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Les impacts des incitations monétaires sur l'effort des salariés: positifs ou négatifs ?

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par Pheakdey VIN
Université Lumière Lyon 2 - Master Recherche 2007
  

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Section 2 : La théorie des attentes de Vroom et la théorie des incitations

Parce que les intérêts des employés et des employeurs ne sont pas toujours alignés, certaines grandes littératures théoriques ont montré comment les firmes concevaient les contrats de compensation pour inciter les employés à agir dans l'intérêt de la firme. Ces littératures ont été appliquées dans plusieurs secteurs de compensation et se sont dirigées vers une multitude de différents mécanismes (salaire à la pièce, bonus discrétionnaires, salaires d'efficience, etc.) qui peuvent être utilisés pour inciter les salariés à agir dans l'intérêt de leurs

15 Robbins, S., Judge, T. et Gabilliet, P. [2006], Comportements Organisationnels, 12e édition, Pearson Education France, Paris, p. 249.

16 Meye, H. H. [1975], « The Pay-For-Performance Dilemma », Compensation and Benefits Review, vol. 7, n° 55, p. 55.

17 L'auteur souligne.

18 L'auteur souligne.

employeurs, c'est-à-dire la maximisation du profit de la firme. Les incitations monétaires sont fréquemment considérées comme une méthode pour aligner les intérêts des employés avec ceux de leurs employeurs. Théoriquement, les incitations monétaires fonctionnent par l'augmentation de l'effort qui, à tour de rôle, mène aux augmentations de la performance [Bonner et Sprinkle, 2002]. Ainsi, l'objectif de cette section est d'offrir le cadre théorique pour comprendre les effets des incitations monétaires sur l'effort des individus et leur performance. Selon Covin et Boswell [2007], le développement des systèmes de compensation incitative repose sur les deux piliers théoriques importants qui détaillent les mécanismes par lesquels les incitations monétaires sont présumées aboutir aux augmentations de l'effort. Ces théories sont la théorie des attentes et la théorie des incitations en particulier le modèle Principal-Agent.

Avant de présenter les deux théories qui sont les médiateurs de la relation incitation - effort et qui vont expliquer comment les incitations monétaires entraînent une augmentation de l'effort, il est utile d'expliquer d'abord la construction de l'effort. Bonner et Sprinkle [2002] ont proposé quatre éléments qui décomposent l'effort : direction, durée, intensité et développement stratégique. En empruntant leurs travaux, nous allons expliquer chaque élément brièvement.

Premièrement, la direction d'effort renvoie à la tâche ou à l'activité dans laquelle l'individu choisit de s'engager (i.e. ce que l'individu fait). Théoriquement, les incitations monétaires devraient conduire à l'effort qui est orienté vers la tâche ou l'activité récompensée quand les avantages prévus fournis par les incitations monétaires sont supérieurs aux coûts de réalisation de cette tâche ou activité.

Deuxièmement, la durée d'effort renvoie à la durée où un individu consacre les ressources cognitives et physiques à une tâche particulière, c'est-à-dire le temps de travail d'une personne. On peut dire que les incitations monétaires peuvent faire augmenter la durée de l'effort, par exemple, les employés peuvent prendre peu de pauses ou travailler des heures supplémentaires.

Troisièmement, l'intensité d'effort renvoie à la qualité d'attention qu'un individu consacre à une tâche pendant une période de temps fixe, c'est-à-dire si une personne travaille, dur ou non. Analogues à la direction et à la durée d'effort, les incitations monétaires ont théoriquement des effets positifs sur l'intensité d'effort si les individus croient qu'une augmentation à court terme des ressources cognitives déployées dans la tâche suscitera un accroissement de mesure de la performance monétairement récompensée.

Enfin, en ce qui concerne le développement stratégique, les incitations monétaires peuvent motiver des individus à faire l'effort d'acquérir les qualifications requises pour accomplir une tâche afin que la performance et les récompenses futures soient plus élevées qu'elles ne le seraient (i.e. l'apprentissage). Cette notion d'effort accru (développement stratégique) consiste en la résolution des problèmes conscients, de la planification, ou de l'innovation de la part de l'individu accomplissant la tâche.

Selon l'explication de construction de l'effort ci-dessus, on peut conclure que la direction, la durée et l'intensité d'effort orientées vers la performance courante peuvent conduire à une augmentation immédiate de la performance alors que l'effort orienté au développement stratégique peut générer une hausse retardée de la performance. Par conséquent, l'augmentation de l'effort orienté au développement stratégique est moins spontanée que la direction, la durée et l'intensité d'effort et exerce probablement un effet négatif sur la performance à court terme, mais un effet positif sur la performance à long terme. Ainsi, lorsque les mécanismes plus spontanés ne sont pas suffisants pour atteindre les niveaux désirés de performance et de récompense, les incitations seront utilisées à favoriser l'effort orienté vers le développement de stratégie.

Dans ce qui suit, nous présenterons les deux théories qui expliquent les mécanismes par lesquels les incitations monétaires influencent l'effort individuel. Tout d'abord, nous exposerons la théorie des attentes et ensuite la théorie des incitations en précisant le modèle du Principal-Agent.

1- La théorie des attentes de Vroom

Les modèles de motivation développés dans la littérature psychologique d'organisation sont généralement divisés en deux catégories : l'une se concentre sur les attributs internes d'un individu (théories du contenu) et l'autre se focalise sur les interactions de l'individu avec l'environnement (théories du processus) [Sloof et van Praag, 2005]. La théorie des attentes, comme d'abord développée en 1964 par Vroom, est une théorie de processus de motivation. Cette théorie propose que les individus agissent de façon à maximiser la satisfaction attendue avec des résultats. Ainsi, le concept de la théorie des attentes est qu'un individu dépend de l'attente de réussite par rapport aux efforts fournis, du résultat effectif obtenu et de l'attractivité de ce résultat [Robbins et al., 2006]. Cela montre que Vroom met en relation les efforts individuels, la performance à laquelle ils aboutissent, la récompense attachée à cette performance, et le lien entre cette récompense et les attentes

individuelles. Cette théorie établit pour principe que la motivation d'un individu dans une situation particulière est une fonction de trois facteurs (Voir Figure 1) :

Le premier de ces facteurs, attente (expectation) effort - performance (E-P), indique la corrélation positive effort-performance que l'individu perçoit. C'est ce que chacun se croit capable de faire, ce qu'il attend comme résultat probable de ses efforts19. Par conséquent, plus cette attente E-P est élevée, plus l'individu est motivé à faire des efforts.

Figure 1 : La théorie des attentes de Vroom20

Récompenses intrinsèques

Aptitudes et
personnalité

Valence

Performance

Effort

Perception Récompenses extrinsèques

des rôles

Instrumentalité

Satisfaction

Le deuxième facteur est l'attente performance - résultat (P-R), également désigné sous le nom d' « instrumentalité ». Il concerne l'attente ou l'expectation d'un individu de l'attachement étroit entre sa rémunération et son niveau de performance. Il s'agit de la perception de la probabilité que la performance permettra d'accéder à la récompense [Alexandre-Bailley et al., 2006]. Parallèlement, selon Lévy-Leboyer [1993], le travail est « instrumental » lorsqu'il représente clairement, aux yeux de celui qui le fait, un moyen efficace d'obtenir le résultat recherché - par exemple, un salaire.

Le troisième facteur s'appelle la valence (attractivité) des résultats. La valence est une mesure du degré auquel un individu évalue une récompense particulière. Selon les individus, les résultats éventuellement obtenus pour un niveau de performance atteint ont des attraits

19 Lévy-Leboyer, C. [1993], La crise des motivations, 3e édition, Presses Universitaires de France, Paris, p. 59.

20 Ce schéma de Vroom a été complété par Porter et Lawer. Il donne une vision globale du processus de motivation. Ce schéma est tiré à partir d'un ouvrage d'Allexandre-Bailley et al. [2006], Comportements humains et management, 2e édition, Pearson Education France, Paris, p. 166.

différents. En effet, la valeur d'un résultat dépend pour un individu de ses besoins et de ses propres perceptions. L'employé considère que les résultats sont attractifs, c'est-à-dire qu'ils ont une valeur positive pour lui. Ainsi, Soof et van Praag [2005] suggèrent que plus ce facteur est élevé, plus l'individu est motivé.

La théorie des attentes se dirige ainsi avec trois instruments que l'employeur peut utiliser pour renforcer la motivation des employés en augmentant les expectations subjectives qu'un effort plus fort produira les niveaux de la performance (E) plus élevés, en renforçant le lien perçu entre la performance et les récompenses (I), et en s'assurant que les employés évaluent les récompenses données pour la performance élevée (V). Ces trois facteurs s'appellent les facteurs de VIE.

Ainsi, Motivation d'un individu = [E--'P] x [(P--'R) (V)] ou [Valence x Instrumentalité x Expectation]. Cela fonctionne comme un produit: il suffit qu'un des termes soit nul pour que le produit soit nul.

Prenons un exemple dans un ouvrage de Michel [1989], « si je me sens incapable de suivre un cours de mathématiques appliquées, je ne serai pas motivé à m'inscrire même si ce stage permet d'être promu cadre et que cette promotion représente beaucoup pour moi. Je peux aussi me sentir capable de le suivre mais douter fortement qu'il soit la bonne solution pour être promu. Je peux enfin me sentir capable de le suivre et être persuadé que c'est la bonne manière d'être promu cadre mais cette promotion peut me laisser tellement indifférent que je ne m'inscrirai pas plus que dans les autres cas » [p. 27].

Selon Bonner et Sprinkle [2002], l'effet des incitations monétaires sur l'effort dans une conceptualisation de la théorie des attentes est double. D'abord, le résultat d'intérêt est la récompense financière. L'argent peut avoir la valence pour une variété de raisons. La conception initiale de Vroom de la valence de l'argent est que l'argent est instrumental en permettant d'obtenir des choses que les individus désirent tel que des biens matériels. En outre, l'argent a une valeur symbolique due à son rapport perçu avec le prestige, le statut, et d'autres facteurs. Les incitations monétaires ont clairement une valence plus élevée que le cas sans salaire et peuvent également avoir une valence plus élevée que les incitations non- contingentes. De plus, sous un système de salaire fixe pur, il n'y a aucun lien entre la performance et le résultat [Cadsby et al., 2005]. Deuxièmement, les attentes devraient également être, et se sont avérées, plus élevées sous forme d'incitations monétaires que sous forme d'aucun salaire ou des incitations non-contingentes en raison de liens plus forts parmi l'effort, la performance et le salaire.

En conséquence, selon la théorie des attentes, la motivation d'un individu et l'effort suivant sont sensiblement plus élevés quand la compensation est basée sur la performance, due à une attente accrue au sujet de la relation effort-performance-résultat et à une plus grande valence de résultat. Dans ces circonstances, Cadsby et al. [2005] soutiennent que le salaire élevé contingent à une performance devrait inciter des salariés à travailler dur.

Dans la sous-section suivante, nous décrirons une autre théorie qui présente le concept des incitations des salariés à l'effort dans le travail lorsqu'il y a des problèmes d'asymétrie informationnelle au sein d'une firme. Il s'agit d'une théorie des incitations avec le modèle Principal-Agent.

2- La théorie des incitations : le modèle du Principal-Agent

Le développement de la théorie des incitations a été une avance importante en économie pendant plus de trente années. Par économie des contrats, nous entendons les trois grandes approches théoriques dans le champ de l'économie contractuelle renvoyant conventionnellement à la théorie des incitations, la théorie des coûts de transaction et la théorie des contrats incomplets [Brousseau et Glachant, 2000].

La théorie des incitations se caractérise par deux hypothèses principales. En premier lieu, dans l'ensemble des théories contractuelles, la théorie des incitations est probablement celle qui se rapproche le plus, dans ses fondements, du modèle néoclassique [Dubrion, 2004], parce que la théorie des incitations suppose que les agents soient dotés d'une rationalité économique substantive identique à celle de l'homo oeconomicus de la théorie néoclassique [Baudry, 2003]. Ils disposent d'une capacité de calcul illimitée, ainsi que d'une information complète qui leur permet de connaître dans tous les cas la structure des problèmes auxquels ils sont confrontés. L'information de ces agents est complète au sens où, même s'ils ne peuvent pas anticiper avec exactitude un avenir qui reste aléatoire, les agents connaissent la structure de tous les problèmes auxquels ils pourraient faire face. Ce qu'ils peuvent ne pas connaître, le cas échéant, c'est la liste des problèmes qui vont effectivement survenir et leur enchaînement. Ils se représentent alors l'avenir à partir de lois de probabilité. Ceci renvoie à un univers probabilisable, les agents imaginent les solutions les plus efficaces en fonction des différents états possibles de la nature et calculent des espérances de résultats. De tels calculs

sont réalisables parce que les agents disposent de compétences illimitées en la matière, c'està-dire que calculer ne leur coûte rien, ni en temps ni en ressources21.

En second lieu, contrairement à la théorie néoclassique, les agents ne partagent pas la même information sur les variables qui déterminent leur choix - hypothèse d'asymétrie d'information. Certains individus, les « principaux », sont sous-informés par rapport à ceux qui vont agir pour eux, les « agents ». Comme chez Williamson, les individus sont supposés opportunistes, c'est-à-dire qu'ils sont prêts à tricher pour satisfaire au mieux leur intérêt personnel. Puisque l'agent est supposé posséder des informations qui ne sont pas connues du principal, le problème à résoudre consiste à expliciter comment le principal (l'employeur) peut concevoir un système de rémunération (un contrat) qui incite un autre individu, son agent (l'employé), à agir dans l'intérêt du principal. Mettant clairement en avant l'importance des incitations entre les agents économiques, cette conceptualisation nous semble directement imprégnée de la conception de l'organisation interne de firme défendue par Alchian et Demsetz [1972].

L'article de 1972 d'Alchian et Demsetz est à l'origine du courant qui considère la firme comme un « noeud de contrats ». Cet article a ensuite été prolongé en 1976 par Jensen et Meckling, véritables fondateurs de la conception de la firme comme noeud de contrats. La théorie des incitations constitue le support théorique principal de cette conception22. Selon Jensen et Meckling [1976], la firme abrite l'ensemble des contrats bilatéraux conclus entre elle-même et ses fournisseurs, ses salariés, ses managers, ses investisseurs, ses clients. Mais dans notre recherche, on étudie seulement la relation entre l'employeur et les salariés. En revanche, tous ces contrats prennent la forme d'une relation dite d'agence. Une relation d'agence apparaît chaque fois qu'un individu, le principal (l'employeur) engage une autre personne, l'agent (l'employé) pour exécuter une tâche dans son intérêt, et ce en situation d'asymétrie d'information. La théorie des incitations constitue le cadre adéquat pour traiter de telles relations d'agence. En effet, selon Brousseau et Glachant [2000], cette théorie raisonne à partir d'une situation canonique dans laquelle une partie sous-informée - dénommée le principal - met au point un schéma d'incitation pour conduire la partie informée - l'agent - soit à révéler son information privée (modèle d'anti-sélection ou sélection adverse), soit à adopter un comportement conforme à l'intérêt du principal (modèle du risque moral ou aléa moral), (voir encadré). Le schéma d'incitation repose, pour eux, sur une rémunération

21 Brousseau, E. et Glachant, J,-M [2000], « Economie des contrats et renouvellements de l'analyse économique », Revue d'économie industrielle, vol. 92, n° 1, p. 28

22 Baudry, B. [2003], Economie de la firme, La Découverte, Paris, p. 14 - 15.

conditionnelle à des « signaux » résultant du comportement de l'agent (comme le choix d'une option sur une liste de propositions qualifiée de « menu » de contrats ; ou comme le résultat apparent de son effort lorsque cet effort lui-même n'est pas observable). L'existence d'un tel schéma d'incitation repose sur deux hypothèses importantes23.

Premièrement, bien que le principal soit sous-informé, puisqu'il ne sait pas quelle est la valeur réelle de la variable cachée, il connaît à la fois la loi de probabilité qui affecte cette variable et la fonction de préférence de l'agent. Le principal peut donc se mettre à la place de ce dernier pour anticiper ses réactions aux différents schémas de rémunérations concevables, et sélectionner le schéma qu'il préfère parmi les schémas acceptables par l'agent.

Deuxièmement, il existe un cadre institutionnel dissimulé, mais compétent et bienveillant, assurant le respect des engagements pris par le principal. Ainsi toute proposition formulée par le principal est crédible pour l'agent. D'autre part, le schéma de rémunération proposé repose sur une information dite vérifiable, c'est-à-dire observable par un tiers.

L'asymétrie d'information

Asymétrie d'information : cette propriété est caractéristique des situations dans lesquelles plusieurs agents, ayant à conclure un contrat, disposent sur l'objet du contrat d'informations différentes et incomplètes, voire fausses. Ce peut être le cas d'un contrat de travail : l'employeur n'est pas à même de connaître parfaitement la personne qu'il va recruter. Par exemple, un CV ne donnant pas d'information fiable sur le caractère, la capacité de travail ou l'honnêteté d'une personne ; de même les conditions réelles d'exercice du travail ne sont que rarement spécifiées dans le détail. L'asymétrie d'information engendre souvent des comportements opportunistes de la part des individus concernés [Filleau et Marques-Ripoull, 1999]. Williamson [1994] définie l'opportunisme comme l'absence d'honnêteté dans les transactions, la recherche de l'intérêt personnel stratégique par le moyen de la tromperie, de la ruse, de la divulgation d'informations incomplètes ou dénaturées. L'opportunisme est responsable des asymétries d'informations qui compliquent le fonctionnement de l'organisation. Williamson distingue deux types d'opportunisme : un opportunisme ex ante correspondant à l'anti-sélection et un opportunisme ex post correspondant à l'aléa moral.

23 Ces deux hypothèses sont tirées de l'article de Brousseau et Blachant [2000], intitulé « Economie des contrats et renouvellements de l'analyse économique », publié dans la revue d'économie industrielle, vol. 92, n° 1, p.29.

L'anti-sélection : ce phénomène apparaît lorsqu'il est difficile, voire impossible, d'apprécier les caractéristiques exactes des biens ou des services qui font l'objet d'un contrat. En prenant l'exemple de la relation employeur-employé, l'anti-sélection renvoie à l'incertitude d'un employeur sur la compétence de la personne qu'il embauche. C'est ainsi qu'au cours des négociations d'un contrat de travail, les salariés qui désirent être embauchés connaissent mieux que l'employeur leur capacité exacte de travail. Sauf s'il engage des coûts importants de recherche d'informations, l'employeur est incapable de distinguer, parmi les candidats à un emploi, ceux qui ont une productivité élevée de ceux dont la productivité est faible [Koenig, 1998]. S'il fixe un salaire identique pour tous, il n'attire que les agents dont la productivité correspond à cette rémunération ou à un montant inférieur. Il risque ainsi d'engager des salariés ayant une productivité très faible et n'obtenir aucun salarié très productif.

L'aléa moral : ce type de risque se présente lorsque l'un des partenaires se trouve dans l'impossibilité de vérifier le respect des engagements qui ont été pris vis-à-vis de lui lors de la signature du contrat. Ainsi, une fois le contrat de travail signé, un employeur ne peut pas complètement s'assurer que son salarié effectue correctement et en totalité le travail pour lequel il a été engagé. D'une façon générale, on parle d'aléa moral lorsque les agents profitent du fait que le contrôle de leurs comportements soit jugé trop onéreux, pour ne pas respecter leurs engagements contractuels. C'est le cas des contrats de travail non respectés par les salariés qui tirent au flanc. S'il est impossible de mesurer la contribution de chaque agent à la réalisation du gain d'une activité régie par un contrat, il est probable que chaque participant essaie de s'attribuer la part la plus importante possible de ce gain.

Jensen et Meckling [1976] sont les principaux auteurs à avoir développé la notion de relation d'agence. En fait, cette relation d'agence est très générale et couvre l'ensemble des relations entre deux individus, par exemple, la situation de l'un dépend de l'action de l'autre. Dans notre recherche, comme précédemment indiqué, on n'étudie que la relation entre l'employeur et les salariés au sein de la firme. Les deux auteurs ont encore ajouté que si les deux parties s'engageant dans la relation ont tendance à maximiser leurs propres utilités (utility maximizers), il y a de bonne raison de croire que l'agent n'agira pas toujours dans les meilleurs intérêts du principal (Voir Figure 2). En d'autres termes, l'agent en tant que

rationaliste de l'intérêt personnel tirera profit de l'incapacité du principal à surveiller tous les aspects de comportement de l'agent, qui pourra se dérober des obligations contractées24.

Figure 2 : Modèle Principal-Agent

Asymétrie
d'information

emploie

P A

Intérêt
personnel

Intérêt
personnel

P : Principal A : Agent

exécute

D'une manière générale, le conflit d'intérêt entre les deux parties porte sur le niveau d'effort: le principal souhaite que l'agent fournisse un effort important alors que ce dernier, si l'effort est coûteux et qu'il n'est pas récompensé en conséquence, a intérêt à fournir un effort minimal [Raynaud, 2005]. Afin d'éviter le problème de tire-au-flanc, le principal doit soit investir dans la surveillance (monitoring) de comportement, soit créer un contrat qui récompense l'agent en se basant sur des résultats. Comme la surveillance est souvent coûteuse et de plus en plus difficile pour le travail qui implique un degré élevé d'incertitude et de comportement discrétionnaire, le modèle standard principal-agent propose que le principal (c'est-à-dire l'employeur) a généralement intérêt à proposer un contrat qui propose une rémunération variable pour l'agent (l'employé) en fonction du résultat réalisé.

Dans ce modèle, il est difficile pour le principal de prouver aux yeux d'un tiers (en particulier un tribunal) que l'agent n'a pas respecté ses engagements même si initialement le principal est capable de décrire précisément ce qu'il attend de l'agent et que ce dernier a

24 Colvin, A. J. S. et Boswell, W. R. [2007], « The Problem of Action and Interest Alignment: Beyond Job Requirements and Incentive Compensation », Human Resource Management Review, vol. 17, n° 1, p. 44.

accepté la proposition [Raynaud, 2005]. Il est donc impossible d'inclure le niveau d'effort souhaité par le principal dans un contrat écrit. Puisque l'effort de l'agent n'est pas observable par le principal, le contrat doit inciter l'agent à fournir le niveau d'effort souhaité par le principal (contrainte d'incitation) et doit lui procurer un niveau d'utilité au moins égal à son utilité sans contrat (contrainte de participation)25. Si le principal offre un contrat avec une rémunération fixe indépendante de l'état de la nature, l'agent fournira le niveau d'effort le moins coûteux pour lui, en général le niveau d'effort le plus faible. Si le principal souhaite que l'agent fournisse un niveau d'effort plus élevé et plus coûteux pour ce dernier, le contrat proposé à l'agent devra maximiser son utilité espérée lorsqu'il choisit le niveau d'effort souhaité par le principal.

Dans la théorie du principal-agent, il y a certaines hypothèses : le principal est neutre au risque alors que l'agent est averse au risque, le coût de l'effort est croissant, l'information est asymétrique et ainsi de suite. Sous ces hypothèses, on montre qu'à l'optimum les deux contraintes sont saturées [Keser et Willinger, 2000]. Dans la résolution économique standard du problème principal-agent, les systèmes de compensation remplissent la fonction duelle d'assigner des risques et de récompenser le travail productif. Une tension entre ces deux fonctions surgit quand l'agent a de l'aversion au risque. Car cela force souvent l'agent à soutenir le risque non désiré26.

La théorie du principal-agent suggère que les incitations monétaires jouent un rôle très fondamental dans la motivation et le contrôle de la performance. Divers mécanismes monétaires peuvent être utilisés pour aligner les intérêts de l'agent avec ceux du principal, tels que le salaire à la performance, le modèle à paiement différé... que nous allons aborder dans le chapitre suivant.

En résumé, la théorie des attentes et la théorie des incitations avec le modèle Principal- Agent mettent en lumière clairement les problèmes d'incitations des salariés au travail au sein de la firme et puis donnent les mécanismes par lesquels les incitations monétaires sont supposées générer l'augmentation de l'effort des salariés. En effet, les incitations monétaires affectent l'attractivité ou l'utilité de divers résultats et l'effort affecte la probabilité de réaliser ces résultats. Ainsi, les incitations monétaires augmentent le désir d'un individu d'accroitre la performance et le salaire concomitant. Alternativement, ce désir motive les individus à

25 Keser, C. et Willinger, M. [2000], « La théorie des contrats dans un contexte expérimental: un survol des expériences sur les relations « principal-agent » », Revue d'économie industrielle, vol. 92, n° 1, p. 237.

26 Holmström, B. et Milgrom, P. [1991], « Multitask Principal-Agent Analyses: Incentive Contracts, Asset Ownership, and Job Design », Journal of Law, Economics and Organization, vol. 7, Special Issue, p. 24.

exercer l'effort coûteux parce que les augmentations de l'effort sont présumées mener directement aux augmentations de la performance prévue.

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway