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Exclu-e-s du livret de famille : les parents sans statut, se raconter au sein d'une pluriparentalité

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par Elodie Regnoult
Université de Bretagne Occidentale - Master 2 2011
  

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2.2 L'entourage comme témoin quotidien de la parentalité

La famille élargie

Pour Lisa, les parents de Véronique n'en ont que pour Christian, seul coparent à leurs yeux. La mère de Lisa ne se sentirait pas concernée. Dans la famille d'Eva, Martine trouve que c'est plus compliqué que dans la sienne. La mère de Martine aurait accueilli Esteban avec autant d'amour selon elle, que s'il était né dans une famille hétéroparentale, que si Martine était mariée à un homme.

Eva aurait vécu une épreuve difficile lors de l'annonce de son homosexualité à 21 ans. Elle aurait été rejetée, niée dans sa vie, ses désirs, l'objet de manipulation et de railleries. Par la suite, le fait que Martine porte un enfant - même si c'était leur projet à toutes les deux - a donné lieu à la fois à de l'indifférence pour ses parents et à de la condamnation pour son frère et ses cousins. Le fait d'avoir un enfant représentait pour elle le scellement de leur union, il serait devenu clair qu'elles avaient un projet de vie à moyen terme. Elle pense que l'indifférence de ses parents était une manière de nier son couple. L'arrivée d'Esteban aurait ensuite très rapidement détendu les relations avec ses parents. Sa mère aurait fondu devant le nourrisson, son père aurait suivi. Ce serait aujourd'hui beaucoup par Esteban que leur relation s'exprimerait mais à aucun moment, ses parents ne la reconnaîtraient comme ayant un enfant. Ils penseraient tout au plus qu'elle s'est mise une responsabilité sur le dos. Son frère quant à lui, à ce jour serait très distant et désapprouverait, selon elle, « qu'elle ne satisfasse pas tous les désirs de ses parents ».

Les familles élargies d'Eva et de Lisa - et principalement leurs parents - auraient pu jouer le rôle de témoins de la parentalité, en reconnaissant l'enfant comme appartenant à leurs familles. Cela se traduit par la définition de soi comme grand-parent, et la définition de l'enfant comme petit-fils. Ces définitions reviennent à inscrire symboliquement l'enfant dans sa propre lignée et ainsi, confirmer l'identité de parent d'Eva et de Lisa.

Elles ne peuvent pas ici faire valoir ce mode de reconnaissance mais l'évocation même de ce qui me semble être une déception, montre que certaines attentes existaient, qu'elles n'ont pas trouvé réponse, et que cette reconnaissance de la part de la famille est un élément important pour elles.

Par ailleurs si Lisa m'a parlée d'elle-même de sa mère qui ne se sentait pas concernée, Eva et Martine ne m'ont parlé au départ que d'une situation plus compliquée avec la famille d'Eva. C'est parce que je lui ai demandé si elle pouvait m'en dire plus, si cela n'était pas trop personnel qu'Eva a précisé. Ce qui me fait penser que ce manque de reconnaissance n'est que relativement dicible pour se faire valoir comme parent auprès de moi, de ce que je représente. Si Lisa pouvait parler plus facilement des personnes qui ne la reconnaissaient pas comme parent, c'est - je pense - dû à notre mode de rencontre127 et à ses propres études en sciences humaines et sociales. Elle connaît ma démarche et pas seulement en tant qu'enquêtée, l'ayant elle-même pratiquée en tant que chercheuse. Eva et Martine savent moins ce que je vais faire de leur discours, la prudence est donc certainement plus présente.

Les parents statutaires

Lisa n'est pas sûre que Véronique et Christian la voient comme un coparent à part entière car cette coparentalité est restée fortement axée sur le couple de géniteur et génitrice. Elle croit que même Axel, si présent auprès de Thibault, plus concrètement présent que Christian qui serait accaparé par sa vie professionnelle, n'est pas vraiment considéré comme père ou parent et elle ne sait pas comment il le vit. Quant à elle, en 2001, Christian ne voulait plus la croiser et Véronique la tolérait comme « marraine » de Thibault. Si au début, c'était une garantie qu'elle existait toujours, elle aurait tout fait pour rester « parent » à part entière.

Quant au fait qu'elle se soit « affirmée comme parent », cela aurait été une réponse au sentiment qu'elle avait que ses coparents auraient bien tiré un trait sur sa parentalité, notamment par cette nouvelle appellation de « marraine », et il aurait donc fallu qu'elle s'impose. Elle serait devenue « floue », précise-t-elle en faisant référence à la chanson d'Anne Sylvestre qui dit ça : « floue, je te vois floue » pour une histoire d'amour qui s'est évaporée. Elle croit qu'elle n'aurait rien eu, aucun droit si elle ne l'avait pas demandé car Thibault était trop petit pour faire valoir cette sorte de besoin.

127 Nous nous sommes rencontrées sur une liste de diffusion pour doctorant-e-s, étudiant-e-s, jeunes chercheur-es en question de genre et études féministes.

Dans les récits de Martine et de Vanessa, il apparaît clairement qu'elles ont un rôle important dans la confirmation de leurs amies comme parents. Pour Martine, Eva a la place qu'elle prend, qu'elle veut prendre mais Martine est la mère d'Esteban. Qu'Esteban se réfère aux autres adultes, c'est parfait pour elle, elle ne lui met pas de limites à ce niveau-là. C'est avant tout avec Eva qu'elle fait des enfants. Vanessa dit qu'elle s'est battue pour que Karine ait sa place de parent tout comme elle aurait aimé que Karine fasse de même si elle avait été la mère statutaire.

Les parents statutaires - et a fortiori la mère à qui est conféré le savoir de ce qui est le mieux pour son enfant - sont les premiers à être reconnus comme légitimes à définir l'entourage de leur enfant. Par ailleurs, Vanessa l'exprime comme un devoir lorsqu'elle dit qu'elle a du dire « stop » à ce qu'elle juge être un manque de responsabilité de la part de Karine, « stop » qui s'est traduit par une rupture de contact. Ce sont les parents statutaires qui décident de chez qui l'enfant peut se trouver, des lieux où il peut être - à travers la notion de responsabilité. Si l'enfant est chez un adulte sans l'autorisation des parents, cet adulte en France, peut être accusé d'enlèvement. Donc l'absence de statut n'implique pas seulement que la relation soit négociée dans le privé, elle nécessite qu'elle soit négociée avec les parents statutaires qui ont des droits.

Le choix des parrains et des marraines

Du côté de Vanessa et Karine, Antoine aura deux marraines et un parrain : une grande amie à Vanessa, la soeur de Karine et le frère de Maël. Là encore, et dans la même logique que la mobilisation des différentes structures de l'enfance, il s'agit d'une stratégie qui permet de créer un lien plus « officiel », reconnu à travers les parrains et marraines. Que la soeur de Karine soit la marraine d'Antoine crée un lien entre la famille de Karine et son enfant. De plus, le fait que la soeur de Karine accepte d'être la marraine d'Antoine peut démontrer qu'elle reconnaît Karine comme étant parent d'Antoine. Et le fait que les parents statutaires, qui ont le pouvoir de décisions, acceptent que la soeur de Karine soit la marraine d'Antoine, démontre également qu'il la considère comme parent.

L'entourage quotidien qu'il soit la famille élargie, les parents statutaires, ou les parrains et marraines peut témoigner de l'exercice de l'activité parentale. Par l'accès ou leur appartenance à la sphère privée des parents sans statut. Si la reconnaissance ne parait pas « institutionnelle » de la même manière que parait celle de l'école, l'Etat civil ou le PaCS, elle

touche néanmoins à la vie de tous les jours, aux pratiques de tous les jours, à la vie ordinaire des familles. L'école, le PaCS, l'Etat Civil permettent de faire reconnaître les parents tels qu'ils et elles sont dans la sphère publique tandis que l'entourage quotidien permet de faire reconnaître leurs pratiques privées, dans la sphère publique. C'est aussi ce que les personnes rencontrées attendent généralement des sociologues (ou tout autre chercheur/se rencontré-e). Notre accès à leur espace privé dans une situation particulière (celle de l'enquête) permet de faire passer leur expérience dans l'espace publique.

Cela ne signifie pas que les parents sont toujours ce qu'ils et elles sont de manière égale que ce soit en présence des familles élargies, de la sociologue ou exclusivement du couple. La mise en scène de soi est bien évidemment différente128. Néanmoins, en mobilisant ces personnes pour se faire reconnaître, c'est bien leur espace privé qu'ils et elles cherchent à faire reconnaître - et à rendre public par le biais de la sociologue.

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"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo