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La perestroika ou réformer l'irreformable

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par Vincent Geraud
Université de Toulon La Garde - Master 1 2006
  

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116. Emergence d'économies parallèles

Comme nous l'avons noté précédemment, les incohérences de la planification, y compris les problèmes de pénurie, aboutissent à l'apparition d'économies parallèles en plus de l'économie dite officielle dans le cadre du plan. En effet sur les marchés du travail et de la consommation, la planification engendre un déséquilibre des relations Etat/ménages. Ce déséquilibre est compensé par l'activité autonome de la population et l'existence de marchés libres. A l'intérieur de l'Etat, le marché ne peut jouer en raison du rationnement, qui sépare les secteurs prioritaires et non prioritaires. Ainsi, s'esquisse une répartition de l'économie en trois grands domaines : l'Etat monopole prioritaire ; l'activité autonome des ménages ; l'Etat monopole « normal » 8(*)

La première économie : planification officielle et parallèle

La première économie est la plus étendue du point de vue des activités couvertes (elle représente ¾ du revenu national) : Elle concerne les activités de l'Etat monopole. C'est ce qu'on appelle l'économie officielle. Pourtant son fonctionnement ne peut être analysé qu'en référence aux deux autres économies.

Théoriquement soumis au processus de planification l'Etat monopole non prioritaire s'en éloigne considérablement dans la réalité, que ce soit dans l'élaboration ou l'exécution des plans. La centralisation idéale des activités se trouve ainsi mis à mal, cédant ainsi la place à un système ou l'autorité centrale rencontre des difficultés à maîtriser les contradictions internes du système parmi lesquels l'économie de pénurie décrit ci dessus. La falsification de l'information est une tendance lourde dans l'économie soviétique qui pousse l'Etat à engager en permanence plus d'investissements que ne lui permettrait la capacité de production des secteurs de l'équipement et de la construction. En atteste la propension à la dissémination des chantiers qui n'est qu'un symptôme de ce surinvestissement qui, du reste, est loin de conduire automatiquement à une croissance rapide. En effet, rappelons qu'il est motivé par la surtension du plan (matérialisé par des objectifs élevés) et qu'il est le résultat de la volonté des entreprises et des ministères de réaliser le plan à tout prix. Il n'est donc pas surprenant de constater une baisse permanente de l'efficacité des investissements.

Ces tendances de l'économie socialiste ont ceci en commun qu'elles reflètent une situation où le propriétaire légal (le parti) serait dépossédé de son pouvoir de décision au profit de ses gérants, des cadres de l'Etat monopole, et du personnel de l'entreprise.

On constate que de nombreux intérêts communs unissent le personnel des entreprises et leur direction : obtenir un plan facile, gagner des primes, maintenir un niveau de main d'oeuvre excédentaire par rapport aux besoins réels. Cette situation permet d'envisager une sorte d'accord tacite entre les deux parties.

De plus, on observe aussi la coalition possible de l'entreprise et de son ministère de tutelle : décrocher des investissements supplémentaires, rechercher des accroissements de dimension, gages d'une autonomie de décision par rapport à ce que supposerait une spécialisation efficace. Le résultat de ces coalitions ferait alors apparaître l'économie soviétique comme beaucoup plus fractionnée que ne le suppose la planification centrale, aboutissant à une situation ou les lobbies se disputeraient les ressources arrachées à un pouvoir central affaibli.

Néanmoins il convient de préciser que ce mécanisme concerne surtout la part de l'économie de l'Etat-monopole non prioritaire. Or, les mécanismes de l'économie parallèle ne fonctionnent que parce qu'il existe à coté un Etat monopole prioritaire.

La seconde économie : le secteur privé légal et illégal

L'activité des ménages soviétiques est très largement liée au secteur public ou quasi public (officiellement 97% des revenus des ménages salariés et 75% des ménages kolkhoziens). Néanmoins, à l'instar d'autres pays européens, il existe en union soviétique une économie privée plus importante qu'il n'apparaît officiellement. Les principaux postes des revenus privés sont outre le lopin individuel officiellement recensé, la production au noir d'alcool, la prestation de services divers (location, éducation, soins médicaux et dentaires, réparation et entretien de biens durables), des activités de construction ou de finition des logements, auxquelles s'ajoutent les produits du vol et de corruptions diverses. Ainsi on peut donc dire que la seconde économie apparaît comme l'ensemble des réactions individuelles de la population à toutes les formes de contraintes engendrées par l'intervention de l'Etat. Sa définition peut donc s'élargir pour comprendre trois types de comportement des ménages : Tout d'abord la recherche d'autonomie économique par rapport à l'état : La population soviétique est soumise à des contraintes sur les marchés officiels : Elle ne peut se procurer les biens de consommation qu'elle souhaiterait au moyen de ses revenus monétaires, elle est de plus tenue de respecter les réglementations concernant l'emploi (obligation de justifier d'une activité salariée). Pour absorber ces déséquilibres, la population s'appuie sur l'existence des lopins individuels et des marchés kolkhoziens, qui leur permettent de vendre des biens à prix libres (donc élevés), ce qui incite les titulaires de lopin à répondre à la demande. Ainsi on constate que les deux ingrédients de réactions spontanés des ménages aux déséquilibres officiels sont : d'une part une demande excédentaire de biens de consommation non satisfaite par l'Etat (produits alimentaires), d'autre part les facteurs de production mobilisables au moyen d'une rémunération élevée (surfaces cultivables, bâtiments, bétail...).

Ces deux ingrédients sont donc présents dans l'ensemble de la seconde économie et permettent à la population Soviétique de résorber les insuffisances de la planification en organisant une production répondant à ses besoins réels au moyen de ses capacités propres.

Le second type de comportement des ménages concerne l'exploitation individuelle du secteur public. Ce sont des pratiques que l'on trouve notamment dans l'industrie et la construction. Il est en effet fréquent de voir des ouvriers détourner des fournitures en vue d'une utilisation non prévue par le plan. De plus il est important de préciser que ces vols prennent d'autres formes parmi lesquelles la plus importante concerne le vol de temps de travail c'est à dire l'absentéisme sous toutes ses formes. Ces différents vols nécessitent en général des complicités obtenues notamment au moyen de corruptions diverses

Enfin les comportements asociaux peuvent être soulignés. Ils sont dus à une insatisfaction individuelle face aux contraintes de l'Etat. Ces comportements concernent particulièrement l'alcoolisme contre lequel les autorités politiques ont souvent tenté de lutter sans parvenir à l'enrayer significativement. Il convient de rappeler à quel point les enjeux de cette lutte sont considérables pour le pays. Elle vise plusieurs finalités : tout d'abord sanitaire et démographique : que ce soit au niveau des maladies, des accidents du travail et de la circulation ou encore l'augmentation des naissances d'enfants handicapés.

Ensuite idéologique : l'alcoolisme étant considéré contraire aux idéaux communistes et à une image de rigueur.

Sociale enfin : l'alcoolisme étant une des causes les plus importantes de divorces dégradant ainsi le rôle de la cellule familiale dans l'éducation des enfants notamment.

* 8 Denis Brand : L'expérience soviétique, Editions Dalloz, Paris 1993.

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