, ce sont les deux directives192(*) prises en application de cet article qui portent ces interdictions de discrimination.

Un autre point est celui de l'égalité : il y'a modification de l'art 141 (ancien article 119) qui se bornait à prescrire l'égalité de rémunération. Le traité d'Amsterdam va plus loin en ce qu'il affirme de manière générale l'égalité entre homme et femme. Ajoutons également que le traité d'Amsterdam modifie le préambule du traité sur l'Union européenne en confirmant l'attachement des Etats- membres aux droits sociaux fondamentaux tels qu'ils sont définis dans la Charte sociale européenne de 1961 et dans la Charte des droits fondamentaux des travailleurs de 1989 .Ces differentes innovations se passent de tout commentaire , elles viennent donner une grande dimension aux droits fondamentaux dans le cadre de L'Union et pose le problème de la coordination avec la Cour EDH qui jusqu'à lors était le seul et véritable gardien des droits fondamentaux au niveau européen .La Charte de Nice sur ce point est ambiguë : certains y ont vu une source de pacification , de dégel et de décrispation entre Strasbourg et Luxembourg , d'autres y voient la maturation du duel pressenti entre les deux systèmes.

SECT IV. LA CHARTE DE NICE : UNE SITUATION AMBIGUË

Il est question ici d'analyser l'apport et l'incidence de l'institution d'une Charte des droits fondamentaux de l'UE (sous réserve de l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne bien entendu) sur la relation entre la CEDH et la CJCE. Cet instrument révèle à ce sujet une ambiguïté déconcertante. On peut y voir une cause d'activation de l'interférence (PAR II),

et tout à la fois une occasion d'apaisement entre les deux systèmes (PAR I). Quoi qu'il en soit la Charte vient apporter un plus dans ce que Catherine Schneider193(*) appelle la dialectique de l'ordre et du désordre (en atténuant toutefois la deuxième composante de cette dialectique qu'est le désordre) dans l'histoire des droits fondamentaux au sein de l'Union européenne.

PAR I . LA CHARTE DES DROITS FONDAMENTAUX : INSTRUMENT

D'APAISEMENT ENTRE LES SYSTÈMES

La Charte des droits fondamentaux , proclamée solennellement à Nice le 07 décembre 2000, vient réaliser une certaine coordination avec les autres systèmes (grâce aux dispositions dites horizontales), c'est-à dire le système de la Convention et les systèmes nationaux .Elle contient une série de dispositions visant à assurer une identité de sens et de portée entre les droits énoncés dans les deux instruments , sans préjudice pour le droit de l'Union d'accorder une protection plus étendue que celle de la Convention européenne, standard minimal194(*) . La Charte s'efforce ainsi de réaliser la coordination avec le système de la Convention, en évitant des risques de divergences avec la Cour EDH, à propos des dispositions de la Charte qui reprennent (en actualisant la formulation pour certaines d'entres elles) les dispositions de la Convention. Lors des discussions, les Britanniques et les représentants du Conseil de l'Europe avaient émis le voeu de voir la CEDH rester le texte phare, le texte de référence pour tous les droits de la Charte empruntés directement à la Convention195(*) .L'article 52(3), baptisé clause de correspondance vient concrétiser cela , en soulignant que « dans la mesure où la présente Charte contient des droits correspondant à des droits garantis par la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales , leur sens et leur portée sont les mêmes que ceux que leur confère ladite Convention.... »

La cohérence ,comme le souligne Catherine Schneider , vise aussi les limitations autorisées par le texte aux droits fondamentaux .Ainsi on peut penser que la clause de limitation générale figurant à l'art 52 § 1 n'autoriserait pas de restrictions supplémentaires (fondées par exemple sur la spécificité de l'intégration communautaire ), pour les droits qui sont protégés parallèlement par la CEDH , il y'aurait donc de ce point de vue une « complémentarité négative », alors que la complémentarité positive a reconnu au droit de l'Union la possibilité d'accorder une protection plus étendue que le système de Strasbourg 196(*)(art 52§3) .D'un autre point de vue, la Charte vient réaliser l'articulation avec les systèmes nationaux , ainsi l'art 53 autrement appelé clause de non-régression, dispose qu'aucune disposition de la Charte ne doit être interprétée comme limitant ou portant atteinte aux droits de l'homme reconnus dans leurs champs d'application respectifs par d'autres systèmes juridiques ,parmi lesquels figurent expressément les droits des Etats- membres .Cette disposition ,comme on va le voir, permet au juge national de sortir de l'impasse dans laquelle il pourrait être confronté en cas de contradiction entre ses obligations conventionnelles et communautaires . Toutefois , elle a été vivement critiquée par la doctrine197(*) qui y a vu un « retournement de la manivelle » par rapport à la primauté du droit communautaire sur les droits nationaux des Etats- membres si bien affirmée dans l'affaire Costa c . Enel (supra).De ce qui précède, la Charte peut être perçue comme un instrument d'apaisement des systèmes . Seulement, on ne saurait manquer d'évoquer les critiques inhérentes à toutes ces « dispositions horizontales » qui traduisent ainsi leur insuffisance, plus significativement les risques d'activation des interférences avec le système de la Convention qui résultent tant de l'institution même d'une Charte des droits fondamentaux de l'UE que du contenu de ses dispositions.

PAR II LA CHARTE DES DROITS FONDAMENTAUX ET LE RISQUE

D'AMPLIFICATION DE L'INTERFERENCE

Il convient de souligner les critiques inhérentes aux dispositions envisagées par

la Charte, pour assurer la cohérence avec les autres systèmes198(*) .Comme le souligne madame Simona Alexova, dans son mémoire de fin d'études199(*) , le document explicatif de l'art 52(3) (clause de correspondance) établit par le praesidium de la Convention n'a pas de valeur juridique. Et la CJCE, de ce fait pourrait s'en passer .Cette observation semble toutefois contestable .D'une part, on peut douter de la liberté totale d'un juge lorsqu'il interprète un texte .Cela nous plonge dans la controverse civiliste bien connue, concernant les méthodes d'interprétation du juge, controverse qui a longtemps opposé la thèse de l'interprétation exégétique (rédacteurs du code civil)200(*) qui se limite à la lettre du texte, et la méthode dite de la libre recherche scientifique de Gény201(*) . Selon que l'on penche pour l'une ou l'autre approche, cela change la portée du document explicatif fourni par le praesidium .D'autre part, l'autorité de ce document explicatif ne peut être remise en cause pour la seule circonstance qu'il aurait été élaboré par le praesidium et non par la Convention dans son ensemble, du moment où la valeur de ce document trouve son fondement dans la Charte elle-même. Ainsi, le par 7 de l'art 52 est sans équivoque lorsqu'il impose au juge dans l'interprétation de la Charte de prendre en considération les explications rédigées sous la responsabilité du praesidium de la Convention ayant élaboré la Charte, et mises à jour par le praesidium de la Convention sur l'avenir de l'Europe202(*).

Plus pertinente, est la critique de Simona, d'ailleurs relevée par la doctrine, sur l'absence de référence de cette clause à la jurisprudence de la Cour EDH. Cette lacune a priori permettrait une certaine autonomie de la CJCE dans l'interprétation de la CEDH, source inévitable d'interférences. Mais ici encore ,il convient de faire quelques bémols , tenant notamment au fait qu' une référence directe est faite dans le préambule de la Charte , sauf à soutenir que le préambule ne fait pas partie intégrante du texte de la Charte ( ce qui est un tout autre débat) ; également en vertu du document explicatif susmentionné qui prévoit à propos de l'art 52 que le sens et la portée des droits garantis sont déterminés non seulement par le texte même de la Convention et ses protocoles, mais également par la jurisprudence de la Cour EDH203(*). Schneider souligne d'ailleurs qu'on peut y voir, n'en déplaise aux «  défenseurs intégristes » de la séparation des pouvoirs, l'oeuvre prétorienne de la Cour EDH hissée au même rang que celle du droit écrit, mettant ainsi en jeu l'autonomie de l'interprétation du juge luxembourgeois.204(*)Nous restons de ce point de vue, convaincu qu'il serait difficilement admissible de séparer la Convention de son interprétation. Lorsque le juge interprète la Convention, il la fait parler, pour reprendre les termes de J P Jacqué. L'interprétation donnée par le juge s'incorpore dans l'instrument interprété 205(*) . Dès lors, l'expression selon laquelle « la Convention s'applique telle qu'interprétée » serait une tautologie car l'interprétation s'incorpore au texte, elle vient en révéler le sens.

Une autre critique aussi pertinente est l'impuissance de l'art 52§3 à couvrir tant les droits qui ne sont présents dans aucune des deux listes , les droits consacrés par la Cour EDH à partir d'une disposition qui ne fait pas partie soit de la seconde liste , soit ne figure dans aucune des deux listes , que les dispositions consacrées par la Charte mais absentes du texte de la Convention .Dans le même sens, on se pose la question de savoir si les Pères Fondateurs du texte de la Charte, bien que ne leurs étant pas formellement applicable, peuvent ignorer l'art 32 de la CEDH qui assure l'exclusivité interprétative de la CEDH par la Cour EDH, en aménageant discrètement une interprétation autonome du texte de la CEDH. En faisant abstraction de ces bémols aux critiques des « dispositions horizontales », il y'aurait inévitablement, comme le souligne Olivier Le Bot, une perte de toute garantie contre une interprétation divergente de la CEDH. L'auteur présage d'ailleurs que la Cour du Luxembourg ne prendra probablement pas en compte la jurisprudence de Strasbourg, alors que la clause de correspondance lui impose seulement de prendre en considération le texte de la Convention. La Charte par son existence même que par la portée de ses dispositions est susceptible d'amplifier l'interférence entre les deux Cours. Elle exprime une modernisation et reconnait des droits nouveaux, comme par exemple, le droit à une bonne administration (art 41). Dans certains cas, la Charte dépasse la Convention dans la portée du droit affirmé. L'art 47, par exemple va plus loin que le champ de l'art 6§2 de la Convention, en faisant tomber le double verrou « des contestations sur les droits et obligations civils » ou « du bien- fondé d'une accusation en matière pénale  »206(*).

L'articulation des Cours européennes comme on vient de le démontrer est un véritable « casse-tête chinois ». Mais une analyse poussée de la relation concrète entre les deux Cours révèle un duo harmonieux, ce sont les expressions juridiques de cette relation qui nous intéresse ici, on se focalisera sur ces aspects juridiques en laissant à la science politique les aspects ajuridiques, la frontière étant toutefois assez poreuse.

DEUXIEME PARTIE

LA RELATION ENTRE LA Cour EDH ET LA CJCE

EST PRINCIPALEMENT UN DUO

La deuxième partie de notre étude nous permettra d'examiner la grande collaboration, la coordination, la complémentarité et même la convergence  entre Strasbourg et Luxembourg.

La complémentarité découle de la nature même et des différences entre les deux systèmes , elle s'exprime également par un rapprochement des juges ,qu'il soit physique ( diverses rencontres ) ou juridique ( à travers des emprunts techniques réciproques ) ;c'est aussi d'une collaboration et d'une coordination qu'il s'agit .Les Cours européennes très au fait de l'articulation propice aux divergences que nous venons d'examiner ( Voir titre I) vont se livrer à une véritable « diplomatie judiciaire » 207(*), en même temps ,chacun de ces ordres juridiques va développer dans son système normatif et jurisprudentiel des ponts qui permettent une certaine régulation et une entente avec l'autre . Ce deuxième aspect apparait comme une vérification de « la théorie des contraintes juridiques » développée par Michel Troper, mentionnée plus haut ( supra p 12 ) .Il est toutefois excessif de parler de « contraintes  » , la coordination recherchée et réalisée par les Cours serait plutôt le fruit de certains « scrupules juridiques réciproques »  de chaque système qui, prenant conscience du risque de contradiction s'efforce à ne pas ignorer l'autre . Résultat de ces efforts réciproques- une grande convergence, du moins, un dialogue normatif et jurisprudentiel ; c'est donc globalement d'une complémentarité qu'il doit s'agir, complémentarité qui va permettre au système européen de présenter l'efficacité qu'on lui connait, ceci hélas ! Comme on va le voir en conclusion, bien souvent au détriment des règles d'orthodoxie juridique les mieux établies.

Ceci étant, nous proposons de présenter le « duo juridictionnel entre Strasbourg et Luxembourg » en trois chapitres. Le chapitre premier qui s'intitule une complémentarité technique208(*), mieux fonctionnelle des Cours européennes (CHAP I). Au deuxième chapitre,

nous examinerons, les éléments autorégulateurs de pacification juridique internes à chaque système (CHAP II). Ce sont concrètement des matériaux qui découlent de la nature de chaque système ou tout simplement qui sont consacrés par les textes ou par la jurisprudence, et qui permettent de construire une harmonie, ou tout simplement d'éviter toute incohérence avec les autres systèmes. Enfin, nous nous intéresserons aux verdicts des deux Cours en matière de droits fondamentaux. Ils sont en effet la marque incontestable d'un dialogue, aussi bien lorsqu'elles se mettent au même diapason pour affirmer des solutions à bien des égards similaires que lorsqu'elles font des références et prises en compte réciproques (CHAP III).

CHAP I : UNE CERTAINE COMPLEMENTARITE

TECHNIQUE

Ce chapitre sera divisé en deux sections.

La section première intitulée « la complémentarité par la différence ... » nous permettra d'analyser la complémentarité entre les deux systèmes d'abord au regard d'une meilleure protection du justiciable,( l'hypothèse ici étant de dire que la Cour EDH, du point de vue tant du « droit au droit » que procédural offre des avantages au justiciable que n'offre pas ou n'offre que trop imparfaitement la CJCE et inversement) ;ensuite, complémentarité également au regard de l'office du juge . Cet aspect sera présenté sous l'angle d'une part de la collaboration entre les juges européens qui, est une occasion d'échange d'expériences juridiques et d'emprunts techniques réciproques entre les systèmes juridictionnels ,d'autre part .Ce premier aspect de la complémentarité technique des Cours européennes semble exprimer si bien la pensée d'Antoine de St Exupery : « Si tu diffères de moi, loin de me nuire en effet, tu m'enrichis ».

-Dans le seconde section, nous verrons la plus-value matérielle de la dualité européenne qui vient compléter les développements relatifs à la complémentarité technique entre les Cours européennes ; l'hypothèse ici est de dire que, l'existence de deux Cours européennes compétentes en matière de droits fondamentaux, plutôt que d'une seule est un atout majeur , lorsque l'on songe un tant soit peu à la surcharge des requêtes à laquelle les deux Cours font face ces dernières années en particulier ; il y'aurait ,de ce point de vue ,une certaine complémentarité entre elles dans la protection des droits fondamentaux en Europe . La présence de l'autre est plus qu'indispensable et le partage du terrain dans la protection des droits de l'homme presque incontournable. Ceci étant, nous analyserons la plus-value de la dualité européenne, en d'autres termes le gain résultant de l'existence de deux Cours plutôt que d'une seule, dans la résorption du travail matériel.

SECT I. LA COMPLEMENTARITE PAR LA DIFFERENCE :

«  SI TU DIFFERES DE MOI ...LOIN DE ME NUIRE

TU M'ENRICHIS »

La dualité juridictionnelle européenne est en premier lieu un atout pour les citoyens européens qui sont justiciables devant les deux juridictions. Ceci pour autant que les conditions leur permettant d'ester devant l'une ou l'autre des juridictions soient remplies. Ils peuvent alors tirer profit de la riche divergence ,mieux ,de la grande différence existant entre les Cours européennes (A) ; En second lieu, les deux juridictions sont complémentaires du point de vue de l'office du juge (B) , depuis quelques années les juges européens collaborent dans le meilleur esprit, non seulement pour juguler les incohérences du système, mais aussi pour tirer les meilleurs profit de leurs différentes expériences , ce second paragraphe sera présenté sous l'angle de la collaboration informelle des juges européens et des emprunts techniques réciproques ,qui sont le signe d'un dialogue beaucoup plus discret .

Par I - AU REGARD DE LA PROTECTION DU JUSTICIABLE.

Nous avons souligné plus- haut qu'il était difficile au justiciable de faire un « forum shopping » .Il convient de relativiser cette affirmation. Disons que la dualité européenne de protection des droits fondamentaux laisse quand même le choix au justiciable dans le cas où la juridiction d'une de ces Cours n'est pas pour lui obligatoire, de gagner en allant à la Cour EDH, ce qu'il n'aurait pas à la CJCE et inversement. A travers cette différence relativement enrichissante pour le justiciable, les deux Cours apparaissent comme fortement complémentaires dans son chef, mais il s'agit là d'une complémentarité subjective. L'examen comparatif et analytique d'un ensemble d'éléments de chacun des deux systèmes (procédure, voies de recours, exécution des décisions, délais, technique juridique), l'atteste si bien.

Il convient d'envisager cette complémentarité des Cours européennes, pour des raisons purement méthodologiques à un double niveau : du point de vue de la compétence personnelle, de la procédure et des voies de recours et du point de vue du « droit au droit ».

A- Complémentarité du point de vue de la compétence personnelle, de

La procédure et des voies de recours

On examinera d'abord la complémentarité des Cours européennes du point de vue de la Compétence ratione personae ; ensuite on s'intéressera aux voies de recours et à la procédure ou plus globalement à la technique juridique déployée par les deux Cours pour assurer la protection des droits de l'homme.

1-Complémentarité du point de vue de la compétence ratione personae

La première différence entre les deux Cours qui semble à première vue banale concerne « la juridiction  » des Cours européennes. Autrement dit, la compétence personnelle des deux Cours. Faut-il le rappeler, 20 des 47 Etats-membres du Conseil de l'Europe ne sont pas membres de l'Union européenne209(*) . Certes, l'appartenance à la CE /UE n'est pas en elle-même une condition pour ester devant la CJCE (ainsi plusieurs Etats non -membres de l'Union européenne ont déjà eu à être acteurs devant la CJCE), mais en pratique, le pouvoir d'action de ces 20 Etats est fortement limité et ne saurait être identique à celui d'un Etat-membre. Le système communautaire n'intervient en matière de droits fondamentaux que si la question se situe dans le champ du droit communautaire , les justiciables de ces 20 Etats-membres , ainsi que les citoyens des Etats étrangers qui résident sur le territoire de l'Union européenne sont moins susceptibles d'être visés par les normes de droit communautaire : d'une part ils ne peuvent pas se prévaloir de mêmes droits que les citoyens de l'Union européenne ,certains droits étant en effet limités à ces derniers ( voir par ex : art 18 et 19 §1 CE ) ; d'autre part ils ne sont qu'incidemment concernés par les grandes libertés du marché intérieur , leur marge de manoeuvre devant la CJCE est donc forcement réduite, à défaut de pouvoir justifier de ce lien de rattachement ; de fait, la présence de la Cour EDH est plus qu'indispensable, car elle constitue pour eux la seule juridiction facilement accessible en matière de protection des droits fondamentaux , elle se rapproche davantage que la CJCE de l'idée d'universalité des droits de l'homme.

2 -Insuffisance des voies de recours à Luxembourg-existence d'un recours

direct à Strasbourg

Le système des voies de recours de Luxembourg est assez restrictif et complexe .Cette complexité est due en partie à l'absence d'un recours spécifique en matière de droits fondamentaux. Tout ceci traduit son insuffisance, insuffisance qui pourrait bien être compensée par l'existence d'un recours direct et simple à Strasbourg.

Sur le caractère restrictif des voies de recours , beaucoup d'auteurs critiquent la grande complexité et le caractère restrictif des voies de recours qu'offre le système communautaire au particulier210(*), (malgré une certaine ouverture dans certains domaines, ouverture jugée toutefois toujours insuffisante ) ;sans doute dispose- t-il au même titre que les requérants privilégiés de l'action en réparation dans le cadre de la responsabilité extracontractuelle de la Communauté (art 235 CE), ou du recours devant la CJCE dans le cadre du contentieux de la fonction publique (art 236) . Les autres recours témoignent par contre de la complexité et de l'étroitesse des voies de recours réservées au particulier211(*) . Il convient de souligner que l'étude des voies de recours fait apparaitre une certaine asymétrie entre les différents requérants en ce qui concerne tout spécialement le recours en annulation ( il peut être par voie d'action- art 230 ou par voie d'exception -art 241 CE ) . L'art 230 CE fait très clairement la distinction entre les requérants privilégiés( les Etats-membres, le Conseil et la Commission, le Parlement européen à la suite toutefois ,en ce qui concerne ce dernier , d'une évolution jurisprudielle consacrée par le traité de Maastricht et le traité de Nice , qui l'a fait passer de requérant irrecevable à requérant semi-privilégié ,pour enfin être reconnu comme requérant privilégié 212(*) ; les requérants semi-privilégiés (la Banque centrale européenne depuis le traité de Maastricht la Cour des comptes depuis le traité d'Amsterdam et le Comité des régions lorsqu' entrera en vigueur le traité de Lisbonne . Ces différents organes sont recevables dans une action en annulation pour ce qui a trait à la sauvegarde de leurs prérogatives). Les particuliers sont les grands défavorisés de cet aménagement.

Aux termes de ce même article, les particuliers (personne morale ou physique) sont recevables dans une action contre les décisions dont ils sont les destinataires et celles qui les concernent directement et individuellement. Cette condition qui semblait exclure les recours contre les actes à portée générale, a fait l'objet d'une évolution de la jurisprudence qui insiste sur le fait que le requérant soit « directement et individuellement concerné » plutôt que sur la nature de l'acte en cause. Marianne Dony souligne le caractère restrictif ,malgré tout, de cette exigence, surtout en ce qui concerne les actes à portée générale succeptibles de concerner directement les particuliers sans nécessiter un acte national d'exécution ( affaire Jégo Quéré213(*)) : dans cet arrêt , le tribunal après avoir constaté que le particulier ne bénéficiait pas d'une protection adéquate au sens de la Charte, donne une définition particulièrement large de personne individuellement concernée au sens de l'art 230 CE .Cette définition a été toutefois rejetée par la Cour sur pourvoi dans l'affaire Jégo Quéré214(*) .Une sociologie du contentieux devant la CJCE confirme ce caractère restrictif des voies de recours.215(*)

Sans doute, cette faiblesse est à relativiser au regard de la nature du système communautaire qui s'appuie sur les juridictions des Etats-membres -juges de droit commun du droit communautaire216(*) offrant des recours internes, qui permettent de compenser cette restriction au plan communautaire .En admettant le principe de «  l'effet direct » du droit communautaire, la CJCE a ,par le fait même , donné la possibilité aux particuliers d'invoquer les dispositions du droit communautaire devant le juge national et de se prévaloir de grand nombre de droits individuels 217(*) . L'option la plus efficace eut été toutefois l'institution d'un recours spécifique en matière de droits de l'homme devant le juge communautaire. Il n'en est rien à l'heure actuelle. Et de ce point de vue, le système de la Convention apparait comme un complément indéniable au système communautaire surtout depuis la généralisation du recours direct réalisée en 1998.

Il se pose toutefois la question de la pertinence future d'une telle complémentarité au regard de l'arrêt Bosphorus qui, comme on l'a vu, apporte une condition nouvelle ( du moins de fond) quant au contrôle des actes qui trouvent leur source dans le droit communautaire ,et relativise par le fait même l'efficacité du recours direct devant la Cour EDH .On pourrait imaginer que beaucoup d'affaires portées devant la Cour EDH par les justiciables européens ne se situent pas dans le champ du droit communautaire ,pour ces affaires , l'existence d'un recours direct permet de réaliser la complémentarité avec le système de l'Union européenne .

Sur la complexité du système de voie de recours communautaires, il echêt de constater qu'il n'existe pas une action spécifique dans le cadre du système de l'UE en matière des droits fondamentaux ( supra ) .Le justiciable doit utiliser le système de voie de recours traditionnel prévu , système que la Cour qualifie elle-même de complet( Les Verts /Parlement 218(*)) .La jurisprudence de la CJCE a veillé à éviter qu'un justiciable n'utilise une voie de recours pour en contourner une autre ( supra ) . Ici encore le système de voie de recours de la Convention, en ce qu'il est d'une grande simplicité, pourrait être une alternative, la jurisprudence Bosphorus relativise également cet aspect de la complémentarité entre les deux systèmes.

3 - L'avantage d'une certaine célérité relative à Luxembourg.

Le système de la CE/UE présente un léger avantage du point de vue de la célérité. Dans le système de l'Union européenne, les justiciables bénéficient d'une possibilité de faire saisir la Cour lorsque l'affaire est encore pendante devant les juridictions nationales ; c'est le recours préjudiciel (art 234 CE) .Il est intéressant par rapport à Strasbourg du point de vue de la célérité. Comme le souligne Simonnetti219(*), la durée moyenne d'une question préjudicielle est de 26 mois. Il faut noter également l'existence, dans le reglement de procédure de la CJCE, des procédures accélérées de renvoi préjudiciel ( d'abord l'art 104 bis procédure accélérée de renvoi préjudiciel déroge au règlement de procédure , lorsque les circonstances invoquées établisssent l'urgence extraordinaire de statuer sur la question à titre préjudiciel ; ensuite l'art 104 ter §1 prévoit qu'un renvoi préjudiciel qui soulève une ou plusieurs questions concernant les domaines visés au titre VI du traité sur l'Union ou au titre IV de la troisième partie du traité CE, peut ,si certaines conditions sont remplies à titre exceptionnelle être soumise à la procédure d'urgence dérogeant au règlement) . Pourtant la durée moyenne d'un procès devant la Cour EDH est de 3 ans, après avoir compté 6 mois suite à la décision définitive de la Cour nationale et avoir souvent épuisé toutes les voies de recours internes. De ce point de vue, le justiciable qui veut gagner du temps aurait tout intérêt à adresser un recours préjudiciel qui lui permettra alors de faire l'économie d'une action ultérieure devant la Cour EDH. Toutefois cette analyse est limitée par le fait que la question préjudicielle n'est obligatoire qu'uniquement devant les juridictions nationales dont les décisions ne sont pas susceptibles de recours, également, il faut un « doute » quant à l'application et l'interprétation du droit communautaire.

On pourrait objecter en faisant valoir que cette possibilité (recours préjudiciel) équivaudrait à la procédure de mesures provisoires prévues dans le système de la Convention par l'art 39 du règlement de la Cour, procédure qui du reste statiquement connaît un grand cru. En 2006 par exemple, la Cour avait traité 444 demandes, pour l'année 2007, le chiffre est passé à 867, soit une augmentation de presque 100% (95,27 plus exactement)220(*) . Une telle analogie entre recours préjudiciel à Luxembourg et existence de mesures provisoires à Strasbourg, n'est cependant pas heureuse, car ils ne conduisent pas au même résultat. De plus ce n'est que très récemment, dans l'arrêt Mamatkulov et Askarov c. Turquie en 2005221(*) , que la Cour a pour la première fois condamné un Etat qui ne s'était pas conformé à la mesure indiquée au titre de l'art 39.

4 -Complémentarité en ce qui concerne le champ de contrôle

En ce qui concerne les actes attaquables, il faut dire que, malgré l'extension du contrôle de la Cour EDH au champ des actes qui d'une manière ou d'une autre trouvent leur source dans le droit commmunautaire, il y'a des limites que la Cour EDH n'a jamais franchies, du moment où l'UE n'a pas formellement adhéré au système de la Convention (supra) ; elle serait d'autant moins encline à franchir ces limites depuis sa jurisprudence Bosphorus. Cette limite concerne l'hypothèse des actes des Institutions communautaires qui n'ont pas été introduits dans l'ordre juridique par un support juridique national (affaire behrami, supra)et qui de ce fait restent des actes de l'ordre juridique communautaire. En clair, ce sont les actes des organes de la CE/UE à l'adoption desquels les Etats membres ne sont pas intervenus, pour ces actes, il appartient la CJCE de combler ce vide en exerçant le contrôle de leur conformité aux droits fondamentaux, et de réaliser ainsi la complémentarité, on pourrait toutefois regretter les restrictions des justiciables quant à certains actes (supra). De même la compétence de la CJCE est limitée aux actes de droit primaire. Ici la Cour EDH dans l'arrêt Matthews222(*), après avoir constaté que l'acte de 1976 (droit primaire) ne peut être attaqué devant la CJCE, car il ne s'agit pas d'un acte « ordinaire » de la Communauté, a exercé son contrôle (§ 33). La Cour EDH exercerait sa compétence dans cette espèce en raison de l'incompétence de la CJCE223(*). Cette précision illustre si bien la complémentarité qu'il y'a entre les deux Cours européennes au regard de la protection des droits fondamentaux.

5- Tempérament au caractère juridictionnel de la procédure à Strasbourg : la procédure de règlement amiable -appréciation

Notons l'existence dans le système conventionnel de la procédure de règlement amiable art 38 ,1b et art 39. Elle vient tempérer le caractère juridictionnel de la Cour EDH et présente un avantage par rapport au système communautaire. Les procédures juridictionnelles sont souvent synonymes de « chicane » et de « paperassie » ; cette voie permet ainsi de résoudre la question sous un terrain politique. Elle suppose nécessairement que les deux Parties soient en accord sur la solution définitive fût-elle injuste, comme le dit le viel aphorisme « un bon arrangement vaut mieux qu'un bon procès » ; toutefois, certains  auteurs proposent de décharger la Cour de cette fonction de conciliation (qui à l'origine incombait à un organe non-juridictionnel- la Commission), pour lui permettre de se recentrer sur ses fonctions proprement juridiques, dans un but d'efficacité224(*). On pourrait objecter de la plus- value d'une telle possibilité comparativement à Luxembourg, en soulignant l'existence dans le système de l'Union européenne des procédures non-juridictionnelles qui pourraient apparaitre comme l'équivalent de la procédure de règlement amiable de la Cour EDH : ce sont la possibilité de recourir à un médiateur, la possibilité de déposer une pétition etc... ; Une telle analogie ici également n'est pas assez pertinente car ces différentes possibilités ne sont pas équivalentes.

6-Complémentarité des remèdes apportés aux violations des droits de l'homme.

Il s'agit de comparer les systèmes de Strasbourg et de Luxembourg, au regard de l'autorité et de l'exécution de leurs décisions respectives. Sur ce point, il convient de noter que le système de la CE/UE semble un peu plus contraignant que celui de la Convention. Dans le système de la Convention, les décisions ont « autorité de chose déclarée » et leur exécution est, aux termes de l'art 46 de la Convention, tel que modifié par le protocole 11 , confiée au Comité des ministres , il vérifie que les Etats adoptent bien des mesures générales nécessaires pour éviter de nouvelles violations (modification de la législation, de la jurisprudence , des réglementations ou des pratiques ...) ; il s'assure également du versement au requérant de la satisfaction équitable accordée par la Cour et, dans certains cas, de la mise en oeuvre d'autres mesures concrètes, par exemple une réparation intégrale ( réouverture d'une procédure...) . Si le requérant estime qu'il ne reçoit pas réparation, il peut s'adresser au Comité des ministres. On l'a déjà relevé, la bonne mise en oeuvre de cette exécution ne peut que compter sur une certaine « diplomatie judiciaire » et ne pourrait pas se contenter uniquement du principe pacta sunt servanda. Du coté de la CJCE, les arrêts s'imposent aux Parties, quelle que soit la voie de recours qui a été au départ de l'arrêt. Il faut noter surtout la particularité de l'arrêt rendu sur un recours en manquement qui peut s'accompagner du paiement d'une somme forfaitaire ou d'une astreinte225(*), et des arrêts rendus dans le cadre du contentieux de l'indemnité. Notons également qu'il y'a des sanctions politiques (mise à l'écart de l'UE) qui viennent appuyer la force des décisions rendues au plan juridictionnel. Du point de vue procédural, on voit bien, à travers l'analyse des éléments précédents, la grande complémentarité des deux Cours dans le chef des justiciables et de manière générale dans la protection des droits fondamentaux en Europe ; il en va de même en ce qui concerne le fond même du droit.

B -Complémentarité des systèmes strasbourgeois et Luxembourgeois

du point de vue « du droit au droit »

Jusqu'ici ,l'accent a été surtout mis sur le risque d'interférence entre la CEDH et la Charte des droits fondamentaux, en laissant de côté les innovations qu'apporte la Charte des droits fondamentaux ; la Charte comporte des droits nouveaux ,de ce point de vue la dualité des systèmes ,plus spécifiquement des catalogues de droits fondamentaux peut-être un atout pour le justiciable ;de même les droits garanties par la CEDH bénéficient d'une autorité renforcée dans la mesure où ils sont repris par le CJCE comme Principes généraux du droit communautaire226(*) nous ne nous étendrons pas sur cette question.

Il ne nous reste plus qu'à examiner le deuxième aspect de la complémentarité technique entre les Cours européennes.

Par II - AU REGARD DE L'OFFICE DES DEUX COURS

Nous soulignerons d'abord la collaboration existante entre les Cours européennes (A), avant d'analyser les similarités dans la technique juridique déployée par chacune d'elle, similarités qui trahissent bien les emprunts réciproques de l'une à l'autre. (B).

A- La collaboration informelle des juges européens

Normalement, un juriste ne devrait que très peu s'intéresser aux aspects informels dans le processus de fabrication du droit ; simplement, comme nous l'avons relevé, la complexité du domaine d'étude, commande une approche moins obtuse, le positivisme factualiste par exemple. Car si on fait totalement abstraction de ces aspects informels, l'analyse des normes et de la jurisprudence serait forcement biaisée. Il importe donc de noter au passage que les délégations des deux Cours se rencontrent régulièrement , en moyenne une fois par an, pour discuter des questions jurisprudentielles ou autres , à l'exception d'affaires pendantes ( rien ne justifie toutefois cette exception ,sauf à nous fier à la loyauté de nos juges ) ; le résultat étant un climat favorable au développement des jurisprudences respectueuses l'une de l'autre , compatible l'une avec l'autre 227(*).On comprend aisément pourquoi l'ampleur des divergences jurisprudentielles entre les Cours contraste mal avec l'articulation à tout le moins, imparfaite des deux Cours dans la paysage juridique européen.

* 186 M Dony ; Droit de l'UE ; P 47 Op cit......

* 187 Voir la Contribution de Françoise Tulkens et Johan Callewaert ; La cour de justice, la cour européenne des Droits de l'homme et la protection des Droits fondamentaux. P 190 et S, in L'avenir du système juridictionnel de L'UE.

* 188 On citera sur ce point l'ouvrage de Frédéric Sudre ; La communauté et les droits fondamentaux après le traité d'Amsterdam, vers un nouveau système européen de protection des droits de l'homme ; JCP 1998.

* 189 J F Renucci, Droit européen des droits de l'homme...Op...cit, P 20 et s.

* 190 Nous tirons en partie nos informations sur ce point, du site Europa ; H/SCAPplus la traité d'Amsterdam, liberté, sécurité, justice.

* 191 Voir sur ce point l'intéressante analyse qu'Edouard Dubout fait de cet article 13, in « Tu ne discrimineras pas ... ; L'apport du droit communautaire en Droit interne.

* 192 Voir l'article de Edouard Dubout ; « Tu ne discrimineras pas... » ; L'apport du droit communautaire au droit interne ; P 49 et S.

* 193 Catherine Schneider ; En marge de l'anthropologie juridique : Brèves réflexions sur la dialectique de l'ordre et du désordre pour une histoire des droits fondamentaux dans le système communautaire ; Mélanges en l'honneur de Louis Dubouis , Au carrefour des droits ,Paris : Dalloz 2002 , pp 635-647 .

* 194 Olivier Le Bot La Charte de L'Union....Op Cit......P 19et20. Voir l'art 52 §3 .

* 195 Simona Alexova - Borissova ; Politique/s des droits de l'homme en Europe entre Strasbourg et Luxembourg : Enjeux et perspectives ; Mémoire de Master en Administration publique ; P 19 ; ENA ; Février 2006 ; www.ena.fr/index.php.

* 196 Catherine Schneider ; La contribution de la Charte des droits fondamentaux au système de protection des droits de l'homme de l'Union européenne ; http:/cerise .upmf-grenoble.fr/chercheurs/schneider /textes /odysée 2001.

* 197

* 198 Pour la critique de ces dispositions, voir aussi Olivier Le Bot ; Charte de L'UE et Convention de sauvegarde des droits de l'homme...Op...Cit. P 22et S.

* 199 Simona Alexova -Borissova, Politique/s des droits de l'homme en Europe ...Op...cit.

* 200 Méthode préconisée au XIXème siècle après l'adoption du code civil, par l'école de l'exégèse, ses principaux auteurs sont Duranton, Demolombe, Aubry et Rau. .

* 201 Voir son célèbre ouvrage « Méthode d'interprétation et source en droit privé positif, essai critique.» publié en 1899 ; Ed Yvon Blais.

* 202 Il convient toutefois de faire de signaler que le Royaume-Uni et la Pologne ont obtenu l'adoption d'un protocole « sur l'application de la charte à la Pologne et au Royaume -uni » joint au traité de Lisbonne qui leur confère un statut dérogatoire. Ce protocole autant le dire est plus symbolique.

* 203 Charte 4473/1/00, CONVENT 49.

* 204 Catherine Schneider ; Contribution de la Charte des droits fondamentaux...Op...cit.

* 205 J P Jacqué ; La Cour de justice, La Cour européenne des droits de l'homme et la protection des Droits fondamentaux ; Quelques Observations, in l'avenir du système juridictionnel de l'UE...op.cit ; L'auteur apporte quelques nuances à La contribution commune de Françoise Tulkens et Johan Callewaert.

* 206 Simona Alexova ; Politique/s des droits de l'homme...Op...cit... ; Notons toutefois que la portée de cet article a été de manière extraordinaire étendue par la Cour EDH.

* 207 Laurent Scheeck; Solving Binary...Op...cit ; P 14 .

* 208 Nous préférons parler de coexistence juridique harmonieuse plutôt que de collaboration juridique, parce que aucun mécanisme de collaboration juridique (renvois, recours préjudiciel n'est prévu entre les deux Cours, la collaboration si elle existe est donc forcement informelle.

* 209 Voir liste en annexe.

* 210Voir par exemple Olivier Costa ; L'intervention des citoyens devant les juridictions communautaires : entre réalité et discours de légitimation. Communication à la journée d'études « droit et politique dans l'Union européenne » du groupe du travail sur l'Europe de l'AFSP, 16 mars 2001.

* 211 Cela est d'autant plus vrai que la CJCE a pris le soin de prévenir les éventuels contournements des procédures, par exemple les art 232(3) CE et 230(4) CE gouvernent respectivement l'action en carence contre les Institutions européennes et le recours en annulation d'un acte de droit dérivé, le requérant qui ne satisfait pas aux conditions d'admissibilité du recours en annulation peut être tenté pour le contourner d'utiliser le recours en carence en vue d'obtenir des Institutions la mesure voulue (CJCE 15 déc.1988,Irish c/Cément Ltd/ Commission, Aff. 166&220/86 .) . On ne peut non plus contester un acte sur le fondement de l'art 232 CE quand ce recours est possible sur le fondement de l'art 230 CE, afin de contourner le délai de prescription de deux mois prévu par ce dernier ( CJCE 10 déc. 1969 Eridania Zuccherifici /Commission ,Aff. 10&16/68 ; dans le même sens , un requérant ne peut recourir à l'action en annulation par voie d'exception (art 241), pour contourner les délais de l'art 230 ( CJCE 15 fév. 2001 ; NACHI Europe , Aff. C- 239 /99, § 36) cette tentation est en effet courante dans la mesure où le succès de l'action en annulation prévue par l'art 230(4) CE pour les requérants ordinaires dépend d'un ensemble de conditions strictes ; voir Diane Cottier, L'accès à la Cour de justice des communautés européenne...Op...cit...

* 212 Sur les détails de cette évolution, voir M Dony, Droit de l'Union européenne...Op...Cit...P 256 et S.

* 213 TPI, 3mai 2002, Aff. T-177/01, Jégo-Quéré c. Commission.

* 214 CJCE, 1 avril 2004, aff C-262/02 P, Commission contre Jégo Quéré.

* 215 Voir l'article de Olivier Costa ...Op...Cit...

* 216 C'est d'ailleurs la stratégie de la CJCE, qui à défaut d'ouvrir l'accès direct à sa juridiction, repose sur les Etats-membres pour assurer une protection juridictionnelle efficace, affaire Unibet par exemple du 13 mars 2007, Aff. C-432/05.

* 217 Voir Olivier Costa ; L'intervention des citoyens devant les juridictions....Op.cit ... P 8.

* 218 CJCE, 23 avril 1986, Aff. 294 /83, Les Verts c. Parlement.

* 219

* 220 Discours de J P Costa ; http.justice.gov.sk.

* 221 Cour EDH (GC) Mamatkulov et Askarov c. Turquie, 2005.

* 222 Cour EDH, 18 fév.1999;Matthews c / Royaume-Uni...Op...cit....

* 223 Voir Gaël Dennetiere ; Nouveaux aspects du rapport entre le droit communautaire et le droit de la Convention européenne ; P 26 et S. ; Mémoire présenté en vue de l'obtention du DEA en droit communautaire et international ; Université de Lille II.

* 224 Voir sur ce point Fréderic Sudre ; Garantir l'autorité et l'efficacité de la Cour EDH ; Document de travail ; Commission des questions juridiques et des droits de l'homme ; AS /jur /2008, Assemblée parlementaire 21 fév. 2001.

* 225 Voir sur ce point l'article de Emmanuel Duran ; L'exécution des arrêts de la CJCE en matière de manquement d'un Etat ; Université de Reims champagne Ardenne, Centre d'études Rémois des relations internationales ; FDSP ; http:// helios .www-reims.fr/labos.

* 226 J F Renucci, Droit européen des droits de l'homme...Op...Cit...p 25.

* 227 Francoise Tulkens et Johan Callewaert ; Judges and legislators for a multi-level protection of fundamental rights in Europe , Public Seminar , European parliament , Committee on liberties, justice and home affairs, Bruxelles 08 October 2007; P 4.

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