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L'avenir du régime de non prolifération : La position iranienne dans la crise

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par Adrien Lopez
Université Toulouse 1 - Master Relations Internationales et Politiques de Sécurité 2008
  

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b. Les discours des officiels iraniens à l'AIEA :

Ces circulaires d'informations sont envoyées par les ambassadeurs ou les membres permanents de la République Iranienne au directeur général de l'AIEA avec une exception, le dernier étant une lettre adressée au secrétaire général des Nations Unies au sujet de la résolution 1803, texte adressé en copie aux membres de l'AIEA. Voilà déjà une volonté de rallier le plus de pays à la cause de l'Iran Le fait de demander expressément que ces textes soient distribués montrent qu'ils ne visent pas uniquement leur destinataire. Les destinataires indirects sont les autres États et même le public d'Internet du monde entier.

· Le premier document est la circulaire INFCIRF 696, adressée le 6 mars 2007 par l'ambassadeur de la République d'Iran au directeur général de l'AIEA.

Elle est organisée avec un style clair, en différents points. Elle annonce la logique de son argumentation dans les premiers points qui peuvent servir d'introduction.

« L'AIEA devrait être la seule autorité de régulation et de contrôle, il n'y a aucun argument légal pour l'intervention du conseil de sécurité. L'Iran ne triche pas par mais d'autres trichent ».

Le message concernant l'AIEA et la position face au conseil de sécurité reste le même, le troisième argument présente l'Iran comme une victime et veut accentuer sur l'injustice d'être soupçonné alors que d'autres trichent. Le fait qu'il y ait d'autres tricheurs dans le système n'influence en rien la qualification de la faute, à moins de demander au système de tolérer sa tricherie au nom de la tricherie de l'autre. On peut rejoindre l'idée d'une volonté de changement de statut de l'Iran.

« L'AIEA est la seule autorité à être indépendante, politiser l'agence la ferait dévier de ses statuts d'origine, exemple, sur sept fonctions seulement une constitue le contrôle. »

La suite continue sur l'AIEA, mais renvoie à un argument de logique présumée, ici ils tentent de faire un lien entre la proportion de la fonction de contrôle dans l'ensemble des fonctions. Le fait que l'AIEA ait juste 1/7 de ses fonctions qui relèvent du contrôle n'induit pas une hiérarchie dans ces fonctions.

« L'Iran a mis en oeuvre toutes les mesures nécessaires pour favoriser la confiance et la transparence en élargissant les prérogatives des inspecteurs. Elle a volontairement suspendu l'enrichissement. L'AIEA a pu contrôler le non-détournement des matières nucléaires ».

Ici est fait un lien entre le niveau de contrôle et d'ouverture et les résultats de l'AIEA. Le fait d'élargir les prérogatives ou le temps d'inspections du personnel de l'AIEA ne garantit pas un résultat plus fiable. C'est cela qui est paradoxal, les inspecteurs cherchent du matériel non déclaré et détourné, aider les inspecteurs à contrôler le matériel déclaré n'augmentera pas malheureusement la confiance.

« L'Iran souhaite négocier complètement avec l'AIEA sans le conseil de sécurité, les objectifs et le règlement de ce problème sont accessibles par la négociation »

Le dernier argument de cette lettre reprend toujours la même idée sur la volonté de négocier exclusivement avec l'AIEA, mais dit explicitement que le problème peut être réglé par la négociation, chose qui n'est vraiment pas très souvent répété dans le reste de la communication officielle de la République Islamique d'Iran.

· Le deuxième document est la circulaire INFCIRC 711 concernant les points d'accords sur les modalités de règlement des problèmes en suspens.

Il a été envoyé le 21 Août suite à une visite d'une délégation de l'AIEA.

Dans un premier temps la lettre reprend les différents délais négociés pour résoudre les problèmes. On voit clairement que les négociations ont été dures par les formules employées :

« L'agence et l'Iran ont convenu de coopérer pour la préparation de la méthode de contrôle »

Ici le débat ne s'est donc pas porté sur le contrôle, ni sur la méthode de contrôle mais bien sûr, l'accord de principe quand à la coopération sur l'élaboration de la méthode afin de contrôler. Ce genre de négociation malgré un calendrier fixe doit prendre un temps énorme.

« L'Iran accepte de traiter ce problème une foiss que tous les problèmes susmentionnés auront été traités » ou  « deux semaines après le règlement (d'un problème), l'Iran et l'Agence auront des discussions (sur un autre problème) ».

Des formules de ce type nous montrent le degré de précision avec lequel les négociateurs ont planifié la résolution du problème. Si on lit cette lettre, il semble que les 5 ans de négociations précédentes aient été une parenthèse d'incompréhension et que désormais le problème est résolu. On peut mettre en lumière cette idée avec le deuxième thème qui se dégage de cette lettre, la volonté de clore le dossier. Volonté qui peut se retrouver dans la répétition de termes ou d'idées telles que :

« Ces modalités couvrent tous les problèmes et l'agence a affirmé qu'il n'y avait pas d'autres problèmes en suspend en ce qui concerne les activités nucléaires passées de l'Iran ». « Ceci signifie qu'après réception des questions il n'en restera aucune », « L'agence est d'avis que l'accord sur les problèmes favorisera la mise en oeuvre efficace des garanties de contrôle et sa capacité de conclure à la nature exclusivement pacifique du programme », « L'AIEA a pu vérifier le non-détournement des matières nucléaires déclarées en Iran, elle a indiqué qu'elles étaient restées pacifiques », « Une fois les question traitées la coopération retournera à la normale ».

Deux procédés sont utilisés, dans un premier lieu, ils donnent les conclusions de l'AIEA à sa place, en les reprenant ou en donnant leurs propres visions des négociations. Ensuite, à partir de cette prémisse hypothétique afin d'en conclure que l'affaire est terminée, répéter à maintes reprises que l'affaire sera terminé alors qu'on n'est pas le contrôleur mais le contrôlé relève d'une tentative de persuasion. Tenter de persuader l'AIEA ne relève pas d'une stratégie quelle qu'elle soit, cela relève de la simple défense. Hors le fait que ces textes soient diffusés à la demande du défenseur à tous les autres pays relève par contre d'une stratégie de communication.

Le dernier thème abordé est la politisation de l'AIEA :

« Iran a répété qu'il considère comme politiquement motivé et sans fondement les allégations selon lesquelles il aurait mené les études ci-après. Toutefoiss l'agence permettra à l'Iran de consulter la documentation et en signe de bonne volonté l'Iran les examinera »

Il y a là une chose intéressante, après avoir affirmé comme sans fondement les allégations l'Iran va les examiner. Soit pour en infirmer la validité, rationnellement, point par point, soit pour connaître les informations disponibles et l'étendue de la « fuite ». Ce sont deux possibilités, mais il existe une présomption d'innocence qui doit protéger les suspects durant chaque procès. Si on cumule l'idée d'une agence politisée, d'une confiance rompue, d'une inutilité des contrôles pour disculper l'Iran, on peut vraiment se demander si toutes les précisions, les délais, la conditionnalité dans le déroulement des négociations (on ne parlera pas de cela avant d'avoir fini cela) n'est pas là pour gagner du temps ou ne va pas indirectement produire cet effet-là. L'AIEA n'étant plus l'organisme ayant le dernier mot et étant désormais un prestataire de service pour le conseil de sécurité dans ce cas précis, il est difficile de comprendre les deux rythmes différents de négociations. Avec un conseil de sécurité demandant la résolution rapide du problème sans plus de négociation et un organisme de contrôle laissant le bénéfice du doute et acceptant la négociation. Cela crée une schizophrénie, les négociateurs des 5+1 arrivent avec des plans globaux qui pourraient complètement discréditer l'AIEA. En effet si une proposition bilatérale ou multi latérale hors régime est acceptée, l'AIEA ne serait plus qu'un organisme de contrôle sans plus aucune nécessité de négociation.

· Le dernier texte est la circulaire d'information INFCIRC 724 du 3 Avril 2008. C'est une lettre adressée au secrétaire général des nations unies envoyée à l'AIEA par l'ambassadeur d'IRAN.

Cette lettre répond à la nouvelle sanction prise contre l'Iran le 24 mars (résolution 1803). Cette lettre résume la vision de l'Iran d'un point de vue diplomatique et juridique. Elle est divisée en points bien délimités, mais on peut trouver des redondances, certaines idées se répètent au fur et à mesure du déroulement. Cela peut s'expliquer par le fait qu'elle répond point par point. Elle ne peut se lire sans la résolution mais cette forme de présentation donne une impression de rigueur à la présentation, rien n'a été oublié et l'auteur n'a pas ménagé sa peine, il y a deux fois plus de pages dans la réponse que dans la résolution. Les thèmes abordés restent les mêmes, mais il y a ici quantité de références juridiques, c'est la réponse la plus consistante et cohérente de tout le corpus. L'argumentaire a pour but de contester la légalité de la sanction, de remettre en cause l'indépendance, la neutralité et les actions du conseil de sécurité et enfin d'analyser les conditions de déroulement des négociations.

Quand au conseil de sécurité le déroulement argumentatif reste similaire :

« L'ingérence illégale du conseil de sécurité vient contre le droit inaliénable à l'énergie nucléaire. Il est manipulé par certains États et l'Iran souhaite coopérer uniquement avec l'AIEA. Le conseil de sécurité été trompé par certains États qui ont communiqué des fausses informations »

Puis l'ambassadeur iranien rajoute un argument important : « L'ingérence illégale du conseil de sécurité est basée sur une présomption, dans les statuts, il faut que directeur de l'AIEA ait reconnu clairement des objectifs militaires afin de pouvoir transmettre le dossier »

Voilà un vrai argument. Il revient sur la question de la confiance et l'argument de la politisation, du procès d'intention fait à l'Iran. C'est un point important qui relève du droit international et c'est le deuxième sujet abordé par l'ambassadeur :

« Les sanctions ont été prises en contradiction avec le droit international et la charte des Nations unies. Le conseil de sécurité agit dans le domaine de l'AIEA et cela l'affaiblit, il est ironique que le conseil de sécurité crée des obligations aux Directeur général de l'AIEA. Le conseil est soumis à la loi qu'il défend ».

Outre une description en détail des textes qui entre en conflit avec la résolution et la saisine du conseil, l'ambassadeur parle de l'impact de ce rôle sur l'AIEA. Cela rentre totalement dans le sujet de ce mémoire et est un élément essentiel. Lors du transfert d'un cas au conseil de sécurité, l'AIEA devient un organisme technique ayant uniquement pour but de contrôler.

Le dernier sujet porte sur les conditions même de la négociation :

« La demande de suspension n'a aucun fondement juridique et la poser comme condition empêche la négociation. Face aux mesures iraniennes pour créer la confiance on trouve les contre mesures internationales pour la détruire »

Ce dernier argument fini de victimiser l'Iran et confirme que le conflit est depuis longtemps dans une logique de « tout ou rien ». Il n'y a aucune reconnaissance d'une erreur quelconque de l'Iran, aucune concession dans l'argumentaire. Malgré une volonté de convaincre qui se traduit par la rédaction de ces différents mémos on peut se demander si ce n'est pas le public indirect qui est le plus visé, ces lettres ressemblent plus à des tentatives de persuasion indirecte, utilisant le droit de réponse à l'AIEA pour continuer la guerre psychologique menée sur tous les fronts.

Conclusion :

L'Iran a mis en place une stratégie révisionniste dans le but de convaincre les autres pays, mais il semble que le but de cette stratégie soit aussi de faire de la contestation.

Il y a stratégie révisionniste par le recours à des tentatives de persuasion du président Ahmadinejad. L'adaptation du discours, mais aussi des positions, au contenu montre que la volonté de convaincre prime sur le contenu, bien que celui-ci reste sensiblement le même hormis les éléments relevés notamment à l'APA qui sont d'une très grande importance. Le révisionnisme se retrouve clairement dans ses thèmes et dans la manière de les enchaîner. Il appelle clairement à un changement dans la société internationale. Si le but de la stratégie est la contestation, on comprend pourquoi les positions peuvent varier selon les auditoires. L'étude d'autres aspects de son discours va peut-être nous permettre d'en savoir plus. Les officiels à l'AIEA ont aussi mis en place une stratégie de communication. Le droit de répondre et la possibilité de publier ces réponses sur un site internet officiel permettent aux différents diplomates d'exprimer leur point de vue et aussi de tenter de convaincre les pays et lecteurs noyés dans la toile. C'est la raison pour laquelle les lettres s'enchaînent, reproduisant sensiblement les mêmes arguments, avec tout de même un compte rendu des activités. Ces lettres semblent plus destinées à leur public indirect. Le révisionnisme est présent et les critiques à l'égard du régime international et de ses instances est répété. L'AIEA est un régime manipulé et politisé, le TNP ne marche pas. Cependant la contestation est présente aussi, le droit international est corrompu par les puissances qui politisent l'affaire iranienne. Il semble donc que malgré un fond révisionniste, il y ait une volonté de contestation.

Pour compléter l'analyse de la stratégie de communication, on peut regarder le temps investit à la promotion du révisionnisme par des rencontres bilatérales. L'emploi du temps du président est disponible dans ses grandes lignes sur son site internet235(*). On peut se rendre compte qu'il a rencontré dans les derniers mois un très grand nombre de chefs d'état et de représentant et qu'il mène une diplomatie active. Le président iranien utilise ces rencontres pour proposer des accords bilatéraux et réaffirmer son hostilité à l'impérialisme et aux américains.

L'analyse des argumentaires nous livre une stratégie de révisionnisme qui est noyée dans un discours contestataire. L'Iran propose des arguments et une révision du régime de non-prolifération, mais il ne peut se détacher de l'aspect contestation. Cela peut avoir des conséquences énormes, plus le message est prononcé sous forme de contestation et moins les personnes opposées à son contenu sont incitées à l'écouter. Nous allons voir maintenant les provocations et les destinataires de ces provocations, cela pour montrer la forme contestataire de ces propositions révisionnistes.

* 235 Presidency of the Islamic Republic of Iran News Services, http://www.president.ir/en/, (consulté le 17 août 2008)

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon