2-4-4 Les
phytopesticides
2-4-4-1 Généralités
Compte tenu des dangers que présente l'utilisation des
insecticides synthétiques, de nombreuses recherches sont axées
sur l'utilisation des extraits des plantes douées des
propriétés anti-insectes et dont les effets indésirables
n'ont pas été signalés chez l'homme (Isman, 2000). Il
s'agit souvent de plantes consommées dans l'alimentation humaine, par
exemple comme condiment ou épice ou des plantes à activité
médicinale. A cause du coût élevé des produits
chimiques de protection des denrées et pour pallier les pertes
post-récoltes, les producteurs utilisent des techniques alternatives
telles que : le séchage en plein air, le séchage au-dessus
d'un foyer par fumage, l'emploi des substances végétales et
minérales (terres des diatomées), l'utilisation des huiles
végétales au cours du séchage (Giles, 1964 ; Stoll,
1988 ; Bell et al., 1998 ; Stoll, 2000 ; Boeke
et al., 2004).
De nombreuses espèces végétales sont
utilisées traditionnellement pour la protection des denrées,
c'est le cas du margousier ou neem (Azadirachta indica A.
Juss.) (Meliaceae) dont les composés isolés ont
été testés (Akou Edi, 1993), des huiles d'arachide, de
coton, de soja et de maïs (Stoll, 1988 ; Stoll, 2000). De nombreuses
substances végétales se sont montrées comme des agents
répulsifs, perturbateurs du développement des ravageurs ou
insecticides, par de la plante entière ou certaines de ses parties
(Giles, 1964 ; Lambert et al., 1985 ; Bekele et Hassanali,
2001 ; Bouda et al., 2001 ; Tapondjou et al., 2002 ;
Arnason et al., 2002 ; Kim et al., 2003 ; Boeke
et al., 2004). Les familles les plus promotteuses dans la protection
des denrées au cours du stockage appartiennent aux familles des
Meliaceae, Annonaceae, Labiatae, Rutaceae, Asteracae, Canellaaceae (Jacobson,
1989).
L'utilisation des huiles essentielles pourrait aider à
réduire les effets des ravageurs des denrées stockées
à un coût acceptable vu que ces huiles peuvent être
produites artisanalement sur place. Dans les années 1970, la
possibilité d'emploi des composés naturels a été
démontrée (Szafranski et al., 1991). Les insecticides
végétaux en particulier les huiles essentielles ont fait l'objet
de nombreuses recherches dans le but de diminuer les pertes
post-récoltes : ce sont des produits biodégradables,
respectueux de l'environnement et de la faune auxiliaire.
2-4-4-2 Les huiles essentielles comme alternative de
lutte
Les huiles essentielles sont des mélanges très
complexes de monoterpénoïdes, de sesquiterponoïdes et des
phénols (Isman, 2002). Ce sont des produits obtenus à partir des
végétaux dans lesquels les caractéristiques
odoriférantes et aromatiques sont concentrées (Pruthi, 1980). Les
huiles essentielles peuvent être extraites par hydrodistillation,
distillation par vapeur d'eau et hydrodiffusion (Tuley de Silva, 1995).
Au Cameroun, les études réalisées sur les
huiles essentielles ont été pour la plupart axées sur
l'analyse de la composition chimique par chromatographie en phase gazeuse
couplée à la spectrométrie de masse (CG/SM). On peut citer
à cet effet les travaux de Amvam et al., (1991) sur
Zingiber officinale ; Jirovetz et al., (1997) sur X.
aethiopica et, Xylopia parviflora ; Ngassoun et
al., (1999) sur Plectranthus Glandulosus ; Jirovetz et
al., (2000) sur O. gratissimum et X. aethiopica.
D'autres travaux sont orientés dans l'évaluation de
l'efficacité des huiles essentielles d'O. gratissimum et X.
aethiopica soit sur C. maculatus ou S. zeamais (Kouninki
et al., 2005).
Sur le plan mondial, la production des huiles essentielles par
an est d'environ 30 tonnes, ce qui représente un chiffre d'affaires de
15 milliards de francs CFA (23 millions d'Euros) (Amvam et
al., 1991 ; Tchoumbougnang, 1997). Actuellement plus de 200
huiles essentielles font l'objet d'un commerce mondial particulièrement
actif.
Les principaux producteurs sont : les Etats-Unis, la
Chine, l'URSS, le Maroc, la Bulgarie, l'Inde, La France, l'Egypte et l'Espagne.
Le Tableau 3 donne des estimations de la production totale de quelques pays en
milliers de dollars. Ce tableau montre que la production d'huile essentielle
est absente dans bon nombre de pays producteurs de niébé. Le
développement de la production de cette huile serait non seulement
générateur de revenus et d'emplois, permettrait aussi la
fabrication des produits insecticides naturels, porteurs d'espoir pour la
protection des denrées stockées.
Tableau 3:
Estimation de la production d'huile essentielle de quelques pays en
milliers de dollars
Pays
|
Valeurs
|
USA
Chine
URSS
Maroc
Bulgarie
Inde
France
Egypte
Espagne
Algérie
Haïti
Madagascar
Côte d'Ivoire
Burkina Faso
Cuba
|
145000
110000
30000
30000
26000
25000
20000
12000
10000
8000
8000
6000
3500
500
500
|
(Source : Tchounbougnang, 1997)
2-4-4-3 Importance et originalité des huiles
essentielles des plantes aromatiques
pour la conservation des denrées
au cours du stockage
Les plantes ont été longtemps utilisées
par les paysans pour saveur des aliments ou pour protéger les produits
récoltés (Jacobson, 1989 ; Keita et al.,
2000 ; Isman, 2000). Les huiles essentielles extraites de ces plantes ont
été largement utilisées dans la lutte contre les ravageurs
de stocks (Dunkel et Sears, 1998 ; Hamraoui et Regnault-Roger, 1997 ;
Prates et al., 1998 ; Liu et Ho, 1999 ; Golop et
al., 1999 ; Tunç et al., 2000 ; Isman, 2000).
Leurs propriétés insecticides, larvicides et ovicides,
stérilisantes, antiappétentes, répulsives ont fait l'objet
de plusieurs études (Hamraoui et Regnault-Roger, 1997 ; Stoll,
2000). La sensibilité d'un insecte pour une huile essentielle
évolue en fonction de son cycle biologique. La cible d'action de ces
huiles au niveau des insectes est différente de celle des hommes, ce qui
fait qu'aucune toxicité directe sur l'Homme n'a été pour
le moment mis en évidence. En effet, les récepteurs chimiques
chez les insectes n'existent pas dans le système nerveux des
mammifères (Isman, 2000). Ainsi, il a été montré
que plusieurs composés des huiles essentielles (thymol, eugenol) sont
des neurotoxines qui interfèrent avec le neurotransmetteur octopamine
unique aux Arthropodes (Isman, 2002). A cause de leur faible persistance, les
huiles essentielles des plantes aromatiques ne présentent pas de risques
pour l'environnement. Leur activité peut varier en fonction des stades
du cycle de vie d'un insecte (Regnault-Roger, 2002). Les molécules
allélochimiques végétales appartiennent au
métabolisme secondaire : terpènes, alcaloïdes ou
glucosides, molécules qui sont facilement biodégradables par voie
enzymatique, aucun phénomène de bioamplification n'ayant
été décrit (Isman, 2002). Ces composés
allélochimiques ne développent que peu de toxicité pour
les vertébrés et sont régulièrement
consommés dans l'alimentation (Regnault-Roger, 2002).
Les composés chimiques responsables des actions sur les
ravageurs de stock sont les monoterpènes (1-8 cinéole,
l'eugenol, le camphor présents dans les huiles essentielles de O.
gratissimum et X. aethiopica) à effet insecticide sur la
survie de C. maculatus ou S. zeamais (Kouninki et
al., 2005) ou des alcaloïdes à effet inhibiteur du
développement larvaire des ravageurs comme T. castananeum
(Ngamo et al., 2001). Les recherches menées dans le but
d'étudier l'effet insecticide de certaines plantes sur de nombreux
insectes d'importance économique ont révélé des
effets destructeurs et inhibiteurs de la croissance (effet par contact, par
ingestion et par inhalation) et des effets répulsifs. Ces études
ont été réalisées sur des plantes
fréquemment utilisées localement par les paysans comme
épice, condiment, ou en médecine traditionnelle.
Les résultats des tests insecticides effectués
sur C. maculatus avec diverses formulations de plantes et quelques
formulations à base de X. aethiopica utilisées pour le
contrôle des insectes sont consignés dans le tableau 4
Tableau 4: Tests
insecticides réalisés avec des formulations de diverses
plantes
Références
|
Plante
|
Formulation
|
Mode d'application
|
Mode d'action
|
Keita et al. (1999)
|
O. gratissimum
|
Poudre
|
Mélange d'huile essentielle avec du kaolin
|
Protection du niébé contre les attaques de
C. maculatus
six mois après traitement
|
Keita et al. (2000)
|
Hyptis suavolens, Ocimum canum, Ocimum basilicum, Tagetes
minuta, Piper guineense
|
Poudre de kaolin extrait ethanolique
|
Fumigation
|
Effet insecticide
et pertubateur du développement de C.
maculatus
|
Raja et al. (2001)
|
Mentha arvensis, M. piperata, M. spicata et Cymbopogum
mordus
|
Composés volatiles de l'huile essentielle
|
Fumigation
|
Effet ovicide et insecticide sur C.
maculatus
|
Keita et al., (2001)
|
O. basilicum et O. gratissimum
|
Poudre
|
Mélange d'huile essentielle avec du kaolin
|
Effets fumigant et insecticide sur
les adultes, effet retardateur de la croissance de C.
maculatus
|
Tapondjou et al., (2002)
|
Chenopodium ambrosioides
|
Huile essentielle
|
Toxicité par contact et fumigation
|
Effets insecticide
et fumigation observés après 24 heures
sur
C. maculatus
|
Pascual-villabos et Balletesta-Acosta (2003)
|
Ocimum basilicum
|
Huile essentielle
|
Toxicité par contact et répulsion
|
Inhibition de l'oviposition, effet répulsif et toxique
pour les adultes de C. maculatus
|
Tapondjou et al. (2003)
|
Chenopodium ambrosiodes L. et Eucalyptus
saligna
|
Huile essentielle
|
Toxicité par contact
|
Effet insecticide par contact sur
C. maculatus ;
C. ambrosiodes est plus efficace que E.
saligna
|
Jirovetz et al. (2000)
|
X. aethiopica et O. gratissimum
|
Poudre
|
Mélange d'huile essentielle avec du kaolin
|
Effets insecticides sur S. zeamais
|
Ngamo et al. (2001)
|
X. aethiopica et O. gratissimum
|
Poudre
|
Mélange d'huile essentielle avec du kaolin
|
Effet insecticide
de deux huiles essentielles sur S. zeamais
|
(Source : Kouninki, 2005)
CHAPITRE III : METHODOLOGIE
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