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Histoire et épidémiologie historique de la noyade dans le Rhône XIXème-XXème sièclespar Charlotte Gouillon Université Lyon 2 - Master 2 2025 |
III- La représentation des suicides dans le département du Rhône entre 1800 et1939 Dans un troisième temps, nous allons nous attarder un instant sur le cas des suicides qui sont « l'acte de se donner volontairement la mort155 ». Constituant la conclusion de la mort de 320 cas au sein de notre base de données, le suicide constitue, derrière les morts accidentelles, la deuxième circonstance mortelle la plus répandue dans le département du Rhône entre 1800 et 1939. La majorité des suicidés sont des hommes, puisqu'ils représentent 262 cas alors que nous ne comptons « que » 58 femmes. Sylvia Sara Canetto, chercheuse en sciences sociales justifie notamment cette majorité masculine par le fait que « l'homme s'engage dans un comportement suicidaire, il est un « vrai » homme seulement s'il réussit » alors que « la femme se conformerait au scénario propre à son genre : faire une tentative de suicide »156. Les moyens mis en oeuvre pour se suicider sont divers et variés, on observe notamment une utilisation fréquente de la strangulation, des armes à feu, d'armes blanches ou du saut dans le vide ou dans un puits. Nous allons développer les moyens les plus fréquemment utilisés par ces hommes et ces femmes, tout en tentant de comprendre quels sont les motifs qui poussent ces personnes à se suicider par le biais de tel ou tel moyen. 155 LAROUSSE, « Suicide ». Dans Dictionnaire en ligne. Consulté le 2 juin 2024. Disponible sur : < https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/suicide/> 156 Ryan HIGITT, « Suicide et genre : un aperçu des analyses de Silvia Sara Canetto », Traduction Richard Violette, éruduit, 8 mai 2008. Disponible sur : < https://id.erudit.org/iderudit/018012ar> 64 65 a) La pendaison : un outil du suicide très répandu chez les hommes Tout d'abord, nous allons étudier le suicide par strangulation ou par pendaison. La strangulation se définit comme une « constriction violente exercée au niveau du cou par les mains ou au moyen d'un lien (corde, lacet, etc.) et provoquant généralement la mort par asphyxie157 ». La pendaison quant à elle peut se définir comme étant « l'action de pendre, quelqu'un ou de se pendre158 ». Le suicide par strangulation représente la majorité des victimes qui sont au nombre de 95 entre 1800 et 1939. À noter que l'intégralité de ces suicides a lieu entre 1811 et 1867, année après laquelle aucun cas de suicide par strangulation n'est retranscrit dans les archives des PV. Au sein de ces 95 cas, seul 12 victimes de sexe féminin sont évoquées, les hommes représentant alors 87,37% des victimes. Cette représentation majeure des hommes chez les suicidés est encore d'actualité puisqu'en 2012, 7305 hommes se suicidaient en France contre 2410 femmes159. Une fois n'est pas coutume, les années durant lesquelles on comptabilise le plus de victimes sont les années 1860, qui sont celles qui sont de toute évidence le plus fournies en PV. Différents modes de pendaisons sont à noter, on décompte une majorité de cas qui se pendent à leur domicile par le moyen d'une corde la plupart du temps et généralement dans leur grenier ou dans leur chambre tels que Jacques Denouille, cultivateur âgé de 34 ans qui s'est « pendu à l'aide d'une corde dans un grenier » en 1866160 ou la nommée Françoise Dubié, 60 ans qui en 1835 « s'est pendue dans le grenier ». Dans certains cas, les victimes se pendent au moyen d'une corde fixée au plancher comme monsieur Virisset en 1824161. Concernant les motifs des suicidés, ils ne sont pas toujours évoqués ou connus, mais nous pouvons évoquer quelques motifs retrouvés à de multiples reprises tel que le prisonnier désespéré souhaitant échapper à sa réalité et qui se suicide dans sa cellule comme ce fut le cas de Jean Delafond, 27 ans qui « s'est suicidé avec son mouchoir de col attaché au verrou de son cachot » en 1817162, ou les personnes souffrant d'une maladie et désirant mettre 157 CNRTL, « Strangulation ». Dans Dictionnaire en ligne. Consulté le 1 juin 2024. Disponible sur : < https://www.cnrtl.fr/definition/strangulation> 158 LAROUSSE, « Pendaison ». Dans Dictionnaire en ligne. Consulté le 2 juin 2024. 159 ORGANISME CÉPIDC-INSERM, « Données épidémiologiques sur les décès par suicide », Ministère de la Santé et de la Prévention, 2012. Disponible sur : < https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/sites/default/files/2021-02/ons2016_fiche1.pdf> 160 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M494. 161 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M492. 162 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M489. 66 fin à leur supplice comme Guillaume Clere, ouvrier en soie âgé de 63 ans qui était malade depuis 6 mois environ et qui a décidé d'abréger ses souffrances en se pendant dans sa chambre en 1821163. b) Les suicides par arme à feu Désormais, nous allons nous intéresser d'un peu plus près aux suicides par arme à feu. Très courant au XIXème et XXème siècles, on retrouve 102 cas de suicides par arme à feu au sein des archives des PV s'étendant de l'année 1811 à l'année 1905, représentant 31,88% des suicides au total et devenant donc la cause de suicide la plus répandue. Comme la pendaison, ce mode de suicide est très utilisé par les hommes qui représentent environ 98% des victimes, comptabilisant 100 cas contre 2 cas de victimes de sexe féminin. Cela nous permet de confirmer le fait que le suicide, et les moyens utilisés par les suicidés sont genrés et que les personnes de sexe masculin ont un taux de suicide plus important que les personnes de sexe féminin. Pour tenter d'expliquer ces phénomènes, des chercheurs ont fait des études au sein desquelles ils ont pu expliquer que les constructions sociales de « l'hégémonique de la masculinité et de la féminité » jouent un rôle important dans les raisons pouvant pousser les hommes à se suicider. De plus, le renforcement de ce rôle de genre empêcherait les hommes à chercher de l'aide lors d'une dépression ou de pensées suicidaires, même si cette théorie est à relativiser pour la période qui nous intéresse, la psychothérapie n'étant que développée en France à ce moment-là164. Les armes les plus couramment utilisées lors de ces actes sont les pistolets et les fusils. Une expression revient régulièrement pour décrire cet acte de désespoir, les autorités déclarent que la victime « s'est brûlée la cervelle », ce qui signifie que la victime s'est suicidée en se tirant un coup de feu dans la tête tel que le cas de Charles Dupuis en 1818 duquel il fut écrit que cet « ouvrier chapelier s'est brûlé la cervelle avec une carabine »165. Concernant les motivations qui poussent ces suicidaires à passer à l'acte, certaines reviennent plusieurs fois tel que le chagrin d'amour, que l'on retrouve par exemple pour le cas du nommé Briel qui en 1919 « s'est brûlé la cervelle » pour cause de « désespoir amoureux et anti-royaliste166 ». 163 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M491. 164Anna Maria M...LLER-LEIMKHLER, « The gender gap in suicide and premature death or: why are men are so vulnerable? », European Archives of Psychiatry and Clinical Neuroscience, 2003. Disponible sur : < https://www.researchgate.net/publication/ 10832400_The_Gender_Gap_in_Suicide_and_Premature_Death_or_Why_Are_Men_So_Vulnerable> 165 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M489. 166 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M490. 67 Un autre motif est mentionné plusieurs fois pour justifier cet acte, c'est celui de l'ivresse et ainsi donc de la perte de contrôle de l'individu comme ce fut mentionné pour le cas d'un sergent du régiment suisse dont on ignore l'identité qui « étant à boire seul dans un cabaret tenu par le seigneur Depuis s'est brûlé la cervelle après avoir rit à ce dernier » en 1821 167. Enfin, le dernier motif évoqué et représenté à maintes reprises dans le cas des suicides est la volonté d'en finir avec une maladie difficilement supportable comme évoqué précédemment. Nous avons par exemple ici le cas de Melchior-François Almaras, 31 ans, rentier, qui « atteint d'une maladie cérébrale s'est suicidé d'un coup de pistolet168 ». Il faut cependant nuancer ces propos et rappeler que la dépression ne connaissait pas de diagnostic ni de traitement, était alors considéré comme « malade » ou « fou » toute personne démontrant des faiblesses psychologiques ou des signes de tristesse trop importants. c) Les suicides par saut Nous qualifions de « suicide par saut », toute mort ayant été provoquée volontairement par un individu qui se jetant d'une certaine hauteur, cherche à se tuer. Ces suicides par saut représentent le troisième moyen le plus fréquemment utilisé par les personnes mettant fin à leurs jours. Nous recensons 70 victimes ayant utilisé ce procédé, ce qui représente 21,88% du total des cas de suicides recensés. Nous observons que ce moyen est davantage utilisé par les victimes de sexe féminin que les autres précédemment évoqués. En effet, près de la moitié des victimes sont des femmes, puisque l'on compte 32 cas féminin représentant alors 45,71% des victimes. L'un des premiers suicides par saut que nous avons rencontré a lieu en 1813 et fut effectué par Antoinette Charerieu, veuve de Jacques Verret, qui trouva la mort en sautant dans un puits169. Cette utilisation du puits pour se suicider est courante au XIXème et au début du XXème siècle est facilitée par la nombreuse présence des puits à proximité des habitations. La cause de la mort dans ces circonstances peut variée d'un cas à l'autre, la victime peut dans un puits mourir de la chute en elle-même, d'asphyxie par manque d'oxygène ou de submersion s'il y a la présence d'une quantité d'eau suffisamment importante. Généralement, les PV déclarent que la mort a été provoquée après une « précipitation dans un puits », ce qui nous laisse supposer que la chute est la cause de la mort, et c'est pour cette raison que nous avons décidé d'insérer ces circonstances dans la catégorie des suicides par saut. 167 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M491. 168 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M493. 169 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M488. Nous en dénombrons au total 11 qui sont tous associés à une victime de sexe féminin, ce qui en fait le moyen pour se suicider le plus souvent utilisé pour l'instant chez la gente féminine. Nous pouvons par exemple citer le cas d'une jeune fille de 22 ans, dont on ne connait pas le nom, qui s'est « précipitée de désespoir dans un puits » alors « qu'elle était enceinte170 ». Dans les autres cas, les victimes se précipitent soit du haut d'une fenêtre, d'un balcon ou d'un certain étage d'une maison comme Ludivine Ardin, domestique qui est morte après s'est être précipitée volontairement du haut d'un balcon171. d) L'empoisonnement : une utilisation récurrente par les femmes? Depuis longtemps, on a tendance à associer l'empoisonnement aux femmes, qu'il soit utilisé comme arme mortelle envers autrui ou envers soi-même. Cette association dans les mentalités s'est constituée au fil des siècles après que de terribles affaires criminelles aient éclaté et durant lesquelles les femmes avaient eu recours à l'empoisonnement afin de tuer leur victime tout en restant discrètes. L'une des plus célèbres figures de cette femme criminelle et empoisonneuse est Violette Nozière, qui atteinte de la syphillis tenta d'empoisonner ses parents avant de s'empoisonner elle-même, tentative qui sera vaine mais réitérée quelques temps plus tard, provoquant cette fois-ci la mort de son père. Durant le XIXème et au début du XXème siècle, l'empoisonnement est pourtant « statistiquement un crime relativement marginal »172. En effet, nous n'avons recensé aucun cas d'empoisonnement meurtrier, néanmoins, 5 cas de suicide sont le fruit d'un empoisonnement et ont tous été réalisés par des femmes. Par exemple, nous pouvons citer le cas de la fille François, qui s'est suicidée en 1833 « avec de l'arsenic pour un amour contrarié173 » ou bien encore le cas de la dame Philippe qui en 1835 se suicidait quant à elle « à l'aide d'une forte dose d'opium174 ». Malgré une faible représentation de l'utilisation de l'empoisonnement comme outil de suicide, nous pouvons néanmoins affirmer et défendre cette idée selon laquelle les femmes ont recours à l'empoisonnement à la différence des hommes. 170 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M492. 171 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M494. 172Anne-Emmanuelle DEMARTINI, « La figure de l'empoisonneuse. De Marie Lafarge à Violette Nozière ». In : Loic CADIET et al., Figures de femmes criminelles. De l'Antiquité à nos jours, Éditions de la Sorbonne, 2010, p. 27-39. Disponible sur : < https://books.openedition.org/psorbonne/73427> 173 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M493. 174 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M493. 68 69 e) La représentation de la noyade au sein des suicides Nous allons désormais nous intéresser à la représentation et à la proportion des suicides par noyades au sein de nos cas de suicides. Comme évoquer plus tôt, nous avons recensé 320 cas de suicides hors noyade, auxquels s'ajoutent 139 cas de suicides par noyade. Il nous faut préciser que pour 35 autres cas de noyade, la conclusion de la mort est incertaine mais serait le fruit soit d'un suicide soit d'un accident. Sans certitudes concernant ces 35 cas évoqués, nous ne les utiliserons pas dans nos statistiques ici. Le suicide par noyade est donc utilisé dans 30,28% des cas. La noyade constitue alors le moyen le plus souvent utilisé au XIXème et au début du XXème siècle dans le département du Rhône pour se suicider. Tel que pour la majorité des cas de suicide, on distingue une majorité de victime de sexe masculin au sein des noyades, les hommes représentants 74,82% du total des victimes recensées.
En conclusion, on observe une majorité de victimes de sexe masculin chez les personnes se suicidant dans le département du Rhône entre 1800 et 1939. Hors les cas de suicide par empoisonnement qui ne représentent qu'une mince partie de la population et uniquement des femmes, les hommes sont majoritaires dans l'ensemble des méthodes utilisées pour mettre fin à ses jours, à savoir la pendaison, le saut, l'utilisation d'une arme à feu ou la noyade. IV- La représentation des morts dites « naturelles » dans le département du Rhône au XIXème siècle et au début du XXème siècle Dans une quatrième et dernière partie, nous allons nous attarder sur la représentation des morts naturelles ayant été recensées dans le département du Rhône entre 1800 et 1939 au sein des archives des PV. Nous qualifions de morts naturelles, toutes morts ayant été causées par une maladie, la vieillesse ou un problème de santé quelconque. Les morts naturelles représentent 19,56% des morts recensées (hors noyade) comptabilisant 246 cas sur les 1256 cas recensés. La représentation des victimes en fonction de leur sexe est ici moins importante que dans les catégories précédentes, même si l'on observe encore une majorité de victimes de sexe masculin. Nous recensons 169 victimes de mort naturelle de sexe masculin, 75 victimes de sexe féminin, et 2 victimes de sexe inconnu. Nous recensons la première victime décédée de mort naturelle durant l'année 1813, et la dernière durant l'année 1867. À partir de 1867, aucune mort dite « naturelle » n'est évoquée au sein des archives des PV. a) Les morts subites Au sein des morts subites, nous regroupons toutes les morts ayant eu lieu brutalement et résultantes par exemple d'un problème cardiaque ou de ce que l'on dénomme aujourd'hui AVC, c'est-à-dire un accident vasculaire cérébral. Dans certains cas, les causes ayant provoqué la mort subite de la victime ne sont pas connues ou précisées au sein des PV, nous les qualifierons donc simplement de « mort subite ». Sur les 246 victimes de mort naturelle présentes dans notre base de données, nous considérons que 197 sont décédées de mort subite. La cause de la mort subite la plus récurrente est la crise d'apoplexie, qui désignait autrefois l' « arrêt subit plus ou complet de toutes les fonctions cérébrales provoquant la perte de connaissance, la paralysie totale ou partielle sans suspension de la respiration et de la circulation du sang175 », ce qui s'apparente aujourd'hui à l'AVC. Nous retrouvons ainsi 78 victimes décédées d'une crise d'apoplexie entre 1816 et 1867. La proportion de victimes masculines est la plus importante puisqu'ils représentent 64,1% des cas. La moyenne d'âge des victimes d'apoplexie est plutôt élevée, sauf quelques rares exceptions, la majorité des victimes se trouvent être âgée de plus de 40 ans tels que Marie-Eugène Tranchant, marchand épicier de 58 ans qui « est mort subitement dans son domicile d'une attaque d'apoplexie 175 CNRTL, « Apoplexie ». Dans Dictionnaire en ligne. Consulté le 18 juin 2024. Disponible sur : < https://www.cnrtl.fr/definition/apoplexie> 70 foudroyante » en 1825176 ou Daniel Merle, 72 ans, tailleur d'habits qui a succombé en 1865 à une attaque d'apoplexie177. D'autres causes de mort subite sont représentées dans nos cas, mais ont une importance relative tels que les victimes d'épilepsie au nombre de trois ou de paralysie que l'on retrouve également au nombre de trois. b) Les maladies Les maladies sont omniprésentes à Lyon au XIXème siècle et au début du XXème siècle, le manque d'hygiène de la population n'aide pas à la guérison, les connaissances et techniques médicales ainsi que les vaccins ne sont encore que très peu développés, tel que le vaccin contre la rage qui est créé en 1885 par Louis Pasteur178. D'ailleurs nous rencontrons une victime de la rage, monsieur Armand, qui en 1866 à l'âge de 23 ans se fit mordre par un chien après quoi il sentit « un accès de rage à la suite duquel il succomba le 20 juin179 ». Au sein de nos 246 victimes de mort naturelle, nous recensons 38 cas morts à la suite d'une maladie. Une fois de plus, nous observons une majorité de victimes masculines, qui représentent 30 des 38 cas recensés. Diverses maladies sont mentionnées ici, parmi lesquelles les plus couramment identifiées se trouvent des affections, notamment des poumons ou du foie, des longues maladies tel que des cancers, ou bien encore des coliques, des indigestions, des inflammations etcÉ L'une des « maladies » que l'on retrouve le plus est « l'intempérance », autrement dit pour les cas qui nous concernent, un excès d'alcool voire l'alcoolisme d'une personne qui engendre son décès. Sur les 8 victimes concernées par cette intempérance, 7 sont des hommes. Par exemple, nous pouvons évoquer le cas de Claude Sublet, menuisier, qui en 1864 a été trouvé mort dans son domicile. La conclusion faite au sein de son procès-verbal est la suivante : « Cet homme s'adonnait à la boisson et on suppose qu'il est mort victime de ce funeste penchant180 ». Un autre cas a également retenu notre attention concernant cet excès de boisson que l'on pouvait considérer comme la cause de la mort de certaines victimes, il s'agit du cas de Pierre Auclair, 72 ans, cultivateur qui a été trouvé étendu en 1835 sans vie dans une 176 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M492. 177 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M494. 178 INSTITUT PASTEUR, « L'histoire de la première vaccination contre la rage, en 1885 », Institut Pasteur, publié le 15/11/2023. Disponible sur : < https://www.pasteur.fr/fr/journal-recherche/actualites/histoire-premiere-vaccination-contre-rage-1885> 179 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M494. 180 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M494. 71 72 forêt et dont la conclusion est la suivante : « On présume que ce vieillard pris de vin, se sera égaré pendant la nuit et sera mort de froid181 ». c) Des accouchements fatals Avant la seconde moitié du XXème siècle, la majorité des femmes accouche en France à domicile182. Les femmes font beaucoup d'enfants, on estime que les femmes mariées mettent au monde entre 4 et 5 enfants au début du XVIIIème siècle et environ trois à la fin du XIXème siècle. Mais qui dit nombreuses grossesses, dit également des risques plus élevés de fausses couches. Il est compliqué aujourd'hui de donner des chiffres indiquant véritablement le nombre de fausses couches ayant eu lieu en France durant cette période, les sources et les témoignages sur ce sujet manquant cruellement. L'expérience de la grossesse est par ailleurs marquée par l'incertitude, nous pouvons même évoquer une « peur obsédante de la fausse couche », qui demeure encore un mystère chez les médecins français, et provoque dans certains cas le décès de la femme. Nous avons rencontré par ailleurs le cas d'une jeune femme étant décédée lors d'un accouchement compliqué, madame Accary, en 1835 qui « est morte dans les douleurs de l'enfantement ayant voulu s'accoucher seule183 ». Le risque d'accoucher d'un enfant mort-né est également présent comme nous avons pu le constater en 1865 avec le cas du foetus de la nommée Dupart qui « s'est accouchée clandestinement dans sa chambre à coucher d'un enfant qui n'avait donné aucun signe de vie184 ». Cependant, il nous faut préciser que ces morts trouvées à l'issue de grossesse ou d'accouchement sont sous-représentés au sein de PV. En effet, on peut considérer que la majeure partie du temps, ces accouchements qui étaient alors réalisés à domicile, n'étaient pas forcément rendus public si mort s'en suivait concernant l'enfant. Dans le graphique ci-dessous, nous avons représenté les différents types de morts naturelles que l'on peut retrouver dans le département du Rhône de 1800 à 1939. 181 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M493. 182 Emmanuelle BERTHIAUD. « Accoucher à la maison aux xviiie et xixe siècles. Les préparatifs et le vécu féminin », Marie-France Morel éd., Naître à la maison. D'hier à aujourd'hui. Érès, 2016, pp. 49-78 Disponible sur : < https://www.cairn.info/naitre-a-la-maison--9782749251714-page-49.htm> 183 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M493. 184 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M494.
73 En conclusion, on observe que la majorité des victimes qui ont connu une mort dite naturelle est décédé subitement. Même si le sexe masculin représente ici encore la majorité des victimes, sa représentation est toutefois moins importante qu'au sein des morts accidentelles, des homicides et des suicides, et les femmes représentent aussi de nombreuses victimes de mort naturelle. Pour conclure ce premier chapitre, les décès par noyade concernent un nombre important de victimes dans le département du Rhône entre 1800 et 1939. Les noyades représentent la circonstance majoritaire des morts accidentelles et volontaires, et sont également fortement représentées au sein des homicides. 74 |
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