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Figure de l'autre et construction de l'identité de la victime à  travers l'association des étudiants et élèves rescapés du génocide, (AERG).

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par Eric Ndushabandi
Université Nationale du Rwanda et Facultés Universitaires Saint Louis- Bruxelles - PhD Student 2010
  

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Figure de l'autre et construction de l'identité de la victime à travers l'Association des Etudiants et Elèves Rescapés du Génocide, (AERG).

Par NSANZUBUHORO NDUSHABANDI Eric, (Doctorant-FUSL)

Chercheur et Enseignant à l'UNR-Rwanda.

Introduction

Du 7 au 13 avril de chaque année, se tient au Rwanda en général et à l'Université Nationale du Rwanda, (UNR) en particulier, une semaine de commémoration du génocide « commis contre les Tutsi »1(*) en 1994. L'Association des Etudiants et Elèves Rescapés du Génocide, (AERG), à travers les universités et les écoles en général joue un rôle prépondérant dans l'organisation et la prise en charge de cette semaine de deuil national. Depuis quelques années, l'UNR a décidé de ne pas renvoyer les étudiants en vacances, contrairement aux autres universités publiques et privées du Rwanda. Ce qui permet aux étudiants et enseignants de rester présents sur le site universitaire et ainsi prendre part aux activités de commémorations organisées par l'AERG. Comment comprendre le haut degré d'investissement de l'AERG dans la commémoration ? Comment l'AERG se construit-elle en lieu de socialisation ? Quel est le rôle des « autres » acteurs en présence par rapport à la volonté de socialisation de la victime et par rapport à la construction de sa propre identité ? Ces questions centrales constituent le fil rouge de notre réflexion qui s'est inspirée de nos observations pendant la semaine de commémoration à l'UNR. Ainsi l'hypothèse de recherche stipule que « la commémoration contribue de façon significative à la construction d'une identité qui se recherche et se défini sans cesse par rapport à «l'autre ». Cet « autre » qui bascule entre « l'autre avec nous » et « l'autre contre nous » d'une part, et « l'autre indifférent » d'autre part" ». Les discours prononcés, les thèmes débattus et les point des vus des enquêtés nous ont servi de base empirique pour vérifier cette hypothèse2(*).

Approche théorique et considérations méthodologiques

Poser une problématique en rapport avec l'identité et l'altérité en même temps, c'est à première vue faire un retour aux théories philosophiques les plus classiques incluant les théories existentialistes chrétiennes3(*) et athées. Cependant nous nous écarterons légèrement de ces approches spéculatives pour embrasser ces notions sous un angle plus sociologique et politologique.

Dans ce contexte, nous ferons recours aux notions d'identité sociale, identité politique et la notion d'intégration sociale qui passe par la communalisation et la socialisation. Paul Ricoeur dans son ou ouvrage « Soi-même comme un autre »4(*) il parle de deux catégories contradictoires du propre et du semblable qui sont inséparables l'une de l'autre. Martin Buber, dans son « Je et Tu »5(*), l'altérité est plus fortement marquée. Il considère que le « moi » ne peut exister sans l'autre, il est même son « alter ego » ou « l'autre soi-même ». Denise Jodelet quant à elle, elle parle de la « corrélation entre soi et autrui » et nous inspire une approche théorique nous permettant d'affirmer que si les membres peuvent être « nous » c'est aussi l'altérité qui le permet. L'altérité permet donc au « nous », non seulement de se définir, mais aussi de se réaliser pleinement6(*).

Faisons notre entrée dans cette réflexion en empruntant à Bernard LAMIZET son approche de l'identité :

« L'identité donne un sens à l'existence. Dès lors, la question de l'identité revêt une dimension sociale du fait que l'existence ne saurait se réduire à sa dimension singulière. Le langage nous inscrit dans des formes sociales de reconnaissance, de communication de citoyenneté, et dans ces conditions notre identité ne saurait se penser qu'en termes de sociabilité. L'identité dont nous sommes porteurs et qui fait de nous des sujets se fonde, se construit dans le rapport à l'autre qui fait de nous des sujets en nous nommant et en nous reconnaissant l'existence»7(*).

Nous retiendrons de cette pensée, trois idées fondamentales dont la première considère qu'en disant «  nous » nous donnons sens à notre existence.

La seconde renvoie à la notion de « l'altérité ». Le « nous » ne saurait exister sans  « l'autre ». Et donc l'identité revêt une dimension sociale du fait que l'existence ne saurait se réduire à sa dimension singulière.

Enfin, une troisième idée prend en compte les deux premières et évoque l'identité qui se recherche, s'affirme elle-même. Elle sollicite également chez l'autre reconnaissance, relation et protection.

Cette approche nous permet d'aborder notre cas d'étude, qui est celui de `'l'Association des Etudiants Rescapés du Génocide de l'Université Nationale du Rwanda ». Pourquoi ce choix ? Qu'est-ce que l'AERG ? Qui est cet « autre » et quelles sont ses multiples figures dans l'entendement de la victime membre de l'AERG?

Cette série de questions constitue l'ossature même de notre réflexion. Dans un premier temps, nous aborderons l'AERG entant que structure sociale qui préside à une forme de « communalisation » et de « socialisation ». Comment est-elle née, quelles sont ses missions et ses activités ?

Dans un second temps, nous aborderons cette notion de l' « autre » qui s'exprime en trois temps : l'autre avec nous, l'autre indifférent et l'autre contre nous qui, enfin, ré-évoque le « nous » dans le besoin constant de protection(P).

Concrètement, ces multiples figures de « l'autre » sont constitutives de la communauté universitaire. Ce sont les étudiants et le personnel de l'université d'une part, et les autorités politico-militaires locales et nationales dans leurs perceptions et rôles respectifs dans la construction de l'identité des étudiants rescapés du génocide.

Plusieurs sources ont constitués le corpus de notre recherche dont, les statuts de l'AERG, les données de nos observations faites pendant les commémorations du génocide à l'UNR en 2010 et les interviews menées auprès des étudiants membres de l'AERG. Ces sources ont servi ici de base empirique pour vérifier notre hypothèse. L'approche des représentations sociales empruntée à Denise Jodelet nous permettra d'étudier les dimensions symboliques sous-tendant tout rapport de « nous » à « l'autre » et les multiples figures de ce dernier à travers les discours, les opinions et les comportements politiques8(*).

I. L'AERG et la construction de l'identité ?

Dans cette section nous reviendrons très rapidement sur le contexte sociopolitique après le génocide à l'Université Nationale du Rwanda. Ceci nous permettra de saisir les valeurs fondamentales qui ont motivées la naissance de l'AERG. Ensuite nous tenterons d'esquisser les modes de communalisation et de socialisation de l'AERG à travers les « familles ».

I.1. Contexte général

Le génocide commis contre les Tutsi en 1994 au Rwanda a entraîné des nombreuses destructions sur le plan Humain, matériel et culturel.

Sur le plan humain, le génocide a emporté plus d'un million des morts en cent jours. Il a également entraîné des mouvements des populations de l'intérieur et de l'extérieur du pays. Les populations de l'intérieur se sont déversées sur les pays voisins, d'une part et les Tutsi vivant en exile depuis trente ans se sont vite précipités à rentrer au pays après la victoire militaire du Front Patriotique Rwandais9(*). Plusieurs chantiers de reconstruction furent entrepris dès 1995 dont la réouverture de l'Université Nationale du Rwanda qui avait fermé ses portes dès le début du génocide en 1994. L'UNR ouvrit ses portes dans des conditions précaires et complexes.

Sur le plan social plusieurs tendances se profilent. C'est d'une part les anciens étudiants et fonctionnaires de l'UNR qui ont assisté ou du moins participé de près ou de loin aux crimes de génocide. D'autres part, des nouveaux inscrits et des nouveaux professeurs et chercheurs qui ont passé plus de trente ans ou moins en exile.

Plusieurs langues et habitudes cohabitent. Certains rwandais, ayant subit des influences culturelles de l'étranger, parlent anglais, d'autres parlent le français et bien d'autres encore le swahili et/ou le lingala selon l'origine de chacun: Ouganda, Zaïre, Burundi, Tanzanie Kenya. Les interférences linguistiques sont très significatives. Quand un Rwandais de l'intérieur s'exprime, l'accent du nord par rapport au reste du pays permet de distinguer ceux du nord plus rapprochés au régime déchu en 1994. La notion du « véritable Rwandais » et du « faux Rwandais » est mobilisé. Ceci se manifeste surtout par des jargons idéologiquement, socialement et politiquement chargés qui se font entendre.

Les Rwandais qui étaient à l'intérieur du pays pendant le génocide sont indistinctement appelés « sopecya »10(*), Ceux qui sont venus du Congo, ils sont appelés des « dubaï 11(*)». Ceux qui sont venus du Burundi sont, quant à eux, appelés « les GP12(*) ». C'est dans ce contexte que va naître l'initiative de mettre sur pied une association des étudiants rescapés du génocide.

* 1 Nous adoptons ici la qualification officielle tout en reconnaissant les évolutions qui ont eu lieu depuis 1994 sur cette question au Rwanda.

* 2 Certaines de ces questions ont été posées par BUGWABARI Nicodème, dans ses manuscrits sur la conduite de la commémoration du génocide au Rwanda.

* 3 « Le chemin de soi passe par l'autre », Lire MARCEL G., L'Etre et l'Avoir, Paris, Aubier, 1935.

* 4 RICOEUR P., Soi-même comme un autre, Paris Ed. du Seuil, 1990, p.195.

* 5 BUBER M., Je et Tu,, Paris, Aubier, 1938.

* 6 JODELET D., « Formes et figures de l'altérité », dans SANCHEZ-MAZAS M. et LICATA L., (S/dir), L'Autre : Regards psychosociaux, Grenoble, Presses de l'Université de Grenoble, 2005, pp.23-47. 

* 7 LAMIZET B., Politique et identité, Lyon : P. U. Lyon, 2002, p.5.

* 8 JODELET D., Op.cit., 2005, pp.23-47. 

* 9 Le FPR est le parti au pouvoir depuis 1994 en passant par une transition allant de 1999 et les premières élections post génocide gagnées en 2003.

* 10 Ce terme reprend le nom d'une station pétrole non loin du centre ville de Kigali au rond point croissant la route vers kimihurura et celle qui continue à Remera. Ce jargon serait rapproché à la sexualité. Du fait qu'à la station toutes les voitures s'y approvisionnent, de même semble t-il les filles « sopecya »étaient des femmes faciles à convaincre.

* 11 Tandis que le jargon de «dubaï» se rapportait au produit de « dubaï » qui fait voir une bonne surface alors qu'en réalité les produits chinois n'ont pas de durabilité. Quand on dit que tel produit est de « dubaï », c'est pour te prévenir de ne pas te fier à la façade qui brille. Peut-être que le glissement de sens renvoie à l'esprit mercantile et de superficialité à ceux qui sont venus du Zaïre.

* 12 GP ou Garde Présidentielle est un accolé à ceux qui sont venus du Burundi. Un peut à parenté aux GP de l'ancien régime de Habyarimana se fiant un peut trop à la bière et à l'ambiance qu'au travail.

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand