WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Histoire et épidémiologie historique de la noyade dans le Rhône XIXème-XXème siècles


par Charlotte Gouillon
Université Lyon 2 - Master 2 2025
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

IV- La noyade comme moyen de commettre un homicide

Dans une quatrième et dernière partie de ce chapitre, nous allons nous attarder sur la dernière circonstance des noyades que l'on a identifié au cours de nos recherches, à savoir l'homicide. La noyade utilisée comme arme meurtrière concerne ici 27 noyés parmi les 1064 recensée, dont 14 sont des adultes et 13 des enfants. Comme évoqué dans notre première partie, nous ne ferons pas la distinction entre les assassinats, qui sont des meurtres avec préméditation, les homicides volontaires et les homicides involontaires, nous prendrons en compte l'intégralité des cas. Nous ne prendrons également qu'en compte les homicides qui sont avérés au sein des conclusions, et non pas les cas qui pourraient être des homicides, n'ayant aucune certitude à leur égard.

a) Le profil des victimes et des meurtriers

Tout d'abord nous allons nous intéresser au profil des victimes ayant été tuées à l'âge adulte. Au sein des 14 cas d'homicides que nous relevons, 9 concernent des hommes, et 5 des femmes. Dans l'ensemble des cas, nous connaissons le sexe de la victime, à la différence de l'âge qui n'est cité que dans 10 cas et du nom de famille et du prénom de la victime que l'on connait pour 11 cas. L'ensemble des victimes qui ont été tuées et que nous recensons ont la nationalité française. En ne prenant toujours pas en compte les infanticides, la moyenne d'âge des victimes est assez élevée puisqu'elle est de 40 ans. Si nous la calculons désormais en prenant en compte l'intégralité des victimes, elle descend à environ 20 ans, tout en sachant qu'entre 1 an et 18 ans, nous ne recensons aucune victime. Concernant 12 cas sur les 27 que nous recensons, des traces de violence ont été observées et ont permis de constater que la victime avait été assassinée. Ces différentes marques peuvent être des ecchymoses, des traces de strangulation ou de coup, des contusions, des mutilations ou des traces de pression et de maintien. Nous avons par exemple le cas de Claudine Vercelice, 50 ans, dont le cadavre fut retrouvé près du pont Pasteur dans le Rhône à Lyon le 8 avril 1946 et portait « de multiples traces de violence sur la tête et sur les membres et des tentatives de strangulations225 ». Si l'on s'intéresse désormais au profil des meurtriers, il est très difficile à définir, ces derniers n'étant identifiés que dans 3 cas. Nous pouvons cependant constater que dans ces 3 cas, le coupable est un proche de la victime, par exemple Marie Vagnon, âgée de 36 ans a été

225 AML, Lyon, Archives de l'IML, Morgue, dépôt des morts, 1946, Côte 2764W2.

105

106

jetée dans le Rhône à Lyon le 15 mars 1864 par le nommé Claude Guillet, âgé de 38 ans avec lequel elle entretenait des relations adultérines226. Dans le dernier cas que nous avons recensé, la victime a été tuée par son frère et concernant le troisième cas il fut tué par son neveu.

b) Les infanticides

Comme nous venons de l'évoquer, presque la moitié des victimes sont des enfants en bas-âge. Concernant ces 13 victimes de noyade, nous ne connaissons pas leur identité, à savoir leur âge, leur prénom, leur nom ou leur nationalité. Nous connaissons en revanche pour 10 de ces 13 cas l'âge approximatif de la victime et notamment s'il s'agit d'un foetus, qui n'a pas achevé son développement et qui est donc victime soit d'une mort prématurée lors d'une grossesse qui n'a pas abouti ou alors soit une victime d'avortement clandestin. Nous recensons sept victimes qui sont décrites comme étant des foetus parmi lesquelles 6 sont de sexe masculin, 3 de sexe féminin, et un de sexe inconnu. Nous avons rencontré par exemple le cas sordide d'un nouveau-né dont des morceaux ont été retirés de la Saône le 21 novembre 1823 à Lyon et dont la description dans le PV était la suivante : « main d'un enfant nouveau-né a été retirée de la Saône (É) cadavre qui a été retiré en plusieurs morceaux (É) comme on le suppose, l'enfant n'aurait pas été exposé et dévoré ensuite par des chiens227 ». À propos des cas de nouveau-né qui ont été noyés alors qu'ils étaient nés viables, nous recensons trois cas, dont un bébé de sexe masculin âgé de 2 mois dont le cadavre a été repêché le 3 décembre 1864 dans le Rhône à Lyon228. Les deux cas de bébés nés viables et qui furent tués alors qu'ils étaient âgés d'au moins plusieurs mois sont deux bébés de sexe féminin. Ces deux cas sont similaires sur plusieurs points. Tout d'abord, ces deux bébés ont été retrouvés dans le Rhône à Givors, à seulement un jour d'intervalle. La première victime a été retrouvée le 11 septembre 1865 tandis que la deuxième fut retrouvée le 12 septembre de la même année. De plus, ces deux bébés étaient âgés de respectivement 6 et 10 mois. Enfin, leur cadavre a été retrouvés mutilé d'une manière horrible, leur description met l'accent sur ces mutilations atroces, dans le premier cas il est retranscrit qu'un « cadavre d'un enfant appartenant au sexe féminin (É) enveloppé dans un torchon de toile grossière (portait) d'horribles mutilations229 » alors qu'il est

226 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M494.

227 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M492.

228 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M494.

229 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M494.

107

retranscrit pour le deuxième cas qu'il s'agit du « cadavre d'une petite fille, âgée d'environ dix mois et qui avait quand on l'a découvert les quatre membres coupés et portait sur le corps des traces de mutilations230 ». Ces similitudes nous font présumer que ces victimes ont été tuées par le même meurtrier.

c) Une sous-représentation des noyades dans les procès-verbaux et les registres?

Même si la noyade ne demeure pas le premier moyen employé par les meurtriers pour tuer leur victime, elle a cependant certaines particularités qui pourraient présenter un intérêt quant à son utilisation par les meurtriers. Tout d'abord, l'avantage de la noyade qui peut être recherché par les meurtriers est le fait qu'elle ne laisse pas ou rarement des traces et des indices lorsque le cadavre est retrouvé, comme le déclare Sébastien Jahan : « L'eau est le déversoir du crime. Elle engloutit le forfait de l'assassin avec le cadavre, et souvent le nom de sa victime. Livré au fil de l'eau, le corps finit par s'échouer, stoppé par des branchages, ou bien remonter des profondeurs, ramassé par quelque passeur ou pêcheur de rivière. Mais lorsqu'il ressurgit, des jours voire des semaines plus tard, le temps et la mort ont fait leur oeuvre : la dépouille n'est plus « lisible ». La décomposition a maquillé les coups et les blessures, corrompu les chairs et les vêtements au point de rendre parfois le cadavre inidentifiable231 ». La deuxième particularité est le fait qu'il y a de fortes probabilités pour que le corps ne soit pas retrouvé par les autorités ou du moins qu'il soit retrouvé dans un tel état de décomposition ou de dégradation que celle-ci ne permette pas l'identification de la victime. De plus, il est relativement complexe pour la police de déterminer réellement les circonstances de la noyade et de savoir si cette dernière est le fruit d'un accident, d'un suicide ou d'un meurtre. C'est pour cette raison que dans un nombre important de noyade, la conclusion n'est pas certaine, on observe par exemple que pour 197 cas, la conclusion de la mort oscille entre une noyade provoquée à la suite d'un accident ou d'un suicide, que dans un cas la conclusion de la noyade est celle d'un homicide ou d'un suicide, et que dans 212 cas, nous ne connaissons pas la conclusion et les circonstances de la noyade. De plus, même lorsque la conclusion est établie au sein des PV ou des registres de la morgue, la fiabilité de celle-ci peut facilement être remise en cause, dû notamment au fait que les conclusions se font très rapidement, généralement dans le jour qui suit la découverte du

230 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M494.

231 Sébastien JAHANB, « Le corps englouti : les noyés aux Temps modernes », Corps submergés, corps engloutis : une histoire des noyés et de la noyade dans l'Antiquité à nos jours, sous la direction de Frédéric Chauvaud, Créaphis, 2007, pp. 60-61.

108

cadavre, et qu'aucune enquête préliminaire n'est réalisée avant. Enfin, la dernière raison pour laquelle il nous faut remettre en cause le nombre d'homicides au sein de nos bases de données est tout simplement le fait que les policiers déclarent qu'une victime est décédée à la suite d'un homicide uniquement dans les cas où il y a une présence visible de traces violentes, la présence d'un témoin ou lorsque la victime n'a pu se noyer volontairement comme c'est le cas concernant les infanticides. Nous estimons donc que le nombre d'homicides par noyade est bien plus important dans les faits que dans les archives, même s'il est très compliqué de le déterminer.

En conclusion de ce chapitre nous pouvons estimer que les homicides identifiés au sein des archives des PV et des registres ne reflètent pas la réalité des noyades qui eurent lieu dans le département du Rhône entre 1800 et 1950. Concernant les cas que nous avons pu étudier, il est important de rappeler que la moitié des cas sont des enfants de moins d'un an, et que globalement on retrouve autant de victimes de sexe masculin que de victimes de sexe féminin. Il est également probable que pour une majorité des cas le meurtrier soit connu par la victime, étant donné que concernant les meurtres dont on connait le coupable, ce dernier est à chaque fois un proche de la victime.

109

précédent sommaire suivant






Extinction Rebellion







Changeons ce systeme injuste, Soyez votre propre syndic



"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci