![]() |
Histoire et épidémiologie historique de la noyade dans le Rhône XIXème-XXème sièclespar Charlotte Gouillon Université Lyon 2 - Master 2 2025 |
CHAPITRE 2LA PRESSE LOCALE, UN OUTIL DE PRÉVENTION ET
D'ÉDUCATION AUX XIXÈME ET Dans un second chapitre, nous allons désormais nous attarder sur la presse écrite et l'influence que ce média exerce sur la population en matière de prévention et d'éducation aux XIXème siècle et au début du XXème siècle en France et plus particulièrement dans le département du Rhône et à Lyon. Nous nous intéresserons dans un premier temps à la retranscription des faits divers dans la presse et à l'engouement du lectorat pour ceux-ci et dans un second temps nous étudierons le cas particulier des noyades et l'aide précieuse qui est apportée par la presse quant à la prévention de celles-ci et aux enquêtes qui peuvent en découler. I- Les faits divers dans la presse : l'engouement du lectorata) Une priorité éditoriale Le XIXème siècle est marqué par le développement intense de la presse écrite et l'émergence de nombreux quotidiens favorisés notamment par la modernisation des techniques et l'apport de la publicité. La presse, considérée comme « un lieu et un réseau de pouvoir267 » possède une double intention, se voulant à la fois pédagogique et régulatrice, dont la mise en lumière des faits divers permet à la population de voir le monde en sa totalité, ainsi que de définir la normalité des conduites. Très rapidement, les faits divers deviennent dans la presse une priorité éditioriale en raison tout d'abord de l'intérêt qu'ils suscitent chez le lecteur, mais également au fait que la mise en lumière des désordres de la vie humaine permet de proposer un modèle de comportement à la population, inculquant les valeurs du bien et du mal, la morale et l'immoralité à travers des récits pouvant parfois s'avérer être sordides. Le XIXème siècle est également marqué par une alphabétisation croissante de la population, ce qui augmente considérablement le nombre de lecteurs et le nombre d'impressions, rendus possibles par une amélioration des transports et des machines-outils268. 267Anne-Claude AMBROISE-RENDU, Petits récits des désordres ordinaires. Les faits divers dans la presse française des débuts de la IIIème République à la Grande Guerre, Éditions Seli Arslan, Paris, 2004, p.14. 268 Loic JOFFREDO, « La révolution de la presse populaire », BNF, Les essentiels. Consulté le 23 juin 2024. Disponible sur : < https://essentiels.bnf.fr/fr/societe/medias/> 123 b) L'image héroïque accordée aux sauveteurs Au-delà des faits divers qui sont retranscrits et passionnent la population, c'est également le sens de la solidarité qui est régulièrement mis en scène dans la presse et qui interpelle le lectorat. Ces récits qui mettent en scène les gestes de solidarité et de secours permettent au lecteur de réaliser qu'il n'est pas seul face à son destin269, mais également le convainc de faire partir de ces sauveurs dont les éloges s'accumulent dans la presse. Cette exemplarité s'enracine dans l'imaginaire collectif à partir de la Monarchie de Juillet avant de trouver son apogée lors du dernier tiers du XIXème siècle270. Ce traitement médiatique de la figure du héros permet alors une prise de conscience et devient un moyen d'éducation qui pousse la population à agir et à porter assistance aux personnes en danger et notamment aux victimes de noyade. Cette image du sauveteur est régulièrement présente dans la presse et se trouve renforcée par l'arrivée d'illustrations qui démultiplient la portée théâtrale des gestes de secours. À partir de la Belle Époque, la peur de mourir noyé est tellement présente dans les mentalités que la presse s'en fait écho. Par exemple, le Petit Parisien dans son Supplément littéraire illustré offre tous les dimanches aux lecteurs des illustrations en couleur dans lequel elle dépeint les catastrophes liées aux noyades en France271. Lorsque le coupable est connu et cité dans la presse, cela provoque de vives réactions chez les lecteurs et dans l'opinion publique, suscitant alors la répulsion, la malveillance et de nombreuses critiques à son égard, ce qui a également pour conséquence de dissuader les personnes malveillantes d'agir par peur des représailles publiques. Ces fortes réactions envers les meurtriers permettent également de diffuser cette valeur moralisatrice portée par la presse au XIXème siècle. En conclusion, on peut dire que le XIXème siècle est marqué par une forte croissance de la presse écrite grâce à une alphabétisation toujours croissante de la population et un engouement de cette dernière quant à la lecture des dernières nouvelles, parmi lesquelles on retrouve en premier lieu les faits divers. La presse obtient peu à peu une mission moralisatrice, elle dépeint les coupables de crimes lorsqu'elle met en lumière les sauveurs et les généreux, ce qui n'est pas sans 269Anne-Claude AMBROISE-RENDU, Petits récits des désordres ordinaires. Les faits divers dans la presse française des débuts de la IIIème République à la Grande Guerre, Éditions Seli Arslan, Paris, 2004, p.71. 270Frédéric CAILLE, La figure du sauveteur. Naissance du citoyen-secoureur en France, 1780-1914. Presses universitaires de Rennes, 2006, p.23. 271 Frédéric CHAUVAUD (dir.), Corps submergés, corps engloutis : une histoire des noyés et de la noyade dans l'Antiquité à nos jours, Créaphis, 2007, p.70-71. 124 125 influence sur la population française qui par la presse, découvre un autre mode d'éducation et de prévention. |
|