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L'avenir du régime de non prolifération : La position iranienne dans la crise

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par Adrien Lopez
Université Toulouse 1 - Master Relations Internationales et Politiques de Sécurité 2008
  

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3. L'instrumentalisation du système par l'utilisation d'un « double langage » :

Dans une dernière analyse, nous allons essayer de déceler les volontés d'instrumentaliser le système. La stratégie mise en oeuvre peut utiliser l'AIEA, et l'ONU comme des vecteurs neutres de communication vers l'extérieur. Elle peut tenter d'instrumentaliser et se servir des contradictions du système ou alors utiliser la diversité des acteurs et des vecteurs pour obtenir des avantages supplémentaires. Il faut pour cela chercher les contradictions majeures dans les discours des différents acteurs et entre eux. Tout cela pourra permettre d'identifier les « spécialisations » de chacun s'il y en a. Pour cette analyse le corpus a été repris pour identifier les différents thèmes associés au nucléaire dans les différents textes.

Pourquoi la Crise du nucléaire // Le rôle de l'AIEA  // Sanctions // La science, le savoir, la recherche // Le droit international // Le système international // Les américains 

Pour chacun de ces thèmes nous allons étudier les différences entre chacun des acteurs s'exprimant sur le sujet. Les couleurs permettent de montrer les thèmes identiques.

Thème 1 : Pourquoi la crise nucléaire ? :

Le président Ahmadinejad fait le lien entre les officiels à l'AIEA et l'Ayatollah Khamenei. Ce dernier ne communique pas sur les instances internationales et reste sur des explications plus purement bilatérales. On voit aussi que les officiels à l'AIEA ne reprennent pas l'argument de l'Ayatollah Khamenei évacuant complètement tout problème lié au nucléaire comme source de ce conflit et le situant sur la haine que vouent les américains aux Iraniens depuis la révolution.

Thème 2 : Le rôle de l'AIEA :

Ici on reprend l'idée précédente, l'Ayatollah Khamenei ne s'exprime pas sur les questions relevant des instances internationales. On peut remarquer que le président Ahmadinejad malgré le fait qu'il affirme que l'AIEA est la seule instance à pouvoir contrôler et réguler le nucléaire civil Iranien ne croit pas dans les mécanismes de régulation internationaux actuels. Il semblerait que les seuls qui croient encore à l'AIEA soient les représentants y siégeant encore que les analyses précédentes nous ont montré l'existence d'une stratégie de communication influençant les documents qui viennent de l'AIEA.

Thème 3 : Les sanctions du conseil de sécurité :

La position face aux sanctions est différente suivant les positions. L'Ayatollah Khamenei est dans une position de provocation totale. Ils provoquent les personnes ayant infligé ces sanctions, mais son discours est destiné au public local. Il permet de donner une raison aux gens de se priver et de subir des sanctions. Le président Ahmadinejad est aligné à la position des officiels de l'AIEA quand aux sanctions, il les déclare illégales et fruits de l'injustice du système.

Thème 4 : La science, le savoir, la recherche :

L'argument scientifique est très utilisé par l'Ayatollah Khamenei et le président Ahmadinejad. Ils ont pourtant deux approches sensiblement différentes. Pour le président Ahmadinejad la science est un don de dieu et pour ne pas qu'elle soit pervertie, il faut l'encadrer par les religieux. Cette approche a prévalu longtemps dans nos sociétés, mais a été oublié sauf dans les milieux radicaux. Pour l'Ayatollah Khamenei la science est une arme, il invente un magnifique néologisme, le Djihad universitaire, mélange de dévotion religieuse et de recherche de pointe. Il explique le retard accumulé dans ces domaines par les gouvernements précédents qui n'avaient pas compris l'importance de la science. Cette différence d'approche reste dans ce qui semble différencier le président Ahmadinejad et l'Ayatollah Khamenei. L'Ayatollah Khamenei est le fruit de l'époque des non alignés, témoin de la confrontation entre les idéologies, les blocs alors que le président Ahmadinejad vient d'une époque plus contemporaine où l'argument religieux a remplacé les anciennes méthodes pour combattre les puissances « menaçantes ».

Thème 5 : Le système international :

Sur ce thème on voit que le président Ahmadinejad sert de lien entre les officiels et anciens officiels (Zarif) de l'AIEA et l'Ayatollah Khamenei. Alors que les premiers parlent d'un monde contrôlé par les américains et la nécessité d'un renforcement des autorités régionales, les deuxièmes tiennent un discours plus radical, parlant d'oppresseurs, de tyrans. A l'extrême on trouve le discours fondamentaliste de l'imam Yazdi qui parle même de néo croisade. Pour l'Ayatollah Khamenei comme pour Le président Ahmadinejad les organismes internationaux ne fonctionnent pas, mais le président Ahmadinejad propose une analyse plus scientifique, reprenant les termes et les idées de la science politique d'aujourd'hui. Il apporte l'idée d'un changement de régime qui va vers une régionalisation, idée reprise par de nombreux politologues internationaux. On a vraiment le sentiment de l'utilité du président Ahmadinejad pour permettre à l'Ayatollah Khamenei de s'exprimer sur la scène internationale. Mettant le langage et les discours au goût du jour, étant assez proche des anciens pour pouvoir comprendre les idéaux du Guide suprême. Sa mise en avant sur la scène diplomatique mondiale n'est peut-être pas étrangère à cela, le fait qu'aucun autre président Iranien n'ai été autant médiatisé témoignait peut être d'une cassure, d'un lien rompu entre le Guide et son président.

Le dernier thème récurant dans les critiques porte sur les américains. C'est un élément central de la critique.

Thème 6 : Les américains :

On peut voir ici le spectre des critiques portées aux américains. L'extrême étant pour commencer Yazdi, les termes sont religieux et montrent à quel point les américains se sont détournés du droit chemin en adorant une idole au lieu d'un vrai dieu. L'autre opposé se retrouve dans les discours officiels des représentants à l'AIEA, ils ne dérivent pas des reproches concernant le dossier nucléaire et la manipulation du conseil de sécurité. Entre les deux comme d'habitude on trouve l'Ayatollah Khamenei et le président Ahmadinejad. Le président Ahmadinejad quand il parle des américains directement (et non quand il emploie le terme de « bullying powers »), a un spectre de critique large, on trouve des critiques quant à la volonté des américains de couper le peuple de sa culture, une volonté de guerroyer sous des prétextes masqués et enfin quand à un manque de confiance total envers les américains. L'idée de guerre psychologique est présente dans les deux textes. Il en est de même pour la dénonciation des stratégies américaines dans la région, l'utilisation des guerres préventives afin d'établir une tête de pont dans la région et d'encercler à terme l'Iran. Ce qu'on ne retrouve pas chez le président Ahmadinejad c'est le discours « non aligné », avec des références aux capitalistes ou aux colonialistes. Il y a donc quelques différences dans les différents discours des acteurs de la politique internationale iranienne. Les divergences entre les acteurs tiennent au rôle de l'AIEA, à la vision du système international et enfin sur les raisons de cette crise. Les officiels en poste à l'AIEA croient dans celle-ci ou du moins communiquent dans ce sens. Même si elle est critiquée et qu'on montre comment elle est victime, ils ne remettent pas en cause son utilité. Face à eux se tient le président Ahmadinejad qui semble vraiment vouloir changer de régime et passer à une autre méthode de régulation. Ses volontés de changer le statut de l'Iran en puissance nucléaire pouvant transmettre la technologie a ses alliés étant bloquées, il prône semble-t-il pour un changement complet du système. C'est une grande différence qui a un impact pour les interlocuteurs internationaux.

C'est le double jeu que l'on pourrait identifier, cette subtile stratégie qui consiste à laisser discuter avec les occidentaux les gens qui croient le plus dans le régime et à les « mettre en compétition » avec le président profondément révisionniste. Cela peut permettre de gagner du temps, de créer la confusion, les ambassadeurs sont en effet les seuls censés représenter leur pays et avoir donc les accréditations nécessaires pour négocier. C'est une forme d'instrumentalisation de l'AIEA qui négocie avec des gens de bonnes volontés qui sont contredits par des leaders ayant un autre point de vue sur ces questions. Ce premier mécanisme touche à la négociation et à l'AIEA. Le deuxième double jeu que l'on a identifié au long de ce mémoire est la densification des informations contradictoires, mélange de discours, de provocations, de résumés, d'articles de presse. Sans s'intéresser à la question il est très dur de se faire un avis et les jeux subtils joués par les différents protagonistes rendent le choix encore plus dur. Dans ce bouillonnement de points de vue, la radicalisation des discours ne laisse au lecteur le choix qu'entre deux options. Pour ou contre les idées contestataires qui renvoient subtilement au mouvement des non alignés, à la dénonciation du capitalisme sauvage, aux inégalités sociales, à l'injustice.

C'est grâce à ce passé et à son passé que l'Iran peut amener le débat la ou bon lui semble, il est très intelligent de mélanger les différentes causes, cela permet de récupérer le maximum de partisans tout au long du chemin. Cela est fait à tous les niveaux, il y en a pour tous les goûts, tous les tempéraments, des plus violents au plus calmes et modérés. C'est une formidable leçon de stratégie de communication, si on l'a prend dans son ensemble et qu'on la fige on doit reconnaître la marque d'un très fin stratège. Cependant le temps et l'histoire peuvent être les seuls stratèges, il n'y a pas forcément quelqu'un derrière tous les discours et toutes les communications, et les Iraniens n'ont pas pu forcer les autres joueurs à interagir avec eux. C'est donc un jeu complexe, mais le traité de non-prolifération semble un peu perdu dans tout cela, cette stratégie de communication ressemble plus à un outil de lutte antiaméricaine qu'à une stratégie uniquement basée sur la défense de son droit nucléaire. Cette crise ressemble plus à une manière de combattre les américains par tous les moyens.

Conclusion de la deuxième partie :

Cette deuxième partie a permis dans un premier temps de montrer les atouts et les vecteurs permettant à l'Iran de mettre en place une diplomatie contestataire et dans un deuxième temps que la stratégie révisionniste ne semblait être que très marginale dans le discours iranien. Même si l'Iran expose sa vision du monde et qu'il propose effectivement de vrais changements, la contestation semble plus importante que la révision du régime de non-prolifération. Il y a plusieurs acteurs différents qui tiennent un discours différent. Chacun est destiné à un auditoire précis dans le but de contester l'ordre établi par tous les moyens. Le discours national le plus important est tenu par le Guide et les représentants radicaux du clergé, les anciens révolutionnaires. Pour eux l'Iran est un pays qui se sent menacé et mène une guerre psychologique à ses ennemis impérialistes. Le président Ahmadinejad sert d'interface entre ces anciens imams révolutionnaires et le monde extérieur. Il a évolué avec son temps et a fait rentrer la religion dans la nouvelle diplomatie de provocation iranienne. Le discours est passé de l'anti impérialiste marxiste a l'intégriste religieux anti américain qui est typique de la contestation post 11 septembre 2001. A l'autre bout de la chaîne il y a les représentants à l'AIEA, ils tiennent le discours le moins contestataire et permettent de comprendre les propositions révisionnistes de l'Iran. Cependant ce ne sont pas les acteurs les plus influents et le président n'hésite pas à contredire leurs affirmations afin d'augmenter la contestation.

Pour répondre à la deuxième hypothèse, il semble que la stratégie de communication iranienne dans la crise du nucléaire soit en très grande partie basée sur la contestation. Bien qu'il existe des volontés révisionnistes et des propositions pour réviser le régime, il semble que ce qui peut expliquer la crise actuelle est surtout cette contestation qui empêche toute confiance et pousse les États dans des logiques d'affrontement plutôt que de coopération. Cependant si l'Iran arrive à rester dans la marge de tolérance des américains et à accepter la coopération finalement, il se peut que cette stratégie de contestation puisse porter des fruits bénéfiques pour le peuple iranien en leur permettant de sortir de l'isolement. L'Iran a réussi à s'imposer au niveau régional comme un acteur incontournable et cette crise du nucléaire l'a poussé au rang international, s'il arrive à « faire la paix » avec les américains en position de force il y gagnera sûrement plus que s'il attend trop une amélioration de sa position. Il faut pour les stratèges iraniens connaître la limite à ne pas franchir. L'auteur de ce mémoire ne peut adhérer à l'idée d'un président qui provoque pour le plaisir, d'un gouvernement tyrannique perdu dans l'histoire et d'une crise non contrôlée. Cette crise semble être plutôt un affrontement entre les américains et les iraniens, les iraniens jouent leur position future dans la région, les américains sont pragmatiques et si des possibilités de coopération productives s'offrent on peut être sur qu'il les saisiront, à moins que le nouveau président soit à nouveau un idéaliste. Il faut enfin dépasser le cadre post guerre froide, les États-Unis ne sont plus la seule superpuissance et le rôle des russes ou des chinois dans l'avenir va peser de plus en plus et il se peut que l'Iran paye cher une stratégie de coopération avec les américains. L'ouverture à la sphère d'influence russe ou chinoise risque de passer par un abandon progressif de la zone du Moyen Orient sous influence américaine.

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"Le don sans la technique n'est qu'une maladie"