WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Histoire et épidémiologie historique de la noyade dans le Rhône XIXème-XXème siècles


par Charlotte Gouillon
Université Lyon 2 - Master 2 2025
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

CHAPITRE 2

LA PRISE EN CHARGE DES NOYÉS DANS LE DÉPARTEMENT DU RHÔNE AU
XIXÈME SIÈCLE ET DANS LA PREMIÈRE MOITIÉ DU XXÈME SIÈCLE

Maintenant que nous avons pu évoquer les différentes morts qui sont recensées dans le département du Rhône de 1800 à 1939 au sein des archives des PV des ADR, nous allons désormais nous intéresser au profil et à la prise en charge des noyés. Pour ceci, nous allons nous appuyer sur les archives des PV des ADR mais également sur les registres d'entrée des corps à la morgue qui concernent des victimes ayant péri à Lyon de 1939 à 1950. Dans notre base de données, nous recensons 1064 cas de noyades qui ont eu lieu entre 1811 et 1950. Parmi ces 1064 cas, 843 noyés ont été recensés au sein des côtes 4M488 à 4M495 qui correspondent aux archives des procès-verbaux des ADR dans le département du Rhône durant la période s'étendant de 1800 à 1939, et 221 noyés ont été recensés au sein des registres d'entrée des corps à la morgue qui correspondent aux archives de l'ILM situées aux AML. Nous devons apporter quelques précisions quant aux archives de la morgue, ces dernières ne mentionnant que très rarement les dates et les lieux de disparition des victimes, nous ne nous appuierons donc pas sur ces dernières pour fonder les statistiques qui concernent ces aspects.

I- Le profil des noyés

Dans un premier temps, nous allons établir une sociologie des noyés en proposant des chiffres et des statistiques qui nous permettent de saisir quel était le profil des victimes de noyade dans le département du Rhône au XIXème siècle et dans la première moitié du XXème siècle et qui nous permettra également de poursuivre temporellement les travaux réalisés par Françoise Bayard au sein desquelles elle avait établi le profil des noyés à Lyon durant les XVIIème et XVIIIème siècles.

75

a) Le sexe des noyés

Tout d'abord, nous allons nous intéresser au genre des victimes de noyade. Comme nous avons pu l'observer au cours de nos précédentes analyses, les morts sont véritablement genrées aux XIXème siècle et au début du XXème siècle dans le Rhône, laissant toujours apparaître une écrasante majorité de victimes de sexe masculin sauf en ce qui concerne les cas d'auto empoisonnement qui représentent uniquement des femmes mais en très faible proportion. Sur les 1064 victimes de noyades que nous avons pu recenser au sein de notre base de données, 159 cas concernent des femmes, 836 des hommes, et enfin, pour 69 victimes, le sexe est inconnu.

L'idée selon laquelle les morts recensées concernent une majorité d'hommes est alors une fois de plus vérifiée pour le cas des noyades. Mais comment expliquer cette théorie qui laisserait supposer que les femmes meurent moins que les hommes? Françoise Bayard avait déjà pointé ce phénomène au sein de son étude et déclarait : « À Lyon, à l'époque moderne, la baignade est pratiquée par les deux sexes à tout âge, dans tous les milieux sociaux, à tout moment, dans des lieux variés et selon des modalités différentes. À examiner seulement les levées de cadavres de noyés, on pourrait croire

que la natation est réservée aux hommes et aux petits garçons185 ». Si l'on s'en tient au cas des noyades, force est de constater qu'une majorité d'homme se noie, réalité encore d'actualité et justifiée par l'OMS par le fait que les hommes seraient davantage en contact avec l'eau et auraient un comportement plus risqué tels que le fait de nager seul, de boire de l'alcool avant d'aller se baigner ou de pratiquer des activités nautiques186. Cette explication s'applique d'autant plus aux périodes qui nous concernent étant donné que rares étaient les femmes qui pratiquaient ce genre d'activités seul.

b) L'âge des victimes

L'âge de la victime est un autre facteur de risque important. Pour les cas des victimes dont nous connaissons l'âge, la moyenne se situe à environ 29 ans. Les plus jeunes victimes que nous rencontrons sont âgées de moins d'un an, nous rencontrons également plusieurs cas de foetus n'ayant pas atteint le terme de leur développement durant la grossesse, mais nous aurons l'occasion d'y revenir plus tard. La victime la plus âgée que nous avons pu observer avait quant à elle 77 ans. De 1 an à 77 ans, tous les âges sont représentés chez les noyés, mis à part les âges de 2 et 73 ans. Sans comptabiliser les foetus et les bébés âgés de moins d'un an, l'âge des victimes de noyade qui revient le plus souvent dans notre base de données est l'âge de 18 ans. On comptabilise ainsi 21 victimes âgées de 18 ans, 18 âgées de 25 ans, 17 âgées de 40 ans et 16 âgées de 17 ans. Nous pouvons d'ores et déjà admettre que les victimes les plus courantes de noyades entre 1800 et 1950 sont de jeunes hommes âgés pour la majeure partie de de 17 à 40 ans.

185 Françoise BAYARD, « Nager à Lyon à l'époque moderne, 17ème-18ème siècle » dans Jeux et Sports dans l'Histoire. Actes du 116ème Congrès national des sociétés savantes. Section histoire moderne et contemporaine, Chambéry, 1991. Paris, éditions CTHS, 1992, p229-242.

186 OMS, « Noyade », publié le 25 juillet 2003. Consulté le 3 juin 2024. Disponible sur : < https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/drowning>

76

77

c) La nationalité des victimes

Concernant les nationalités identifiées chez les noyés, il n'est rien d'étonnant d'observer une majorité de victimes françaises qui représentent à elles seules 709 des 1064 cas.

78

Il est également fréquent que la nationalité de la victime soit inconnue, notamment pour les cas dont l'identité n'a pas été retrouvée, dû en majorité au fait que l'avancée de la putréfaction demeure trop importante pour qu'une identification soit rendue possible. La nationalité que l'on retrouve en seconde place est la nationalité italienne, représentée dans 8 cas, puis algérienne qui regroupe quant à elle 6 cas. Dans le graphique ci-dessous, nous avons exposé l'ensemble des nationalités rencontrées au sein de notre étude.

d) Les professions des noyés

La profession de la victime peut elle aussi être un facteur de risque intéressant à étudier. En effet, nous allons pouvoir confirmer ou non l'idée selon laquelle le fait d'avoir un travail à proximité ou sur un cours d'eau engendre un risque plus élevé face à la noyade mais également si la classe sociale exerce une quelconque influence. Sur les 1064 noyades que nous avons relevé, nous connaissons le métier de la victime dans seulement 28,95%. Au total, nous comptabilisons environ 100 métiers différents exercés par ces victimes, et nous observons que la classe sociale la plus souvent représentée est la classe ouvrière ; on compte notamment 18 catégories différentes d'ouvriers, parmi lesquelles nous retrouvons les célèbres ouvriers en soie lyonnais qui sont au nombre de 24, mais également des ouvriers imprimeurs, serruriers, maçons, jardiniers ou horlogers qui représentent un total de 48 noyés sur les 308 dont nous connaissons la profession.

79

Nous pouvons observer que bon nombre de victimes avaient exercé ou exerçaient dans les forces militaires puisque l'on ne comptabilise pas moins de 38 victimes ayant une profession en lien avec l'armée.

Les domestiques quant à eux sont représentés à 15 reprises tandis que les voituriers le sont 7 fois. Concernant les professions qui sont directement en lien avec le fleuve, nous rencontrons un conducteur de bateau (nous parlons bien ici de la profession et non pas de l'activité pratiquée par la personne avant qu'elle se noie), 12 mariniers, 1 ouvrier en bateau, 2 gardiens de bateau, 3 sablonniers, 2 meuniers et 1 mousse187. On peut donc observer que ces professions en lien direct avec le Rhône et la Saône ne représentent pas la majorité des victimes des noyades, et que chacun est susceptible de se noyer peu importe sa profession, même si la classe sociale dominante des victimes demeure en grande majorité la classe ouvrière. Néanmoins, nous retrouvons quelques cas issus de métiers considérés comme prestigieux et de la classe bourgeoise, tels que Jean Viallat, chirurgien qui s'est suicidé dans le Rhône près du pont de la Mulatière en 1818188, ou Georges Curt, instituteur de 25 ans qui s'est noyé le 24 mai 1823 à Lyon189.

187 Apprenti marin.

188 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M489.

189 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M492.

Pour conclure en étudiant d'un peu plus près les différents facteurs de risque et en élaborant l'identité des noyés, nous pouvons considérer que le « profil type » d'un noyé au XIXème siècle et dans la première moitié du XXème siècle dans le département du Rhône est celui d'un jeune homme de nationalité française âgé d'environ 15 à 30 ans issu de la classe ouvrière ou du milieu militaire. En comparaison avec les conclusions faites par Françoise Bayard dans son étude190 sur les noyés aux XVIIème et XVIIIème siècles, les profils des noyés n'évoluent guère. En effet, Françoise Bayard mettait en avant le fait que les noyés étaient statistiquement de sexe masculin (77,75%) et d'un âge situé entre 10 et 30 ans (84,70%). Elle évoque également la forte présence des domestiques (20%) et des gens de métiers (58,66%) parmi les noyés, ce qui renvoie fortement aux résultats que nous avons nous-même pu établir.

précédent sommaire suivant






Extinction Rebellion







Changeons ce systeme injuste, Soyez votre propre syndic



"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo