WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Histoire et épidémiologie historique de la noyade dans le Rhône XIXème-XXème siècles


par Charlotte Gouillon
Université Lyon 2 - Master 2 2025
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

II- Les cadavres des noyés

Nous allons nous attarder un instant sur les lieux et les dates de disparition et de découverte des noyés. Volontairement, nous ne traitons pas les années de disparition et de découverte des noyés, qui selon nous, ne sont pas représentatives de la réalité dû fait d'un manque d'archives pour certaines années. Nous pouvons cependant présenter un graphique représentant une évolution concernant la proportion des disparitions qui sont retranscrites dans les PV tout en sachant qu'à partir de 1870, nous ne recensons qu'un cas de noyade en 1901.

190 Françoise BAYARD, « Nager à Lyon à l'époque moderne, 17ème-18ème siècle » dans Jeux et Sports dans l'Histoire. Actes du 116ème Congrès national des sociétés savantes. Section histoire moderne et contemporaine, Chambéry, 1991. Paris, éditions CTHS, 1992, p229-242.

80

a) Les lieux de disparition des noyés

Les lieux de disparition des victimes sont divers et variés, et changent également selon les circonstances de noyade de la victime : baignade, suicide, accident de bateau etcÉ Nous aurons l'occasion de revenir plus en détails sur ces circonstances dans le chapitre suivant. Pour cette sous-partie, nous nous appuierons uniquement sur les archives des procès-verbaux de la police recensant les morts dans le département du Rhône de 1800 à 1939, les registres d'entrée des corps à la morgue n'indiquant que dans deux cas sur les 221 les lieux et les dates de disparition des victimes. Sur les 843 noyades que nous recensons dans les PV, la ville de disparition est mentionnée dans 450 des cas quand le cours d'eau est mentionné dans 493 des cas. Par cours d'eau, nous entendons le fleuve du Rhône, les rivières, ou tout autre lieu comportant une étendue d'eau comme les réservoirs, les étangs ou les mares. Sans surprise, la ville au sein de laquelle le plus de noyés ont disparu est la ville de Lyon, qui représente à elle seule 321 des cas sur les 843 cas recensés. Elle est suivie par les communes de La Guillotière, avec 19 cas, de Vaise avec 10 cas, Vernaison avec 8 cas, et Villeurbanne, 8 cas. Dans le graphique ci-dessous, nous avons exposé les 17 villes après la ville de Lyon d'où le plus de victimes ont disparu en se noyant191. Il faut aussi préciser que 50% des disparitions ont lieu dans le Rhône ou la Saône.

191 Voir la carte « lieux de disparitions des noyés » dans la partie « Annexes ».

81

b) 82

Les mois de disparition des victimes

Concernant les mois de disparition des victimes de noyade, nous pouvons observer que dans la majorité des cas la date de la disparition des victimes de noyade est inconnue. Néanmoins, concernant les cas dont nous connaissons la date de disparition des victimes, la période de l'été est la plus représentée, avec en tête le mois de juillet durant lequel on recense 127 disparitions, puis le mois de juin qui comptabilise 74 disparitions et enfin le mois d'août qui en compte quant à lui 55. Nous pouvons d'ores et déjà dire que ces mois de l'été sont plus propices à la disparition de noyés en raison du nombre important de personnes qui se baignent dans des étendues d'eau pour se rafraîchir en raison de la chaleur.

c) Les mois de découverte des cadavres

Nous allons maintenant nous pencher sur la question des lieux et des dates de découvertes et leur proportion au sein des archives des PV. Pour traiter cette thématique, nous utiliserons cette fois-ci l'intégralité des noyades recensées au sein de notre base de données, c'est-à-dire des noyades recensées dans les procès-verbaux mais également des noyades recensées dans les registres d'entrée des corps à la morgue. Nous traitons une période qui s'étend de 1800 à 1945. À l'instar des périodes de disparition des victimes de noyades, nous pouvons observer que la période de prédilection en matière de découverte des cadavres des noyés est l'été, à noter que dans 40,13% des cas, les

cadavres ne sont pas retrouvés ou du moins ne sont pas identifiés comme pouvant appartenir à la description d'une victime ayant été déclarée disparue auparavant. Le mois durant lequel le plus de noyés sont retrouvés est le mois de juillet, avec 92 cas, suivi du mois de juin avec 77 cas, puis du mois d'août avec 67 cas. Nous pouvons alors constater que l'on observe exactement la même fréquence de découverte de cadavres que celle de disparition des noyés, les mois et les périodes étant les mêmes. Dans le graphique ci-dessous, nous pouvons observer la proportion des cas découverts en fonction des mois de l'année.

d) Les lieux de découverte des noyés

Les lieux de découverte des noyés varient cependant quelque peu des lieux de disparitions des victimes. Si l'intégralité des disparitions sont recensées dans le département du Rhône, on observe cependant qu'un nombre important de noyés sont retrouvés en dehors du département du Rhône. Cela s'explique tout simplement par le fait que les cadavres des victimes s'étant noyées dans des cours d'eau comme le Rhône ou la Saône sont la plupart du temps en mouvement constant et peuvent dans certains cas être emportés par le courant à plusieurs dizaines de kilomètres du lieu où ils ont disparu192. Sur les 1064 noyades recensées, la ville de découverte du cadavre est connue pour 637 cas et 377 d'entre elles ont lieu à Lyon.

192 Voir la carte « lieux de découverte de cadavre » dans la partie « Annexes ».

83

84

Dans le graphique ci-dessous, nous pouvons observer la proportion des villes au sein desquelles nous retrouvons le plus de cadavres de noyés après Lyon. 53,76% des découvertes de noyés ont lieu soit dans le Rhône, soit dans la Saône.

Les villes les plus éloignées de Lyon et du département du Rhône où ont été découverts des cadavres de noyés sont les villes de Valence et Cornas dans le département de la Drôme, celle de Ferney située dans l'Ain près de la frontière suisse ainsi que la ville de Genève située en Suisse. Elles sont toutes traversées par le fleuve du Rhône ce qui démontre bien la capacité de ce fleuve à déporter des objets matériels comme immatériels sur une longue distance en raison notamment de des forts courants qui le caractérisent.

En conclusion, on observe que la majorité des disparitions de noyé et des découvertes de cadavre ont lieu durant les mois de l'été et sont recensés principalement à Lyon dans le Rhône et la Saône. Cependant, on observe également que les courants de ces cours d'eau peuvent parfois déporter des cadavres à des dizaines, si ce n'est des centaines de kilomètres du lieu initial où la victime s'est noyée.

85

III- La fabrique des procès-verbaux et des registres d'entrée des corps à la morgue à Lyon au XIXème siècle et dans la première moitié du XXème siècle

Dans une troisième et dernière partie, nous allons définir ce que sont les procès-verbaux et les registres de la morgue et voir comment ces derniers ont émergé et sont caractérisés.

a) La mise en vigueur des procès-verbaux et des registres de la morgue aux XIXème et XXème siècles

Un procès-verbal ou plus couramment appelé un PV est un « acte dressé par une autorité compétente et qui constate un fait entraînant des conséquences juridiques193 ». Sa rédaction est rendue obligatoire durant le XVIIIème siècle en France et confirmée par la loi du 17 avril 1798. En 1820, une ordonnance est publiée par le gouvernement français au sein de laquelle est précisée que « toutes les fois que la gendarmerie est requise pour une opération quelconque, elle en dresse un procès-verbal, même en cas de non réussite, pour constater son transport et ses recherches » (article 307). Cela inclut également que tous les candidats désirant entrer dans la gendarmerie doivent savoir « lire, écrire, rédiger »194. Dans les faits, sa mise en pratique se fait plus tardivement ce qui pourrait expliquer cette répartition forte inégale des PV selon les années et les côtes dépouillées. On peut observer qu'à partir de la Troisième République qui s'étend du 4 septembre 1870 au 10 juillet 1940, les archives des PV dressés à Lyon sont bien moins conséquentes et les affaires qui y sont traités en leur sein varient fortement des PV précédents. En effet, on observe qu'au sein de la côte 4M494 qui commence à l'année 1864 contient le dernier cas de noyade recensé au XIXème siècle dans le département du Rhône et qui a lieu en 1870. Nous n'aurons ensuite qu'un seul et unique cas de noyade recensé au sein de la côte 4M495 en 1901 ce qui montre bien la rupture établie avec l'arrivée de la Troisième République, d'où la volonté de compléter ces noyades pour le XXème siècle avec les registres d'entrée des cadavres à la morgue. Les registres d'entrée des corps à la morgue sont « des registres administratifs qui indiquent notamment la date d'arrivée du corps à la morgue, l'identité du défunt quand elle est connue (à

193 LE ROBERT, « Procès-verbal ». Dans Dictionnaire en ligne. Consulté le 12 juin 2024. Disponible sur : < https://dictionnaire.lerobert.com/definition/proces-verbal>

194 Arnaud HOUTE, « La fabrique du procès-verbal dans la France du XIXème siècle : contribution à l'histoire de l'écrit administratif », L'Atelier du Centre de recherches historiques, 2009.

Disponible sur : < https://doi.org/10.4000/acrh.1488>

86

défaut il est noté « inconnu », le commissariat à l'origine de l'amenée du corps195 ». Les premiers registres de dépôt des morts à la morgue sont créés à Lyon en 1853. Ils sont créés en même temps que la morgue à Lyon et l'institut médico-légal de la ville afin de recenser les cadavres qui y sont déposés et seront effectifs jusqu'en 1953.

b) Les intervenants en présence

Différentes personnes interviennent dans ces archives afin de rédiger les procès-verbaux et les registres. Tout d'abord, concernant les procès-verbaux, avant même que ces derniers ne soient rédigés, il faut noter la présence d'un intervenant indispensable : le témoin. Le témoin, c'est-à-dire la personne qui signale la disparition d'une personne ou qui découvre et signale la mort de quelqu'un ; son identité est parfois signalée au sein des PV. La deuxième personne qui intervient pour ces PV est le représentant de la police ou de la gendarmerie qui rédige ensuite le PV. Cette personne peut être un gendarme, un commissaire, un capitaine etcÉ tous les grades sont représentés dans nos archives. Parfois, il se peut que l'auteur du PV ou du signalement de la disparition d'une personne soit un représentant des autorités locales comme le maire de la commune, un juge, un préfet ou sous-préfet. Une autre personne peut intervenir lors de l'écriture du PV, il s'agit du médecin légiste. Même si la médecine légale n'est que peu développée au début du XIXème siècle, il arrive que dans certains cas, un médecin intervienne afin d'établir les circonstances et les conclusions de la mort de la victime. Officiellement, la justice française obligeait le magistrat local à se rendre sur les lieux du drame avec un chirurgien afin qu'il détermine les causes et qu'il identifie la victime, avant la levée du cadavre et les rites funéraires196. Officieusement, nous ne notons pas la présence systématique d'un médecin lors de tous les cas. Il n'y a pas beaucoup de différence entre les intervenants en présence pour l'élaboration des PV et ceux en présence pour les registres de la morgue. En effet, dans les registres d'entrée des corps à la morgue, la première colonne du registre est consacrée aux « autorités requérantes » ainsi qu'à la « personne qui amène le corps ». On trouve alors dans cette catégorie le commissariat concerné tel que le commissariat de Bellecour ou celui de Vaise, mais également le nom et la profession de la personne qui amène le corps, et qui est un « représentant de la force publique », généralement un gardien de la paix.

195 FRANCE ARCHIVES, « Registres de la morgue », Portail National des Archives. Consulté le 14 juin 2024. Disponible sur : < https://francearchives.gouv.fr/findingaid/>

196Frédéric CHAUVAUD (dir.), Corps submergés, corps engloutis : une histoire des noyés et de la noyade dans l'Antiquité à nos jours, Créaphis, 2007, pp61.

Les témoins ou les personnes qui ont identifié le corps sont quant à eux bien plus souvent mentionnés que dans les PV, et leur identité est dévoilée au-dessous de la description du cadavre. Le professeur qui a fait le constat de la mort et l'autopsie doit également être nommé sur le registre. Enfin, la dernière personne en présence pour établir ces registres est le gardien de la morgue, qui se doit, en principe d'apposer sa signature après qu'il ait rempli le registre. Entre 1864 et 1901, le gardien de la morgue à Lyon était Claude Delaigue, puis de 1912 à 1951 il s'agissait de Camille Rollet, dont nous avons pu consulter les dossiers personnels qui sont visibles aux AML.

c) Le contenu

Localisation géographique de l'auteur

Lieu et date d'écriture

Destinataire

Description de l'affaire

Formule de politesse

Signature de l'auteur

87

Dans d'un PV, la première information que nous trouvons presque systématiquement en haut de la feuille est la date de rédaction de celui-ci, la ville d'écriture et le destinataire. Ensuite sont rédigées les informations connues concernant la victime dont il est question dans le PV, c'est-à-dire le signalement d'une personne disparue ou l'identité d'un cadavre lorsqu'elle est connue, ainsi que sa description. La majeure partie des PV se terminent ensuite par la signature (et ou la date dans certains cas) de l'auteur qui appose son nom et/ou son poste et/ou sa signature.

88

Sur cette archive d'un PV traitant d'une noyade ayant eu lieu en 1817, nous pouvons observer que tous les codes d'écriture détaillés auparavant sont respectés. Les registres de la mort sont quant à eux moins « conventionnels » et contiennent moins de formules officielles. Les informations sont retranscrites de manière scolaire dans un tableau composé de différentes colonnes au sein desquelles différentes informations sont recensées (la plupart du temps) à savoir :

-le numéro d'ordre, les autorités requérantes, la date du dépôt, la qualité de la personne qui amène le corps, le lieu où le cadavre a été trouvé ainsi que la signature du garde de service

-la nomenclature des effets trouvés sur les corps identifiés, leur description, et l'identité du représentant de la force publique qui accompagne le corps

-les états civils des corps identifiés, et parfois leur signalement et leur photo

-la copie du certificat du décès ainsi que le nom du professeur qui a fait le constat, la date, le mois, l'heure du transfert, le lieu d'inhumation ou de dépôt et enfin la signature du garde de service.

Pour conclure ce chapitre, nous pouvons dire que l'étude des noyés au XIXème siècle et dans la première moitié du XXème siècle révèle des tendances marquantes. La majorité des victimes sont des jeunes hommes, principalement français et issus des classes ouvrière et militaire. Les noyades se produisent pour la majorité dans la ville de Lyon, dans le Rhône et la Saône et durant les mois de l'été. Concernant leur répertoriage au sein des procès-verbaux, des changements dans la pratique sont à prendre en considération à la fin du XIXème siècle, siècle qui est marqué par un manque conséquent d'archives. Les registres de la morgue sont quant à eux très complets, proposant parfois même la photo du cadavre en question, malgré le fait que les dates et les lieux de disparition des noyés ne soient mentionnés que dans de rares exceptions.

89

précédent sommaire suivant






Extinction Rebellion







Changeons ce systeme injuste, Soyez votre propre syndic



"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote